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LITTERATURE COMPAREE ET COMPARAISONSLes comparatistes entretiennent, me semble-t-il, avec la comparaison des rapports plutt ambigus, voire conflictuels. Je plaide coupable. Qu'il me soit permis de citer les mots avec lesquels j'ouvre mon manuel La littrature gnrale et compare (Paris, A. Colin, 1994) : Mais vous, les comparatistes, que comparez-vous ? cette question, faussement nave et vraiment malicieuse, le comparatiste se doit de rpondre : rien. Mais peut-tre ne faisais-je que mettre mes pas dans ceux de Jean-Marie Carr qui, dans sa prface La littrature compare (QSJ ? no 499, 1951) de Marius-Fr. Guyard, affirmait : La littrature compare n'est pas la comparaison littraire. Il ne s'agit pas de transposer simplement sur le plan des littratures trangres les parallles des anciennes rhtoriques [ ... ] Nous n'aimons pas beaucoup nous attarder aux ressemblances et diffrences entre Tennyson et Musset, Dickens et Daudet, etc. l'inverse, d'autres verraient volontiers dans la comparaison non seulement le symbole de nos activits mais l'apothose de toute vritable activit intellectuelle. Ainsi George Steiner (Passions impunies, Gallimard, 1997) dans un chapitre au titre suggestif Lire en frontalier consacr la discipline, n'hsite pas qualifier de comparatif tout acte de recevoir une forme signifiante (langage, art, musique). Faire neuf , injonction d'Ezra Pound, est en sa logique et en sa substance [ ... ] comparative . La simple affirmation de prfrence est une comparaison avec . Lire c'est comparer . Lhermneutique place sous l'autorit d'Herms (sans que Michel Serres soit cit) est une comparaison tacite. Et pour faire bon poids :

Il se peut bien que les rflexes qui mettent en jeu la ressemblance et la dissemblance, l'analogie et le contraste, soient la base de la psych humaine et de l'intelligibilit. Mais si l'on rcuse la comparaison, que faut-il invoquer pour dfinir la discipline? JeanMarie Carr mettait en avant l'tude des relations spirituelles internationales , les rapports de fait et j'ai pour ma part propos une dfinition : Au dpart, la littrature compare procde d'une prise de conscience, donc d'une problmatisation, de la dimension trangre dans un texte, chez un crivain, dans une culture. mes yeux, en effet, la question de l'altrit est constitutive de la discipline ; elle lui est mme consubstantielle, N'y aurait-il pas deux entres possibles pour une discipline change en Janus bifrons : la comparaison et la dimension trangre ? Il conviendrait peut-tre de rflchir sur notre ou nos pratiques, sur l'acte comparatiste qui est prioritairement lecture, lecture comparatiste ou mieux comparante, pour parvenir peut-tre quelques mises au point bnfiques et salutaires. Pour rendre compte de nos pratiques, je me propose d'en dresser successivement, mais avec une ingale

attention, l'archologie, l'anatomie, la typologie, la thorie et possiblement la philosophie. I C'est par un exemple quelque peu inhabituel par rapport au stock de noms rituellement avancs pour montrer qui taient nos anctres les comparatistes que je voudrais commencer. Dans ses Nuits attiques (X, Ill), le grammairien et polygraphe Aulu Gelle se livre une tude compare de quelques passages clbres, tirs des discours de C. Gracchus, de Cicron et de M. Caton . Ce qui m'intresse est la faon dont l'exercice de comparaison est amen, dfini. Curieusement, deux mots sont ncessaires pour la dfinition : Locorum quorumdam illustrium collatio contentioque facta ex orationibus C. Gracchi, M. Ciceronis et M. Catonis. Pour comparer, Aulu Gelle a d d'abord assembler (conferre, collatum) et aussitt mettre en parallle (collatio est le parallle en rhtorique, cf. Quintilien V, 11, 23), comparer mais dans le sens d'un rapprochement. Ensuite il a fallu faire la dmarche inverse : procder une distinction, une mise en vidence de diffrences, contentio tant employ en rhtorique dans le sens d'antithse (Quintilien, IX, 3, 81). De fait, il s'est agi de faire entrer des textes en dialogue, c'est--dire en concidence, en une sorte d'assemblage ; puis distinguer, sparer (dia-bllein est l'action diabolique qui pratique la sparation, amne au jour l'antithtique). C'est dire que la diffrence ne peut tre justifie qu'aprs lucidation du projet global qui a prsid la multiplication des textes. Une sorte de pr-synthse est donc toujours la base du geste comparatiste. Si sparer est compromettant, assembler l'est plus encore : dis-moi quel est ton corpus retenu et je te dirai ce que tu veux chercher... Je ne m'attarderai gure sur le parallle qui a sans doute en Plutarque son anctre et en August-Wilhelm Schlegel son prcurseur, du point de vue comparatiste. Sa comparaison entre la Phdre d'Euripide et celle de Racine (1807) reprise dans son Cours de Littrature dramatique (Paris, 1814), inspire peut-tre par les talents dramatiques de Madame de Stal dans le rle de la fille de Minos et de Pasipha sur son thtre de Coppet, peut bon droit passer pour un modle du genre et pour le point de dpart du mouvement romantique en France. Il fut en tout cas durement attaqu par l'Abb Geoffroy dans le trs acadmique Journal de l'Empire. Sur ce chapitre des parallles , peut-tre faudrait-il ne pas se cantonner l'exercice rhtorique. On ne saurait oublier la tradition hermneutique des passages parallles , issue des concordances telles qu'on les pratique dans le texte biblique. On la trouve expose au xviiiP- sicle dans l'ouvrage de Georg Friedrich Meier (1718-1777), Versuch einer Allgemeinen Auslegungskunst/Essai d'un art universel de l'interprtation (1748), rimprim en 1965 par Lutz Geldsetzer (Peter Szondi, Introduction l'Hermneutique littraire, Paris, d. du Cerf, 1989 : 69-87). Je n'insisterai pas non plus sur le premier Cours de Littrature compare de MM. Nol et Delaplace qui, ds 1816, offre dj les deux dfauts rdhibitoires de la discipline qui n'tait pas mme rellement ne : la juxtaposition (en une suite de volumes consacrs aux littratures trangres sous forme de leons littraires et morales) laquelle il faut ajouter la comparaison spontane, ingnue qui est suggre mais non dveloppe : Ils aimeront sans doute comparer Pascal avec Addison, Clarendon avec Bossuet, Voltaire tour tour avec Shakespeare, Pope et Parnell, Massillon avec Blair, Delille avec Denham, Goldsmith et Darwin, Thomson avec Saint Lambert, Florian avec Byron ( ... ] M. de Chateaubriand avec Goldsmith, etc. Parallles, mises en parallles et comparaisons aboutissent la premire littrature compare illustre par Villemain la Sorbonne en 1828-29 avec son Tableau compar grce auquel on pouvait voir ce que l'esprit franais avait reu des littratures trangres et ce qu'il leur rendit et dfendue la fin du sicle par

Ferdinand Brunetire en ces termes dans L'volution des genres : S'il est intressant de comparer l'ornithorynque et le kangourou, les mmes raisons, absolument les mmes, rendent ncessaires la comparaison du drame de Shakespeare avec celui de Racine. Cette littrature compare reprsente, je l'espre, une espce disparue. Je souhaiterais plutt discuter le privilge dont jouit Mme de Stal qui passe pour la pionnire, la marraine ou la patronne de nos tudes comparatistes. Si j'en crois Georges Poulet (La conscience critique, Corti, 1986 : 15-25) et Jean Starobinski (Table d'orientation, L'ge d'Homme, 1989 : 57-110), elle pourrait plutt apparatre, par le principe d'enthousiasme qu'elle applique ses lectures, commencer par celle de Rousseau, comme l'initiatrice d'une critique d'identification ou cratrice, rflexive. Je verrais beaucoup plus notre discipline sous le double patronage quelque peu ambigu de Mme de Stal, sans doute, mais aussi d'Hrodote, l'ethnographe, le voyageur, l'affabulateur. Ainsi l'on comprendrait mieux la double face de notre discipline : pense de l'altrit et activit comparante. Franois Hartog dans sa grosse tude Le miroir d'Hrodote (Gallimard, 1980) met en vidence la logique d'une criture qui fait passer une altrit opaque (le monde non grec) une altrit porteuse de sens pour reprendre les mots des deux historiens Guy Bourd et Herv Martin (Les coles historiques, Le Seuil, 1983 : 16). Franois Hartog a trs utilement distingu quatre oprations qui sont en fait des variations comparatives entre les Grecs et les autres. 1. L'opposition terme terme avec cas d'inversion : les gyptiens font l'envers des Grecs (les femmes vont au march et les hommes restent chez eux et tissent). Il joue du schma binaire avec images contrastes. 2. La comparaison, l'analogie, autre faon de ramener l'autre au mme. La course des messagers du roi de Perse ressemble la course des porteurs de flambeaux en Grce. Il tablit en ce sens des parallles : cela ressemble ... 3. Il pratique parfois la traduction pour faire mieux comprendre Xerxes signifie le guerrier. 4. Enfin et surtout il dcrit, inventorie, c'est--dire il apprivoise par le discours l'inconnu, il colonise le diffrent et F. Hartog a bien montr comment, en dcrivant les Scythes, Hrodote construit une figure de nomade qui rend pensable son altrit. ce schma, ce systme, Guy Bourd et Herv Martin ont cependant pu proposer deux complments : 1. Lautre est merveilleux et totalement diffrent du connu, c'est--dire de l'observateur. 2. Lautre est l'anctre et parfois tenu pour suprieur la rfrence connue (l'gypte ainsi devient le berceau de la Grce). Sans doute sommes-nous en face de procdures qui reposent sur des dichotomies simples, des binarits qui trahissent une diffrence absolutise et non dialectisable (cf. La littrature gnrale et compare, Colin, 1994 : 167-168). Mais il faut mesurer tout l'intrt de cette premire typologie de cas, de modalits de l'criture de l'altrit. Joseph Texte, l'auteur de la premire thse de littrature compare, J.-J. Rousseau et les origines du cosmopolitisme littraire (1895), a bien mis en lumire le travail comparatiste de Mme de Stal. Il montre comment la distinction fondamentale entre littratures du Midi et du Nord est une comparaison qui a t prcde d'une opration d'analyse dlimitant les objets de la future comparaison . Mais pour mener bien cette comparaison, il faut faire appel des notions qui ont t systmatiquement tudies par H. Taine, promu hritier de Mme de Stal : la race, le gnie ou l'esprit,

mieux la psychologie des peuples (cits par J. Texte). Et celui-ci n'hsite pas proclamer que la littrature est, avant tout, un problme d'ethnographie et qu'il y a des varits d'hommes comme il y a des varits de taureaux ou de chevaux. Peu importe que J. Texte n'ait pas song mentionner Montesquieu comme modle que Mme de Stal transpose au plan littraire. Ces deux exemples permettent de situer la comparaison et l'tude de l'altrit en couples, mais inverss. La comparaison peut fort bien se passer de considrations culturelles ou ethnographiques, surtout si elle s'attache des problmes formels. C'est nos yeux une erreur, puisque tout change, tout dialogue de cultures est la traduction d'un rapport de force et qu'il n'est pas opportun ni mme licite de sortir les formes littraires de leur contexte social et culturel. De son ct, l'tude de la dimension trangre ne peut valablement tre mene sans le recours des procdures d'valuation et de comparaison dont il faut avoir une claire conscience. On peut dire qu'acculturation et mieux encore transculturation, soit un processus dialectique qui comporte une rponse ou une rsistance l'acculturation (transculturaci6n, notion mise au point par le Cubain Fernando Ortiz et systmatiquement ignore par la tradition europenne et nord-amricaine) dessinent et proposent l'essentiel de ces procdures. Au cours de la premire moiti du XXe sicle, les comparatistes vitent le mot comparaison. la faveur du mot frontire qui a transform le comparatiste en douanier vtilleux, le mot important est rapport et plus encore rapport de fait , ainsi que la belle notion de passage propose par Van Tieghem. Ce dernier, de plus, prcise la transformation de la littrature compare en une histoire littraire gnrale, grce des mailles que l'on tissera (sic) entre les diffrentes histoires littraires et au-dessus d'elles. Ces deux positions, procdures sont aussi celles qui peuvent servir la synthse d'une comparaison entre plusieurs textes, comme on le verra. De leur ct, Cl. Pichois et A-M. Rousseau prfrent parler de l'art mthodique, par la recherche des liens d'analogie, de parent et d'influence, de "rapprocher" la littrature d'autres domaines d'expression ou des faits et des textes littraires entre eux . Lacte de rapprocher suppose de toutes faons une hypothse explicative, voire une explication de type causal qui n'est pas sans ressemblance avec l'acte de retrodiction , propre aux historiens, tel que le dfinit Paul Veyne sur lequel nous reviendrons plus loin. On dira sans doute qu'il importe peu de chercher opposer des synonymes : rapprocher, comparer, confronter, etc. ou rapports, relations, comparaisons, etc. Il n'en demeure pas moins que l'essentiel nous apparat clairement : entre et au-dessus de (l'inter et le supra, cf. La littrature gnrale et compare, 1994 : 20) donnent consistance et cohrence l'acte comparatiste. II Il est entendu que la comparaison n'est pas un acte exclusif ni spcifique de la littrature compare ou du comparatisme littraire. On pourrait l'envisager en termes de logique comme un acte de pense hypothtico-dductif qui procde par induction puis par dduction. Mais la discipline ne rpond pas aussi facilement ou simplement cette proposition. Si je rflchis la pratique quasi quotidienne (pdagogie ou recherche), je dirais que c'est dj dans le choix du titre (le chapeau du programme ou le titre programmatique de la thse) que rside l'essentiel du travail d'analyse et de synthse de la comparaison, lato sensu. Il n'est pas faux de dire que, pour un tudiant comme pour un lecteur de thse, la prise de contact avec le titre est essentielle. Le titre bien conu, bien formul, dlimite et verrouille, exprime en rsum et in nuce la problmatique qui sera celle du programme ou du travail de recherche.

Le titre, fil conducteur des diffrentes lectures possibles, des jeux de ressemblances et de diffrences, est aussi l'hypothse propose par l'enseignant ou le chercheur qui l'autorise avoir effectu un regroupement de textes ou tel choix pour son corpus. Le titre retenu cre, oriente les lectures. Il justifie, cautionne les comparaisons. Il est l'annonce d'une longue dmarche illustrative, inventive ; il doit d'emble emporter l'adhsion et prouver qu'il n'y a pas de sujet pauvre ou ingrat : il n'y a que des sujets qui sont mal poss. Il peut tre aussi un rvlateur pour des aspects, des lments d'un texte qui n'auraient pas t vus, retenus, s'il avait fait l'objet d'une lecture singulire, unique, isole, non compare d'autres, d'une lecture de spcialiste. Toutes ces lectures en srie aboutissent ce que Yves Chevrel a appel des lectures en va et vient ou ce que Francis Claudon a nomm des lectures latrales . On pourrait dire aussi transversales. Et pour ne pas oublier la comparaison issue de la rflexion sur l'Autre, parlons aussi de mouvement pendulaire (qui) va permettre l'instauration d'un sens , dfinition image qu'utilise Michle Duchet (Le partage des savoirs, La Dcouverte, 1984 : 36) pour dfinir le travail du Pre Lafitau, l'un des pionniers de l'ethnologie compare, avec son ouvrage Les moeurs des sauvages amricains compares aux moeurs des premiers temps (1724). Latrales, transversales, pendulaires, ce sont ces lectures qui donnent validit et dynamisme la comparaison, la srie de comparaisons qui va se dvelopper, d'un texte l'autre, d'un ensemble ou d'une srie d'autres, et qui fournit la base de la synthse, des axes, des lignes directrices qui non seulement permettent de passer d'un texte un autre, mais de les lire comme un nouvel ensemble (linter et le supra ... ). Cette synthse sera d'autant plus riche, varie qu'il y aura eu une rflexion non seulement sur les textes regroups, mais de faon abstraite, thorique, sur des questions plus gnrales souleves par le sujet retenu et qui ressortissent la thmatique, au mythe, l'image, au genre, la potique, etc. Mais le dtour (et j'employais ce terme dans mon manuel de 1994 et bien avant, et d'autres l'ont fait galement, on verra pourquoi j'insiste sur le mot plus tard), le dtour par une ou plusieurs littratures peut-il tre assimil un travail, un projet autonomes ? Rien n'est moins sr. Le comparatiste doit justifier ses mises en relation, ses manipulations, les dtours faits par telle ou telle littrature trangre et les lectures nouvelles qui peuvent parfois rvler, par le jeu des comparaisons, des aspects indits, ignors de certains textes retenus. Lanalyse littraire ici n'est pas une fin au mme titre que l'tude spcifique d'un texte. Elle apparat toujours comme un moyen et la comparaison est d'ailleurs, dans le cas d'un programme, toujours inacheve (elle n'a de fin que celle du cours) et dans le cas d'une thse elle se confond avec le plan, plus ou moins bien pos pour ratisser tous les aspects dans un ordre logique supposant clart et progression. Aussi le comparatiste a-t-il toujours besoin de se justifier pour faire accepter son travail et pour se justifier. Comme j'ai voulu l'crire : le telos du comparatiste est sa toile de Pnlope. Quant la nature hypothtico-dductive du travail, j'ai pu montrer, en utilisant les travaux des Belges Guy Jacquois et Pierre Swiggers (Le comparatisme au miroir, Louvain l Neuve, 1991), qu'il s'agissait bien plutt, comme ils le suggraient de faon si subtile et sre, d'abduction que de dduction. Je ne reprendrai pas la dmonstration partir de la dfinition classique de l'abduction donne par C. S. Pierce, lequel tient l'abduction pour la seule espce de raisonnement susceptible d'introduire des ides nouvelles. Qu'il suffise de rappeler que si l'abduction peut se dfinir comme mouvement de pense de la manire suivante : Le fait surprenant C est observ. Si A tait vrai, C irait de soi, il y a donc des raisons pour souponner que A est vrai , alors on peut identifier un cheminement identique dans de nombreuses tudes de rapports, de relations comparatistes. Et si l'on veut passer au plan ngatif ou critique, on peut dire que le comparatiste est, de par ce type de raisonnement, vou des observations non

homognes et doit s'accommoder d'une pluralit de mthodes et de stratgies. Sa tche est bien d'laborer un discours (un interlangage disent les chercheurs belges) qui pourrait se dfinir comme une dmarche de description. Premire exigence, mais aussi premire limitation. Mais les faits compars, le rsultat des comparaisons ne sont pas vidents : ils sont du domaine des analogies, des quivalences, des filiations, le tout relevant de l'ordre du relatif, sans que rien soit dmontrable. Si la comparaison, mme bien mene, aboutit au relatif, que dire alors de celles qui basculent dans la juxtaposition ou qui dbouchent sur la reconnaissance de la spcificit de chaque lment compar, regroup ? Chaque fois que la mise en rapport aboutit consolider des dichotomies, des singularits, elle a manqu son but : elle n'a rien cr de nouveau (il n'y a pas eu de vritable abduction), il n'y a rien eu de construit ni entre, ni au-dessus des textes ou des faits regroups. C'est pourquoi les chercheurs belges ont raison de souligner que le comparatisme est avant tout une vise et qu'il n'est pas dfinissable en tant que domaine ou en tant que mthode. Par vise, il faut entendre que l'examen du comparatiste rside dans la recherche, la confrontation d'ensembles de donnes, d'analogies structurelles ou de rapports systmiques qu'on pourra ensuite expliquer par l'histoire, par des principes de causalit divers. Ils proposent de nommer comparats ces units descriptives ou approches corrlatives puisque la vise comparatiste est essentiellement une mise en corrlation d'objets. Cette mise en corrlation peut porter sur des concidences histo riques, des paralllismes mthodologiques, des similarits structurelles ou la subsumption d'un ensemble de donnes dans la culture humaine et dans les capacits du sujet producteur qu'est l'homme. Sous rserve d'un discours labor par lequel le comparatisme dfinirait une dmarche de description, la discipline pourrait tre envisage comme une ethnographie ouverte , tudiant les cultures comme des polysystmes en contact, avec une attention porte aux changes, aux oppositions, aux drivations, aux imitations, aux adaptations, en gros aux correspondances (homologie de contenu d'ordre qualitatif), aux quivalences (correspondances quantitatives) ou homomorphies (correspondances formelles ou structurelles). On se souviendra que Joseph Texte envisageait dj, en bon comparatiste, la littrature comme ethnographie. Quant la fameuse influence , chre l'ancienne littrature compare, elle suppose bien des correspondances chronologiques (ou quivalences), des correspondances homologiques (transfert de thmes, de motifs) et/ou des correspondances homomorphiques (transfert de genres formels, de procds stylistiques). Mais dans tous ces cas qui sont autant de descriptions de programmes, de lectures comparatistes, le fait compar n'est pas vident , il ne s'impose pas, il n'est pas absolu, il est non contraignant et trop peu rigoureux , il est relatif dans tous les sens du terme. Je dirais volontiers que le comparatiste est condamn travailler sur du second, du virtuel. l'aide des rflexions de deux chercheurs belges, nous avons pu y voir plus clair dans nos travaux. On attend donc du comparatiste qu'il sache bien matriser les exercices numrs : il doit savoir monter toutes ces gammes. Mais on attend surtout qu'il sache agencer et composer, qu'il montre comment ces exercices mnent quelque chose de neuf, de nouveau. Bref, que la mise en rapport ait t fconde et que la comparaison prouve sa valeur heuristique. Mais, au del de procdures dcrites et values, la comparaison qui est fondamentalement lecture peut-elle faire l'objet d'un classement plus large et tout aussi clairant pour la prise de conscience de nos pratiques? III Je mettrais de ct la comparaison portant sur la littrature et les arts, la comparaison inter-artistique, c'est--dire sur le travail qui porte sur le passage d'un systme de reprsentation narrativo-verbal un systme autre : narrativo-pictural pour la peinture

(pour reprendre les termes de Louis Marin, Etudes smiologiques, 1972) ou expressif et non plus narratif dans le cas de la musique, par exemple. On pourra aussi se reporter aux tudes de Roman Jakobson (Questions de potique, Paris, Le Seuil, 1977) sur l'art verbal des potes-peintres et sur les rapports entre musicologie et linguistique. Il s'agit, il s'agirait dans tous ces cas d'inventer une intersmiotique capable de dcrire deux systmes diffrents (texte et systme iconique ou musical) ou une transsmiotique susceptible d'analyser les lments en commun (cf. aussi dans le mme ordre d'ide J.-L. Cuppers, Euterpe et Harpocrate ou le dfi littraire de la musique, Bruxelles, Facults univ. Saint Louis, 1988). Il faut (et l'on retrouve les deux principes ou positions de l'entre et du dessus, de linter et du supra), penser la fois l'interrelationnel et le diffrentiel, lequel se dfinit comme une suite de transpositions. Mais la tche est ardue et peut-tre entache de quelque arbitraire ou voue l'aporie. Michel Foucault dans Les Mots et les choses, aprs avoir dcrit Les Mnines a beau jeu de remarquer : On a beau dire ce que l'on voit, ce qu'on voit ne loge jamais dans ce qu'on dit. La formule peut d'ailleurs rebondir au plan de la littrature et l'on peut songer l'extrapolation propose par Roland Barthes dans sa Leon (Le Seuil, 1977 : 21-22) : Le rel n'est pas reprsentable et c'est parce que les hommes veulent sans cesse le reprsenter par des mots qu'il y a une histoire de la littrature. Ce cas de comparaison interdisciplinaire mis part, j'ai pu distinguer quatre types de lectures comparatistes : 1. partir d'un seul texte, en s'appuyant sur le principe d'intertextualit (tout texte est absorption et transformation d'un autre ou d'autres textes, tout texte est un intertexte dans la perspective de Barthes, mais aussi de Bakhtine et de Genette). Cette co-prsence d'une pluralit de textes dans un seul texte autorise une lecture diffrentielle qui essayerait de comprendre les mcanismes d'une assimilation dsormais nomme intertextualit en fonction de quatre grands principes bien mis en lumire par Genette : la conservation (la citation), la suppression (ou problme de la trace), la modification ou transformation (problme des sources) ou le dveloppement (problme de l'amplification). Mais on peut aussi tudier partir d'un texte et d'une tude par exemple imagologique la dimension trangre d'un texte (lectures trangres, voyages, correspondances, modles etc...) d'une uvre, d'une littrature. Dans les deux cas, lorsqu'il s'agit de textes, la lecture comparatiste tendra se confondre, par moments ou dans sa vise, avec l'lucidation de principes de production, d'laboration, de cration, de logique de l'imaginaire. Je veux souligner le double mouvement que ce type de lecture peut offrir. Ou bien tailler dans l'uvre une dimension comparatiste en problmatisant la question de la dimension trangre (la otredad chre Octavio Paz citant Antonio Machado ou l'ailleurs), en rapportant la partie (l'tranger) au tout (l'oeuvre) et je citerai la courte tude de Grard Genette portant sur Proust et Venise ( Matire de Venise dans Territoires de l'imaginaire. Pour Jean-Pierre Richard, Le Seuil, 1986). Ou bien la confrontation d'une oeuvre, en soi riche d'ouvertures sur l'tranger (espace europen, dialogue inter-continental ... ) avec un ensemble polyculturel et multilingue et je prendrai l'exemple d'une thse toute rcente que j 1 ai eu plaisir diriger (Annick Le Scoezec Masson, Valle Inclan et la sensibilit fin-de-sicle). Je ne rsiste pas citer un exemple limite de ce genre de questionnement. Il ne s'agt pas d'un travail comparatiste, mais d'une lecture de Mallarm par Jacques Derrida (D. Attridge ed., Acts of literature, New York, Routledge, 1992 : 110-126). Mallarm, sa langue, sa posie sont tudis dans la perspective de l'influence anglaise qui concerne en effet de prs la pense et l'on n'ose dire la carrire du professeur-pote (nous soulignons les mots importants du point de vue comparatiste):

We know, and not only through his biography, that Mallarm's language is always open to the influence of the English language, that there is a regular exchange between the two, and that the problem of this exchange is explicitly treated in Les mots anglais. For this reason alone, "Mallarrne' does not belong completely to "French literature". 2 et 3. Lectures binaires (parallles) ou plurielles. Dans les deux cas, il s'agit de lectures qui ressortissent la potique, de lectures thmatiques, transversales, transtextuelles ou latrales (Jean Rousset a parl de mtamorphoses latrales propos du mythe de Don Juan). Il s'agira de btir un tertium comparationis entre les textes, vritable utopie textuelle qui entretient des rapports avec chaque texte en prsence, mais qui ne ressemble aucun d'eux (utopie comme neutre au sens donn par Louis Marin, Utopiques. jeux d'espace, Minuit, 1973). lev l'intersection d'ensembles qui ont chacun sa spcificit, ce texte construit se nourrit d'interfrences, d'intersections, de rencontres, d'changes. Lire, c'est toujours relire, lier et relier. C'est dans ce cas aussi parier sur l'illumination mutuelle de plusieurs textes susceptible de dgager un ou plusieurs enjeux en commun. Il s'agit bien de construire une comparaison, un ensemble comparant. Mais comment comparer des singularits sans passer par la construction d'ensembles, de sous-ensembles, de sries ? Il faut donc admettre que la littrature compare plus que d'autres approches critiques suppose que le texte est la fois pure singularit et, certains niveaux, et dans une certaine mesure, de nature sriable. Et il faut reconnatre que cette proposition applique la posie constitue un srieux problme auquel s'ajoute celui de la traduction. Faire entrer des textes, potiques ou non, en rsonance, mettre au jour des constantes, sans oublier de conserver et d'expliquer des variantes, reprsente le dfi comparatiste et ce qui de fait pose le problme de la lgitimit de sa dmarche. Ce type de lecture est gnralis dans le cas d'tudes thmatiques et il faut ici citer Georges Poulet (Trois essais de mythologie romantique, Paris, Corti, 1966) et sa sobre et claire dfense et illustration de cette pratique La critique thmatique peut encore nous rvler ce qui se transmet d'une pense d'autres, ce qui se dcouvre en diverses penses comme tant leur principe ou fond commun. Alors elle tend se confondre avec cette histoire des ides, des sentiments, des imaginations qui devrait toujours tre adjacente lhistoire dite littraire. On se souviendra que le comparatiste dcrit aussi un passage , mme dans le cas simple du passage de frontires. J'ai tent aussi de rendre compte de cette lecture latrale en ces termes (Images et mythes d'Hati, Paris, l'Harmattan, coll. Rcifs , 1984 : 7) : Cela suppose que par une srie de glissements contrls et de similitudes identifies et exploites, un texte puisse en clairer un autre. La lecture ainsi conue est une coute des textes, la plus dtaille et la plus large la fois. Elle s'identifie un jeu de miroirs o se dessinent alternativement les principes organisateurs, les schmas fondateurs, les logiques et les drives de l'imagination cratrice, les dcalages et les surimpressions d'lments, les motifs secondaires. Lectures la fois oscillantes et croises o le spcialiste de telle ou telle littrature peut ne pas reconnatre son texte, son auteur. Mais y a-t-il un sens, un texte ? Une lecture critique bien mene est toujours nouvelle. Je mentionne deux variantes trs diffrentes ce genre de lectures qui peuvent intimider ou rebuter. La premire prend une base simple et sre (un texte) et suit ses variations, lesquelles constituent l'essentiel du corpus. Je pense la sobre et pntrante tude de Carlos Garcia Guall qui prend dix variations ou variantes dans le temps et l'espace (diachronie et htrotopie) de la fable sopique du corbeau et du renard (El zorro y el cuervo, Madrid, Alianza ed., 1995). Aucune interrogation prolonge sur les modles antrieurs, l'attention est pose sur le patron sopique, ses traductions, ses transformations, ses interprtations et recrations, sur ce~qui se

conserve et sur ce qui change sans jamais prtendre aller vers l'essence de la Fable. Mais le comparatiste n'est jamais l'abri de quelque surprise, tant la matire qui est la sienne est immense, l'chelle d'une Weltliteratur. Au corpus largement diachronique ainsi constitu peut s'en ajouter un autre, selon les capacits et les connaissances du chercheur. Le Pre Garibay, bibliothcaire de Rhilippe II, signale, dans son Historia de la literatura nahuatl, des traductions en langue nahualt de ces fables, l'une des rares manifestations de textes profanes, sans autre intrt, ses yeux, que celui de fournir des informations sur la mentalit indigne, ce qui nous fait passer, une fois de plus, de la comparaison formelle l'anthropologie culturelle (Gordon Brotherston, et Gnther Vollmer d., Aesop in Mexico. Die Fabeln des Aesop in aztekischer Sprache, Berlin, Gebr. Mann Verlag, 1987). La seconde mise au contraire sur l'ouverture illimite du corpus et fait jouer les chos innombrables que des textes moins regroups que mis en rsonance autorisent, ou du moins permettent. Je citerai la Chambre d'cho qui ouvre Barroco de Severo Sarduy, essai potique et non tude au sens strict du terme, mais qui entend confronter des textes des modles scientifiques , d'ordre cosmologique. De faon significative, Sarduy, s'engageant dans une confrontation entre systme de pense scientifique et imaginaire, en l'occurrence baroque, et textes ou oeuvres d'art, prend soin d'viter toute prsentation de type causal (relation dite de fait entre un tat des connaissances auquel correspondrait un type de littrature), et parle de retombe : L'coute de ces rsonances n'est commande par aucune notion de contigut ou de causalit : chambre o l'cho parfois prcde la voix. Mais telle qu'elle est prsente en exergue, la retombe peut devenir une vritable notion opratoire en littrature compare. On apprciera cependant sa nature : causalit achronique/isomorphie non contigu, /ou/ consquence d'une chose qui ne s'est pas encore produite/ressemblance avec quelque chose qui pour le moment n'existe pas/. La dmarche qui utilise cette notion n'est pas loigne, tout prendre, de l'abduction dfinie plus haut. Encore faut-il voir que son originalit majeure rside dans la nature ambigu des liens explicatifs ou descriptifs qu'elle expose. 4. Face l'aporie de l'acte comparatif et des lectures latrales, Jean Rousset a propos ce que je tiens pour une relance de la comparaison par l'laboration d'un modle . Dans le cas du mythe de Don Juan, il parle d'un scnario donjuanesque permanent dont les units constitutives, les invariants sont au nombre de trois (le mort, le groupe fminin, enfin le hros lui-mme qui s'attaque au Mort et qui recevra le chtiment final. Par invariant, il faut ici entendre la composante d'un modle : c'est une abstraction qui sert un dispositif triangulaire minimal qui dtermine donc un triple rapport de rciprocits . Jean Rousset propose une mthode structurale dont il ne veut nullement tre prisonnier. Il veut lire des textes, procder des microanalyses, des superpositions (il a lu la fois Lvi-Strauss et le feuilletage du mythe ou son empilement ncessaire la mise au jour de paquets de relations et Charles Mauron qui pratique la superposition pour l'tablissement de ses mtaphores obsdantes). Superpositions donc d'lments, de squences, d'units diverses, mise en pile crit-il, du corpus, traitant les versions du mythe comme si elles taient synchroniques, de faon dgager les principales combinaisons, c'est--dire les faons possibles de comparer. Le corpus est tributaire de la subjectivit (connaissances linguistiques, prfrences), les lectures peuvent tre traverses par des contiguts thmatiques, des associations d'ides : l'laboration d'un schma, d'un modle est un temps de rflexion la fois subjectif et objectif. Le schma permet le filtrage des textes et justifie le rejet

d'autres (relevant par exemple d'autres dmarches libertines). Les textes retenus le sont en raison de leur pertinence par rapport un schma et non en raison de qualits esthtiques ou d'arbitraire (pas plus d'une certaine quantit ... ). Jean Rousset renouvelle avec efficacit sa mthode dans Leurs yeux se rencontrrent (Corti, 1984) consacr la scne de premire vue dans le roman, scne-cl, situation fondamentale et topos narratif. La mthode consiste en ceci : 1. Dgager d'abord de textes pris au hasard un certain nombre de traits constants et les constituer en une structure cohrente. 2. Une fois le modle construit, il devient possible d'organiser une tude, un parcours de lecture command par les constantes dceles sur une srie de textes superposs . Le mot est significativement repris. 3. Le modle (ici sorte de forme idale) joue le rle de grille de lecture permettant de poser des questions pertinentes et d'organiser le dveloppement de l'tude. 4. Le modle thorique permet d'isoler trois possibilits narratives l'effet et la soudainet de l'effet, l'change, le franchissement, la communication d'un message, manifeste ou latent, enfin le franchissement ou l'annulation de la distance. noter que les carts par rapport ce modle prennent autant d'importance que les applications et illustrations du modle. Qu'il me soit permis de signaler que, mis part ce dernier cas, mes prfrences vont nettement au premier cas de figure. La comparaison va de pair avec une rflexion sur la composition, la cration. Le travail (de thse) par exemple est circonscrit, modeste, mais stimulant. Je prfre un travail sur Marguerite Yourcenar et l'Italie (thse de Camilo Faverzani) je ne sais quel accouplement de la romancire avec des homologues trangers, sous le prtexte douteux que ce genre de pratique matrimoniale servirait l'avancement des rflexions thoriques sur le roman, voire l'amlioration de la race littraire. IV La vise de l'acte comparatiste tant toujours ambigu ou discutable, la construction de modles explicatifs, la fois analytiques et synthtiques, reprsente l'activit la plus dynamique du travail comparatiste. On en a vu d'ailleurs un exemple avec le modle propos par Franois Hartog pour Hrodote. On peut dire que toute lecture latrale (cas 2 et 3) tend produire son propre modle qui se confond avec le plan de la comparaison . C'est par l'existence d'un vritable modle explicatif qui montre comment l'on passe de l'inter au supra que la comparaison trouve sa justification et sa validit. Nous nous sommes essay ce type d'exercice chaque fois qu'un corpus de trois ou quatre textes tait tudier, dans le cadre d'une question d'agrgation (cf. le thme de la misanthropie, de la comdie au XVIIIe sicle dans Le Bcher d'Hercule; cf. Le roman du pote, (Joyce, Rilke, Cendrars), d. Champion, 1996; cf. Les semences du temps , Destin et tragdie, Didier rudition, 1998, o alternent des modles d'inspiration esthtique et philosophique). On notera, dans le cas des tudes de Jean Rousset, que l'laboration d'un modle relativise le problme du corpus, Il faut un nombre significatif de textes, mais d'autres textes peuvent tre convoqus par le lecteur : ils le seront titre de contre-preuve, largissant la srie sans devoir la remettre en cause. Mais l'laboration de modles doit aussi concerner nos pratiques, nos champs de recherche. Nous en donnerons quelques exemples. Dans son manuel Entre Io uno y Io diverso (Barcelona, 1985), Claudio Guilln tablit

une continuit de pense entre thorie littraire et supranationalit pour laquelle j'ai marqu quelques rserves (cf. c.r. dans RLC 1989/1). Mais il voque trois stratgies possibles qui relvent d'une problmatique, qu'il nomme supranationale, qui ont une indniable valeur heuristique (on verra le mot rapparatre bientt). 1. Il commence par envisager des phnomnes ou ensembles qui supposent une relation gntique donc des manifestations littraires qui dpassent les frontires (existantes) comme le roman picaresque qui a pu connatre des formes comparables celles qui ont pris naissance en Espagne. Ltude relve d'une certaine histoire littraire gnrale et fait appel des analyses textuelles, des lectures de potique compare qui peuvent mettre en vidence des ressemblances formelles au prix de quelques oublis ou de gnralisations. 2. Il passe ensuite des phnomnes processus gntiquement indpendants appartenant diffrentes civilisations mais qui impliquent des conditions socio-historiques communes (exemple : le roman en Occident au XVIIIe sicle et au Japon au XVIIe sicle). 3. Il signale enfin des phnomnes gntiquement indpendants qui composent des ensembles supranationaux , en accord avec des principes et des propositions drivs de la thorie de la littrature. Il s'agit de faon privilgie de l'tude des relations Est/Ouest, relations non de fait , puisqu'il n'y a pas eu d'changes, de passage, mais qui peuvent tre envisages comme autant de mises en parallle d'ensembles la fois diffrents et comparables (textes, genres, formes, etc.). Cette dernire catgorie fait videmment penser aux travaux entrepris par tiemble pour sortir le comparatisme du cadre europen et proposer sa thorie des invariants (formule ds 1957 et reprise dans Hygine des lettres). Encore faut-il ajouter qu'ils n'ont jamais eu d'autre explication que celle de la nature humaine immuable, ternelle, et qu'il resterait donc faire non seulement l'histoire d'invariants qui, s'ils existent, sont en importance quantifiable, mais examiner, de faon plus stimulante encore, comment ces invariants, plongs dans des textes et des contextes diffrents (dans le temps et dans l'espace) changent quasiment de nature et coup sr de fonction dans l'imaginaire d'une collectivit ou de textes qui forment la littrature ou la thmatique d'une poque. Je souhaiterais accorder une place particulire au modle propos par Pierre Brunel dans le Prcis de littrature compare (PUF, 1989). Il y prsente en ouverture les trois lois qui peuvent dfinir une mthode ou une lecture comparatiste : la loi d'mergence, la loi de flexibilit (o se retrouve cit Roland Barthes voquant le texte tissu nouveau de citations rvolues ), enfin la loi d'irradiation. Il a lui-mme appliqu ces lois la mythocritique, non sans attirer l'attention sur la prudence qu'il faut avoir dans ces cas d'illustration plus ou moins explicite, voire univoque ou mcanique d'une mthode. Dans le cas du mythe, il a doubl ce trajet d'un autre schma clairant (le mythe rcit, le mythe explication, le mythe rvlation). J'ai moi-mme eu l'occasion de souligner tout le profit tirer de ce schma, non seulement pour l'tude particulire d'une question (les thmes et le processus de thmatisation) mais pour l'avancement d'une rflexion sur une authentique thorie littraire comparatiste. On pourrait aussi citer les quelques textes brefs et denses sur l'importante question du polysystme (clairant la question de la traduction et des changes potiques), notion et catgories mises au point par Itamar Even-Zohar et par le Belge Jos Lambert (cf. La littrature gnrale et compare, 1994 : 136-144). citer galement les formalisations clairantes proposes par Yves Chevrel pour couvrir tous les cas de rception (Prcis de Littrature compare, 1989 : 177-214). Dans d'autres cas, l'laboration d'un modle s'approche d'un travail de typologie littraire. C'est ainsi que Daniel Madelnat (L'pope, PUF, 1986) distingue pour rendre compte du genre pique trois modles au sens esthtique du terme : le modle

mythologique , le modle homrique et le modle historique mdival . Mais le dtour (Les popes dAfrique noire, Karthala, Unesco, 1997 : 40-50) permet d' ajouter des nuances , voire des catgories , bref il s'agit de reconstruire un nouveau modle descriptif et explicatif qui prend en compte l'pope royale ou dynastique , l'pope corporative (pcheurs, chasseurs, pasteurs ... ), l'pope religieuse et l'pope mythologique clanique . J'oserais mentionner pour relancer les tudes d'imagologie le modle symbolique quatre attitudes fondamentales que j'ai propos (phobie, manie, philie et un quatrime cas rserv, cf. Images du Portugal dans les lettres franaises (1700-1755), Paris, Fondation Gulbenkian, 1971 : 18-19 et Prcis de Littrature compare, 1989 : 133-162), le modle exotique (fragmentation, thtralisation, sexualisation, cf. Le Bcher d'Hercule, Paris, Champion, 1996 : 55-86) clairant plusieurs manifestations dans le temps et l'espace de l'criture exotique. Enfin, dans le cas de l'laboration d'une thorie spcifiquement comparatiste, le modle quatre paramtres (metteur, rcepteur, message, modle) et trois niveaux (historique ou champ littraire, potique ou systme littraire, et imaginaire suscitant et expliquant la nature et la fonction de la littrature comme mdiateur symbolique, cf. La littrature gnrale et compare, Colin, 1994 : 144-149). Je pourrais illustrer ces trois niveaux en ayant recours des travaux qui les nourrissent et les diversifient : la somme classique d'Ernst Robert Curtius pour le niveau de l'tude historique des topo, les travaux de Jean Rousset (spcialement Forme et signification, Corti, 1962) ou de Henri Focillon (Vie des formes, PUF, 1942) pour comprendre le niveau potique et s'avancer vers une potique historique dont Bakhtine avait pos les bases. Enfin, pour le niveau 3, les travaux du regrett Hans Blumemberg, philosophe, qui avec sa mtaphorologie montre comment l'ancienne rhtorique peut tre mise au service d'une rflexion existentielle, voire ontologique (cf. La littrature gnrale et compare, A. Colin, 1994 : 123). V La mention du philosophe allemand Blumemberg m'amne examiner en un dernier temps, ou plutt explorer les possibilits offertes par des voisins ou des frres qu'on ignore trop souvent, les philosophes. Ce faisant, je ne fais que reprendre mon compte le titre et le programme d'un beau chapitre de Lucien Febvre qui, pour relancer l'histoire littraire moribonde, suggrait des rencontres entre littraires et historiens (Combats pour l'histoire, Colin, 1953 : 247-275). C'est un historien philosophe que j'interroge en premier pour y trouver matire rflexion, titre de comparaison. Paul Veyne (Comment on crit l'histoire, Le Seuil, 1971) rflchit sur l'histoire compare, mais trs vite suggre que ses propos s'appliquent aussi la littrature compare. S'interrogeant sur la nature d'une telle discipline, Paul Veyne avance que l'histoire compare (et donc la littrature compare) n'est pas une varit particulire de l'histoire (traduisons : de la littrature) ni une mthode particulire : elle est avant tout une heuristique . Souvenons-nous de la vise dfinie par les chercheurs belges. Seconde constatation : il est difficile, dans ces conditions, de dire quand cesse l'histoire tout court et o commence l'histoire compare. Selon lui, on fait de l'histoire compare partir du moment invitable o l'on mentionne cte cte des faits qui sont la fois semblables et diffrents. Citant des exemples (Marc Bloch, Robert Aron, etc.) il en vient penser que certains insistent sur des diffrences nationales, tandis que d'autres dgagent des traits communs . Ce type de travail qui multiplie les rapprochements a une valeur didactique pour le lecteur, et une valeur heuristique pour l'auteur. Histoire et littrature compares sont donc originales moins par leurs rsultats que par leur laboration . Il prcise cependant que, sous une expression aussi quivoque (histoire compare), coexistent deux ou trois dmarches diffrentes . Et l'analyse qu'il propose nous conforte dans celle qui a pu tre mene jusqu'ici. Il y a d'abord le recours l'analogie

pour suppler, dans le cas de l'histoire, aux lacunes de la documentation. Il y a ensuite le rapprochement fins heuristiques de faits emprunts des nations o des priodes diverses . Il y a enfin l'tude d'une catgorie historique ou d'un type d'vnement travers l'histoire, sans tenir compte des units de temps et de lieu. On retrouve ici, point non ngligeable, des catgories qui recoupent le schma avanc par Claudio Guilln, spcialement le troisime cas. Quant aux deux cas prcdents, ils recoupent en effet des dmarches identifies (analogie et rapprochement). Pour essayer de lutter contre les accusations de lgret et d'imprcision, de manque de rigueur, les comparatistes pourraient en quelque sorte se prmunir avec l'blouissant plaidoyer pro, domo que Michel Serres fait dans claircissements, Flammarion, 1994 (entretiens avec Bruno Latour). Il plaide en effet pour la fantaisie contrle et savante, se dveloppant sous l'autorit souriante d'Herms, l'oprateur de rapprochement , le mdiateur libre (95). Il assigne une tche au penseur : dcrire les espaces qui se situent entre des choses dj repres, des espaces d'interfrence. Et il ajoute : Entre m'a toujours paru et me parat toujours une prposition d'importance capitale. Et encore : L'espace entre, celui des interfrences, le volume interdisciplinaire, reste encore trs inexplor. Il faut aller vite quand la chose penser est complexe. Comme j'aime souscrire cet idal du fa presto, surtout lorsque la lgret va de pair avec le poids des connaissances et que le fil souple de la recherche, fil d'Ariane comparatiste, fil mdiateur, aura raison du savoir spcialis. Il prconise comme mthode celle du court circuit : Le comparatisme joue par courts circuits, et comme on le voit dans l'lectricit, ils produisent des tincelles blouissantes. (106) Nouveau Bachelard, il rve devant les flammes et fait d'elles le foyer d'une rflexion nouvelle : Voyez comment les flammes dansent, par o elles passent, d'o elles viennent, vers quelle absence elles se dirigent, comme elles se dchirent et se raccommodent ou s'anantissent. la fois fluctuante et dansante, cette nappe trace ainsi des relations... Voil une mtaphore clairante, c'est le cas de le dire, pour comprendre ce que j'ai en vue ; cette varit topologique continue et dchire qui dessine des crtes, peut fuser haut et s'annuler d'un coup. Les flammes dessinent et composent ces relations. Je pense en lisant Michel Serres ce beau principe nonc la fin de la Consagracion de la primavera par Enrique, hros du roman de Carpentier : Hay que trabajar metaforicamente. Il faut travailler mtaphoriquement. Mais n'est-ce pas aussi pratiquer d'une manire potique l'analogie et la comparaison ? Le mme Carpentier, dans une confrence donne Yale en 1979 (La novela latinoamericana en visperas de un nuevo siglo, Mexico, Siglo XXI, 1981 : 17), proposait une dfinition de la culture qui s'approche fort de ce que pourrait tre l'idal de la dmarche comparatiste (je souligne, au passage les mots-cls) : Je dirais que la culture est la masse des connaissances qui permettent un homme d'tablir des relations, au-dessus du temps et de l'espace, entre deux ralits semblables ou analogues, en expliquant l'une en fonction de ses similitudes avec l'autre qui a pu se produire il y a bien des sicles. Et pour bien prciser sa pense et se dmarquer de l'opinion plutt critique de Simone de Beauvoir l'gard du savoir de Malraux, il ajoute, dans la perspective de dfinir un

mcanisme mental : Je dirais que cette facult de penser immdiatement une autre chose quand on regarde une chose dtermine est la plus grande facult que peut nous confrer une vraie culture. Revenons pour terminer des perspectives plus en rapport avec les exigences d'une recherche universitaire. C'est l'exemple de Franois Jullien (Le dtour et l'accs. Stratgies du sens en Chine, en Grce, BiblioPoche, 1995) qui retiendra mon attention. On sait quel sort a dj t fait au mot dtour que j'ai pour ma part utilis souvent. Ici, il se conjugue avec la notion d' cart , autre matre mot que j'ai tir de Cl. LviStrauss pour expliquer comment va se constituer une sorte de parallle entre Grce classique et Chine classique et moderne pos la fois pour mieux comprendre cette dernire et pour faire retour sur nos propres fondements culturels, philosophiques, pistmologiques. Question : Quel bnfice trouvons-nous parler indirectement des choses ? Elle pourrait tre reprise par tout comparatiste pour son usage personnel. Dans une suite de chapitres, la fois rudits et limpides, Franois Jullien multiplie les angles d'attaque et commence prcisment par l'tude compare de la stratgie militaire dans les deux cultures : de front pour la phalange grecque, de biais pour la troupe chinoise. Or, il pose comme hypothse : l'obliquit recommande par l'art de la guerre correspond une obliquit quivalente de la parole. (48) L'hypothse va trouver avec la comparaison entre l'enseignement de Socrate et celui de Confucius une vrification stimulante. Le premier va vers la dfinition, l'essence des choses, ousia. Le second, faute, de dfinition, fait un dtour paf un chemin sans fin. Avec Confucius, la pense chinoise est embarque dans un dtour qui n'en pas. Cest que la parole, dans ce cas, est modulation , itinraire de la rflexion . De l'absence de dfinition, il s'ensuit l'impossibilit d'une argumentation. Ainsi se trouvent opposes globalit, confucenne et gnralit socratique (233). Le dtour par la Chine a donc servi nous interroger partir d'un certain dehors . On peut reprendre la formule et la changer en une raison d'tre de la discipline. Mais alors c'est miser beaucoup plus sur l'exploitation de la dimension trangre que sur l'exercice mme de la comparaison qui s'ensuit automatiquement. S'interroger du dehors, il faut dautant plus que, selon Fr. Jullien, lOccident sinterroge toujours du dedans. Il faut donc prendre du recul . Claude Lvi-Strauss parlait la fin de Tristes tropiques de la ncessit de se dprendre . Grce l'ailleurs, le regard port sur la question peut-tre plus global. commente de son ct Franois Jullien. l'ineffable de l'Occident s'oppose l'allusif de la Chine et son silence. quoi l'on peut opposer quand mme l'mouvante tradition monastique depuis Saint Benot en passant par la recherche du silence intrieur chez Saint Bernard pour souligner que le silence n'est pas exclusivement chinois... Qu'importe. Pour Franois Jullien, et il a raison, il faut creuser un clivage . Par le clivage on commence penser ' (347). Nous nous sommes fait constamment l'avocat de la diffrence telle qu'elle avait t pose ds le premier colloque franais de littrature compare par Robert Escarpit Bordeaux, verre de vin en main qui plus est, pour goter et comparer . Lexemple de Franois Jullien renouvelant l'exercice ancien du parallle ou de la comparaison binaire, applique deux cultures et en traversant les sicles, devrait conforter les comparatistes sceptiques et leur prouver les bienfaits de la pense solitaire et la fcondit de la subjectivit. Rapprocher est un geste compromettant. Il faut savoir oser et dpasser l'intuition, sans pour autant ddaigner cette divination , ce flair toujours l'oeuvre selon Van Tieghem et qui change le comparatisme tout la fois en une enqute la Sherlock Holmes et une chasse la trouvaille surraliste. Face l'invitable subjectivit du chercheur, du comparant, ajoutons qu'elle est salutaire en ce qu'elle l'engage et qu'elle ne s'oppose nullement une possible

autodistanciation pour reprendre la notion capitale de Norbert Elias (Norbert Elias par lui-mme, Fayard pocket, 1991 : 172). J'ai voulu plaider, en conclusion, la prsentation des tudes d'imagologie, non pour quelque scientificit du champ de recherche, mais pour la prise de conscience, l'objectivation de penses et de pratiques que ces recherches permettaient (Prcis de littrature compare, 1989 : 159). Si les tats d'me du chercheur comparatiste peuvent tre apaiss, il reste le problme de l'autonomie d'une discipline. Ni la comparaison, ni l'tude de la dimension trangre, ni la construction de modles ne sont l'apanage de la discipline et ne peuvent donc lui fournir une relle autonomie. Par contre, ces pratiques expliquent comment elle est sans cesse cartele entre le rle d'une science auxiliaire, ancillaire et la prtention tre, comme on le disait encore dans les annes 50-60, une science de couronnement. Et elle oscille aussi, en raison de ces pratiques, entre la littrature et les sciences humaines. Or on ne peut en faire une philosophie de la littrature. Il faudrait que d'autres nous assignent et nous reconnaissent cette tche. On comprend que la discipline favorise la fois le conformisme prudent et le surgissement de franctireur patrouillant sur toutes les lisires disciplinaires. La littrature compare vit donc de l'exercice altern de trois pratiques : l'tude de la dimension trangre, la comparaison de textes et l'laboration de modles plus ou moins thoriques . Il me semble que la seconde orientation est la plus largement pratique. Il est curieux de noter qu'aux tats-Unis, aprs avoir pratiqu grande chelle la comparaison littraire (cf. par exemple de Ren Wellek, Confrontations, Princeton Univ. 1965), on s'adonne des tudes sur des littratures ethniques (ethnic literatures), des tudes dites culturelles (cultural studies), plutt orientes vers les minorits linguistiques et raciales, les femmes et l'idologie post-coloniale (les minorits considres comme internal colonial subjects). Ces travaux consacrent donc, lorsqu'ils sont faits en littrature compare, l'altrit (la diffrence) comme lment d'tude, soit le premier type d'activit comparatiste. Mais on voit aussi en France des chercheurs qui ont illustr les tudes d'esthtique, de potique et de thorie littraire s'adonner aux mmes thmes de rflexion (T. Todorov, Nous et les autres : la rflexion franaise sur la diversit humaine, Paris, Seuil, 1989; J. Kristeva, trangers nous-mmes, Paris, Fayard, 1988). Autre remarque d'une porte intellectuelle plus vidente. Il n'est pas sans intrt de noter que ces trois types de lectures comparatistes renvoient, dans le schma thorique que j'ai propos, aux trois niveaux que je rappelle : le champ littraire ou niveau social, historique, culturel ; le niveau esthtique et formel, celui du systme littraire ; enfin, le niveau imaginaire qui est aussi le niveau thorique en ce qu'il justifie la caractristique essentielle de la littrature et de toute cration : la dimension symbolique. Il semble bien qu'il y ait un avenir plus fcond et prometteur pour les tudes consacres l' cart diffrentiel , o littrature, linguistique et anthropologie se mlent. Je pense aux textes francophones qui sont toujours des ethnotextes , lis au contexte social, culturel et bien sr linguistique (un franais diffrent). Il faudrait cet gard citer la formule heureuse de Jean Starobinski ( dcalage fcond) pour parler de La Nouvelle Hlose de J.-J. Rousseau qui nappartient donc pas de plein droit la littrature franaise , mais aussi helvtique (Prf. La Nouvelle Hlose, Lausanne, d. Rencontre, 1970). Et aussi lanalyse quEdward Sad fait de lEtranger dAlbert Camus, mettant en vidence, partir du statut de la victime algrienne , le point de vue ethnocentrique du texte (Culture et imprialisme, Fayard, 2000). Je pense aussi, sur un autre plan, aux rflexions sur la mdiation culturelle, l'criture de la mdiation, utile renouvellement de la notion d'intermdiaire (cf. Claude Murcia, Figures de la mdiation : l'Amrique espagnole et la France au tournant du sicle , RLC 1992/1) ; la dimension rgionale d'une littrature l'intrieur d'un ensemble national devenu problmatique (cf. Anton Figueroa et Xan Gonzalez Milln, Communication littraire et culture en Galice, Paris, l'Harmattan, 1997) ; au

multilinguisme (crolit, langues minoritaires , dialogisme, mtissage culturel, etc.). Ce thme a t abord lors du Xe Congrs de la Socit espagnole de Littrature gnrale et compare (Actas del X Simposio de la SELGC, Univ. de Santiago de Compostela, 1996, 2 vol.) ou encore dans les travaux mens par Zila Bernd l'Universit du Rio Grande do Sul (Impresiveis Ainricas. Questes de hibridao cultural, Porto Alegre, 1995 ; Fronteiras do litertirio. Literatura oral e popular BrasillFrana, Porto Alegre, 1995, Produo literaria e identidades culturais, Porto Alegre, 1997). Nous avons surtout rflchi sur la nature de l'acte comparatiste. Proposons quelques suggestions quant sa fonction, aux tches qu'il impose. Celle par exemple d'tudier les diffrences tout en postulant l'unit, sans cesse repousse, ajourne, des objets d'tude envisags. Mais l encore on trouverait sans peine le pari intellectuel et l'idal philosophique d'un Claude Lvi-Strauss, pench sur les diffrences culturelles, mais inscrivant ses rflexions dans le cadre d'une rflexion qui postule l'unit de l'esprit humain, perceptible ds les premires pages de La pense sauvage. Prcisons : il ne fait pas de l'homme ternel et immuable un a priori de sa recherche (comme le fait tout tenant d'une conception archtypique de l'homme et de la culture). S'il fallait donc dfinir la singularit majeure du point de vue comparatiste, je n'hsiterais l'identifier chaque fois que se dessine une ligne de partage (une frontire ?) entre deux cultures, chaque fois que l'homme entreprend, par la dcouverte de l'Autre, un dialogue avec celui-ci et avec soi-mme, crant ainsi des moments o la conscience de soi se trouve oblige de saisir, dans un mme mouvement, ce qui est accroissement de la connaissance et redistribution immdiate de celle-ci, rencontre et diffrence, deux matres mots de la littrature compare selon mon coeur. Daniel-Henri PAGEAUX Sorbonne Nouvelle Paris III Confrence donne en Sorbonne le 6 Novembre 1997 dans le cadre des travaux du Collge international de Littrature compare organiss par Pierre Brunel, reprise dans RLC / Revue de Littrature compare, 1998/3. On pourra se reporter dautres tudes ou essais publis dans La lyre dAmphion. Pour une potique sans frontires, Paris, PSN, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001 et Trente essais de littrature gnrale et compare ou La Corne dAmalthe, lHarmattan, 2004.

Auteur: Daniel-Henri PAGEAUX Titre: LITTERATURE COMAREE ET COMPARAISONS Date de publication: 15/09/2005 Publication: SFLGC (Vox Poetica) Adresse originale (URL): http://www.vox-poetica.org/sflgc/biblio/comparaisons.htm Il est possible de citer une publication lectronique de plusieurs faons. Comment citer un document lectronique?