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«Parler, c’est sans doute échanger des informations; mais c’est aussi effectuer un acte,régi par des règles précises (dont certaines seraient pour Habermas universelles), qui prétend transformer la situation du récepteur, et modifier son système de croyance et/ou son attitude comportementale; corrélativement, comprendre un énoncé, c’est identifier, outre son contenu informationnel, sa visée pragmatique, c’est-à-dire sa valeur et sa force illocutionnaire.» Kerbrat – Orecchioni, 1980: 185

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«Parler, c’est sans doute échanger des informations; mais c’est aussi

effectuer un acte,régi par des règles précises (dont certaines seraient pour Habermas universelles), qui prétend transformer la situation du récepteur,

et modifier son système de croyance et/ou son attitude comportementale; corrélativement, comprendre un énoncé, c’est identifier, outre son contenu

informationnel, sa visée pragmatique, c’est-à-dire sa valeur et sa force illocutionnaire.»

Kerbrat – Orecchioni, 1980: 185

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Eléments de pragmatique linguistique

Les actes de langage

Objectifs de connaissance à atteindre 1. La théorie du langage performatif de J.L. Austin

1.1 Les sources de la théorie des actes de langage 1.2 Enoncé constatif / énoncé performatif 1.3 Performatif explicite / performatif primaire ( implicite) 1.4 Types d’actes de langage 1.5 Les classes d’actes illocutionnaires

2. La théorie de J. Searle: la structure des actes de langage 2.1 Règle normative / règle constitutive 2.2 Le principe d’exprimabilité 2.3 Les types d’actes de langage 2.4 Structure de l’acte illocutionnaire et règles constitutives 2.5 Critères de classification des actes illocutionnaires 2.6 Les classes d’actes illocutionnaires 2.7 Critiques de la théorie classique des actes de langage

3. L’acte illocutionnaire 3.1 Définition de l’acte illocutionnaire 3.2 Caractéristiques de l’acte illocutionnaire 3.3 Réalisation de l’acte illocutionnaire

4. La dérivation illocutoire 4.1 Fonctionnement de la dérivation illocutoire 4.2 Interprétation de l’acte dérivé ( indirect) 4.3 Marqueurs de dérivation illocutoire 4.4 Dérivation illocutoire et stratégie inférentielle

5. Conclusions sur la théorie classique des actes de langage 6. Fortune de la théorie classique des actes de langage

6.1 L’hypothèse performative et le performadoxe 6.2 La pragmatique linguistique ( intégrée) 6.3 La pragmatique cognitive et la théorie de la pertinence 6.4 Les théories centrées sur la notion d’acte de langage

7. Conclusions 8. Idées à retenir 9. Bibliographie

10. Glossaire

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Les actes de langage

Ρ Objectifs de connaissance à atteindre Formuler le but de la théorie des actes de langage et définir son

objet d’étude

Expliciter les distinctions fondamentales suivantes: énoncé / acte

de langage; énoncé constatif / énoncé performatif; performatif

primaire / performatif explicite; acte locutoire / acte illocutoire /

acte perlocutoire; types d’actes / classes d’actes illocutoires.

Faire la distinction et illustrer la différence entre règles

normatives et règles constitutives.

Démontrer l’importance du principe d’exprimabilité dans

l’explication du fonctionnement des actes illocutionnaires.

Etablir les différences entre les types d’actes de langage de

Austin et ceux de Searle.

Définir et expliquer le rôle des composantes de la structure de

l’acte illocutoire.

Expliquer le fonctionnement des règles constitutives dans

l’accomplissement d’un acte illocutoire.

Expliquer la nécessité et l’avantage des critères de classification

dans l’établissement des classes d’actes illocutoires.

Formuler les différences entre les deux séries de classes d’actes

illocutoires (Austin et Searle).

Présenter les points faibles de la théorie classique des actes de

langage et justifier, si possible, les critiques formulées à cet

égard.

Définir et caractériser l’acte illocutoire.

Relever les fondements de la distinction acte direct / acte

indirect.

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Eléments de pragmatique linguistique

Définir et expliquer le mécanisme de la dérivation illocutoire.

Nommer les marqueurs de la dérivation illocutoire et expliquer

le mécanisme de leur fonctionnement comme indices de

dérivation.

Définir la stratégie inférentielle et expliquer son fonctionnement

dans la reconnaissance de l’acte illocutoire dérivé.

Prendre connaissance des approches récentes qui ont proposé

des alternatives à la théorie des actes de langage.

Expliquer les rapports de la pragmatique avec la linguistique et

les sciences cognitives.

Expliquer la théorie de la pertinence et le fonctionnement du

principe de pertinence en pragmatique.

Décrire le mécanisme de l’interprétation des énoncés.

Suivre l’évolution du concept d’acte de langage, à travers les

théories qui y ont eu recours, depuis la théorie classique

d’Austin et de Searle jusqu’à l’approche psychosociologique de

Goffman.

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Les actes de langage

1.

1.1 Les sources de la théorie des actes de langage Deux sont les sources de la théorie classique des actes de langage: l’opposition à la théorie descriptiviste (représentationnaliste

pour Récanati). Dans les conférences William James qu’il donne en 1955 à Harvard, J.L. Austin s’élève contre la théorie descriptiviste, qu’il appelle de façon péjorative l’illusion descriptive, conformément à laquelle la fonction du langage est de décrire la réalité: un énoncé décrit un certain état de choses ou affirme une certaine réalité et, par rapport à cet état de choses / cette réalité, il ne peut être que vrai ou faux.

Par exemple, les énoncés: ‘Il pleut depuis trois jours.’,’Jean a perdu son train.’ sont vrais si l’état de choses évoqué s’avère être vrai et faux si l’état de choses concerné ne se vérifie pas dans la réalité. Austin constate qu’il y a des énoncés déclaratifs qui ne décrivent et n’affirment aucune réalité, mais bien au contraire, créent / instaurent une réalité: «On en est venu à penser communément qu’un grand nombre d’énonciations [utterances] qui ressemblent à des affirmations, ne sont pas du tout destinées à rapporter ou à communiquer quelque information pure et simple des faits… Toutes les informations, vraies ou fausses, ne sont pas pour autant des descriptions…» (AUSTIN, 1970: 38 –39) Il s’agit d’énoncés du type:

Oui [je le veux ] – prononcé lors de la cérémonie du mariage Je baptise ce bateau le Queen Elizabeth Je donne et lègue ma montre à mon frère – dans un testament Je vous parie six pence qu’il pleuvra demain. (id.: 41)

La théorie du langage performatif

de J.L. Austin

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Eléments de pragmatique linguistique

Il s’ensuit que la fonction du langage «est tout autant d’agir sur la réalité et de permettre à celui qui produit un énoncé d’accomplir, ce faisant, une action.» (MOESCHLER & AUCHLIN, 2000:135).

Cette conclusion fonde la seconde source, à savoir la conviction suivant laquelle l’unité minimale de la communication humaine n’est ni la phrase ni une autre expression mais l’accomplissement de certains types d’acte (SEARLE, 1972) et justifie l’inclusion de la théorie des actes de langage dans une théorie élargie de l’action.

1.2 Enoncé constatif / énoncé performatif

En étudiant différents types d’énoncés déclaratifs, Austin opère une première distinction entre :

● énoncés (ou énonciations cf. à la traduction) constatifs qui, même s’ils ne servent pas tous à décrire une réalité (ou un état de choses) peuvent être sanctionnés comme vrais ou faux:

Il meurt. Il fait chaud ici. Tu feras ton devoir maintenant. Le taureau est en train de foncer. ● énoncés performatifs qui ne décrivent aucune réalité mais

servent, au contraire, à instaurer une nouvelle réalité et qui ne peuvent être ni vrais ni faux mais heureux ou malheureux.:

Je te promets de t’emmener au cinéma demain. Je te prie de faire plus d’attention à ses discours. J’exige qu’on m’obéisse. Les énoncés constatifs sont soumis aux conditions de vérité alors

que les énoncés performatifs dépendent des conditions de félicité déterminées par «l’existence de procédures conventionnelles, parfois institutionnelles (mariage, baptême, etc.),et de leur application correcte et complète, des états mentaux appropriés ou inappropriés du locuteur, du fait que la conduite ultérieure du locuteur et de l’interlocuteur soit conforme aux prescriptions liées à l’acte de langage accompli.» (MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 136)

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Les actes de langage

1.3 Performatif explicite / performatif (primaire) implicite En poursuivant son analyse, Austin fait remarquer que les énoncés

performatifs présentent tous la même particularité syntaxique, à savoir: ce sont des énoncés à la 1re personne du singulier de l’indicatif présent avec des verbes du type: ordonner, prier, promettre, inviter, demander etc. En même temps, il identifie dans la catégorie des énoncés constatifs certains qui correspondent à des performatifs même s’ils n’ont pas la structure syntaxique mentionnée:’ Je t’emmènerai demain au cinéma’ peut fonctionner comme une promesse, tout comme ‘Je te promets que je t’emmènerai demain au cinéma.’

Cette remarque lui permet d’opérer une deuxième distinction entre performatif explicite et performatif primaire (implicite).

Le premier type désigne un énoncé déclaratif qui nomme l’acte accompli et qui comporte dans sa structure un préfixe qui exprime sans ambiguïté la performativité de l’énoncé:

Je vous ordonne de quitter cet établissement jusqu’à ce soir. Je te prie de me ficher la paix. Je vous demande d’ attendre encore un instant. Le second type désigne un énoncé où l’acte accompli n’est pas

nommé mais il sera identifié grâce au contexte: La séance est ouverte. Je te ferai comprendre tout cela. Tu finiras tes devoirs avant que ton père ne rentre. Austin constate également que les énoncés constatifs désignent tous

des actes implicites d’assertion et qu’ils se laissent tous paraphraser par des performatifs explicites, ce qui lui permet de conclure que toute phrase est potentiellement performative, le rôle des verbes performatifs du type affirmer, déclarer, ordonner, etc. étant d’expliciter la force performative de la phrase:

Je viendrai ce soir - Je te promets de venir ce soir. Il fait froid ici - J’affirme qu’il fait froid ici. La séance est ouverte. – Je déclare la séance ouverte.

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Eléments de pragmatique linguistique

Il faut donc retenir que sont des performatifs primaires tous les énoncés dont la structure syntaxique ne contient pas un marqueur explicite de performativité (force illocutionnaire, voir infra): ‘Il meurt‘, ‘Voulez-vous du café?’ , tandis que la structure syntaxique des performatifs explicites contient ce marqueur :’ Je déclare (j’affirme) qu’il meurt’,’ Je vous demande si vous voulez du café.’

Dans le cas des performatifs primaires, le marqueur (ou formule performative) est explicité dans la représentation sémantique de l’énoncé (SADOCK, 1974). Dans le cas des performatifs explicites, le marqueur se retrouve dans la structure syntaxique de l’énoncé.

Tout énoncé performatif se définit par son caractère sui-référentiel: en même temps qu’il représente un certain état de choses dont on vise l’instauration, il se présente comme énoncé accomplissant un certain acte de parole.Employé normalement afin de «provoquer certains faits bien déterminés…, il est nécessaire qu’il ait un caractère causateur. «(LARREYA, 1979: 19). L’élément CAUSE, qui définit ce caractère, figurerait dans la structure sémantique de l’énoncé performatif et devrait être accompagné d’un «autre trait [+VOLITION], censé rendre compte du fait qu’un acte de langage performatif consiste à produire délibérément certains effets…La présence du trait [+VOLITION] est une seconde condition nécessaire pour qu’un énoncé soit performatif.» (id.) Dans la structure sémantique de l’énoncé, le prédicat central se caractériserait par une dualité de sens – exprimée par les deux concepts causation et volition – qui rendrait difficile la paraphrase d’un énoncé performatif.

1.4 Types d’actes de langage

Cette deuxième distinction fait surgir une difficulté: on constate que le même énoncé peut être soumis tantôt aux conditions de vérité (s’il se manifeste comme un constatif pur: ‘Le chat est sur le paillasson.’), tantôt aux conditions de félicité (s’il se manifeste comme un performatif: ‘J’affirme que le chat est sur le paillasson’). C’est pourquoi, Austin préfère laisser de côté cette distinction entre types d’énoncés et distinguer entre types d’actes de langage.

L’examen détaillé d’un énoncé lui permet de distinguer trois types d’actes de langage:

● l’acte locutionnaire / locutoire qui représente l’activité linguistique proprement dite, l’activité de dire ou le dire. Il se décompose en trois sous – actes: l’acte phonétique qui consiste en la production des sons, l’acte phatique qui représente la combinaison des mots en phrase et l’acte rhétique qui consiste à employer les mots dans un sens et avec une

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Les actes de langage

référence plus ou moins déterminée. Cet acte est accompli par le fait de dire quelque chose.

● l’acte illocutionnaire / illocutoire est un acte qui se superpose au premier, un acte effectué en disant quelque chose. Il s’agit d’actes du type: questionner, répondre, renseigner, rassurer, avertir, etc.

● l’acte perlocutionnaire / perlocutoire est accompli par le fait d’avoir dit quelque chose et relève des conséquences de ce que l’on a dit, conséquences qui ne font pas partie intégrante de l’acte locutoire, elles surviennent après. Dire ‘La séance est ouverte’ implique un certain nombre de conséquencs: les participants se taisent, quelqu’un prend la parole, etc.

Austin distingue, donc: «l’acte locutoire (et les actes phonétique, phatique et rhétique qu’il inclut) qui possède une signification; l’acte illocutoire où le fait de dire a une certaine valeur; et l’acte perlocutoire, qui est l’obtention de certains effets par la parole.» (AUSTIN, 1970: 129)

1.5 Les classes d’actes illocutionnaires L’objet central de la théorie des actes de langage est l’acte

illocutionnaire. Pour Austin, l’acte illocutoire n’est pas une conséquence directe de l’acte locutionnaire, mais une «valeur», ou une «force» que l’acte locutoire acquiert en plus, du fait de la volonté du locuteur, et non de façon strictement induite par son sens littéral … le même énoncé peut être proféré pour rassurer, pour effrayer..» (BLANCHET, 1995: 32) Cette «force» ou cette «valeur» s’appelle force/valeur illocutoire de l’énonciation et elle peut être identifiée grâce à la structure syntaxique de l’énoncé (dans le cas du performatif explicite) ou bien grâce au contexte de production de l’énoncé (dans le cas des performatifs primaires). L’étude de cette force/valeur permet à Austin d’établir cinq classes d’actes illocutionnaires;

Les verdictifs qui permettent au locuteur «de se prononcer sur ce qu’on découvre à propos d’un fait ou d’une valeur, mais dont, pour différentes raisons, on peut difficilement être sûr»: acquitter, condamner, décréter que, estimer, calculer, coter, apprécier, etc.

Les exercitifs «renvoient à l’exercice de pouvoirs, de droits ou d’influences»: désigner, renvoyer, excommuniquer, nommer, ordonner, voter pour, léguer, condamner, etc.

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Eléments de pragmatique linguistique

Les promissifs se caractérisent «par le fait que l’on promet, ou que l’on prend en charge quelque chose»: promettre, convenir de, contracter, se lier, donner sa parole, jurer de, parier, etc.

Les comportatifs représentent «un groupe très disparate qui a trait aux attitudes et au comportement social»: s’excuser, remercier, déplorer, compatir, rendre hommage, critiquer, applaudir, souhaiter la bienvenue, faire ses adieux, etc.

Les expositifs «sont employés dans les actes d’exposition : explication d’une

façon de voir, conduite d’une argumentation, clarification de l’emploi et de la référence des mots»: affirmer, nier, remarquer, renseigner, prévenir, dire, rapporter, tenir pour, postuler, argumenter, etc.(AUSTIN, 1970: 153 – 162)

Cette classification n’est pas tenue «comme achevée et parfaite» (id.)

et soulève assez de difficultés d’interprétation. Elle a été, d’ailleurs, critiquée par nombre de linguistes dont Searle lui-même.

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Les actes de langage

2.

2.1 Règle normative / règle constitutive Searle continue la théorie des actes de langage dans la direction de

la théorie de l’action car il affirme que «L’hypothèse sur laquelle repose cette étude est donc que parler une langue, c’est adopter une forme de comportement régie par des règles.» (SEARLE, 1972: 59) Les règles auxquelles se rapportent Searle sont de deux catégories: règles normatives dont la fonction est de «régir une activité préexistante, une activité dont l’existence est logiquement indépendante des règles» On retrouve dans cette catégorie les règles de politesse qui gouvernent des formes de comportement qui leur préexistent; règles constitutives qui «fondent (et régissent également) une activité dont l’existence dépend justement de ces règles.» et qui ont la forme X compte pour Y dans le contexte C. L’hypothèse de Searle prend donc la forme suivante: «D’une part la structure sémantique d’une langue peut être considérée comme l’actualisation, suivant des conventions, d’une série d’ensembles de règles constitutives sous-jacentes, et d’autre part, les actes de langage ont pour caractéristique d’être accomplis par l’énoncé d’expressions qui obéissent à ces ensembles de règles constitutives.» (id.: 76)

L’orientation de Searle fait que «la théorie des actes de langage concerne l’analyse de la langue et de la signification dans la prise de parole du locuteur conçue comme une véritable action, comparable à une action matérielle réalisée par exemple avec la main.» (BLANCHET, 1995: 30)

La théorie de J. Searle: la structure des actes

de langage

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Eléments de pragmatique linguistique

2.2 Le principe d’exprimabilité La première contribution de Searle à la théorie austinienne est la

formulation du principe d’exprimabilité, principe selon lequel tout ce que l’on veut dire peut être dit: «Pour toute signification X, et pour tout locuteur L, chaque fois que L veut signifier (a l’intention de transmettre, désire communiquer, etc.) X, alors il est possible qu’existe une expression E, telle que E soit l’expression exacte ou la formulation exacte de X.» (SEARLE, 1972: 56-57) Ce principe exprime en fait le refus de Searle de séparer – comme Austin le fait – le sens descriptif et le sens pragmatique de la phrase: «Puisque toute phrase douée de sens peut, de par sa signification même, être utilisée pour effectuer un ou une série d’actes de langage particuliers, et puisque tout acte de langage réalisable peut en principe recevoir une formulation exacte à l’intérieur d’une ou de plusieurs phrases (en admettant que la situation le permette), il s’ensuit que l’étude de la signification des phrases et l’étude des actes de langage ne forment pas deux domaines indépendants, mais seulement un seul, vu sous deux aspects différents.» (id.: 54 –55)

Du principe d’exprimabilité découlent deux autres éléments qui sont devenus les notions centrales sur lesquelles s’appuie la théorie de Searle: celle d’intention et celle de convention. Searle affirme que tout locuteur est animé, lors de la communication, d’une double intention: communiquer à son interlocuteur le contenu de sa phrase et, en même temps, faire reconnaître à ce dernier cette première intention grâce à des règles linguistiques conventionnelles qui fixent la signification de la phrase et font reconnaître cette première intention par la production d’une phrase en vertu des règles conventionnelles qui gouvernent l’interprétation de cette phrase dans la langue commune. Par exemple, en produisant l’énoncé ‘Je te promets que je viendrai demain’, le locuteur poursuit une double intention: a. promettre de venir et b.faire reconnaître cette intention par la production de la phrase «Je te promets de venir demain» en vertu des règles conventionnelles qui gouvernent l’interprétation de cette phrase dans la langue commune. (REBOUL &MOESCHLER, 1998: 30)

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Les actes de langage

2.3 Les types d’actes de langage

Searle se consacre, par la suite, à l’étude de la structure des actes de langage, en fait de l’acte illocutionnaire. Vu que, dans la classification des actes d’Austin, l’acte rhétique, qui introduit le sens, était partie constitutive de l’acte locutionnaire, Searle propose une autre classification qui marque plus clairement la distinction entre les différents types d’activités langagières

● énoncer des mots (morphèmes, phrases) = effectuer des actes d’énonciation;

● référer et prédiquer = effectuer des actes propositionnels; ● affirmer, poser une question, ordonner, etc. = effectuer des actes

illocutionnaires. Searle a des doutes sur l’existence des actes perlocutionnaires mais

il les accepte dans des termes semblables à ceux d’Austin. Le rapport entre les trois premiers types d’actes se manifestent de la

manière suivante: il arrive parfois de produire des actes d’énonciation sans pour autant produire des actes propositionnels ou illocutionnaires. Il est assez difficile de produire un acte propositionnel sans produire en même temps un acte illocutionnaire et il est impossible de produire un tel acte sans produire un acte propositionnel.

2.4 Structure de l’acte illocutionnaire et règles constitutives

Une autre contribution importante de Searle consiste à distinguer dans la structure d’un énoncé ce qui relève de l’acte illocutionnaire lui-même et qu’il appelle le marqueur de force illocutionnaire et ce qui relève du contenu propositionnel et qu’il appelle le marqueur de contenu propositionnel. Cette distinction met en évidence que proposition (contenu propositionnel) et acte illocutionnaire ne sont pas confondus. La formule canonique de l’acte illocutionnaire F(p), où F est la force illocutionnaire et p le contenu propositionnel, illustre justement cette distinction. Dans l’énoncé ‘Je promets que je viendrai’, je promets = marqueur de force

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Eléments de pragmatique linguistique

illocutionnaire, je viendrai = marqueur de contenu propositionnel. (SEARLE, 1972: 69)

Toute phrase se caractérise par un potentiel de force illocutionnaire (= le type de force illocutionnaire associé à cette phrase en vertu de sa modalité: déclarative, interrogative, impérative), et un potentiel de contenu propositionnel (= le type de contenu auquel la phrase est associée par sa signification descriptive) La conjonction de ces deux potentiels constitue le potentiel d’acte illocutionnaire de la phrase (RECANATI, 1981: 153-162) Le sens d’un énoncé est déterminé par l’adjonction d’une force illocutionnaire à un certain contenu propositionnel. La formule de Searle partage l’acte de langage en un «vouloir dire» (=F) et un «dire» (=p)

Le contenu propositionnel représente l’action dont le locuteur demande la réalisation ou affirme l’existence. La force illocutionnaire est une valeur (conventionnelle) abstraite, attribuée aux expressions linguistiques, qui appartient au sens de l’énoncé (meaning of the sentence) et qui rend possible la reconnaissance du type d’acte accompli (ordre, prière,promesse, etc.)

Le propre de la force illocutionnaire et d’être reconnue et comprise. La reconnaissance et la compréhension sont le fait de l’interlocuteur et constituent l’effet illocutionnaire (= «faire en sorte que soit compris le sens de ce qui est dit et la force avec laquelle c’est dit», d’après Austin) Elles assurent l’accomplissement de l’action dénotée dans le contenu propositionnel, c’est-à-dire l’atteinte de l’effet perlocutionnaire de l’acte illocutionnaire. LYONS (1980:351) attire l’attention sur la distinction entre l’effet perlocutionnaire désiré (par le locuteur) et l’effet perlocutionnaire réel (la réponse de l’interlocuteur).Ce dernier peut correspondre au premier et dans ce cas l’acte est accompli: en demandant à quelqu’un ‘Ouvrez la fenêtre!’ celui-ci ouvre effectivement la fenêtre; ou bien il peut être contraire: en demandant à quelqu’un ‘Ouvrez la fenêtre!’ celui-ci - pour des raisons qui le concernent – refuse d’ouvrir la fenêtre et, dans ce cas, l’acte n’est pas accompli. La force illocutoire présente plusieurs composantes à l’aide desquelles on peut identifier les différentes valeurs qu’une même force peut acquérir suivant le contexte:

● le but illocutionnaire détermine la direction d’ajustement (voir infra) et se définit par la tentative linguistique du locuteur de déterminer la réalisation de l’action mentionnée dans le contenu propositionnel;

● le mode d’accomplissement reflète l’attitude du locuteur face à l’interlocuteur au moment de la réalisation de l’action;

● les conditions sur le contenu propositionnel précisent le caractère de l’action dénotée;

● les conditions préparatoires portent sur la capacité de l’interlocuteur d’accomplir l’action demandée;

● la condition de sincérité exige que le locuteur désire ou veuille sincèrement l’accomplissement de l’action concernée.

● le degré de puissance indique l’intensité avec laquelle le locuteur désire l’accomplissement de l’action dénotée dans le contenu propositionnel. (VANDERVEKEN, 1988: 107 –129)

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Les actes de langage

Une fois constituée la formule canonique, Searle décrit / établit «les conditions nécessaires et suffisantes» pour qu’un acte soit accompli «avec succès et sans défauts.» (1972: 72) Ce sont les règles constitutives d’un acte illocutoire:

●les règles préparatoires qui portent sur la situation de communication (les interlocuteurs parlent la même langue, ils parlent «sérieusement» etc),

● la règle de contenu propositionnel précise la nature du contenu de l’acte à accomplir,

● les règles préliminaires qui portent sur le savoir ou la croyance du locuteur concernant les capacités, intérêts et intentions de l’interlocuteur ainsi que la nature du rapport entre les interlocuteurs,

● la règle de sincérité définit l’état psychologique du locuteur, ● la règle essentielle spécifie le type d’obligation contractée par le

locuteur ou l’interlocuteur par l’énonciation de l’acte en question, ● les règles d’intention et de convention qui décrivent les

intentions du locuteur et la façon dont il les met en application grâce à des conventions linguistiques (in MOESCHLER, 1985: 31)

2.5 Critères de classification des actes illocutionnaires

Searle a reproché à Austin que sa classification des actes illocutoires n’est pas une classification d’actes mais une classification de verbes qui ne s’appuie pas sur des principes clairs. L’absence de principes clairs et cohérents fait que les classes d’Austin «se recouvrent largement entre elles et certaines même manquent complètement d’homogénéité.» (SEARLE, 1982: 49) C’est pourquoi il entreprend d’abord l’établissement d’un ensemble de douze critères censés permettre une classification objective et pertinente : le but de l’acte illocutoire, la direction d’ajustement entre le mot et le monde, les états psychologiques exprimés, les différences dans le contenu propositionnel déterminées par des mécanismes liés à la force illocutoire, la force avec laquelle le but illocutoire est représenté, les statuts respectifs du locuteur et de l’interlocuteur et leur influence sur la force illocutoire de l’énoncé, les relations de l’énoncé avec les intérêts du locuteur et de l’interlocuteur, les relations au reste du discours, les différences entre les actes qui passent nécessairement par le langage et ceux qui peuvent s’accomplir avec ou sans le langage, la différence entre les actes institutionnels et les actes non-institutionnels, l’existence ou non d’un verbe performatif correspondant à l’acte illocutoire, le style de l’accomplissement de l’acte. (in MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 138-139)

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Eléments de pragmatique linguistique

De ces douze critères, quatre seulement sont considérés comme réellement opératoires pour cette classification, à savoir:

● Le but illocutionnaire représente la finalité de l’acte illocutoire; il fait partie de la force illocutoire (voir supra) mais ne la recouvre pas et exprime l’essai du locuteur de faire quelque chose par son interlocuteur, ou par soi-même.Dans les études ultérieures, le but illocutoire est divisé en l’intention illocutoire du locuteur qui exprime son intention d’accomplir un acte illocutoire et l’intention de communication de celui-ci qui exprime son intention de faire comprendre à l’interlocuteur son intention de réaliser un acte illocutoire. Le but illocutoire peut être commun à plusieurs types d’actes (promesse, ordre, par exemple) qui se distinguent cependant par leur mode d’accomplissement.

● La direction d’ajustement détermine le rapport que l’acte

illocutoire introduit entre l’état de choses et les mots qui le désignent (le contenu propositionnel).

ELUERD (1985:167) n’accepte pas ce critère en vertu du fait que «le monde ne saurait s’ajuster aux mots, ni les mots s’ajuster au monde,puisque c’est par et dans le langage ordinaire des mots que nous advient un monde humain.»

● L’état psychologique exprimé par le locuteur ou, d’une façon

générale, l’attitude du locuteur à l’égard du contenu propositionnel. Ce critère correspond à la condition de sincérité des règles constitutives.

H. PARRET reproche à Searle de ne considérer comme pertinent qu’un seul état de choses (le désir) et que ce seul état soit celui du locuteur (1979 :86) L’auteur apprécie que, pour certains actes illocutoires, sont pertinents au moins deux états psychologiques: l’état judicatif et l’état volitif du locuteur et également de l’interlocuteur: «L (ou I) juge que p et L (ou I) désire que p.» (id.: 89). Selon lui, «… tout acte de langage repose sur une attitude de L et de I, construite sur l’état (théorique) judicatif et l’état (pratique) volitif des deux participants à la séquence discursive.» (id.)

● Le contenu propositionnel, correspondant à la condition de

contenu propositionnel.

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Les actes de langage

2.6 Les classes d’actes illocutionnaires Sur la base de ces quatre critères, Searle établit les classes d’actes

illocutoires suivantes: Les assertifs: but illocutoire = engager la responsabilité du locuteur sur

l’existence d’un état de choses; direction d’ajustement = des mots au monde; état psychologique exprimé = la croyance que p: affirmer, prédire, avertir, etc.

Les directifs: but illocutoire = essayer de faire quelque chose par l’auditeur;

direction d’ajustement = des mots au monde; état psychologique = la volonté, le souhait, le désir: ordonner, supplier, plaider, prier, solliciter, demander, etc.

Les promissifs: but illocutoire = obliger le locuteur à faire quelque chose;

direction d’ajustement = des mots au monde; état psychologique = intention: promettre, faire serment, faire vœu,etc.

Les expressifs: but illocutoire = exprimer un état psychologique; direction

d’ajustement = ce critère n’est pas pertinent; état psychologique =celui qui est manifesté par le but illocutoire: s’excuser, féliciter, remercier, etc.

Les déclarations: but illocutoire = provoquer un changement par notre

déclaration; direction d’ajustement = des mots au monde et du monde aux mots; état psychologique = n’est pas pertinent.

2.7 Critiques de la théorie classique des actes de langage La théorie des actes de langage - c’est-à-dire l’ensemble constitué

des études des deux philosophes du langage, Austin et Searle - a été, et ne cesse de l’être, soumise à maint analyses, critiques, reproches par nombre de spécialistes qui ne lui ont épargné aucune des insuffisances ou des erreurs d’interprétation, description, formulation, etc.

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Eléments de pragmatique linguistique

La théorie de la performativité a été critiquée par nombre de linguistes, avec des

arguments différents. ● RECANATI, par exemple, reproche à Austin «la performativité généralisée» à

laquelle conduit sa dichotomie car cela mènerait «à universaliser la dépendance contextuelle, puisque pour comprendre un énoncé, quel qu’il soit, il faut déterminer quel acte de discours son énonciation constitue, ce qui revient à le considérer comme un fait qui a lieu dans un contexte (car un acte de discours est un fait) … la phrase-type ‘ferme la porte’ sera, selon les occurrences, tantôt un ordre, tantôt une requête, tantôt une supplication et pour déterminer entièrement le sens de ces diverses occurrences, il faut recourir à ce que montre le fait de leur énonciation dans un contexte.» (1979 a :165)

● BENVENISTE n’accepte pas la théorie de la performativité austinienne

(1966: 267 –276) car pour lui, un énoncé est performatif en ce qu’il dénomme l’acte performé, du fait qu’Ego prononce une formule contenant le verbe à la première personne du présent … un énoncé performatif «doit nommer la performance de parole et son performateur» Un énoncé performatif «est par lui- même un acte», il est l’acte; «celui qui le prononce accomplit l’acte en le dénommant.» Rien de pareil dans le cas des performatifs primaires. Pour Benveniste, le critère formel – la structure syntaxique de la phrase – est le critère de base pour la classification des énoncés en performatifs et non-performatifs. S’y ajoute la qualité de l’énoncé d’être acte, c’est-à-dire de se poser intrinsèquement comme acte. En conséquence, il ne reconnaît que quatre types d’énoncés performatifs: ceux «où un verbe déclaratif-jussif à la première personne du présent est construit avec un dictum»: J’ordonne que la population soit mobilisée’; ceux qui associent «la construction du verbe avec un complément direct et un terme prédicatif»: ‘Je vous proclame élu’, ‘Je vous déclare coupable’, ‘Je nomme X directeur’; les énoncés qui se «réduisent au dictum «mais renvoient à un acte légitime d’autorité: ‘M. X est nommé ministre plénipotentiaire’,’La chaire de botanique est déclarée vacante’; ceux qui posent «un engagement personnel» pour les locuteurs qui les énoncent: ‘Je jure’, ‘Je promets’, ‘Je m’engage.’(id.)

Récanati (1979 a.:105) apprécie que Benveniste «voit une différence de nature là où il y a une différence de degré.» Si Austin choisit l’extension de la catégorie, Benveniste choisit le critère linguistique formel.

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Les actes de langage

Dans le cas des peformatifs explicites, la théorie classique des actes de langage

considère que la force illocutionnaire indiquée par le préfixe performatif ne fait pas partie du sens de l’énoncé – concentré uniquement dans le contenu propositionnel dénoté par le dictum (la complétive dénotant l’état de choses dont on vise la réalisation) – mais elle est ajoutée à cet énoncé et ne change en rien le contenu descriptif de celui-ci. STRAWSON est du même avis: « … le verbe ne sert pas tant à attribuer au locuteur une certaine intention qu’à rendre explicite… le type d’intention communicative qui anime sa parole» (in RECANATI, 1981: 53) Il s’ensuit que la proposition principale, dans un performatif explicite, n’est rien d’autre qu’un quasi- commentaire, totalement intégré à l’énoncé qu’il commente. (id.) L’emploi des préfixes performatifs pour expliciter la force illocutionnaire attribuée à un énoncé est dû à une convention pragmatique, conformément à laquelle l’emploi de formules telles Je t’ordonne de…, Je te prie de…, Je te promets de…. équivaut à la réalisation de l’acte dénoté par le verbe, donc à l’accomplissement de l’acte ordonner,prier, promettre.

A l’encontre de cette thèse, RECANATI soutient que le préfixe performatif n’est pas un simple marqueur de la force illocutionnaire bien au contraire, il fait partie du contenu propositionnel de l’énoncé. Il affirme que, pour Austin et pour Searle, «la valeur descriptive de ces énoncés (préfixes performatifs) est subordonnée à leur fonction indicative : bien qu’intrinsèquement doués d’un sens descriptif, ils ne sont pas utilisés pour décrire l’état de choses qu’ils représentent,mais pour accomplir un acte de communication dont cet état de choses serait le contenu.» (1981: 52) Pour défendre sa théorie, Récanati s’appuie sur les arguments suivants:

En analysant la structure des performatifs explicites ‘Je te prie de venir’ (en relation avec le performatif primaire’ Viens, je te prie’) et ‘Je t’interdis de venir’, Récanati aboutit à la conclusion que, si le premier pourrait être constitué du préfixe performatif ‘je te prie’ et du performatif primaire correspondant ‘viens’, le deuxième n’a plus cette structure car le performatif primaire correspondant à’ je t’interdis de venir ‘n’est pas ’viens’ mais’ ne viens pas’. Cela prouve que le préfixe performatif n’est pas «un quasi-commentaire» s’ajoutant à un énoncé «complet pour en spécifier la force, comme c’est le cas lorsqu’il figure en incise, et il n’est plus d’aucune façon éliminable.» (id.: 73–74)

Les verbes performatifs nomment l’acte illocutionnaire accompli par l’énonciation de la phrase qu’ils introduisent, ils ne l’indiquent pas. Le performatif «je t’ordonne de.» a un contenu: il signifie «je t’ordonne.» (id.) En l’employant, le locuteur dit quelque chose: «il parle de l’acte illocutionnaire dénoté par le verbe performatif «ordonner’, et il dit qu’il l’accomplit.» (id.)

En énonçant une formule performative, le locuteur accomplit l’acte illocutionnaire dénoté par le verbe (ordonner, prier, conseiller, etc.) non pas en vertu d’une convention pragmatique associant ce verbe à cet acte, mais en vertu de la convention descriptive qui fait que «le verbe performatif dénote, en français, l’acte de ordonner, conseiller etc.» (id.:106) Cette convention fait que, en employant une formule performative, le locuteur dit accomplir un certain acte et il l’accomplit effectivement en disant qu’il l’accomplit.

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Eléments de pragmatique linguistique

«… en énonçant un performatif explicite, le locuteur déclare qu’il accomplit l’acte illocutionnaire dénoté par le verbe…» et il l’accomplit effectivement car «l’acte en question est précisément de ceux qu’on accomplit en disant qu’on les accomplit.» (id.: 106)

Il s’ensuit que les performatifs explicites se caractérisent par une dualité illocutionnaire: ces énoncés donnent directement l’information qu’un certain acte illocutionnaire est en train d’être accompli; leur énonciation a pour but de donner existence à un acte en informant le récepteur de l’existence de cet acte, ce qui revient à dire que l’acte de parole dont un performatif explicite représente l’accomplissement n’est accompli que de façon indirecte par l’intermédiaire d’un premier acte de parole consistant à dire qu’il est accompli. (id.: 108)

Un énoncé ne peut pas décrire sa propre force illocutionnaire, c’est-à-dire la force illocutionnaire qu’il possède directement. Donc, un performatif explicite tel ‘mais j’exige..tu entends?, j’exige que tu ne quittes cet appartement’ (Courteline, 1965: 43) ne peut pas représenter sa force illocutionnaire directe (déclarative), tout comme ‘ne quitte cet appartement ‘ ne représente pas le fait qu’il est un ordre. En échange, le performatif explicite décrit sa force illocutionnaire indirecte, à savoir l’ordre.(id.: 109)

Pour interpréter une parole, même explicite, il est toujours nécessaire de faire une inférence. Celle-ci repose sur l’idée que le locuteur respecte le principe de littéralité selon lequel «on ne doit pas énoncer une phrase ayant un certain potentiel d’acte illocutionnaire si l’on n’a pas l’intention d’accomplir un acte illocutionnaire relevant de ce potentiel.»(id.: 154) Un performatif explicite a un potentiel assertif et l’on infère donc que l’acte relève de ce potentiel. D’un autre côté, conformément aux règles et maximes qui gouvernent la conversation, on ne peut pas asserter sur l’avenir. Il s’ensuit que l’acte inféré viole cette règle et il s’agit donc d’un autre acte qui respecte le principe conversationnel. Cet acte, indirect donc, est «l’ordre de…»

Un acte de parole est indirect, non pas à cause de sa force, compatible avec le potentiel de la phrase, mais à cause de son contenu, s’il ne coïncide pas avec celui de l’énoncé. Un performatif explicite injonctif a une force illocutionnaire compatible avec le potentiel, neutre, des phrases déclaratives, le contenu de l’acte ne coïncide jamais avec la proposition exprimée par l’énoncé; «en disant que je t’ordonne de partir, j’ordonne que tu partes, et non que je t’ordonne. En vertu de cette différence systématique entre le contenu de l’acte et le contenu de l’énoncé, l’acte illocutionnaire est dénommé par un performatif explicite et toujours indirect.»(id.: 189-190)

«Le préfixe performatif n’est pas globalement un indicateur et ‘je t’ordonne de partir’ a, linguistiquement parlant, le même potentiel de force illocutionnaire que ‘il t’ordonne de partir’, à savoir celui que confère à toute phrase déclarative sa modalité. N’étant pas un simple indicateur pragmatique, le prétendu préfixe performatif contribue à déterminer le potentiel de contenu propositionnel de la phrase complète, de sorte que le potentiel d’acte illocutionnaire de je t’ordonne..diffère radicalement, dans notre analyse, de ce qu’il est pour Searle et alii: (ordre de partir donné par le locuteur à l’auditeur)» (id.: 162) Pour Austin et Searle, la structure est: ORDRE (départ de l’auditeur).

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Les actes de langage

L’indirection des performatifs explicites est soutenue par DUCROT aussi, mais

à partir de la thèse de la «dérivation délocutive». Conformément à cette thèse, l’énonciation d’un énoncé du type’ j’ordonne de ’ ne signifie pas l’accomplissement de l’acte ordonner. «La représentation , par le verbe performatif, de l’acte illocutionnaire qu’il dénote est un effet second.» En énonçant j’ordonne… le locuteur dit qu’il ordonne «parce qu’une convention descriptive du français associe le verbe ordonner à l’acte ordonner et cette convention descriptive présuppose la convention pragmatique en vertu de laquelle dire j’ordonne c’est ordonner.» (1972: 111 –112) L’hypothèse de Ducrot montre qu’un performatif explicite, dans certains cas au moins, est l’aboutissement d’un processus complexe, où l’on peut distinguer quatre étapes:

I-re . Le verbe V est doué d’un sens1 en vertu duquel il peut être employé à la première personne du présent pour accomplir l’acte illocutionnaire A.

II e. L’emploi de «je V» pour faire l’acte A devient conventionnel III e. Par dérivation auto – délocutive, à partir de son emploi conventionnel pour

l’acte A, le verbe V acquiert un deuxième sens2, en vertu duquel il dénote A. IV e. A la suite de cette dérivation, le verbe V, dans la formule conventionnelle

servant à faire l’acte A, est relu comme décrivant l’acte A. La formule «je V» devient ainsi un «performatif explicite» servant à accomplir un acte illocutionnaire et décrivant son accomplissement. (id.: 121)

La performativité austinienne s’est vue mise en cause par d’autres linguistes et chercheurs de ce domaine.

Dans un ouvrage sur l’impératif, C. DOBROVIE-SORIN (1985) critique la

performativité, en usant des arguments suivants: La dichotomie austinienne performatif / constatif repose sur une différence de

rapports instaurés entre ces énoncés et la réalité. Tandis que le second terme sert à désigner des énoncés qui participent à la description vraie ou fausse de la réalité,le premier désigne des énoncés constitutifs d’une réalité. En prononçant l’énoncé ‘Sors tout de suite!’, le locuteur accomplit non seulement un acte locutionnaire (prononcer la phrase) , mais aussi l’acte illocutionnaire ‘ordonner’. Au point de vue de la seconde distinction, le même énoncé est un performatif primaire qui a la force illocutionnaire d’un ordre. Grâce à cette nouvelle distinction, toute phrase devient potentiellement performative, le rôle des verbes du type ‘affirmer, demander, ordonner’ étant de rendre explicite la force performative (illocutionnaire) de la phrase. De la sorte, tout énoncé reçoit en structure sous-jacente un verbe performatif ayant toutes les propriétés requises par un performatif explicite.

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Eléments de pragmatique linguistique

Mais la théorie des performatifs abstraits et la forme syntaxique canonique du verbe performatif (explicite ou implicite) soulèvent quelques problèmes.

On ne peut pas déterminer la valeur performative de certains verbes en s’appuyant seulement sur leur forme morphologique (première personne singulier de l’indicatif présent). De même, la présence du verbe performatif n’exprime pas toujours la force illocutionnaire qu’il serait censé exprimer. Je te demande de ne plus mettre cette robe exprime, apparemment, une demande. Dans une suite dialoguée comme:

- Tu ne mettras plus cette robe. - Qu’est ce que ça veut dire? - Je te demande de ne plus mettre cette robe.’, l’énoncé n’a pas de valeur

performative. Il s’agit plutôt d’une description, d’une qualification de l’acte – une injonction – antérieure au moment de l’énonciation de ‘je te demande’ (le présent qu’il exprime n’est pas le présent de l’énonciation). A la différence de l’énoncé mentionné, ‘Ne mets plus cette robe, je te le demande’ (avec un performatif disloqué) a la force d’une demande véritable et non pas d’une description. Ces exemples remettent en discussion l’hypothèse suivant laquelle c’est la forme syntaxique qui détermine la force illocutionnaire. En réalité, ce n’est pas elle, mais les opérations énonciatives qui la déterminent. L’auteur cite Ducrot, pour lequel ce n’est pas la forme syntaxique mais les opérations énonciatives qui déterminent si un énoncé est performatif, et ceci même dans le cas où l’acte accompli est celui exprimé par le verbe. La présence d’un verbe performatif n’entraîne donc pas nécessairement l’accomplissement de l’acte de langage qu’il désigne. (id.: 36) Les énoncés ayant un performatif dans leur structure sont systématiquement ambigus: suivant le contexte, ils ont ou bien une valeur performative ou bien une valeur assertive. «Un verbe performatif a un sens; ce sont uniquement les conditions de sa production, les opérations énonciatives qui permettent de dire s’il indique ou non la force illocutionnaire.

La force illocutionnaire existe indépendamment du sens de la phrase: même si elle peut être épuisée par le sens, ce n’est jamais le sens qui indique ce qui arrive. Un verbe performatif peut rendre le sujet identifiable au sujet énonciateur et dans ce cas seulement il peut avoir un emploi performatif. »(id. :36) Et aussi:«…la différence performatif / non- performatif concerne non pas le sens,mais le type de réalité désignée et l’activité langagière … un verbe performatif pourra désigner l’activité langagière que le sujet parlant est en train d’accomplir.» (id.: 37) Cette interprétation rappelle celle de Bérendonner (1981) et induit la conclusion que le même énoncé, en l’occurrence’ je te demande de ne plus mettre cette robe’, serait, fonction des opérations énonciatives, tantôt descriptif, tantôt performatif. Il s’ensuit que « non seulement ils (les performatifs) ne sont pas nécessaires pour qu’un certain acte de langage soit accompli, mais ils ne sont pas suffisants (ils ne conduisent pas automatiquement à cet accomplissement).» (id.: 38) Il y a énoncé performatif chaque fois qu’on peut poser une coïncidence entre la force illocutionnaire de l’énoncé et la force illocutionnaire exprimée par le verbe.

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Les actes de langage

Une autre critique à l’adresse de la théorie des actes de langage est formulée par

A. BERRENDONNER (1981) qui prend en considération trois couples oppositionnels sur lesquels s’appuie cette théorie, à savoir: implicite / explicite, signification / valeur illocutoire, illocutoire / perlocutoire. Le phénomène d’indirection y est analysé en étroite liaison avec le concept de valeur illocutoire, concept qui, selon Berrendonner, manque de généralité et de propriétés distinctes.Dans la théorie austinienne, la valeur illocutoire d’un énoncé est distinguée de sa signification, assimilée toujours à la dénotation des objets. L’illocution n’a pas de valeur dénotative, elle rend compte du fait que le langage sert à agir sur l’interlocuteur. L’illocutoire s’oppose en même temps au perlocutoire, grâce à son caractère conventionnel (il «pourrait être explicité par une formule performative, ce qui n’arrive pas au perlocutoire») Aucune des propriétés assignées au concept d’illocutoire ne lui appartient en propre: si l’une d’entre elles disparaît ou si on les dispose dans une certaine hiérarchie, l’illocutoire perd son originalité, «se fond dans le locutoire ou le perlocutoire.» (id.: 16) L’auteur prend en considération trois manières différentes de récupérer ce concept:

verser les valeurs illocutoires au compte des signifiés explicites (associés à certains signifiants de la langue et marqués dans l’énoncé);

partager les valeurs illocutoires en deux classes: illocutoires explicites / illocutoires implicites;

considérer les valeurs illocutoires comme des faits d’implicite énonciatif. La première solution prend pour hypothèse que toutes les valeurs illocutoires

sont des composants des signifiés d’énoncé; des traits inhérents du ‘sens littéral’, marqués dans les énoncés, c’est-à-dire conventionnellement associés à des signifiants identifiables (morphèmes, constructions syntaxiques, etc.) Dans cette perspective, une même valeur illocutoire aura deux interprétations, suivant sa réalisation directe ou indirecte. L’énoncé ‘Ouvrez la fenêtre, s’il vous plaît!’ a une valeur illocutoire injonctive explicite tandis que ‘Il fait chaud ici.’ a toujours une valeur illocutoire injonctive mais implicite (dérivée), réalisée indirectement .

La deuxième solution interprète les actes dont l’accomplissement est explicitement marqué dans l’énoncé comme intrinsèquement différents des actes implicites, accomplis par voie d’allusion, ce qui mène en fait, à la première solution. Il résulte que des énoncés tels que ‘Sortez, s’il vous plaît!’, ‘Voulez-vous sortir, s’il vous plaît?’ ‘Veuillez sortir, s’il vous plaît !’ n’expriment pas une même et unique requête mais bien deux, sinon trois. On aboutit à une division des actes de parole: deux actes de requête, deux actes d’assertion, etc. La difficulté de résoudre le problème réside dans le fait que la théorie austinienne pose en principe l’opposition explicite / implicite. On a vu comme il est difficile de ranger une valeur illocutoire du côté de l’explicite ou bien de celui de l’implicite.

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Eléments de pragmatique linguistique

Pour résoudre ce dilemme, l’auteur propose de voir dans ce concept d’illocutoire un ensemble de valeurs implicites. Dans cette perspective, la langue «s’identifiera à une simple collection de noms, susceptibles de désigner des états de choses ou des événements».. Les valeurs illocutoires «devront être considérées comme des significations manifestées dans et par l’acte d’énonciation, mais nullement inscrites dans l’énoncé»…«les règles qui produisent les valeurs illocutoires ne diffèrent pas fondamentalement de celles qui permettent la distinction du plus ou moins conventionnel entre l’illocutoire et le perlocutoire et le calcul d’effet perlocutoire.» (id.: 23 – 24) Cette distinction entre illocutoire et perlocutoire perd toute sa signification.

Suivant cette interprétation, les valeurs illocutoires d’un énoncé ne sauraient être décelées que grâce au contexte situationnel. La possibilité offerte par ce contexte de suggérer une solution au décodage des énoncés censés réaliser différents actes de parole prouve les différences qui existent entre correction grammaticale et adéquation pragmatique. Bien qu’un énoncé ne soit pas adéquat(correct) du point de vue grammatical, son emploi dans un contexte actionnel donné peut fort bien l’être. Il ne faut pas en conclure que tout énoncé qui n’est pas correct du point de vue grammatical trouvera un contexte qui l’accepte. Il vaut mieux penser à introduire dans la description syntactico – sémantique des éléments de la langue ces éléments du contexte qui complèteraient cette description.

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Les actes de langage

3.

3.1 Définition de l’acte illocutionnaire On l’a déjà dit, l’acte illocutionnaire / illocutoire constitue l’objet

central de la théorie des actes de langage et des études et recherhes qui y ont trouvé leur raison d’être. En nous appuyant sur les textes fondateurs de la théorie, sur les ouvrages qui s’en réclament mais aussi sur ceux qui s’y opposent et ne lui épargnent aucun reproche quant aux insuffisances, erreurs, incertitudes d’interprétation ou de raisonnement, nous essayons de faire le point sur ce concept en présentant quelques unes de ses caractéristiques de différentes natures.

Pour SEARLE (1972: 86), l’acte illocutionnaire est l’acte par lequel «le locuteur entend produire un certain effet sur son interlocuteur en l’amenant à reconnaître l’intention qu’il a de produire cet effet.»

3.2 Caractéristiques de l’acte illocutionnaire

Un acte illocutionnaire consiste en la réalisation d’une action

visant la transformation de la réalité. «Les différents types d’énoncés représentent des états de choses sur des modes divers: une assertion représente un état de choses comme étant réel, et est vraie s’il l’est effectivement, alors qu’un ordre représente un état de choses comme devant

L’acte illocutionnaire

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Eléments de pragmatique linguistique

être réalisé par le destinataire, et est obéi s’il l’est effectivement.» (RECANATI, 1979 b: 12)

Un acte illocutionnaire est un acte intentionnel dans le sens que son interprétation appropriée est conditionnée par la reconnaissance, de la part de l’interlocuteur, du caractère intentionnel de son énonciation. Pour que l’énonciation ait un caractère intentionnel, il ne suffit pas que soit communiqué intentionnellement un certain contenu propositionnel, «il faut aussi que l’interlocuteur reconnaisse que ce contenu est communiqué intentionnellement.» (RECANATI, 1979 a: 180) L’uptake de l’interlocuteur (sa reconnaissance de l’intention du locuteur de lui communiquer intentionnellement quelque chose) est une des conditions essentielles de l’accomplissement de l’acte de parole.

Un acte illocutionnaire est un acte conventionnel au sens où il n’existe que relativement à l’institution linguistique et au sens où cette institution régit «leur accomplissement en associant à un certain type d’actes un certain type de phrase.»

Cette dernière partie de la définition ne se justifie que partiellement parce que l’acte spécifique est, cependant, interprété dans le contexte; ce qu’il fait qu’il ne puisse pas être associé conventionnellement à un seul type de phrase donnée (thèse justifiée, d’ailleurs, par l’existence des actes dérivés).

Le caractère conventionnel est également déterminé par le fait que la réalisation de l’acte est soumise à certaines conditions d’emploi, nommées conditions de réussite par Austin et conditions de satisfaction par Searle. Ces conditions d’emploi définissent le degré d’appropriété contextuelle de l’acte, c’est- à- dire son adéquation au contexte dans lequel il apparaît, adéquation qui est fonction de: «1. les circonstances et les personnes impliquées dans l’acte de langage, 2. l’intention des personnes impliquées, 3. le type d’effet associé à son énonciation.» (MOESCHLER, 1985: 24)

On parle également du caractère conventionnel d’un acte illocutionnaire en se rapportant à l’ensemble des règles constitutives (voir supra).

Le caractère conventionnel des actes de langage et les règles constitutives de ces actes ont été mis en cause dans certaines études, parmi lesquellles celle de C. DOBROVIE-SORIN (1985).

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Les actes de langage

Le rejet du conventionnalisme s’appuie sur les remarques suivantes: Conformément à ce qu’on vient de dire à propos du conventionnalisme des

actes illocutoires, il s’ensuit qu’un acte tel l’ordre, la prière, est un acte illocutionnaire ORDONNER, PRIER en vertu d’une convention et non pas en vertu de la signification de la phrase. Afin d’identifier le sens de la phrase, on ajoute à la convention linguistique, celle de force illocutionnaire. Les actes extralinguistiques, accomplis par des performatifs explicites (baptiser, ouvrir une séance) et les actes de parole accomplis aussi par des performatifs implicites (affirmer, ordonner) sont interprétés également comme des actes conventionnels. Les actes illocutionnaires sont conventionnels dans le sens des conventions linguistiques: les formules performatives constituent des moyens linguistiques mis à profit pour rendre explicite la force illocutionnaire d’un énoncé: J’ordonne que… J’exige que.. Je veux que… Parmi les actes illocutionnaires, il faut distinguer entre les actes dont l’accomplissement ne dépend que des conventions linguistiques et ceux «réglés par des conventions institutionnalisées » autres que les conventions linguistiques» et dont l’accomplissement dépend d’une procédure institutionnalisée (les formules rituelles). Si les formules institutionnalisées ont un sens seulement parce qu’elles appartiennent à des institutions externes à celle du langage, les actes de parole sont non seulement des actes accomplis grâce au langage mais aussi des actes pour lesquels le langage est constitutif et qui n’appartiennent à aucune autre institution (l’institution linguistique mise à part). A la différence des actes conventionnels institutionnalisés, les actes de parole sont accomplis dans la mesure où l’intention de faire agir l’interlocuteur est exprimée et comprise et assure l’accomplissement effectif de l’intention du locuteur. La possibilité qu’a un acte de se voir réalisé d’une manière formelle – à l’intérieur d’un rituel extralinguistique – ou d’une manière informelle en tant qu’acte de parole (l’ordre, la promesse) ainsi que la possibilité de la réalisation indirecte des actes de parole prouvent le manque de fondement de la théorie du conventionnalisme radical austinien.

Pour ce qui est des règles constitutives, l’auteur fait remarquer que, dans la théorie de Searle, ces règles constitutives régissent les faits institutionnalisés et les actes de langage (qu’il interprète comme des faits «actes» institutionnalisés). Ces règles créent et définissent des formes nouvelles de comportement (voir supra). Les actes de langage respectent ces règles constitutives par l’énonciation d’expressions qui se soumettent à leur ensemble. Les conditions identifiées par Searle pour l’acte «promettre» peuvent s’appliquer à d’autres actes aussi. Les règles établies par Searle font partie de la définition même des verbes performatifs dénotant les actes (promettre, ordonner).Il s’ensuit que les conditions définissent le sens des locutions ‘je promets’ ou ‘j’ordonne’ et ne représentent pas ces conditions exigées pour l’accomplissement «avec succès et sans défauts» de l’acte de communication.

Cette idée est soutenue aussi par la position de G. LAKOFF (1971) qui montre que les presuppositions des verbes performatifs dans leur emploi non-performatif sont identiques à certaines conditions de félicité des mêmes verbes dans leur emploi performatif.

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Eléments de pragmatique linguistique

A notre avis, la possibilité de vérifier la validité de ces règles sur des types différents d’actes qui ne s’accomplissent pas toujours par la parole (tels haïr,aimer, détester,désespérer, etc.) prouve qu’elles ne se présentent pas exclusivement comme des définitions du sens des verbes performatifs en question, mais comme un cadre général minimum exigé pour l’accomplissement d’un acte de parole. Elles ne peuvent pas être interprétées comme définitions car elles ne prennent pas en considération les traits inhérents sémantiques de ces verbes, traits qui, de toute façon, sont eux aussi différents, mais uniquement ce que ces verbes signifient du point de vue du locuteur. D’un autre côté, le fait que ces règles se vérifient pour des actes de parole accomplis moyennant des cadres linguistiques différents, pourrait constituer un autre contre-argument aux remarques de l’auteur.

Un acte illocutionnaire est un acte institutionnel dans le sens que les changements qu’il produit sont le résultat du respect ou de la violation d’un ensemble de normes. Il ne s’agit pas des normes linguistiques imposées par l’institution langagière mais d’un ensemble de droits et d’obligations qui définissent la relation des interlocuteurs et qui peuvent être respectés ou violés. (MOESCHLER, 1985: 34)

Un acte illocutionnaire est un acte de nature contextuelle et cotextuelle. (id.:24) Le contexte a le rôle de compenser l’imprécision quant à la force illocutionnaire dont se trouve investi un énoncé. Le cotexte devient opératif surtout dans l’analyse des actes de parole à l’intérieur d’une séquence conversationnelle. C’est lui qui décide de l’adéquation ou de la non-adéquation de l’acte à l’ensemble de la conversation.

3.3 Réalisation de l’acte illocutionnaire Les actes de parole (illocutionnaires) peuvent être accomplis

directement ou indirectement. Par l’acte de parole direct, «le locuteur énonce une phrase par

laquelle il communique exactement et littéralement ce qu’il dit»; son intention est de produire sur l’interlocuteur un certain effet illocutionnaire, en amenant ce dernier à reconnaître son intention de produire cet effet en vertu de la connaissance que celui-ci a des règles qui régissent l’énonciation de la phrase. La production de l’effet illocutionnaire préconisé par le locuteur est conditionnée par la capacité de l’interlocuteur de distinguer

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Les actes de langage

entre le sens attribué à l’énoncé par le locuteur (speaker utterance meaning) et le sens de la phrase (sentence meaning).

Tout énoncé, employé dans l’accomplissement d’un acte illocutionnaire, a un sens qu’il garde indépendamment de la situation de communication où il est énoncé et qui se manifeste par le marqueur de force illocutoire (cette partie de la structure d’une phrase qui indique le type d’acte accompli par le locuteur: l’ordre des mots, l’accent, l’intonation, le mode verbal, le verbe performatif, la modalité). Des énoncés tels que: ‘Pourquoi ne pars-tu pas?’ ‘Il fait chaud ici’, ‘Sois sage! ’ont la force illocutionnaire d’une question, d’une assertion et, respectivement, d’un conseil.

En accomplissant un acte de parole direct, le locuteur n’attribue à son énoncé un autre sens (speaker utterance meaning) que celui exprimé par le marqueur de force illocutoire, son intention visant à communiquer exactement et littéralement ce sens.

L’identité entre le sens de l’énoncé et le sens que le locuteur lui attribue dans une situation de communication donnée est le propre des actes de parole directs et constitue un critère d’identification des actes de parole indirects.

Les actes directs se présentent sous la forme des performatifs

primaires ou des performatifs explicites. Aux premiers correspondent une structure syntaxique propre à un certain type de phrase (assertive, impérative), ou bien d’autres combinaisons syntagmatiques:

Il neige depuis hier soir. Venez, les enfants! S’il vous plaît! Madame! Un instant, je vous prie, etc. Aux deuxièmes correspond la structure canonique constituée du

préfixe performatif = la phrase principale (le modus) dont le sujet est le pronom de 1re personne singulier et le verbe est un performatif à l’indicatif

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Eléments de pragmatique linguistique

présent et du marqueur de contenu propositionnel = la complétive (le dictum):

Je vous demander de ne plus parler. Je promets de finir mes devoirs avant 8 heures. Je veux que tout le monde apprenne cette bonne nouvelle, etc. Nous avons présenté supra les arguments qui fondent le rejet des performatifs

explicites comme moyen d’accomplissement direct des actes de parole. Nous présentons ci-dessous nos arguments en faveur de la théorie contraire: les performatifs explicites représentent un moyen d’accomplissement direct des actes de parole. Les voilà:

De façon générale, les contenus explicites sont considérés, logiquement, premiers et l’existence des contenus implicites est découverte à partir des contenus explicites parce qu’un contenu implicite présuppose obligatoirement un contenu explicite mais l’inverse n’est pas obligatoire. Je te demande de ne pas crier est explicitement une requête et implicitement une assertion. Définissant les modalités énonciatives comme «les finalités assignées à la formation de l’énoncé par le locuteur, filtrées par une grammaire de l’énonciation», CL. MULLER considère que même «les actes dérivés sont en fait des primitifs par leur intention: une question comme Vous avez France Soir? utilisée comme une requête, est bien au départ – dans l’intention du locuteur – une requête: c’est une requête qui utilise la question dans la stratégie adoptée.» (1991: 18)

La valeur explicite s’actualise à chaque occurrence de la phrase et ne permet pas de dérivation. Ainsi, par exemple, l’énoncé cité sera toujours interprété comme une requête adressée à l’interlocuteur de ne pas crier tandis que la forme de phrase correspondante ‘Ne crie pas’ est beaucoup plus ambiguë quant à la force illocutoire actualisée. Il n’y a que le contexte qui pourra préciser laquelle des valeurs spécifiques de la force illocutoire prescriptive est actualisée lors de son énonciation, le même énoncé étant susceptible d’exprimer tantôt une requête, tantôt un ordre ou bien un conseil. La forme explicite s’avère donc être plus contraignante, quant à l’interprétation de la force, que le performatif primaire.

La différence entre le performatif primaire et le performatif explicite est une différence de degré d’explicitation non pas de réalisation directe ou indirecte d’un acte illocutoire.Le performatif explicite dénote explicitement le type d’acte illocutoire accompli par l’énonciation de l’énoncé performatif. La forme de phrase a besoin du contexte pour qu’on puisse préciser la valeur illocutoire spécifique actualisée.

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Les actes de langage

4.

4.1 Fonctionnement de la dérivation illocutoire Définissant les actes de parole indirects comme l’accomplissement

d’un acte illocutoire par l’intermédiaire d’un autre acte illocutoire, SEARLE distingue du point de vue du locuteur, l’acte manifesté comme acte indirect au moment où, en énonçant une phrase et transmettant exactement et littéralement ce qu’il dit, le locuteur implique la présupposition, de l’acte direct qui n’implique pas cette information, obtenue seulement par la connaissance de la situation de communication donnée. Le marqueur de force illocutoire, présent dans la structure syntaxique ou dans la représentation sémantique, détermine l’appartenance de l’énoncé à une certaine classe d’actes de parole; l’intention du locuteur et la situation de communication lui attribuent un autre sens par lequel il s’associe à une autre classe d’actes illocutoires. Du point de vue sémantique, l’énoncé accomplit deux actes illocutoires:

● par l’acte (secondaire secondary illocutionnary act) on communique le sens littéral de la phrase (sentence meaning);

● par l’acte primaire (primary illocutionnary act) on communique le sens que le locuteur veut ou croit communiquer (speaker utterance meaning).

La dérivation illocutoire

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Eléments de pragmatique linguistique

4.2 Interprétation de l’acte dérivé (indirect) Le problème soulevé par l’interprétation des actes de parole indirects

concerne la manière dont le locuteur parvient à communiquer, en même temps, le sens de l’énoncé et le sens qu’il lui attribue dans la situation de communication donnée ainsi que la manière dont l’interlocuteur parvient à comprendre exactement les intentions du locuteur, c’est-à-dire la manière dont on organise, dans un contexte situationnel, la stratégie conversationnelle. Searle explique que le locuteur parvient à exprimer non seulement le sens littéral mais aussi son propre sens grâce, entre autres, à un arrière- plan de données contextuelles partagées par le locuteur et par l’interlocuteur et à des conventions sociales également reconnues et partagées.

Searle interprète les actes de paroles indirects en s’appuyant sur la relation

locuteur – interlocuteur, explicitée par la situation de communication et non pas par l’énoncé et à l’aide de la structure syntaxique de l’énoncé. Searle se situe dans une perspective onomasiologique (d’encodage) car, pour lui, la valeur envisagée d’abord par le locuteur – même si elle n’est extraite que secondairement par l’interlocuteur – et qui serait transmise dans la formulation directe correspondante est la valeur dérivée (le sens non-littéral de l’énoncé) tandis que la valeur primitive (le sens littéral) n’est que secondaire. Mais il ne fait pas de différence entre, d’un côté, caractère littéral vs caractère non-littéral de la valeur illocutoire et, d’un autre côté, caractère secondaire vs caractère primaire de cette même valeur, paires oppositionnelles entre lesquelles on ne peut pas mettre le signe d’égalité parce qu’il y a des actes indirects dont la valeur littérale ne saurait être considérée «secondaire», tel ‘Il fait chaud ici’, par exemple. (KERBRAT - ORECCHIONI, 1986: 111)

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Les actes de langage

Pour KERBRAT- ORECCHIONI (1986), l’acte de langage indirect fonctionne

comme un trope: «le sens littéral n’est autre qu’un leurre, le sens véritable, c’est le sens dérivé qui se dissimule sous le premier (et qui se trouve vis-à-vis de lui dans telle relation particulière).» (id.: 106). Et, s’agissant d’une séquence particulière, on devrait être capable d’établir une hiérarchie entre les deux sens / contenus: le contenu explicite constitue l’objet du message à transmettre, mais le contenu implicite représente en principe, le véritable objet du dire (id.: 21-22). «Le trope illocutoire opère un renversement de la hiérarchie des niveaux de contenu et se caractérise par un évincement du contenu primitif par le contenu dérivé.» (id.: 76) Si cette condition est satisfaite, les actes illocutoires indirects peuvent alors être interprétés comme des tropes illocutoires qui se manifestent soit comme tropes illocutoires lexicalisés (conventionnels): des énoncés tels ‘Pouvez-vous me passer le sel?’ qui, dans n’importe quel échange verbal signifie toujours la même chose: ‘Passez-moi le sel, s’il vous plaît !’ et qui sont tellement fréquents que « très souvent l’utilisateur de la langue ne se rend même pas compte du caractère indirect et dérivé des actes linguistiques qu’il accomplit.» (ZUBER in id.: 109), soit comme tropes illocutoires (non-conventionnels) tel ‘Il fait chaud ici’ qui dans un échange verbal circonstancié peut signifier: ‘Ouvrez la fenêtre, s’il vous plaît!’

Les tropes illocutoires lexicalisés sont des dérivés-de-langue car leur mécanisme de formation a permis la constitution d’un système d’énoncés indirects dont chaque langue dispose et que chaque locuteur intériorise au moment même où il apprend à communiquer. Il s’agit de phrases utilisées couramment et conventionnellement pour exprimer indirectement différentes valeurs illocutoires et qui portent sur l’une ou l’autre des conditions de félicité des actes de langage, en indiquant laquelle de ces conditions est réalisée.

4.3 Marqueurs de dérivation illocutoire L’indirection (la dérivation) s’appuie sur le principe que chaque

type de phrase (assertive, interrogative, impérative) a une valeur illocutoire fondamentale (ou valeur primitive) manifestée explicitement en langue, à laquelle s’ajoutent d’autres valeurs illocutoires secondaires (ou dérivées) qui, si certaines conditions d’énonciation sont remplies, viennent «carrément se substituer à la valeur primitive» et «s’actualiser primitivement» (KERBRAT- ORECCHIONI, 1986: 76)

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Eléments de pragmatique linguistique

Dans le procès de dérivation, «la valeur primitive ne s’efface pas totalement… il faut bien en passer par elle pour atteindre la valeur dérivée, et même une fois atteinte cette valeur dérivée, la valeur primitive se maintient sous forme de trace connotative (adoucissement de l’acte de requête).» (id.: 88) Ce qui caractérise les actes dérivés «c’est le fait que le contenu dérivé, sans évincer complètement le contenu primitif..cesse d’être conoté pour devenir l’objet essentiel du message à transmettre.» (id.):’Nous allons avoir besoin de votre aide.’ – valeur primitive: assertion, valeur dérivée - requête.

L’indirection se réalise, donc, par l’emploi de phrases qui affirment ou questionnent sur l’une des conditions de félicité (voir supra) caractéristiques de l’acte qu’il s’agit d’effectuer:

asserter ou questionner au sujet de l’acte à effectuer (la condition de contenu propositionnel): ‘Tu épouseras ce jeune homme que je trouve très sympathique.’

affirmer ou interroger sur le pouvoir ou le vouloir de l’interlocuteur d’exécuter l’acte (la condition préliminaire ou préparatoire):’Peut-être, tout à l’heure, voudrez-vous y envoyer un de nos hommes?’

affirmer (mais non point interroger sur elle, vu que le locuteur ne peut pas mettre en cause sa propre sincérité illocutoire) la condition de sincérité: ‘Je vais devoir vous mettre à la porte.’

Searle a commencé son étude sur l’indirection en travaillant sur les directifs, vu

que cette classe d’actes illocutoires présente une certaine justification sociale pour sa manifestation comme actes indirects. Il a constitué un ensemble de six groupes d’énoncés - établis en fonction de leur modalité d’indirectivité (BLANCHET, 1995: 38) – à l’aide desquels le locuteur peut accomplir un acte indirect. Ces groupes se vérifient également pour d’autres classes d’actes illocutoires:

le premier groupe contient des énoncés qui expriment la capacité de l’interlocuteur d’accomplir l’acte prédiqué: ‘Vous ne pouvez pas vous presser, comme vos autres camarades?’ ‘Pouvez-vous me passer le sel?’

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Les actes de langage

le deuxième groupe est constitué d’énoncés centrés sur le désir / la volonté du locuteur que l’interlocuteur accomplisse l’acte: ‘Je voudrais pourtant bien qu’on me donne licence.’ ‘J’aimerais que tu partes.’

le troisième groupe comprend des énoncés centrés sur l’accomplissement futur de l’acte par l’interlocuteur: ‘Les officiers porteront la cravate.’

le quatrième groupe comprend une autre série d’énoncés centrés sur l’interlocuteur mais cette fois- ci sur son consentement pour accomplir l’acte: ‘Veux-tu me passer le marteau?’, ‘Ecoutez, monsieur, voulez-vous me rendre un service?’

le cinquième groupe comprend des énoncés qui justifient, en en précisant les raisons, l’accomplissement de l’acte: ‘Je ne sais pas. Peut-être ferais-tu mieux de rester à l’hôtel pour le cas où il apparaîtrait.’ ‘Vous me marchez sur les pieds.’

le sixième groupe comprend une combinaison des précédentes ou/et de directifs explicites: ‘Est-ce que je peux vous demander de sortir?’, ‘Si vous pouviez cesser, cela me ferait plaisir.’

4.4 Dérivation illocutoire et stratégie inférentielle Afin de reconnaître un acte de parole indirect, l’interlocuteur doit

avoir recours à une stratégie inférentielle «qui consiste à établir d’abord que le but illocutoire primaire diverge du but littéral, et ensuite ce qu’est le but illocutoire primaire.» (SEARLE, 1979: 77) ou, en d’autres termes, apercevoir et recevoir le sens littéral, et lui conserver jusqu’au but une certaine validité, le reconnaître comme fallacieux, n’en être pas dupe, effectuer à partir de certains indices un calcul permettant d’accéder au sens véritable.» (KERBRAT – ORECCHIONI, 1986:148).

La stratégie de Searle comporte dix étapes dont «la reconstruction schématique» pourrait se présenter en gros comme suit (SEARLE, id.: 88)

«Etape 1: X m’a posé la question de savoir si j’ai la possibilité de lui passer le sel (fait de conversation).

Etape 2: Je suppose qu’il coopère à la conversation, et que son énonciation a

donc un objet ou un but (principes de la coopération conversationnelle).

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Eléments de pragmatique linguistique

Etape 3: Le cadre de notre conversation n’est pas propre à indiquer un intérêt théorique portant sur ma capacité à passer le sel (information factuelle d’arrière-plan).

Etape 4: En outre, il sait probablement déjà que la réponse à cette question est

oui (information factuelle d’arrière-plan). Cette étape facilite le passage à l’étape 5 mais n’est pas essentielle.

Etape 5: Son énonciation n’est donc probablement pas une question. Elle a

probablement un autre but illocutoire (inférence des étapes 1, 2, 3 et 4). Quel est ce but? Etape 6: L’une des conditions préparatoires de tout acte illocutoire directif est

que A ait la possibilité d’accomplir l’acte prédiqué dans la condition de contenu propositionnel (théorie des actes de langage).

Etape 7: Donc, une réponse affirmative à la question que m’a posée X

impliquerait que la condition préparatoire à sa demande de lui passer le sel soit satisfaite (inférence des étapes 1 et 6).

Etape 8: Nous sommes en train de déjeuner, et l’on se sert normalement de sel à

table; on se le passe l’un à l’autre, on tente d’amener les autres à le faire circuler, etc. (information d’arrière-plan).

Etape 9: Il a donc fait allusion à la satisfaction d’une condition préparatoire

d’une demande dont il veut probablement que je satisfasse les conditions d’obéissance (inférence des étapes 7 et 8 ).

Etape 10: Donc, en l’absence de tout autre but illocutoire plausible, il me

demande probablement de lui passer le sel (inférence des étapes 5 et 9 )» Cet ensemble d’étapes à parcourir combine des principes généraux de

conversation, des informations factuelles d’arrière-plan et la capacité d’inférence de l’auditeur et permet à Searle de se passer des postulats de conversation et des règles transformationnelles qui essaient de justifier le passage d’une question en profondeur à une demande en surface (in ELUERD, 1985: 169).

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Les actes de langage

Le fait que certaines valeurs illocutoires sont liées à des processus

linguistiques conventionnels (présence de marqueurs de dérivation) est un indice que le contexte n’est pas le seul responsable des interprétations des valeurs dérivées et que ces valeurs – pragmatiques – se trouvent inscrites, d’une certaine manière, au niveau sémantique de la séquence. Elles représentent, en fait, les intentions pragmatiques du locuteur, préexistantes à l’énoncé. Ces valeurs dérivées, dont on peut parler en termes d’effets de sens co(n)textuels sont considérées «atteintes lorsque l’information nouvelle interagit avec un contexte formé d’hypothèses existantes, en renforçant une hypothèse existante ou en se combinant avec une hypothèse pour livrer une implication contextuelle … une conclusion déductible à partir de l’information nouvelle et des hypothèses existantes conjointement mais impossible à déduire de l’information nouvelle et des hypothèses existantes prises séparément.» (WILSON & SPERBER, 1993: 15) Dans le cas de ces énoncés, porteurs de plusieurs valeurs illocutoires, l’hypothèse existante pourrait être formulée à partir de l’idée posée en principe que «la cognition humaine est orientée vers la pertinence; nous faisons attention à l’information qui nous paraît pertinente … chaque énoncé comporte, avant toute chose, une demande d’attention de l’auditeur», le résultat étant que «chaque énoncé suscite une anticipation de pertinence.» (id.)

Si tout énoncé doit être pertinent et apporter une information nouvelle, l’interlocuteur trouvera inutile que le locuteur lui communique un énoncé portant sur ce que lui, interlocuteur, devrait faire, pourrait faire ou voudrait faire à l’avenir, vu qu’en principe, il devrait être au courant de ses actes futurs et d’autant moins un énoncé portant sur ce que lui locuteur voudrait faire accomplir à l’avenir. Par un effort de traitement (id.), il finira par formuler comme hypothèse existante que si le locuteur lui fait part d’un tel énoncé, il doit avoir d’autres intentions que celle de lui faire part de ses propres désirs / intentions ou des désirs, volontés, etc. que lui, locuteur, a. Dès qu’il aura compris que l’énoncé du locuteur n’est pas gratuit, les effets

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Eléments de pragmatique linguistique

contextuels l’aideront à trouver la valeur de l’énoncé et, conséquemment, les intentions du locuteur, à savoir: lui ordonner, conseiller, suggérer, ou le prier, etc. d’accomplir un certain acte

Ces énoncés se présentent comme des énoncés descriptifs d’un certain état de choses qui sera vrai à un moment de l’avenir mais, en réalité, ils accomplissent une fonction interprétative car ils représentent une pensée du locuteur concernant la modification ou l’instauration, à l’avenir, d’un état de choses par le locuteur.

Les effets de sens relèvent d’une stratégie de discours que le locuteur adopte afin de ne pas imposer trop brutalement à l’interlocuteur sa vision sur l’avenir de ce dernier.

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Les actes de langage

5.

Aux termes de cette présentation, un aperçu critique de la théorie des

actes de langage s’impose. L’insuffisance de la théorie se manifeste dans les points suivants:

L’acte de langage ne concerne que l’activité du locuteur. La théorie ne précise pas les conditions requises par

l’accomplissement de l’acte de langage de l’énonciataire, ni la manière dont celui-ci reçoit l’acte de l’énonciateur. «Cette perspective doit être abandonnée en faveur de la relation interlocutive; il ne fallait plus rapporter

les effets de sens au seul locuteur (pas plus qu’à l’image qu’il se fait de l’allocutaire) mais à la relation interlocutive elle-même.» (F. JACQUES, 1979).

Malgré le rôle décisif du contexte (pragmatique) dans la reconnaissance de la valeur illocutoire d’un énoncé, ce dernier est analysé isolément et non pas à l’intérieur d’une séquence discursive. C’est pourquoi il est impossible d’établir, dans le cadre de cette théorie, l’influence d’un énoncé antérieur sur l’énoncé analysé ou bien les conséquences de celui-ci sur la séquence discursive qui lui succède. «Tout acte de langage, par sa force illocutionnaire même, confère à l’énoncé qui lui correspond une valeur interactionnelle. La description de la force illocutionnaire des énoncés doit être liée à leur insertion discursive. La force illocutionnaire doit être définie de manière contextuelle et séquentielle.» (F. JACQUES, 1983: 68)

Conclusions sur la théorie classique

des actes de langage

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Eléments de pragmatique linguistique

Il est impossible de préciser dans quelle mesure la force illocutionnaire d’un énoncé est déterminée dans et par le discours. C’est pourquoi, un énoncé comme’ je te demande de ne plus mettre cette robe ‘est interprété comme un énoncé performatif au moment où il s’avère être un énoncé descriptif.

Un trop grand nombre de faits de langue est (sont) expliqué(s) par l’appel au contexte pragmatique ce qui, au lieu de désambiguïser les actes de langage, fait accroître les chances d’une interprétation subjective (les relations entre énonciateur et énonciataire, en tant que pôles de l’énonciation, l’accomplissement indirect des actes etc.)

Les actes de langage ne sont constitués que par des facteurs subjectifs (l’intention de l’énonciateur) difficiles à vérifier et à concrétiser: «…les règles constitutives des actes de langage ne doivent pas mettre en jeu seulement les facteurs intentionnels et subjectifs. Elles doivent stipuler les conditions les plus générales dans lesquelles s’exerce l’interaction des interlocuteurs, en renvoyant à la forme des engagements respectifs que prennent les interlocuteurs par la parole, non sans mentionner les conséquences pratiques, pour les participants, qu’entraînent les actes de langage au sein de la stratégie discursive, les changements survenus à la suite de l’accomplissement d’un acte dans la situation respective des interlocuteurs, de leurs possibilités de parole.» (id.)

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Les actes de langage

6.

La théorie des actes de langage, telle qu’elle a été formulée et

développée par L.J. Austin et J. Searle, se trouve à l’origine de plusieurs directions que les recherches en pragmatique ont empruntées, fortement influencées par la manière dont la pragmatique a été et s’est elle-même rapportée, depuis sa naissance, à la linguistique. On retrouve, dans l’ensemble de ces orientations: des positions critiques avec solutions différentes à certains problèmes soulevés par la théorie classique; des arguments (hypothèses) en faveur de la théorie; des théories visant à clarifier le rôle de la pragmatique et son statut parmi les sciences du langage; des enrichissements (élargissements) de la théorie classique, etc. Nous allons passer en revue ces orientations, en présentant:

● l’hypothèse performative et le performadoxe; ● la pragmatique linguistique ( intégrée); ● la pragmatique cognitive et la théorie de la pertinence; ● les théories centrées sur la notion d’acte de langage

6.1 L’hypothèse performative et le performadoxe

Le sémanticien générativiste ROSS (1970) développe l’hypothèse performative qui va contribuer: à justifier la distinction searlienne entre marqueur de force illocutionnaire et marqueur de contenu propositionnel; à

Fortune de la théorie

des actes de langage

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Eléments de pragmatique linguistique

expliquer l’existence du marqueur de force illocutionnaire dans des énoncés où il ne se manifeste même pas; à justifier la distinction acte direct /acte indirect; et, aussi, à justifier la conviction d’Austin et de Searle que «toute phrase énoncée sérieusement correspond nécessairement à la réalisation d’un acte illocutoire, sans qu’il soit besoin de distinguer entre les phrases comportant un verbe performatif et celles qui n’en comportent pas.» (REBOUL & MOESCHLER, 1998: 32) Sur la base du principe d’exprimabilité de Searle, Ross explique que la structure profonde des énoncés performatifs présente une préface performative (le préfixe performatif d’Austin), explicite dans la structure de surface des performatifs explicites ou implicite (au niveau profond seulement), dans le cas des performatifs implicites. Cela veut dire que les énoncés:

(1) Je te promets que je t’emmènerai au cinéma demain (2) Je t’emmènerai au cinéma demain

ont une structure profonde identique, la différence entre la réalisation directe et celle indirecte des actes illocutoires étant une différence de degré d’explicitation.

En 1984, LYCAN affirme que cette hypothèse donne naissance à un

paradoxe, le performadoxe qu’il formule de la manière suivante: si la structure profonde correspond à la structure logique (sémantique) d’une phrase et à ses conditions de vérité, il résulte que les deux énoncés sont identiques car ils partagent la même structure profonde. Mais cela n’est pas possible car on ne peut plus dire que (2) est vrai si et seulement si le locuteur emmène son interlocuteur au cinéma mais qu’il est vrai si et seulement si le locuteur promet à son interlocuteur de l’emmener au cinéma.., conformément à (1). Il s’ensuit ou bien que la préface performative ne doit pas être interprétée sémantiquement, mais alors la phrase elle-même n’est pas interprétable; ou bien qu’elle doit être interprétée sémantiquement, mais alors la phrase aura des conditions de vérité incorrectes. L’hypothèse performative est, par conséquent, à rejeter.(MOESCHLER& AUCHLIN, 1998: 140-141)

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Les actes de langage

6.2 La pragmatique linguistique (intégrée) Considérée assez longtemps une sorte de «poubelle» de la

linguistique, la pragmatique s’est vu assigner, dès ses premiers débuts, le rôle d’expliquer des faits dont la linguistique ne traitait pas, comme les actes illocutoires et la description de leurs conditions de réussite ou bien la signification des mots situationnels, interprétables relativement à une situation de communication. (REBOUL & MOESCHLER, 1998: 64) Mais la pragmatique n’a pas accepté le rôle de discipline appelée compléter la linguistique, elle s’est voulu intégrée à la linguistique.

Le point de départ de cette position a été la constatation que les significations linguistiques des énoncés (phrases) sont affectées par les conditions d’usage, elles-mêmes codifiées et inscrites dans la langue. (id.: 43) Cette pragmatique intégrée s’est développée en France, sur la base de la théorie des actes de langage qui en constitue le «noyau dur» et ayant à l’origine de son développement le problème linguistique de la présupposition.

Le représentant de la pragmatique intégrée est OSWALD DUCROT

qui, dans l’ouvrage «Dire et ne pas dire» (1972) développe sa théorie de la présupposition. Pour Ducrot, la présupposition appartient à la catégorie des actes illocutoires. C’est un acte de langage spécifique, comme tant d’autres (interrogation, assertion, ordre, etc.) qui «modifie les rapports intersubjectifs des interlocuteurs, crée des obligations, instaure des droits et des devoirs, assigne des rôles.» (CERVONI, 1987: 120). Elle représente le contenu qu’une phrase communique de façon non-explicite. Ainsi, par exemple, la phrase ‘Jean ne bat pas sa femme maintenant’ présente deux contenus: un contenu posé ou assertion qui est le fait de Jean ‘de ne pas battre sa femme’ et un contenu présupposé, non-explicite du type ‘Jean a battu sa femme autrefois.’ (REBOUL & MOESCHLER, 1998: 43-44) Il s’agit d’une information d’arrière-plan que les interlocuteurs sont obligés d’accepter pour que la

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Eléments de pragmatique linguistique

communication puisse continuer. La présupposition impose donc un cadre pour la continuation du dialogue et reste constante dans les questions et les réponses. On l’interprète comme «l’un des moyens fournis par le langage pour répondre au besoin d’implicite qu’éprouvent les locuteurs dans bien des situations.» (CERVONI, 1987: 119)

Dans la théorie de Ducrot, l’illocutoire constitue le domaine d’étude de la sémantique linguistique. Par cela, un fait interprétable à l’aide de données contextuelles (situationnelles), donc extra-linguistiques, devient un fait de langue, interprétable à l’aide des données du système de la langue. C’est d’ailleurs le reproche majeur fait à la pragmatique intégrée, à savoir sa tendance « à insister sur l’aspect conventionnel et codique du langage et à ignorer sa sous-détermination» (contextuelle), en admettant, sous l’influence du principe d’exprimabilité de Searle, «que l’interprétation (de l’énoncé) se fait essentiellement de façon conventionnelle.» (MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 141)

Le courant opposé à la pragmatique intégrée soutient que l’aspect illocutoire

n’appartient pas à la langue. C’est un courant dominant la linguistique française et dans lequel s’inscrit, entre autres, A. BERRENDONNER et R. MARTIN.

La critique de la théorie classique des actes de langage, entreprise par

BERRENDONNER, et que nous avons détaillée (voir supra), est orientée sur trois aspects, à savoir : la place de l’illocutoire, défini comme «un ensemble de valeurs implicites, manifestées dans et par l’acte d’énonciation, mais nullement inscrites dans l’énoncé.» (1981: 23); la notion d’acte, inséparable, pour Berrendonner, de la notion de geste: les actes de langage se substituent aux gestes, à l’acte effectif qui n’est que dénoté par le dire; l’interprétation performative d’un énoncé s’explique par l’impossibilité des actes d’être exécutés: un énoncé performatif dénote un acte qui ne peut pas être effectivement réalisé. Cette critique a pour but la mise en place d’une nouvelle théorie des actes de langage dont les principes fondateurs sont justement les solutions trouvées pour remédier aux aspects critiqués. Comme toute théorie un peu trop originale, la théorie de Berrendonner n’a pas encore trouvé d’adeptes.

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Les actes de langage

Dans son ouvrage «Pour une logique du sens» (1983), R. MARTIN considère

que l’étude des signes de la langue à valeur situationnelle (dont l’interprétation varie suivant la situation de communication) et qui constituent le domaine de l’illocutoire, revient à la sémantique et non pas à la pragmatique, même intégrée. Et cela parce que d’un côté les conditions de vérité d’une phrase contenant des performatifs, des déictiques, des déterminants sont précisées par les règles sémantiques et, d’un autre côté, parce que la pragmatique n’intervient pas au niveau de la structure abstraite qui est la phrase mais au niveau de l’énoncé. L’étude des actes dérivés, appelés ‘perlocutoires’ par Martin, et de la valeur argumentative de l’énoncé revient à ce que l’auteur appelle une pragmatique de l’énoncé. En ce qui concerne la présupposition, Martin considère que ce mécanisme appartient à la sémantique mais que l’étude du contenu attribué aux présupposés dans une situation particulière relève de la pragmatique.

La position de F. RECANATI est aussi contraire à la pragmatique intégrée. La

critique qu’il fait de la théorie classique (voir supra) porte sur les critères de classification des types d’actes(locutionnaire vs illocutionnaire), sur l’indirection et sur la nécessité de l’inférence dans la reconnaissance de l’indirection. Cette critique a mené à une redéfinition de l’indirection et à une autre répartition des actes en directs et indirects; à l’introduction du concept de potentiel (illocutoire, de contenu propositionnel) et à une autre classification non pas des actes mais des grands types d’actes illocutoires. «Les énoncés performatifs» (1981) développe une théorie de l’indirectivité différente de la théorie de Searle mais plus rapprochée du performadoxe de Lycan (voir supra), tout comme le concept de potentiel: de force illocutoire, d’acte illocutoire, de contenu propositionnel. En ce qui concerne la classification des grands types d’actes illocutoires, Récanati choisit comme critère fondamental non pas le but illocutoire (comme Searle) mais la direction d’ajustement. Ce critère ne peut s’appliquer qu’aux actes représentatifs qui ont une dimension référentielle en vertu de laquelle ils peuvent se rapporter à un état de choses. Récanati distingue d’abord entre les actes essentiellement représentatifs et ceux non-essentiellement représentatifs. La classification opère dans la catégorie des actes essentiellement représentatifs et distingue les performatifs qui présentent l’état de choses auquel ils font référence comme virtuellement réalisé par l’énonciation et les constatifs qui présentent cet état comme donné indépendamment de l’énonciation qui le reflète. Il s’agit d’une classification arborescente qui prend la forme ci-dessous:

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Eléments de pragmatique linguistique

Actes illocutionnaires essentiellement représentatifs non-essentiellemenmt représentatifs performatifs constatifs déclaratifs promissifs prescriptifs mais qui ne prend pas en considération les actes illocutionnaires spécifiques tels

l’interrogation, l’exclamation. L’entière argumentation de la critique de Récanati s’appuie sur la stratégie inférentielle et sur les maximes conversationnelles, le linguiste substituant à l’analyse en termes de décodage, l’analyse en termes exclusifs d’inférence.

A part ces prises de position et développements que la théorie

classique a favorisés et qui ont largement contribué à la complexification de la pensée pragmatique, en démontrant la richesse des idées à valoriser à partir de la théorie classique, la théorie des actes de langage a favorisé aussi le développement, dans la linguistique française, des recherches concernant l’argumentation, les lois du discours, les articulations pragmatiques du dialogue et la pratique conversationnelle.

6.3 La pragmatique cognitive et la théorie de la pertinence

La pragmatique cognitive, appelée aussi pragmatique radicale, est considérée la seule théorie capable de justifier et d’atteindre les buts assumés par et assignés à la pragmatique.

Elle est en même temps la seule théorie à avoir réussi la séparation entre la linguistique et la pragmatique et à avoir rapproché cette dernière des sciences cognitives. Son développement s’appuie sur les deux principes suivants: le langage constitue en tout premier lieu un moyen de description de la réalité et accessoirement un moyen d’action; il est sous-déterminé contextuellement. L’interprétation des énoncés se fait par des processus

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inférentiels (MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 141), la tâche de la pragmatique étant d’expliciter ce processus d’interprétation contextuelle (pragmatique) des énoncés.(REBOUL & MOESCHLER, 1998: 68) Ses fondements théoriques sont le modularisme et le modèle de l’inférence.

La modularisme Le modularisme est un courant de la psychologie cognitive, créé par J. FODOR

et adopté par les fondateurs de la pragmatique cognitive – D. SPERBER et D. WILSON – afin d’expliquer les rapports entre la linguistique et la pragmatique dans l’interprétation des énoncés. Sur la base de cette théorie, on considère que le traitement des informations reçues par l’esprit humain se fait par étapes successives, à deux niveaux. Au niveau du système périphérique a lieu le traitement par modules spécialisés de chaque type de données: auditives, visuelles, linguistiques, etc. L’interprétation fournie à ce niveau est envoyée au niveau central qui la complète par d’autres informations déjà connues ou fournies simultanément par les autres modules spécialisés, moyennant des processus inférentiels. Dans un premier temps, Sperber et Wilson ont soutenu que la linguistique correspond à un module spécialisé périphérique tandis que la pragmatique se retrouve dans le système central. Par la suite, ils se détachent du modularisme fodorien et soutiennent l’existence non pas d’un système périphérique et d’un système central mais de plusieurs modules, perceptuels et conceptuels. Le module linguistique est un module perceptuel qui fournit à la pragmatique, module conceptuel, une première interprétation de l’énoncé, interprétation qui sera enrichie et produira ses effets contextuels.(v. infra). (REBOUL & MOESCHLER, 1998: 65-68) Comme on l’a déjà dit, l’interprétation des énoncés est le résultat de processus inférentiels et c’est pourquoi on a besoin d’un modèle de l’inférence.

Le modèle de l’inférence

L’inférence est un processus logique par lequel, à partir d’un certain nombre d’informations, appelées prémisses, un individu arrive à dériver d’autres informations nouvelles, appelées conclusions.

Le modèle de l’inférence doit expliquer comment, à partir d’un certain nombre d’informations (fournies par l’énoncé) et d’autres informations non-linguistiques, contextuelles, un destinataire réussit à donner telle ou telle interprétation à l’énoncé (aux énoncés) qui lui est /sont adressé(s). Le modèle inférentiel est un modèle pragmatique soutenant que l’interprétation d’un énoncé est fonction du contexte et il explique comment se construisent les hypothèses contextuelles (prémisses) nécessaires à cette interprétation et comment sont déterminées les règles d’inférence qui permettent d’en tirer des conclusions.

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(MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 156) Les inférences dérivées sont non-déterminatives, c’est-à-dire qu’elles ne garantissent pas la vérité de leurs conclusions. Les inférences non-déterminatives peuvent s’avérer vraies dans un contexte et fausses dans un autre. Cela veut dire que la vérité d’une conclusion dépend de la vérité des prémisses (id.: 159-160). Sperber et Wilson considèrent que l’interprétation des énoncés correspond à deux types de processus différents: les processus codiques et linguistiques et les processus inférentiels et pragmatiques, ce qui sera démontré par la théorie de la pertinence. (REBOUL & MOESCHLER, 1998: 63)

La théorie de la pertinence constitue le noyau de la pragmatique cognitive, étant en même temps une théorie du contexte ou plutôt une théorie de l’interprétation contextuelle des énoncés, et une théorie de la cognition. Développée par SPERBER & WILSON dans leur ouvrage de 1986, «Relevance. Communication and Cognition», la théorie de la pertinence est fondée sur deux hypothèses: une hypothèse cognitiviste qui est la théorie modulaire de J. Fodor et une hypothèse linguistique soutenant que le résultat du traitement linguistique (phonologique, sémantique, syntaxique) des énoncés ne suffit pas à leur interprétation.

Les deux hypothèses combinées fournissent l’explication suivante

concernant l’interprétation des énoncés: les informations fournies par un énoncé sont traitées au niveau du

module perceptuel linguistique qui en donne une première interprétation, la forme logique (ou structure profonde) de l’énoncé.

Cette forme logique est une suite structurée de concepts combinés suivant leur ordre d’apparition dans la structure de la phrase.

Le concept se définit comme une adresse en mémoire caractérisée par trois types d’entrées:

une entrée lexicale qui décrit la contrepartie linguistique du concept: ses équivalents en langue, sa catégorie grammaticale, sa forme phonologique, ses réalisations morphologiques etc;

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une entrée logique qui décrit les règles déductives déclenchées par la présence du concept dans une forme logique. Cette entrée peut être vide, comme dans le cas du verbe qui n’exprime pas de rapport logique ou non-vide, comme dans le cas des connecteurs, porteurs de rapports logiques différents;

une entrée encyclopédique qui mentionne l’ensemble des informations permettant de déterminer l’extension du concept, s’il en a une: des informations sur la catégorie du référent, des informations stockées à long terme, variables d’un individu à l’autre (MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 176-177)

la forme logique constitue la sortie du module perceptuel et sert

d’entrée pour le module conceptuel pragmatique qui doit fournir une interprétation pragmatique. A ce niveau, la forme logique est enrichie avec des données contextuelles et transformée en forme propositionnelle qui, interprétée du point de vue des valeurs de vérité, assigne une valeur de vérité à l’énoncé.

Le contexte est un ensemble d’hypothèses, considérées vraies ou probablement vraies, construit énoncé après énoncé et non pas donné une fois pour toutes. Il est interprété aussi comme un sous-ensemble d’informations disponibles dans l’environnement cognitif (= l’ensemble des connaissances encyclopédiques d’un individu) mutuel au locuteur et au destinataire. Le contexte et la forme logique de l’énoncé constituent les prémisses des processus inférentiels mis à l’œuvre dans l’interprétation des énoncés.(REBOUL & MOESCHLER, 1998: 65-70 ; MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 175-177).

la forme propositionnelle ainsi obtenue va produire ses effets

contextuels ou plutôt les effets contextuels (cognitifs) de l’énoncé. La théorie de la pertinence s’appuie sur le principe de pertinence

conformément auquel dans une situation de communication, un locuteur produit l’énoncé le plus pertinent par rapport à la situation donnée ou, dans la formulation de Sperber & Wilson «tout acte de communication communique la présomption de sa propre pertinence optimale.» (in MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 177)

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Le principe de pertinence explique que dans une situation de communication, le destinataire prête attention (prend en considération) à l’acte de communication (aux énoncés) parce qu’il le(s) considère pertinent(s) par rapport à la situation, capable(s) de fournir les informations nécessaires à la compréhension de l’acte, c’est-à-dire à la compréhension de l’intention communicative (= le locuteur veut faire comprendre au destinataire qu’il veut accomplir un acte de communication) et de l’intention informative (= le locuteur veut faire comprendre au destinataire que par son acte il veut lui transmettre certaines informations) du locuteur.

Il s’ensuit que la caractéristique principale d’un énoncé est la

pertinence, définie en termes d’efforts cognitifs et d’effets cognitifs ou contextuels. Par efforts cognitifs il faut comprendre l’effort de traitement de l’acte de communication, fait par le destinataire pour arriver à sa compréhension. Ces efforts dépendent de plusieurs facteurs tels : la longueur de l’énoncé, l’accès aux informations encyclopédiques, le nombre de règles logiques impliquées par le mécanisme inférentiel. L’effet cognitif ou contextuel représente le résultat du processus d’interprétation de l’énoncé, ce que le destinataire finit par comprendre de l’acte de communication qui lui est destiné.

La pertinence dépend de ces deux catégories – les efforts et les effets cognitifs –

de la manière suivante: plus les efforts de traitement de l’énoncé sont grands, moins l’énoncé est pertinent, donc les effets contextuels sont moindres; et, inversement, moins les efforts sont grands, plus l’énoncé est pertinent, donc les effets sont grands.

A partir de ces deux catégories, on peut formuler la définition

suivante de la pertinence: «Toutes choses étant égales par ailleurs, plus un énoncé produit d’effets contextuels dans un contexte donné, plus il est pertinent dans ce contexte. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus un énoncé demande d’efforts cognitifs dans un contexte donné, moins il est pertinent dans ce contexte.» (in MOESCHLER & AUCHLIN, 2000: 179 et passim)

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La pertinence est une notion comparative: non seulement elle dépend des efforts et des effets cognitifs mais aussi, elle varie d’un individu à l’autre, c’est-à-dire que la pertinence est relative à un individu: ce qui est pertinent pour X peut ne pas l’être pour Y et inversement.

La pertinence d’un énoncé sert donc au destinataire à donner une

interprétation de cet énoncé, à trouver les hypothèses pertinentes correspondant à l’intention communicative du locuteur.

Interpréter un énoncé signifie déterminer ses implications contextuelles et ses

explicitations. «Une implication contextuelle est une implication qui n’aurait pu être tirée de

la seule forme propositionnelle ni des seules hypothèses contextuelles, mais qui est le résultat de la combinaison de la forme propositionnelle et des hypothèses contextuelles.» (id.) Elle fait partie d’une catégorie plus générale des implicitations qui peuvent être dérivées d’une hypothèse contextuelle et dans ce cas on parle de conclusion implicitée; ou bien, construites sur la base des indications linguistiques de l’énoncé et, dans ce cas, on parle de prémisse implicitée. (v. supra l’interprétation des énoncés) Ainsi, par exemple, dans l’échange

(1) Pierre: Est-ce que tu aimerais conduire une Mercedes? Marie: Je n’aimerais conduire aucune voiture de luxe.

la conclusion implicitée est (2) Marie ne désire pas conduire une Mercedes. et la prémisse implicitée est (3) Les Mercedes sont des voitures de luxe.

L’explicitation représente une hypothèse communiquée de façon explicite. Dans l’échange ci-dessus, l’explicitation correspond à (4) Marie ne désire pas conduire une voiture de luxe.

Pour conclure, on peut donner la représentation complète suivante du processus d’interprétation d’un énoncé – dans ce cas, l’énoncé de Marie - :

L’explicitation: Marie ne désire pas conduire une voiture de luxe. La prémisse implicitée: Les Mercedes sont des voitures de luxe. La conclusion implicitée: Marie ne désire pas conduire une Mercedes.

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Une autre contribution de la pragmatique cognitive au développement de la théorie classique des actes de langage concerne directement la classification des actes. Sperber et Wilson considèrent que la détermination de la force illocutionnaire n’est pas indispensable dans la classification des actes si l’on tient compte des cas où cette force est difficile sinon impossible à identifier, tels les performatifs primaires ou les actes dérivés. Ils proposent une autre classification visant uniquement les actes régis par des règles linguistiques et cognitives et non pas les actes institutionnels. La classification comprend trois classes d’actes:

les actes de dire que qui correspondent aux phrases déclaratives, notamment aux assertions, promesses, prédictions etc.;

les actes de dire de qui correspondent aux phrases impératives, aux ordres, conseils etc.;

les actes de demander si qui correspondent aux phrases interrogatives et, plus généralement, aux questions et aux demandes d’informations.

L’importance de la pragmatique cognitive n’est pas mince dans le

développement de la pragmatique. Le modularisme permet à ses fondateurs de justifier le rejet d’une pragmatique intégrée à la linguistique ou d’orientation linguistique et de séparer définitivement la pragmatique de la linguistique, réduite aux disciplines classiques: phonologie, syntaxe, sémantique. En même temps, appuyer le processus d’interprétation des énoncés sur des hypothèses contextuelles signifie faire correspondre la démarche analytique au but assigné à la pragmatique: l’étude du langage dans ses emplois ordinaires.

6.4 Les théories centrées sur la notion d’acte de langage Pour KERBRAT-ORECCHIONI, les théories qui se sont développées à

la suite de la théorie classique et qui opèrent avec le concept d’acte de langage constituent la pragmatique de deuxième degré (1995: 8). Elle y

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Les actes de langage

fait entrer: La théorie de la conversation (voir infra) qui adopte une

perspective interactionnelle et envisage l’acte de langage comme élément constitutif et origine, en même temps, d’un enchaînement verbal. Dans la structure hiérarchique de la conversation, l’acte de langage représente la plus petite unité constitutive, se trouvant à la base «de cet édifice complexe qu’est une conversation.» (id.: 7). Cette perspective fait de l’acte de langage l’élément constitutif basique d’une conversation, «l’unité minimale de la grammaire conversationnelle» (KERBRAT-ORECCHIONI, 2001: 61) mais, en même temps, elle le transforme dans un constituant ordinaire, parmi d’autres, de la conversation, à côté de l’échange, et de la séquence.

La théorie de la communication, devenue plus complexe sous

l’influence de la théorie de la polyphonie d’O. DUCROT, conformément à laquelle un même locuteur peut cacher un ou plusieurs énonciateurs. Cela signifie que le même acte de langage, dont le locuteur peut s’identifier à l’énonciateur ou en être différent, peut s’adresser à plusieurs destinataires en même temps et acquérir pour chacun d’entre eux une valeur illocutoire différente. C’est la conséquence de l’évolution de la théorie de la communication d’une conception dyadique (= l’acte de communication a lieu entre un locuteur et un interlocuteur uniques) vers une conception polydique (= l’acte de communication peut être le fait d’un / plusieurs locuteur(s) / interlocuteur(s) à la fois qui représente(nt) également un/plusieurs énonciateur(s) / énonciataire(s)) .

La théorie de l’action envisagée comme démarche et cadre général

à l’intérieur duquel l’acte de langage, devenu acte de communication, est interprété comme activité communicative: forme d’action, constitutive de l’action sociale, ayant ses propres règles de fonctionnement – déterminées par l’instrument et les moyens mis à l’œuvre – mais empruntant aussi à

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Eléments de pragmatique linguistique

l’action sociale des caractéristiques qui lui assurent le statut d’activité socialement intégrée.

Parmi ces caractéristiques, il faut mentionner:

l’activité communicative est une forme d’interaction définie par GOFFMAN comme «l’influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate les uns des autres.» (1973: 23);

la participation à l’interaction communicative (l’inter-communication, l’interaction verbale) se fait en vertu «d’une qualité ou d’un statut particulier (id., 1974: 47) qui assigne aux participants un rôle et une certaine place lors du déroulement de l’interaction. Ces rôles et ces places sont objet permanent de négociations entre les interactants car ils sont interchangeables;

et complémentaires (voir infra); l’activité communicative a un caractère contractuel, les interactants étant obligés de coopérer afin d’assurer le respect des règles de conduite qui guident leurs actions réciproques. La coopération signifie, en fait, adopter une ligne de conduite, c’est-à-dire le comportement adéquat pour «exprimer son point de vue sur la situation, et par là, l’appréciation qu’il porte sur les participants, et, en particulier, sur lui-même.» (GOFFMAN, 1974: 9) La ligne de conduite adoptée permet aux interactants non seulement d’atteindre les buts poursuivis par l’activité communicative mais aussi de garder leur propre face et la face des autres. Selon Goffman, la face représente «la valeur sociale positive qu’une personne revendique effectivement à travers la ligne d’action que les autres supposent qu’elle a adoptée au cours d’un contact particulier.» (id.: 9) Il s’agit d’une image du moi mais, en même temps, d’une image que chaque individu se fait des autres participants. Tout individu a deux faces: une face positive (cf. BROWN & LEVINSON, in id.: 41; la face de Goffman) constituée de l’ensemble des images de soi, la partie narcissique de chacun; une face négative, le territoire, le domaine de l’intime.

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La ligne de conduite adoptée par un individu, lors d’une interaction, peut produire quatre types d’effets visant les faces respectives des interactants:

il garde la face si sa ligne de conduite «manifeste une image de lui-même consistante» (id.: 10), c’est-à-dire conforme à l’image que les autres ont de lui;

il perd sa face s’il ne peut pas faire correspondre l’image que les autres se font de lui à la ligne de conduite qu’il a adoptée lors de l’interaction;

il sauve la face s’il «réussit à donner aux autres l’impression qu’il n’a pas perdu la face» (id.: 12);

il donne la face s’il aide son partenaire à suivre une ligne d’action meilleure qu’il aurait pu aspirer.» (GOFFMAN, 1974: 12).

L’ensemble de tout ce qu’une personne entreprend «pour que ses

actions ne fassent perdre la face à personne (y compris elle-même) constitue la figuration.» (id.: 15) «Une personne agit dans deux directions: elle défend sa face et elle protège la face des autres. Certaines pratiques sont d’abord défensives, et d’autres d’abord protectrices, mais, en général, ces deux points de vue sont présents en même temps. Désirant sauver la face d’autrui, on doit éviter de perdre la sienne et, cherchant à sauver la face, on doit se garder de la faire perdre aux autres.»(id.: 17) Et l’on y parvient en mettant à l’œuvre les rites d’évitement et ceux de réparation. (voir infra).

Ce type d’approche est dû à E. GOFFMAN qui, dans ses ouvrages (1973, 1974, 1987) développe une théorie sociolinguistique menant à l’interprétation de l’acte de communication en termes d’interaction sociale.Dans cette perspective, les actes de langage sont envisagés en situation interlocutive et interprétés commes des interactes de langage. (F.JACQUES, 1979: 203)

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L’approche psychosociologique, «dans le prolongement direct» de

l’analyse pragmatique classique- «car les valeurs relationnelles découlent des valeurs illocutoires» (KERBRAT-ORECCHIONI, 1995: 11) - décrit les actes de langage comme relationèmes (id.) censés exprimer les différents types de rapports susceptibles à s’instaurer entre les interactants.

Comme expression des relations interpersonnelles instaurées / manifestées lors d’un échange communicatif, les actes de langage se trouvent au centre de la théorie de la politesse de BROWN & LEVINSON (1987) qui croise les théories de SEARLE et de GOFFMAN en ce sens que les actes de langage sont envisagés «par rapport aux effets qu’ils peuvent avoir sur les faces des parties en présence.» (KERBRAT-ORECCHIONI, 2001: 75)

La théorie de la politesse décrit les actes de langage comme des actes menaçants(FTAs) pour l’une ou l’autre des faces de l’interlocuteur aussi bien que du locuteur. La politesse consiste justement dans une activité réparatrice des interlocuteurs qui essaient de changer la signification attribuable à un acte, transformer ce qu’on pourrait considérer comme offensant en ce qu’on peut tenir pour acceptable.» (GOFFMAN, 1973: 113). Le degré de politesse d’un acte de langage est déterminé par:

sa nature intrinsèque: une injonction est plus ou moins polie suivant son contenu et le contexte de sa formulation;

la nature de sa formulation: il peut être réalisé directement ou indirectement à l’aide d’adoucisseurs ou de durcisseurs;

la nature de la relation entre les interlocuteurs.(KERBRAT-

ORECCHIONI, 1992: 182)

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L’activité réparatrice implique le choix d’une stratégie de politesse, dicté par:

le degré de gravité du FTA: plus l’acte de langage est menaçant, plus les procédés de réparation doivent être forts;

la distance sociale entre les interlocuteurs: les rôles sociaux des interlocuteurs et le degré d’intimité de leur relation font varier les procédés des plus neutres vers les plus marqués affectivement;

la relation de pouvoir - supérieur/subordonné, égaux, etc. – instaurée entre les interlocuteurs au cours du déroulement de l’échange verbal.

Mais, vu que «La conversation n’est pas qu’un simple échange de

feux croisés où l’on canarde et où l’on se fait canarder! Où il faut plonger à plat ventre pour sauver sa peau et ne penser qu’à tuer! Les mots ne sont pas seulement des bombes et des balles, - non, ce sont aussi des petits cadeaux!» (in KERBRAT-ORECCHIONI, 2001: 74), la théorie de la politesse doit s’occuper également des actes valorisants ou “flatteurs” pour l’une ou l’autre des faces, les FFAs (Face Flattering Acts) (id.)

La contribution de la théorie de la politesse au développement de la

théorie classique concerne: l’explication et la justification de la dérivation illocutoire, c’est-à-dire de l’emploi des actes indirects; la formulation, plus ou moins brutale ou adoucie des actes de langage, suivant le statut de l’acte envisagé par rapport au système des faces et à toutes sortes de déterminations situationnelles: les FTAs ont tendance à être adoucis, tandis que les FFAs ont au contraire tendance à être renforcés; l’explication des phénomènes d’enchaînement d’actes de langage. (KERBRAT –ORECCHIONI, 2001: 76)

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Grâce aux prolongements qu’on vient de présenter, nombre des critiques formulées contre la théorie classique ont trouvé une solution convenable: les actes de langage sont envisagés dans une perspective interactive et non plus isolationniste et deviennent des actes communicatifs, rapportés non plus uniquement à la seule intention du locuteur mais envisagés comme «le produit d’une collaboration active (et parfois conflictuelle) entre les interlocuteurs.» (KERBRAT-ORECCHIONI, 1995: 11)

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7.

Née d’une pensée philosophique, la théorie classique des actes de langage a influencé de façon décisive le développement de la linguistique et des sciences connexes en jalonnant des directions de recherche qui ne cessent de se diversifier et de s’approfondir.

Bien que l’analyse et l’interprétation des phénomènes étudiés s’appuient sur l’aspect conventionnel et codique du langage, la théorie des actes de langage a provoqué l’ouverture de la linguistique vers l’extra-linguistique et, par cela, la prise en considération dans l’interprétation des faits de langue, de données variables, subjectives (les attitudes des interactants) ou objectives (les déterminations situationnelles).

La reconnaissance du rôle décisif des données contextuelles dans l’accomplissement des actes de langage a contribué à la reconnaissance de leur statut de forme d’interaction sociale.

C’est grâce à la théorie des actes de langage que la linguistique s’enrichit – dans un premier temps – d’une nouvelle branche, la pragmatique, qui va s’en séparer par la suite pour se constituer en discipline à part.

C’est toujours grâce à la théorie des actes de langage que la linguistique et les sciences connexes se sont vu obligées de participer simultanément à l’interprétation des interactions verbales et de ne plus s’ignorer réciproquement. Et cela parce que, pour analyser un échange

Conclusions

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Eléments de pragmatique linguistique

verbal, il faut avoir recours à des connaissances sociologiques, psychologiques, linguistiques, des connaissances en théorie de la communication, etc., disposer donc d’un univers encyclopédique divers et complexe.

Acceptée, corrigée, critiquée, niée, défendue ou rejetée, la théorie classique des actes de langage fait la preuve suprême de sa consistance: cinquante ans après ses premières formulations, elle ne cesse d’intéresser et de provoquer linguistes, psycholinguistes, sociologues, philosophes et de constituer une véritable pierre de touche pour tout chercheur chevronné ou désireux de le devenir .

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8.

● La théorie des actes de langage s’est développée en opposition à la

théorie descriptiviste pour laquelle la fonction principale du langage est de décrire la réalité.

● Pour la théorie des actes de langage, la fonction du langage est tout autant d’agir sur la réalité et de permettre à celui qui produit un énoncé d’accomplir, ce faisant, une action.

● La théorie des actes de langage fait partie d’une théorie élargie de l’action où l’activité langagière (de communication) est conçue comme une forme de comportement humain, gouverné par des règles, censées être observées pour que la communication atteigne ses buts.

● La notion centrale de la théorie et, partant, son objet d’étude est l’acte illocutionnaire, défini comme l’acte accompli en disant quelque chose.

● Suite à une série de distinctions, la théorie réussit à isoler un ensemble de notions – clé, opérationnelles dans son développement, à savoir: (énoncé) performatif (primaire et explicite), préfixe performatif, acte illocutionnaire, force illocutionnaire, contenu propositionnel, acte direct, acte indirect, dérivation illocutoire, stratégie inférentielle, marqueurs de dérivation illocutoire, etc.

● L’idée d’Austin conformément à laquelle tout énoncé est virtuellement performatif, vu qu’un énoncé constatif peut être paraphrasé par un performatif explicite, sera défendue par l’hypothèse performative de Ross mais combattue par le performadoxe de Lycan.

Idées à retenir

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Eléments de pragmatique linguistique

● La pragmatique intégrée s’appuie sur l’idée que les conditions d’usage des énoncés ainsi que leurs valeurs illocutoires sont inscrites dans le système de la langue, à savoir dans le composant sémantique.

● La pragmatique cognitive soutient que le langage représente d’abord un moyen de description de la réalité et accessoirement un moyen d’action. Il est sous-déterminé contextuellement et l’interprétation des énoncés se fait par des processus inférentiels.

●Les fondements théoriques de la pragmatique cognitive sont le modularisme de J. Fodor et le modèle de l’inférence.

● Fondée sur une hypothèse cognitiviste et sur une hypothèse linguistique, la théorie de la pertinence est une théorie de l’interprétation contextuelle des énoncés. Elle s’appuye sur le principe de pertinence, conformément auquel dans une situation de communication un locuteur produit l’énoncé le plus pertinent par rapport à la situation donnée.

● La pertinence, définie en terme d’efforts cognitifs et d’effets cognitifs ou contextuels, sert à trouver les hypothèses pertinentes correspondant à l’intention communicative du locuteur.

● La perspective interactionnelle adoptée par la théorie de la conversation fait de l’acte de langage un élément constitutif de l’enchaînement verbal: à côté de l’intervention et de la réplique.

● Dans la théorie de l’action, l’acte de langage devient acte de communication, interprété comme activité communicative, constitutive de l’action sociale.

● L’approche psychosociologique décrit les actes de langage comme relationèmes censés exprimer les différents types de rapports susceptibles à s’instaurer entre les interactants.

● La théorie des actes de langage a suscité, et continue à le faire, bien des critiques, nombre de linguistes s’attachant à discuter des points considérés faibles de la théorie, tout en proposant de nouvelles directions pour la solution des divergences et contradictions saisies.

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Eléments de pragmatique linguistique

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Les actes de langage

ACTE DE LANGAGE (DE PAROLE)

unité minimale de la communication humaine; un acte d’énonciation qui consiste en la réalisation d’une action de nature linguistique liée à l’événement historique qu’est l’énonciation dont le résultat est le produit linguistique énoncé. ACTE DE LANGAGE est considéré par O. DUCROT le correspondant le plus adéquat de l’anglais speech acts de SEARLE car il reflète la conception de ce dernier, pour lequel les speech acts relèvent de plein droit de la langue. La traduction la plus fidèle aurait été actes de langue, considérée ridicule. ACTES DE PAROLE terme qui est en circulation chez certains linguistes, exprime un contresens considérable et dissimule l’originalité de la théorie des actes de langage: l’intégration des actes dans le système de la langue. La théorie classique fournit deux classifications des actes de langage: la première, celle d’Austin, distingue entre actes LOCUTOIRE, ILLOCUTOIRE et PERLOCUTOIRE. La seconde, celle de Searle, distingue entre actes d’ENONCIATION, PROPOSITIONNEL, ILLOCUTOIRE et PERLOCUTOIRE. La théorie des actes de langage est consacrée à l’étude des actes ILLOCUTOIRES. Dans les théories qui se sont développées à partir de la théorie classique, on parle également d’actes de discours (VANDERVEKEN), tandis que

GLOSSAIRE DES PRINCIPAUX TERMES UTILISES

EN THEORIE DES ACTES DE LANGAGE

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Eléments de pragmatique linguistique

dans la théorie de la conversation, l’acte de langage constitue l’unité minimale constitutive de la structure d’une conversation.

ACTE DIRECT

acte produit au moment où en énonçant une phrase, le locuteur communique exactement et littéralement ce qu’il dit avec l’intention de produire sur l’interlocuteur un certain EFFET ILLOCUTIONNAIRE, en amenant ce dernier à reconnaître son intention de produire cet effet en vertu de la connaissance que celui-ci a des règles qui régissent l’énonciation de la phrase. L’effet illocutoire est produit si l’interlocuteur peut distinguer entre le SENS DU LOCUTEUR et le SENS DE LA PHRASE. L’acte direct se présente sous la forme de PERFORMATIF PRIMAIRE ou de PERFORMATIF EXPLICITE. Dans le cas des performatifs primaires (implicites), le locuteur ne communique que le contenu propositionnel, tandis que dans le cas des performatifs explicites, il communique et le contenu propositionnel et la force illocutoire dont il investit ce contenu. Toute phrase se caractérise, à part le POTENTIEL DE FORCE ILLOCUTOIRE , par un POTENTIEL DE CONTENU PROPOSITIONNEL.

ACTE DERIVE (INDIRECT)

acte de langage accompli au moment où, en énonçant une phrase et transmettant exactement et littéralement ce qu’il dit, le locuteur implique la PRESUPPOSITION. Le marqueur de force illocutoire, présent dans la structure syntaxique ou dans la représentation sémantique de l’énoncé employé, détermine l’appartenance de celui-ci à une certaine classe d’actes de parole; l’intention du locuteur et la situation de communication lui attribuent un autre sens par lequel il s’associe à une autre classe d’actes illocutoires. Du point de vue sémantique, l’énoncé accomplit deux actes illocutoires: un ACTE SECONDAIRE (SECONDARY

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Les actes de langage

ILLOCUTIONNARY ACT) par lequel on communique le SENS LITTERAL de la phrase (SENTENCE MEANING) et un ACTE PRIMAIRE (PRIMARY ILLOCUTIONNARY ACT) par lequel on communique le SENS que LE LOCUTEUR veut ou croit communiquer (SPEAKER UTTERANCE MEANING). Cela signifie que l’énoncé censé accomplir l’acte dérivé renferme deux contenus: un CONTENU EXPLICITE qui représente l’objet du message à transmettre lors d’un échange verbal et un CONTENU IMPLICITE qui constitue le véritable objet du message à transmettre lors d’un échange verbal. Lors d’un acte dérivé, le locuteur doit communiquer en même temps, le sens de l’énoncé et le sens qu’il lui attribue dans la situation de communication donnée; de son côté, l’interlocuteur doit comprendre exactement les intentions du locuteur, c’est-à-dire la manière dont il organise dans un contexte situationnel, la stratégie conversationnelle. Ces processus sont possibles grâce, entre autres, à un ARRIERE-PLAN DE DONNEES CONTEXTUELLES partagées par le locuteur et par l’interlocuteur et à des CONVENTIONS SOCIALES également reconnues et partagées.

ARRIÈRE - PLAN

ensemble de données contextuelles et de conventions sociales que les interlocuteurs partagent et qui leur permet d’exprimer et de comprendre le speaker utterance meaning. L’ensemble de ces informations est considéré comme acquis par les sujets parlants et censé rendre possibles nos représentations, linguistiques ou non. Il est constitué de pratiques, compétences, habitudes, assomptions, présuppositions, informations de toute sorte, savoirs-faire, etc.

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Eléments de pragmatique linguistique

ASSERTIF

acte illocutoire qui engage la responsabilité du locuteur sur l’existence d’un état de choses, sur la vérité de la proposition exprimée.

BUT (de l’acte) ILLOCUTIONNAIRE

représente la finalité de l’acte illocutoire, fait partie de la force illocutoire ; il détermine la direction d’ajustement et se définit par la tentative linguistique du locuteur pour amener l’interlocuteur à faire une action future. Il sera décomposé en l’INTENTION ILLOCUTOIRE DU LOCUTEUR et son INTENTION DE COMMUNICATION.

COMMISSIF

acte illocutoire qui engage le locuteur à une suite d’actions déterminée. Cette classe apparaît dans la classification d’Austin et sera reprise par Searle qui la définit de la même manière qu’Austin: c’est un acte illocutoire qui engage le locuteur à l’accomplissement d’une action future. Suivant les critères de classification de Searle, la direction d’ajustement est des mots au monde ( le monde doit s’ajuster aux mots), l’état psychologique du locuteur est la sincérité (il a l’intention sincère d’accomplir l’acte), le but est d’engager le locuteur à l’accomplissement de l’acte.

COMPORTATIF dans la classification des actes illocutoires d ‘Austin, c’est l’acte illocutoire qui a trait aux attitudes et au comportement social du locuteur à l’égard de la conduite des autres, des événements qui les concernent.

CONDITIONS SUR LE CONTENU PROPOSITIONNEL

précisent le caractère futur de l’action de l’interlocuteur. Elles font partie, en tant que composante, de la force illocutoire.

CONDITIONS D’EMPLOI (= DE RÉUSSITE chez Austin, DE SATISFACTION chez Searle)

définissent le degré d’appropriété contextuelle de l’acte, c’est-à-dire son adéquation au contexte dans lequel il apparaît. Ce sont des conditions du monde représentées dans le contenu propositionnel qui doivent prévaloir

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Les actes de langage

pour que l’état ou l’acte considéré soient satisfaits Un acte ou un état est dit «vrai» ou «approprié» si et seulement si les conditions de satisfaction déjà déterminées par leur contenu propositionnel sont remplies.

CONDITIONS DE FÉLICITÉ

ensemble de procédures conventionnelles, parfois institutionnelles (mariage, baptême), dont l’application correcte et complète permet l’accomplissement de l’acte de langage exprimé par l’énoncé performatif considéré.

CONDITIONS NORMALES DE DEPART ET D’ARRIVÉE

président à la compréhension du message.

CONDITIONS PRÉPARATOIRES

portent sur la capacité de l’interlocuteur d’accomplir l’action demandée. Ce sont des composantes de la force illocutoire.

CONDITIONS DE SINCERITÉ

composantes de la force illocutoire, ce sont les conditions remplies par l’accomplissement d’un acte dont le locuteur a les états mentaux qu’il exprime en accomplissant cet acte.

CONDITIONS DE SUCCÈS

conditions qui doivent être remplies dans un contexte d’énonciation pour que le locuteur réussisse à accomplir cet acte dans ce contexte.

CONDITIONS DE VÉRITÉ:

conditions à remplir pour qu’un énoncé soit vrai, c’est-à-dire pour que l’état de choses qu’il représente existe (ou soit actuel).

CONSTATIF énoncé affirmatif susceptible d’être VRAI ou FAUX, suivant les CONDITIONS DE VERITE qui le régissent, et servant à décrire une réalité. Une analyse plus poussée amène Austin à remarquer que la distinction constatif/performatif est difficile à maintenir tant qu’il y a des énoncés constatifs qui ne servent pas à décrire une réalité et qui cependant peuvent être

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Eléments de pragmatique linguistique

sanctionnés comme vrais ou faux. Austin va constater finalement que tous les constatifs désignent des actes implicites d’assertion et qu’ils se laissent tous paraphraser par des performatifs explicites, ce qui lui permet de conclure que toute phrase est potentiellement performative.

CONTENU PROPOSITIONNEL

l’état de choses dont le locuteur demande la réalisation ou affirme l’existence. Dans la formule de Searle, F(p), il est noté p et comprend les actes de référer et de prédiquer. Searle l’a choisi comme critère de classification des actes illocutoires, à côté des onze autres critères établis à cette fin.

CONTENU POSÉ ensemble des informations transmises par un énoncé, que l’interlocuteur saisit par la seule compréhension du SENS LITTERAL de l’énoncé.

CONVENTION (PRAGMATIQUE)

l’association de certaines phrases à certains types d’actes. De façon générale, on considère que les types fondamentaux de phrase (déclarative, interrogative, négative, impérative) sont censés exprimer certains types d’actes. Une interrogative accomplit l’acte de demande d’information, une impérative accomplit une injonction, etc. Le fonctionnement de la langue a prouvé que cela n ‘est pas toujours vrai car un même type de phrase peut accomplir des actes différents. Une interrogative peut exprimer une demande d’information mais aussi une requête. Une impérative peut exprimer différents types d’actes injonctifs, depuis la requête jusqu’à l’ordre ou la prière. Cette remarque se trouve à la base de la dérivation illocutoire.

CONVENTION SOCIALE

à la différence de la convention pragmatique, la convention sociale consiste dans le fait que l’usage fréquent d’un certain type de phrase avec une autre valeur illocutoire que la valeur

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Les actes de langage

attribuée par la convention pragmatique détermine les locuteurs à reconnaître, par convention mutuelle et tacite, à ce type de phrase la capacité d’accomplir un autre acte que celui auquel elle était destinée. Ainsi, par exemple, la phrase classique Pouvez-vous me passer le sel? a, par convention pragmatique, la valeur d’une question. Mais, comme Searle le dit,» il faut de l’ingéniosité pour imaginer une situation dans laquelle l’énonciation (de cette phrase,n.n.) ne serait pas une demande.»

CONVENTIONNEL acte qui a le caractère général d’un rite ou d’une cérémonie où les paroles sont accompagnées de gestes, ou d’ attitudes particulières. Cet acte n’existe que grâce à un système de conventions et s’inscrit dans une institution extralinguistique, par des rituels précis. Les actes de langage aussi sont des actes conventionnels car ils n’existent que relativement à l’institution linguistique qui régit leur «accomplissement en associant à un certain type d’actes un certain type de phrase.»

CONVENTIONNALISME (RADICAL) :

l’acte de parole est conventionnel à la fois au sens où il n’existe que relativement à l’institution linguistique et au sens où cette institution régit son «accomplissement en associant à un certain type d’acte un certain type de phrase».

COTEXTE (CONTEXTE LITTERAL)

l’environnement verbal ou écrit d’un énoncé. Un acte cotextuel est un acte dont l’interprétation dépend de l’environnement linguistique qui le précède et qui lui suit. En dehors de cet environnement, il peut acquérir d’autres interprétations.

DECLARATION acte illocutionnaire par lequel le locuteur essaie de provoquer un changement de l’état de choses concerné. Le but d’un acte de déclaration est de

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Eléments de pragmatique linguistique

provoquer un nouvel état de choses par la seule vertu de son énonciation. Pour que cela arrive, il faut que la déclaration soit accomplie dans le cadre d’une certaine institution extra-linguistique qui confère au locuteur les pouvoirs de provoquer ou d’instaurer de nouveaux faits institutionnels par le seul accomplissement approprié d’un acte de langage (déclarer la guerre, la séance ouverte, abdiquer, faire un legs, etc.)

DEGRÉ DE PUISSANCE composante de la force illocutoire qui indique l’intensité avec laquelle le locuteur désire l’accomplissement de l’action demandée ainsi que les efforts linguistiques déployées pour y parvenir.

DÉRIVATION ILLOCUTIONNAIRE (ILLOCUTOIRE)

processus qui consiste en la réalisation d’un acte illocutoire par l’intermédiaire d’un autre acte, illocutoire aussi. La dérivation ou l’indirection, théorisée par Searle, est un procédé largement employé par les locuteurs – surtout s’il s’agit de l’accomplissement d’actes menaçant la face – pour des raisons d’ordre social qui concernent les relations interpersonnelles et les besoins de préserver les faces des participants à l’échange verbal. La dérivation consiste donc en l’accomplissement de deux actes : un acte directement saisi par l’interlocuteur et un ACTE INDIRECT ou DERIVE pour la compréhension duquel l’interlocuteur doit avoir recours à une STRATEGIE INFERENTIELLE.

DÉRIVE-DE-LANGUE voir TROPE ILLOCUTOIRE.

DIRECTIF acte illocutoire par lequel le locuteur essaie de faire faire quelque chose par l’interlocuteur. Les directifs font partie de la classification de Searle et se caractérisent par: la direction

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Les actes de langage

d’ajustement est des mots au monde (le monde doit s’ajuster aux mots), l’état psychologique est le désir, le but illocutoire est d’obtenir que l’interlocuteur fasse quelque chose.

DIRECTION D’AJUSTEMENT

critère de classification des actes illocutoires qui détermine le rapport que l’acte illocutoire introduit entre l’état de choses et les mots qui le désignent. Suivant le type d’actes, la direction d’ajustement peut être des mots au monde (si l’état de choses concernés n’existe pas avant la profération des mots mais sera instauré par cette même profération) ou bien du monde aux mots (si l’état de choses préexiste aux mots qui doivent le nommer). Récanati va en faire le critère de base da sa classification des actes de langage.

ÉCHEC l’acte qui, malgré son énonciation, ne s’accomplit pas à cause de certaines conditions qui n’ont pas été satisfaites.

EFFET ILLOCUTIONNAIRE

la reconnaissance par l’auditeur des INTENTIONS ILLOCUTOIRE et de COMMUNICATION du locuteur d’effectuer un certain acte illocutoire: «faire en sorte que soit compris le sens de ce qui est dit et la force avec laquelle c’est dit.» (Austin).

EFFET DE SENS CO(N)TEXTUEL

valeur illocutoire dérivée considérée atteinte lorsque l’information nouvelle interagit avec un contexte formé d’hypothèses existantes en renforçant une hypothèse existante ou en se combinant avec une hypothèse existante pour livrer une implication contextuelle. L’effet de sens représente donc le SENS PRAGMATIQUE de l’énoncé.

EFFET COGNITIF (CONTEXTUEL)

terme qui, avec EFFORT COGNITIF, aide à la définition de la PERTINENCE. L’effet cognitif représente le résultat du processus

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Eléments de pragmatique linguistique

d’interprétation d’un énoncé, ce que le destinataire finit par comprendre de l’acte de communication qui lui est destiné.

EFFORT COGNITIF définit avec EFFET COGNITIF, la PERTINENCE. Il représente l’effort de traitement de l’acte de communication, fait par le destinataire pour arriver à la compréhension de cet acte. Les efforts cognitifs dépendent de plusieurs facteurs, à savoir: la longueur de l’énoncé, l’accès aux informations encyclopédiques, le nombre de règles logiques impliquées par le mécanisme inférentiel.

ÉNONCIATION (ACTE DE)

c’est le correspondant français de UTTERANCE; acte qui consiste en la prononciation de mots (morphèmes, phrases), correspondant à l’acte locutoire d’Austin mais sans le composant rhétique qui introduit le sens et qui, dans la classification de Searle ,fait partie de l’acte propositionnel. L’acte d’énonciation constitue le type minimal d’acte de langage. La production d’un acte d’énonciation n’implique pas obligatoirement la production d’un acte PROPOSITIONNEL ou ILLOCUTOIRE. En échange, tout acte illocutoire est un acte d’énonciation. Le problème de la théorie des actes de langage est de comprendre comment on passe du fait brut qu’est l’énonciation de sons au fait institutionnel qu’est l’accomplissement des actes illocutoires dans la communication humaine.

ÉTAT PSYCHOLOGIQUE

critère de classification des actes illocutoires exprimant l’attitude du locuteur à l’égard du contenu propositionnel; il correspond à la condition de sincérité des règles constitutives. Il se divise en deux sous-composants: l’ETAT JUDICATIF, défini comme l’état psychologique (du locuteur ou de l’interlocuteur) exprimant une appréciation concernant le contenu

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Les actes de langage

propositionnel et un ETAT VOLITIF (du locuteur ou de l’interlocuteur) exprimant le désir de voir s’accomplir le contenu propositionnel.

EXERCITIF acte illocutoire qui renvoie à l’exercice de pouvoirs, de droits ou d’influences. Ce type d’actes représente, dans la classification d’Austin, l’une des cinq classes d’actes inventoriés. Il consiste à formuler une décision en faveur ou à l’encontre d’une action ou d’une suite d’actions.

EXPOSITIF acte illocutoire d’explication d’une façon de voir, d’une manière de conduire une argumentation, de clarification de l’emploi et de la référence des mots. Cette classe fait partie de la classification d’Austin..

EXPRESSIF acte illocutoire dont le but illocutoire est d’exprimer l’état psychologique du locuteur relativement à un état de choses. On le considère comme la forme la plus simple d’acte de langage car il n’implique ni l’ajustement des mots au monde ni celui du monde aux mots. Il n’a pas donc de direction d’ajustement car la vérité de la proposition exprimée est présupposée: se réjouir que p ou déplorer que p présupposent que p est vrai.

EXPRIMABILITÉ (PRINCIPE DE)

principe stipulant que ce que l’on veut dire peut être dit: «Pour toute signification X, et pour tout locuteur L, chaque fois que L veut signifier (a l’intention de transmettre, désire communiquer etc.) X, alors il est possible qu’existe une expression E, telle que E soit l’expression exacte ou la formulation exacte de X.» En formulant ce principe, Searle refuse de séparer le SENS DESCRIPTIF (= le sens donné par l’ensemble des constituants syntactico-sémantique d’une phrase) et le SENS PRAGMATIQUE (= le sens donné par l’emploi

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Eléments de pragmatique linguistique

d’un énoncé dans une situation donnée). De ce principe découle les notions d’INTENTION et de CONVENTION.

FAUX (ÉNONCÉ) l’état de choses décrit par l’énoncé ne correspond pas à la réalité prise en considération, ne se vérifie pas dans cette réalité.

FORCE ILLOCUTOIRE (ILLOCUTIONNAIRE)

une valeur (conventionnelle) abstraite, attribuée aux expressions linguistiques qui rend possible la reconnaissance du type d’acte accompli. Searle la note F dans la formule F(p) où F = la force illocutionnaire et p = le contenu propositionnel d’un énoncé. Le propre de la FORCE ILLOCUTOIRE est d’être reconnue et comprise. La reconnaissance et la compréhension sont le fait de l’interlocuteur et constituent l’EFFET ILLOCUTIONNAIRE. Elles assurent l’accomplissement de l’action dénotée dans le contenu propositionnel, c’est-à-dire l’atteinte de l’EFFET PERLOCUTIONNAIRE de l’acte illocutoire. La force illocutoire est constituée de plusieurs composantes à l’aide desquelles on peut identifier les différentes valeurs qu’une même force peut acquérir suivant le contexte: BUT ILLOCUTOIRE, MODE D’ACCOMPLISSEMENT, CONDITIONS SUR LE CONTENU PROPOSITIONNEL, CONDITIONS PREPARATOIRES, CONDITIONS DE SINCERITE, DEGRE DE PUISSANCE. Les opinions divergent en ce qui concerne l’appartenance de la force illocutoire au sens de l’énoncé ou non. La force illocutoire peut être explicitée dans la structure de surface d’un énoncé à l’aide d’un MARQUEUR DE FORCE ILLOCUTOIRE ou bien, elle se retrouve seulement dans la structure profonde (sémantique) de l’énoncé. Si la force illocutoire n’est pas explicitée par un marqueur, la reconnaissance en est possible grâce au contexte et à la situation d’énonciation. Une

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Les actes de langage

phrase contenant des marqueurs d’une certaine force illocutoire peut très bien être employée pour accomplir un autre type d’acte illocutoire que celui indiqué par le marqueur de force illocutoire. Toute phrase se caractérise par un POTENTIEL DE FORCE ILLOCUTIONNAIRE.

HEUREUX se dit d’un acte dont l’énonciation satisfait à toutes les conditions nécessaires à son fonctionnement (à son accomplissement) et qui produit des effets qu’il aurait à produire. C’est un acte institutionnel accompli en observant un certain rituel.

HYPOTHÈSE CONTEXTUELLE

sous-ensemble d’informations considérées vraies ou probablement vraies, construit énoncé après énoncé, disponibles dans l’environnement cognitif mutuel au locuteur et au destinataire, utilisé comme prémisse dans l’interprétation d’un énoncé.

HYPOTHÈSE PERFORMATIVE

théorie développée par le sémanticien Ross soutenant le point de vue de la théorie classique des actes de langage conformément auquel la structure profonde des énoncés performatifs présente une préface performative (le PREFIXE PERFORMATIF d’Austin), explicite dans la structure de surface des performatifs explicites ou implicite dans le cas des peformatifs primaires. Elle s’oppose au PERFORMADOXE.

ILLOCUTIONNAIRE / ILLOCUTOIRE (ACTE)

acte par lequel le locuteur entend produire un certain effet sur son interlocuteur en l’amenant à connaître l’intention qu’il a de produire cet effet. C’est l’acte accompli en disant quelque chose. L’acte illocutoire représente une VALEUR (ou une FORCE) acquise par l’acte locutoire du fait de la volonté du locuteur. Appelée FORCE ILLOCUTIONNAIRE, elle représente le critère de classification des actes illocutoires. La classification d’Austin établit

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Eléments de pragmatique linguistique

cinq classes d’actes illocutoires: VERDICTIFS, EXERCITIFS, PROMISSIFS, COMPORTATIFS, EXPOSITIFS. La classification de Searle s’appuie sur un ensemble de douze critères – dont certains sont des sous-composantes de la force illocutoire – et établit les cinq classes suivantes: ASSERTIFS, DIRECTIFS, PROMISSIFS, EXPRESSIFS, DECLARATION. Une autre classification, de Récanati, distingue entre ACTES ESSENTIELLEMENT REPRESENTATIFS et NON-ESSENTIELLEMENT REPRRESENTATIFS et fait entrer dans la première classe les PERFORMATIFS (déclaratifs, promissifs, prescriptifs) et les CONSTATIFS. A la différence de Searle, Récanati choisit comme critère pour sa classification la DIRECTION D’AJUSTEMENT.L’acte illocutoire présente une série de caractéristiques, à savoir: c’est un acte INTENTIONNEL, CONVENTIONNEL, INSTITUTIONNEL, de nature CONTEXTUELLE et COTEXTUELLE. Son accomplissement est soumis à des CONDITIONS D’EMPLOI et régi par deux catégories de règles: REGLES NORMATIVES et REGLES CONSTITUTIVES. Tout acte illocutoire peut être réalisé de façon directe et, dans ce cas, on est en présence d’un ACTE ILLOCUTOIRE DIRECT, ou de façon indirecte et, dans ce cas, on parle d’ACTE INDIRECT ou DERIVE. Toute phrase possède un POTENTIEL D’ACTE ILLOCUTIONNAIRE. On distingue dans la structure d’un acte deux composantes: la FORCE ILLOCUTIONNAIRE et le CONTENU PROPOSITIONNEL. Essentiel dans l’accomplissement de l’acte de parole est l’UPTAKE de l’interlocuteur.

INFÉLICITÉ (DE L’ACTE)

le rituel qui préside à l’accomplissement d’un acte n’est pas respecté et l’acte n’est pas accompli.

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Les actes de langage

INSINCÈRE (ACTE)

en accomplissant cet acte, le locuteur n’a pas les états mentaux qu’il exprime. Il s’agit d’un acte accompli dans les circonstances requises mais qui ne correspond pas (ne traduit pas) ce que le locuteur ressent vraiment à propos du fait dénoté dans le contenu propositionnel.

INSTITUTIONNEL (ACTE)

acte qui suppose l’existence de certaines institutions humaines (= des systèmes de règles constitutives) à l’intérieur desquelles il acquiert valeur d’acte. Les changements qu’il produit sont donc le résultat du respect ou de la violation d’un ensemble de droits ou d’obligations qui définissent la relation des interlocuteurs..

INTENTION PRAGMATIQUE

le désir du locuteur de communiquer à son interlocuteur le contenu de sa phrase et de lui faire reconnaître cette intention grâce à des règles linguistiques conventionnelles.

INTENTION DE COMMUNICATION (COMMUNICATIVE)

exprime l’intention du locuteur de faire comprendre à l’interlocuteur son intention de réaliser un acte illocutoire. C’est une des deux composantes du but illocutoire.

INTENTION ILLOCUTOIRE

l’intention de chaque sujet énonciateur de communiquer à son interlocuteur ce qu’il veut faire par son acte de langage, c’est-à-dire son intention d’accomplir un acte illocutoire. C’est la seconde composante du but illocutoire.

INTENTION INFORMATIVE

l’intention du locuteur de faire comprendre au destinataire que par son acte il veut lui transmettre certaines informations.

INTENTIONNEL (ACTE)

l’interprétation appropriée de l’acte est conditionnée par la reconnaissance, de la part de l’interlocuteur, du caractère intentionnel de son énonciation.

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Eléments de pragmatique linguistique

MALHEUREUX se dit d’un acte qui, malgré son énonciation, ne s’accomplit pas, vu que certaines conditions n’ont pas été satisfaites, et qui ne produit pas les effets qu’il est censé produire.

MARQUEUR DE CONTENU PROPOSITIONNEL

cette partie de la structure syntaxique de l’énoncé qui dénote l’état de choses dont le locuteur vise l’accomplissement et qui prend le plus souvent la forme d’une subordonnée complétive.

MARQUEUR DE FORCE ILLOCUTOIRE

cette partie de la structure syntaxique de l’énoncé qui indique la façon dont il faut considérer la proposition, c’est-à-dire la force illocutionnaire à attribuer à l’énonciation.

MODE D’ACCOMPLISSEMENT

critère de classification des actes illocutoires qui reflète l’attitude du locuteur face à l’interlocuteur au moment de la réalisation de l’acte illocutoire. C’est une des composantes de la force illocutoire.

MODÈLE INFERENTIEL

modèle pragmatique expliquant comment, à partir des informations fournies par l’énoncé et d’autres informations non linguistiques, l’interlocuteur est amené à faire telle ou telle hypothèse interprétative. Conformément à ce modèle, l’interprétation d’un énoncé est fonction du CONTEXTE. Il explique comment se construisent les HYPOTHESES CONTEXTUELLES (prémisses) nécessaires à l’interprétation et comment sont déterminées les REGLES D’INFERENCE qui permettent d’en tirer des conclusions.

MODULARISME courant de la psychologie cognitive créé par J. Fodor qui considère que le traitement des informations reçues par l’esprit humain se fait par étapes successives, à deux niveaux. Au niveau périphérique, on traite par modules spécialisés les données auditives, linguistiques,

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Les actes de langage

visuelles etc. L’interprétation fournie à ce niveau est envoyée au niveau central qui la complète par d’autres informations connues ou fournies simultanément par les autres modules spécialisés, moyennant des processus inférentiels. Dans la variante des fondateurs de la pragmatique cognitive les deux systèmes sont remplacés par deux catégories de modules, perceptuels et conceptuels. Le module linguistique est un module perceptuel tandis que le module pragmatique est un module conceptuel. On l’appelle également HYPOTHESE COGNITIVISTE.

NON-INSTITUTIONNEL (ACTE)

acte produit indépendamment de l’existence d’un système de règles constitutives, d’une quelconque institution, l’institution linguistique mise à part.

PERFORMADOXE paradoxe mis en évidence par Lycan qui démontre que si les deux types de performatifs présentent la même structure profonde, il en résulte que les conditions de vérité sont identiques aux conditions de félicité, ce qui n’est pas possible ou bien que les performatifs, implicite et explicite, se soumettent aux mêmes conditions de vérité, ce qui n’est pas correct.

PERFORMATIF énoncé affirmatif susceptible d’être HEUREUX ou MALHEUREUX, suivant les CONDITIONS DE FELICITE qui le régissent, et servant à instaurer une nouvelle réalité ; il indique que produire l’énonciation est exécuter une action (Austin). Sa structure syntaxique canonique comporte le pronom personnel de première personne JE et un verbe performatif du type: ordonner, prier, promettre, employé à l’indicatif présent: JE + V indic. prés. + que P / de INF. .La partie JE + Vindic. prés. de la structure syntaxique représente le MARQUEUR DE FORCE ILLOCUTOIRE, nommé aussi PREFIXE PERFORMATIF. La partie

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que P/ de INF représente le MARQUEUR DE CONTENU PROPOSITIONNEL. Dans une première étape d’analyse, Austin oppose l’énoncé performatif à l’énoncé CONSTATIF mais il renoncera à cette distinction constatif/performatif pour s’intéresser à la classification des actes de langage. Tout énoncé performatif se définit par son caractère SUI- REFERENTIEL: en même temps qu’il représente un certain état de choses dont on vise l’instauration, il se présente comme énoncé accomplissant un certain acte de parole.

PERFORMATIF EXPLICITE

énoncé déclaratif qui nomme l’acte accompli et qui comporte dans sa structure le PREFIXE qui exprime sans ambiguïté la performativité de l’énoncé.

PERFORMATIF PRIMAIRE (IMPLICITE)

un énoncé où l’acte accompli n’est pas nommé mais il sera identifié grâce au co(n)texte de son énonciation; la structure syntaxique ne contient pas de marqueur explicite de la performativité. Le performatif implicite peut prendre la forme syntaxique d’un énoncé constatif ou d’un énoncé non-constatif (interrogatif, négatif, exclamatif, et.)

PERLOCUTOIRE (PERLOCUTIONNAIRE)

acte accompli par le fait d’avoir dit quelque chose. L’acte perlocutoire représente les conséquences de ce que l’on a dit, c’est-à-dire de l’acte illocutoire. Il constitue l’EFFET que l’acte illocutoire produit sur l’interlocuteur auquel il est adressé. Ces conséquences ou cet effet ne font/fait pas partie intégrante de l’acte locutoire, elles/il surviennent/survient après. L’acte perlocutoire est introduit par Austin. Searle doute de l’existence des actes perlocutoires mais il les accepte dans des termes semblables à ceux d’Austin. L’EFFET PERLOCUTIONNAIRE représente, en fait, la réalisation de l’acte prédiqué par le sujet

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Les actes de langage

énonciateur. Lyons distingue entre EFFET PERLOCUTIONNAIRE DESIRE qui est l’effet que le locuteur veut produire sur son interlocuteur par le fait de dire quelque chose et EFFET PERLOCUTIONNAIRE REEL qui est l’effet réellement produit et qui correspond à la réponse de l’interlocuteur à l’acte illocutoire accompli.

PERTINENCE notion clé de la théorie de la pertinence. Définie en termes d’efforts et d’effets cognitifs, elle est considérée une des caractéristiques principales d’un énoncé. Sa dépendance des deux catégories mentionnées – effets et efforts cognitifs – est explicitée de la manière suivante: plus les efforts de traitement de l’énoncé sont grands, moins l’énoncé est pertinent, donc les effets contextuels sont moindres; et, inversement, moins les efforts sont grands, plus l’énoncé est pertinent, donc les effets sont grands. La définition en serait donc la suivante: Toutes choses étant égales par ailleurs, plus un énoncé produit d’effets contextuels dans un contexte donné, plus il est pertinent dans ce contexte. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus un énoncé demande d’efforts cognitifs dans un contexte donné, moins il est pertinent dans ce contexte.

POTENTIALITÉ ILLOCUTIONNAIRE

indique le nombre d’actes qu’un locuteur peut effectuer, par une émission verbale, et qui est actualisée dans la force illocutionnaire de l’énoncé.

POTENTIEL DE FORCE ILLOCUTIONNAIRE

le type de force illocutoire associé à une phrase en vertu de sa modalité: déclarative, interrogative, impérative.

POTENTIEL DE CONTENU PROPOSITIONNEL

le type de contenu propositionnel auquel la phrase est associée par sa signification descriptive.

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Eléments de pragmatique linguistique

POTENTIEL D’ACTE ILLOCUTIONNAIRE

la conjonction du potentiel de force illocutionnaire et du potentiel de contenu propositionnel.

PRAGMATIQUE (conception gricéenne)

étude des aspects non vériconditionnels de la phrase énoncée. Dans le sens le plus général, la pragmatique est censée étudier les relations entre la langue et ses utilasateurs.

PRAGMATIQUE LINGUISTIQUE (INTEGRÉE)

développement de la théorie classique des actes de langage qui considère que l’illocutoire constitue le domaine d’étude de la sémantique linguistique. Elle insiste sur l’aspect conventionnel et codique du langage et considère que les conditions d’usage d’une phrase ainsi que les valeurs illocutoires d’un énoncé sont inscrites dans le système de la langue. La pragmatique linguistique s’est développée autour du problème de la PRESUPPOSITION.

PRAGMATIQUE COGNITIVE (RADICALE)

théorie fondée sur le MODULARISME et sur le MODELE DE L’INFERENCE soutenant que: le langage constitue un moyen de description de la réalité et accessoirement un moyen d’action; il est sous-déterminé contextuellement; la tâche de la pragmatique est d’expliciter ce processus d’interprétation (contextuelle) des énoncés. Elle réussit à séparer la pragmatique de la linguistique et à la rapprocher des sciences cognitives.

PRÉFIXE (PERFORMATIF)

cette partie de la structure syntaxique d’un énoncé constituée du pronom personnel de première personne singulier JE et d’un verbe performatif à l’indicatif présent qui fonctionne comme marqueur de force illocutoire, indiquant explicitement la nature de la force dont l’énoncé est doué.

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Les actes de langage

PRÉSUPPOSITION phénomène par lequel un sens resté implicite se déduit automatiquement du contexte, soit à partir d’une unité lexicale, soit à partir d’une construction syntaxique. La présupposition ne varie pas sous la négation ou l’interrogation. Elle se trouve à l’origine de la pragmatique linguistique ou intégrée. O. Ducrot l’interprète comme un acte illocutoire censé modifier « les rapports intersubjectifs des interlocuteurs, crée des obligations, instaure des droits et des devoirs, assigne des rôles. Elle représente le CONTENU PRESUPPOSE, l’ensemble des informations d’arrière-plan transmises de façon non-explicite et que les interlocuteurs sont obligés d’accepter pour que la communication puisse continuer.

PRINCIPE DE PERTINENCE

principe cognitif expliquant que dans une situation de communication, le destinataire prête attention à l’acte de communication (aux énoncés) parce qu’il le(s) considère pertinent(s) par rapport à la situation, capable(s) de fournir les informations nécessaires à la compréhension de l’acte, c’est-à-dire à la compréhension de l’INTENTION COMMUNICATIVE et de l’INTENTION INFORMATIVE du locuteur. Il est formulé de la manière suivante: «Tout acte de communication ostensive communique la présomption de sa propre pertinence optimale.»

PROMISSIF acte illocutoire de promesse ou de prise en charge de quelque chose par le locuteur. Son but illocutoire est d’obliger le locuteur à adopter une certaine conduite future. Voir COMMISSIF.

PROPOSITION ce qui est asserté dans l’acte d’assertion, ce qui est affirmé dans l’acte d’affirmation.

PROPOSITIONNEL (ACTE)

deuxième type d’actes dans la classification de Searle, cet acte rassemble les actes de REFERER et de PREDIQUER. Par l’ACTE DE REFERER, le

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Eléments de pragmatique linguistique

locuteur nomme ou désigne un certain objet de la réalité environnante à propos duquel il prédique quelque chose. Par l’ACTE DE PREDIQUER, le locuteur dit quelque chose à propos d’un certain objet, référent de l’énonciation, désigné comme sujet du contenu propositionnel d’un énoncé. Les deux actes –REFERER et PREDIQUER - se réalisent en énonçant une phrase ou une partie de phrase sous la forme d’une assertion, d’une question, etc.

RÈGLE CONSTITUTIVE règle qui crée et définit une nouvelle forme de conduite et a la forme «X compte pour Y dans le contexte C.» Il y en a plusieurs catégories: la REGLE PREPARATOIRE qui porte sur la situation de communication: les interlocuteurs parlent la même langue, ils parlent sérieusement, etc.; la REGLE DE CONTENU PROPOSITIONNEL qui précise la nature du contenu de l’acte à accomplir; la REGLE PRELIMINAIRE qui porte sur le savoir et la croyance du locuteur concernant l’accomplissement de l’acte; la REGLE DE SINCERITE qui définit l’état psychologique du locuteur; la REGLE ESSENTIELLE qui définit le type d’obligation contractée par le locuteur ou l’interlocuteur par l’énonciation de l’acte en question; la REGLE D’INTENTION qui décrit l’intention du locuteur lors de l’accomplissement d’un acte; la REGLE DE CONVENTION qui décrit la façon dont le locuteur met en application ses intentions grâce à des conventions linguistiques.

RÈGLE D’INFERENCE composant du modèle d’inférence, elle permet le passage d’une étape à l’autre du processus inférentiel jusqu’à l’obtention de l’interprétation adéquate d’un énoncé. L’application de l’ensemble de ces règles assure l’INTERPRETATION PRAGMATIQUE de l’énoncé.

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Les actes de langage

RÈGLE NORMATIVE règle qui gouverne des formes de comportement pré-existantes ou existant de façon indépendante, constituées avant la formulation de la règle.

SANS DEFAUTS la procédure concernant l’accomplissement d’un acte de parole doit être exécutée intégralement et correctement par tous les participants

SATISFAIT (ACTE) un acte est satisfait si le contenu propositionnel est devenu vrai de lui.

SENS DESCRIPTIF voir SENS LITTERAL

SENS DU LOCUTEUR (SPEAKER UTTERANCE MEANING)

sens attribué par le locuteur à son énoncé, identique ou différent de celui exprimé par le marqueur de force illocutoire, saisi grâce aux données de l’arrière-plan.

SENS LITTÉRAL

(D’UNE PHRASE) le sens que cette phrase manifeste dans un «contexte zéro» ou dans un «contexte nul»; le sens d’une phrase indépendamment du contexte de son emploi. Appelé aussi SENS DE LA PHRASE ou SENS DESCRIPTIF, c’est le sens gardé indépendamment de la situation de communication où la phrase est énoncée et qui se manifeste par le marqueur de force illocutionnaire.

SENS PRAGMATIQUE sens qu’un énoncé acquiert lors de son utilisation dans une situation d’énonciation donnée, par rapport aux locuteurs.

SIGNIFICATION De façon générale, on définit la SIGNIFICATION comme l’association abstraite d’un signifiant et d’un signifié. Elle s’oppose à la VALEUR, acquise par un énoncé dans une situation de communication donnée. On distingue deux types de signification: une SIGNIFICATION LITTERALE ou NATURELLE et une

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Eléments de pragmatique linguistique

SIGNIFICATION NON-LITTERALE ou NON-NATURELLE.

SIGNIFICATION LITTÉRALE (NATURELLE ou DESCRIPTIVE)

la valeur sémantique attribuée par le composant linguistique à la structure abstraite qu’est la phrase. Elle s’oppose au SENS DE L’ENONCE qui représente le sens attribué à l’énoncé par le composant rhétorique, à la suite du traitement de la signification.

SIGNIFICATION NON-LITTÉRALE (NON-NATURELLE)

Dire qu’un locuteur L a voulu signifier quelque chose par X, c’est dire que L a eu l’intention, en énonçant X, de produire un effet sur l’auditeur A grâce à la reconnaissance par A de cette intention.

STRATÉGIE INFÉRENTIELLE

démarche de l’interlocuteur qui consiste à établir que le but illocutoire d’un énoncé diverge du but littéral et à identifier le but illocutoire primaire. L’interlocuteur reconnaît le sens littéral de l’énoncé, lui conserve une certaine validité mais, en même temps, il essaie d’effectuer à partir de certains indices un calcul permettant d’accéder au sens véritable. Searle a établi une stratégie inférentielle en dix étapes qui combinent, pour l’interprétation de l’énoncé et la découverte du sens véritable (le sens du locuteur), les principes généraux de conversation, les informations factuelles d’arrière-plan ainsi que la valeur illocutoire intrinsèque de l’énoncé. Le résultat de l’inférence constitue le sens véritable ou la VALEUR ILLOCUTOIRE DERIVEE de l’énoncé qui représente l’INTENTION PRAGMATIQUE du locuteur et dont on peut parler en termes d’EFFET DE SENS CO(N)TEXTUEL.

STRUCTURE DE L’ACTE DE LANGAGE

ensemble constitué du MARQUEUR DE FORCE ILLOCUTIONNAIRE et du MARQUEUR DE CONTENU PROPOSITIONNEL, représenté par Searle comme F(p).

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Les actes de langage

STYLE DE L’ACCOMPLISSEMENT DE L’ACTE

critère de classification des actes illocutoires qui sert à identifier le style particulier selon lequel un acte illocutoire est accompli.

THÉORIE DES ACTES DE LANGAGE

théorie fondée sur une opposition à l’»illusion descriptive» qui veut que le langage ait pour fonction première de décrire la réalité et que les énoncés affirmatifs soient toujours vrais ou faux. Contrairement à la théorie descriptiviste, la théorie des actes de langage affirme que la fonction du langage n’est pas seulement de décrire la réalité mais aussi d’agir sur la réalité et de permettre à celui qui produit un énoncé d’accomplir, ce faisant, une action.

THÉORIE DE L’ACTION théorie qui se propose pour objectif l’étude des rapports établis par l’individu avec son monde environnant, manifestés par la nature de son intervention dans l’état de choses envisagé ainsi que ses rapports avec d’autres individus au moment de cette intervention.

THÉORIE DU LANGAGE PERFORMATIF

voir THÉORIE DES ACTES DE LANGAGE.

THÉORIE DE LA PERTINENCE

noyau de la pragmatique cognitive, c’est une théorie de l’interprétation contextuelle des énoncés. La théorie est fondée sur une hypothèse cognitiviste qui est la théorie modulaire de J. Fodor et une hypothèse linguistique soutenant que le résultat du traitement linguistique des énoncés ne suffit pas pour leur interprétation. Il faut lui ajouter une interprétation pragmatique (contextuelle) qui permet la reconnaissance et la compréhension des effets contextuels de l’énoncé. Elle s’appuie sur le PRINCIPE DE PERTINENCE et considère que la caractéristique principale d’un énoncé est la PERTINENCE.

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Eléments de pragmatique linguistique

TROPE ILLOCUTOIRÉ LEXICALISE (CONVENTIONNEL)

un énoncé qui dans n’importe quel échange verbal signifie toujours la même chose; son emploi est si fréquent que l’utilisateur de la langue ne se rend pas compte du caractère indirect et dérivé des actes linguistiques qu’il accomplit.

TROPE ILLOCUTOIRE NON-CONVENTIONNEL

énoncé qui dans un échange verbal circonstancié peut signifier autre chose qu’il ne transmet par le sens littéral.

UPTAKE la reconnaissance de la part de l’interlocuteur de l’intention du locuteur de lui communiquer intentionnellement quelque chose.

VALEUR ensemble des attributs qu’un élément tire de ses relations avec les autres membres du système ou sous-système pertinent.

VALEUR DERIVÉE le sens non-littéral de l’énoncé; valeur illocutoire secondaire qui peut se substituer à la valeur primitive si certaines conditions d’énonciation sont remplies.

VALEUR ILLOCUTOIRE D’ÉNONCIATION

caractéristique acquise par l’énoncé du fait de la volonté du locuteur.

VALEUR INTÉRACTIONNELLE

valeur conférée à un énoncé par la force illocutoire de l’acte accompli.

VALEUR PRIMITIVE le sens littéral de l’énoncé; valeur illocutoire fondamentale, manifestée explicitement en langue.

VERDICTIF acte illocutoire qui permet au locuteur de se prononcer sur ce qu’on découvre à propos d’un fait ou d’une valeur mais dont, pour différentes raisons, on peut difficilement être sûr. Les verdictifs appartiennent à la classification austinienne des actes illocutoires.

VRAI (énoncé) l’état de choses décrit par l’énoncé est conforme à la réalité prise en considération; l’énoncé satisfait aux conditions de vérité.