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Paix et droit (Paris) Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Paix_ et_Droit_ 1935_10 _L’inspiration religieuse de l’Alliance

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Paix et droit (Paris)

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Alliance israélite universelle. Paix et droit (Paris). 1921-1940.

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| Sylvain Lévi |Sylvain Lévi n'est plus ; comment parler, quand on

pleure encore, et quelles paroles équivalent à cette pure etnoble figure, à cette Muté intelligence, à cette sensibilité

exquise, enfin à cette vie si riche, passée tout entière au ser-vice du juste, du vrai, du bien ? Sa perte endeuille Ja science

française, non, la science universelle, le judaïsme. Elle

frappe en plein coeur l'Alliance, dont il fut, pendant quinzeans* le président vénéré* le chef aimé, l'animateur admira-ble et admiré. Grand juif, grand savant, grand Français, ila été tout cela ; »1a été plus, « un homme » ou plutôt undes plus magnifiques exemplaires d'humanité.

Comment, avec son irrésistible faculté de sympathie,aurait pu rester indifférent au destin tourmenté de ses coreli-

gionnaires, celui qui ne se sentait étranger à aucun groupeethnique, qui pensait que c'est trop peu que d'être homme,si l'on n'est que de son temps et de son pays ? Comment cecoeur qu'émouvaient toutes les souffrances, qui s'apitoyaitsur ces multitudes indiennes, abîmées dans la misère, aurait-il pu ne pas battre, au spectacle des persécutions inouïes,depuis le moyen âge* des pogrômes massifs qui se sont abat-

tus, comme l'ouragan, sur les populations juives d'Ukraine,de Pologne, de Roumanie, enfin d'Allemagne ? Les efforts

qu'il à multipliés, dans les deux dernières décades, pourfaire cesser leur martyre, secourir leur détresse, ne tombe-ront dans l'oubli que si le judaïsme lui-même a disparu dece monde.

Du savant, des voix autorisées sauront montrer lavaleur et l'importance de son oeuvre. Nous ne les connais-sons que de renom. Mais la place et le rang que lui assi-

gnait le suffrage unanime de ses pairs tant à l'étrangerqu'en France, suffisent à affirmer son exceptionnel mérite.

À l'âge de trente et un ans* il est nommé au Collège deFrance pour y occuper la chaire d'Indianisme, de son maître

Bërgaigne, précédemment illustréepar Burnouf. Leur égalpar le savoir, il les dépasse par la portée de ses vues et sa

puissance généfalisatrice. Sylvain Lévi ne se confine pasdans la pure et consciencieuse érudition du linguiste. Dansles littératures et l'histoire de l'Extrême-Orient, il cherche

à retrouver rame des peuples, le secret des civilisations an-

ciennes, pour en dégager, en même temps que les différences*le fond commun à toutes les familles humaines, par delà

l'espace et le temps.

Les articles que, voici quelque six ans, il publia dans

la Revue de Paris, sur le pays de ses études et de sa dilec-

tion, l'Inde, s'apparentent et se peuvent comparer à certains

essais de philosophie historique de Renan, pour le charmedu stylé, la profondeur de là pensée et la force d'émotion.'Personne dans le monde savant qui conteste cette supério-rité ou plutôt cette primauté intellectuelle, et lé mois dernierle Congrès Universel des Indianistes à Rome le consacraitsolennellement en le nommant président et en lui confiant lesoin de prononcer le discours inaugural (1).

Si complets et si flatteurs qu'ils fussent, les succès decarrière étaient venus à Sylvain Lévi, naturellement, sansaucune démarche, par la force des choses, c'est-à-dire desa valeur propre. Jamais le moindre souci de soigner sa

publicité, a"'administrer- sa gloire. Sa fierté unie à une réellemodestie le gardait des petites ambitions, dès succès exté-rieurs : décorations, choix académiques, qu'il se refusa tou-

jours à porter ou à briguer. Non moins insensible aux jouis-sances matérielles et aux avantages de la fortune, il pous-sait le désintéressement jusqu'à un certain ascétisme idéa-

liste, qui n'avait rien de triste ni de sévère, et qui conju-guait en lui la joie de vivre et le goût de se dévouer. Il aimaità se donner à toutes les oeuvres scientifiques ou socialesd'entr'aide et de protection.

A ce besoin il était capable de subordonner même sa

propre besogne, à plus forte raison son repos. Combien defois l'avons-nous vu, non sans quelque regret* sacrifierdes heures, des journées précieuses à tous ces étudiantsvenus d'Extrême-Orient pour solliciter du Boudha européen,de ce prince de la Sapience, quelque appui ou quelquesconseils !

Dans cet universel et perpétuel élan de dévouement,on peut croire qu'il n'oubliait pas la patrie. Pendant la

guerre, alors que ses deux fils étaient au front, il réconfor-tait les amis moins fermes* de son inébranlable optimisme.

Récemment encore, en dépit de l'âge* apôtre toujoursenthousiaste, pèlerin infatigable de la culture et de l'espritfrançais, il s'imposait de lointains et pénibles voyages, pourles servir par son prestige et son autorité scientifique; ilallait instaurer là Maison de France au Japon, fonder désuniversités dans l'Inde et faire rayonner au plus Extrême-Orient le nom et la civilisation de son paysk @-ést ainsi que,pendant plus d'un demi-siècle, il s'est dépensé, sans comp-ter, comme s'il était assuré de plusieurs existences * vivre*

pour lui, c'était se donner! Aujourd'hui, cette âiné s'est

envolée, le flambeau s'est éteint. De ravoir perdu, notredouleur est immense ; moindre pourtant que notre fierté etnotre joie de l'avoir connu et aimé* de nous être réchaufféà sa flamme, et éclairé à sa lumière, et d'en avoir pu garderquelques reflets.

_______ Alfred^ERL.

(1) Sylvain Lévi eut la coquetterie de prononcer ce discours en! latin. -

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PAIX ET DROIT

SOMMAIRE

À propos de livres récents : Voix chrétiennes. Alfred BERL

Après les lois antijuives dé Nuremberg :1° Motion dé I' « Alliance Israélite » ;2° Déclaration du Consistoire Central.

L'inspiration religieuse de I' « Alliance ». E. L.

L'ANTISÉMITISME ALLEMAND :I. — La réaction des juifs allemands

II. — Application du « statut » de NurembergLettré dé Pologne : Vers une nouvelle

politique ? Dr A. T.En Roumanie Quelques politiciens contre la

poussée antisémite. ISASEcoles de V « Alliance Israélite » : Les écoles

du bled au Maroc.

INFORMATIONS :1. — Pologne : Appel du club parle-

mentaire juif à la populationjuive.

2. — Grèce : La restauration de lamonarchie et les juifs.

A propos de livres récents•*•—

VOIX CHRÉTIENNES

Loin de s'apaiser, la vague d'antisémitisme hitlérienne cesse de grossir. La rumeur qu'elle cause et les sinistresravages qu'elle amoncelle finiront-ils par émouvoir lesconsciences qui survivent encore à la crise ou plutôt au nau-frage des valeurs spirituelles et morales où risque de som-brer notre civilisation ?... Peut-être; et tout espoir ne sem-ble pas perdu. Dans des milieux véritablement chrétiens,quelques voix se font entendre, où l'on a la satisfaction, sirare en ces temps de haine et de barbarie renaissante, de re-connaître l'écho fidèle d'une religion de paix, d'amour et decharité.

D'ores et déjà nous avions signalé à l'attention de noslecteurs les nombreux articles, conférences et volumes queM. Bonservin avait consacrés à la question juive et aux per-sécutions hitlériennes (1). Nous n'avions pas négligé d'enmarquer l'esprit sincèrement libéral et la haute portée hu-maine, ainsi que l'autorité qui s'attachait à la personna-lité du Père Bonservin, aussi éminent comme érudit quecomme prêtre. Mais peut-être aussi, en raison de cette dou-ble qualité, l'indépendance et la sûreté de son jugement im-pliquent-elles un moindre mérite, sa compétence profession-nelle non moins que sa foi religieuse lui faisant un devoirétroit aussi bien que facile de combattre et de condamner lajudéopliobie et le racisme, comme foncièrement contraires àla doctrine, à la tradition et à la morale chrétiennes.

Comment, en effet, un croyant sincère et bien instruitde sa religion peut-il admettre le principe racial et l'inéga-lité irréductible qu'il pose entre lès êtres humains,c'est-à-direla négation du dogme fondamental du Christianisme, à savoirla rédemption du péché originel par le baptême? Gomment,d'autre part, pourrait-il réprouver le judaïsme au nom duchristianisme, qui en est directement issu et dont le rôle etla mission sont d'accomplir les prophéties messianiques d'Is-raël ? Pour un fidèle du Christ, il est impossible de dissocierles deux Testaments, la Bible juive et l'Evangile : les Ecri-tures sont solidaires et forment un tout indissoluble ; véritéqu'exprimait un grand catholique du siècle dernier, dans saréponse hautaine et lapidaire aux diatribes haineuses deDrumont : « Un fils ne fr.appe pas sa mère ! »

Les volumes que viennent de publier deux écrivains ca-tholiques (1) procèdent de la même pensée, d'une inspira-tion analogue.

L'ouvrage de M. de Férenzy peut se réclamer d'une ap-probation élogieuse, sous forme de préface, du T.R.P. De-vaux, Supérieur général des Missionnaires de Notre-Damede Sion, dont le libéralisme rejoint celui du P. Bonservin.Cautions bien faites pour rassurer, sinon pour rallier les or-thodoxes les plus scrupuleux. En tout cas, ces opinions ouplutôt ces actes valent d'être retenus et méritent un commen-taire susceptible d'éclairer nos lecteurs.

Notre analyse s'applique indifféremment aux deux vo-lumes, sans qu'il y ait à discriminer la part qui revient àchaque auteur, tant leurs argumentations — nullementconcertées — offrent de similitude.

Il nç s'agit pas d'une apologie pour les Israélites d'au-jourd'bui ni d'hier, auxquels ne sont pas épargnés certai-nes critiques assez graves, mais exemptes d'exagération etsurtout de généralisations aussi odieuses qu'injustes. Le butdes auteurs est de justifier le judaïsme en tant que religionet en tant que morale. Ils veulent expliquer les erreurs, lesdéfauts et même les vices imputables aux juifs, moins parleurs prédispositions naturelles, congénitales, que par leurhistoire ; ils tiennent compte des unes, mais à leur sentiment,elles n'ont agi que comme des causes partielles. C'est leurconjugaison avec la destinée politique d'Israël, avec la vielégale et sociale qui lui a été imposée, depuis la diaspora,,qui a été la principale déterminante de leurs aptitudes, quia fixé la trempe de leur caractère et la trame de leur men-talité. Quelles ne sont pas les vicissitudes des Abramides !

Peuple nomade et pasteur, devenu agricole dans sonhabitat palestinien, il perd son pays et part pour l'exil.Sur le sol étranger, qui n'est pour lui qu'un asile le plussouvent précaire, et non une patrie, il se fait commer-çant, artisan, financier, médecin, savant dans les sciencesprofanes où sacrées. Mais comment poursuivre une courserégulière, une ligne droite ? H doit s'adapter, au jour le jour,à tous les changements, à toutes les courbes, à tous les acci-dents de la route. La vie le façonne brutalement, l'assouplit,le transforme, car il n'est, pas plus que les autres mortels,fait d'un métal inaltérable, mais de chair, d'os et de nerfs.Ainsi parle, dans son « Marchand de Venise » celui qui futpeut-être le plus grand antisémite et à la fois le plus grandphilosémite de la littérature, en tout cas le plus puissant desdramaturges et le peintre le plus profond du coeur humain.

Nos auteurs ont groupé méthodiquement les chefs d'ac-cusation que se transmettent à travers les âges les ennemisdu judaïsme : le grief religieux, le grief économique, le griefnational et social, dont jouent, tantôt isolément, tantôt accu-mulativement, les nations, quand rendues injustes, férocespar le malheur ou par les prédications de haine, elles selassent d'être humaines, et cherchent un bouc émissaire surlequel passer leurs rancunes et exercer leur cruauté.

Le grief religieux apparaît au début des sociétés chré-tiennes ; la race déicide doit être vouée à l'abaissement pouravoir méconnu et supplicié le Messie venu pour la sauver :thèse populaire au sein des peuples restés croyants et qu'àdéjà touchés le scepticisme ; car bien souvent le préjugésurvit à la foi éteinte, comme la jalousie à l'amour disparu.Mais thèse inacceptable pour le chrétien, à la fois éclairé etcroyant, qui doit prier pour la conversion et le salut de ceuxparmi lesquels est né le Sauveur, ceux qui, les premiers, ontapporté au monde la notion du Dieu unique et le Décalogue,cette pierre angulaire de toute morale et de toute civilisation.Ici se dresse une objection, le Talmud ! Le Talmud avec sonexclusivisme et son fanatisme antichrétien, n'a-t-il pas sup-planté la Loi de Moïse dans l'esprit des juifs du moyen-âge ?La réponse est facile et péremptoire. Le Talmud n'est pas.

(1) Sous les ruines du Temple ; divers articles des « Etudes ». 1(1) 1° Les Juifs et nous chrétiens, par M. Oscar de Perenzy;2» Judaïsme et Hitlérisme, par M. Louis Massoutié.

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PAIX ET DROIT

la Loi, c'est un recueil de toutes les controverses* le plus• (

souvent sans conclusion, et qui s'opposent sans s'imposer, iOr le juif ne doit obéissance qu'à la Loi. (

Le grief économique a revêtu plusieurs aspects. Au imoyen âge, le juif est prêteur d'argent ; il le devient, non <par goût, mais par la force des choses. L'Eglise a proscrit tl'usure et l'interdit aux chrétiens ; elle en confère lé monô^- ]pôle, funeste présent, au juif, et celui-ci doit prendre, en lmaints endroits la place du Lombard, pour son plus grav«d <malheur. !

Au XV 6siècle, il s'est tourné vers les grandes affaires, le

négoce maritime, la grosse aventure. 11affrète dès bâtiments,il importe et il exporte. Il prépare par ses cartographes etses armateurs les expéditions de Christophe Colomb, etconcourt de sa bourse et de sa personne à la découverte duNouveau Monde, comme il â enseigné à l'Ancien les secretsdu crédit et la lettre de change. Son intelligence, que cer-tains Aryens déclareront purement assimilatrice et incapa-ble de création, a été, de l'aveu du savant Werner Sombart,le créateur de l'économie moderne. Son initiative a montréles bienfaits de là libre concurrence ; par la multiplicité desopérations à petit bénéfice, il a fait baisser le prix de la vie,— au grand dam des corporations privilégiées, dont il exciteles rancunes et qui le traitent de parasite — ; alors qu'il estau contraire un agent de progrès économique, qui assure lacirculation des marchandises et des capitaux.

Par lui, le monde s'enrichit et ne lui en sait d'ailleursaucun gré.

Le XIXe siècle, sans abandonner le grief économique etfinancierj va y ajouter un grief nouveau, le grief national.L'hitlérisme, pour l'amplifier, en réalité le rapetisser, jus-qu'à l'extrême, en a tiré* avec l'aide des pangermanistes,notamment de Houston Chamberlain, la fameuse théorie ra-ciste, en vertu de laquelle la race noble, aryenne, nordique,donc allemande, ne saurait se mêler aux races inférieures,à la race sémitique, c'est-à-dire aux juifs. Lé sang de l'Alle-mand a été, mais ne doit plus être souillé par le sang juif ;le devoir du Fuhrer est de préserver la pureté de la racegermanique en séparant d'une manière absolue les deux élé-ments incompatibles, par définition.

L'incompatibilité physique est le signe et la preuve de

l'incompatibilité morale. « Le Germain est un idéaliste, gé-néreux, fort, vaillant, énergique, un maître ». « Le Sémiteest avide, incapable de comprendre autre chose que son inté-rêt personnel ou ethnique, il est vil, lâche et né pour obéir.Il né peut devenir Allemand ; pas plus qu'il ne peut changerde corps, il ne saurait changer d'âme. Le baptême ne mo-difie pas la mentalité. Il restera donc toujours juif : son ju-daïsme est une fatalité irrémissible. » C'est la tunique déNessus, attachée à sa chair et dont il ne peut se délivrer.

Comme juif, il hait tout ce qui ne l'est pas, et son objec-tif suprême est la destruction de la société chrétienne afind'instaurer sur ses ruines la domination d'Israël. Les Proto-coles des Sages de Sion ont éclairé le monde à ce sujet : Hit-ler en proclame l'authenticité, mais « si même ils n'étaient

pas authentiques, ils seraient vrais, d'une vérité supérieurequi peut se passer de preuve matérielle : le marxisme juif,par ses buts, suffit à démontrer leur culpabilité. » MM. de

Ferenzy et Matoussié accordent que si, en effet, lé juif nour-rissait des desseins aussi subversifs, la persécution hitlé-rienne pourrait être considérée comme un moyen de défense.Le tribunal de Berne a réduit à néant cette accusation gro-tesque, et au regard des moins clairvoyants, la fausseté desProtocoles est aussi évidente que celle du faux Henry dansl'affaire Dreyfus : la forgerie des Protocoles n'en est que la

pauvre caricature, et les Sages de Sion n'ont jamais existé.Est-ce à dire que nos auteurs exonèrent les juifs de

tout reproche ? Nullement, mais leurs torts et leurs fautesleur semblent être du même ordre et les mêmes que ceux deleurs compatriotes chrétiens; les uns doivent revenir à

l'Evangile, les autres aux Décalogues : ce retour aux sour-

ces de leurs religions respectives, déterminerait chez tousune amélioration profonde. Cette conclusion reflète l'espritde tolérance qui a inspiré les deux écrivains : ils se refusentà admettre une antinomie entre les fidèles de l'Évangile,qui ordonne dé traiter le prochain comme on voudrait êtretraité Soiméme, et ceux qui suivent la Loi, selon l'esprit etla formule du « doux Hillel » « né fais pas à autrui ce quetu ne voudrais pas qu'il te fît ». Loin de se contredire, lesdeux préceptes moraux se confondent et se complètent, et sileurs disciples s'y conformaient strictement, il y aurait plusqce de bons juifs et de bons chrétiens ! Un grand progrèsvers la concorde et l'union serait réalisé en ce monde.

Alfred BERL.

Après les lois antiuiivesde Nuremberg

—>

V Motion dé 1' « Alliance Israélite »

Voici le texte de la motion votée par le Comité Cen~tral de /'Alliance Israélite dans sa séance dû 16 octobre, et

qui a été publiée dans la grande pressé :

Le Comité Central de l'Alliance Israélite Universelle,réuni pour la première fois depuis la promulgation des loisde Nuremberg, qui édicté contre les Allemands d'originejuive un véritable statut d'indignité les excluant juridique-ment et économiquement de la communauté allemande etles réduisant à la condition de parias ;

Proteste solennellement contre cette atteinte aux droits

les plus sacrés de l'homme et au principe de l'égalité détous devant la loi, admis par tous les peuples civilises et

qui a inspiré dès l'origine l'activité dé l'Alliance ; ;Constate que, déjà, les mesures prises à la suite des lois

de Nuremberg en ont aggravé la portée et menacent d'unelente extermination par la famine une population d'un demi-

million d'hommes ; .

Appelle sur lès lois de Nuremberg et leur applicationle jugement de la conscience universelle.

2° Déclaration du Consistoire Central

Voici, d'autre part, la déclaration du Consistoire Cen-

tral des Israélites de France :

Le Consistoire Central dés Israélites de France et d'AJ^gérié s'élève avec indignation contré la barbarie des lois

antisémites qui viennent d'être promulguées eh Allemagne.Ces mesures iniques et hypocrites mettent, en réalité,

hors là loi, plusieurs centaines dé milKérs d'êtres humains,

qu'elles vouent à une extermination finale. Insultés, tra-

qués » chassés méthodiquement de tous lés métiers, marty-risés jusque dans leurs enfants, qui seront bientçt tous ex-

clus des écoles publiques, ces malheureux se voient privésde la dignité d'hommes et ravalés au niveau de parias de

l'espèce humaine. i . . ^En persécutant aujourd'hui lès fils d'Israël dont le gé>

nie religieux a donné au monde l'exemple d'honorer un

seul Dieu, le Racisme allemand assouvit sa haine contretoutes les religions; toutes lés morales qui aspirent à rap-

procher les hommes dans un idéal commun dé paix, dé jus*ticé et d'amour; il se prépare à persécuter dé même, par-tout où il pourra les atteindre, toutes les âmes nobles et

pieuses qui osent résister à une idolâtrice féroce.Au nom des Israélites français, patriotiqùement fidèles

à la généreuse nation qui a émancipé leurs pères, le Consis-

toire Central a le devoir de flétrir l'attentat commis en pleinXXe siècle contre les principes sacrés de la loi divine et de

la conscience humaine.

'•,•1

M

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PAIX ET DROIT

L'inspiration religieusede l'Alliance

L'hitlérisme est la plus grande épreuve —- l'épreuveincomparable — que le judaïsme ait .eue à traverser. Lessouffrances morales et physiques qu'il a values et qu'il an-nonce aux isrâélites allemands, n'est plus à la mesure de leurendurance ancestrale. Mais ce qui donne à l'antisémitismehitlérien un accent unique et en constitue, en quelque ma-nière, l'originalité, c'est la situation sans précédent où ila mis la conscience juive. Car elle n'est pas seulement meur-trie par l'outrage qui lui est infligé. L'affront sous sa formeraciste, ajoute à l'humiliation une poignante saveur de

désespoir. Le sort pathétique detre juif devient une fata-lité. On ne peut plus le fuir..-Le' juif est inéluctablementrivé à son judaïsme.

Aussi le racisme constitue-t-il une épreuve qu'il fautsurmonter plutôt qu'un problème qu'il s'agirait de ré-soudre. Il est indigne de réfutation. Produit des loisirs d'unhomme d'esprit, il est dans ses prétentions scientifiques,primaire, absurde et ridicule. Mais en tant qu'épreuve mo-rale, il a jusque dans les recoins les plus intimes de l'âmejuive un retentissement dont on ne saurait se dissimulerl'ampleur. 11 la presse, avec une insistance encore inégalée;à soumettre à un nouvel examen son essence juive et sonhistoire parmi les nations.

La doctrine de l'Alliance ne reconnaît pas au judaïsmede lot politique propre. Elle préconise l'adaptation desjuifs aux destinées nationales des peuples auxquelles lesattache un passé commun, leur intégration dans là cité.Mais cette conception a souvent été décriée comme unetrahison par le nationalisme juif, comme une hypocrisiepar les antisémites. A une époque ou les principes de 89pénétraient dans la vie politique et morale des peupleset acquéraient l'évidence de lieux communs, l'assimilationpassait pour une solution facile. Elle apparaissait commeune renoncement sans sacrifice, comme un abandon sansgrandeur, comme une confortable pauvreté. L'indentifica-tion du judaïsme avec une religion n'était-elïe pas danscet irréligieux XIXe siècle une invitation à rompre un liendé plus et à dissimuler sous une formule commode unaffranchissement à l'égard d'un ordre spirituel qui ne de-vait plus jouer aucun rôle actif dans la vie des individus ?

Interprétation qui méconnaît le véritable esprit de ladoctrine. Elle risque surtout d'écarter de notre oeuvré unejeunesse qïii, définitivement attachée aux souffrances etaux joies des nations dont elle fait partie, se refuse deretourner au ghetto prêché par le racisme à travers lemonde, mais qui devant la réalité de l'hitlérisme découvretoute la gravité du fait d'être juif.

Que le catéchisme de l'Alliance ne soit pas celui dumoindre effort, ni celui de la déjùdaïsation, son histoireest là pour le prouver. Les 75 années de son existence sontune lutte de chaque jour pour relever le judaïsme dont lèsforces morales furent menacées par l'ignorance et la mi-

sère^ plus encore, sans doute^ qu'elles n'auraient jamaispu l'être par les dangers dé la civilisation, même trop rapi-dement acquise, même superficielle. Mais cette émaûcipa*tion est restée d'inspiration autheatiquement religieuse,,précisément parce qu'elle s'accompagnait d'un renoncementà la nationalité juive. Elle acceptait le fait central, le faitfondamental de l'histoire juive : la sortie du ghetto n'estpas devenu oubli de la diaspora.

La diaspora est une résignation ; un renoncement fon-

cier à une destinée politique propre ; un espoir, certes^mais espoir d'un événement surnaturel qui brise et arrêtél'histoire terrestre et que seule une puissance divine sau-rait combler. Fait essentiellement religieux, elle n'est pasune catégorie sociologique applicable à Thistoire ordinaire.Elle n'a pas de commune mesure avec un désastre national,les souvenirs dé misère Ou de grandeur que connaissentles nations dont la destinée n'est pas essentiellement reli-

gieuse. Oublier l'essence religieuse du fait de la diaspora,c'est trahir le sens même de l'histoire juive, renier un par-tage difficile, mais admirable par les ressources d'amouret d'abnégation auxquelles il fait appel. C'est clore troptôt l'histoire sainte.

Mais la diaspora est une résignation active. Elle n'est

pas entièrement accomplie tant que le judaïsme reste repliésur soi-même, se refuse à une collaboration avec les peu-ples, tant que le sacrifice de sa nationalité n'est pas sansréserve. Sacrifice que les événements de l'heure rendent par-ticulièrement difficile, sacrifice dont on ne veut pas, sacri-fice qu'on bafoue. Mais sacrifice qui emprunte son sens àl'histoire sainte qu'il continue. Aussi n'est-il parfait quesi notis participons tous les jours à cette histoire, par les

pratiques religieuses ou du moins par la connaissance etl'amour du judaïsme et par la solidarité avec lui dans lasouffrance. Depuis que les peuples chrétiens ont adopté le

décalogue et les préceptes de nos prophètes, la mission mo-rale du judaïsme est virtuellement terminée. Mais la partiçreligieuse qui lui reste maintenant à jouer, retrouve ainsisa signfication et sa pureté originelles.

Avec la sécularisation de toutes les valeurs spirituelles

qui s'est opérée au cours du XIXe siècle, naquirent et lesdoctrines nationalistes juives et cette assimilation facile

qui préparait là disparition pure et simple du juif. Deuxmanières d'échapper de renoncer au fait de la diaspora;deux voies dans lesquelles l'Alliance s'est toujours refusée

d'entrer. Elle resta fidèle à une vocation plus antique. En

proclamant que le judaïsme n'était qu'une religion, elle

demanda aux juifs plus et non moins que ï« uationalisme

juif, elle leur offrit une tâche plus digne que la déjùdaï-sation.

Celle-ci se penche sur un Vide vertigineux depuis quedans le symbole barbare et primitif de race — le seul qui

pour un adorateur de Thof puisse traduire l'attachement

à une destinée spirituelle — Hitler a rappelé que l'on ne

déserte pas le judaïsme. FâuMl que, pour échapper à ce

vertige, nous renoncions à cette destinée et devenions les

disciples de celui qui ne proposé aux hommes qu'un lotterrestre ? La voie difficile que nous indique l'Alliance ne

peut-elle pas donner aux déchirements intérieurs que con-naît le juif contemporain, une unité et un sens ? La véné-rable institution ne se trouve-t-èlie pas toujours en droitdé faire appel à la jeunesse juive, qui, plus que jamais,ressent la soif de cet idéalisme à* la fois réaliste et héroïqueque l'on appelle aujourd'hui ta mystique ?

Ë. L..

On a souvent demandé en quels termes les libéralitéstestamentaires en faveur de notre oeuvre doivent êtreformulées.

Pour que la délivrance de ces libéralités ne soulevéaucune difficulté légale, il est indispensable qu'elles soientattribuées à l'ÈCOLE NORMALE ISRAELITE ORIENTALE,établissement reconnu d'utilité publique.

La formule doit être la suivante i

« Je donne et lègue à l'ÈCOLE NORMALE ISRAELITEORIENTALE, dont lé siège est à Paris, la somme dé......

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PAIX ET DROIT 5

I

L'antisémitisme allemand• — Le statut de Nuremberg et la réaction

des juifs allemands

L'antisémitisme dans le UF Reich est devenu une loi.Non plus seulement une loi dans l'acception juridique duterme, ce qui permettrait l'espoir de la modifier, de l'atté-nuer si peu que ce soit, mais une loi naturelle. Il estdevenu une seconde nature du citoyen du IIP Reich, faisantpartie intégrante de sa constitution physique et morale. Or,on ne change pas une loi naturelle. Elle est un fait. Un faitqu'il faut accepter, qu'on le veuille ou non. Dura lex, sedlex. Telle est la tragique certitude qui se dégage des agisse-ments inqualifiables qui caractérisent le régime national-socialiste depuis son avènement. La législation des juifs,promulguée par le Reichstag après le Congrès de Nurem-berg et dont nous avons parlé dans notre précédent nu-méro, n'avait en somme rien apporté de nouveau, maisavait simplement rendu plus conscient et plus précis, sousforme de codification, des crimes qui portent le nom delois, un état de choses existant depuis 3 ans déjà. Là en-core l'antisémitisme se révèle comme un phénomène natu-rel puisqu'il a précédé et déterminé cette législation quin'est qu'une formulation conventionnelle. Et c'est bien aveccette certitude inébranlable que les juifs allemands — ousuivant leur nouvelle désignation, les juifs établis en Alle-magne — ont à compter désormais. Ils savent à présentqu'on ne peut changer ces lois antisémitiques pas plus qu'onne peut modifier les lois de la pesanteur. Mais une loi, aussidure, aussi impitoyable soit-elle, on ne peut se contenterde l'enregistrer et de la subir purement et simplement. L'ac-cepter passivement, c'est se laisser aller à une mort cer-taine et rapide. Or, la conscience juive est une consciencequi affirme la vie, qui veut vivre envers et contre tous. Maiscomment rendre une vie possible dans un monde infernald'ennemis acharnés ? Tel est le problème qui se pose danstoute son acuité pour les juifs d'Allemagne. j

Qu'on s'en rende bien compte : il ne s'agit pas unique-ment de l'existence matérielle, de cette lutte ardue pour lepain quotidien. Au-dessus de la misère économique et de lasouffrance physique qui accablent depuis des années la po-pulation juive en Allemagne et qui l'ont vouée à une situa-tion désespérée, il y a la misère et la détresse morales.Seul un violent effort d'intuition et de sincère sympathie peutnous faire saisir dans sa profondeur tout le drame doulou-reux qui se joue dans l'âme juive allemande. Voici desnommes qui, depuis des siècles, avaient vécu dans et pourleur patrie, avec laquelle ils s'identifiaient, qui lui avaientdonné le meilleur de ce qu'ils possédaient, leur énergie,leur intelligence, leur vie (on ne saurait jamais assez rap-peler les 10.000 volontaires allemands de la grande guerre«t les 12.000 juifs morts au champ de bataille), et voiciqu'ils sont arrachés irrémédiablement à cette terre qu'ilsavaient tant aimée. Tous les liens qui les rattachaient àleurs frères allemands sont brisés. Un abîme infranchissa-ble a été creusé entre eux. Les voici placés devant unnéant ! C'est là. c'est dans ce néant spirituel que réside lavéritable tragédie.

Mais ce néant est-il absolu ? N'y a-t-îl vraiment rien oùles juifs d'Allemagne puissent chercher et trouver un dernierrefuge, n'y a-t-iî vraiment plus une épave à laquelle ilspuissent s'accrocher ?

On a assisté ces dernières semaines, depuis la promul-gation de la nouvelle législation qui avait jeté les juifsau premier abord dans une véritable consternation, à unspectacle assez étonnant. Point de lamentations, point dediscussions vaines et stériles, à peine s'il perce un peu•d'amertume à travers les sentiments exprimés ; mais une

attitude virile, noble, élevée, caractérise leur réaction enface de la nouvelle situation, déjà ancienne en fait. Cetteattitude se traduit par un travail actif et positif d'un dé-ploiement d'énergie sans précédent. Les juifs d'Allemagneviennent, en effet, de se mettre à la tâche pour réorganiseret pour organiser de fond en comble, de façon à la fois ra-tionnelle et pratique, la vie de la population juive, qui désor-mais constitue, par la force des choses, un véritable îlotdans un empire. Les dirigeants juifs, à quelque parti poli-tique ou religieux qu'ils appartiennent, mettent au pre-mier plan de leurs préoccupations et de leurs programmesles tâches spirituelles dont, disent-ils dépendra la réussitede l'organisation pratique. Ils considèrent comme une condi-tion primordiale d'une activité positive féconde la refontetotale de l'attitude spirituelle juive qui jusqu'à présent seconfondait de très près avec l'esprit allemand et font à cettefin de vibrantes proclamations, de pathétiques appels à la po-pulation juive, appels qui préconisent un réveil de la cons-cience juive et des sentiments religieux. C'est en eux qu'ilsvoient la dernière planche de salut. La coïncidence des fêtesde Tischri et de la promulgation du statut dit légal leur sertde prétexte pour demander aux juifs un retour sur soi. unretour vers les croyances et les traditions juives, vers l'étudeet la compréhension des valeurs proprement juives. Cet ap-pel, on le trouve aussi bien chez le_s représentants des juifslibéraux que chez les rabbins orthodoxes. Il convient deciter tout particulièrement le message aux fidèles du grandrabbin Léo Baeck, Président de la Représentation centraledes juifs du Reich. Ce message, publié à la veille du jourdu Grand Pardon et qui a valu à son auteur ainsi qu'auD* Otto Hirsch. Président du Comité exécutif de la Repré-sentation centrale, une arrestation, dit en substance :

« Avec la même ardeur avec laquelle nous confessonsnous-mêmes nos péchés, nous repoussons les mensonges etles diffamations qu'on répand sur nous, sur notre religionet sur ses éternelles vérités. Notre religion a donné aumonde un Dieu un et éternel, notre croyance a établi lesracines de pureté pour notre vie personnelle et notre viede famille. Dans le judaïsme l'idée de la dignité humaineet de la justice sociale a pris raeine, notre histoire est unehistoire de grandeur spirituelle et de dignité morale. C'està cela que nous pensons chaque fois que nous sommes at-

taqués et humiliés. Nous nous trouvons aujourd'hui devantnotre Dieu, nous nous inclinons devant lui, mais devant leshommes nous restons debout. Et nous avons confiance iansl'avenir. »

L'arrestation par la Gestapo de M. Baeck et du Dr Hirschà la suite de cette prière qui n'a rien de subversif et quin'est qu'une digne affirmation de loyauté envers la foi

juive en présence des persécutions et des calomnies a jeté,cela va de soi, la consternation dans les milieux juifs d'Al-

lemagne et d'ailleurs.

Le réveil de la conscience juive devait avoir comme

conséquence l'union de testes les forces juives, de toutesles nombreuses associatïo;:.- et groupements juifs qui ont

eompris que l'heure était finie des discussions vaines, desconflits théoriques dans lesquels ils s'étaient trop long-temps complus. La Reichsvertretung, qui représente offi-ciellement le judaïsme allemand, a réussi à grouper der-rière elle la presque totalité des juifs et des communautés

juives du Reich et à faire accepter son programme marquépar un caractère positif et constructeur. En voici les pointsessentiels :

1° L'école juive propre doit servir à l'éducation des

jeunes gens pour en faire des juifs religieux et sincères quidoivent puiser leur force dans l'attachement conscient à lacommunauté juive, dans l'édification du juif et dans la foien l'avenir juif, afin de répondre aux dures exigences de lavie. L'école juive doit être plus qu'un enseignement théo-

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rique, elle doit préparer avec méthode au futur métier. Eu'

égard à la possibilité d'émigrer, en particulier vers la Pa-lestine, l'apprentissage de métiers manuels et renseigne-ment de l'hébreu doivent ocuper le premier plan. L'éduca-tion et la formation professionnelles de la jeunesse fémininedoivent viser à la préparer à l'accomplissement de ses tâ-ches relatives à la conservation de la famille et à la qualitéde mères des générations de demain.

Une institution culturelle autonome doit donner auxjuifs artistes des possibilités d'action et doit servir à la vieculturelle propre des juifs en Allemagne.

2° Au besoin d'émigration de plus en plus intense, ilfaut répondre par un large plan qui doit comprendre avanttout la Palestine, mais aussi d'autres pays qui peuvent en-trer en ligne de compte et qui doit s'appliquer surtout àla jeunesse. Gette tâche consistera à chercher avant toutà augmenter les possibilités d'émigration, à préparer à desmétiers appropriés pour l'émigration, particulièrementl'agriculture et l'artisanat, à créer des possibilités de mobi-lisation et de liquidation des capitaux des commerçantsindépendants, ainsi que des possibilités de transferts.

3° L'entretien et les soins des indigents, des maladeset des vieillards doit être assuré par un développement sys-tématique des sociétés de bienfaisance juives.

4° Une communauté appauvrie n'est pas à même dé ré-pondre à ces nombreuses et difficiles tâches. La Reich-svérttetuhg essaiera par tous les moyens d'affermir le pou-voir économique des juifs en s'efforçant de faire maintenirles possibilités déjà existantes.

tin problème urgent se pose dès maintenant aux auto-rités juives : c'est celui des secours d'hiver. Une ordon-nance a été prise par le gouvernement national-socialisteexcluant les juifs des secours d'hiver et décidant égalementque les juifs ne seront plus sollicités pour les fonds de se-cours d'hiver (cet arrêté annule la déclaration faite publi-quement par le Reichsfûhfef qui, il y a deux ans, promitque tout le monde pourrait bénéficier des secours d'hiverdans le Reich}., Et déjà s'est formée une organisation cen-trale pour venir en aide aux malheureux juifs qui, enraison de la situation qui leur est faite, sont de plus enplus nombreux et se trouvent dans une situation désespérée.Un vaste projet a été élaboré, réglant jusque dans le moin-dre détail les moyens à employer pour rendre les secoursaussi larges et aussi efficaces que possible. Un pathétiqueappel a été lancé à toutes les communautés juives duReich.

II. — Application du statut

Si révoltante qu'ait été la nouvelle législation deNuremberg, elle laissait pourtant une vagué lueur d'espoireux juifs dans la sombre nuit de leur existence de bêtestraquées. Leur vie paraissait devenir supportable dans lecadre étriqué dressé par le statut barbare mais défini. Hitlerleur avait promis formellement un rnodus vivendi, interdi-sant strictement comme contraire à sa volonté et à celle del'Etat toute action individuelle, assurant que l'applicationde la nouvelle législation était du ressort exclusif du Reich.Mais telle ne semble pas être la volonté de ses fidèles : le:nouveau statut légal était à peine promulgué, qu'une nou-velle campagne d'une violence inouïe a été engagée contreles juifs, qu'une nouvelle recrudescence — était-ce encorepossible ? — de l'antisémitisme s'est déclenchée. Les mal-heureux juifs d'Allemagne vont de calvaire en calvaire,,tandis qu'aux actions individuelles s'ajoutent d'autres ac-tions individuelles rivalisant de cruauté et de bestialité.Mais au fond ces actions individuelles ne seront pas consi-dérées comme telles, puisque — et ce sera leur éternelleet incontestable justification— elles sont conformes à l'es-prit du programme national-socialiste. Aussi les rencontre-

t-on dans tous les domaines de l'activité économique etsociale. Qu'on jugé plutôt par les faits suivants, que nouschoisissons au hasard, comment lés nazis interprètent etentendent appliquer le statut dit légal.

D'abord, dans le domaine économique, le boycottagecontinue de plus belle. Dans un article publié dans leJournal de l'Académie de droit allemand, le professeur Cari

Wilhelm, membre de la Cour Suprême, affirme que le boy-cottage antijuif est autorisé par la loi, quelque forme

qu'il puisse prendre. Or, la variété des formes qui semblait

épuisée ne l'est toujours pas. L'imagination dfestructiv©des nazis en trouve de toujours nouvelles. Le Dr Friçk.ministre de l'Intérieur, qui veut l'élimination totale des

juifs de la vie économique du pays, s'opposaht en Cela auÛr Scliacht, qui a fini par céder, exige des entreprises juivesd'indiquer clairement l'origine non aryenne de leurs pro-priétaires sur les enseignes, papier à lettre, etc., interditaux juifs d'acquérir ou de rester propriétaires des immeu-bles, demande l'annulation de fait des hypothèques déte-nues par les juifs. Aussitôt, on a signalé de toutes les par-ties du Reich que les nazis font un effort concentré pourforcer les propriétaires juifs à abandonner leurs immeubles,que les banques réclament à leurs clients juifs le paiementimmédiat des prêts hypothécaires non encore venus àéchéance et vendent aux enchères publiques les immeubles

appartenant aux juifs. Des milliers de locataires aryensdes immeubles appartenant aux juifs ont donné congé àleur propriétaire, de peur d'être accusés d'entretenir desrelations avec les juifs. Un propriétaire juif a été arrêté

pour avoir insisté, auprès de son locataire aryen, pour lepaimeht régulier du loyer. Malgré les instructions du gou-vernement, les patrouilles national-socialistes continuent àsurveiller l'entrée des magasins juifs.

Selon les instructions publiées dans le Wirtschaftsdïenstnational-socialiste, il est loisible aux entreprises aryennesd'utiliser le crédit mis à leur disposition par les banqueset les particuliers juifs, mais il leur demeure interdit deprêter ou de faire crédit aux juifs.

Tous les notaires juifs qui, en raison dés services ren-dus pendant la guerre, avaient pu Continuer l'exercice deleurs fonctions, ont reçu notification dé la part du minis-tère de la Justice de remettre, dans un délai de 24 heures,leurs sceaux et leurs archives au service du notariat duReich et de suspendre leur activité. Ainsi 800 juifs ont étéexpulsés de leur profession. Le sort des avocats n'est;pasdifférent. Les avocats non aryens qui, également à causede leur service au front en 1914-1918, avaient été admis àcontinuer leur profession, seront définitivement exclus dubarreau allemand. Tous les non-aryens employés au chemin

; de fer du Reich, ont été congédiés. Les ingénieurs juifs'n'ont pas le droit de faire partie de l'association des ingé-

| nieurs allemands. La liste des médecins spécialisés dans; l'application des rayôiîs X, qui sont seuls autorisés à exercer

leur profession, publiée par lés autorités allemandes ne

[' contient pas un seul médecin juif. Comme il est interdit' aux médecins aryens de traiter les malades juifs, ceux-ci1 sont privés dé toute assistance médicale appropriée.

j Les sections de distribution et de production de l'iii-'_' dustrie cinématographique allemande sont entièrementÈ « déjudaïsées ». Les juifs (au nombre de 143) qui sont encore

e propriétaires de cinéma devront céder prochainement leursdroits à des propriétaires aryens.

, Sous la signature du conseiller légal pour les affairesi- municipales, 'D* Kurt Mueller, les journaux ont publié unes. note qui précise que les numicpalités sont autorisées àl- prendre à l'égard des juifs telles mesures qu'il leur plaîte et que l'expression « tous les Allemands sont égaux devant3- la loi » (qui font partie de la Constitution allemande), ne3- I s'applique qu'aux aryens, les juifs n'étant pas considérés

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comme Allemands. Le fait que les juifs paient les impôtsne les rend point égaux aux autres contribuables. Les dis-positions municipales tendant à interdire aux juifs l'accèsdes institutions municipales (bains, bibliothèques, théâtres,musées, établissements Sportifs, certaines places publiquesmême et certaines rués pour le stationnement des voitures,etc..) sont en conséquence parfaitement légales. Lé ï)r Muel1er né voit pas d'objection à ce que les signes interdisantaux juifs l'accès d'une ville soient posés sur la route, maisil se montre hostile à l'inscription : « Les juifs qui viennentici le font à leur propre risque », car l'usage d'une telleexpression « crée l'impression d'une atmosphère de terreurou de persécution qui règnes soi-disahti en Allemagne ».

,D'une façon générale, la législation juive de Nurembergest interprétée par les éléments radicaux du parti national-socialiste coftime une invitation à procéder à l'anéantisse-ment économique et total des juifs en Allemagne. Le cercledans lequel l'activité économique leur était encore possible,se resserre chaque jour davantage. L'activité dans l'indus-trie des produits chimiques, dans le commerce du vin etdu tabac va leur être interdite. Le nombre des; employésjuifs congédiés croît de jour en jour. La liquidation desmagasins juifs devient générale. On pousse les commerçant*juifs à faire passer leurs entreprises dans dés mains aryen-nes. Mais ce n'est pas tout. Des agents de la Gestapo vontdans le Reich entier, dans les familles juives et demandentdes pièces justificatives relatives au dépôt de l'argentqu'elles ont reçu, pour la vente de leurs affaires à desaryens. Ces visites imprévues ont un triple but :

Elles sont un avertissement aux juifs qu'il est grandtemps de faire passer leurs affaires et leurs biens dans desmains aryennes; elles signifient que les autorités veillentà ce que l'argent résultant de la venté n'émigre pas àl'étranger et qu'elles font attention à ce que les juifs néfondent pas de nouvelles affairés. Leurs comptes en ban-que sont visés et surveillés, tout retrait important est intér-dit, seules des sommes journalières sont autorisées. C'estle pogfome économique froid qui se poursuit.

On comprend aisément que, dans des conditions pa-reilles, les réprésentants de la population juive allemandese préoccupent des possibilités de trouver ailleurs un accueilplus humain pour les éléments susceptibles de s'expatrier.

Mais est-il seulement possible aux juifs de quitterl'Allemagne pour se créer ailleurs une existence ?

Une circulaire ministérielle (n° 198) qui a été envoyéeà toutes les autorités compétentes, annule, en effet, toutesles licences d'exportation de devises étrangères et de va-leurs mobilières qu'on délivrait jusqu'ici, dans certaineslimites, aux juifs désireux de quitter l'Allemagne. Cette cir-culaire est même à effet rétroactif et tous les juifs arrivésà la frontière porteurs dé licences antérieurement délivréeSjse sont vu confisquéf lès valeurs qu'ils emportaient. HitlerChâsse donc lès juifs, maisi rend leur départ impossible.

Toutes ces mesures qui émanent, soitdirectement desautorités gouvernementales et dès chefs du national-socia-lisme, soit des milieux subalternes et même de personnesparticulières, tendent à l'extermination radicale de l'élérment juif. Aucune entravé né s'oppose plus au fanatismeântisémitiqué et aucun espoir ïie resté: plus aux juifs. Ceuxqui conservaient quelques illusionsi au, syjët de l'applica-tion du statut légal et dès possibilités d'existencelaisserait, sont à présent déftnitiveïrient Méâ.

Nous serions reconnaissants à ceux de nos Comités

ou de nos sociétaires qui disposeraient du numéro de

Paix et Droit de setrtèmbrè 1921 de vouloir bien nous

le faire parvenir.

LETTRE DE POLOGNE-——>

Vers une nouvelle politiqueVarsovie, le 20 octobre 1935*

La soudaine et assez profonde modification qui vientd'être apportée à la composition du cabinet polonais a faitsensation dans le pays. On savait, toutefois, que la positiondu gouvernement du colonel Slavék était politiquement etéconomiquement très ébranlée. Politiquement, les dernièresélections au Sejïtt avaient la signification d'un vote de dé-fiance populaire contre le gouvernement en raison de làtrès faible participation électorale ; économiquement, legouvernement S'était montré incapable d'apporter une amé-lioration quelconque à la crise économique très aiguë quiépuise peu à peu les forces du pays alors que de sérieuxsymptômes d'amélioration se manifestent en Europe occi-dentale. La population ne voulait donc plus suivre la poli-tique du gouvernement, et s'insurgeait à la fois contrel'abolition des libertés publiques, contre l'alliance éminem-ment impopulaire avec l'Allemagne hitlérienne et contre lacarence gouvernementale dans le domaine économique. Ausurplus, Une grande partie de la population établit une cor-rélation assez logique entre ces deux derniers phénomènesen faisant ressortir qu'une alliance avec l'Allemagne barreà la Pologne la voie des grandes démocraties occidentaleset réduit par avance au minimum toute perspective de cré-dits de cette source. On acceptait, bon gré mal gré, cette

politique tant qu'elle émanait de la haute personnalité dePilSUdSki dont le génie d'homme d'Etat inspirait entièreconfiance. Mais ses successeurs se heurtèrent à une résis-tance qui a finalement mis en échec lé cabinet Slavék.

Le nouveau cabinet Koscialkovski, qui lui succède, est

généralement considéré comme un gouvernement progressifqui aura pour tâche de reprendre contact avec la populationet de chercher de nouvelles voies politiques et économiques.Lé colonel Beck, âutèUr de la politique d'alliance avec l'Al-

lemagne, qui reste ministre des Affairés étrangères, n'est

plus aussi libre de Ses décisions qu'auparavant, car les nou-veaux ministres des Finances et de l'Economie nationale nedissimulent pas leur sympathie pour la France et leur peude confiance en l'Allemagne. Bien des choses vont donc

changer d'aspect en Pologne. On voit renaître l'idée d'unealliance entre les partis gouvernementaux actuels et ceuxde l'opposition de gauche, qui avait déjà été envisagéeaprès la mort de PilsudSki. Toutefois, certains groupes gou-vernementaux, notamment le « groupe des colonels », voitd'un mauvais oeil cette idée ainsi que, du reste, la com-

position du gouvernement actuel et songent, peut-être, à

opposer une vive résistance à une évolution en ce sens. Ilreste cependant permis d'espérer que, lé gouvernement ac-

tuel qui dispose d'un appui populaire incomparablementplus fort que n'avait aucun de ses prédécesseurs depuis plu-sieurs annëes, réussira à écarter ces obstacles et à se rap-procher à tous égards dé l'Europe occidentale*

La majeure partie de là population se d«niâhdé avecanxiété si Cette évolution, assurément réconfortante, se re-flétera aùsSi dans la vie politique intérieure du ipays. La

population: éprouvera un véritable soula^ïhenten recou-

vrant la liberté d'opinion dôpt elle supportei ïttal F asservis-sement; La question est bien plus i^ortante encore pourles mihofités nationales dû pâ# qui ont beaucoup souffert

depuis quelques anneeis de l'amputatioii dés libertés publi-

ques et d'une « pôibnisatiott » piiïs ou moins; violente. Il

est paradoxal que seule la minorité ukrainienne où l'irré-

dentisme n'a jamais; cessé de se propager n'ait pas pâti,ces derniers temps, en Pologne et ait même réussi à obtenirune représentation équitable au Sèjm lors des dernièresélections législatives. ïï n'est pas douteux que cette amélio-

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s PAIX Et DROIT

ration dès rapports polono-ukrainiens est plutôt due à desconsidérations de politique extérieure qu'à un sincère désirde paix. C'était une manière de faire échec à la Russie so-viétique qui compte une importante population ukrainienneoù sévit également l'irrédentisme et, partant, conforme àlà politique générale dirigée contre la France et la Russiesoviétique. Au surplus, la situation de toutes les autres mi-norités nationales est demeurée extrêmement précaire sansqu'il soit désormais dérogé en faveur des Allemands à làpolitique générale de « polonisation », le gouvernement alk>itnând s'abstenant ces derniers temps d'adresser des repré-sentations officielles, autrefois assez fréquentes, et sacri-fiant, lés intérêts de ses frères de race à l'alliance polonaise.

Cependant, quelles que soient les difficultés des mino-rités nationales en Pologne, leurs maux ne sont rien à côtéde là situation désespérée des juifs. Nous ne reviendronspas sur la détresse économique de la population juive,maintes fois décrite par nous, encore qu'elle soit due sur-tout à une politique économique étatiste et à l'absence detoute aide de l'Etat. Nous examinerons aujourd'hui lacondition civique et culturelle des juifs qui est, elle aussi,dévenue très critique. Alors que les autres minorités natio-nales ont à lutter seulement contre là « polonisation », ils'y ajoute, dans le cas des juifs, deux autres facteurs :l'antisémitisme et le problème infiniment complexe du rap-prochement germano-polonais. Les juifs polonais sontcontraints de se défendre contre la barbarie germaniquedans un Etat allié de l'Allemagne. Par la maladresse admi-nistrative, les juifs se trouvent condamnés à subir à toutmoment des représailles dirigées contre une attitude qu'ilsne sont que trop fondés à adopter. Tout journal juif quiélève le ton contre l'Allemagne hitlérienne est impitoyable-ment confisqué ; les réunions juives sont sévèrement contrô-lées par là Sûreté et la police qui veillent à ce qu'aucuneparole offensante pour l'État allié rie soit prononcée; leboycottage est interdit aux juifs. C'est ainsi qu'un repré-sentant de commerce, Wolf Halbertal, vient d'être poursuiviet condamné à une peine d'emprisonnement de huit moispour avoir osé renvoyer l'offre d'une maison allemande endéclarant ne vouloir entretenir aucune rélatiori commercialeavec l'Allemagne hitlérienne. Cette condamnation, d'une ri-gueur inouïe, est un triste exemple du désarroi où certainsorganes de rËtat sont plongés depuis la malencontreuse al-liance avec l'Allemagne. s

Les juifs sont privés de tous leurs droits d'une manièrenon moins lamentable. Sans doute nie-t-on toujours offi-ciellement que les actes des autorités les plus diverses soientdus à l'antisémitisme. Au reste, le gouvernement, noncontent de nier son antisémitisme, s'efforce dé temps à au-tre, non sans ironie, de le considérer comme inexistant chezle peuple. C'est ainsi qu'au cours dès poursuites contre lèsauteurs-des graves excès ântïsémitiquesqui eurent lieu aVarsovie l'an dernier, et qui, en outre des dévâstationSi coû-tèrent la Vie à un jeune hoinme, le président du tribunal necessa d'interrompre là partie Civile qui essayait de dégagerl'origine politique des événements et finit même par lui ré^tirer la parole. On cherchait donc à réduire ce pogfômeaux proportions d'une simple bagarré et à lé juger enconséquence. Mais, tandis que, par des procédés aussi inadé-quats, on tente à faire croire que rantisémitimè n'existe pasen Pologne, on ne fait presque rien, d'autre part, pour em-pêcher dans le pays l'agitation àritisémitiqué sous ses for-mes les plus redoutables. On laisse ainsi paraître sans en-traves un quotidien d'agitation de la pire espèce : Qre-downik (le Précurseur), qui répand les mensonges les plusinsensés sûr les juifs, et excité ouvertement à la violencecontré ceux-ci.

Les autorités ont également toléré qu'à Lodz, ladeuxième ville de Pologne, devenue tristement célèbre pour

son antisémitisme, un établissement d'utilité publique, crééen grande partie avec l'argent des juifs, tel que l'Y.M.C.A.,introduise le paragraphe aryen et interdise aux juifs l'accèsde toutes ses institutions. On rencontre à chaque instant desemblables exemples de l'attitude des autorités qui paraîtincompréhensible surtout lorsqu'on pense à leur sévérité àl'égard des juifs.

Cette politique du « laisser-faire » en ce qui concernel'agitation antisémite va de pair avec le mépris des droitséconomiques et culturels des juifs. Il est difficile dé ne paséprouver le sentiment que les juifs sont traités à cet égarden citoyens de deuxième ordre. Voici ce qui vient de se pas-ser en ce qui concerne l'Instruction religieuse dans les écolesprimaires publiques pour enfants juifs. Ces écoles, dontnous avons déjà parlé dans un précédent courrier, loind'être juives, servent plutôt à là « polonisation » forcée desjuifs. Toutefois, l'instruction religieuse juive y était donnéepar des instituteurs spécialement nommés à cet effet encorequ'on se préoccupât assez peu de leurs aptitudes réelles.Or, ce « privilège » des juifs vient d'être aboli. L'instruc-tion religieuse n'avait pas cessé de décliner dans ces écolesprimaires publiques pour enfants juifs, dont, le nombreavait en outre été sensiblement réduit pendant ces dernièresannées. Finalement,, plusieurs centaines d'instituteurs ontété privés de leurs postes réguliers d'enseignement religieuxavec la faculté de rester instituteurs-adjoints dans les écoles,au traitement mensuel moyen de 60 à 80 zlotys (180 à240 francs), c'est-à-dire assez pour mourir dé faim. On ré-pondit à Une délégation, qui était intervenue à ce sujet au-près du ministère de l'Instruction publique et des Cultes,qu'on reconnaissait îe bien-fondé de là protestation, maisque la Trésorerie n'avait pas de quoi donner aux profes-seurs d'instruction religieuse juive une rémunération Suffi-sante. Et les juifs paient 40 % dés impôts du pays 1

Dans d'autres cas, on ne prend même pas la peined'invoquer ces prétextes d'ordre financier pour justifier letort causé à la population juive. Aucune autre minoritén'est ainsi privée de là possibilité d'assurer sa propre cul-ture. Nous avons antérieurement parlé de la campagne queles autorités scolaires les plus diverses mènent presque sansrelâche contre les écoles primaires et moyennes enseignanten hébreu ou in viddisch en vue de les ruiner par des vexa-tions de toutes sortes. La guerre vient maintenant d'être dé^-ciarée aux écoles juives de langue polonaise qu'on veut for-cer à supprimer ou à amputer les matières d'enseignementjuif. Sans tenir compte des instructions de l'administrationcentrale qui, tout en préparant une réforme des matières d'en-seignement, maintient provisoirement le statu quo, au moinsen droite lés organes subalternes contraignent «es écoles jui-ves à abandonner leur programmé d'enseignement juif. Lesexcuses ne manquent pas. On se soucie, dit-on, des intérêtsde là jeunesse juive qu'il ne faut pas sufçhargèf de ma-tières supplépieritaires qui pourraient nuire à son développe-ment en mettant obstacle à la réalisation dû programméd'enseignement général dé l'Etat, etc... Il n'en reste pasmoins que seules jouissent dès droits des écoles publiquescelles qui se; plient aux instructioïis des autorités et nom-breux, &élas !i restent ceux qfui, en Pologne, sont prêts àvendre leur vie culturelle et à accepter la démoralisationpour # plat de lentilles.

Telle est aujourd'hui régàhté dès droits; des juifs enPologne 1 il n'est donc pas étonnant que là population juivetoute entière ait accueilli avec soulagement et satisfactionlés derniers changements apportés à la composition du ca-binet polonais; On espère que le nouveau gouvernement,dont le caractère progressif est assez généralement reconnumettra, sinon une fin, du moins une limite aux torts causésà là popuïSatioa iuivé. Les jours qui vont suivre montrerontsi cet espoir est fondé ou non. ^* ^-"*-•

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PAIX ET DROIT 9

EN ROUMANIE».

Quelques politicienscontre la poussée antisémite

Dans le numéro antérieur de ce journal, il a été men-tionné jusqu'à quel degré l'exaltation antisémite avait gagnéen importance et en étendue depuis que le « Front social-chrétien», réalisé par MM. Couza et Goga, a fait consacreret sanctifier sa bannière devant l'autel de l'église métropo-litaine de la capitale moldave. Depuis ce moment-là, la fer-veur judéophobe ne fait que redoubler de force et d'activité.Ce ne sont tout le long du pays que conciliabules occultes,préparatifs mystérieux, plans de combat et surtout invites auboycott. Entière latitude est laissée aux feuilles extrémistesde propager l'antisémitisme sous toutes ses formes et l'onsait maintenant d'abondance que les prédications couzo-go-guistes portent toutes l'estampille hitlérienne, D'autre part,vaïdistes et codréanistes rivalisent d'ardeur et cherchent àrallier à leur programme la masse des hésitants, répandantpartout le ferment des doctrines racistes ainsi que la légendedu meurtre rituel. Tout cela s'opère en plein jour. Les fac-tieux ne s'en font aucun scrupule. Chacun distingue d'oùpartent les signaux et qui ordonne l'action. A leur tour, lésinstituteurs sont devenus les instruments dociles de la cam-pagne antijuive, sans omettre les popes affiliés aux multi-ples ligues orthodoxes. C'est ainsi que l'école et l'autel sontmis au service de là propagande de haine, déformant debonne heure les cerveaux de l'enfance et de l'adolescence.A continuer suivant ce rythme, il est à craindre que l'es-prit public en ce pays ne finisse par être totalement dominépar l'image de, la politique de Berlin.

* *

Par bonheur toutefois, on rencontre encore ici et là quel-ques esprits impartiaux qui essayent de réagir contre le mou-vement. (C'est ainsi que ces jours passés, divers hommes po-litiques,; des professeurs sans préventions, des publicistes

. sans partipris, prirent position contre les factieux, les rap-pelant à la modération, sinon à la raison. C'est que ces per-sonnes de mesure et de bon sens voient clair dans ces trou-bles démagogiques et s'inquiètent de la confusion qui règnedans le pays. Evidemment, ces quelques bonnes volontéséparses, si elles peuvent être citées en exemple, ne suffisentpas, à elles seules, pour créer une atmosphère de sagessesusceptible, en l'état actuel des choses, de contre-balancef,encore moins de contrecarrer l'action néfaste des agitateurs.Il est tout de même réconfortant, étant donné la rareté dufait, que quelques voix judicieuses se soient élevées au-dessus des clameurs des antisémites. Peut-être d'autres en-core plus autorisées viendront par la suite appuyer ces ini-tiatives bienvenues. Une juste compréhension dé l'intérêt col^fectif pourrait en résulter si une pléiade d'hommes influentsse souciaient de faire entendre la bonne parole et de semerle bon grain aux lieu et place de l'ivraie abondamment culti-vée ces temps derniers par les 'partisans avérés du désordre.

Sur cette question l'on pourrait être en droit d'espérerque le parti politique le plus puissant du pays réagirait, luiaussi tant soit peu contre les menées antisémites. Cependantil se tient dans l'expectative. C'est regrettable à bien deségards, ear, tel qu'il est composé, ce parti a indiscutable-ment évolué dans un sens favorable depuis la fin du règnedes frères Bratiano dont l'hostilité demeure encore présentedans les mémoires. Lés libéraux d'aujourd'hui ont uneautre formation et détiennent leurs mandats du testamentpolitique du regretté Duca, victime de son esprit de tolé-rance et dont le premier ministre aujourd'hui au pouvoirs'est déclaré être l'exécuteur testamentaire. Or, beaucouptrouvent que la foi de celui-ci se montre bien tiède. Ce sont

d'autres, en effet, qui prêchent à sa place, la bonne parole.Par exemple : M. Costacesco, président des nationaux-pay-sans de Jassy, qui vient de parler publiquement en ces ter-mes : « Il ne manque pas chez nous de partis de droite.Des nuances les divisent, mais ils ont tous un trait commun :l'antisémitisme. Dans notre parti à nous — j'ai le devoir dele dire clairement — et fermement — nous sommes contretoute guerre religieuse ou de race, surtout à l'heure actuelle.Certes, nous sommes pour la protection du travail de l'élé-ment roumain, mais avec des méthodes qui n'établissent au-cune distinction entre les citoyens du pays.

« Par leur antisémitisme, les partis de droite cherchentà préparer un rapprochement avec l'Allemagne. Leur ban-nière est la bannière hitlérienne. Un parti roumain qui opèresous le signe d'une puissance qui a été contre nous n'estpas chose admissible. Quiconque essaye de modifier l'axetraditionnel de la politique roumaine commet un crime. Lagénération de chez nous qui a fait la guerre ne le tolérerapas. Ceux qui souffrirent des expéditions punitives alleman-des, qui ont connu les camps de concentration se joindrontaux milliers de voix d'outre-tombe pour s'opposer à qui-conque voudra nous faire marcher aux côtés de nos enne-mis d'hier. »

Voici aussi le jugement de M. Junian, ancien ministre :« En notre Roumanie, là politique nationaliste constitue uneprofonde erreur. C'est même une utopie dangereuse, à la-quelle nous ne devons pas nous rallier. Le véritable nationa-lisme veut le réveil et l'encouragement de tous les facteursproductifs, sans distinction de race ou de religion, afin deles munir d'une puissance irrésistible. »

M. Moldoveano, ancien sous-secrétaire d'Etat, s'exprimeen ces termes : « Sous les plis de notre drapeau doivent vivreet travailler en paix Roumains, Ukrainiens et juifs. La créa-tion d'un parti tel que le « Front social-chrétien » signifiel'ameutement de tous les mauvais instincts des foules et lamarche du pays vers l'abîme. » Et M. Jonel Dumitresco,député à la Chambre* d'ajouter : « A la place d'un plan desolidarité sociale, nous voyons apparaître un programmede haine de race avec buts destructifs. »

A souligner encore l'opinion de M. Madgearo, ancien mi-nistre national-paysan : « Nous rejetons de notre parti touteméthode de violence. L'exclusivisme ne s'accorde pas avecles intérêts supérieurs de l'Etat roumain. Les agissementsdes antisémites doivent demeurer stériles. >>

Qu'on lise enfin ces déclarations du Dr. Rautu, chef del'organisation libérale du Botoshani : « Le fait, dit-il queles couzistes vont à Nuremberg et serrent des mains hitlé-riennes constitue une réelle trahison. Comment est-il possi-ble qu'un groupe politique roumain qui se prétend nationalfasse cause commune avec ceux qui ont dévasté notre payspendant la grande tourmenté et tendent encore maintenantà déchiqueter nos frontières ? »

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Une élémentaire impartialité dictait que les opinions etjugements qui précèdent soient enregistrés et mis en opposation avec des doctrines tendancieuses claironnées matin etsoir par ceux qui veulent la mise hors la loi des juifs.

Il est jusqu'à un certain point réjouissant de constaterque la raison ne perd pas complètement ses droitsu S'il necourt pas encore les rues en Roumanie, il y a tout de mêmedu bon sens chez quelques esprits éclairés qui ne veulentpas se laisser aveugler par les préjugés. Ils admettent quel'élément chrétien soit avantagé dans une certaine mesuré;mais réprouvent que cela soit au préjudice d'une populationd'une autre confession. Ils sont pour le relèvement de lamasse, mais avec la collaboration et non par l'exclusion del'élément Israélite. Ils estiment, au contraire, qu'une conci-liation, qu'une fusion des deux facteurs de travail s'imposedans les graves circonstances de l'heure, et est commandéeimpérieusement par l'intérêt du pays. C'estTestimation juste

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des réalités et elle cadre parfaitement avec les difficultés etles préoccupations actuelles causées par la mystique cou-ziste et les principes vaïdistes qui tendent à bouleverser lamaison au lieu de la mettre à l'endroit. En s'inscrivànt con-tre toutes les <« ligues chrétiennes » et tous les « fronts »

réactionnaires, les personnes citées plus haut font preuvede clairvoyance, de devoir patriotique, de ce courage moral

qui a manqué jusqu'à ce jour aux dirigeants et aux politi-ciens devant le flot montant de la démagogie antijuive. Nuln'ignore qu'en terre roumaine, cette démagogie eut constam-ment un merveilleux don d'attirance et a servi de diversionaux heures de difficultés et de dissensions. Aujourd'hui,beaucoup pourraient s'y soustraire, mais ne s'y résignentpas soit par calcul, soit pas intérêt, soit surtout par crainted'impopularité. On sait bien qu'il est très malaisé d'adoreraujourd'hui ce qu'on a brûlé la veille ou de remonter cer-tains courants ; mais ainsi que l'a justement dit ces joursderniers un homme d'Etat français : « Il y a bien plus grandmérite à résister qu'à céder à l'appel des sirènes. » Il estpermis d'ajouter : des sirènes roumaines antisémites,surtout ! ISAS.

Écoles de r«Alliance israélite»«» —

Les Écoles du «bled» au Maroc

(Le langage des chiffres qui* sur le tableau des écolesde VAlliance, résume chaque année notre oeuvre scolaire'comporte, dans sa précision concise, bien des silences. Lebilan ne laisse pas toujours percer la vie qui se cache sousla rigueur arithmétique. Les commentaires dont on l'accom-pagne habituellement gardent, malgré leur exactitude, uncaractère abstrait. A un rapport exsangue sur l'oeuvre, ily a lieu d'ajouter le récit vivant de l'ouvrier qui peine sursa tâche quotidienne. C'est sous cetile forme que nous vou-lons communiquer aujourd'hui à nos lecteurs un côté denotre activité scolaire au cours de la dernière décade.

Un aspect des plus intéressants du développement denotre réseau scolaire au Maroc, qui englobe dans 40 écolesprès de 15.000 enfants* c'est la pénétration de VAlliancedepuis 1927 dans les coins perdus du Protectorat qu'on estconvenu d'appeler le bled,

A Ouezzan en 1926, à Beni-Mellal, à Ber-Réchid, à Boujadet à Settat en 1927, a Mfldelt en 1928, à Taroudarit et à Béai-Ahmed en 1929, à Demnat en 1932, à Kasba-Tadla en 1933,à Tiznit en 1934, — en suivant parfois de près les troupesqui achevaient la pacification du Maroc, en s'avançantmême jusqu'à l'extrémité de la ligne de dissidence, VAl-liance créait des Écoles ou prenait en mains les pauvres ins-titutions scolaires qu'elle trouvait sur place.

Deux nouvelles écoles enfin viennent d'être ouvertesà Oued-Zem et à Agadir.

On peut trouver comme une. cadence biblique à cetteprogression dans le beld marocain : tels les patriarches quijalonnaient leurs migrations par des puits creusés dans uneterre desséchée, les missionnaires de VAlliance marquentleur passage à travers les régions désolées eh fondant desécoles.

Car l'école n'est qu'un jalon sur là voie qui mène versla régénération du judaïsme déshérité; Les rapports quele Secrétariat de VAlliance a reçus au cours de ces dernièresannées des directeurs qui fondaient les 'écoles dans le«.bled », nous ramènent de longues années en arrière, à1époque héroïque du siècle dernier, où se fondaient enAfrique du Nord et en Orient les premières écoles, aumoyen desquelles.l'Alliance entreprit et réussit son oeuvred émancipation. De nouveau, le directeur retrouve sonancien rôle, déjà oublié dans les grands centres d'Afrique etd Orient, de médecin, de chef spirituel et d'organisateurde la Communauté, de conseiller et de représentant auprèsQ6S cLUtoriuês,

Que trouvèrent nos directeurs dans les petites commu-

nautés où les a conduits leur mission ? Une décadence spi-rituelle et la misère. « Leur synagogue est une vraie infec-tion », écrit le directeur qui arrive, en 1933, à Kasba-Tadla.

Le meliah est sordide ainsi, se plaint le premier directeurde Midelt — petite localité située au pied du moyen Atlas, à1.510 mètres d'altitude, et comptant 1.200 israélites. Les maisonssont des taudis. Gens et bêtes y logent ensemble. Les chambresde quatre mètres carrés ne reçoivent la lumière et l'air que parune petite porte. Oh n'y distingue même pas les personnes.

Ajoutons que la ville se trouve à 180 kilomètres de

Meknés, que les communications avec le centre sont diffi-ciles et que, pendant l'hiver, les chemins sont impraticables,isolant, de novembre à avril, la communauté du mondeextérieur ; qu'on mesure, en même temps que le dénuementdes habitants l'esprit de sacrifice du missionnaire de l'Al-liance.

Sacrifice qui n'est pas toujours d'ordre moral unique-ment. De Beni-Mellâl, situé alors sur là limite même dé lazone de dissidence* le directeur 'écrivait, en 1927 :

On ne peut pas sortir, hors la ville avant 7 heures du matin etaprès 8 heures du soif sous peine d'être enlevé ou assassiné parles berbères., dissidents des montagnes environnantes ; et durantla nuit, 11 heures sonnées* il est dangereux de s'aventurer dansles rues mêmes de là ville.

Voilà les communautés où il s'agit de créer une vienouvelle. Il faut leur rendre celte justice : le rôle de l'écolefut tout de suite compris. Ele apparut à là fois comme l'ins-trument et le symbole d'une renaissance.

Face à l'Atlas, aux neiges éternelles, ayant pour vue le bledinfini qui s'étend au loin "d'une monotonie un peu farouche, l'écolenouvellement construite se dresse sur une hauteur, dit le premierdirecteur de Kasba-Tadla ; une joie immense règne depuis lors,au sein de la petite communauté.

Mais voici l'initiation à la vie nouvelle. Son rythmeémouvant, où la régénération des âmes est précédée d'unepurification des corps, rappelle l'accomplissement d'un ritereligieux ou une cérémonie biblique.

Une foule bruyante et impatiente — conte le fondateur del'école de Demnat en 1932 — attendait derrière la porte d'entréede l'école. Nous l'ouvrions pour faire entrer les familles une à une.Les enfants étaient admis, puis ils allaient au fond de la couroù des coiffeurs que j'avais engagés préalablement..; les coiffaientà ras à la tondeuse. Les petites filles étaient débarrassées deleurs nattes et de leurs longs cheveux d'une propreté douteuse.Il n'y eut pas beaucoup dé résistance, car j'avais dit que lés che-veux coupés étaient une des conditions d'admission à récole. Pen-dant ce temps, les parents, dont je n'avais plus besoin* sortaientpar une autre porte... Au soir, je n'avais pas fini lies inscrip-tions qui continuèrent le lendemain... L'école comprend mainte-nant 100 garçons et 50 filles. Tous les jours on m'amène de nou-veaux enfants que Je suis obligé de refuser, faute de place.

Les résultats ne se font pas attendre. Quatre mois plustard, lé même directeur écrit :

Les élèves sont disciplinés sans que j'aie jamais à employerles châtiments corporels interdits par la pédagogie moderne; Ilsportent des tabliers propres* des espadrilles et des bérets; Tousles mois, un coiffeur de Marrakech vient tondre les têtes desg&fçons à ras, tandis que les fillettes ont les cheveux coupéscourt. Il est facile de distinguer les enfants qui fréquentent récôlè,de ceux, nombreux encore* qui traînent les nues. Les Européensde Demnat, le médecin, le percepteur, me font tout le temps desremarques à ce sujet. Les élèves de l'école les saluent polimentet les EuTopfehs ont plaisir à lés voir propres et bien habillés.

Les enfants vagabondaient dans les rues, note le directeur deTadla ; ils avaient pour amis des gens peu recommandantes, Usétaient déguenillés, crasseux, batailleurs ; on pouvait les voir enprison, balayant et ramassant lès ordures, pour avoir volé oùbien vendu du vin aux soldats arabes.

Aujourd'hui... une grande partie d'entre eux commence às'habiller à l'européenne. Je leur montre comment il faut s'ha-Mler en faisant venir de Casablanca des chemises, des culottes,etc.. etc

Mais à côté des enfants, il y a les adultes.Nous avons créé, dit le directeur de Demnat, depuis le pre-

mier jour de l'ouverture de l'école, un cours d'adultes. Il estfréquenté tous les soirs par 12 jjeunes gens, commerçants pour laplupart, dont plusieurs sont mariés et ont des enfants qui fré-quentent l'école. Ils sont pleins du désir d'apprendre à lire, àparler, à écrire le français. Ce cours fonctionne de huit a neufhures du soir. Nous sommes mal éclairés. Un bon éclairage est

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indispensable pour le bon fonctionnement du coure. Je voudraisacheter une lampe à gaz de pétrole qui éclaire aussi bien quel'électricité.

J'entretiens des relations continuelles, avec les parents* écritie directeur dé Kasba-T&dla. C'est à la synagogue, après les of-fices, dans les réunions du Comité de la Communauté où je suisinvité, que j'essaie de combattre les vieux préjugés ancrés dansles esprits. Je ne traite pas seulement les questions concernantl'éducation dés enfants. Les juifs de Tadla ignorent, par exem-ple, totalement l'existence, du judaïsme français ayant à sa têtedès grands-rabbins et des hommes émihénls. Pouf eux, dans l'his-toire générale du judaïsme, tout s'arrête à l'époque de Maïmonifleoù de Raclii... Je leur explique que ce n'est point une hoiite d'êtrejuif et que, sous l'influence de la France protectrice; et émanéepatrice, nous devons évoluer comme nos coreligionnaires deFrance sans qu'il soit nécessaire pouf cela d'abahdonnef lès bellestraditions juives pour lesquelles ont tant souffert nos ancêtres.

Enseignement d'humanisme et enseignement juif.Enseignement qui appelle l'action. Les Communautés doi-vent Un jour devenir mûres. La tutelle de FAlliance n'estlà que pour préparer leur majorité. A Midelt, où, en 1928,VAlliance prend en ses mains une école dirigée jusqu'alorspar un sergent indigène {sic !) et où les juifs abattus et

désorganisés sont en proie aux agressions des peupladesinsoumises, notre directeur organise la Communautiê, créeUn Conseil communal, institue les troncs pour lés pauvreset la taxe sur la viande, lutté contre les maladies de la peauqui font leurs ravages dans la population, établit une oeuvred'habillement qui lui permet de vêtir proprement les en-fants déguenillés.

Cette organisation des Communautés qui sont appeléesà contribuer plus tard à l'oeuvre dont elles sont incapablesde prendre l'initiative, ne saurait avoir d'avenir que si,dans leur être physique, les juifs de ces pays reculés retrou-vent le sentiment de leur dignité humaine.

Je donne à la question matérielle une grande importance,nous communique le directeur de Kasba-Tadla. Jusqu'à pfésent,il n'y avait pas de bain à Tadla, on vient d'y construire un bainarabe. Les enfants sont obligés d'y aller... On remarque même,dans leur façon de se promener dans les rues, Un grand chan-gement : ils étaient peureux, des frictions se produisaient sanscesse entre eux et les petits arabes plus forts «t moins timidesqu'eux. A présent, ils ont l'air plus dégourdis qu'eux, louentmême des bicyclettes les jours de congé.

Inutile de dire que aette rééducation rie va pas sans difîi-cultié. Les discussions éternelles au sein des Communautés,la sourde opposition des éléments arriérés, là jalousie desanciens chefs locaux mettent plus d'une fois en échec labonne volonté qui se heurte à ces obstacles, mais qui nese brise pas. Que d'expédients ingénieux et spirituels pourles surmonter 1

Le directeur de l'école de Demnat nous écrit, fin 1933 :

C'était la rentfée, et tous les élèves n'étaient pas encore pré-sents. J'ai dû faire, par la suite* annoncer par le crieur publicque les parents qui n'enverraient pas leurs enfants à l'école ser-raient passibles d'emprisonnement. Ceci a eu pour effet de faireaugmentef l'effectif de chaque classe

Voici Un autre trait qui ne manque pas de couleur.

Deux élèves s'absentèrent une matinée sans aucun motif. Ledomestique de l'école* chargé dé lès chercher, lés trouva en trainde jouer aux cartes et de fumer avec d'autres garçons. Le do-mestique m'apprit qu'ils n'étaient pas les seuls à filmer et à jouer.Je me livrai à une petite enquête auprès des parents sur la con-duite de leurs enfants. Tel père m'a avoué que son fils le volaitpour jouer le soir après la classe. Tel autre* que le sien battait6a mère et fuyait la maison paternelle. Les plaintes des parentsaffluèrent. Elles concernaient quinze gafçonS; Je résolus d'oc-cuper ces enfants après 4 heures et de les surveiller dans la rue.Tous les soifs, je les retins pour leur faire étude. Deux fois parsemaine ils se livrent au jlardinage. Je fais souvent, après laclasse, des tournées au Mellaïhpouf Surveiller les élèves en dehorsde l'école. J'ai pu surprendre aussi, en flagrant délit, quelquesincorrigibles jpueufS. Absorbés par le jeu, ils ne me voyaientpas venir. Une bonne punition et la confiscation de l'argent etdes cartes les ont ramenés dans le droit chemin.

...J'ai formé un choeur d'élèves pour la grande synagogue deDemnat. Les chants liturgiques sont appris après la classe... Lesélèves connaissent actuellement tous les chants du Sabbat. Le.vendredi soir, il y à foule à la synagpgue de Rabbi Meïr poufentendre les élèves chanter... Il faut voir comme les enfants sontfiers de faire partie du choeur. C'est, en effet, après l'inscriptionau tableau d'honneur la plus haute récompense, et les meilleures

familles recherchent et sollicitent cet honneur pour leurs enfants.Les morceaux sont exécutés de façon parfaite. Dans ces syna-gogues sombres et sordides, où tout le monde s'assoit par terré,ces chants si gais* en opposition avec les airs monotones d'ici,sont comme un rayon de soleil qui met de la joie dans tous leacoeurs.

La méfiance qu'avait montrée an début la population a com-plètement disparu. Elle ne cesse de me manifester actuellementson approbation et sa sympathie, car elle a enfin compris queVAlliance <ne recherche, par son oeuvré de relèvement par l'école,que l'intér&t dès populations et du judaïsme en général.

Le respect qu'aux yeux des populations non juives*acquièrent les isrâélites régénérés par le souffle bienfaisantde nos écoles, n'est pas la moindre récompense de tantd'efforts

Voici la, description d'une cérémonie de distribution deprix qui a eu lieu à Demnat, en juillet dernier :

Pendant tout le mois de juin, j'ai retenu les élèves après laclasse pour préparer !ê programme de la cérémonie^ Les concourene me furent pas marchandés. La Communauté, oubliant ses que-relles, fit l'union autour de l'école. Les notables rivalisèrent d'ar-deur à m'apporter tapis, chaises, foulards, plateaux, tasses. Plusde 200 mètres carrés de tapis couvrirent ce jour-là le sol et lesmurs, formant une symphonie éclatante de rouge, jaune, vert,bleu. Le Comité acheta des gâteaux et du thé pour en offrir auxautorités à la fin de la cérémonie.

Le vendredi, de très bon matin, les ménagères .balayèrentles rues du Meilah et blanchirent les façades de leur maison.Vers 8 heures, les abords de l'école étaient noirs de monde. H

y avait là, outre nos coreligionnaires, des Arabes de Demnatet même des montagnards chleuhs attirés par l'occasion d'assis-ter à un spectacle gratuit. Tout près des portes de l'école se te-naient des juives porteuses de roseaux surmontés de foulards etqui poussaient de temps en temps des youyous stf idents. Le Co-mité attendait les autorités à l'entrée du Meilah pour leur sou-haiter la bienvenue de la part des juifs. A l'heure fixée, le Lieu-tenant, le Caïd, la colonie européenne et les notables musulmans,précédés par des mokhazixis et le Ce/nité* débouchaient dans larue de l'école. A leur vue, les youyous retentirent à nouveau,plus forts et plus prolongés. Les directeurs étaient postés auxportes d'entrée pour les accueillir et les conduire à leur place.En voyant les murs si bien décorés, le sol de la cour tout entiercouvert de tapis, les chefs de la région ne purent retenir leur sur-prise. La foule* calmement, s'est installée aux places que je luiavais réservées. Le silence une fois établi, j'ai pris la parolepour remercier les autorités d'avoir bien voulu honorer de leurprésence notre distribution de prix et le public d'avoir répondusi aimablement à mon invitation. La fête s'est ensuite dérouléeselon le programme fixé. Pendant l'entr'acte, le Caïd a fait lirepar son Khalifa un discours en nfabe littéraire.» L'interprètedes Affaires indigènes en a lu ensuite la traduction française...

Nos petits artistes Se sont très bien tirés de leur rôle. Unepointe d'émotion les a rendus un peu gauches, a fait légèrementtrembler leurs voix un instant. Mais* ce moment passé, les voixont repris leur assurance et les corps une attitude aisée et natu-relle. Le chant Pour la France a recueilli beaucoup d'applaudisse-ments. Le programme épuisé, de grands élèves portant des pla-teaux chargés de tasses de !thé et de gâteaux ont circulé parmiles invités de marque ; suivant l'habitude arabe, le thé a été servitrois fois. Le soleil devenant trop chaud, les autorités se levèrent.

...A la suite des autorités, la foule s'est écoulée lentement.Il était 10 heures. Les lauréats, dans un coin, discutaient et com-paraient bruyamment les qualités de leurs livres de prix. Leurscamarades les regardaient avec envie. C'est alors que j'ai parléà ces derniers pour les encourager à Suivre l'exemple des bonsélèves et à travailler consciencieusement pour qu'à leur tour ilssoient récompensés l'année prochaine; A 11 h. 30, les enfants s'enallaient par petites bandes Joyeuses, chantant à tue-tête : Aurevoir, nos petits maîtres.

Nous n'allons pas dresser le bilan de l'activité deTAl-lian.ee dans le bled du Maroc. Reproduisons seulement, en

. guise de conclusion, quelques extraits du rapport adresséen juillet dernier au Comité 'Central par l'inspecteur de

• nos écoles du Maroc, M. Sémach :> Aujourd'hui que le Maroc est pacifié, Beni-Mellal est relié àË Casablanca par dé nombreux services de cars, très 1

rapides:; l'ont n'y est plus isolé; la ville se développe et la Communauté isfaélite

gagne en importance ; l'administration militaire a pris des me-i sures excellente devant favoriser révolution de la Comniunauté.s La vieille ville actuelle est réservée entièrment aux indigènes, leî quartier Israélite s'élèvera dans la plaine couverte de beaux ar-i" bres centenaires le long de la belle route de Marrakech ; celle-cil le séparera de la Nouvelle Ville ; juifs et européens seront ainsii côte à côte et ces derniers exerceront leur action civilisatrice sur3 nos coreligionnaires.

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Déjà, dans ce quartier, la Direction Générale fait constraireune belle école israélite et, dès octobre prochain, les enfants se-ront plus au large pour travailler et se développer.

Le jour de mon arrivée, c'était fête à Beni-Mellal ; la placedu marché était pleine de juifs : hommes, femmes et enfants ; ilsattendaient le car ramenant d'Oued-Zem les quatre élèves de 'l'école qui étaient allés passer l'examen du certificat d'études ;touà les quatre avaient réussi ; la joie bruyante des parents re^jaillissait sur leurs amis et sur des indifférents. Les couturièresjuives qui, sur la grande place* font des travaux à. la, machinepour les indigènes, interrompent leur tâche pour aller voir...

...Je me rendais h l'école de Tadlà ; devant nioi, des petitesfilles marchaient par groupe, cheveux coupés, peignées avec soin,rohes courtes et tabliers en toile grise bien ajustés. Je les pre-nais pour de petites Européennes ; mais voici qu'elles dépassentl'école française ; Je comprends qu'elles sont de petites israélites ;j'allonge le pas et les rattrape et nous faisons route ensemble.

Pour celui qui à vu ces enfants il y a deux ans, le jour, del'ouverture., de l'école, engoncées dans leurs robes longues etamples, pleines de taches dégraisse et de boue, les cheveuxlongs,crasseux, collés par plaques en tous sens... la transformationcomplète tient du miracle; Nous sommes ici dans un centre mili-taire très important ; les juives qui savent coudre ont pris mo-dèle sur les vêtements des petites Françaises qu'elles ont par-faitement imités. Les étrangers, eux aussi, regardent et s'éton-nent, et M. le Contrôleur civil me dit le plaisir qu'il trouve à sui-vre cette évolution.

Les élèves quelque peu aisés, chacun à tour de rôle* cinqtous les jours apportent un pain, qui est coupé en quatre mor-ceaux ; vingt élèves indigents reçoivent ainsi, tous les jours* unmorceau de pain pouf leur déjeuner.

Les autorités françaises sont bienveillantes pour nos cofeli-gionnaifes •, là justice indigène a ses habitudes* ©h l'appelle ici lajustice du"« pain de sucre » ; nul ne peut se présenter devant letfald sans lui apporter un ou plusieurs pains de sucre; Il fautlaisser au temps le soin de modifier de telles moeurs ; les auto-rités françaises les connaissent et patientent. Nos jeunes institu-teurs interviennent parfois amicalement et se rendent utiles ; je.leur recommande instamment de le faire avec prudence

Mais laissons pour finir un modeste serviteur de notreoeuvre parler de lui-même :

Deux ans nous séparent du jour où YAlliance mit le pied àMidelt. Son représentant lutta sans se décourager pour le triom-phe dés idées qu'il apportait... Il a fallu non seulement éduqueret instruire la jeunesse, organiser le Comité de la Communauté,mais entrer dans le fonds des meliahs, prodiguer des conseilsd'hygiène, inculquer l'habitude de l'infirmerie indigène et du mé-decin, sauver des jeunes âmes victimes de toutes les épidémieset des remèdes servis par des sorciers. Nous sommes en mesurede dire que nous avons fait des âmes saines dans des corps sains.

Notre école, la première située en bordure de la dissidence,créera un cadre d'auxiliaires précieux de la pénétration. La géné-ration que nous formons n'oubliera pas ce que la France faitpour eux, là sécurité qu'elle leur donne et la justice qu'elle rend.

...Quel meilleur couronnement de nos efforts opiniâtres, denotre dévouement pouf une cause sublime ! Souvent dans lapeine et dans la douleur, loin des ôtfes qui me sont chers, jepuise un réconfort en goûtant les joies pures que me procuremon sacerdoce, exercé dans un centre perdu, déshérité et dan-gereux. C'est le souvenir le plus doux giie j'emporferàit du séjoufdans le bled avec la satisfaction d'avoir fait le bien.

INFORMATIONS1. — POLOGNE

Appel du club parlementaire juif à la population juiveNous âvoïis créé aujourd'hui le club parlementaire juif

qui groupe lés représentants de la population juive au Sejmet au Sénat, et qui continuera à mener une politique juiveindépendante, à défendre les droits de là population juiveet à formuler ses besoins et ses revendications.

Le nouveau système électoral a fendu impossible,même dans les districts purement juifs, une représentationéquitable, des trois millions et demi de juifs de Pologne.Aussi la tâche qui nous incombe est-elle lourde, et notreresponsabilité d'autant plus grande que la situation de lapopulation juive est plus critique...

Nous nous efforcerons d'obtenir la réalisation intégralede l'affirmation solennelle inscrite dans notre Constitution

et selon laquelle l'Etat polonais est le patrimoine communde tous ses citoyens.

Nous demandons, pouf la population juive qui s'ac-quitte sans faiblesse de ses devoirs civiques, une Véritableégalité des droits. Nous consacrerons une vigilante atten-tion à la détresse économique de la population juive; Nousnous opposerons aux tentatives réitérées de chasser lesjuifs de leurs emplois et de leurs domaines d'activité éoo-nomique, et nous proclamerons le droit au travail dé lapopulation juive dans tous les domaines, y compris lesadministrations publiques.

Notre action législative immédiate visera à la modi-fication des lois et règlements qui précipitent la paupérisa-tion et le déclassement de la population juive, en faisantressortir que la ruine économique de trois millions et demide citoyens doit nécessairement ébranler les fondationsmêmes de la vie sociale du pays.

Juifs ! Aucun obstacle ne nous rebutera dans la luttepour notre honneur et nos droits et pour l'existence de lapopulation juive ; nous consacrerons toutes nos forces,toute notre expérience, tout notre savoir et toute notreénergie à là défense de Vos intérêts.

Nous vous demandons d'oublier tous différends poufvous rallier au drapeau de l'honneur national et dé la dé-fense de nos droits ; de ne pas vous abandonner au déses-poir ou à la résignation, mais de nous aider à accomplirnotre lourde tâche.

I. RÛBINSTÉIN, E. SOMMÉRSTEIN, députés.Varsovie, le 3 octobre 1935; M. SCHORR, sénateur.

2. ,— GRECELa restauration de la monarchie et les juifs

Depuis quelques mois, là restauration de la monarchieapparaissait comme une éventualité certaine. C'est chosefaite. A là suite de la modification de la Constitution, votéepar le Parlement même, le plébiscite du 8 novembre n*auraplus le caractère d'une consultation populaire* il sera sûte-plement une ratification de la décision adoptée par le Par-lement. Ce qui, dans ce nouveau régime, intéresse parti-culièrement les juifs grecs qui se sont toujours montrés defidèles et loyaux serviteurs de leur pays* c'est que la res-tauration de la monarchie ne portera sans doute aucunpréjudice à leur situation politique et juridique. L'égalitéde droit leur sera maintenue comme sous lé règne ducabinet Tsaldaris, qui vient de démissionner. Des membresdu nouveau gouvernement, et en particulier le présidentdu Conseil actuel qui assume les fonctions de régent,M./ Condylis, ont manifesté à maintes reprises leur attitudesympathique à l'égard, de la population juive de la Grèce.Il n'y a pas longtemps, le général Condylis a déclaré :<( Nous ne saurons oublier que nous devons aux juifs notreDieu. » Le leader des fascistes grecs, le générai Merkuris,qui représentait là Grèce au Congrès fasciste, à Montreux,et qui y a manifesté énergiquement son opposition auxtendances antijuives à été nommé sous-secrétaire d'Etat àlà présidence du Conseil. Le ministre Théotokis, égalementmembre du nouveau cabinet, s'est exprimé en termes cha-leureux â l'égard des juifs* et a déclaré : « Nous savonsce que l'Espagne a perdu en chassant ses juifs, et noussavons aussi ce que gagne la Grèce en se lés conservant. »Le nouveau gouverneur général de la Macédoine, M. Mandes,qui passe pouf un grand ami des juifs, a souvent fendu

hommage aux qualités civiques et morales des juifs. Re-cevant une délégation juive conduite par le Grand RabbinR. Koretz, il souligna les sentiments dé sympathie dont ilest animé à l'égard de la population israélite, assurant qu'ilse trouvera toujours à la disposition de la Communauté pourla solution de ses problèmes. « Les juifs de Grèce trouve-ront en moi, déclare-t-il, un sincère défenseur de leurs in-

v térêts. »

Le Gérant : Jules OREPIN. Imprimerie Française (Société Anonyme), 123, rue Montmartre, Paris (S«),Georges Daiigon, imprimeur