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3/5 RUE SAINT GEORGES 75009 PARIS - 01 40 54 11 00 15/21 JUIL 10 Hebdomadaire Paris OJD : 88055 Surface approx. (cm²) : 2364 N° de page : 8-12 Page 1/5 JACOB2 8375474200501/GDF/AMR/2 Eléments de recherche : *** DONNER LA PAGE ENTIERE ET LES DOSSIERS ENTIERS*** EDITIONS ODILE JACOB ou ODILE JACOB : maison d'édition à Paris 5ème, toutes citations 'actualité 580 MILLIARDS D'EUROS PAR AN Dépenses sociales : f - -••• '«ses- la grande dériv Le "modèle" social français se fissure : on dépense beaucoup, toujours plus et mal. Cette situation peut-elle durer, à l'heure de la rigueur? Par JOSÉE POCHAT C ette fois, c'est parti. Le 6 juillet, François Baroin, le ministre du Budget, a annonce très clairement l'intention du gouverne- ment de réduire les dépenses sociales. Rigueur oblige. Bercy évoque, pour commencer, la fin du cumul de l'aide personnalisée au logement, perçue par les étudiants, et de la demi-part fiscale pour enfant à charge, dont bénéficient leurs parents, la suppression des allé- gements de charges pour les emplois à domicile et de la déduction de l'impôt sur le revenu des intérêts d'un crédit immobilier (aide promise et accordée par Nicolas Sarkozy en 2007, au lende- main de son élection). La trânce vient de s'engager auprès de Bruxelles à réa- liser des economies de 100 milliards d'euros en trois ans, pour reduire ses déficits. Apres les promesses de remise en ordre de nos comptes publics, et alors que les pays européens annoncent les uns après les autres des plans de rigueur drastiques, n'était-il pas illu- soire d'imaginer que la France, pays champion du monde des dépenses sociales, résoudrait sa propre équation sans douleur ? « Aides sociales, dépenses de santé, retraites, assurance chômage.. la France redistribue chaque année 580 milliard'; d'euros, souli- gne Pierre Méhaignene, president de la commission des affaires sociales de l'As- semblée C'est le prix de ce que l'on nomme l'Etat-pro- vidence. Certes, ces dépenses sont un formidable réduc- teur d'inégalités, puisque les 20 % de Français les plus pauvres voient leurs revenus augmenter de 50 % grâce à l'aide sociale, maîs, dans le même temps, ce niveau de prestation peut étouffer l'emploi », reconnaît — timidement — l'ancien ministre, en soulignant que Jérôme Vignon, le président des Semaines sociales de France, partage cette ana- lyse quand il constate que « la france na pas de résultats, à la mesure de ses dépenses sociales ». L'économiste Michel Godet aussi, quand il affirme que « notre système de protection est certes nécessaire, maîs inefficace et contre- "Notre système de protection est certes nécessaire, mais inefficace et contre- productif." productif» (lire son interview page W). Même les travailleurs sociaux ne défendent plus le schéma social fran- çais: « C'est incontestable, on gaspille beaucoup dans le social, confie une directrice d'un centre d'information sur les droits des femmes et des familles. Les prestations finissent par enfermer les populations en difficulté. Ce sont par exemple ces chô- meurs qui choisissent des formations rémunérées mais qui n'apporteront rien aleur projet professionnel. On continue ainsi à former des secrétaires alors que tout le monde sait que ce métier est en voie de disparition. Les entreprises, petites ou grandes, n'en embauchent plus. Même les PDG écrivent eux-mêmes leurs mails. Autre exemple bien connu des assistantes sooafes,pour- suit-elle, l'allocation de rentrée scolaire versée en septembre permet souvent aux familles de s'équiper d'un écran plat. Pourquoi ne pas verser ces sommes aux écoles, qui achèteraient elles-mêmes livres et fournitures scolaires auxenfants ? On pourrait malheureusement multiplier les exemples de ce type, de dépenses inef- ficaces ou détournées », regrette-t-elle. Le constat finit presque par faire l'unanimité : le social, c'est beaucoup

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'actualité

580 MILLIARDS D'EUROS PAR AN

Dépenses sociales :f - -••• '«ses-

la grande dérivLe "modèle" socialfrançais se fissure :on dépense beaucoup,toujours plus et mal.Cette situation peut-elledurer, à l'heurede la rigueur?Par JOSÉE POCHAT

Cette fois, c'est parti. Le6 juillet, François Baroin,le ministre du Budget, aannonce très clairementl'intention du gouverne-

ment de réduire les dépenses sociales.Rigueur oblige. Bercy évoque, pourcommencer, la fin du cumul de l'aidepersonnalisée au logement, perçue parles étudiants, et de la demi-part fiscalepour enfant à charge, dont bénéficientleurs parents, la suppression des allé-gements de charges pour les emplois àdomicile et de la déduction de l'impôtsur le revenu des intérêts d'un créditimmobilier (aide promise et accordéepar Nicolas Sarkozy en 2007, au lende-main de son élection). La trânce vientde s'engager auprès de Bruxelles à réa-liser des economies de 100 milliardsd'euros en trois ans, pour reduire sesdéficits. Apres les promesses de remiseen ordre de nos comptes publics, et

alors que les pays européens annoncentles uns après les autres des plans derigueur drastiques, n'était-il pas illu-soire d'imaginer que la France, payschampion du monde des dépensessociales, résoudrait sa propre équationsans douleur ?

« Aides sociales, dépenses de santé,retraites, assurance chômage.. la Franceredistribue chaque année580 milliard'; d'euros, souli-gne Pierre Méhaignene,president de la commissiondes affaires sociales de l'As-semblée C'est le prix de ceque l'on nomme l'Etat-pro-vidence. Certes, ces dépensessont un formidable réduc-teur d'inégalités, puisque les20 % de Français les pluspauvres voient leurs revenusaugmenter de 50 % grâce àl'aide sociale, maîs, dans lemême temps, ce niveau deprestation peut étouffer l'emploi »,reconnaît — timidement — l'ancienministre, en soulignant que JérômeVignon, le président des Semainessociales de France, partage cette ana-lyse quand il constate que « la francena pas de résultats, à la mesure de sesdépenses sociales ». L'économiste MichelGodet aussi, quand il affirme que« notre système de protection est certesnécessaire, maîs inefficace et contre-

"Notresystème

de protectionest certes

nécessaire,mais

inefficaceet contre-productif."

productif» (lire son interview page W).Même les travailleurs sociaux nedéfendent plus le schéma social fran-çais: « C'est incontestable, on gaspillebeaucoup dans le social, confie unedirectrice d'un centre d'informationsur les droits des femmes et desfamilles. Les prestations finissent parenfermer les populations en difficulté.

Ce sont par exemple ces chô-meurs qui choisissent desformations rémunérées maisqui n'apporteront rien aleurprojet professionnel. Oncontinue ainsi à former dessecrétaires alors que tout lemonde sait que ce métierest en voie de disparition.Les entreprises, petites ougrandes, n'en embauchentplus. Même les PDG écriventeux-mêmes leurs mails.Autre exemple bien connudes assistantes sooafes,pour-

suit-elle, l'allocation de rentrée scolaireversée en septembre permet souvent auxfamilles de s'équiper d'un écran plat.Pourquoi ne pas verser ces sommes auxécoles, qui achèteraient elles-mêmes livreset fournitures scolaires auxenfants ? Onpourrait malheureusement multiplierles exemples de ce type, de dépenses inef-ficaces ou détournées », regrette-t-elle.

Le constat finit presque par fairel'unanimité : le social, c'est beaucoup

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Baroin.Le gouvernementvient d'annoncerson intention deréduire les dé-penses sociales.

Méhaignerie.Selon l'ancienministre, le mon-tant de la redis-tribution croîtde 4,5 % par an.

Godet."On n'a jamais eule courage d'accor-der une aide en exi-geant une contre-partie d'activité."

d'argent dépense, maîs mal. « Etcette somme de 580 milliardsd'euros augmente de 4,5chaque année », précise PierreMéhaignerie. Ce que la Fonda-tion pour la recherche sur lesadministrations et les politiquespubliques (Ifrap) appelle « ledérapage incontrôlé », le « tou-jours plus » de la protectionsociale française qui ne résoutpas pour autant les problèmes.

La Fondation a analyse cette"exception française". SelonEurostat, l'institut statistique del'Union européenne, les dé-penses de notre système redis-tributif ont augmente de 24 %en euros constants depuis 1997.Avec des dépenses sociales quidépassent 30 % du PIB, la Franceest le pays européen (et mêmeprobablement le pays au monde)où les dépenses sociales sont les plusélevées. Entre 1997 et 2007, les aidesaccordées sous conditions de res-sources se sont envolées : +48 % pourles prestations pauvreté et exclusion,+43 % pour les aides aux familles (horsallocations familiales), + 115% pour leminimum vieillesse et TAPA (allo-cation personnalisée d'autonomie),+32 % pour les prestations invalidité...Pour un total qui avoisine les90 milliards d'euros.

La faute à la gauche ? Une idée reçue.Si on doit à des gouvernements socia-listes la CMU, l'APA et la PPE (primepour l'emploi), la droite n'est pas enreste. Sous les présidences de JacquesChirac et de Nicolas Sarkozy, on a vusuccessivement le développement dela CMU, l'augmentation de la PPE etdes prestations liées aux jeunes enfantset surtout la création du RSA. Cesprestations sont venues s'ajouter auxaides plus anciennes, comme le mini-

Inflation.Depuis 1997les dépensesde notre systèmede redistribution

ont augmente14% (en euros constants).

mum vieillesse ( 1956), les exoné-rations de taxes locales (1965),les aides aux adultes handicapés(1975), l'allocation spécifique desolidarité ( 1984 ), l'allocation derentrée scolaire (1986), le RMI(1988)...Problème, note l'Ifrap, « l'em-

pilement des aides auquel lesgouvernements successifs ontpro-lédé depuis trente ans devienti icompréhensibkpour leurs béné-

ficiaires. Elles ne répondent quasi-ment jamais aux mêmes condi-tions, certaines sont forfaitaires,

d'autres dégressives en fonction des reve-nus et les règles de cumul entre elles sontinfiniment compliquées ».

« Politiques de droite comme politiquesde gauche ont en réalité conduit laFrance à un niveau de protection socialemonétaire qui ne peut guère connaîtrede nouveaux développements sans redé-finition des missions sociales publiques »,résume la Fondation. Il ne reste plusgrand monde pour le contester. Resteà passer à l'acte... •

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Entretien. L'économiste Michel Godet dénonce les mauvais

"Assez d'assistanat sansLa France est le payschampion du mondede la dépense sociale...et de l'insatisfaction.Encore une "exceptionfrançaise", analyséesans concessionpar ce professeur auConservatoire nationaldes arts et métiers.

La dérive de nos dépenses deprotection sociale est largementfinancée par la dette. Cettesituation peut-elle durer ?

Méfions nous de l'amalgame entredeficit public et dépenses sociales Jene suis pas sûr que les prestationssociales doivent être montrées du doigtcomme source d'économies Fn revan-che, il est clair qu'il faut les affecter defaçon plus efficace Nous dépensonsbeaucoup pour la solidarite et c'estnormal, maîs ces dépenses sont tropsouvent inefficaces et c'est anormal

Un exemple concret la collectivitéconsacre 60 euros a 90 euros par jour,selon les sources, aux IOU DOO SDF Dixmille travailleurs sociaux sont affectesa cette population Quand on sepenche sur l'aide réelle aux SDF, ons'aperçoit que 90 % des sommes enga-gées financent les brancardiers, lesbrancards, bref les professionnels del'action sociale Bel exemple d'ineffi-cacité, ou l'argent sert a entretenir lareparation plutôt qu'a faire de laprevention en s'attaquant aux vraiescauses de l'exclusion II faut aider ceuxqui sont a la rue a s'en sortir plutôt queles y maintenir dans des tentes régu-lièrement renouvelées

Parmi les SDF, 40 % sont issus de laDass Ce sont des blesses de la routefamiliale Les responsables sont lesparents défaillants et non la societe, quidoit cependant s'en occuper Les 60 %restant sont souvent des hommes seuls,tres peu qualifies et qui ont rencontre

un probleme de sante Un tableau quiconduit a etre éjecte du monde dutravail et a produire des individusinemployables Pourquoi, au lieu d'imposer des examens de sante pour entrera la RATP (par exemple) pour travaillerderrière un guichet, on ne réserveraitpas justement ces emplois a ces personnes accidentées de la vie, quitte a lesfaire travailler en binôme?

Comment agir sur les défaillances fami-liales ? Face a toutes cesfemmes qui élèvent seulesleurs enfants, que fait-onpour retrouver les peres etles contraindre a participerréellement a l'éducation deleurs enfants? Rien Alorsque celui qui fait un excesde vitesse dè 5 kilomètres-heure sur l'autoroute estretrouve dans les drx joursRécemment, j'ai croise unefemme qui élevé seule unenfant, avec 900 euros Lepere de l'enfant est policieret lui verse seulement 90 euros parmois de pension alimentaire II seraitquand même simple de le retrouver etde le mettre face a ses responsabilités

Maîs non, on préfère dire a la merequ'elle va bénéficier de l'allocationparent isole En réalité, les travailleurssociaux entretiennent une politique deguichet Parce qu'ils ne savent pas faireautre chose, alors qu'il faudrait accom-pagner les individus en difficulté dansune dynamique de projet et non lesassister

Nos systemes sociaux sont suffisantspour que ceux qui sont au bas del'échelle s'en sortent Le probleme vientde ceux qui en profitent de façon abu-sive Comme les parents qui touchentdes allocations sans même s'assurerque leurs enfants vont a l'école. Ils n'ontpas que des droits, maîs aussi un devoird'éducation Si les parents ne leremplissent pas, il faut placer lesenfants dans des internats, en leurdonnant des bourses Pourquoi n'at-on jamais de difficultés avec lesenfants d'origine asiatique? Tout

"Certainsvivent

avec 2 eurospar jour...

une fois payésles téléphones

portables,les cigaretteset Canal Plus."

simplement parce que leur educationest restée stricte, sans deficit d'auto-rité La famille remplit son devoirpremier, celui d'eduquer les enfants

Je croîs qu'il est temps d'être plusinterventionniste dans les quartierssensibles pour en tirer les jeunes quisont condamnes si on ne les sort pas deleur cite C'est pour cela que je suis unlibéral interventionniste, libéral parceque social Le marche est domine par

le court terme et la mixitésociale ne se construit passans intervention publiqueDans le XVIe arrondis-sement de Pans, les gens nes'aperçoivent de rien, par-tent dans leur maison decampagne le week end,leurs enfants se fréquententen circuit ferme dans desrallyes On est en tram defabriquer une societe deghetto, a la sud africaineEn Ile-de-France, c'est déjàfait

A l'inverse, l'action sociale est inaptea remettre les gens tombes a terre enselle de façon économiquement viableVous dites que l'on entretient une poli-tique de guichet, signifiez-vous par làque l'on a développé l'assistanat ? Biensûr Les politiques n'ont jamais eu lecourage d'accorder une aide enexigeant une contrepartie d'activitéCe devrait pourtant être une regled'or pas de revenu sans contrepartied'activité C'est une question de digni-té pour les individus et d'efficacitépour la societe

L'exemple du RSA et de ses effetspervers est symptomatique Une foisde plus, l'enfer est pave de bonnesintentions La généreuse idee de cedispositif consistait a dire que celui quireprenait un emploi rémunère au smicne devait plus perdre d'argent en seremettant a travailler, par le jeu desaides qu il perdait automatiquementMaîs on a construit le dispositif detelle manière que celui qui travaille26 heures par semaine et touche le RSAbénéficie de plus d'avantages et de

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es dépenses de la protection sociale.

contrepartie"revenus que le travailleur, au smic, àplein temps. En voulant inciter les gensà retravailler, on décourage lessmicards, avec en plus des dispositifstellement complexes qu'il a fallu recru-ter des milliers de personnes et fermerles CAF débordées par les dossiersdignes de notre "modèle soviétiqueréussi".Comment sortir de cette logique del'assistanat?En remettant les individusdans une dynamique de projet. Sur leterrain, il y a une guerre de religionentre ceux qui pensent qu'il faut partirdu soutien social par les aides pouraccompagner les individus vers l'éco-nomique, et ceux qui croient aucontraire, comme moi, que l'in-sertion se fait grâce à l'éco-nomique. On s'est renducompte qu'en confiant à unchômeur la responsabi-lité, au sein d'une entre-prise, de réveiller unprojet dormant, on leremet en situation detravail. Même si le projetn'aboutit pas, la personneest redevenue employable,notamment parce qu'elleest sortie de î'assistanat.

On lui a fait ce cadeau de lui dire :« Lève-toi et marche. » La clef est là.C'est la même chose avec le handicap.

Dans sa thèse, Bachir Kerroumi, lui-même aveugle, a montré que le handi-cap était une différence à positiver.Quand on embauche un handicapé, laproductivité globale du service où il aété placé augmente. Pourquoi ? Parceque tout le monde se met à l'aider etque cela crée du sens et du lien. Il fautredonner des responsabilités aux gens,les mettre en situation. L'insertion esten soi formatrice. Il ne faut pas former

les gens pour leur donner un emploi,il faut les insérer pour leur donner uneformation qui débouchera sur unemploi. On ne forme pas pour l'em-ploi, mais par l'emploi. En France, onpréfère malheureusement donner auxchômeurs des formations bidon. Enmaintenant les personnes en difficultédans l'assistance, on les condamne ày rester.Nous sommes très éloignés du conceptsocial que vous défendez ? Le schémasocial français, c'est assurer l'assistancepuis ensuite attendre que les individusreviennent vers le monde économique.On s'en sort d'autant moins que lespersonnes en difficulté sont entre lesmains de travailleurs sociaux quifondamentalement pensent qu'ils nesont pas là pour panser les plaies ducapitalisme. Ce sont des nostalgiquesdu mur de Berlin. Ils ne sont pasmécontents d'entretenir l'image d'unmauvais système. Il est certes perfec-

tible, mais n'oublions pas que notreespérance de vie a augmente de

quarante-quatre ans depuis 1900et le revenu par habitant de 50 %depuis 1980. Si les Français qui

vivaient au moment de laguerre de 1914 revenaient, ilsnous diraient : « Vous pleurezla bouche pleine. » Au lieud'être conscient de ces avan-

cées, de ce que l'on possède, onest frustré de ce que l'on n'a pas.Comment expliquer justement

qu'en étant le pays qui dépensele plus en redistribution sociale,on ressente un tel sentiment

d'insatisfaction ? Je reprendscette image parlante : « Quand

mon voisin s'achète une grosse

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pour mieux vousel vis votre ree"'

ou v*

Chômage. Selon Michel Godet, celui qui travaille, avec le RSA, 26 heurespar semaine gagne plus qu'un travailleur au smic à plein temps.

voiture, mon niveau de vie relatif baisse.Que voit-on quand on analyse laprécarité ? On découvre une premièrepauvreté, monétaire : tous ceux qui ontmoins de 1900 euros par mois, pourune famille avec deux enfants. C'estpeu, mais en province, vous avez desfamilles qui, avec ce niveau de vie, s'ensortent, élèvent bien leurs enfants,partent en vacances en caravane. Ladeuxième catégorie, ce sont tous ceuxqui ont des fins de mois difficiles parcequ'ils dépensent plus que ce qu'ilsgagnent. Une catégorie comprenantaussi des personnes à qui il reste deuxeuros par jour, une fois payés les télé-phones portables, les cigarettes etCanal Plus.

La France est le seul pays où depuisvingt ans, la moitié de la population apeur de tomber dans l'exclusion, où lesjeunes sont aussi pessimistes face àl'avenir. Non, en réalité, O n'y a pas deraison d'être inquiet pour les j eunes, ilsvivront plus longtemps et seront rareset donc convoités par les entreprises, àcondition qu'ils aient envie de travailler.On ne leur rend pas service en les assis-tant. Cette idée saine, de simple bonsens en réalité, n'est pas nouvelle. SousJean le Bon, en 1351, on disait que fairel'aumône à un bien-portant était undélit. On distinguait les valides des inva-lides. Les premiers devaient travailler,les seconds être aidés. On se lamentetoujours devant le taux communémentadmis de 25 % de jeunes au chômage.Ce n'est pas si simple. Il s'agit de la partdes 16 à 25 ans qui se présentent surle marché du travail. On oublie les

60 % de jeunes qui font desétudes. En réalité, ce sontseulement 10 jeunes sur 100que nous croisons dans larue qui sont au chômage.

C'est-à-dire la moitié des20 % d'une classe d'âge enéchec scolaire non em-ployable, faute de "savoir-être" minimal,Au fond, vous êtes plutôt optimiste ? Oui,parce qu'entre un bateau qui coule etun bateau qui flotte, il n'y a pas ungrand écart. Ce qui me réjouit, c'est quenous connaissons l'ampleur de nosgaspillages. Nos dépenses publiques(54 % du PIB) sont plus élevées de6 points que la moyenne de l'Unioneuropéenne. Soit 120 milliards d'euros.Le montant des économies réalisablesest à la hauteur de nos gaspillages.

On n'arrête pas d'entendre que l'as-censeur social est en panne. C'estencore une bêtise. Si l'ascenseur par lesdiplômes ne fonctionne plus parcequ'ils sont dévalués, on peut toujoursse construire un escalier par ses compé-tences et ses efforts. Je pourrais racon-ter dix, vingt, cinquante belles histoiresde jeunes ou de moins jeunes qui sesont battus, ont entrepris, en partantd'un projet qu'ils ont défendu, et quiont réussi.

Comme celle de ce jeune agriculteurde Machecoul, Pascal Beillevaire. Sesparents avaient 60 vaches, ils vendaientdu lait caillé au marché. Avec le déve-loppement de la grande distribution,l'exploitation était condamnée. Cejeune a décidé de se battre, il a réfléchi.

Il avait la bosse du commerce. Trenteans après, il est devenu producteur etpremier affineur français de fromageau lait cru. Il est à la tête de plusieursdizaines de magasins, dont 18 à Paris.Nicolas Sarkozy nous promettait la rup-ture, où la voyez-vous dans nos pratiquessociales et dans l'évolution de la dépensepublique ? J'ai été un déçu du socia-lisme, je suis maintenant un déçu dusarkozysme. La France, qui se vantaitd'être un modèle soviétique réussi,risque d'échouer. La socialisation del'économie française a commencé sousGiscard d'Estaing : la dépense publiqueA augmente d'un point de PIB par an,durant son septennat. C'était les débutsde la dérive cles dépenses, trajectoire

dont nous n'avons jamaisdévié. Depuis dix ans, laFrance est le seul pays dela zone euro où le PIBaugmente moins vite quele revenu distribué. On avécu au-dessus de nosmoyens en prenant dans lapoche de nos enfants.

C'est irresponsable. Onne s'est pas rendu compteque l'on était comme laGrèce, anesthésiés par l'eu-ro. Maintenant, on n'a plusle choix, si on ne veut pas

être relégués par les Allemands dans les"pays du Club Med". Ils nous laisse-raient l'euro comme un "sous-mark".

On est à un tournant où la Francedoit arrêter de vivre dans l'illusion,cesser de penser qu'il est possible detravailler moins que les autres, (troissemaines de moins, par habitant, trèsexactement, que la moyenne commu-nautaire) . Avec un coût du travail deve-nu 10 % supérieur à celui de l'Allema-gne, une tendance logique puisque l'onpaye les gens trente-neuf heures pourtravailler trente-cinq heures. L'Alle-magne représente 40 % de notre défi-cit industriel, elle n'est pourtant pas unpays à bas salaires.

Demain, il faudra remettre la Franceau boulot, et dans certains cas,travailler plus pour ne pas gagner

Propos recueillis par

JOSÉE POCHATmoins.

A lireLe Couragedu bon sens.Pour construirel'avenirautrement,Odile Jacob,464 pages, 22 €.