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TRIMESTRIEL N°52 – AVRIL/MAI/JUIN 2012 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130 palestine BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624 SOMMAIRE DOSSIER Judaïsation de la terre > 3 – 11 La déportation des prisonniers > 12 Blackout à Gaza > 14 Un médicament TEVA ? Non merci ! > 18 Action TEVA > 23 Les manifestations pour les droits des prisonniers palestiniens se sont succédées tout au long des mois d’avril et de mai. Voir édito en page 2 et article sur la déportation des prisonniers en page 12. © Fredo Bahd

Palestine n°52

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Bulletin trimestriel de l'Association Belgo-Palestinienne - avril-mai-juin 2012

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TRIMESTRIEL N°52 – AVRIL/MAI/JUIN 2012 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

palestineBULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL

Belgique/BelgiëP.P.

Bruxelles X1/1624

SOMMAIREDOSSIER Judaïsation de la terre > 3 – 11La déportation des prisonniers > 12Blackout à Gaza > 14Un médicament TEVA ? Non merci ! > 18Action TEVA > 23

Les manifestations pour les droits des prisonniers palestiniens se sont succédées tout au long des mois d’avril et de mai.

Voir édito en page 2 et article sur la déportation des prisonniers en page 12.

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Depuis le 17 avril, 2000 prisonniers ont entamé une grève de lafaim au finish pour la fin de l’isolement et du confinement solitaire,la fin de la détention administrative, le droit aux visites familialespour tous les prisonniers, y compris ceux de Gaza et l’accès àl’éducation et à l’information.

Deux prisonniers, Bilal Diab (27 ans) et Taer Halaleh (33 ans), engrève de la faim au finish depuis le 29 février pour protestercontre leur détention administrative abusive, sont dans un étatcritique. Six autres sont également dans un état alarmant au jourd’aujourd’hui (11 mai 2012) : Hassan Safadi, Omar Abu Shalal,Mohammad Taj, Jaafar Azzedine, Mahmoud Sarsak, Abdullah Barghouti. Pourtant, la Haute Cour a rejeté l’appel de Bilal et Taerjugeant que « les grèves de la faim n’étaient pas un moyen perti-nent pour décider de la longueur de la détention administrative». En réponse, l’administration des prisons a décidé de sanction-ner les grévistes. Certains sont transférés, d’autres sont mis enisolement, d’autres encore se sont vu infliger des amendes parjour de grève, quelques-uns se sont vu confisquer leurs effetspersonnels (dont les couvertures) et d’autres enfin ont été enfer-més dans des containers dans le Néguev où l’écart des tempé-ratures entre le jour et la nuit est extrême. Dans beaucoup delieux de détention, le sel nécessaire contre la déshydratation a été purement et simplement confisqué. La visite de médecinsindépendants est interdite et – comble du cynisme– les grévistesqui ne peuvent plus se lever ne peuvent rencontrer leur avocat !

Si Richard Falk, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits del’Homme dans les Territoires palestiniens occupés, s’est ditécœuré par les violations continuelles des droits de l’Hommedans les prisons israéliennes, ce n’est que tout dernièrement quel’UE s’est fendue d’un communiqué qui n’a rien de téméraire etqui n’est assorti, bien entendu, d’aucune mesure concrète.

Quant à nos médias, ils restent terriblement muets là-dessus.Comme le souligne Alain Gresh, si les 2000 prisonniers étaientrusses ou chinois, cela ferait les gros titres de la presse. Mais ici,pour pasticher une chanson de Jean Ferrat, on voit les prison-niers « crier dans un monde immobile ».

Cette grève de la faim est une grève de la dignité; c’est une formede résistance ultime qui ressoude la solidarité entre Palestiniens.Les prisonniers combattent l’occupant israélien sur le terrain desdroits de l’Homme : où passent donc les défenseurs acharnésde ces droits dès lors qu’il s’agit de la Palestine ? N’hésitez doncpas à interpeller tant notre ministre des Affaires étrangères queles parlementaires belges et européens pour qu’ils et elles inter-viennent afin que cessent les détentions arbitraires et que lesdroits des prisonniers, les Conventions de Genève et les pres-crits du CICR soient enfin respectés.

palestine no 52Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche,

Nadia Farkh, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri,Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre,

Hocine Ouazraf, Nathalie Janne d’Othée.Association belgo-palestnienne / Wallonie-Bruxelles asbl

Siège social rue Stévin, 115 à 1000 BruxellesSecrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles

tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / [email protected]

IBAN BE30 0012 6039 9711 / BIC GE BABE BBGraphisme Dominique Hambye & Élise Debouny

DANS LE SILENCE ASSOURDISSANT DES MÉDIAS, 2000 PRISONNIERS

PALESTINIENS FONTla grève de la faim

par Pierre Galand, Président

palestine 02 ÉDITO

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palestine 03 DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

LA POLITIQUEFONCIÈRE DISCRIMINATOIRE

d’Israël

Ce dossier consacré à la politique foncière d’Israël montre au travers de trois exemples en quoi cette dernière est discriminatoire. Elle a pour objectif ultime de vider la terre de ses habitants « non-juifs » etcela à travers d’instruments aussi divers que le Plan Prawer de relocalisation des Bédouins du Néguev(pages 3 à 6), le Fonds National Juif actif depuis les premiers temps de la colonisation juive en Palestine(pages 7-9) ou encore au nom de la défense de l’environnement comme à Issawiya (pages 10 et 11). Cette politique d’accaparement de la terre est menée indistinctement des deux côtés de la Ligne verte.

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Après leur transfert et jusqu’en 1966, les citoyens bédouins d’Israëlont été soumis à une règlementation militaire sévère; leur liberté demouvements était limitée et ils se sont vu refuser tous les droits poli-tiques, sociaux et économiques fondamentaux. Mais, même aprèscela, à la fin des années 1960, de nombreux décideurs israélienscontinuaient à considérer les Bédouins vivant dans le Siyag commetoujours menaçants et occupant trop de terres; de ce fait, malgré la délocalisation réalisée dans les années 1950, l’État a décidé dechercher une meilleure solution au « problème bédouin ».

L’objectif était de concentrer la population bédouine dans des espacessemi-urbains qui finiraient par ne comprendre qu’un infime pourcen-tage de leurs terres tribales d’origine. Plusieurs années durant, les responsables gouvernementaux se sont réunis avec les chefs bédouinset ont conclu des accords avec plusieurs d’entre eux. Par un processusgraduel, s’étendant sur environ 20 ans, sept villes ont été créées – Tel-Sheva, Rahat, Segev Shalom, Kusaife, Lqya, Hura et Ar’ara.

Dans certains cas, les Bédouins vivaient déjà là où la ville a étéconstruite, mais la grande majorité des Bédouins a été à nouveautransférée et installée dans ces villes exclusivement bédouines. Certains l’ont fait de leur propre gré, tandis que d’autres y ont été forcés. Le prix que la plupart des familles ont dû payer pour leur propre déplacement était lourd : renoncer à leur droit à de larges portions de leurs terres et abandonner leur mode de vie rural.

Durant plusieurs années après l’édification de chacune de ces villes,les Bédouins n’ont pas été autorisés à procéder à des élections démocratiques et leurs municipalités étaient dirigées par des fonctionnaires juifs du ministère de l’Intérieur. Les villes se sont aussirapidement transformées en « townships » surpeuplés, avec des in-frastructures délabrées et guère d’opportunités d’emploi. Aujourd’hui,les sept townships, qui sont le foyer d’environ 135000 personnes, sontclassés «un» sur l’échelle socio-économique israélienne de un (le plus faible) à dix (le plus élevé) et sont caractérisés par un taux de chômage élevé, un taux de natalité élevé et des établissementsd’enseignement de troisième ordre.

Ehud Prawer est le directeur de la Division des politiques de la planifi-cation au cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Prawer aassumé cette fonction après avoir servi comme directeur adjoint duConseil national de sécurité d’Israël. Son mandat consiste à mettre enœuvre les décisions de la Commission Goldberg pour l’organisation dela population arabe dans le Néguev, en offrant une «solution concrète»au problème des 45 villages bédouins non reconnus de la région.

Environ 70000 personnes vivent actuellement dans ces villages auxquels il est interdit, de par la loi, de connecter n’importe laquelle de leurs maisons aux réseaux d’électricité, à l’eau courante ou auxsystèmes d’égouts. Les règlements sur la construction sont aussi durement appliqués et cette dernière année seulement, environ 1000maisons bédouines et enclos d’animaux – généralement désignés parle gouvernement comme de simples «structures» – ont été démolis.Il n’y a pas de routes pavées dans ces villages et il est illégal de pla-cer à proximité des autoroutes des panneaux indiquant la localisationdu village. Consulter une carte ne servira pas plus puisque aucun de ces villages n’est référencé. Géographiquement, du moins, ces ci-toyens d’Israël n’existent pas.

HISTOIRELa relation entre l’État et les Bédouins est problématique depuis toujours. Avant la création de l’État d’Israël, environ 70000 Bédouinsvivaient dans le Néguev. Dès après la guerre de 1948, cependant,seuls plus ou moins 12000 d’entre eux y sont demeurés, tandis queles autres fuyaient ou étaient expulsés vers la Jordanie et l’Égypte.

Sur les instructions du premier Premier ministre d’Israël, David Ben-Gourion, un grand nombre des Bédouins restants ont été arrachésdes terres qu’ils avaient habitées pendant des générations et ont étéregroupés dans la région, en grande partie stérile, située au nord-estdu Néguev et connue sous le nom de zone Siyag (clôture). Cette zonecomprend un million de dunums [un dunum = 1000 m2] ou un peumoins de dix pour cent du territoire du Néguev. Grâce à ce processusde réinstallation forcée, la majeure part des terres les plus fertiles duNéguev ont été débarrassées de leurs résidents arabes et remises à de nouveaux kibboutzim et moshavim, des communautés juivesagricoles, qui profitèrent pleinement de la richesse des sols.

palestine 04 DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

Les plans de déplacement de communautés rurales entières dans des cantons semi-urbains les priveraient de leursmoyens traditionnels de subsistance et de leurs droits à la terre.

Le Plan Prawer POUR LE DÉRACINEMENTDE 30000 BÉDOUINS

par Neve Gordon – traduction NJO

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Après des années d’indécision, le gouvernement a nommé Prawerpour essayer, encore une fois, de résoudre le « problème bédouin »une fois pour toutes. Son mandat consiste à déplacer les Bédouins quiavaient été réticents à céder légalement leurs droits de propriété etqui étaient restés dans les villages non reconnus. La justification dugouvernement pour ne pas reconnaître ces villages, c’est qu’ils sontrelativement petits (allant de quelques centaines à plusieurs milliersde personnes) et sont dispersés sur une vaste zone, tout ce qui renddifficile, de l’avis du gouvernement, de leur fournir des infrastructuressatisfaisantes. Au nom de la modernisation, enfin, le gouvernementveut concentrer les Bédouins dans un petit nombre de villes.

LES BÉDOUINS COMME UNE MENACEAlors qu’il élaborait son plan, Ehud Prawer a rencontré de nombreuxBédouins afin de comprendre les problèmes complexes qui se posent lorsqu’on essaie de fournir une solution aux villages non reconnus. Des années de service au sein de l’institution pour la sécurité d’Israël l’ont cependant amené à considérer les Bédouinsmoins comme porteurs individuels de droits que comme un risquenational qui doit être endigué.

Travaillent en étroite collaboration avec Prawer quelques personnesqui, comme lui, faisaient partie, de nombreuses années durant, d’undes piliers de la sécurité d’Israël. Son bras droit, Doron Almog, est ungénéral militaire à la retraite tandis que Yehuda Bachar, président dela Direction de la coordination des activités du gouvernement et des Bédouins dans le Néguev, était un officier supérieur de la policed’Israël. Ce n’est pas un hasard si, avant de soumettre le plan au gouvernement, Prawer a demandé à Yaakov Amidror, le directeur duConseil national de sécurité, son approbation.

Le fait que le vécu de la quasi-totalité des personnes chargées de trou-ver une solution pour les Bédouins non reconnus tourne autour desquestions de sécurité n’est pas une question mineure car pour eux, lesBédouins sont d’abord et avant tout une menace interne. Le « problèmedes Bédouins » n’a, en conséquence, que peu à voir avec la questiondes droits mais beaucoup plus avec la gestion des risques.

ALGORITHME DE L’EXPROPRIATIONCurieusement, le plan Prawer rédigé et le projet de loi fondé sur leplan n’ont pas vraiment résolu les problèmes de ces villages.

«Si l’État est si formel dans sa décision de ne pas reconnaître les villages à leur emplacement actuel, j’aurais du moins attendu que Prawer établisse clairement que le gouvernement construira un certainnombre de villages et de villes pour les Bédouins, qu’il précise exactement où ils seront situés et qu’il promette qu’ils seront planifiésde manière à prendre en compte le style de vie rural des Bédouins»,explique dans une interview Hia Noach, la directrice du Negev Co-existence Forum.

«Au lieu de cela, le plan, qui aura bientôt force de loi, se concentre sur la création d’un algorithme pour diviser la propriété privée chezles Bédouins, tout en discutant en quelques phrases ambiguës de lasolution réelle pour les villages non reconnus. N’est-il pas étrange quele plan de relocalisation des Bédouins ne comprenne pas une carte indiquant où ils seront déplacés?»

L’algorithme de Prawer est un mécanisme extrêmement complexed’expropriation qui prend appui sur l’hypothèse centrale que les Bédouins n’ont pas de droits fonciers. Il est conscient que, dans lesannées 1970, alors qu’Israël relocalisait des Bédouins dans des « townships », environ 3200 Bédouins ont déposé des plaintes auprèsdu ministère de la Justice, revendiquant des droits sur des biens quiavaient appartenu à leur famille depuis des générations.

Prises toutes ensemble, leurs plaintes portent sur plus d’un million etdemi de dunums, dont 971000 se rapportent à des déclararationsconcernant des biens appartenant à des particuliers et le demi-millionde dunums restant à des terres utilisées par les communautés pour le pâturage. Au fil des ans, le ministère de la Justice a rejeté les déclarations relatives aux deux tiers de la terre, ce qui signifie qu’au-jourd’hui, des plaintes en matière de propriété se rapportant à environ550000 dunums, soit quatre pour cent des terres du Néguev, sont tou-jours pendantes.

Le plan de Prawer envisage de régler toutes ces plaintes d’un seulcoup. Curieusement, cependant, son hypothèse sous-jacente est que

L’algorithme de Prawer prend appui sur l’hypothèse centrale

que les Bédouins n’ont pas de droits fonciers.

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palestine 06 DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

VERS OÙ?Hia Noach estime que sur les 550000 dunums existants à la base deréclamations foncières non réglées, environ 100000, soit moins d’unpour cent des terres du Néguev, restera aux mains des Bédouinsaprès la mise en œuvre du plan Prawer. Mais, souligne-t-elle, celan’est qu’une partie du problème. Une autre question centrale a trait àla relocalisation effective. Vers où les Bédouins seront-ils déplacés etvers quel genre d’implantation? Ce sont précisément les questionsauxquelles Ehud Prawer doit encore répondre.

Un détail, devenu de notoriété publique, est que les Bédouins non reconnus seront relocalisés à l’est de la route 40, qui est la région la plus aride du Néguev, située à proximité de la pointe sud de la Cisjordanie occupée. Bien que cette partie du plan Prawer fasse penser à la stratégie de Ben Gourion qui consiste à concentrer les Bédouins à l’intérieur de certains paramètres, afin de libérer des terrespour les Juifs, il y a quelque chose de plus sinistre qui est peut être en jeu. Si jamais il y a un échange de terres, sur la base de un pour un, avec les Palestiniens de Cisjordanie, qu’est-ce qui serait pluscommode pour l’État juif que de remettre une terre aride du Néguev,où se trouvent un grand nombre de Bédouins ?

Indépendamment de ce que les Bédouins pensent de ce schéma, le gouvernement avance avec le plan et a décidé d’allouer 2 milliardsde dollars pour la relocalisation de 70.000 Bédouins. Il s’agit d’ailleursd’un montant plus ou moins équivalent à celui qui a été alloué pour reloger les 8000 colons juifs de la bande de Gaza en 2005. Le gouvernement a également déclaré qu’environ 300 milliards de dollarsseront attribués aux « townships » existants, ce qui indique qu’aumoins certains de ces Bédouins seront déplacés vers ces municipa-lités délabrées.

On ne sait pas comment des gens habitués à vivre de l’agriculture etde l’élevage de moutons joindront les deux bouts une fois qu’ils serontdéplacés de force. Ce n’est pas seulement une préoccupation théo-rique, étant donné que la majorité des Bédouins qui ont déménagédans les sept premières villes n’ont jamais réussi à s’habituer à une vieplus urbaine. On dit que trois villes supplémentaires seront créées,mais si l’histoire a valeur indicative, il est peu probable qu’elles serontmieux adaptées à la forme rurale de vie des Bédouins.

Cet article est premièrement paru sur Al-Jazira. Une version abrégée de l’article est

également parue dans la London Review of Books. Il a été raccourci dans le présent

Bulletin, mais se trouve en version intégrale sur le site de l’ABP.

ces réclamations sont toutes non fondées. À la fin de la décision dugouvernement approuvant le Plan Prawer (Décision 3707, Septembre11, 2011), on lit :

«L’hypothèse de base de l’État au cours des années... c’est qu’à toutle moins, la grande majorité des demandeurs n’a pas de droit reconnuselon les lois de propriété israéliennes sur les terres pour lesquelles ilsont porté plainte... En guise de conclusion, ni la décision du gouver-nement ni le projet de loi qui viendra dans son sillage ne reconnaissentla légitimité des revendications de propriété mais plutôt le contraire–une solution dont l’essence est entièrement gratuite et se fonde surl’hypothèse de l’absence de droits de propriété».

La stratégie est claire : tout leur prendre, obligeant les Bédouins à être reconnaissants pour le moindre morceau rendu. Et c’est ainsi, en effet, que l’algorithme Prawer d’expropriation fonctionne.

Premièrement, seule la terre pour laquelle il y a contestation (ce qui signifie les terres pour lesquelles les familles ont intenté un procès depuis 35 ans) et sur laquelle la famille a à la fois vécu et qu’elle a utilisée (par opposition aux zones de pâturage qui ont été utilisées collectivement) sera compensée par de la terre, mais à un taux de 50pourcent seulement. Ainsi, si quelqu’un dispose de 100 dunums, vivait dessus et y cultivait du blé au cours des trois dernières décen-nies et demie, on lui donnera 50 dunums de terres agricoles. La majeure part de ces nouvelles « terres reconnues» ne sera pas situéesur les terres ancestrales, mais à un endroit décidé par l’État.

Deuxièmement, l’indemnisation en espèces pour les terres qui avaientfait l’objet d’une plainte, mais qui étaient détenues par l’État et n’étaientdonc pas utilisées par les Bédouins, sera uniforme, indépendammentde leur emplacement et de leur fertilité, leur distance ou leur attrait.

Troisièmement, le taux d’indemnité sera d’environ 5000 shekels(1300$) par dunum, une maigre somme étant donné que la moitiéd’un dunum dans un « township » comme Rahat vaut environ 150000shekels. Le coût d’une parcelle est important, puisque les familles devront acheter des parcelles dans les villes. Si un propriétaire foncier bédouin a cinq ou six enfants, au moment où il achète des parcelles pour sa famille, il sera laissé avec peu, voire aucune terre àusage agricole. Enfin, les Bédouins qui ont déposé des plaintes enmatière de foncier et ne s’arrangent pas avec l’État dans les cinq ansperdront tous leurs droits de propriété.

Tout leur prendre, obligeant les Bédouins à être reconnaissants pour le moindre morceau rendu.

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palestine 07 DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

Le Fonds national juif (FNJ) est connu du grand public comme étant une organisation caritative, environnementale ou d’utilité publique, ce qui lui

vaut de jouir d’une excellente réputation. Peu savent que c’est en réalité un organisme para-étatique dont la mission est avant tout politique: agent historique

de colonisation de la Palestine, le FNJ a joué et joue encore un rôle déterminant dans la forme que prend la politique foncière – discriminatoire – israélienne. Le FNJ excelle

dans le « greenwashing »: arbres plantés, parcs récréatifs et centres touristiques sont autant d’outilsqui lui servent à « blanchir » par l’écologie les activités coloniales dans lesquelles il est impliqué.

LE FONDS NATIONAL JUIF

L’ÉCO-BLANCHIMENT QUI CACHE

colonisation,dépossession et discriminations

par Katarzyna Lemanska

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l’année suivante, une convention avec le gouvernement en vertu de laquelle les « terres d’État » seront administrées selon ses principes,à savoir à l’usage exclusif des Juifs. Ce n’est qu’en 2005 que la Coursuprême rend un jugement qui interdit la discrimination dans le chefde l’autorité publique mais aussi du FNJ. Ce dernier va alors réduiresa participation au Conseil d’administration d’ILA afin d’être doréna-vant considéré comme un organisme privé et que le jugement de laCour suprême ne lui soit plus opposable. Et lorsque le gouvernement décide de s’assurer de la présence juive dans une zone, par exempleen Galilée et dans le Néguev, il en transfère la propriété au FNJ quil’administre alors selon ses principes racistes.

L’« ÉCO-BLANCHIMENT » : DES ARBRES PLANTÉS, LES HABITANTS DE VILLES ET VILLAGES DÉRACINÉSUne des plus grandes forêts d’Israël, la forêt Eshta’ol, située à 40kmà l’ouest de Jérusalem, est devenue un lieu de détente populaire pour ses parcs récréatifs. Ses arbres ont été plantés grâce à l’argentrécolté dans les « boîtes bleues » (voir photo page 9), que l’on retrouve chez de nombreuses familles juives. Combien de ces familleset de ceux qui visitent cette forêt savent qu’elle s’étend sur les ruinesdes villages détruits d’Islin, Ishwa, Beit Mashir et Beit Susin ? Les habitants des deux premiers ont été expulsés le 18 juillet 1948 par lesbrigades du Palmah. Les 2600 villageois de Beit Mashir et les 230 ha-bitants de Beit Susin furent, quant à eux, expulsés en mai et avril 1948.Vidés de leurs habitants palestiniens réduits à l’exil, les ruines de cesvillages détruits voire rasés, ont été ensevelies. Chaque arbre planté làdérobe leur histoire, leur culture et efface leur mémoire. Là où il y avaitde la végétation, le FNJ remplace les cultures traditionnelles faites d’oli-viers, manguiers, figuiers, grenadiers,... par une culture non produc-tive de conifères afin de « marquer » le territoire nouvellement occupé.Ce changement va non seulement bouleverser la flore locale mais également rendre le sol, acidifié par les aiguilles, inapte au pâturage.

AUX AVANT-POSTES DE LA COLONISATION, GARANT DU SYSTÈME DE DISCRIMINATIONFondé en 1901 à Bâle lors du 5ème Congrès sioniste, le Fonds national juif ou Keren Kayemeth LeIsrael (KKL) – « fonds pour la créa-tion d’Israël » en hébreu – est l’outil principal de la colonisation de laPalestine. Administré par l’Organisation sioniste mondiale, il va initia-lement permettre de récolter de l’argent pour acheter des terres surlesquelles seront installés les immigrants juifs. Ces terres achetéesdeviennent, selon ses statuts, « propriété perpétuelle du peuple juif ».

À partir des années 20, l’achat de terres s’accélère mais à la fin dumandat britannique, la communauté juive ne possède que 5,8% de laPalestine historique. Trop peu pour Yosef Weitz, en charge du service« colonisation » du FNJ. Avec l’aide des services de renseignement de la Haganah, il se lance dans la réalisation d’un inventaire de chaquevillage de Palestine (situation topographique, état des routes, qualité de la terre, composition socio-politique,...) afin d’en systématiser le processus d’accaparement et de dépossession de leurs habitants.L’adoption du Plan Dalet, en mars 1948, «plan global d’expulsion» selon les termes d’Ilan Pappé, répondra aux attentes de Weitz.

Après 1949, le FNJ se concentre sur la construction de l’État : plansde développement, plantation de forêts, absorption des immigrants,revendication de terres pour l’agriculture, construction d’infrastruc-tures. Parallèlement, il influence la politique foncière israélienne.Lorsque les autorités israéliennes adoptent la « Loi sur la propriété desabsents », qui permet de saisir les propriétés de toute personne absente, une partie des terres ainsi saisies est directement revendueau FNJ. Il possède alors 13% des terres de la Palestine historique.

En 1960, un organisme public chargé de l’Administration des Terresd’Israël (ILA) est créé: 93% de ces terres, y compris les 13% du FNJ,tombent sous sa responsabilité. Comme c’est le FNJ qui désigne lamoitié des membres du Conseil d’administration d’ILA, il joue un rôlemajeur dans la gestion foncière israélienne. Le FNJ signe d’ailleurs,

palestine 08 DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

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En 48, les arbres ont servi à camoufler le nettoyage ethnique. Par lasuite, ils ont été et sont encore utilisés comme outil de dépossession,par exemple dans le village bédouin d’al-Araqib. Sous prétexte d’yplanter une forêt, le village a été démoli plus d’une trentaine de fois. Leprojet gouvernemental dans lequel les destructions s’inscrivent etdans lequel le FNJ a investi 600 millions de dollars, vise à « transférer»de force quelque 30000 Bédouins du désert du Néguev, à les parquer dans 7 « bantoustans » et ainsi judaïser le Néguev.

AU-DELÀ DE LA LIGNE VERTE, HIMNUTA PREND LE RELAISLes activités du FNJ ne s’arrêtent pas à la Ligne verte : il opère en Cisjordanie grâce à sa filiale Himnuta. Il y utilise ses deux techniquesde prédilection, d’une part, planter des arbres : c’est ainsi que le Canada Park, administré par le FNJ Canada, a été créé sur les terreset ruines de villages où vivaient 10000 Palestiniens chassés en 1967;d’autre part, acheter des terres situées dans des zones stratégiques– près de la Ligne verte par exemple, pour pouvoir procéder ensuitefacilement à leur annexion. Le cas de la famille Sumerin, à Silwan, està ce titre emblématique et permet de comprendre le mode opératoiredu FNJ. Lorsque Musa Sumarin décède en 1983, ses trois fils sont à l’étranger. La maison est décrétée «propriété des absents». Les autorités israéliennes en transfèrent la propriété à Himnuta en 1991.Himnuta sous-loue la maison, dans laquelle la famille habitait pourtant avant 1967 et dans laquelle elle vit toujours, à ELAD, puis-sante organisation de colons qui veut désarabiser/judaïser Silwan.Le gouvernement, le FNJ et ELAD coopèrent donc afin de s’assurerque la maison passera et restera aux mains des colons juifs.

LE FNJ DANS LE MONDELes fonds du FNJ proviennent en grande partie de dons récoltés pardes antennes situées à l’étranger. La première fut créée dès 1926 auxÉtats-Unis. Depuis, le FNJ a ouvert des bureaux dans 42 pays dont 16

en Amérique latine et 13 en Europe. Enregistré en tant qu’organisationcaritative, environnementale ou d’intérêt général, il jouit souvent d’unrégime fiscal avantageux. En Grande-Bretagne, les trois derniers chefsd’État, Tony Blair, Gordon Brown et James Cameron, ont été consacrés« bienfaiteurs honoraires» du FNJ. Cameron a dû finalement renoncerà cette « distinction » suite à une campagne menée par des militants britanniques. Tony Blair, l’actuel représentant du Quartetporte toujours ce titre.

En Belgique, le FNJ est enregistré depuis 1938 en tant qu’ASBL. Il subventionne à la fois des projets qui font partie des activités habituelles du FNJ : plantations de bosquets, construction de réser-voirs d’eau,.. et des projets spécifiques : la maison mère, située à Jérusalem, propose une liste de projets parmi lesquels les filiales fontleur choix et pour lesquels elles récoltent des fonds. Le FNJ a ainsichoisi de subventionner un projet de serres dans le désert du Néguev– infrastructures et recherche agricole. D’autres initiatives, destinées àrenforcer les liens entre la Belgique et Israël, ont également été misesen œuvre: c’est ainsi que les rois Albert 1er, Albert II et Baudouin et lareine Élizabeth ont vu chacun leur nom donné à une forêt. En 2005,Didier Reynders a planté un olivier dans la forêt du FNJ située à NeveIlan, au pied du monument érigé en mémoire de Jean Gol. Plus récemment, en visite officielle en Israël, l’ancien premier ministre YvesLeterme a, à la demande du Fonds national juif, planté un arbre sur leMont Herzl à Jérusalem et a déclaré que le travail de celui-ci était unmodèle à suivre pour les organisations environnementales belges.

Il y a donc un grand travail de sensibilisation à réaliser, tant en directiondes citoyens que des responsables politiques, afin de déconstruirele mythe qui entoure le Fonds national juif et mettre au jour sa facecachée. C’est dans ce but qu’a été lancée la campagne « stop theJFN ». Toutes les informations relatives à cette campagne se trouventsur le site www.stoptheJNF.org.

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ISSAWIYA LOCALISATION 3 km au N-E de Jérusalem-Est, près de l’Université hébraïque, à chevalsur la frontière municipale de Jérusalem,entre le Mont Scopus, des colonies juives,le ring et deux camps militaires.POPULATION 12 000 habitants en 2006ANNEXION ET CONFISCATION DE TERRES APRÈS 1967 Le village est divisé en deux : – 3 000 dunums des terres du village sontenglobés à la municipalité de Jérusalem; – 7 000 dunums sont en dehors de la municipalité, en Cisjordanie occupée : si le plan E1 est réalisé, les terres serontpresque toutes confisquées. Sur les 3000 dunums, 400 dunums sontconfisqués pour construire la colonie de « French Hill » (Giv’at Shapira) et relierl’Université hébraïque et l’hôpital Hadassa à Jérusalem-Ouest, et 2 000 dunums sont déclarés « zone verte », interdite deconstruction. Seuls 600 dunums restentpour les constructions des habitants.DESTRUCTIONSdes exploitations agricoles, des arbres et des bâtiments ont été détruits.ENFERMEMENTIl ne reste plus que deux routes d’accèsdont la principale est barrée par un check-point tenu par des soldats israéliens.

Issawiya LA DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENTAU SERVICE DE LA JUDAÏSATION

par Marianne Blume

La ligne verte en trait noir.

Issawiya

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ISSAWIYA ET LE PLAN DE JUDAÏSATION DE JÉRUSALEMDe par sa localisation, le village d’Issawiya, et surtout ses habitantspalestiniens, constitue une épine dans le pied de la judaïsation deJérusalem-Est. Il ne s’agit pas seulement pour les autorités israé-liennes, d’empêcher le développement du village (aucun plan de dé-veloppement depuis 1967) et donc l’accroissement de sa population;il s’agit aussi de rendre impossible toute division de Jérusalem lorsd’un futur accord en créant un continuum entre les colonies et Jéru-salem-Est. Depuis longtemps, le gouvernement israélien a dans sescartons l’extension de la ville dans la zone dénommée E1, en pleineCisjordanie occupée.

Les USA, sur ce point, s’étaient montrés, avec le président Bush, trèsfermes dans leur refus. En conséquence, les projets ont été officiel-lement gelés mais ils n’ont pas été pour autant abandonnés. C’est làque l’INPA (Israel Nature and Parks Authority) entre en action : en déclarant des zones vertes, cette institution gouvernementale se donnela possibilité d’exproprier (sans aucun dédommagement) des terrespalestiniennes tout en évitant les critiques internationales. L’INPA adonc décidé de la construction d’un parc national sur les versants du Mont Scopus et du Mont des Oliviers, c’est-à-dire sur les terres d’Is-sawiya et d’A-Tur. En réalité, rien ne justifie la création d’un parc à cetendroit, ni l’archéologie (voir http://www.alt-arch.org/nationalparks.php),ni l’écologie. Comme l’a déclaré Meir Margalit, membre du Meretz auConseil municipal : « Ce parc national est une farce. Il n’y a là quepierres et épines, certainement rien qui justifie un parc national. La seule raison d’un tel plan, c’est de prendre des terres et de lesgarder en réserve pour une future colonie, tout en étranglant le voisi-nage palestinien. ». Ce qui est vrai. Mais il y a aussi une autre raison :relier la colonie de Maale Adumim à Jérusalem-Est et ainsi acheverl’encerclement de Jérusalem-Est qui – faut-il le rappeler – est, en droitinternational, toujours territoire occupé et illégalement annexé.

Le projet de parc n’a pas encore été définitivement approuvé; néan-moins, les bulldozers, les tracteurs et les camions sont déjà à l’œuvreet une route menant au village a été détruite (voir vidéo sur youtube :issawiyya 100112).

ISSAWIYA EN LUTTE Les habitants d’Issawiya ont créé un comité de défense et sont décidésà défendre leurs droits. Déjà en 1989, ils avaient, avec la médiationd’une organisation israélienne (Bimkom), proposé à la municipalité unplan de développement mais celui-ci n’a été ni refusé ni approuvé. Enattendant, les routes ne sont pas entretenues par la municipalité (dontfait partie l’Issawiya annexée); la majorité des habitants n’ont pas deraccordement à l’égout et faute d’un permis que les autorités israé-

liennes n’accordent pour ainsi dire jamais, on ne peut que bâtir « il-légalement » sur ses propres terres. Dès lors, au moins 16 maisonsont été démolies, 12 exploitations agricoles et des centaines d’arbresont été déracinés. En 2010, un habitant témoignait : « Nous avionscreusé un puits, ils l’ont détruit. Nous avions planté des arbres, ils lesont arrachés. Nous avions posé des barbelés autour de la zone afinque les animaux errants ne puissent entrer, ils les ont ôtés aussi. (…)Avec tout cela, nous ne pouvons même plus nous trouver un endroitjuste pour nous asseoir et respirer. Cette terre appartient aux famillesd’ici à Issawiya : Darwish, Mustafa, Alayyan, Abu Hommos et à biend’autres. » (J. Kestler-D’Amours, Les Palestiniens de Jérusalem, dé-fiant Israël, clament : « Nous resterons ici. »)

Par ailleurs, le village souffre d’un haut taux de chômage et la pré-sence constante de soldats et de policiers y entretient la violence : arrestations de jeunes, affrontements lors des manifestations, mortd’un bébé à cause des gaz lacrymogènes, etc. Régulièrement et depuis 2010, des manifestations ont lieu auxquelles participent desIsraéliens et des internationaux, souvent déjà mobilisés pour Silwanet Sheikh Jarrah (http://www.en.justjlm.org/).

SILWAN, SHEIKH JARRAH, ISSAWIYA, A-TUR, RASAL AMOUD, JABEL MOUKABBER, MÊME COMBAT Il suffit de regarder la carte pour comprendre le plan israélien pour Jérusalem. Il est impératif, pour les autorités israéliennes, de réduireau maximum la zone habitée par des Palestiniens à l’intérieur desfrontières municipales de Jérusalem, faute de quoi, la démographiede la ville risque de tourner à l’avantage des Palestiniens. Or, le butofficiel est bien d’avoir au moins 60% (si pas 70%) de population juivedans la « capitale unifiée », selon le vocabulaire officiel.

Pour arriver à ce ratio, plusieurs mesures sont prises dont la pour-suite de la colonisation et l’implantation de colons dans les quartiersde la vieille ville en en expulsant les Palestiniens. C’est ce qui est déjàà l’œuvre à Silwan, Sheikh Jarrah et bientôt à Issawiya.

Le mouvement des colons est le fer de lance de cette politique municipale. À Silwan, c’est le mouvement ELAD. À Sheikh Jarrah,c’est l’organisation de colons Nahalat Shimon International. Et pourIssawiya, qui est derrière l’INPA ? L’INPA est dirigé par nombre de colons connus : Saul Goldstein, ex-dirigeant du conseil régional duGush Etzion et Evyatar Cohen, en charge de la région de Jérusalempour INPA et ex-employé d’ELAD, la même organisation qui gère la « cité de David » à Silwan.

La boucle est bouclée.

En déclarant ces zones vertes, l’INPA se donne la possibilité

d’exproprier des terres palestiniennes.

palestine 11 DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

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La déportation de Hana Shalabi vers la bande de Gaza permet de revenir sur une pratique utilisée de longue date par les autorités militaires israéliennes :

la déportation. Libérée dans le cadre de l’échange de prisonniers palestiniens et du soldat israélien Gilad Shalit, intervenu en octobre 2011, Hana Shalabi est à nouveau

arrêtée en février 2012 à Jénine et maintenue en détention administrative. Après une grève de la faim de près de quarante jours, les autorités israéliennes, effrayées par son état, lui proposent

d’être libérée mais déportée vers la bande de Gaza pour une durée de 3 ans. Ce qu’elle accepte.

La déportation

DES PRISONNIERS

par Hocine Ouazraf

palestine 12 LA DÉPORTATION DES PRISONNIERS

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publics (rue, hôpitaux, universités, …) ou bien encore à leur domicileavant d’être bannis et expulsés vers la bande de Gaza. L’Afrique duSud a fermement condamné ces expulsions de citoyens de Palestineet a souligné que ces pratiques rappelaient les lois en vigueur sousl’apartheid.

DÉPORTATION ET DÉTENTION ADMINISTRATIVE : DES MESURES CONTRAIRES AU DROIT INTERNATIONAL La pratique de la déportation en cas de conflit armé et en situationd’occupation est formellement prohibée par le droit international humanitaire. Bien qu’Israël conteste l’application des principes du droitinternational humanitaire aux territoires palestiniens, il ne fait aucundoute aujourd’hui que la IVème Convention de Genève « relative à laprotection des personnes civiles en temps de guerre », adoptée le 12août 1949, soit applicable aux territoires palestiniens occupés. Et envertu de l’article 49 (par.1) de la IVème Convention, les déportationssont illégales. Elles contreviennent aux principes énoncés dans cet article qui stipule que : « Les transferts forcés, en masse ou individuels,ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoireoccupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui detout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif.»

Ces pratiques qui visent à influer drastiquement sur les données démographiques de la population palestinienne ont été condamnéesà plusieurs reprises par le Conseil de sécurité des Nations Unies.Rien que pour la période 1980-1992, pas moins de douze résolutionsrelatives à cette question ont été adoptées par celui-ci. Ainsi, danssa résolution 726 du 6 janvier 1992, le Conseil de sécurité « demandeà Israël, Puissance occupante, de s’abstenir d’expulser des civils palestiniens des territoires occupés » et appelle Israël à « assurer leretour immédiat en toute sécurité dans les territoires occupés detoutes les personnes expulsées ».

Par ailleurs, les instruments relatifs au droit international des droits del’Homme s’appliquent également –en particulier les Pactes de 1966–aux Territoires palestiniens occupés. L’État d’Israël semble vouloirécarter leur application aux territoires palestiniens au motif que cesinstruments internationaux ne protègent qu’en temps de paix et pasen temps de guerre. Argument balayé par la Cour international dejustice dans son avis consultatif sur le Mur qui conclut de manièreclaire à l’application des conventions relatives aux droits de l’Hommeet ce, de manière complémentaire au droit international humanitaire.L’État d’Israël est donc tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en matière de droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens occupés en vertu des instruments conventionnels qu’il a,par ailleurs, ratifiés. Position qui sera reprise par le Comité des droitsde l’Homme des Nations Unies qui rappelle que les dispositions des deux Pactes de 1966 s’appliquent aux habitants des territoirespalestiniens. Or, l’article 9 du Pacte relatif aux droits civils et politiquesde 1966 prohibe formellement la détention administrative.

LA PRATIQUE DE LA DÉPORTATIONLa détention administrative est largement pratiquée par les autoritésmilitaires israéliennes à l’encontre des Palestiniens. Elle permet demaintenir une personne en prison sans aucune charge retenue contreelle, sans aucun acte d’accusation précis et sans procès. Cette légis-lation israélienne qui s’appuie sur une loi d’urgence datant du mandatbritannique permet, en outre, de prolonger indéfiniment la période dedétention. Certains prisonniers palestiniens détenus dans le cadred’une détention administrative se voient alors « offrir » la liberté par lapuissance occupante en échange d’une déportation. C’est ainsi quelors de l’échange de prisonniers d’octobre 2011, 18 prisonniers origi-naires de Cisjordanie et de Jérusalem-Est étaient déportés vers Gaza,tandis que 41 autres étaient tout simplement expulsés en dehors desTerritoires palestiniens occupés vers des pays comme la Syrie, le Qatar,la Jordanie, ... En mai 2002, lors du siège de l’église de la Nativité àBethléem durant l’opération « Rempart », opération qui devait aboutirà la réoccupation de l’ensemble des territoires palestiniens, Israël avaitdéporté 39 combattants palestiniens, qui s’étaient retranchés dansl’édifice, vers la bande de Gaza et des capitales européennes.

Si certaines déportations sont définitives, d’autres sont, en revanche,assorties d’un terme – en général de trois ans – très souvent peu respecté par la hiérarchie militaire. Les autorités israéliennes ne semblent pas s’embarrasser de considérations politiques lorsqu’ellesdécident de procéder à des transferts de personnes. C’est ainsi quetrois membres du Conseil législatif palestinien, originaires de Jérusa-lem-Est, élus sur les listes du Hamas en 2006, s’étaient réfugiés dansles locaux de la Croix-Rouge à Jérusalem-Est par peur d’être arrêtés etdéportés. Finalement arrêtés, ils se sont vu retirer leur droit de résidenceà Jérusalem et deux d’entre eux ont été déportés en Cisjordanie. En octobre 2011, l’Union interparlementaire a condamné sans appel ces agissements et a prié « instamment une fois de plus les autorités israéliennes d’annuler les ordonnances d’expulsion et de délivrer auxpersonnes concernées les titres de séjour auxquels elles ont droit ».

LES INFILTRÉSLa question de la déportation des prisonniers palestiniens renvoie àune autre réglementation militaire mise en place en 2010. C’est unordre militaire israélien qui complique davantage les conditions de séjour des habitants de la Cisjordanie et permet, à différents titres,l’expulsion de Palestiniens de Cisjordanie. Cette législation étend lanotion « d’agent infiltré ». Née en 1969, la notion « d’infiltré » permet-tait d’expulser toute personne entrée illégalement sur le territoire israélien lorsque celle-ci provenait d’un État frontalier officiellement en guerre avec Israël (Jordanie, Égypte, Syrie, et le Liban). Ainsi, toutPalestinien sera dorénavant considéré comme « agent infiltré » s’il ne dispose pas d’un permis – délivré par les autorités militaires israéliennes – justifiant sa présence en Cisjordanie. Sont tout particu-lièrement visés par cette disposition les Gazaouïs se trouvant en Cisjordanie. Entrée en vigueur le 13 avril 2010 sous le numéro de décret 1650, cette mesure a permis à Israël de procéder à des arrestations de Palestiniens séjournant en Cisjordanie dans des lieux

Des mesures qui visent à influer drastiquement sur les données

démographiques palestiniennes.

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que les boulangeries et les gens font la file aux stations d’essence,dans le meilleur des cas pendant près de 4h, pour obtenir quelqueslitres de carburant à un prix prohibitif.

Alors, on tente de s’organiser : certains essayent l’huile alimentaire pourfaire tourner le moteur de leur voiture, d’autres font du « covoiturage »avec leurs ânes et les plus chanceux utilisent des batteries pour disposer de quelques lampes dans leurs foyers. Le Hamas lui-mêmeordonne à ses fonctionnaires véhiculés de prendre des autostoppeursau bord des routes. Mais les gens sont à bout.

L’exaspération peut difficilement être contenue. D’ailleurs, les visagestraduisent cette tension, perceptible à chaque coin de rue. Et cettequestion qui me brûle les lèvres : à qui la faute ?

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palestine 14 BLACKOUT À GAZA

De février à début avril, la bande de Gaza a connu des coupuresgénérales d’électricité à un niveau jamais vu auparavant. L’Égypte adécidé de fermer les vannes et il n’y a plus de carburant. Les générateurs de l’unique centrale électrique de Gaza sont éteints pourune durée indéterminée et l’étroite bande de territoire est forcée de retourner à l’âge de pierre : 18h d’obscurité par jour pour plus de lamoitié des Gazaouïs. Les pompes à eau sont à l’arrêt et les robinetssont à sec. Le secteur agricole n’est pas en reste et des milliers de tonnes de pommes de terre sont jetées dans un territoire où, rappelons-le, 80% de la population dépend de l’aide alimentaire internationale. Les cas de décès se multiplient : des incendies se déclarent à cause des générateurs qui surchauffent; les hôpitauxfonctionnent à 20% de leur capacité et des dizaines d’ambulancessont hors service. Les rares usines sont obligées de fermer, de même

Les pénuries de carburant ont des conséquences énormes sur la vie des habitantsde la bande de Gaza. Suite à une mission de Solidarité Socialiste sur place, François

Sarramagnan dévoile la façon dont la population gazaouïe est prise en otage entre le blocus imposé par Israël, les taxes mirobolantes imposées par le Hamas, l’Égypte qui cesse

de délivrer du carburant et l’unité palestinienne annoncée qui tarde à venir.

Blackout à Gaza

À QUI LA FAUTE ?par François Sarramagnan

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RESPONSABILITÉS PARTAGÉESBien sûr, il y a d’abord ce blocus inhumain qui étrangle les vies des1,7 million d’habitants depuis la prise de contrôle du Hamas en 2007.Alors qu’Israël avait annoncé un « assouplissement » de son siègeaprès l’assaut contre la première flottille en mai 2010, rien n’a changésur le terrain. Ils ne sont toujours que quelques-uns à pouvoir entreret sortir du territoire et Gaza est officiellement devenue la plus grandeprison à ciel ouvert au monde. Les importations sont plafonnées àun niveau plus de trois fois inférieur à celui de 2005 et des milliers deproduits de base figurent toujours sur la liste noire. Parmi ceux-ci, ontrouve le ciment, certains produits alimentaires, mais aussi tous lestypes de carburants. Cette situation a favorisé le développementd’une économie clandestine à travers une forêt de tunnels dits « decontrebande » entre l’Égypte et Rafah, au sud du territoire. Mais ils’agit bien là de tunnels de survie, sans lesquels la crise humanitaireactuelle à Gaza serait bien plus aiguë. Quand ce n’est pas l’Égyptequi les dynamite ou Israël qui les bombarde, on y fait passer tout cequi est possible et imaginable : des ordinateurs, des voitures mêmeet bien sûr, du carburant.

Seulement voilà, l’Égypte subventionne officieusement ce carburantpour le rendre plus accessible aux Palestiniens et ces derniers mois,le Hamas taxe de plus en plus lourdement tous les produits provenantdes tunnels. Il vise essentiellement à assurer, seul, le fonctionnementde son administration, tout en accordant une bonne part du gâteauà ses dirigeants… On parle d’un niveau d’imposition, parfois supé-rieur à 100% ! Alors que l’Égypte fait elle-même face à de fréquentespénuries, elle n’accepte plus de voir les responsables du mouvementpalestinien s’enrichir grâce à la vente de son carburant. Certains disent aussi qu’elle veut pousser les autorités du Hamas à s’engagerune fois pour toutes dans un accord de réconciliation avec le Fatahet l’Autorité palestinienne de Ramallah.

Quoi qu’il en soit, ses livraisons sont interrompues. Officiellement,elle souhaite voir Israël assumer ses responsabilités en tant que puis-sance occupante et propose de livrer son carburant par le passagede Kerem Shalom, frontière la plus méridionale entre l’État hébreu et Gaza. Le Hamas s’y oppose. Il ne veut pas donner à Israël l’opportunité de bloquer l’approvisionnement en période de tensionset privilégie des relations commerciales directes avec l’Égypte, ce quiréduirait notamment sa dépendance vis-à-vis de la Cisjordanie, touten renforçant l’économie de Gaza, la popularité du Hamas…et lesbourses de ses cadres !

QUERELLES INTRA-PALESTINIENNESOn est dans l’impasse. Le Hamas veut s’en tenir à sa ligne et com-mence à s’en prendre à l’Autorité palestinienne. Les vieux démonsdes divisions intra-palestiniennes refont surface : c’est l’Autorité deRamallah, et ses soutiens étrangers, qui seraient à l’origine de cettecrise. D’ailleurs, n’est-ce pas de sa faute si près de 70000 fonction-naires sont payés à ne rien faire depuis 5 ans ? Car, malgré la prisedu pouvoir du Hamas à Gaza, l’Autorité continue de lui transférer plusde 100 millions de dollars par mois pour couvrir les salaires et les

pensions de ses fonctionnaires. L’objectif est de montrer au mondequ’en dépit des divisions politiques, les Palestiniens restent unis à travers un seul et unique système administratif. Mais dans la pratique,les fonctionnaires payés par l’Autorité ont reçu la consigne de resterchez eux. Par conséquent, le Hamas a dû recruter son propre person-nel, environ 30000 fonctionnaires, pour faire tourner son administration.

Sans surprise, le gouvernement Abbas a également des griefs àl’égard du gouvernement gazaoui. Tandis que ce dernier devrait récolter des taxes de douanes au profit de l’Autorité de Ramallah, ilsous-évalue très souvent ses importations – certains estiment la fuitefiscale à près de 400 millions de dollars depuis 2007 – et refuse encorede transférer 95 millions de dollars de recettes sans avoir la garantieque cet argent lui reviendra. Par ailleurs, alors qu’elle devra faire faceà un déficit de plus d’un milliard de dollars en 2012, l’Autorité paye plusde 50 millions de dollars par mois à une compagnie israélienne pourdes transferts de carburant vers Gaza. Le gouvernement du Hamasest censé régler la note grâce aux factures d’électricité, mais il s’estsouvent montré, ces derniers temps, réticent à rembourser ses dettes.

Bref, il s’agit là d’une situation d’une complexité sans nom et mal-heureusement, cet imbroglio nous montre bien que l’unité palestiniennereste encore un mirage lointain. Un accord avait pourtant été signé auCaire en mai 2010 : un gouvernement de technocrates devait assumerle pouvoir pendant une phase de transition avant que des électionsnationales soient organisées au mois de mai 2012. À défaut, les res-ponsables égyptiens et palestiniens se sont mis d’accord, du moinsprovisoirement, sur la question des pénuries d’essence : actuellement,500000 litres d’essence sont livrés quotidiennement par le passage de Kerem Shalom. Le mois prochain, la centrale sera réhabilitée et sacapacité, augmentée et bientôt, inch’Allah, le réseau électrique deGaza sera relié à celui de l’Égypte.

RESTER HUMAIN À GAZADès lors, que reste-il de cette affaire ? D’abord, une population aubord du gouffre. Avec le blocus du territoire, rester humain à Gazarelève d’un combat quotidien. Les habitants ont besoin de tout, saufd’une querelle interne qui les pousse tous les jours dans leurs derniers retranchements. Car le blackout de Gaza n’est que la partievisible de l’iceberg. En fonction de leur appartenance politique, lesGazaouïs doivent aussi faire face aux discriminations à l’emploi, au favoritisme dans les distributions d’aide alimentaire, à un coût de lavie de plus en plus élevé, à un repli sécuritaire du Hamas… Mais ne croyons pas que ce phénomène n’est à imputer qu’à un parti. Tous ont contribué à cet état de fait et en tout premier lieu, Israël, quise satisfait fort bien d’un front palestinien divisé. Alors que faire ?Changer de politique ? Certainement. Les partis traditionnels ontperdu leur crédibilité et ils ont besoin de se rénover pour retrouverune vraie légitimité. Mais pour la plupart des Palestiniens, qui voientleurs besoins élémentaires relégués au second plan dans cette luttefratricide, seule l’unité nationale viendra à bout des crises.

Avec le blocus du territoire, rester humain à Gaza relève d’un combat quotidien.

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Dans le contexte de leurlongue lutte pour remettre

le droit au cœur de la résolution du conflit israélo-palestinien, les

Palestiniens viennent d’essuyer un nouveaurevers cuisant à la Cour pénale internationale.

palestine 16 COUR PÉNALE INTERNATIONALE

LE REFUS D’ENQUÊTER SUR

les crimes israéliens

par Hocine Ouazraf

« les effets de la reconnaissance par la Palestine de la compétence dela Cour pénale internationale » note que : « la déclaration palesti-nienne du 21 janvier 2009 acceptant la compétence de la CPI (…),peut déployer ses effets conformément aux dispositions de l’article 12du Statut et, en particulier, que toutes les conditions sont réunies pourque la Cour exerce sa compétence en application de l’article 13 ».

DÉFÉRER LA QUESTION AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES L’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution du 5novembre 2009 qui entérine les conclusions du Rapport Goldstone,« recommande que le Conseil de sécurité se saisisse de la questionet intime aux parties l’ouverture d’enquêtes, à défaut de quoi, dans lessix mois, le Conseil devrait référer la situation à la Cour pénale internationale (CPI) ». Or, à ce jour, le Conseil de sécurité ne s’est toujours pas saisi de cette question, malgré l’absence d’investiga-tions sérieuses. De plus, l’Assemblée générale, en se prononçant ence sens, confère de facto la possibilité à l’Autorité palestinienne desaisir la CPI, ce qui semble donc contredire la position du Procureur.

Il est à craindre que la position du Procureur de la CPI soit davan-tage guidée par des considérations politiques. C’est en tout cas cequi ressort clairement de la déclaration de Kenneth Roth, directeurexécutif de l’ONG Human Rights Watch (HRW) qui, dans un com-muniqué, note que « la décision d’aujourd’hui semble fermer la portepour le moment à un accès à la CPI pour les victimes des crimes internationaux commis dans les territoires palestiniens ». Quant àMarek Marczynski, chargé de la justice internationale pour Amnestyinternational, il déplore que « cette décision dangereuse expose laCPI à des accusations de parti-pris politique et est en contradictionavec l’indépendance de la CPI ».

Suite à l’opération « Plomb durci » (décembre 2008/janvier 2009), quia ensanglanté la bande de Gaza, le Ministre de la justice palestiniena saisi en janvier 2009 la Cour pénale internationale (CPI) en vue dereconnaître la compétence de cette dernière et de l’amener à enquêter sur les crimes commis par Israël lors de cette opération. Or,le 4 avril 2012, Luis Moreno-Ocampo, Procureur général de la CPI,annonçait son intention de ne pas enquêter sur les crimes alléguéslors de l’opération « Plomb durci » prétextant d’une part, que la Palestine n’était pas un État et, d’autre part, que le Conseil de sécu-rité des Nations Unies n’avait pas saisi la CPI pour de tels faits, alorsqu’il en a la prérogative. C’est moins l’existence de crimes commislors de ce conflit que des questions procédurales qui ont motivé ladécision du Procureur. Rappelons en effet que des allégations decrimes ont été établies par le Rapport Goldstone, rapport comman-dité par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies et dontles conclusions ont par ailleurs été entérinées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 5 novembre 2009.

LA PALESTINE N’EST PAS UN ÉTAT Dans un communiqué, le Procureur de la CPI souligne que « le Bureau prend acte du fait que la Palestine a été reconnue comme un État dans le cadre de relations bilatérales par plus de 130 gou-vernements et par certaines organisations internationales, dont desorganes onusiens. Il n’en reste pas moins que le statut qui lui est actuellement conféré par l’Assemblée générale des Nations Uniesest celui d’« observateur » et non pas d’« État non membre ». Avantd’ajouter : « Le Bureau n’exclut pas la possibilité d’examiner à l’ave-nir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes com-pétents de l’ONU, voire l’Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause (…) ». Or, en 2010, un collectif de juristesinternationaux de renom, au terme d’une étude sérieuse intitulée

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Vous avez été nombreux à répondre à cette campagne qui demande aux membresdu Parlement européen de rejeter cet accord entre l’Union européenne et Israël.

Pour rappel, l’ACAA (Agreement on Conformity Assessment and Acceptance of industrial products) facilitera le commerce des produits industriels

entre les deux entités en allégeant la procédure de certificationqui prévaut actuellement : dès qu’un produit sera certifié par l’UE,

il pourra entrer sur le territoire d’Israël sans devoir passer par une deuxième procédure de certification et vice-versa.

palestine 17 POINT EUROPÉEN

LA CAMPAGNECONTRE L’ACAA

entre l’UE et Israël

par Katarzyna Lemanska

maceutiques, ce qui n’empêche pas que des annexes portant surd’autres produits puissent y être ajoutées, sans que l’accord ne doiveêtre pour autant renégocié.

L’ACAA est-il avantageux économiquement pour l’UE? Le faitqu’une procédure de certification unique soit désormais nécessaireva réduire, bien que faiblement, le coût unitaire des produits échangés.L’avantage économique provient du volume de produits échangés. Cependant, – Cet accord profitera surtout à la très compétitive industrie pharma-ceutique israélienne, qui pourra accéder encore plus facilement aumarché intérieur européen.– L’argent versé annuellement par l’UE à l’Autorité palestinienne et àl’UNRWA dépasse largement ce que peut rapporter l’ACAA. Refuserde ratifier l’ACAA ne va certes pas régler le conflit. Néanmoins, il s’agitd’un pas dans la bonne direction, à savoir faire pression sur Israël,mettre fin à l’impunité dont il jouit et rétablir la justice.Du point de vue purement économique, participer à l’avènement d’unÉtat palestinien viable et à la résolution de la question des réfugiés etmettre fin à la catastrophe humanitaire qui frappe la Bande de Gazaest, sur le long terme, plus profitable pour l’UE que d’adopter un ac-cord de libre-échange avec Israël.

Comment agir ?– En signant les pétitions mises en ligne par l’ABP et/ou Palestina Solidariteit sur change.org (cherchez « acaa ») et en les diffusant autour de vous. – En écrivant à vos parlementaires, en ciblant MR, Open-VLD, N.V-A,CDH et CD&V, dont les membres se sont prononcés en faveur de cetaccord. Il est crucial d’écrire à tous. Le vote en plénière aura lieu bien-tôt, il faut donc sensibiliser et convaincre tous nos parlementaires et passeulement ceux qui sont membres des commissions INTA et AFET.

Voici les dernières informations sur ACAA et des éléments de réponseaux questions fréquemment posées.

CALENDRIERLe comité « commerce international » (INTA), en charge de la prépa-ration du rapport qui sera voté en plénière, a demandé au comité « affaires étrangères » (AFET) de produire un avis sur le contexte politique qui entoure la ratification d’ACAA. Lors de la rédaction del’avis, AFET a mis en évidence des problèmes d’ordre juridique.Lorsque la Commission européenne y aura répondu, la procédurepourra reprendre. Le vote en AFET et en INTA devrait avoir lieu débutjuin, celui en plénière, en juillet.

Quel est le lien entre l’ACAA et les colonies ? La mise en œuvrede l’ACAA sera assurée par une « une autorité responsable » : la Com-mission du côté européen et un ministère du côté israélien. Israël,contrairement à l’UE, considère que les colonies font partie de sonterritoire et qu’elles tombent sous la responsabilité de ses ministères.Le problème juridique porte sur cette « autorité responsable » israé-lienne car il y a un risque qu’elle étende son autorité sur les Territoiresoccupés, ce qui serait contraire aux obligations de l’UE au regard du droit international. À ce problème, s’ajoute celui de l’origine des produits. Selon l’ACAA, un produit certifié par les autorités israéliennes, quelle que soit son origine territoriale, peut entrer sur leterritoire européen. Israël a donc le droit de certifier un produit venantde Cisjordanie. Cependant, comme dans le cas des produits agricoles, il y a un risque qu’Israël labellise « made in Israel » ce qui a,en réalité, été fabriqué dans les colonies.

L’ACAA porte-t-il seulement sur les produits pharmaceutiques?L’ACAA est un accord qui porte sur les produits industriels en géné-ral. La seule annexe à l’accord porte en effet sur les produits phar-

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L’Association belgo-palestinienne vous invite à vous joindre à une action de boycott des médicaments de la firme pharmaceuthique TEVA en allant le 16 juin prochain

chez votre pharmacien pour lui remettre la carte à découper qui se trouver en page 23 et qui explique pourquoi vous ne lui achèterez plus de médicaments TEVA et pourquoi lui-même

devrait refuser d’en vendre.

nord-américain et 25% sur le marché européen (Annual report 2010,United States, Securities & Exchange Commission).

…QUI SERT D’OUTIL DE PROPAGANDEEn novembre 2010, l’Association belgo-palestinienne avait attiré l’attention des lecteurs de la Libre Belgique sur deux publireportagesinsérés dans le quotidien. Un était consacré à la culture, l’autre – intitulé Israël, du rêve à la réalité – aux prouesses technologiques israéliennes dans la production de voitures électriques, le dessalementde l’eau de mer ou les avancées en matière de biotechnologies, enmettant en exergue le succès de l’entreprise pharmaceutique TEVA.

Ces publireportages sont un exemple type de la campagne de propagande « Brand Israel » dont l’objectif est d’imposer une imagepositive d’Israël sur la scène internationale. Cette campagne observe

UN SUCCESS STORY À L’ISRAÉLIENNE…En 1976, les petites compagnies pharmaceutiques SLE, Assia et Zorifusionnent pour devenir TEVA, une entreprise qui prit de l’ampleursous l’égide d’Eli Hurvitz. CEO de la compagnie jusqu’en 2002 et décédé au début de cette année, ce dernier fit de TEVA la premièreentreprise pharmaceutique israélienne mais surtout le leader mondialen matière de médicaments génériques, qui pèse aujourd’hui 28,1milliards de dollars.

Se focalisant sur les médicaments génériques, l’entreprise concur-rence aujourd’hui les géants mondiaux du secteur pharmaceutique.Aux États-Unis, en 2009, les médicaments de la compagnie ont faitl’objet de quelque 630 millions de prescriptions, en faisant un four-nisseur national plus important que les poids-lourds pharmaceu-tiques que sont Pfizer, Novartis et Merck pris ensemble (New YorkTimes, 9 mai 2010). TEVA exporte 60% de sa production sur le marché

palestine 18 BOYCOTT TEVA

UN MÉDICAMENT TEVA ?

Non, merci!par Nathalie Janne d’Othée

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niens à Gaza et, depuis que le siège a commencé, l’accès aux soinsmédicaux dans les hôpitaux en dehors de Gaza a diminué. De plus,lorsque les affrontements entre l’armée et les Palestiniens armés augmentent, le traitement des patients souffrant de maladies chro-niques, dont les patients cancéreux ou cardiaques, est postposé, etla fourniture de médicaments et d’équipements médicaux à Gaza estretardée » (voir site btselem.org – section « Gaza strip »).

Mises à part les limitations d’accès du fait du siège, les coupuresd’électricité que doivent subir les habitants de Gaza ces dernierstemps ont également un impact négatif énorme sur le fonctionnementdes hôpitaux (voir article pages 14-15). Or, les attaques inhumaines de l’armée israélienne sur la bande de Gaza font régulièrement des victimes, dont certaines décèdent alors qu’elles auraient pu êtresoignées si les hôpitaux fonctionnaient correctement.

« SOUTENIR TEVA POUR SOUTENIR ISRAËL »…En 2009, l’Union des Patrons Juifs de France (UPJF) menait une campagne auprès du corps médical française pour les inciter à prescrire des médicaments TEVA.

« Aidez Israël en achetant des médicaments génériques. TEVA estun laboratoire pharmaceutique basé à Tel Aviv. Si vous souhaitezprescrire (ou vous faire prescrire) et faire connaître autour de vousces excellents médicaments (…), vous pourrez consulter la liste desgénériques et des médicaments correspondants » (reprise sur le siteEuropalestine, dans une vidéo mars 2009).

Or, il est interdit en France – comme en Belgique – de faire de la publi-cité pour des médicaments remboursés par la Sécurité sociale, commele rappelait la vidéo. Par ailleurs, cette campagne de l’UPJF montre bienque le succès de l’entreprise est important pour l’État israélien.

Face à cette campagne, c’est l’argument inverse qui nous vient à l’es-prit : vous voulez marquer votre désaccord avec la politique d’occu-pation d’Israël dans les Territoires palestiniens, une politique qui privede nombreux Palestiniens d’un accès normal aux soins de santé ?Refusez d’acheter TEVA et partagez votre engagement avec votrepharmacien. Le 16 juin, rendez-vous donc chez votre pharmacienavec la carte à découper (p. 23).

Note : L’organisation israélienne Who Profits publiera bientôt un rapport sur l’industrie pharmaceutique israélienne et l’occupation.

évidemment un silence total sur tout ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

Une entreprise comme TEVA est le parfait outil de propagande dansle gout de « Brand Israel » : médicaments de qualité, à prix compéti-tifs, succès d’une entreprise israélienne sur la scène mondiale. Unetrès belle image qui fait oublier que cette entreprise est développéedans un pays qui en occupe un autre.

Dans son ouvrage The Political Economy of the Occupation (PlutoPress, 2010), Shir Hever souligne les avantages que les entreprisesisraéliennes retirent de l’exploitation d’un marché palestinien « captif ».Dans les informations sur les différents marchés qui nourrissent uneentreprise comme TEVA, la distinction n’est jamais faite entre Israël etles Territoires palestiniens occupés. Une information laissée volon-tairement dans l’opacité pour éviter les pressions nationales et inter-nationales, que celles-ci soient en faveur de la colonisation oucondamnent la violation du droit international qu’elle constitue.

L’image de réussite de TEVA occulte par ailleurs la détériorationconstante, du fait de l’occupation, de l’accès des Palestiniens auxsoins de santé.

ACCÈS DES PALESTINIENS AUX SOINS DE SANTÉLes principaux hôpitaux desservant la Cisjordanie sont situés à Jérusalem-Est. Les cas des hôpitaux Makassed et Augusta Victoria illustrent bien les difficultés d’accès aux soins de santé dues à l’occu-pation. Ces hôpitaux, situés à Jérusalem-Est, étaient en grande partiefréquentés par des Palestiniens résidant en Cisjordanie. Or, la construc-tion du Mur autour de Jérusalem-Est a privé le premier de 60% et ledeuxième de 25% de leurs patients, menaçant de ce fait leur rentabilité(rapport OCHA Février 2006). Les patients devront en outre parcourirdorénavant de longues distances pour trouver des soins équivalents,voire pour certains soins particuliers uniquement fournis à Jérusalem-Est, tenter d’obtenir un permis de passage pour y accéder.

En ce qui concerne la bande de Gaza, la situation est encore pire.L’ONG israélienne de défense des droits de l’Homme, B’tselem explique : « Le siège imposé par Israël à la bande de Gaza depuisque le Hamas y a pris le pouvoir de l’appareil sécuritaire en juin 2007a grandement endommagé le système de santé de Gaza, qui nefonctionnait déjà pas très bien avant. Beaucoup de services, de spé-cialistes et de traitements vitaux ne sont pas disponibles aux Palesti-

L’image de réussite de TEVA occulte la détérioration

constante de l’accès des Palestiniens aux soins de santé.

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Le 2 mars dernier, le gouverneur et le maire de Bethléem étaient présents à Monspour la signature d’un accord de coopération entre la province de Hainaut et le gouvernorat de Bethléem. Deux jours avant, la ville de Tournai avait annoncé son jumelageavec la ville de Bethléem. Ces accords sont les signes de liens forts qui unissent les deux régions depuis déjà quelques années.

En effet, depuis cinq ans, les étudiants de la section paramédicale de la Haute École provinciale Condorcetont l’occasion de faire un stage, reconnu par la Communauté française, dans l’Hopital B.A.S.R. à Bethléem. L’année passée ensuite, les députés hennuyers Annie Taulet et Serge Hustache signaient un accord de jumelageentre Bethléem et la province de Hainaut.

Ces accords permettent à une ville comme Bethléem de faire entendre sa voix par-delà le mur qui encercle toute cette région. Ville touristique par excellence, elle sert de pont depuis la Palestine vers le monde. Pourvu, dès lors, que de tels accords se multiplientet qu’ils servent surtout à changer les mentalités ainsi que les politiques en faveur de la Palestine.

palestine 20 BRÈVES

Le lieutenant-colonel Shalom Eisner, commandant adjoint de la brigade de la Vallée du Jourdain, s’est fait remarquer par la brutalité avec laquelle il a frappé de son arme un jeune manifestant danois qui, avec d’autres – militants internationaux et Palestiniens–, voulait faire une balade à vélo dans la Vallée du Jourdain, sur la route 90, réservée aux seuls colons israéliens (voir vidéo sur Youtube).

Shalom Eisner commande les troupes qui occupent la Vallée. C’est un haut gradé. Il porte la kippa. Comme beaucoup de soldats etde gradés. En effet, depuis des décennies, le mouvement nationaliste-religieux a infiltré méthodiquement le corps des officiers

des forces armées avec pour objectif que l’un des leurs devienne chef d’état-major de l’armée. Il n’est pas anodin de noterque le père de Shalom Eisner était un rabbin important de la yeshiva Merkaz Harav (« l’étendard » des écoles nationales

religieuses juives) et que, lors de l’évacuation des colons de la bande de Gaza, Shalom faisait partie des protesta-taires. L’an dernier, sur la même route 90, on l’a vu fraterniser avec des manifestants d’extrême droite.

En soi, pour l’acte qu’il a commis, on ne peut le blâmer plus que tous les autres militaires israéliens – religieux ou non– pour lesquels ce genre de brutalité est la routine. Les Palestiniens en savent

quelque chose. Néanmoins, parce qu’une caméra était présente, le lieutenant-colonel a étédémis de ses fonctions, interdit de tout poste de commandement pour deux ans et exclu

d’avancement. Mais, comme le souligne Amira Hass, Israël continuera néanmoins, àl’abri des caméras, à nettoyer la Vallée du Jourdain de ses Palestiniens (« IDF will

go on keeping the Jordan Valley Palestinian-free », Haaretz, 18 avril 2012).

«LE PORTRAIT DU MOIS»

LE LIEUTENANT COLONEL SHALOM EISNER par Marianne Blume

« Loin d’être une exception, il semble être le prototype de l’officier de l’armée et même le prototype de l’Israélien. »

Uri Avneri, Stupide, sadique et brutal, AFPS, 22 avril 2012

BETHLÉEM PROVINCE DU HAINAUT

UN ACCORD COMME POINTD’ORGUE D’UNE COOPÉRATION

FRUCTUEUSE par Nathalie Janne d’Othée

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« La grève de la faim pour la dignité De nombreuses manifestations ont été organisées en Palestine, en Israël

et dans le reste du monde en solidarité avec la grève de la faim entreprise par les prisonniers palestiniens, qui protestent contre la pratique israélienne de la détention administrative ainsi que contre leurs conditions de détention.

palestine 21 MANIFESTATIONS©

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palestine 22 LIVRES/FILM

PALESTINE/ISRAËL : UN ÉTAT,DEUX ÉTATS ?Dominique Vidal, Actes Sud, 2011

Israël et la Palestine doivent-ils former un,ou deux États ? Soulevé dès le début duXXe siècle, ce vieux débat revient au premier plan de l’actualité. Et pour cause :plus de six décennies après le plan de partage de la Palestine (1947), plus de quatre après l’occupation de la Cisjordanieet de Gaza (1967), et près de vingt ansaprès les accords d’Oslo (1993), Israël conti-nue de coloniser la Palestine mandataire.

Autrement dit, ni la lutte armée ni le combatpolitico-diplomatique n’ont réussi à réaliserl’autodétermination du peuple palestinien.Face à l’intransigeance du gouvernementisraélien et à la pusillanimité de la «communauté internationale», commentréussir demain ce qui a échoué hier ?Cette question, née de l’échec même du prétendu «processus de paix », de nombreux Palestiniens se la posent, etavec eux beaucoup de leurs amis à traversle monde.

Et quand bien même l’Organisation des Nations unies, en cet automne 2011, accueillerait enfin l’État de la Palestine enson sein, la question de l’avenir institution-nel des deux peuples se trouvera au centredes futures négociations. Clarifier les enjeux de ce débat, voilà le but de cet ouvrage collectif qui en approfondit toutes les dimensions : juridiques, démographiques,économiques, politiques et diplomatiques.

Pour peser atouts et faiblesses des différentes solutions, neuf spécialistes,choisis à la fois pour leur compétence reconnue et la diversité de leurs sensibili-tés, font le point : Gadi Algazi, IsabelleAvran, Monique Chemillier-Gendreau,Youssef Courbage, Leila Farsakh, FaroukMardam Bey, Julien Salingue, DominiqueVidal et Raef Zreik.

Commentaire decitre.fr

UN AUTRE ISRAËLEST POSSIBLE. 20 PORTEURS D’ALTERNATIVESDominique Vidal & Michel Warschawski,Èditions de l’Atelier, 2012

Dans ce livre, les deux auteurs, historienset journalistes, dressent le portrait de vingtpersonnalités israéliennes qui, à l’été 2011,ont porté, chacune à sa manière, le mouvement des Indignés israéliens; bien que leurs revendications aient essentiellement porté sur les besoins en matière de logement, d’enseignement,de santé, la question des budgets allouésà la Défense et la colonisation était bienprésente en arrière plan. On y croise, entre autres, Daphnee Leef, la« passionaria des Indignés », Yehuda Shaul,fondateur de « Breaking The Silence»,Haneen Zoabi, la députée arabe du partiBalad, Hassan Jabareen, le directeur général du Centre Adalah, l’avocate LeaTsemel, l’historien Zeev Sternhell, ainsi quele politologue Ilan Greilsammer, militant deLa Paix maintenant, Gadi Algazi, historienet animateur de Tarabut. Avraham Burg,l’ancien président de la Knesset, y plaidepour un État avec des « droits constitution-nels, civiques et humains égaux pour touset Nurit Peled, professeure de littérature etmilitante pacifiste, analyse le mouvementsocial des Indignés et s’interroge sur lesens d’une « justice sociale sans justicepour les Palestiniens ». Le dernier portraitest celui de Daniel Boyarin, un ultrareligieux,professeur de culture talmudique à l’univer-sité de Berkeley, qui dit son hostilité à lacolonisation. Avec humour, il résume sonpoint de vue : « Dieu n’existe pas, mais ilnous a donné la Terre d’Israël ». C.S.

livres

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L’année 2012 marque le 64e anniversairede ce que les Palestiniens nomment la«Nakba», la plus grande catastrophe qu’ilsaient eu à connaître. Pour mémoire, entredécembre 1947 et les cinq premiers moisde 1948, des centaines de villages ont étédétruits et près d’un million de personnesse sont trouvées sans logement. Mais dansle même temps, le traumatisme partagé arapproché les Palestiniens et favorisél’émergence d’une identité collective.

Ce livre fait une grande place à la mémoiredes victimes et à l’histoire orale. L’auteurse donne la mission de faire connaître lavérité sur la Nakba de 1948 et de dénoncerla souffrance qui, aujourd’hui encore, affecte la vie de la population palestinienne;il s’agit, pour lui, de répondre à un impératifmoral mais surtout de rappeler les droitsdes réfugiés et de les aider à garder vivantsleurs espoirs de paix et de justice.Aussi longtemps que l’histoire, les droits et besoins des réfugiés seront exclus desnégociations de paix au Moyen Orient etqu’Israël et la communauté internationalerefuseront de voir dans la Nakba la volontéde nettoyage ethnique, il n’y aura pasd’avancée dans le conflit israélo-palestinien.Nur Masalha en fait ici la démonstration.

Nur Masalha est professeur de Religion et de Politique, et directrice du Centre for Religion and History du St. Mary’s University College.

C.S.

THE PALESTINENAKBANur Masalha, UK. ZED books, 2012

VERS OÙ ISRAËL ? Webdoc de Camille Clavel pour le Courrier International, 2012

film

Juste avant la demande annoncée de reconnaissance de l’État de Palestine devant les Nations Unies, Camille Clavelpart à la découverte de la société israélienneet de sa façon de percevoir et de traiterses voisins palestiniens. Son constat n’estpas brillant : la société juive israéliennesemble se développer au détriment de ses voisins arabes, qu’ils soient citoyensisraéliens ou qu’ils résident en Territoire occupé. Dans une série de 7 épisodesd’une quinzaine de minutes chacun, Camille Clavel aborde différents thèmesqui touchent aux perceptions partagéesdans la société israélienne telle, par exemple, la mémoire israélienne qui cultivele souvenir de la Shoah mais rejette violemment celui de la Nakba.

Les témoins interviewés sont de qualité :Shlomo Sand, Meir Margalit, Gadi Algazi,Sahar Vardi,… autant de figures progres-sistes israéliennes pour lesquelles le déve-loppement de leur pays ne va pas sanscelui d’une Palestine libre et indépendante.L’auteur ne néglige pas non plus les pointsde vue opposés, dans le but de rendrecompte pleinement de la réalité décrite.

Un reproche qui pourrait être adressé aureportage, c’est d’être principalement alimenté de points de vue juifs israéliens,bien que ce choix puisse se justifierpuisque le sujet principal en est la dérivemorale de l’État d’Israël et de sa société.

N.J.O

Madame, Monsieur, Client(e) de votre pharmacie, je tenais à vous faire part de mon refusd’acheter des médicaments de lafirme pharmaceutique israélienneTEVA. Le succès de cette société esten effet utilisé par le gouvernement israélien afin de « blanchir » la réputation du pays, ternie par sa politique d’occupation et de colonisation du Territoire PalestinienOccupé. Cette politique implique enoutre des souffrances physiques etpsychiques pour les Palestiniens, etles restrictions imposées à leur libertéde circulation les empêchent d’accé-der aux soins de santé adéquats.

Le fait d’acheter un médicament TEVA revient dès lors indirectement à cautionner une telle politique. Je n’achèterai donc plus de médicaments TEVA et vous encourage à cesser d’en vendre.

Merci d’avance pour l’attention portée à cette information.

Signature

À découper et à donner à votre pharmacien

UN MÉDICAMENT

TEVA ?

Non merci !

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