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Ouvrage publié avec le soutien du CNL.

© Nouveau Monde éditions, 2012.ISBN 9782365838269

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PROCÈSDES

GRANDS CRIMINELS DE GUERREDEVANT

LE TRIBUNAL MILITAIREINTERNATIONAL

NUREMBERG

14 NOVEMBRE 1945‐1er octobre 1946TEXTE OFFICIEL

XLII volumesTOME XVII

DÉBATS25 juin 1946‐8 juillet 1946

1re partie : 25 juin 1946‐1er juillet1946

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TEXTE OFFICIEL

ENLANGUE FRANÇAISE

TOME XVIIDÉBATS

25 juin 1946‐8 juillet 1946

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CENT SOIXANTE‐TROISIÈMEJOURNEE. Mardi 25 juin 1946.

Audience du matin.

(L’accusé von Neurath est à la barre des témoins.)

Dr OTTO NELTE (avocat de l’accusé Keitel). —Monsieur le Président, je voudrais faire savoir auTribunal que le manuscrit de ma plaidoirie seradactylographié pour moitié demain et pour l’autremoitié samedi. Malheureusement, il ne m’estpersonnellement pas possible d’en faire établir plus dehuit exemplaires, dont six destinés aux interprètes pourles aider dans leur tâche difficile. Il ne m’estmalheureusement pas possible de mettre à ladisposition du Tribunal un plus grand nombred’exemplaires, car je ne possède pas d’appareil àpolycopier. J’espère que le Tribunal comprendraqu’après la déclaration faite vendredi par M. leProcureur Général américain, je ne peux pas solliciterl’aide technique du Ministère Public pour maplaidoirie.

Je voudrais vous demander de déclarer si leTribunal tient à recevoir la traduction de ma plaidoirieafin d’en accélérer l’exposition. Dans ce cas, je prie leTribunal de bien vouloir prendre les dispositionsnécessaires ; je suis prêt, quant à moi, à mettre monmanuscrit à la disposition du Tribunal sous lesconditions que vous avez annoncées, Monsieur lePrésident. Dans la mesure où je suis bien informé, jecrois que mon cas vaut pour mes autres collègues, dumoins pour la plupart d’entre eux. Il me semble quepour gagner du temps et pour réduire les délais qui ont

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été impartis pour l’exposé des plaidoiries, il serait utilede résoudre cette question.

LE PRÉSIDENT (Lord Justice Sir GeoffreyLawrence). — Docteur Nelte, si vous vouliez meremettre le manuscrit dont vous venez de parler, leTribunal prendra les dispositions nécessaires pour qu’ilsoit traduit dans les différentes langues. Je crois que, decette manière, il sera tenu compte de votre point devue.

Dr NELTE. — Oui.LE PRÉSIDENT. — Le Tribunal a une déclaration à

faire à ce sujet. Je vais en donner lecture :« Revenant sur la discussion qui a eu lieu le 13 juin

1946 sur le temps qui peut être accordé aux avocatspour prononcer leurs plaidoiries, le Tribunal a soumisla question à un nouvel examen.

« Quand les avocats ont indiqué le temps dont ilsavaient besoin, le Tribunal a remarqué que certainsdes accusés demandaient plus de temps que les autreset qu’à cet effet ils s’étaient entendus entre eux. LeTribunal estime que les temps proposés sont beaucouptrop longs et que des restrictions volontaires doiventêtre apportées.

« Sauf en ce qui concerne quelques‐uns des accusésdont les cas ont une portée très vaste, le Tribunalestime qu’une demi‐journée pour chaque accusé estlargement suffisante pour présenter sa défense. LeTribunal espère que les avocats concentreront leursarguments et s’en tiendront à ce délai. Le Tribunal,toutefois, n’autorisera les avocats d’aucun des accusésà traiter de questions étrangères au sujet ou à parlerplus d’une demi‐journée dans aucun cas. Quatreheures seront accordées au commencement pour ladiscussion de questions générales de droit et de faits, et

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les avocats devront coopérer dans l’élaboration deleurs plaidoiries de façon à éviter des répétitionsinutiles. »

On me dit qu’une partie de la déclaration que jesuis en train de faire a été déformée dans certainestraductions, et je vais la relire :

« Sauf en ce qui concerne quelques‐uns des accusésdont les cas ont une portée très vaste, le Tribunalestime qu’une demi‐journée pour chaque accusé estlargement suffisante pour présenter sa défense. LeTribunal espère que les avocats concentreront leursarguments et s’en tiendront à ce délai. Le Tribunal,toutefois, n’autorisera les avocats d’aucun des accusésà traiter de questions étrangères au sujet ou à parlerplus d’une demi‐journée dans aucun cas. Quatreheures seront accordées au commencement pour ladiscussion de questions générales de droit et de faits, etles avocats devront coopérer dans l’élaboration deleurs plaidoiries de façon à éviter des répétitionsinutiles. »

Comme il a déjà été dit, le Tribunal désireraitqu’une traduction de chaque plaidoirie, en français, enrusse, en anglais, soit déposée au début de chaqueplaidoirie. Les avocats pourront en faire assurer latraduction eux‐mêmes s’ils le désirent, mais s’ilssoumettent des copies de leur plaidoirie à la section dela traduction le plus rapidement possible, et en tout casmoins de trois jours avant que la plaidoirie ne soitprononcée, les traductions seront faites pour eux sansque le contenu en soit révélé. C’est tout.

Docteur von Lüdinghausen, vous avez la parole.Dr OTTO VON LÜDINGHAUSEN (avocat de

l’accusé von Neurath). — Nous en étions restés hier àl’examen de certains points de l’Accusation et jevoudrais poursuivre et vous poser la question suivante

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: Monsieur von Neurath, le Ministère Public vous faitgrief de ce que, dans le Protectorat, les Allemandsavaient une situation privilégiée par rapport auxTchèques, et prétend que vous en seriez responsable.Pourriez‐vous nous donner votre point de vue sur cettequestion ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — La situation desAllemands dans le Protectorat n’était pas une situationprivilégiée faite d’avantages matériels par rapport auxTchèques ; c’était en réalité une situation toutedifférente. Les Allemands étaient devenus citoyens duReich et avaient donc obtenu les droits de citoyens duReich, par exemple le droit de vote au Reichstag. Cedroit de vote n’avait pas été accordé aux Tchèques, cequi est compréhensible, étant donné la différenceexistant entre la nation tchèque et la nation allemande.Aucun privilège effectif n’a jamais été lié à la situationdes Allemands dans le Protectorat. Bien entendu, lesmilieux chauvins et les cercles nationaux allemandsaspiraient à obtenir ces privilèges, mais je m’y suistoujours opposé de la façon la plus rigoureuse, et j’aiempêché que ces aspirations ne se transforment en desréalités effectives. Je voudrais cependant insister ici unefois de plus sur le fait qu’en aucune façon le peupletchèque n’éprouvait un sentiment d’infériorité vis‐à‐visdu peuple allemand. Il s’agissait, en fait, d’un autrepeuple qui, sur le plan politique et culturel, devait êtretraité conformément à ses caractères propres. C’estégalement la raison pour laquelle fut maintenue cequ’on a appelé l’autonomie tchèque, qui ne signifiaitpas autre chose que la séparation des deuxnationalités, afin d’assurer aux Tchèques leur vieautonome. Il est bien évident que cette autonomie nedevait pas dépasser le cadre des nécessités existantpour l’ensemble du Reich, particulièrement pendant la

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guerre.Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Je voudrais

maintenant analyser différents points du réquisitoiretchèque, ou plutôt du rapport tchèque, qui est à labase de l’Accusation. Il y est dit, notamment, que touteliberté de presse aurait été restreinte. Est‐ce exact, etquel a été le rôle de M. von Gregory en ce quiconcerne le traitement réservé à la presse ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — M. von Gregory étaitattaché de presse à la légation allemande à Prague ; ilétait subordonné au ministère de la Propagande. Ildevint chef de mon service de presse et entra ainsidans mon administration. Son rôle était de contrôler lapresse tchécoslovaque selon les directives du ministèrede la Propagande à Berlin. La presse tchèque n’étaitévidemment pas libre, pas plus que la presseallemande. Le contrôle du tirage et d’autres mesurestelles que les dispositions de la censure, étaient lesmêmes en Tchécoslovaquie et en Allemagne.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Le rapportd’accusation tchécoslovaque vous fait grief, en outre,de ce que dans de nombreux cas les autorités localesde l’administration tchèque ont été dissoutes et ensuitepartiellement pourvues de fonctionnaires et deconseillers municipaux qui étaient des Allemands oudes collaborationnistes tchèques. Est‐ce exact ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Il s’agissait là decommunes à minorité allemande importante, comme ils’en trouvait surtout en Moravie. Le fait que lesAllemands y fussent représentés au conseil municipalme paraît parfaitement normal. A Prague, par exemple,il y avait un maire tchèque et un adjoint allemand. Ilsemble qu’il n’y ait rien à objecter à cela. Quand, danscertaines villes ou dans certaines circonscriptions, les

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ambitions des Allemands à collaborer à l’administrationlocale ne paraissaient pas justifiées par leur forcenumérique, je suis intervenu et m’y suis toujoursopposé. Quant aux administrations communales desrégions purement tchèques, telles que l’Ouest de laBohême, il n’y avait, en fait, aucun représentantallemand. D’autre part, il y avait, des îlots linguistiques,tels que la région d’Iglau, où les Allemands dominaientnettement par le nombre et, par conséquent, parl’influence.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Le rapportd’accusation tchèque vous reproche d’avoir germanisél’administration tchèque de cette façon, et en instituantles Oberlandräte. Il cite à ce propos une déclarationque vous auriez faite à l’ancien Président de laBohême, M. Bienert, déclaration dans laquelle vousdisiez qu’« en deux ans, tout devrait être digéré ».

ACCUSÉ VON NEURATH. — Je ne me souviensvraiment pas d’avoir fait une pareille déclaration ; je nem’imagine pas avoir pu la formuler. Il s’agit, sur cepoint, d’une adaptation de l’administration tchèque àl’administration allemande. Les Oberlandräte n’ont pasété institués par moi, mais par le Gouvernement duReich, à titre d’organismes de contrôle, en vertu de

l’ordonnance du 1er septembre 1939, sur la structuredes administrations allemandes et de la Police desûreté. Quand les Oberlandräte venaient me faire leurrapport, j’ai toujours insisté auprès d’eux, avec autorité,sur le fait qu’ils n’avaient pas à administrer eux‐mêmes,mais simplement à contrôler. Les méthodesd’administration tchèque — leur disais‐je — sont, dansbien des cas, meilleures que les méthodes allemandes.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — A ce propos, jevoudrais me référer au document qui porte le numéro

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149 dans mon livre de documents ; c’est le texte del’ordonnance sur la structure de l’administration et la

Police de sûreté allemande, du 1er septembre 1939 ;aux paragraphes 5 et 6 de ce texte sont prévuesl’institution et les fonctions de ces Oberlandräte. Ilsemble qu’il soit superflu d’en donner lecture.

L’accusation tchèque contient en outre unedéclaration de M. Bienert selon laquelle vous lui auriezdit, sur la question de la coordination del’administration tchèque, à peu près ceci : « Cela devraêtre exécuté avec une extrême rigueur, puisque aussibien nous sommes en guerre ». D’autre part, Bienertdéclare dans sa déposition que le but de cette mesure,c’est‐à‐dire la coordination des administrations tchèqueet allemande, devait avoir pour but d’assurer pendantla guerre un Hinterland paisible à l’Allemagne. Quepouvez‐vous déclarer à ce sujet ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Il est possible quej’aie dit quelque chose de ce genre à Bienert ; je nem’en souviens pas aujourd’hui, mais il va sans direque dans le domaine de l’administration comme danstous les autres domaines, le Protectorat se trouvait, luiaussi, sous le signe des nécessités de la guerre. Lesrestrictions de l’autonomie dans l’administrationrégionale tchèque ne doivent être comprises que selonce critère. Que je me sois efforcé de maintenir le calmedans le pays dans l’intérêt du Reich et donc de lacommunauté, on peut difficilement m’en faire grief. Aureste, je dois observer que l’introduction de restrictionsà l’autonomie se trouvait déjà contenue expressémentdans le décret sur l’institution du Protectorat.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — A ce propos, je meréfère au document n° 144 du tome 5 de mon livre dedocuments ; c’est le texte du décret du Führer et

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Chancelier du Reich sur le Protectorat de Bohême etMoravie, du 16 mars 1939, à l’article 11 duquel est déjàstipulé le droit pour le Reich de faire assurer par sapropre administration certaines branches del’administration du Protectorat.

L’accusation tchèque se réfère d’autre part à unedéclaration de l’ancien ministre tchécoslovaqueHavelka sur la persécution des légionnaires tchèquesde la première guerre mondiale, dans la mesure où ilsexerçaient des fonctions publiques. Que pouvez‐vousnous dire de cette question des légionnaires ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — La légiontchécoslovaque avait été fondée en Russie pendant lapremière guerre mondiale. Elle était composée enpartie de volontaires, en partie de restes de régimentstchèques qui avaient appartenus à l’ancienne Arméeaustro‐hongroise et avaient été faits prisonniers par lesRusses. Ces légionnaires tchèques jouissaient, après lafondation de la république tchécoslovaque, d’unesituation particulière. Ils étaient, pour une part, pleinsde ressentiments chauvins envers le Reich allemand, etcela depuis le temps des luttes des nationalités, desorte que la mentalité des légionnaires était devenue,en Bohême, une sorte de slogan et pouvait, dans uneépoque d’incertitude politique, représenter un certaindanger pour la politique. Cette situation de faveur dontjouissaient les légionnaires fut, dans le Protectorat,combattue dans une large mesure par les Tchèqueseux‐mêmes. Aussi Frank s’efforça‐t‐il particulièrementd’éliminer les anciens légionnaires des servicesofficiels. Mais cela n’eut lieu que dans certains casparticulièrement flagrants, et seulement dans la mesureoù ces légionnaires étaient à l’époque entrésvolontairement dans cette légion tchèque, c’est‐à‐diren’avaient pas appartenu à l’ancienne Armée austro‐

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hongroise. J’ai, dès l’origine, opéré cette distinction quipeut en quelque sorte être comparée à celle que l’onfait aujourd’hui en Allemagne entre les membresvolontaires des SS et les membres des Waffen SS.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — L’accusation tchèquevous reproche d’avoir soutenu l’organisation fascistetchèque « Vlayka », et elle s’appuie pour cetteaccusation sur un mémorandum que vous auriezrédigé vous‐même à la suite d’une conférence avec lePrésident Hacha, le 26 mars 1940. Aux termes de cemémorandum, vous auriez dit à Hacha que les qualitésmorales et personnelles des chefs du mouvement «Vlayka » vous étaient suffisamment connues, mais que,néanmoins, force vous était de constater que cetteorganisation était la seule qui se fût positivementdéclarée en faveur du Reich allemand et de lacollaboration avec celui‐ci. Qu’avez‐vous à dire à cesujet ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Le mouvement «Vlayka » représentait ce qu’on a appelé en France lescollaborationnistes. Il travaillait en vue d’unecollaboration germano‐tchèque et cela bien avantl’institution du Protectorat. Mais ses chefs étaient, selonmoi, des personnalités essentiellement douteuses,comme je l’ai exprimé dans les paroles que vous venezde citer et que j’ai adressées au Président Hacha. Ilsinjuriaient et menaçaient entre autres le PrésidentHacha et les membres du Gouvernement tchèque. Lesecrétaire d’État Frank connaissait ces gens depuislongtemps et voulait les soutenir en raison du fait qu’ilsavaient déjà collaboré avec lui. Je m’y suis refusé, demême que j’ai toujours refusé de les recevoir quand ilsme demandaient audience. En revanche, il est fortpossible que Frank les ait soutenus avec des fonds quilui auraient été remis par Hitler sans que je le sache et

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avec l’obligation de ne pas m’en parler.Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Quelle était votre

attitude à l’égard de la dissolution des partis politiqueset des syndicats ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — C’était, de même quele contrôle de la presse, une nécessité issue du systèmepolitique du Reich. Néanmoins, grâce à la démarchedu Président Hacha et en dépit des mesures prises ducôté allemand, aucun pays n’a été atteint aussi peu parles malheurs de la guerre que le Protectorat. Le peupletchèque, seul de tous les peuples de l’Europe centraleet orientale, a pu conserver sa substance nationale,culturelle et économique d’une façon presque totale.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — J’en viensmaintenant à un point de l’accusation qui a trait à uneprétendue oppression culturelle. Que pouvez‐vous direde l’administration de l’instruction publique enTchécoslovaquie ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Les universitéstchèques et les autres établissements d’enseignementsupérieur ont, comme je l’ai mentionné tout à l’heure,été fermés en novembre 1939 par ordre de Hitler. A lademande du Gouvernement du Protectorat etnotamment du Président Hacha, je me suis efforcé àde nombreuses reprises et directement auprès de Hitlerd’en obtenir la réouverture. Mais étant donné lasituation prédominante qu’avait M. Himmler, je n’aiobtenu aucun succès. La fermeture des universités eutpour conséquence naturelle qu’un grand nombre dejeunes hommes qui auraient pu faire leurs étudess’orientèrent vers des travaux manuels. La fermeturedes établissements d’enseignement supérieur eutnécessairement des effets sur les établissementsd’enseignement secondaire. Celui‐ci était déjà très

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encombré depuis la cession du pays des Sudètes enautomne 1938, car les intellectuels tchèques avaienttous quitté cette région pour le pays de languetchèque, c’est‐à‐dire pour ce qui allait devenir leProtectorat. La jeunesse des lycées n’avait donc plus,ou guère plus, de débouchés. C’est à peu près lemême phénomène que celui qui se présenteactuellement en Allemagne. Je n’ai aucuneconnaissance de la fermeture des écoles primairestchèques ou d’un effort méthodique en vue d’enleverou de limiter à la jeunesse tchèque ses libertésculturelles ou ses possibilités d’instruction.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Avez‐vouspersonnellement approuvé la décision de Hitler defermer les établissements d’enseignement supérieur enTchécoslovaquie ?

LE PRÉSIDENT. — Le témoin vient de dire qu’ilavait essayé d’intervenir et de se soustraire aux ordresde Hitler.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Si cela suffit auTribunal, je n’insisterai pas sur cette question.

LE PRÉSIDENT. — Ne pensez‐vous pas que celasoit suffisant ?

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Je voulais qu’ilprécise son attitude, mais si le Tribunal se déclaresatisfait et si l’attitude de mon client est claire sur cettequestion, je passe à une autre question.

LE PRÉSIDENT. — Il ne pourrait pas l’expliquermieux en le disant deux fois.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Oui, pourvu que …mais cela suffit.

Témoin, avez‐vous connaissance d’un prétenduplan, mentionné dans le rapport tchèque, destiné àtransformer le peuple tchèque en une masse ouvrièreet à lui ravir son élite spirituelle ?

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ACCUSÉ VON NEURATH. — Non, seul un fouaurait pu faire une telle déclaration.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Le rapportd’accusation tchèque prétend que votre administration,avec votre acceptation et votre approbation, auraitprocédé à la désagrégation et au pillage des instituts derecherche scientifique en Tchécoslovaquie. Page 58 dutexte allemand, page 55 de l’édition anglaise durapport URSS‐60, il est dit :

« Les Allemands occupèrent tous les établissementsd’instruction supérieure et les instituts scientifiques. Ilss’emparèrent aussitôt des instruments et des appareilsde valeur, ainsi que des installations scientifiques dansles instituts qu’ils venaient d’occuper. Les bibliothèquesscientifiques furent systématiquement etméthodiquement pillées. Des livres et des filmsscientifiques furent lacérés ou emportés. Les archivesdu Sénat académique, la plus haute autoritéuniversitaire, furent lacérées ou brûlées, les fichiersdétruits et leur contenu jeté à tous les vents. »

Que pouvez‐vous dire à ce sujet ?ACCUSÉ VON NEURATH. — Je puis simplement

dire qu’en ce qui me concerne, les pillages et ladestruction tels qu’on vient de les décrire, je n’en ai euconnaissance ni à Prague, ni ailleurs. Lesétablissements d’enseignement supérieur tchèques ont,comme les universités, été fermés en 1939 sur l’ordrede Hitler. Les immeubles et les installations del’université tchèque de Prague ont, dans la mesure oùje suis bien informé, été en partie mis à la dispositionde l’université allemande qui avait été, à un momentdonné, fermée par les Tchèques puisqu’ils nepouvaient plus être utilisés après la fermeture desuniversités tchèques.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Savez‐vous quelque

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chose…LE PRÉSIDENT. — Je n’ai pas compris cette

réponse. J’ai compris : « Les bâtiments et lesinstallations ont en partie été mis à la disposition desuniversités allemandes qui avaient été fermées par lesTchèques ».

ACCUSÉ VON NEURATH. — A Prague. La plusvieille université allemande se trouvait à Prague ; lesTchèques l’avaient fermée après la dernière guerre et,après la fondation du Protectorat, on l’avait rouverte ;c’est, autant que je sache, à cette université allemandequ’une partie de ces installations et de ces immeublesfurent affectés à l’époque.

LE PRÉSIDENT. — Continuez.Dr VON LÜDINGHAUSEN. — D’une façon

générale, savez‐vous quelque chose sur l’enlèvementd’œuvres d’art, de collections, d’installationsscientifiques ou autres ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Le seul cas dont j’aieu connaissance concerne l’enlèvement de vieuxGobelins d’une grande valeur historique, du PalaisMaltese à Prague. Ils furent emportés par un membredu ministère des Affaires étrangères sur un prétenduordre du chef du Protocole et cela une nuit, en secret,sans que moi‐même ou mon administration en ayonseu connaissance. Dès que j’en ai eu connaissance, jeme suis efforcé auprès du ministère des Affairesétrangères d’en obtenir la restitution immédiate. Je nesais pas si cela a été fait : c’était en 1941 et, sur cesentrefaites, j’ai quitté Prague.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Je me permets…ACCUSÉ VON NEURATH. — Je n’ai jamais eu

connaissance d’autres incidents. Au reste, j’avais donnél’interdiction formelle de transférer des œuvres d’art du

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Protectorat vers le Reich.Dr VON LÜDINGHAUSEN. — A ce propos, je me

permets de produire un extrait de la déposition del’ancien secrétaire d’État Frank, en date du 10 juin1945. C’est le numéro 154 du tome 5 de mon livre dedocuments, et je prie le Tribunal d’en prendreconnaissance. (Au témoin.) Monsieur von Neurath,qu’est‐il advenu des meubles et des œuvres d’art quiappartenaient au trésor artistique tchèque et qui ontservi à installer le Palais Czernin que vous habitiez àPrague ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — C’était l’anciennerésidence du ministre des Affaires étrangères tchèque.Les objets que contenait cet appartement, parmilesquels il en était de grande valeur, appartenaient àl’État tchèque. Étant donné qu’il n’existait pasd’inventaire de ces objets et de ces meubles, j’ai, avantd’emménager en octobre 1939 et en présence dudirecteur tchèque de l’administration des châteaux etdu professeur Strecki, historien d’art tchèque, faitprocéder à un inventaire détaillé. Un exemplaire de cetinventaire fut gardé par mes services et un autre remisà l’administration des châteaux. Après mon départ dePrague à l’automne 1941, j’ai donné l’ordre à monancien intendant de dresser un procès‐verbal enprésence des deux personnalités qui avaient assisté à larédaction de l’inventaire, procès‐verbal qui mentionnaitla présence de tous les objets figurant à l’inventaire.

LE PRÉSIDENT. — Je ne crois pas qu’il soitnécessaire d’entrer dans les détails de cet inventaire,mais je voudrais vous demander quelque chose. Si j’aibien compris la traduction, cet inventaire a été dresséen automne 1938. Est‐ce exact ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — 1939, Monsieur lePrésident. Je voulais mentionner simplement qu’il va

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sans dire que je n’ai rien enlevé de tous ces objets.Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Un autre point du

rapport d’accusation tchèque porte sur la saisie de cequ’on appelait les « maisons de Masaryk » dansdiverses villes, et sur la destruction de monuments deMasaryk et d’autres personnalités de l’Histoire tchèque.Que savez‐vous de cela ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Sous monadministration, certaines de ces maisons ont étéfermées par la Police, car elles étaient des centresd’excitation anti‐allemande. Quant à la destruction demonuments de Masaryk ou d’autres monumentsnationaux tchèques, je les avais interditesexpressément. En outre, j’ai expressément autorisé ledépôt de couronnes sur la tombe de Masaryk, à Lanyi,que Frank avait interdit. D’ailleurs, cette cérémonie eutlieu avec une grande affluence.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — On prétend encoreque la littérature tchèque aurait été opprimée dans unetrès forte mesure.

ACCUSÉ VON NEURATH. — L’impression et ladiffusion d’une littérature tchèque anti‐allemandeétaient évidemment interdites, de même que ladiffusion d’œuvres anglaises et françaises était interditedans tout le Reich pendant la guerre. Au reste, cesquestions étaient traitées sur des directives directes duministère de la Propagande. Mais sous monadministration, il existait encore beaucoup de maisonsd’éditions et de librairies tchèques où les ouvragesd’auteurs tchèques étaient imprimés et diffusés dansune très large mesure. Le choix de livres tchèques detoute espèce était certainement plus grand que le choixde livres allemands.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Mais peut‐on parlereffectivement d’une oppression de la culture tchèque,

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des théâtres, des cinémas, etc. ; peut‐on en parlercomme le fait l’Accusation ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Il ne peut pas êtrequestion d’une restriction de l’autonomie culturelletchèque, en dehors de la question des universités. APrague, un grand nombre de théâtres tchèques detoutes sortes était ouvert, notamment l’Opéra, purementtchèque, et plusieurs scènes de comédie. Il n’y avait,par contre, qu’un seul théâtre allemand qui jouâtquotidiennement. Constamment, on jouait denombreux opéras et de nombreuses pièces de théâtreen langue tchèque. Il en était de même pour lamusique. La célèbre philharmonie tchèque de Praguejouait surtout de la musique tchèque et étaitabsolument libre du choix de ses programmes.

LE PRÉSIDENT. — Docteur Lüdinghausen, nousn’avons pas besoin de tous ces détails. L’accusé a ditque les théâtres et les cinémas étaient autorisés et qu’iln’y avait qu’un théâtre allemand. Nous n’avons pasbesoin de plus de détails.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Je ne le faisais quepour répondre à un point particulièrement détaillé del’Acte d’accusation. Qu’en était‐il de l’industrie desfilms ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Il en était de même ;elle était même particulièrement active.

Dr VON LÜDINGHAUSEN. — Je passeraimaintenant à la prétendue oppression de la libertéreligieuse qui vous est reprochée par l’accusationtchèque. Le rapport de l’Accusation parle ici d’unevague d’oppression des Églises, qui aurait commencéavec l’occupation de la Tchécoslovaquie par lestroupes allemandes. Qu’en est‐il exactement ?

ACCUSÉ VON NEURATH. — Il ne peut être

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Oranienburg, dans l’ancien camp. Il m’a rapporté qu’iln’avait‐pas été lui‐même torturé, mais qu’il avait vu etentendu comment d’autres avaient été frappes, etcomment on leur avait intentionnellement écrasé lesdoigts entré les portes.

Dr FRITZ. — Avez‐vous simplement prisconnaissance de ces informations, sans rien faire ?

ACCUSÉ FRITZSCHE. — Au contraire. J’ai fait dutapage à ce sujet. Ce journaliste, si mes souvenirs sontexacts il s’appelait Stolzenberg, ne désirait pas êtrenommé. J’ai écrit trois lettres : l’une à Goebbels, quime fit dire qu’il s’occuperait de la chose, une à Frick,ministre de l’Intérieur, et une autre à Göring, en saqualité de président du conseil de Prusse. De hautsfonctionnaires de ces deux services m’ont téléphoné etm’ont déclaré qu’une enquête était en cours. Très peude temps après, j’ai appris que cet ancien campd’Oranienburg avait été dissous et que le commandantavait été condamné à mort. J’ai reçu cette informationd’un M. von Lützow, qui était attaché de presse duchef d’alors de la Police d’État, Diels ou Diehl.

Dr FRITZ. — Est‐ce qu’après ce premier succès devotre protestation contre ces faits, vous avez reçud’autres informations sur des atrocités commises dansles camps de concentration ?

ACCUSÉ FRITZSCHE. — Non, je n’ai pas eu d’autreinformation sur les mauvais traitements, mais parcontre j’ai souvent essayé de m’informer auprès decertaines personnes de la Gestapo ou du service depresse du Reichsführer SS. Tous ceux que j’interrogeaisme déclaraient ceci : des « cochonneries » avaient étécommises dans les premiers temps, c’est‐à‐dire en 1933ou au début 1934, à une période où les camps deconcentration étaient gardés par des SA sans

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profession, donc par des gens qui étaient à ladisposition pendant toute la journée et parmi lesquelsil n’y avait que très rarement de très bons éléments. Onm’a déclaré, de plus, que le 30 juin avait sous cerapport amené une épuration. Le 30 juin avait amenél’élimination des chefs SA et des Gauleiter qui avaientabusé de leur pouvoir. On m’a finalement déclaré queles camps de concentration étaient dès lors gardés pardes SS qui étaient des gardes professionnels, par desadministrateurs de profession, par des fonctionnairesde la Police qui étaient des professionnels, et par dupersonnel de l’administration pénitentiaire ; c’était unegarantie contre tous les abus.

Dr FRITZ. — Avez‐vous essayé d’obtenir desrenseignements sur des individus internés dans uncamp de concentration ?

ACCUSÉ FRITZSCHE. — Naturellement, je me suisinformé de personnalités connues telles le pasteurNiemöller, Schuschnigg, ou le secrétaire particulier deHess qui avait été arrêté et s’appelait Leipkin. On m’atoujours donné des renseignements rassurants.

Dr FRITZ. — Il peut s’agir là de cas exceptionnels,relatifs à des personnalités connues et en vue. N’avez‐vous pas essayé de parler à d’autres personnes quiétaient internées dans un camp de concentration ?

ACCUSÉ FRITZSCHE. — Oui. En avril 1942, j’airencontré un ancien fonctionnaire du parti communistequi s’appelait Reintgen. Je suis resté avec lui pendantsix mois ; nous étions militaires tous deux et c’estpourquoi il m’a parlé très ouvertement et sans arrière‐pensée. Il m’a décrit comment il avait été maltraité en1933 : on l’avait frappé dans le dos. Ces mauvaistraitements cessèrent ultérieurement. Cela corroboraitmes propres observations.

Dr FRITZ. — Avez‐vous visité des camps de

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