HISTOIRE DES ARTS : GUERNICA – PABLO PICASSO - 1937

PABLO PICASSO (1881-1973) Peintre, dessinateur et sculpteur espagnol ayant passé la majeure partie de sa vie en France. Fondateur du CUBISME (avec Georges Braque) Engagé contre la guerre. Le 5 octobre 1944 il adhère au Parti Communiste Français. En 1949 il peint la Colombe de la Paix pour son adhésion au Conseil Mondial de la Paix.

CONTEXTE La Guerre Civile Espagnole, oppose le gouvernement républicain aux troupes nationalistes du général Franco, allié à l’Allemagne Nazie. Le 26 avril 1937 la Légion Condor (l’aviation allemande) bombarde la ville basque de Guernica. 1500 personnes sont tuées lors du bombardement. Picasso apprend la nouvelle par la presse (photos de la ville détruite), très choqué par ce massacre de civils, il commence son œuvre quelques jours plus tard.

GUERNICA

TECHNIQUE Huile sur toile

COMMANDITAIRE L’œuvre est commandée par le gouvernement républicain espagnol. DATE Réalisée à Paris en moins d’un mois, à partir du 1er mai 1937. Elle est exposée le 25 mai 1937 au pavillon espagnol de l’Exposition Universelle à Paris.

DIMENSIONS 3,49m de haut sur 7,76m de large. (taille monumentale) En peinture, une œuvre de grand format est traditionnellement réservée au sujet d’Histoire, considéré comme le genre le plus noble.

LIEU DE CONSERVATION Picasso refusait d’exposer l’œuvre en Espagne avant le retour de la démocratie. Guernica reste donc au MOMA de New York jusqu’en 1981, date de son retour en Espagne, au Musée du Prado, puis en 1992 au Musée de la Reine Sofia à Madrid.

DESCRIPTION / ANALYSE

TAILLE Ce tableau imposant permet au spectateur de s’immerger dans la scène pour mieux ressentir les émotions dégagées par l’œuvre.

COULEURS Bruns, gris, ocres, noir et blanc. La dominante noir et blanc évoque les photos de presse dont Picasso s’est inspiré pour réaliser son œuvre. Les traits noirs sur le cheval évoquent les caractères typographiques des journaux. L’utilisation de plusieurs sources lumineuses permet de renforcer l’aspect dramatique de la scène par un jeu de contrastes mettant en évidence les actions et les émotions.

DECOR CHAOTIQUE La scène se situe à la fois à l’intérieur (carrelage, lucarne, lampe au plafond) et à l’extérieur (toits). Il n’y a pas de perspective, les corps et les objets sont enchevêtrés. L’éclairage met en avant les personnages sur un fond très sombre par des contrastes violents. Il est impossible de dire s’il s’agit du jour ou de la nuit. Les mouvements et les regards se dirigent dans tous les sens. Les corps sont démesurés, les expressions exagérées. Tout ceci contribue à donner une impression de désordre et de chaos dans cette scène de massacre.

PERSONNAGES ET OBJETS

1

2

3

4

5

6

7 8

1/ La mère et l ’enfant : femme tenant son enfant mort (tête renversée, bras tombant, visage figé) dans les bras et hurlant sa détresse (yeux en larme, langue en pointe). Cette figure renvoie à la Piéta, la Vierge Marie tenant le Christ mort dans ses bras, il s’agit d’une figure centrale de l’art occidental. 2/ La femme à la lanterne : elle surgie de la droite par une fenêtre, étirée par un long bras tendant une lampe à huile. Cette faible lumière s’oppose à l’éclairage violent des flammes et du bombardement, elle symbolise l’espoir et la revanche des républicains. 3/ La femme blessée : en bas à droite, une femme se traine péniblement, un genou à terre. Elle relève la tête dans une attitude implorante et regarde la lanterne tendue au dessus d’elle. 4/ La femme aux bras levés : tout à fait à droite une femme désespérée lève les bras, elle est entourée de flammes et tourne le regard vers une petite fenêtre carrée blanche au dessus d’elle. Cette figure aux bras levés évoque le tableau de Tres de mayo de Goya (1814). 5/ Le soldat : au sol, en bas du tableau, un soldat gît les bras étendus, disloqués ou coupés. Sa main gauche, crispée, montre une paume laissant voir un réseau de lignes entrecroisées qui rappelle la main d’un travailleur. Son autre main tient une épée brisée, symbole de l’échec des républicains face aux armes puissantes de leurs ennemis. Au dessus de cette main pousse une petite fleur, symbole d’espoir et de renouveau. 6/ Le cheval : il représente pour Picasso le peuple espagnol. Son corps est transpercé dune lance dont la pointe ressort par le flanc. Ses mouvements sont dramatiques, il semble s’effondrer, et son expression traduit la douleur (sa langue pointue évoque un cri perçant). 7/ Le taureau : symbole de la brutalité, il renvoie à l’agresseur fasciste. Ses yeux fixent le spectateur, son profil attire le regard vers une queue enroulée telle une spirale de fumée. Il peut également évoquer la figure du Minotaure, terrible créature mythologique mi homme mi taureau. 8/ L’oiseau : sur un coin de table, à droite du taureau, un oiseau s’affole, plongé dans l’ombre. Il peut renvoyer à la colombe, mais son attitude traduit surtout le désespoir et l’impuissance. La lampe et les f lammes : en haut du tableau, au centre, une lampe domine la scène, elle ressemble à un œil nimbé de flammes. Les flammes, peu présentes dans le tableau sont toutes représentées par des formes claires et triangulaires à l’image de dents acérées. La lampe et les flammes peuvent symboliser les bombes et la destruction, ainsi que la domination des nationalistes à travers ce grand œil inquiétant. MESSAGE DE L’ŒUVRE Cette œuvre dénonce le massacre d’innocents par les nationalistes espagnols et les nazis. Tout dans cette œuvre évoque un sentiment d’horreur et de chaos (format monumental, contrastes violents, déformation et mutilation des personnages, références religieuses et mythologiques, fragmentation de la composition). A travers cette œuvre Picasso mélange ses références personnelles : origines espagnoles (tauromachie, corrida), opinions politiques (communisme et lutte pour la paix), religion et mythologie, et enfin le cubisme, considéré par les nazis comme un art dégénéré. Avec Guernica, Picasso nous plonge dans une scène d’horreur pour nous contraindre à prendre position contre ce massacre, il nous oblige à regarder pour mieux nous amener nous aussi à contester cette barbarie.

ŒUVRES EN LIEN

Tres de Mayo, Francisco de Goya, 1814 La piéta, Michel-Ange, 1498-1499 Le Radeau de la Méduse, Théodore Géricault, 1818-1819 Le minotaure et jument morte devant une grotte, Pablo Picasso, 1939 Massacre en Corée, Pablo Picasso, 1951 La guerre, Otto Dix, 1932 Masques Bobo- Fing du Congo