14

Palais Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page1 · même temps, la tour, laissée sans doute ... cohérent et unitaire. Bernard de Combret fit donc voûter toutes les parties construites

Embed Size (px)

Citation preview

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page1

Le Palais de la Berbie

Palais de la Berbie, côté Sud© Ville d’Albi

Le palais épiscopal d’Albi est courammentappelé la « Berbie », déformation du nomoccitan Bisbia qui signifie évêché. Saconstruction, que l’on avait attribuée engrande partie à Bernard de Castanet,évêque de 1276 à 1308, fut entreprise enréalité dès l’épiscopat de Durand deBeaucaire (1227-1254), pour ne s’acheverque dans la première moitié du XIVe siècle.Par la suite, le bâtiment connut des modi-fications, parfois importantes, aux XVe, XVIIe

et XVIIIe siècles. Devenu le muséeToulouse-Lautrec, il fait aujourd’hui l’objetd’importants travaux de réaménagement. Le logement des évêques d’Albi fut desplus mo-destes jusqu’aux débuts de laconstruction de la Berbie. On sait quedans le deuxième tiers du XIIe siècle, à lasuite du schisme de l’anti-pape Anacletauquel s’était rallié l’évêque d’Albi,Humbert Géraud, des rivalités entre cedernier et le chapitre avaient entraîné ladestruction de la maison épiscopale.Entre cette période et les débuts de laconstruction de l’actuel palais, l’évêquelogea dans les maisons prêtées par leschanoines, sises entre la cathédrale romaneet les remparts. C’est dire la relative pré-carité du logement des prélats albigeoispendant un siècle environ. Une telle situa-tion ne pouvait être plus longtempsacceptée au XIIIe siècle, par des hommesqui étaient devenus les véritables sei-gneurs de la ville. La dignité de la fonc-tion, le développement de l’administra-tion épiscopale impliquaient la construc-tion de bâtiments plus propres à manifes-ter leur puissance. Ce fut chose faite avecles premiers travaux entrepris par Durandde Beaucaire. La construction, fruit de plusieurs cam-pagnes de travaux s’échelonnant du XIIIe

au XVIIIe siècle, s’organise autour d’unecour connue aujourd’hui sous le nom de« cour d’honneur » mais désignée au

Moyen Âge du nom de Plathea Palatii. Ony entre par une porte flanquée de deuxcontreforts hémicylindriques, percéedans la courtine qui en ferme le flancméridional, du côté de la ville. Aprèsl’avoir franchie, on découvre sur la gauche,à l’ouest, l’imposante tour Mage composéeen réalité de deux tours accolées d’âgedifférent, la tour Saint-Michel et la tourSainte-Catherine. La partie visible de cesdeux tours depuis l’intérieur de la cour,et dans laquelle s’ouvre une petite portedu XVe siècle, correspond à la face orien-tale de la tour Saint-Michel. Sur le côténord de la cour, c’est-à-dire du côté duTarn, face à la porte d’entrée, se dresse lebâtiment connu, depuis la fin du XVIIe siècle,sous le nom d’aile des Suffragants. Deuxpetits contreforts hémicylindriques enscandent la façade. L’aile orientale, enfin, estconstituée par un corps de logis forte-ment remanié au XVe

siècle par l’évêque Louisd’Amboise, puis au XVIIe

siècle, par Gaspard deDaillon du Lude qui yappuya une galerie detrois travées aux arcadesclassiques. En ressortant de la cour,et en se retournant aprèsavoir franchi la porte, onpeut contempler la façademéridionale du palais,qui en est la partie la plusancienne. Elle se composede l’est vers l’ouest d’uncorps de logis rectangu-laire surmonté de deuxtourelles d’angle enencorbellement, d’unmassif carré, souched’une ancienne tour, danslequel s’ouvre actuellementla porte d’entrée du

Palais de la berbie,cour d’honneur© Ville d’Albi

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page2

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page3

musée Toulouse-Lautrec, de la courtinedans laquelle s’ouvre la porte d’accès à lacour ; enfin vers l’ouest et en retrait parrapport à la courtine, d’une tour flanquéede contreforts hémicylindriques, la tourSaint-Michel.

Les travaux de Durand de BeaucaireLe corps de logis constitué par un bâtimentrectan-gulaire et la souche de plan carréd’une ancienne tour furent entrepris parDurand de Beaucaire vers la fin de sonépiscopat (1252), c’est-à-dire au momentmême où les rapports se tendaient à l’ex-trême entre l’évêque et le sénéchal deCarcassonne. Ce prélat éprouva le besoind’avoir une résidence lui appartenant enpropre. Celle-ci, relativement mo-deste, se composa d’un corps de ogis rec-tangulaire auquel fut appuyée une hautetour aujourd’hui découronnée. Le corpsde logis se composait de trois sallessuperposées, charpentées, éclairées pardes fenêtres en plein cintre. Au dernierétage était la chapelle, dédiée à Notre-Dame ; à l’étage noble, l’aula, salle réser-vée aux cérémonies officielles ; au rez-de-chaussée, une réserve ou une cavesemi-enterrée.À côté se trouvait la tour qui manifestaitla réalité du pouvoir épiscopal au sein dela ville et dans laquelle logeait vraisem-blablement l’évêque. Cette tour, dans saplus grande hauteur, que l’on connaît pardes gravures du XVIIe siècle, dut compterau moins quatre niveaux dont certainsétaient sans doute voûtés, comme l’at-teste la présence de la voûte sur croiséed’ogives que l’on y voit encore aujour-d’hui. Cet ensemble ne fut pas terminépar Durand de Beaucaire qui mourut en1254, mais par son successeur Bernard deCombret qui prit le parti de voûter lessalles construites par son prédécesseur

et de réduire à deux le nombre d’étagesdu corps de logis. Ce voûtement entraînala fermeture des fenêtres primitives enplein cintre que l’on distingue encore àdifférents niveaux sur le mur sud. Enmême temps, la tour, laissée sans douteinachevée par Durand, était terminée. Ce dernier avait également réaménagéles maisons que lui avaient cédées leschanoines et qui étaient connues au XIVe

Palais de la berbie,tour Saint-Michel© Ville d’Albi

Le Palais de la Berbie

Palais de la Berbie, plan 1

a - Porte d’accès à la cour d’hon-neur

b - Cour d’honneur(ancienne plathea Palatii)

c - Tour Saint-Michel(ancienne Bisbia Vielha)

d - Tour Sainte-Catherinee - Aile des Suffragantsf - Aile d’Amboiseg - Portique de Mgr de Daillon du

Ludeh - Logis de Durand

de Beaucairei - Tour de Durandde Beaucaire

j - Courtine de Bernardde Combret

k - Rampe d’accès au jardin

l - Éperon à becm - Courtine de Bernard

de Castanetn - Tour de la rivièreo - Courtine du XIVe sièclep - Tour de Dionysosq - Courtine du XIVe siècler - Tour de la Bibliothèques - Courtine de Bernard

de Castanett - Tour de l’Octogoneu - Courtine de Bernard

de Castanet v - Tour d’Amboise

ou du Salon carréw - Terrassex - Contre-Terrassey - Jardin

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page4

Le Palais de la Berbie

siècle sous le nom évocateur de BisbiaVielha, c’est-à-dire « ancien évêché ». Lesrestes de celles-ci sont encore visiblesdans les parties basses de la tour Saint-Michel où apparaissent des fenêtres enplein cintre murées, identiques à cellesde l’aula primitive.

L’œuvre de Bernard de CombretBernard de Combret fut le premier à sup-porter la pression conjuguée des préten-tions royales et des revendications popu-laires. Les deux bâtiments de Durand deBeaucaire, isolés l’un de l’autre par 25mètres environ, ne lui permettaient pasde se sentir en sécurité. Les étages plan-chéiés pouvaient être incendiés en casd’attaque. Il fallait renforcer les défensesde ces maisons épiscopales, comme on lesappelait encore, pour en faire un ensemblecohérent et unitaire. Bernard de Combret

fit donc voûter toutes les partiesconstruites ou réparées par Durand deBeaucaire et surtout il transforma larésidence de l’évêque en une authen-tique forteresse. Ses travaux portèrentsur trois points : - il tendit d’abord, entre la Bisbia Vielhaet la nouvelle tour construite par Durandde Beaucaire, une courtine dans laquellefut ménagée la porte d’entrée du palais.L’aspect fortifié de cette dernière, équi-pée d’un assommoir, surmontée de lachambre de la herse et flanquée de deuxcontreforts dont un abrite un escalier àvis, est assez révélateur des intentionsdéfensives de l’évêque ;- il fit ensuite surélever la Bisbia Vielhadont toutes les sallesfurent voûtées surcroisées d’ogives. Àl’extérieur, il en ren-força les murs pardes contreforts semi-cylindriques dontcelui du milieu vinten partie obturer lesfenêtres antérieuresdatant de Durandde Beaucaire. Il lançaentre ceux-ci des arcsqui pouvaient fairefonction de mâchi-coulis. Ces travaux,les mieux conservésdes constructions deBernard de Combret,montrent l’appari-tion des contrefortshémicylindriques,nouveauté appeléeà des développementsconsidérables dansla deuxième moitiédu XIIIe siècle et au

Palais de la Berbie, plan 2,les travaux de Durand de Beaucaire

Palais de la Berbie, plan 3,l’œuvre de Bernard de Combret

Travaux de Durand de Beaucaire

Travaux de Bernard de Combret

Travaux de Bernard de Castanet

Travaux du XIVe siècle

Post-médiéval

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page5

début du XIVe siècle, tant dans les agran-dissements ultérieurs du palais que dansla cathédrale elle-même ; - Il continua en faisant construire, aunord, le long du rempart, le corps de logisqui prit au XVIIe siècle le nom d’aile desSuffragants. Les fenêtres et les partiessupérieures en ont été fortement rema-niées aux XVIe et XVIIIe siècles, maissubsistent encore deux salles inférieuressuperposées, voûtées sur croisées d’ogives.Celles-ci étonnent par leur ampleur (25 x7,60 m), leur unité de conception et leurmajesté. L’une d’entre elles fut sansdoute destinée à remplacer l’aulaprimitivede Durand de Beaucaire, jugée trop petitepar le nouvel évêque. Enfin Bernard de Combret éprouva lebesoin de construire une courtine à l’estpour fermer cet ensemble et se mettre àl’abri de toute surprise. Il ne reste rien decette dernière, car la construction de l’ai-le d’Amboise à la fin du XVe siècle en afait disparaître les vestiges. Mais à samort en 1271, Bernard de Combretlaissait un palais imposant, pratique-ment terminé, protégé, organisé au-tourd’une cour dont l’aile nord s’appuyait aurempart de la ville et dont l’habitationprincipale se trouvait dans une puissantetour située à l’ouest, au point le plus éloi-gné de la ville.

Les constructions deBernard de CastanetNul besoin donc, pourson successeur, de lemodifier ou de l’agrandir.C’était mal connaître lecaractère impérieux deBernard de Castanet.Sur de son bon droit, fer-mement résolu à le fairerespecter par qui que ce

fût, roi compris, cetévêque, lorsqu’il arrivasur le trône épiscopalalbigeois en 1277, décidade faire valoir ses droitset de récupérer son pou-voir. Mais, conscient desdifficultés qui allaienten découler, il résolut dese mettre rapidement àl’abri dans une forteres-se imprenable dont lestravaux furent à la foisconsidérables et gran-dioses.À l’œuvre de Bernard deCombret, il ajouta latour Sainte-Catherine,véritable donjon qu’ilcolla au flanc nord de latour Saint-Michel. Pourmieux la contempler, ilfaut descendre par unerampe vers les jardins etles remparts médiévaux qui les protègent.On atteint un énorme bastion circulaireà éperon, puis, par le chemin de rondeoccidental, la tour de la Rivière dont lavoûte à six compartiments est timbréeaux armes de Bernard de Castanet. Decette tour, on se rend en passant sur une

courtine du XIVe siècle jusqu’à latour dite de Dionysos. C’est de

celle-ci que l’on apprécie lemieux la construction dupalais sur son flanc nord. La tour Sainte-Catheriney apparaît malgré lesmutilations et les amé-nagements qu’elle a subisau cours des siècles,comme une écrasante

masse de brique. Ce donjon,de plan barlong, était flanqué

courtine de Bernard deCastanet, façade est© Ville d’Albi

Palais de la berbie, tour Saint-Michel© Ville d’Albi

Palais de la berbie,tour Saint-Michel© Ville d’Albi

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page6

Le Palais de la Berbie

aux angles d’énormes tours talutées autiers de leur hauteur, entièrement pleinesà l’exception de celle du nord-est, épaissede sept mètres à la base et construite enbriques appareillées. À chaque étage, lessalles étaient voûtées sur croisées d’ogivesaux profils fortement brisés comme l’attes-tent encore les restes de l’une d’entreelles qu’on tenta de détruire à une dateinconnue. Des arcs en tiers-points trèsaigus, datant de la fin du XIIIe siècle oudu début du XIVe siècle, y sont encore visibles,révélant ainsi les caractères architectu-raux des constructions de Bernard deCastanet. L’édification de la tour Sainte-Catherine entraîna la surélévation de latour Saint-Michel dans la partie supérieurede laquelle fut fondée une deuxième cha-pelle dédiée à l’archange. Les autres travaux de Bernard de Castanetportèrent essentiellement sur la partieseptentrionale du palais épiscopal. Sur leflanc nord de l’aile des Suffragants, il fitajouter trois énormes contreforts quifurent tronqués au XVIIe siècle par Mgr LeGoux de la Berchère pour y aménager laterrasse d’agrément que l’on voit encorede nos jours1. Bernard de Castanet lesavait fait construire pour un desseintout différent, essentiellement défensif,pour supporter des mâchicoulis à arcsdestinés à protéger le palais sur ce flanc.Un double souci le poussa également àconstruire les courtines et les toursembrassant la basse-cour. Outre la pro-tection avancée du palais qu’elles per-mettaient sur son flanc nord, ellesoffraient l’avantage d’interrompre le tracédu rempart de la ville et de s’en approprierune partie afin d’avoir dans celui-ci uneissue personnelle, indépendante de lajuridiction des consuls de la ville devenusses ennemis. Il fut donc à l’origine de laconstruction, à l’est, des tours d’Amboise

et de l’Octogone ainsi que des courtinesles reliant ; à l’ouest, de la tour de laRivière, de l’éperon à bec, de la courtineles reliant l’une à l’autre, ainsi que de lacourtine aujourd’hui transformée enrampe reliant l’éperon à bec à la tourMage. Toute cette partie, construite avecle même soin et les mêmes procédés quela tour Sainte-Catherine, présente uncaractère militaire identique. Ce fut plustard, au cours du XIVe siècle, qu’un suc-cesseur de Bernard de Castanet lança lacourtine entre la tour de la Rivière etla tour de l’Octogone et rajouta la tourde Dionysos, fermant ainsi définitive-ment la basse-cour au nord et mettant lepalais à l’abri de toute tentative venantde l’extérieur.

1 - Le quatrième contrefort, à l’est, est l’œuvre de l’architecte diocésain César Daly qui le construisit au XIXe siècle pour ouvrir sur les jardins lachambre à coucher de l’évêque de l’époque, Mgr de Jerphanion.

Palais de la Berbie,côté nord© Ville d’Albi

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page7

Les transformations de la périodeclassique et les aménagements intérieursCette courtine du XIVe siècle porte lestraces de remaniements importantseffectués aux XVIIe et XVIIIe siècles par lesévêques d’Albi. En effet, entre la tour de laRivière et la tour de Dionysos, la courtinefut transformée par Mgr Charles Le Gouxde la Berchère en une galerie surmontéed’un promenoir permettant de jouir duspectacle offert, d’un côté, par le Tarn, del’autre, par les jardins aménagés à cetteoccasion. En effet, les jardins tels qu’ils sevoient aujourd’hui sont le fruit de latransformation, entre 1687 et 1703, de l’an-cienne basse-cour du palais en un lieud’agrément. Trois étages y furent ména-gés : la terrasse haute, la contre-terrasseet les jardins proprement dits dans la partiela plus basse. À la fin du XVIIIe siècle, Mgr

de Stainville, frère de Choiseul, fit ajoutersur le promenoir les statues de marbre qu’ony voit encore, représentant les saisons.Dans un même but d’agrément, ces prélatsfirent tronquer les énormes contrefortsdu flanc nord de l’aile des Suffragants etutilisèrent les tours-contreforts talutéesde la tour Sainte-Catherine pour installerde grandes terrasses destinées à ouvrirvers les jardins les salles de cette partiedu palais réaménagées à l’occasion. Depuis la courtine longeant le Tarn, onremonte, par une courte volée d’escalierssur la terrasse haute, à l’est, pour y retrouverles restes de remparts médiévaux et destours du XIIIe siècle, dont les tours del’Octogone et d’Amboise. Par la porte percéedans le corps de logis fermant la terrasseau sud, on retrouve la cour d’honneur. Lescouronnements dans leur état actuel sontle fruit de remaniements survenus auxXVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Rien ne nous aété conservé du Moyen Âge, mais les textesviennent ici au secours de l’archéologue.

En effet, au début du XIVe siècle, au coursd’un procès contre Bernard de Castanet,des renseignements indirects sont donnéssur le palais. C’est ainsi qu’un texte nouspermet de savoir que les murs de la tourSaint-Michel s’achevaient vers le haut parun crénelage et il y a fort à parier qu’il enétait de même pour la plupart des autresparties du palais. Nous sommes renseignés sur les disposi-tions intérieures du palais médiéval parles témoignages consignés lors de ceprocès ainsi que par les inventaires aprèsdécès de deux évêques du XIVe siècle, Pierrede Via et Jean de Saye : la chambre à coucherde Bernard de Castanet se trouvait au moinsau troisième étage de la tour Sainte-Catherine, sa fenêtre donnait sur la courd’honneur et le volet qui la fermait étaitde couleur verte. On apprend également queBernard de Castanet et ses successeurslogeaient essentiellement dans la tourSainte-Catherine, où il y avait une salle deparement, la chambre à coucher, une garde-robe et une salle appelée reyrecambra.

Par ailleurs, la partie inférieure de latour Saint-Michel abritait la prison del’Inquisition et il est probable qu’une dessalles de cette tour était utilisée par le tri-bunal de cette institution. Au-dessusse trouvait la chapelle Saint-Michel. La plus grande partie de ces dispositions,qui restèrent invisibles au visiteur du XXe

siècle, sont désormais accessibles grâceaux aménagements en cours. En effet, lesdeux belles salles construites par Bernardde Combret dans la partie inférieure del’aile des Suffragants avec leurs beauxvolumes, couvertes de voûtes d’ogives,ont reçu de nouvelles affectations, visiblespar le public ; il en va de même de la partiebasse de la tour Saint-Michel, l’ancienne BisbiaVielha, devenue prison de l’Inquisition

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page8

Le Palais de la Berbie

puis réserve du musée. Elle offre auregard un magnifique espace, très élevé,couvert de voûtes d’ogives reposant surdes colonnettes s’arrêtant à leur tour surdes culots. On y retrouve les caractèresarchitecturaux de la construction deBernard de Castanet : croisée d’ogivesmontant très haut, arcs formerets forte-ment brisés, retombées sur des colon-nettes qui s’amortissent sur des culots.Les salles du premier étage de la tourSainte-Catherine sont visibles, mais entiè-rement badigeonnées. Elles abritent unepartie des collections du musée. Les travaux en cours ont permis de fairequelques découvertes d’importance dansle bâtiment. Ainsi, le puits qui alimenta lechantier puis le palais a été retrouvé sousla cour d’honneur, de même que le fourdans lequel on fit cuire les briques desti-nées au chantier. Mais la découverte laplus intéressante est sans nul doute cellequi a amené la mise au jour, au sommetoriental de la courtine méridionale et au-dessus du dernier étage conservé aprèsl’arasement au XVIIe siècle de la turris deDurand de Beaucaire, d’un pavementmédiéval d’une superficie exceptionnelledans le Midi de la France. Celui-ci, datantde la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe

siècle utilise deux types de carreaux :pour les bordures des carreaux ocre-rouge de13 x 13 cm estampés de motifs divers decouleur jaune, les autres, jaune et noir, de4,5 x 6,5 cm, aniconiques. Ces pavementssont semblables à ceux dont on connais-sait déjà l’existence et qui recouvraient lesol de la salle située au-dessus de la cha-pelle Notre-Dame. À l’occasion de ces travaux, les niveauxprimitifs furent détruits et la tour futdécouronnée sur une hauteur importante.L’étage noble du corps de logis construitpar Durand de Beaucaire est

toujours occupé par la chapelle Notre-Dame. Les voûtes sur croisée d’ogivesconstruites par Bernard de Combret peu-vent y être encore admirées, décorées depeintures du XIXe siècle. Aux murs sontvisibles des tableaux commandés aupeintre Rousselet par Mgr Le Goux de laBerchère au cours de son épiscopat (1687-1703). À la fin du XVe siècle l’évêque, Louisd’Amboise remania l’aile orientale dupalais afin d’y aménager des salles d’ap-parat. En cours de réaménagement àl’heure actuelle, elles permettent d’admi-rer deux belles cheminées du XVe siècle.L’aspect de ce corps de logis fut transfor-mé par Louis d’Amboise quiinstalla des lucarnes dansdes toitures à la françaisecouvertes d’ardoise, rom-pant ainsi avec les créne-lages de l’époque médiéva-le et rappelant une façadede château de la Loire.Mgr Gaspard de Daillon duLude doubla en largeur lecorps de logis et aménageaau premier étage une salleà manger appelée « Salondoré » et un salon deréception dit « salle de laCroix », décorés tous deuxpar les soins du peintreCoupelet. Enfin dans lesétages supérieurs de l’ailedes Suffragants les dispo-sitions médiévales ont ététransformées parMgr Hyacinthe Serroni auXVIIe siècle en grandessalles de réception et d’ap-parat qui abritent aujour-d’hui une partie des collec-tions du musée.

Ill. 25 : palais de la Berbie

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page9

Les caractères architecturaux de laBerbieAinsi, commencé par Durand deBeaucaire au milieu du XIIIe siècle, lepalais épiscopal de la Berbie a connu sesheures de gloire sous les épiscopats deBernard de Combret et de Bernard deCastanet dans la deuxième moitié du XIIIe

siècle. Les caractères de son architecturesont d’une grande originalité. L’emploi decontreforts hémicylindriques, pleins ouévidés, en aussi grand nombre, est un pre-mier sujet d’étonnement, le caractèreanachronique de la forteresse en estun second. Le plan révèle en effet desmurs énormes, l’élévation, de hautesparois aveugles, défendues par des arcs-mâchicoulis et des créneaux. La défensequi s’exerce du haut des tours et s’appuiesur des murs massifs est une défensepassive. On pourrait qualifier cetteforteresse d’archaïque pour l’époque desa construction, si l’on ne tenait comptede cet élément capital que constitue lematériau employé : la brique. Au choc,celle-ci ne transmet pas de vibrations aumur et au point d’impact, elle s’écrasesans que la paroi soit ébranlée. Parailleurs, l’épaisseur des murs de la Berbieest une garantie de stabilité supplémen-taire en même temps qu’une défense sanspareille contre la sape. En effet, la briqueuse prématurément les outils et étantdonné que la construction de murs entiè-rement appareillés en brique parfois sursept mètres d’épaisseur, ne laisse aucuneplace à un quelconque blocage, la tâchedes sapeurs s’en trouve considérablementaccrue. Ces caractères architecturaux contras-tent avec ceux des grandes constructionscontemporaines du Midi de la France. Eneffet, au moment où Bernard de Combretet Bernard de Castanet font édifier laBerbie, saint Louis, Philippe III et Philippe

IV font construire Aigues–Mortes, Carcas-sonne et les forteresses des Corbièrestournées contre l’Aragon. Or, il est éton-nant de constater l’opposition de styleentre les constructions de Carcassonneet celles d’Albi. D’un côté, toutes les tech-niques des ingénieurs du roi, toute la qua-lité d’un appareil soigné, tous les organesde défense d’une fortification moderne ;de l’autre, la fortification traditionnelle etl’emploi d’un matériau inhabituel. Les prélats albigeois, en refusant lesmodèles royaux, manifestèrent double-ment leur indépendance à travers laconstruction de la Berbie. C’est aux archi-tectes de Bernard de Combret que revintle mérite de proposer des solutions origi-nales, en partie enracinées dans les tradi-tions locales. C’est à Bernard de Castanetque l’architecture, élaborée sous son pré-décesseur dut d’atteindre l’ampleur, lagrandeur, voire la démesure. Ces deuxévêques avaient souhaité se mettre àl’abri, ils y ont réussi. Il suffit pour s’en

Palais de la Berbie, côté Sud© Ville d’Albi

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page10

Palais de la Berbie, coupe, relevé de Hardy, 1880

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page11

Palais de la Berbie, coupe, relevé de Hardy, 1880

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page12

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page13

Le Palais de la Berbie

convaincre de regarder depuis la courd’honneur le sommet de la tour Mage. Onéprouve alors devant cette masse aveugleune impression oppressante de puissanceet d’écrasement qui dut saisir aux XIVe etXVe siècles tous les routiers de la guerrede Cent Ans, qui jamais n’osèrent s’atta-quer à cette formidable construction,absolument unique en son genre.

Les jardins de la BerbieFruits de la volonté du premier arche-vêque d’Albi, Hyacinthe Serroni, les deuxterrasses et le jardin « classique » dupalais de la Berbie virent le jour à la fin duXVIIe siècle et orientèrent la vie du palaisvers les rives du Tarn et ses perspectives,traduisant le goût pour la nature et le pit-toresque qui se répandait à cette époque.Entretenu jour après jour, ce jardin estmis en scène tous les ans selon un thèmede création décliné également sur l’en-

semble de la ville. Au sud, le jardin de bro-deries, véritable travail d’orfèvre,témoigne de soins attentifs et derecherches qui ont permis de lui restituertout son cachet et sa splendeur d’antan.Le « tout à la main » (arrosage, taille, net-toyage, harmonie des volumes et des cou-leurs) est imposé par la configuration dusite, mais aussi par la volonté d’unerecherche de qualité et de finition quemérite ce patrimoine végétal.

palais de la Berbie, lucarne de l’aile d’Amboise © Ville d’Albi

Ill. 26 : tour MageLes jardins de la Berbie© Ville d’Albi

Palais_Unesco p021-118 11/05/11 12:15 Page14