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LE CHEFDate : Mai 2019Pays : FR
Périodicité : MensuelOJD : 7678
Page de l'article : p.1,27,28,29,...,32Journaliste : Alexianne Lamy
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BAUMANIERE 0544276500524Tous droits réservés à l'éditeur
depuis 1986le Chefn° 294 - 5 euros
LE MAGAZINE DES CHEFS DE CUISINE Mai20i9
La folie des food courts
Tour de table
La vanille
Parlons produit
Loïc Colliau
Chef pâtissier
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Page de l'article : p.1,27,28,29,...,32Journaliste : Alexianne Lamy
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Glenn VielL’Indomptable
Débordant d’idées et bouillonnant d’énergie, Glenn Viel est le chef depuis 4 ans de L’Oustau de Baumanière,
la table du domaine mythique de Baumanière reprise par Jean-André Charial en 1993 au pied des Alpilles.
Déterminé à reconquérir la troisième étoile qui brilla jadis pendant 35 ans, Glenn Viel joue de sa riche expérience
et de son éternelle jeunesse d’esprit pour apporter de la contemporanéité en cuisine tout en s’attachant
à conserver ce qui en fait la renommée. Une plongée au cœur de la Provence d’une grande authenticité.
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a cuisine a évolué parce que j’évolue en tant qu’homme.
Jeune, tu conçois des plats que tu n’arrives pas à
refaire parce que tu n’es pas prêt techniquement. Vers
35 et 45 ans, tout est un peu en harmonie. Si tu ne trouves pas ton style
à ce moment-là c’est fichu ! » s’amuse Glenn Viel, actuel chef de
L’Oustau de Baumanière, la table doublement étoilée du do¬
maine de Baumanière en Provence. S’il peut se targuer d’avoir
atteint une sérénité en cuisine, c’est que le Breton d’origine
a su se forger, en bon baroudeur, une solide personnalité au
gré de ses multiples expériences.
Cette bougeotte, il l’acquiert très certainement enfant, quand il
déménage de Satory à Poitiers, en passant par Le Mans ou La
Réunion au gré des mutations de son père, militaire. Quand
arrive le moment du choix d’orientation scolaire, Glenn Viel
hésite à suivre les pas de son père en intégrant l’armée, imiter
d’autres membres de sa famille en optant pour la cuisine ou
encore embrasser une carrière... d’humoriste ! Finalement ce
sera la cuisine avec un BEP à Saint-Quay-Portrieux en Bre¬
tagne. Il poursuit en bac pro à l’école Sainte Catherine au
Mans et effectue son stage chez Joël Boillaud à l’Hostellerie du
Nord à Auvers-sur-Oise. Le chef le place ensuite au Meurice
en 2000 dans la brigade de Marc Marchand. «J’arrivais de ma
campagne et je découvrais cette cuisine exceptionnelle de palace avec tous ses
cuivres... Cela reste un moment inoubliable. » Pourtant, les premiers
pas s’avèrent compliqués. « C’était particulièrement éprouvant. Heu¬
reusement, j’avais reçu une éducation très stricte ce qui m’a certainement
aidé à tenir le coup. » A ses côtés dans la brigade, il rencontre Fré¬
déric Simonin, Gaël Orieux, Nicolas Sale, Frédéric Marquet ou
encore François Perret. «Ily avait dans cette équipe une vraie solidarité
et une belle osmose. C’est rare ! » se souvient-il. Et quand deux ans
et demi plus tard, Marc Marchand quitte le palace de la rue de
Rivoli, Glenn Viel fera de même. «Je suis incapable de mouiller le
maillot sous le même toit pour un autre chef ! » C’est ainsi qu’il arrive
au Plaza Athénée auprès de Jean-François Piège alors chef de
cuisine. « C’était un rêve de gamin de travailler pour Alain Ducasse mais
je n’ai pas forcément adhéré à l’endroit. En parallèle, j’ai des petits tracas
personnels qui s’accumulent et qui me font dire que c’était le moment de
changer d’air. »
LA LOYAUTÉ D'UN COMBATTANT
Nous sommes alors fin 2003. Nicolas Sale l’appelle. Il va en¬
dosser une place de chef au Hyatt Madeleine à Paris. «Je le
rejoins en chef départie en concurrence avec deux ou trois autres cuisiniers
puis finalement je prends la place de sous-chef. » Désormais dans
l’écurie Hyatt, il est muté au Hyatt Regency à Casablanca au
Maroc en tant que sous-chef exécutif. «Ils’agissait d’une structure
beaucoup plus importante, assez compliquée à gérer. Ilfaut s’adapter à
une autre culture, au manque de motivation du personnel... Finalement,
j’étais trop jeune et je n’avais pas les épaules », analyse-t-il avec le
recul. Lejeune sous-chef n’en montre pas moins une capacité
à endosser certaines responsabilités. « Les gens qui m’entouraient,
notamment les serveurs, étaient très maigres. Au bout d’un an, je suis
allé demander pour eux une petite augmentation à la direction. » Une
demande refusée nette et une demi-heure plus tard, Glenn
Viel posait sa démission. «Je ne fais pas dans la demi-mesure ! Je
ne voulais plus travailler avec ce genre de personnes. »
De nouveau, Nicolas Sale désormais chef au Monte-Cristo
de l’hôtel du Castellet lui propose de venir l’aider. Un coup
de main de trois mois avant que Glenn Viel n’endosse sa pre¬
mière place de chef à 28 ans en 2007, au restaurant Peron
à Marseille. Dans les cuisines de cette table surplombant la
mer, le jeune chef décroche dans la foulée sa première étoile
Michelin. «A chaque fois je me lance à fond. Je souhaite toujours être
à la hauteur du challenge et du choix du patron. » Au bout d’un an,
Glenn Viel se voit proposer un nouveau défi : ouvrir en tant
que co-associé avec Mickaël Gracieux et son épouse, l’Aro¬
mate à Nice. «Nous avions beaucoup d’ambition
mais Mickaël avait 10 ans de plus que moi, un
très beau parcours et je me sentais considéré comme
un chef de partie. » Ne se sentant plus à sa
place, l’expérience coupe court. «J’ai éga¬
lement ressenti le besoin à cette époque d’arrêter
la gastronomie, se souvient-il. J’étais un peu
perturbé par l’attitude de la clientèle qui change
quand elle se rend dans un restaurant étoilé. Elle
met un curseur assez haut et je n’étais pas encore
prêt à cela. »
LES MONTAGNES RUSSES
Le chef met alors cap sur la Corse et largue
les amarres à la Caravelle, la brasserie de
Jules Filippeddu à Bonifacio. «Dans une bras¬
serie, on est entre amis, en famille. C’est déjà propice
à passer un bon moment ! » En cuisine, le chef
mise sur une «cuisine honnête, de beaux produits.
Je m’adapte au lieu et à son débit mais je ne me
fourvoie pas. J’ai adoré travailler là-bas. » Chef
d’un établissement saisonnier, Glenn Viel
profite en famille des coupures hivernales
les trois premières années avant que Nicolas Sale - alors chef de
la table étoilée du Kilimandjaro à Courchevel - ne lui propose
de prendre sa suite en cuisine. En effet, la famille Cappezone,
propriétaire des lieux, ouvre dans la station un second hôtel
UoÛsîÂÙ À RwÈNçÀ t îl n lsâNnMBLÉMWIQÛË
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le K2. Nicolas Sale est promu chef exé¬
cutif du groupe et passe aux fourneaux
du nouvel établissement. Commence
alors l’alternance pour Glenn Viel entre
la Corse l’été et Courchevel l’hiver. Au
Kilimandjaro, Glenn Viel ne compte pas
les heures et s’investit pleinement comme
à son habitude. Stratégie payante, l’année
suivante sa cuisine est saluée d’une deu¬
xième étoile Michelin. L’euphorie sera de
courte durée. Les relations n’étant plus au
beau fixe, Glenn Viel quitte le Kilimand¬
jaro à la fin de la saison.Laurent Soustelle et l'équipe de salle
Les mots clefs de Glenn Viel
PSYCHOLOGIE
Je fragmente tous mes plats selon cette ré¬
partition : 50 % de goût, 25 % de texture,
15 % de psychologie et 10 % de hasard !
La psychologie, c'est la manière dont va
jouer l'environnement dans l'appréhension
du plat qui, bien qu'identique, ne sera pas
perçu de la même façon.
CAILLOUX
J'ai inventé les cailloux d'assaisonnement
dont le brevet a été déposé en 201 8. Jecherchais à remplacer le sel par quelque
chose de corsé, qui ait du caractère. J'ensuis venu à réfléchir à la concentration des
goûts. Mais comment la réaliser de telle
sorte que cela puisse s'apparenter au sel ?
En l'amenant sous format caillou ! Avec les
cailloux on peut concentrer tous les goûts.
Carotte, céleri ou encore langoustine, c'est
à chaque fois un monoproduit. Le caillou
se râpe sur le produit, va fondre et donner
une tout autre dimension au plat.
JUS
Je réalise des jus de légumes qui sont
associés à l'alimentation de la bête. Par
exemple, avec du cochon je vais réaliser
un jus de maïs, pour du veau un jus deconfiture de lait et foin et un jus de bulots
pour de la daurade !
CHALEUR
Je me suis penché sur la question de la
chaleur et je me suis rendu compte que
l'inertie dans un plat était très longue !
J'ai donc décidé de revoir à la baisse les
chaleurs et je sers désormais tous les plats
entre 45 et 47°C. Si le plat est trop chaud,
le cerveau va avoir un effet de chaleur et
non pas de goût. Or, la perception dela chaleur est bien plus basse qu'on ne
le pense. Si un plat revient parce que le
client le considère trop froid, cela ne me
frustre plus. C'est mon idée de la cuisine
et je l'assume.
JEAN-ANDRÉ CHARIAL
C'est une personne qui m'apaise, une
vraie force tranquille. Il ne me fait jamais
subir quoi que ce soit de la vie de l'entre¬
prise. Notre duo fonctionne, il sait qu'il
peut compter sur moi. C'est un monsieur àqui j'aimerais ressembler à son âge mais
je n'y arriverai pas parce qu'il est trop
intelligent !
ARTISANAT
Je travaille avec des artisans régionaux
dont le forgeron Joël Rebière, le souffleur
de verre Alban Gaillard et l'artiste-céra-
miste Cécile Cayrol pour la réalisation
d'une partie de l'art de la table. Cette der¬nière disposera même en mai d'un local
à L'Oustau afin quelle puisse y réaliser
nos pièces.
ÉQUIPE
Je fais tout pour que l'on se fasse plaisir et
que l'on se voie grandir en cuisine ! Nous
avons réalisé un travail considérable en 4
ans ! Je garde toujours en tête que notre
personnel représente des clients en interne.
Il faut qu'on leur montre qu'on les aime.
J'ai été dur à mes débuts en tant que chef
mais je ne le suis plus maintenant. Quand
tu es agressif c'est révélateur d'un manque
d'assurance !
MENUS
Nous proposons deux menus : le menu
« Légumes » lancé parJean-André Charial il
y a plus de trente ans et le menu « Ballade
des Baux ». Ils sont volontairement courts
car la concentration est courte au cours
d'un repas. C'est un parti pris également
en cuisine car je trouve que c'est plus facile
de faire un menu avec plein de services de
petites assiettes. Dans un vrai plat, c'est tout
un enjeu d'arriver à un équilibre entre ne
pas arriver au trop-plein et toujours provo¬
quer la petite frustration du : « j'aurais bien
aimé avoir une petite cuillière en plus ! ».
PAINS
Nous proposons des accords mets/pains.
C'est une façon de garder la cohérence
du plat. [Au citron, seigle, sarrasin, figues,
huile d'olive, algues, maïs, noix ou encore
« pain au pain » avec du pain recyclé,
l'équipe de boulangerie de Baumanière
réalise sur place près de 10 pains diffé¬
rents chaque jour, ndlr],
POTAGERS BIO
J'y passe une heure par jour, c'est mon
petit plaisir ! Ces jardins nous permettent
de produire des petits pois, des haricots
verts, des aubergines, des tomates [il afait installer des séchoirs à tomates sur la
terrasse du restaurant, ndlr], des poivrons
et bientôt des asperges. Quand c'est la
saison, je ne me sers que chez moi. Nousl'agrandissons au fur et à mesure avec des
parcelles du domaine. Nous préparonsactuellement la culture d'un champ de blé
à l'ancienne.
NATURE
Je suis un grand fan de nature. La per¬
sonnalité qui m'inspire le plus est le com¬
mandant Cousteau ! Nous adoptons
une véritable démarche écologique à
Baumanière : nous avons un broyeur-dés-
hydrateur afin de générer notre propre
engrais, nos cochons recyclent certains
de nos déchets... Je crois en la légende
du colibri de Pierre Rabhi. On peut tous
agir à notre échelle.
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Il rempile une saison à Courchevel, cette
fois-ci au Cheval Blanc en tant que chef
exécutif lors de sa dernière année à la
Caravelle. «J’avais prfoenu Jules Filippeddu
que je ne resterais que 5 ans à ses côtés. C’est
important de fixer dès le début des objectifs et
des limites. » D’autant plus qu’en Corse,
Glenn Viel fait la connaissance d’un mil¬
liardaire jordanien avec lequel il se lie
d’amitié. « Il faisait du business en Russie
et me propose de le rejoindre pour ouvrir un
magnifique restaurant à Moscou. » Malheu¬
reusement, le projet tombe à l’eau et fin
2014 Glenn Viel est de retour en France.
Dans la foulée, il accepte une mission de
formation de deux mois à Bora-Bora et
s’envole pour la Polynésie française. Or,
c’est dans ce cadre de carte postale qu’il
reçoit, en janvier 2015 un coup de télé¬
phone de Jean-André Charial, chef pro¬
priétaire de L’Oustau de Baumanière,
l’institution gastronomique fondée par
son grand-père aux Baux-de-Provence.
Ce dernier recherche un chef pour assu¬
rer la relève en cuisine suite au départ de
Sylvestre Wahid en 2013. «Au téléphone, je
lui indique ne pas être très intéressé. J’en avais
assez de travailler pour des chefs et je savais
ce que je ne voulais pas revivre ! Je voulais
trouver ma place et je craignais qu’il ne soit
encore très présent en cuisine ! » Finalement,
ils décident de se rencontrer et à peine
de retour en Métropole, Glenn Viel
prend la route pour le Strato, la table
estampillée Baumanière de Courchevel
[depuis la saison 2019 gérée en consulting et
L'asperge une main de fer dans un gant de
velours
IRUITE DU MONT VENTOUX FUMÉE MAISON AU BOIS
DE HÊTRE, PAIN SOUFFLÉ CRÈME ÉPAISSE AU CITRON
Pigeonneau des Costières,
de Grenoble, jus de carcasse à la iavande.
Betterave flétrie, estragon
non plus en location-gérance, ndlrj.
L'UN CHEF,L'AUTRE PATRON
Désormais face à face, la conversation
entre les deux hommes s’engage. « Il
me dit : "vous savez moi maintenant je suis
patron. Je n’ai jamais été à la hauteur pour
avoir trois étoiles et c’est mon rêve pour la mai¬
son. Vous avez carte blanche". » Le discours
fait mouche. « Il avait dit le mot 'patron'
et non pas 'chef. C’est ça qui m’a décidé à
venir. » Un essai concluant réalisé deux
semaines plus tard et Glenn Viel réalisait
son premier service, le 6 mars 2015, en
tant que chef des cuisines de L’Oustau
de Baumanière. « Quand je suis arrivé dans
la maison, j’ai eu un coup de cœur, de vrais
frissons. Je me suis dit : "c’est ici quej’essayerai
d’avoir les trois étoiles et pas ailleurs ! ". » Pour
Photos ©Myphotoagency.com/Benard Aurélien
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Chocolat Baumanière, orges perlées pulpe deWHISKY ET GLACE BAILEYS
ce faire, il prend le temps d’analyser la
situation. « C’était une maison qui dormait. Il
fallait remettre certaines fondations », se remé¬
more-t-il. « Avec Olivier Duprez, directeur
de Baumanière - arrivé en même temps que
moi - nous avons recréé toute une dynamique.
J’ai revu la carte, enlevé les fruits confits de la
fin de repas, renouvelé l’art de la table... La
première année, j’ai craint qu’on nous retire la
RepèresCA 2018 (L'Oustau de Baumanière
uniquement) : 4,4 M€Capacité : 80 en terrasse et 60
en salle (au choix)
Couverts/jour : 74
Ticket moyen : 210 €
Brigade (haute saison) : 32 avec
7 pâtissiers, 2 boulangers et
4 plongeurs dont Lowell Mesnier
(chef) et Brandon Dehan (chef
pâtissier) ; 22 en salle dont
Laurent Soustelle (directeur de
salle) et Alain Gousse (chef
sommelier)
Fournisseurs : Domingo,ramasseur des jardins de
Baumanière (1 3) ; Vert'Tige pour
les asperges (1 3) ; Boucherie
Cantini pour la viande (13) ;
Damien Muller pour la pêche au
thon ikejime (2B) ; Domaine de
Castelas pour l'huile d'olive (1 3) ;
fromages de Roumanille pour les
fromages de chèvres (1 3) ; Saint-
Louis Pêche pour la marée (1 3)
Vins : 2 600 réf.
Fermeture janvier & février
Jean-André Charial« Je suis le gardien du temple »
« En 2014 après une saison réalisée seul en cuisine, je recherchais activement un
chef. Un jour au congrès des Relais & Châteaux, Thierry Naidu me conseille Glenn
Viel. Quand je le contacte, ce dernier est réticent et me dit « je ne veux pas être
votre exécutant ». Je ne vous le demande pas, lui ai-je répondu. Je vous demande
seulement de faire la cuisine que j'aime ! Il est venu faire un essai. J'aime sa cuisine
car elle est entièrement axée autour du produit et va droit à l'essentiel. Au début
de notre collaboration, je lui ai seulement donné comme conditions de conserver
le gigot, le mille-feuille, les crêpes, le rouget et surtout mon menu « Légumes ». J'y
tiens comme à la prunelle de mes yeux. Je suis le gardien du temple après il fait ce
qu'il veut. J'entends lui donner toute la liberté pour s'exprimer. J'aime beaucoup cegarçon parce qu'il a de très belles qualités humaines et qu'il arrive chaque jour en
cuisine avec de nouvelles idées. Nous nous sommes donné un objectif : la troisième
étoile. Je vais lui donner tout ce que je peux pour y arriver ! »
2‘ étoile mais je savais au fond de moi que si
cela arrivait nous aurions su la récupérer. J’ai
toujours été convaincu que nous ne pouvions que
progresser. » Avecjean-André Charial, une
confiance s’installe. « Une maison comme
celle-là doit s’apprivoiser ! Il faut prendre le
temps de comprendre son identité et sa région. »
Une Provence qui se retrouve dans une
cuisine sincère et authentique. «Je nefais
pas de bling bling ! s’amuse-t-il.
Je recherche
ris de veau, sarrasin, carotte 2.0,jus de carotte,
pamplemousse brûlé, j’ai voulu amener la carotte
à être différente d’une carotte classique. » Pour
ce faire, il a fait déshydrater la carotte 6
fois, la faisant passer de 30 à 5 grammes
puis il a réalisé à côté un jus de carotte
à la centrifugeuse qu’il a fait réduire 3
fois. « La carotte déshydratée va cuire dans ce
bouillon ce qui va lui apporter une texture et
un goût différents. » Pour le ris de veau,
quelque chose de très épuré. J’aspire au net et
au compréhensible. Il ne faut pas trop de saveurs
dans un plat pour que l’on comprenne mentale¬
ment ce que l’on mange. » Ventrèche de thon
rouge, fenouil confit légèrement acide ;
Feuille à feuille de cochon, pommes
grenailles cuites en barde, jus de maïs
ou Pigeonneau des costières, tétragone,
noix de Grenoble, jus de carcasse à la
lavande, sa cuisine est le fruit de nom¬
breuses réflexions. «J’essaye toujours de
comprendre, de trouver un raisonnement »,
pose-t-il en manifeste. « Pour la Pomme de
la réflexion s’est portée sur l’aspect de
cet abat. « Un ris de veau c’est très frustrant
pour un cuisinier car ce n’est jamais net ! J’ai
mis mon ris de veau dans un tissu serré pour
former une boule. Je le blanchis ensuite deux fois
dans un bouillon avec des aromates et quand
il en ressort, le ris de beau a une forme ronde
impeccable. »
UNE MÊME INTENTION
Quant aux rouget, gigot d'agneau ou
mille-feuille, les plats emblématiques
de la maison, Glenn Viel leur a donné
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Photos ©AAyphotoagency.com/Benard Aurélien
Dans les yeux de l'autre...Une qualité ?
G.V. : La mémoire
J.-A. C. : L'inventivité, le dynamisme,
l'enthousiasme, la loyauté !Un défaut ?
G.V. : La timidité
J.-A. C. : Bordélique !
Un fou rire ?
G.V. : On en a tous les jours !Un dernier moment d'émotion ?
G.V. : Quand on a lancé le local
pour la poterie
Le plat préféré de l'autre ?
G.V. : La crêpe soufflée
J.-A. C. : Le Rouget et la Ventrèchede thon
Un projet à deux ?
G.V. : Décrocher les trois étoiles
J.-A. C. : Reprendre les trois étoilesUn restaurant où se rendre avec
lui ?
G.V. : La Caravelle à Bonifacio !
J.-A. C. : Chez Troisgros au Bois
sans Feuilles
une coloration nouvelle. L’agneau est
désormais cuit à la broche [possibilité
d’avoir le traditionnel agneau en croûte sur com¬
mande, ndlr] et n’est plus piqué d’anchois.
« L’anchois attaquait la chair de l’agneau sur
quelques millimètres », justifie le chef qui
a également revu la cuisson du gratin
dauphinois. «Déplus, auparavant on sauçait
systématiquement le plat or je trouve que cela
couvre le goût de l’agneau de lait. » À présent,
Le domaine Baumanière
En 1945, Raymond Thullier lançait L'Oustau de Baumanière, une table et un hôtel de
charme aux Baux-de-Provence, au cœur des Alpilles. Rapidement, la table devient
une halte gastronomique et le chef y décroche une troisième étoile au guide Michelin
en 1954 qu'il conservera pendant 35 ans. En 1969, il sera rejoint en cuisine par
son petit-fils, Jean-André Charial. Ils travailleront ainsi de concert jusqu'en 1993,
date du décès de Raymond Thullier. D'un simple mas à un domaine de 20 hectares,Baumanière n'a eu de cesse d'évoluer au fil du temps et des investissements successifs
de ses propriétaires. Le domaine propose désormais une offre hôtelière Relais &
Châteaux de 54 chambres et suites (réparties sur 20 hectares dans 5 bâtisses dont
L'Oustau, bergerie du XVIIe et cœur historique du domaine) un spa, une boutique
ainsi que deux restaurants : La Cabro d'Or* portée par le chef Michel Hulin et
L'Oustau de Baumanière** avec aux commandes Glenn Viel.
la sauce est apportée séparément à table.
Et qu’en pense d’après lui l’auguste aîné ?
« Sa cuisine était évidemment différente mais
nous partageons la même vision de la cuisine.
Ici, je suis le chef et je me sens comme tel. Je
suis libre dans mon expression et il ne valide pas
mes plats. Bien entendu, il m’arrive de lui faire
goûter mes plats. Il est essentiel ici, c’est l’âme
de la maison ».
Et les projets du trublion de la cuisine ne
manquent pas ! « Mous sommes en train de
créer un vrai pôle autour du restaurant avec des
ruches, des jardins potagers, un poulailler, nos
cochons, un champ, peut-être une pisciculture... »
Quant à son avenir, le chef ne déroge pas
à sa promesse de départ. «Je me suis engagé
à rester au moins pour 7 ans. C’est le temps long
pour faire de la qualité et progresser, et si on peut
décrocher les 3 étoiles... L’objectf estfort mais
nous allons y arriver tous ensemble ! »
Alexianne Lamy