palladisme - Barruel

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    www.barruel.com

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    LE

    PALLADISME

    CULTE DE SATAN-LUCIFER

    DANS LES TRIANGLES MAONNIQUES

    PAR

    DOMENICO MARGIOTTA

    Docteur s-lettres et philosophie

    Chevalier de lOrdre Pontifical du Saint-Spulcre, etc.

    Rimpression de ldition de 1895

    ISBN 2-914354-02-9

    Editions A. Barruel

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    INTRODUCTION

    Les lecteurs qui ont parcouru la partie doctrinale de notre livre Adriano Lemmi ont pu se convaincre quune ligne profonde de dmarcation tait creuse entre les palladistes ou lucifriens de lObdience de Charleston et les satanistes qui se sont rangs sous la houlette du voleur Lemmi qui rside Rome. Les Palladistes amricains honorent en Lucifer celui quils regardent comme le Dieu bon, le bon par excellence. On comprend que ce culte comporte une certaine bonne foi. Cest avec bonne foi, croyons-nous, que Miss Diana Vaughan pratique le culte palladique dont elle a cru trouver des vestiges chez les Vaudois des valles du Pimont. Chez les Satanistes ]emmistes, la bonne foi nest pas possible : ceux-l savent quils rendent un culte en la personne de Satan au principe mauvais, lennemi personnel de Dieu, ladversaire de Jsus-Christ. A quel degr de perversit faut-il en tre arriv pour honorer un tre mauvais, quand on le sait mauvais ? Cest un cas de psychologie que nous ne nous chargeons pas dapprofondir. Nous constaterons les rsultats et nous soumettons au lecteur les pices lappui, telle que lHymne Satan et plusieurs autres. En terre catholique, la malice des Satanistes est plus grande quen terre protestante : il y a un abus de grces plus grandes. La haine du Christ atteint des proportions plus aigus, parce quen terre catholique, la doctrine de Jsus-Christ arrive son panouissement complet et produit des consquences qui contrecarrent et tendent dtruire compltement le rgne et linfluence de Satan. Errare humanum est, perseverare diabolicum, dit le vieil adage. Une question simpose. Comment dans les arrire-loges satanistes italiennes lvocation de Satan, par simple dduction logique, namne-t-elle pas laffirmation de lexistence de Dieu et de la religion chrtienne tout entire ? Lexistence du dmon na-t-elle pas pour corollaire immdiat la preuve formelle de tout le systme surnaturel, et le sataniste, qui a vu Satan, ne devrait-il pas tomber, pieds et poings lis, au pied de lautel de Jsus ? Ah ! cest quen religion, comme en bien dautres choses, lhomme ne se laisse souvent pas guider par la raison et mme par lvidence, mais par ses intrts et ses passions. On pourrait donner du phnomne qui nous occupe une explication plus profonde en apparence, mais il est difficile den trouver une plus vraie. La

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    premire question que ces dtails soulveront, en France surtout, est celle-ci : tous ces dtails et ces noms propres sont-ils bien authentiques ? Nos murs sont tellement satures de rationalisme et de naturalisme que notre premier mouvement est de nier tout surnaturel, quel quil soit. A ceux-l, nous naurons rien dire : ils verraient messire Satan en personne, quils ne se rendraient pas encore. Ils descendent en ligne directe de ces juifs qui prtendaient que ctait par Baalzeboub, chef des dmons, que Jsus-Christ chassait les dmons. Le triomphe de Lucifer est encore plus complet ; puisque, nous lavons dj dit, le plus grand bonheur de Lucifer est de se faire nier, condition que cette ngation entranera, du mme coup, celle de tout surnaturel divin. Cest pour cela que la Franc-Maonnerie franaise, bourgeoise, voltairienne, libre penseuse, vulgaire et terre--terre, fait admirablement les affaires de Satan. Cette maonnerie picire, qui ricane des mystres de la religion, qui dpense dans les cafs et les estaminets, beaucoup desprit au gros sel sur le Diable et ses cornes nest pas faite pour dplaire Satan. Nous nexaminons pas pour le moment, ce que les ngations intresses de lexistence du dmon peuvent recouvrir dhypocrisie. Tel picier parisien peut bien, derrire son comptoir, lancer tous les lazzis dusage sur les pieds fourchus du diable et avoir t admis quelques crmonies palladiques dans lesquelles Satan sest manifest. Est-ce quau XVIII sicle, les gentilshommes voltairiens ne trouvaient pas de bon got de nier tout surnaturel et dassister, le soir, quelques sances o Mesmer et Cagliostro voquaient le Malin ? La nature humaine est ainsi faite et bien fou serait celui qui voudrait absolument y trouver de la logique et de lunit. Nous ne pouvons ici produire lacte de naissance de chacune des surs palladiques et la preuve de leur initiation lucifrienne, quil sagisse de nimporte quelle sur. Il est certain que lorsque les Palladistes sortent de leurs runions, quelles reviennent dassister, par exemple, la messe noire, elles nont rien qui les signale lattention du public. Elles circulent par les rues, vont, viennent, comme de simples mortelles, prennent les tramways, les omnibus, les chemins de fer. Tout au plus quelque microscopique bijou palladique pourra-t-il les faire reconnatre lil exerc de liniti. On a souvent dit que le visage est le miroir de lme : mais il est un genre de perversit qui ne se reflte pas sur la figure. Le plus habile physionomiste ne pourrait ordinairement pressentir linspection dun visage de femme quil a affaire une palladiste.

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    La malheureuse ne porte pas marqu sur le front, dune manire visible, le signe de la bte. Cest dans lme que gt lesprit dorgueil et de rvolte. Il est facile de voir que dans les rapports de la Maonnerie avec Satan, il faut faire deux parts : la part du fumisme, si lon peut parler ainsi, et la part des rapports vritables avec lesprit du mal. Quand nous racontons la consultation qua donne le F... Pessina, un amoureux transi pour arriver la possession de ce que le fameux Topffer appelait jadis lobjet aim, cest le fumisme qui est en question. Pessina arrive sa fin qui est de soulager le porte-monnaie de son naf consultant, du mtal quil peut bien contenir. Mais, ct de cette ncromancie fantaisiste que nous donnons pour ce quelle vaut et titre de curiosit et mme de document (car il nest pas indiffrent de dmontrer que la Franc-Maonnerie se compose surtout de voleurs qui, depuis Lemmi jusquau dernier F... couvreur, opre sur une grande chelle), ct, dis-je, de cette ncromancie, de cette magie pour rire, il y a la magie srieuse, il y a la magie qui est en possession de vritables moyens et procds dvoquer Matre Satan et le forcer comparoir au sein des arrire-loges.

    Pendant trop longtemps on sest habitu relguer les apparitions de Satan dans le domaine de la lgende. Satan parat ; lhomme lui vend son me et Satan sengage construire une glise, un pont, un chteau fodal. Le XVIII sicle, qui nous a imbus et pntrs de ses doctrines rationalistes, nous a habitus nier en masse et priori toutes les manifestations diaboliques. Cette fois, la vrit ressemble la vertu ! elle est au milieu. Il ne faut pas admettre sans discussion, sans critique, toutes les manifestations sataniques : il ne faut pas, non plus, les rejeter en masse. Ici, comme ailleurs, la thorie du bloc est plus que contestable. Le rationalisme du XVIII sicle nous a donc fait sous ce rapport un mal incalculable : il a fauss, il a vici toutes nos ides. Le fameux Fontenelle, dans son livre des Oracles, avait vulgaris lide que le paganisme tout entier tait fond sur le charlatanisme et sur limposture. Daprs lui, les oracles ntaient que mensonge. Combien plus simple, plus fconde et plus plausible est la thorie qui met les oracles et les pythonisses sous linspiration directe de Satan. A cette lumire, toute lantiquit sclaire : les oracles, les mystres dElusis, les sacrifices, tout sexplique. Le dmon rgnait sur le monde paen, comme il rgne, lheure quil est, sur les rgions assises lombre de la mort que le christianisme na pas encore visites et illumines, comme il rgne en Afrique et dans lExtrme-Orient.

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    Le XVIII sicle a donc entirement fauss la philosophie de lhistoire, et le XIX sicle la malheureusement trop bien suivi sur ce terrain, en niant comme lui le surnaturel divin et le sur-naturel diabolique. Et le XVIII sicle niait le surnaturel diabolique au moment o Cagliostro et Mesmer, au moment o lillumin St Martin fondaient et codifiaient le culte de Lucifer, le culte de Satan. Et le XIX sicle choisissait surtout pour insister sur sa ngation, le moment o le spiritisme allait spanouir et faire tourner tant de ttes. Grande confirmation dune vrit du monde-surnaturel, cest que Satan ou Lucifer est surtout dsireux de se faire nier. Car nier Satan, cest nier la tentation de nos premiers parents : cest nier toute lconome de la rvlation messianique et chrtienne. Et ce que Satan dsire avant tout, cest lanantissement du plan divin, cest lcroulement tout entier du christianisme, dt-il prir et sensevelir lui-mme sous les ruines quil aura faites. La guerre entre les Palladistes amricains et les Satanistes de Rome nous a ouvert les yeux. Lucifer a fait surgir Diana Vaughan pour combattre Lemmi, qui, pour la Maonnerie Lucifrienne, reprsente la lutea periclitatio (lpreuve boueuse), dans le seul but de propager la doctrine Lucifrienne ; car Lucifer veut changer dattitude, il ne veut plus tre ni ; mais il veut se faire connatre et se faire adorer comme Dieu ! Lucifer parle, aujourdhui, par la bouche de miss Diana Vaughan, qui se dit la fiance du dmon Asmode. Donc la pauvre miss nest pas folle ; et moi, qui la connais depuis longtemps, je puis le certifier. Miss Vaughan nest pas folle ; elle est tout simplement possde par Lucifer ; et quelle parle ou quelle crive, cest toujours Lucifer et Asmode qui parlent par sa bouche et crivent par sa plume. D.MARGIOTTA.

    Grenoble, mai I895.

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    BNDICTION DU SAINT-PRE

    Notre Trs Saint Pre le Pape Lon XIII accorde la Bndiction apostolique Monsieur le Commandeur Dominique Margiotta.

    Du Palais du Vatican, le 22 Avril 1895.

    ARCHEVQUE DE NICOMDIE. (Sceau du Saint-Pre).

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    LETTRES DE PRELATS

    vch de Grenoble.

    Grenoble, le 6 Mai 1895.

    Cher Monsieur Margiotta,

    Jai parcouru les pages que vous mavez envoyes sur Le Palladisme, Culte de Satan-Lucifer dans les Triangles . Elles montreront aux plus obstins qu force de fuir lEglise de Dieu, dont lEsprit saint est lme, on finit par tomber dans la Synagogue de Satan.

    Ce sont les deux cits dont parle Saint Augustin, lesquelles ont commenc se dessiner ds lorigine du monde, et se sont montres en tout temps, avec leurs vertus, dune part, et avec leurs vices, de lautre.

    Nous sentons en nous-mmes quil y a en nous le principe de ces deux cits, en considrant quil y a en chacun de nous deux hommes : lhomme qui est dedans : lme ; et celui qui est au-dehors : le corps.

    Si nous aimons notre me plus que notre corps, notre vie est spirituelle, noble, et victorieuse des passions avilissantes du corps. Si, au contraire, nous aimons notre corps plus que notre me, alors notre me, en demandant ses joies au corps, en devient lesclave et sabrutit avec lui.

    Dans ce combat de toute la vie, lEsprit de Dieu intervient, quand on linvoque, et donne lhomme et la femme de rester chastes comme des anges dans un corps de chair. Voil le triomphe dont nous sommes les tmoins, depuis le commence-ment du monde, tandis que, du ct des adorateurs de la chair, comme furent les enfants des hommes, cest le spectacle de la luxure la plus honte, spectacle, hlas ! offert au monde, lheure prsente, par les Francs-Maons.

    Attendez, et vous verrez la main de Dieu : Digitus paternae dexterae, se poser sur cette arme, soit pour les ramener

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    Jsus-Christ, comme il vous est arriv vous-mme, soit pour les dissiper comme la poussire. Dieu est patient, misricordieux linfini. Il eut attach sa croix la trahison de Judas. Le grand crime de ce tratre est davoir dsespr du Cur de Jsus.

    Nest-ce pas audacieux jusqu linsolence, en vrit, de venir jeter la face du monde catholique, des blasphmes comme ceux que vous rapportez, lesquels ne sont que lexpression de la haine satanique ?

    Ils comptent pour rien lhistoire de lhumanit, dont les vnements se succdent avec une suite, qui atteste la sagesse et la puissance de notre Dieu, et pour expliquer les choses ils nous jettent leurs dieux, que nous chassons dun signe de croix.

    Quils essayent eux-mmes, dans leurs loges, et ils se convaincront de la puissance de ce signe-auguste.

    Mon cher ami, prions lEsprit saint de nous clairer et de nous soutenir. Voil dix-neuf sicles. quil glorifie Jsus-Christ il continuera.

    Tout vous.

    AMAND JOSEPH, vque de Grenoble.

    Patriarcat Latin de Jrusalem.

    Jrusalem, le 8 Mars 1895.

    Mon trs cher Monsieur le Commandeur Margiotta, Chevalier du Saint-Spulcre.

    Vos ouvrages rendent les plus grands services la pauvre

    humanit, travaille de trop par la peste maonnique, qui est un vritable flau.

    Je vous flicite pour avoir pu et su faire ce que-vous avez fait. Quoique les mesures de prcautions, conseilles par la prudence, ne doivent pas tre ngliges, comme je vous lai crit

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    lt pass, prenez toujours courage. Alea jacta est, et la Pro-vidence Divine couvrira votre personne de sa protection.

    Jai appris avec le plus grand regret que les dsastres du tremblement de terre vous ont frapp personnellement par la perte de votre belle-sur.

    Je vous prsente les sentiments de ma plus vive condolance.

    Vous mannoncez votre prochain ouvrage sur le Palladisme. Je suis trs heureux de ce nouveau service que vous rendez lhumanit, lEglise.

    En attendant, agrez, Monsieur le Chevalier, mes sentiments les plus respectueux, et croyez-moi toujours,

    Votre trs dvou LUDOVICO PIAVI,

    Patriarche de Jrusalem, Grand-matre de LOrdre du St-Spulcre.

    VCH DE MONTAUBAN

    Monsieur le Commandeur,

    Vous avez bien raison de regarder la Franc-Maonnerie comme le plus grand ennemi de notre Sainte Religion. De l la ncessit pour tous les bons catholiques de combattre par tous les moyens en leur pouvoir cette secte odieuse.

    Je prie Dieu de vous tre en aide, et je vous prie, Monsieur, de vouloir bien agrer avec lexpression de mes vives sympathies, celle de mon entier dvouement en N. S.

    ADOLPHE, Evque de Montauban.

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    ARCHEVCHE DAIX, ARLES ET EMBRUN

    Cher Monsieur,

    Vos rvlations ont rendu et rendront de grands services lEglise : vous connaissez la secte ; vous pouvez en parler ex professo.

    Lennemi, cest bien la Franc-Maonnerie. Veuillez agrer, Monsieur, lexpression de mes sentiments

    distingus et respectueux.

    XAVIER. Archevque dAix.

    L VQUE DE LIMOGES

    ne peut que louer et bnir les ouvrages de M. Margiotta.

    VCHE DE MENDE

    Monsieur le Commandeur, Monseigneur l vque de Mende me charge de vous dire

    quil bnit de tout cur vos uvres dignes de tout loge et des sympathies de tous les serviteurs de N.-S. Jsus-Christ.

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    Je vous prie, Monsieur, dagrer lassurance de la Bienveillance de Monseigneur votre endroit et de mes meilleurs sentiments personnels.

    LABB SOLANET, ch.

    LE CARDINAL ARCHEVQUE DE BORDEAUX

    ne peut quapplaudir aux intentions et aux efforts

    de M. Margiotta.

    VCHE DE TARENTAISE

    Monsieur le Commandeur,

    Sa Grandeur se rjouit beaucoup du bien immense que vous rendez la cause catholique, unique salut de nos malheureuses socits malades.

    Elle bnit de tout cur votre entreprise. Veuillez avoir la bont, Monsieur, dagrer mes

    flicitations personnelles et lassurance de mes respectueux et dvous sentiments.

    A. DESSAIRE, Vicaire Gnral.

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    VCH DORAN

    Monsieur le Commandeur Margiotta, Monseigneur bnit de tout cur luvre que vous avez si

    noblement commence. Agrez, Monsieur, lassurance de mes sentiments

    respectueux et dvous.

    GEORGET, Vicaire

    Gnral.

    VCH DE PAMIERS

    Monsieur le Commandeur.

    Jai applaudi de grand cur votre conversion et au zle courageux avec lequel vous avez dmasqu le chef suprme de la Franc-Maonnerie.

    Je considre aussi comme une oeuvre fort utile lautre ouvrage que vous prparez.

    Je vous souhaite plein succs. Veuillez agrer, Monsieur, lassurance de ma respectueuse

    considration.

    PIERRE EUGNE, Evque de Pamiers,

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    VCH DANNECY

    Monsieur le Commandeur Margiotta,

    Monseigneur apprcie limportance de votre oeuvre et vous bnit de tout son cur.

    Recevez, Monsieur, lassurance de mes sentiments distingus.

    J. MOGERLEX, Secrtaire.

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    I

    COUP DOEIL RETROSPECTIF FLCHES DE LASSASSIN LEMMI ET MA RPONSE. LETTRE DE PIKE CONTRE LE GRAND ORIENT DE FRANCE. DNGATIONS DE LA RIVISTA DELLA MASSONERIA ITALIANA AU SUJET DU CONGRS INTERNATIONAL DE ROME. LE F... AMIABLE ROME. LEMMI EXPULS DU PALAIS BORGHSE ET DECOU-VERTE DU TEMPLE DE SATAN DANS CE PALAIS (NOTE). QUI SUIS-JE ? (NOTE).

    Le T... Illustre F... Adriano Lemmi, escroc Marseille, circonscrire Stamboul, souverain pontife de la Franc-Maonnerie universelle en rsidence Rome, ds que jai eu publi mon ouvrage sur Adriano Lemmi, chef suprme des Francs-Maons a essay de mclabousser de sa boue. Il comptait affaiblir ainsi la porte de mes rvlations, crasantes pour lui et pour la secte, dont il est le chef, rvlations qui ont eu le plus grand retentissement en Europe et en Amrique. Il adressait au Patriote de Bruxelles une lettre publie dans le numro du 1er novembre 1894, dans laquelle, croyant le public profane trop naf, il sexprimait ainsi : Je nai jamais connu Domenico Margiotta. Je sais maintenant seulement quel individu il est !

    Les insinuations et les rticences dun voleur enjuiv ne pouvaient atteindre un homme honorable ; aussi la flche quil avait essay de me dcocher est retourne en arrire, et est entre dans les flancs de celui qui lavait lance. Inutile de dire que ces paroles, que je ne veux pas qualifier ici, ont attir au chevalier de Marseille et autres lieux, de nombreux articles de ma part dans les journaux franais et trangers. Cependant, comme les lecteurs pourraient avoir oubli la lettre de Lemmi, je crois ncessaire de la reproduire dans ce chapitre, avec ma rponse. Elle en est comme le point de dpart.

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    Voici donc la lettre que le signor Adriano Lemmi envoyait, par ministre dhuissier, au journal de la Belgique :

    Rome, le 24 octobre 1894.

    Monsieur le Directeur,

    Sous la signature Domenico Margiotta, vous avez publi dans les numros 265 272, du mois de septembre dernier, du journal que vous dirigez, plusieurs articles contre moi.

    Tout ce qui dans ces crits peut offenser ma rputation, est faux.

    La nouvelle organisation maonnique internationale nexiste pas. Je nai jamais embrass le judasme. Je nai jamais t poursuivi devant aucun tribunal. Depuis le mois de fvrier 1844, jusqu la fin de lanne I845, jai rsid Constantinople o je dirigeais loffice daffaires maritimes tabli Galata par M. Franois Salomon, de Malte, sujet britannique. Je my suis ensuite tabli, dabord sous mon nom personnel et, peu de temps aprs, sous la rubrique Tito e Adriano Lemmi . En 1860, je suis rentr dfinitivement de Constantinople en Italie.

    Je nai jamais connu Domenico Margiotta, maintenant seulement je sais quel individu il est. Je suis entr en 1878 dans lordre maonnique, et je certifie que, depuis cette date, il nen a pas fait partie. Je me rserve de poursuivre en justice ceux qui tentent de diffamer mon nom.

    En attendant, je vous prie, Monsieur le Directeur, de publier la prsente dans votre journal et je vous en remercie.

    (Sign) ADRIANO LEMMI.

    Grand-matre de la Maonnerie italienne.

    Le Patriote a fait suivre cette lettre des considrations suivantes :

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    Lemmi nignore pas que la presse europenne sest occupe de lui, diverses reprises, au sujet des faits qui provoquent la protestation quon vient de lire. Or, Lemmi na pas protest contre ces attaques. Si Lemmi veut se faire rendre raison en justice, M. Margiotta nest pas inconnu en Italie.

    A part ce ct personnel, la discussion qui surgi rcemment vise des points essentiels notamment lexistence dune franc-maonnerie suprieure, inconnue aux maons ordinaires, et rgentant, sous le pontificat suprme de Lemmi, toutes les Loges du monde. M. Goblet a ni ce fait. Lemmi, successeur dAlbert Pike, le nie aussi de faon sommaire. Un peu plus de renseignements et fait laffaire du public.

    Par exemple, que pense Lemmi de ceci ? Le gnral Pike, chef suprme de la haute-maonnerie,

    ayant vu de mauvais oeil le projet de Convent international, clos, le 17 juillet 1889, dans lassemble runie Paris au temple de la rue Cadet, rsolut de mettre obstacle la tentative du Grand Orient de France. Son hostilit avait une double origine : dabord Albert Pike, lucifrien invtr, a toujours t mcontent des tendances de la majorit des Loges du Rite franais vers lathisme ; ensuite il tait profondment vex de ce que le Grand Orient de France sollicitait des adhsions ce projet de Convent international, sans avoir demand son autorisation pralable.

    Aussi crivit-il au F... Adriano Lemmi la lettre suivante :

    Washington, le 12 mars 1890 (E... V...)

    602, D-Street, N.-W.

    Trs illustre et cher frre,

    Je nai pas pu rpondre plus tt votre lettre du 10 fvrier. Il tait utile, dailleurs, que votre communication ft examine par nos frres de Charleston.

    Leur rponse est conforme mon sentiment. Quoique se basant sur un vote de lassemble dont vous -

    mavez envoy le compte-rendu des travaux (il sagit du Congrs tenu en juillet 1889, lhtel de la rue Cadet), le Grand Orient de France na aucune qualit pour faire appel un change de vues,

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    ni pour organiser ou convoquer, encore moins, un convent maonnique UNIVERSEL.

    Le Grand Orient de France a t, trs rgulirement, dclar dchu de toute autorit, par les dlibrations lgales du Srnissime Grand-Collge des Maons Emrites, et cela sur ma proposition. Les membres des hauts grades qui sont au sein du Grand Orient de France ne savent pas diriger les Frres de lordre infrieur ; de nombreuses reprises, ils ont prouv leur incapacit en ce sens.

    Cest avec douleur que jai d mettre le Grand Orient de France hors la communion de la Maonnerie Universelle. Tant que les Loges du Rite Franais ne samenderont pas, tant quun convent de ce rite naura pas ramen aux vrais principes cette fdration turbulente et sditieuse, je serai dans la cruelle ncessit de maintenir mon excommunication du 10e jour de la Lune Beschvan, 15e jour du huitime mois de lan 00888 de la Vraie Lumire (re vulgaire : 15 Octobre 1888).

    Jai donn la liste de tous les ateliers du Grand Orient de France, disais-je dans ma vote encyclique de cette date. Dsormais, aucun franc-maon ne peut, sous aucun prtexte, visiter aucun de ces ateliers, moins quil nait perdu jusquau moindre vestige du respect de lui-mme et nait bu toutes les hontes. Quiconque dsobira cet ordre encourra bien certainement et bien srement lexpulsion de la Maonnerie, avec tous les dsavantages quelle comporte.

    La dernire concession qui mait t arrache, par des suppliques ritres, est celle qui a suspendu lexcommunication pour la priode de la dure de lexposition universelle de Paris ; en lhonneur du glorieux Centenaire de 1789, jai pouss la mansutude jusqu ses dernires limites.

    Maintenant, trs illustre et cher Frre, il importe que tout rentre dans lordre. Mon dcret du 15 Octobre 1888 a repris son plein effet, sous la seule exception formule par ma vote de mitigation du 22 dcembre de la mme anne. Je dfends plus que jamais tout Frre reconnaissant ma suprme autorit les visites aux ateliers du Grand Orient de France.

    Je casse, annule et dtruis le vote mis, le 7 juillet 1889, dans lassemble maonnique tenue au sige du Grand Orient de France. Je dclare sditieuse toute nouvelle adhsion qui se produirait dans le but de se concerter avec le

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    Grand Orient de France pour lorganisation dun convent maonnique universel ou de nimporte quel congrs international provoqu par linitiative de ce Grand Orient.

    Jenvoie la dfense expresse et formelle tous les Suprmes Conseils, tous les Grands Orients et toutes les Grandes Loges. (1)

    Ma prsente lettre ne sera pas communique au Grand Orient de France ; mais, dans toutes vos correspondances aux quelques corps maonniques qui avaient dj adhr ce projet de convent universel, vous dmontrerez combien lordre du jour prsent au vote irrgulier du 17 juillet 1889 ntait pas lexpression du sentiment gnral des autorits lgitimes.

    Cette dmonstration vous sera facile, trs cher et illustre Frre, en vous reportant aux signatures de ladite proposition. Sur dix-huit signataires, neuf sont des membres du Grand Orient de France : les FF... Viguier, Francolin, Desmons, Amiable, Foussier, Malfuson, Poulle, Dalsace et de Hrdia. En particulier, vous frapperez dun blme le F... Dalsace, qui, par sa signature, a engag le Grand Orient dItalie, sans vous avoir consult. Vous ferez observer que, sur les neuf autres signataires, trois seulement peuvent revendiquer le titre de reprsentants de Corps maonniques ayant les pouvoirs des hauts grades : le F... Brard, comme reprsentant du Suprme Conseil de France ; le F... Vgar, comme reprsentant du Grand Orient et Suprme Conseil du Portugal ; le F... Tramu, comme reprsentant du Grand Orient et Suprme Conseil du Brsil. Le Grand Orient National dEspagne reprsent par le F... de Puga, quoique possdant un Suprme Conseil du 33e degr dans son sein, nest pas admis la communion du Rite Ecossais Ancien Accept. Quant aux cinq autres signataires, les FF... Houzeau de Lehaie, Favrot, Cester, Kuhne et Friquet, ils ne reprsentaient que des Loges Symboliques ; ce dernier mme, reprsentant une fdration sditieuse et rvolte, tolre par la trop grande indulgence du Suprme Conseil de France aurait d tre exclu dune assemble maonnique se disant rgulire. Voil assez de raisons pour prouver la non-valeur du fait du 17 juillet 1889, sur lequel le Grand Orient de France base sa prtention dorganiser un convent maonnique universel.

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    Pour aucune raison ni sous aucun prtexte, ce convent ne devra avoir lieu. JE LINTERDIS RIGOUREUSEMENT avec lapprobation unanime du Srnissime Grand-Collge et de tous nos Frres de Charleston. Excuteur de cet ordre, vous recevez par cette lettre la mission de faire avorter toute nouvelle tentative, et jai confiance en votre habilet, qui saura agir sans montrer la main de la haute-maonnerie de la parfaite initiation.

    Recevez, trs illustre et cher Frre, mes cordiales salu-tations fraternelles. je prie NOTRE Dieu de vous continuer toujours sa protection.

    Du Suprme Directoire Dogmatique : ALBERT PIKE, 33e, S... P... (Souverain

    Pontife). Souverain grand-commandeur grand-matre.

    Lemmi avait trop grand intrt, dit Juvenal Moquiram, complaire Pike, pour se mettre en travers de sa volont, si carrment exprime. Il tait alors grand-matre du Souverain Directoire Excutif, en mme temps que grand-matre du Suprme Conseil ditalie. Il manuvra donc dans le sens que lui avait indiqu Albert Pike, et avec toute ladresse et la ruse ncessaires pour ne pas froisser le Grand Orient de France.

    Les gros bonnets de la rue Cadet eurent beau, ds lors, multiplier leurs dmarches ; partout, ils recevaient des refus ou des fins de non-recevoir. Le Rite Franais, mis lindex par Charleston, voyait ses ateliers dlaisss par les maons trangers voyageant en France ; en fait de visiteurs bravant les foudres de Pike, il navait gure que les ngres de Saint-Domingue, de Libria et dHati, qui le F... de Hrdia est surtout sympathique.

    Il nest pas sans intrt de faire savoir ici que Pike, ds 1888, avait publi sa sentence dexcommunication, cest--dire cette tonnante vote du 15 Octobre 1888, dont il reproduit les lignes essentielles dans sa lettre Lemmi. Et, pour que les hauts-maons franais ne pussent pas nier, jindique que le document se trouve imprim dans le Bulletin Officiel du Suprme Conseil de Charleston, tome IX, lappendice, page 30. Pike ajouta

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    seulement le mot amricain aprs : aucun franc-maon , son bulletin ne devant pas dvoiler la haute maonnerie.

    Lorsque le pontife Pike et rendu sa vilaine me son dieu Lucifer, le sire Adriano Lemmi aurait pu faciliter laccomplissement du projet de convent universel, auquel le Grand Orient de France navait pas renonc, malgr tous ses checs successifs auprs des diverses puissances maonniques. Mais alors il avait bien dautres soucis en tte. Lemmi, pensant quil serait toujours temps dtre agrable ses amis de la rue Cadet, travailla dabord la haute-maonnerie pour son compte, et lon sait comment il parvint liminer et remplacer, en 1893, le successeur dAlbert Pike (Georges Mackey) la grande matrise suprme. Arriv ses fins, il laissa, ds les premiers jours de 1894, les chefs du Grand Orient de France reprendre leur campagne pour la runion du fameux convent international, sans les entraver dsormais.

    Bien mieux, quand Diana Vaughan et les hauts-maons amricains le battirent en brche, il favorisa le projet des cadettistes. Puis, le schisme cessa, par suite de la transaction Findel, de Leipzig ; ce que personne nignore plus aujourdhui.

    Je ne pouvais pas laisser sans rponse la lettre du signor Lemmi ; et, peine eut-elle paru dans le Patriote que je mempressai de publier dans le Peuple Franais de Paris, du 6 novembre, ma rponse ainsi conue :

    Le journal le Patriote, de Bruxelles, qui, aux dernires lections, a men si vaillamment la campagne contre le F... Goblet dAlviella et autres candidats francs-maons belges, et qui a tant contribu leur complte dfaite, vient de recevoir par ministre dhuissier une lettre, vraiment un peu trop tardive, du sire Adriano Lemmi.

    Le grand chef maon, dont le mot dordre avait t : Silence partout , sest ralli lavis du F... Goblet dAlviella : Nions carrment , et, en effet, comme on va le voir, il nie tout, mme le fait davoir reni le catholicisme pour embrasser le judasme. Oui, cest ainsi ; Lemmi, qui depuis tant dannes souriait avec bonheur lorsquon lui rappelait son entre dans la tribu dIsral, Lemmi nest plus juif, na jamais t juif !

    Permettez-moi de reproduire en entier cette tonnante lettre. Elle me vise, et jy rpondrai sur les points principaux.

  • 24

    Sur la question de lorganisation maonnique interna-tionale, qui nest pas nouvelle (quoi que dise Lemmi), mais qui date de 1870, mon volume rpond amplement. Sans doute, les chefs de la maonnerie belge voient les dmissions se multiplier, et ils ont sollicit du grand chef le dmenti qui le rend tout coup si modeste, histoire de rassurer les Frres-gogos. Je ninsiste pas. Il suffit de voir la vote de protestation des hauts-maons amricains que jai publie in-extenso et les dcrets du Suprme Conseil scissionniste de Palerme, reproduits cri fac-simil. Ces documents crasent le dmenti dAdriano Lemmi.

    Pour nier sa condamnation, Lemmi dit aujourdhui quil est venu Constantinople en 1844 ; que, de cette poque-l la fin de lanne 1845, il a dirig dans cette ville un office daffaires maritimes pour le compte dun Anglais nomm Franois Salomon, de Malte ; et quensuite il sest tabli pour son compte personnel, toujours Constantinople, seul dabord, et avec un autre Lemmi portant le prnom de Tito, aprs. Cest seulement en 1860 quil a quitt Constantinople pour rentrer en Italie. (je prie le lecteur de bien noter ces dates.)

    Eh bien, Adriano Lemmi ment impudemment et, pour prouver son mensonge, je me contenterai pour aujourdhui, de reproduire ce que le mme Adriano Lemmi crivait, le 23 avril 1890, au journal romain la Voce della Verit.

    A la suite du scandale pour laffaire des tabacs, o Lemmi fut accus, la tribune du Parlement italien, davoir escroqu plusieurs millions (ces dbats parlementaires sont historiques et ne peuvent tre nis), la Voce della Verit jeta la face de cet homme la fameuse condamnation infamante de Marseille. Lemmi la niant comme toujours, paya daudace ; mais ce quil a dit cette poque ne concorde pas avec ce quil dit aujourdhui. Voyez plutt :

    Pour viter toute quivoque, crivait Lemmi au journal

    romain (lettre publie dans le n du 24 avril 1890), je vous prie de vouloir bien accueillir et insrer la dclaration suivante : Adriano Lemmi, de Florence, condamn Marseille en 1844, na rien de commun avec Adriano Lemmi, de Livourne, lequel, tabli depuis 1843 Constantinople, tait, en 1844, directeur dune maison de commerce en affaires maritimes dans cette mme ville, quil na quitte quen 1847 pour se rendre Londres.

  • 25

    Jai bien lhonneur, Monsieur le Directeur, de vous saluer.

    (Sign) ADRIANO LEMMI Grand-matre de la maonnerie italienne.

    Quand on dit la vrit, on ne se contredit pas. Ici la contradiction est flagrante.

    En 1890, on ne reprochait Lemmi, au sujet de son pass, que la condamnation de Marseille, la Voce della Verit ignorait le rle que Mazzini lui a fait jouer de 1851 1860 particulirement ; personne ne songea lui en faire un grief. Aussi Lemmi ne cacha point quil tait parti de Constantinople bien avant 1860 et que Londres fut son but en quittant la Turquie.

    Aujourdhui, ce nest plus seulement sa condamnation de 1844 qui est en jeu, cest aussi sa complicit dans tous les crimes mazziniens, dits politiques, partir de 1852 (tentative dassassinat sur la personne du ministre toscan Baldasseroni) jusquaux massacres et aux trahisons de 1860 dans les Deux-Siciles, sans parler ici des crimes postrieurs. Alors, Lemmi, oubliant sa lettre du 23 avril 1860 ou pensant que le directeur du Patriote ne la connatrait pas, se donne comme nayant quitt la Turquie quen 1860 et biffe, dun trait de plume menteur, cette priode de sa vie dagent mazzinien.

    Aprs cela, je pourrai mabstenir de relever le reste. Cependant, je ne puis mempcher de faire remarquer que

    Lemmi prend le public profane, pour trop naf, vraiment. Il menace de poursuites judiciaires, aujourdhui. Mes diteurs et moi, nous les attendons de pied ferme. Mais pourquoi na-t-il pas poursuivi le colonel Bizzoni, le dput Imbriani, qui, les premiers, ont fait connatre le jugement de Marseille, en le lui appliquant ? Pourquoi na-t-il pas poursuivi en Italie les innombrables journaux qui ont publi les lettres de miss Vaughan, o son indignit tait dmasque en termes trs nets et avec des d-tails trs prcis ?

    Si son casier judiciaire est pur en France, pourquoi choisit-il la Belgique pour formuler des menaces, alors que cest en France mme que mon volume a t publi ? Cette manuvre ne trompera personne. Le F... Goblet dAlviella na pas relev mon triple dfi ; de mme, Adriano Lemmi hurle et proteste, mais nira

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    pas plus loin que les hurlements et les protestations. Tout cela, cest pour la galerie. Il sait trop bien que les documents que jai publis en photogravure sont authentiques, et que miss Diana Vaughan, qui en possde les originaux, avec dautres plus importants, les produirait devant le tribunal, sil osait faire appel la justice.

    Enfin, Lemmi prtend ne pas me connatre. Il jongle avec les dates et dit que, lui, il est entr dans la Maonnerie en 1878 (mensonge), et que cest cette mme poque que jai cess, moi, den faire partie (autre mensonge). Cette assertion ne serait pas pour me dplaire ; car, ai elle tait exacte, il en rsulterait quun honnte homme a quitt la secte au moment o un individu disqualifi y entrait. Mais il faut maintenir ce qui est la vrit : cest--dire que Lemmi a plus de seize ans de maonnerie, lui qui fut le secrtaire de Kossuth et lagent de Mazzini, et que, dautre part, cest seulement le 6 septembre 1894 que jai cess dappartenir la secte, par dmission libre et volontaire.

    Et pour confondre le dernier mensonge de la lettre de Lemmi, il me suffira de reproduire la lettre que jai reue rcemment du Suprme Conseil de Palerme, par laquelle mes anciens amis du Rite Ecossais Ancien Accepte me supplient de revenir sur ma dtermination et de demeurer dans la Maonnerie.

    Voici cette lettre, sur papier officiel du Suprme Conseil, authentique par le sceau du Grand-Orient de Sicile, et dont je tiens loriginal Votre disposition :

    N 44

    A... G... D... G... A... D... U... Ordo Ab Chao Deus Meumque Jus

    Suprme Conseil de la Fdration Maonnique italienne du Rite cossais ancien accept.

    Orient de Palerme, 12 sep. 1894 (E... V...)

    Trs illustre et puissant Frre Domenico Margiotta, 33e lOrient de Palmi.

  • 27

    Notre Grand-matre a lu avec le plus grand chagrin la

    dtermination que vous venez de prendre de vous dtacher de notre famille. Il ma aussitt charg de vous prsenter ses plus instantes prires pour que vous reveniez de suite sur une telle dcision.

    Vous, dont la valeur est tant apprcie dans notre famille, vous ne devez pas, vous ne pouvez pas vous en retirer. Vous avez fait serment de rester au milieu de nous et vous y resterez, jen suis certain. Vous avez combattu au premier rang parmi nous, et maintenant que nous sommes au commencement de la fin, vous ne pouvez pas, non, vous ne pouvez pas nous abandonner, au moment surtout qui approche de recueillir le fruit de votre constant travail.

    Retirez, retirez votre dmission, nous vous en prions tous ; car tous nous sommes sur le point davoir satisfaction, je vous lassure.

    Moi aussi, il y a quelque temps, javais dmissionn raison dinadmissibles innovations que lon avait tent dintroduire chez nous ; mais ensuite, la majorit ayant reconnu que nous faisions fausse route, le Trs Puissant Grand-Matre (Paolo Figlia), qui a toujours march avec moi en parfait accord, ma convaincu de la ncessit de reprendre le travail.

    Je profite de loccasion pour vous dire quen juillet dernier Diana Vaughan nous a fait parvenir diffrentes sommes pour secourir les frres malheureux.

    Agrez, trs puissant frre, la triple accolade fraternelle.

    Le grand-lieutenant gnral, GIUSEPPE MILITELLO, 33e.

    Voil un document qui prouve, je pense, que je suis rest

    maon aprs 1878. Ns croyez pas, pourtant, que jen tire orgueil, mais je tiens uniquement faire clater la vrit, tout en plaignant de tout mon cur, pour leur erreur persistante, mes amis de Palerme, honntes gens gars dans la Maonnerie.

  • 28

    Lemmi me dcoche une flche. Il sait, dit-il maintenant, quel individu je suis. Je mprise cette insinuation, nayant me reprocher aucun acte dimprobit. Lui, Lemmi, il y a longtemps que le monde entier connat sinon tous ses mfaits, mais du moins sait quel individu il est.

    Veuillez agrer, Monsieur le Directeur, lassurance mes sentiments respectueux et dvous.

    Professeur Domenico Margiotta.

    La presse franaise et belge sest empare de cette lettre qui a soulev une explosion dindignation contre le voleur de Marseille. Les journaux les plus rpandus et toutes les Revues Ca-tholiques qui avaient dj publi mes lettres de dmission, parues dabord dans le Nouveau Moniteur de Rome ont reproduit les passages les plus saillants de ma lettre. LUnivers, notamment, dans son numro du 7 novembre 1894, a publi un important article intitul : Les contradictions de Lemmi , dont la conclusion est : Il nest pas si habile menteur qui ne se coupe, et Lemmi nous apporte lui-mme une preuve de ce vieil axiome qui se retourne contre lui.

    La Franc-Maonnerie dmasque, numro de novembre, a reproduit, en fac-simil rduit par la photogravure, loriginal mme de la lettre du Grand Lieutenant gnral du Suprme Conseil de Palerme, dont on vient de lire la traduction.

    Elle a donn encore deux lettres du Trs Ill... F... Militello, communiques par moi. Cette correspondance a offert un grand intrt. Non seulement elle prouve que Lemmi ment avec audace lorsquil dit que je nappartenais plus la secte depuis 1878 (poque laquelle je ntais pas encore franc-maon); mais encore elle tablit combien ma conversion a caus de regrets dans la fdration antilemmiste de Palerme et de NapIes. Dabord le F... Militello revient la charge ; il ne connat ma dmission que par ma lettre adresse de Bruxelles, le 6 septembre, Paolo Figlia, et laquelle il a rpondu officiellement le 12. Mais voici que les journaux viennent dannoncer quil y a dans mon fait plus quune simple dmission, quil y a une conversion quelconque. Le F... Militello lit cela dans les feuilles infodes la franc-maonnerie,

  • 29

    notamment dans lorgane maonnico-juif dirig par le matre-chanteur et malfaiteur Attilio Luzzatto, circoncis comme Lemmi, cest--dire dans la fangeuse Tribuna de Rome. Il se refuse croire ; il accuse Lemmi de rpandre des faux bruits.

    De l cette lettre dans laquelle Lemmi est fort maltrait, et que je reproduis dans sa crudit :

    Palerme, le 18 septembre 1894.

    Trs cher ami et frre,

    Cette charogne de Lemmi, pour se venger de tout ce que vous avez crit et imprim sur son sale compte, a fait publier dans les journaux du parti des articles affirmant que vous avez quitt la franc-maonnerie pour entrer dans le catholicisme. Persuad quil sagit l de faux bruits, je vous prie de les dmentir sur ces journaux si dj vous ne lavez fait, et cela pour que le monde maonnique sache que vous rejetez tout le contenu des articles qui ont pour titre : Conversion dun franc-maon.

    Envoyez -moi, au plus tt quelque rponse. Je suis, dans les mmes sentiments destime,

    Votre trs affectionn,

    G. MILITELLO.

    On voit bien par l que je ntais pas le premier venu dans la maonnerie, et quen le niant, Lemmi est un impudent menteur.

    Jai rpondu au F... Militello que les journaux ont dit la vrit, que je suis revenu la foi de mon enfance, et je lui envoie quelques numros du Peuple Franais.

  • 30

    Le F... Militello en prend son parti, et il mcrit de nouveau :

    Palerme, le 16 Octobre 1894.

    Trs cher Ami et Frre, Malgr votre dmission, je ne puis mempcher de vous donner le doux nom de frre ; veuillez me le pardonner ; cest plus fort que moi.

    On dit vulgairement : Rira bien qui rira le dernier , et jai confiance que les derniers rire seront les irrguliers, les btards, comme Lemmi appelle les membres de la Fdration.

    Et alors, lui, le Souverain Pontife Lemmi ?... Jai lu les articles du Peuple Franais, qui arrange si bien

    lami Lemmi. En ce moment, les Romains sont en pleine discorde, et en

    pleine dbandade : aussi le grand Lemmi vient-il de publier un dcret damnistie en faveur de tous les frres en sommeil, de tous les irrguliers et mme de ceux qui sont brls ; en payant ils peuvent faire retour la bergerie du palais Borghse.

    Agrez une poigne de main de votre trs affectionn et vritable ami.

    G. MILITELLO.

    Le F... Militello est un aveugle, mais un trs brave homme, et sa lettre confirme que la dbandade prend, chaque jour, de plus vastes proportions. Il faut mme que les dmissions se multiplient terriblement, pour que Lemmi en soit arriv, afin de combler les vides, proclamer lamnistie pour les frres mis en sommeil (ceux qui ont t rays des listes raison dinactivit), pour ceux considrs comme nayant pas fait rgulariser leur situation, et jusque pour ceux qui ont t exclus (brls).

    Lemmi, ne pouvant pas se consoler de la dbacle que mes rvlations ont contribu produire dans les rangs de ses troupes, qui se refusaient de continuer payer les contributions forces, a

  • 31

    essay de les calmer en rpandant le bruit quil ne sagissait que de menes de clricaux. Aussi a-t-il jug opportun de publier dans sa Rivista della Massoneria Italiana, numro de Septembre-Octobre 1894, larticle suivant :

    Nous ne savons pas prcisment par qui, mais cela est arriv en lt de 1893, ou en Amrique, ou en France, ou en Belgique, fut publi, dans la presse clricale, ltrange nouvelle qu Rome eut lieu une sorte de Congrs Maonnique International, dans lequel une partie de la Maonnerie, trs haute, trs secrte, cache aux Maons ordinaires, aurait lu un Chef suprme de tout lOrdre, une sorte de Pape Maonnique, et que ce Chef et ce Pape aurait t choisi en la personne dAdriano Lemmi.

    Un mauvais journal hebdomadaire, rempli dinsinuations, de calomnies et dinfamies contre les Maons et la Maonnerie, qui paraissait Rome cette poque-l, sest empar de lin-croyable nouvelle, lagrandissant et la commentant.

    En vrit, les Maons du monde entier ont gard le silence et, peut-tre, ont-ils ri de piti ; cependant dans la dernire assemble annuelle du Grand-Orient de France la chose eut un cho, la suite dune motion de la Loge de Toulouse. Nos Frres franais ont donn la nouvelle, videmment fausse, un poids plus grand quelle nen avait et ont vot, lunanimit, dans la runion de samedi 15 septembre 1894, sur la proposition du Prsident, lordre du jour suivant, pour tre communiqu mme la presse profane :

    Dans sa sance du 15 septembre 1894 et en rponse aux inventions fantaisistes des journaux clricaux, lesquels affirment, contrairement la vrit, que la Franc-Maonnerie universelle est soumise la direction de personnages reconnaissant pour chef le Grand-Matre du Grand-Orient dItalie, le F... Lemmi ;

    Vu la requte prsente par la Loge des Vrais Amis runis, O... de Toulouse ;

    Et se rfrant au dcret du Conseil de lordre en date du 26 avril 1893, dcret aux termes duquel les Ateliers sont dlis, exceptionnellement, du secret maonnique, en ce qui concerne les questions, rtrospectives ou actuelles, o le patriotisme de la Franc-Maonnerie franaise se trouve mis en cause :

    Lassemble gnrale du Grand-Orient de France a dclar et affirm la face du monde, certaine de ntre dmentie par personne, que la Fdration du Grand-Orient de France

  • 32

    ntait soumise aucune direction ou inspiration trangre, aucune autorit constitue en dehors delle-mme, et que cette autonomie des pouvoirs nationaux est la premire rgie des diverses Puissances maonniques la surface du globe : A dcid que la prsente dclaration serait exceptionnellement communique la presse non maonnique.

    Lillustre F... Louis Amiable, continue la Rivista, membre du Grand-Orient de France, qui a visit tout rcemment lItalie et sest arrt Rome pendant quelques jours, a manifest notre Trs Puissant Grand-Matre le dsir que Cet ordre du jour ft publi dans la Rivista della Massoneria Italiana, et, autant que possible reproduit dans les journaux les plus rpandus de la presqule. De notre part, lillustre et sympathique Frre est obi : mais nous ne pouvons nous abstenir dobserver que la nouvelle tait par elle-mme tellement absurde que, peut-tre, ne valait-il pas la peine de la recueillir et de la dmentir avec tant de solennit. Il ne serait pas assez de toute la presse maonnique du monde entier si lon devait dmentir et combattre toutes les insinuations, les calomnies et les btises que les journaux clricaux publient tous les jours contre notre Institution.

    Lordre du jour du Grand-Orient de France, dont il est question dans larticle de la Rivista a t motiv parce que le Peuple Franais de Paris, du 14 septembre, ayant publi un article magistral propos de mes rvlations et de ma conversion, tapait ferme contre les Francs-Maons de la rue Cadet, dmontrant leur anti-patriotisme pour stre li un homme tar comme Lemmi, ennemi de la France, autant et plus que ne lest linfme Francesco Crispi, lexcr trigame gallophobe.

    Je ne puis pas passer sous silence la lche insinuation du triste malfaiteur qui trne (2) au Palais Borghse, et dont le public du monde entier connat dsormais la vie et les gestes.

    Il est donc ncessaire que je dise, sans aucune proccupation personnelle, qui je suis, pour infliger un dmenti solennel au voleur du bon docteur Grand-Boubagne, au circoncis de Stamboul, pape lucifrien.

    Ma modestie naturelle minterdit de faire une autobiographie. Aussi me bornerai-je dire qui je suis en reproduisant les notices biographiques qui se trouvent dans le remarquable ouvrage : Dizionario Biografico dit Naples en 1884 par Rinaldi et Sellitto, sous la direction de M. lavocat Schipani, Membre de la Commission Royale pour les textes de

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    langue. On y lit ceci : Domenico Margiotta est n Palmi de Calabre, le 12 fvrier 1858. Ds son plus jeune ge, il a montr une grande inclination pour la littrature, et sy perfectionna en tudiant avec prdilection les auteurs classiques, particulirement Virgile et le Dante. Il fut reu Docteur s-Lettres et Philosophie, et ses premiers ouvrages furent encourags et lous par Manzoni, par Tommaseo et par Cant. Ce dernier, en acceptant la ddicace de son pome : Ide dune nuit , lui en tmoignait toute sa bienveillance et lui envoyait son portrait accompagn dune lettre trs flatteuse. Ensuite il publia les Ouvrages suivants : Etudes , Livre dHonneur , Sympathies littraires contemporaines , Hymnes , Luttes , etc, et ce dernier ddi Bovio (le f... Giovanni Bovio, Souverain Directeur du Grand Directoire Central de Naples pour lEurope) (3), lequel se montra trs reconnaissant pour tant daffection.

    Ses ouvrages eurent beaucoup de succs, et quelques-uns eurent plusieurs ditions. Il a t dcor par plusieurs gouvernements, par des Municipalits, par des Acadmies, et les corps Savants auxquels il appartient sont trs nombreux. Jeune encore, il a une vaste intelligence et une grande force de volont : ces facults le feront, certes, avancer dans la voie de lart, en persvrant dans ses chres tudes. Nous souhaitons que, ne liant pas comme une gerbe les lauriers dj cueillis, il mprise les dtracteurs qui ne peuvent lui manquer, prcisment parce quil veut slever trs haut et se rendre utile son pays.

    La presse italienne a toujours parl avec le plus grand respect de ma famille. Pour ne pas aller trop loin je dtache les trois lignes suivantes dun long article du journal la Croce Bianca de Livorno, septembre 1880 : M. le Professeur Domenico Margiotta appartient une trs ancienne famille de gentilshommes ; ses honorables et pieux parents ont un cur noble et gnreux ; ils sont les vritables bienfaiteurs des malheu-reux.

    Le journal Il Sannio de Campobasso, du 27 Septembre 1885, entre autres choses, disait ceci : M. le Commandeur Margiotta est encore jeune, et la bonne renomme de son savoir est dj rpandue partout. Par ses ouvrages il a prouv jusqu lvidence que son me, leve lcole de la justice, est

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    dbordante damour pour le beau, le bon et le vrai, et quen mme temps il a vou guerre sans trve ni merci linfamie.

    Je nen finirais plus, si je voulais reproduire-ici les articles qu mon sujet ont publi les journaux : LImparziale, de Messine ; le Fanfulla della Domenica, de Rome ; le Popolo Romano, de Rome ; la Nuova Camera, de Naples ; lOsservatore Scolastico, de Turin ; lEpoca, de Gnes ; lAurora, de Raguse ; le Garibaldi, de Vittoria ; lOperaio Nazionale, de Bologna-Roma ; le Babbeo, dAvellino ; le Sannio, de Campobasso ; la Nazione, de Florence ; le Corriere Italiano, de Florence ; etc., etc., etc

    En 1894 il a t publi Londres un ouvrage consacr mon nom, du titre : Notices Biographiques sur le Commandeur Domenico Margiotta , d la plume de M. Jules Forestier. Plusieurs autres auteurs mont ddi leurs ouvrages.

    En 1888, candidat au Parlement Italien, jai obtenu lunanimit des suffrages dans ma ville natale, Palmi, chef-lieu de la 2e circonscription lectorale de Reggio, Calabres, sans parler dun nombre considrable de voix dans les autres 48 communes. Si je ne fus pas lu, cela tint uniquement aux manuvres gouvernementales du trigame et gallophobe Crispi, qui, daccord comme toujours, avec son digne compre Lemmi et me sachant leur adversaire implacable, employa largent de la Banque Romaine en distribution dans les campagnes.

    Ma candidature fit beaucoup de bruit, alors, parce que, mon nom tant trs connu en Italie, la scandaleuse intervention du gouvernement de Crispi, cause de mon gallophilisme rvolta tous les esprits honntes et indpendants, et souleva des temptes. Lemmi avait mme donn ordre de mattaquer son corrligionnaire, le malfaiteur et matre-chanteur Attilio Luzzatto, dshonneur du Parlement, du Barreau, du journalisme italien, directeur de la feuille maonnico-judaque de Rome, la Tribuna, qui vit de ranons et descroqueries, et qui a une haine froce pour tout ce qui est franais, pour tous ceux qui aiment la France. Les circoncis dItalie sont les plus vils ennemis du nom franais !

    Il est donc prouv que le voleur Lemmi mentait impudemment en disant : je nai jamais connu Domenico Margiotta. Maintenant seulement je sais quel individu il est.

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    Lemmi, le circoncis de Stamboul, savait bien que je suis un homme honorable, et que sa boue, je le rpte, ne pouvait mclabousser.

    NOTES

    1 - Albert Pike, fondateur de lorganisation universelle de la Maonnerie Lucifrienne, voulait dire par l quil a envoy cette dfense aux hauts-maons palladistes quil comptait comme correspondants directs au sein de ces puissances maonniques.

    2 - Quand cet ouvrage paratra, Lemmi aura fini dempoisonner de son haleine pestilentielle le Palais de Paul V. Le mariage du prince Borghse avec la princesse Ferrari de Galliera, permettra au prince de racheter la demeure de ses anctres.

    Samedi, 27 Avril 1895 un tlgramme de Rome mannon-ait que Lemmi, avait dj reu lordre davoir dguerpir du palais Borghse quil ne cesse de profaner depuis trois ans.

    Aussi, me suis-je empress de communiquer la bonne nouvelle, comme primeur, la Croix du Dauphin, qui, dans son numro du 27 avril, publiait lentrefilet suivant, lequel a t reproduit par lUnivers, la Croix, le Peuple Franais, de Paris, et par toute la Presse catholique de France :

    Lemmi chass : Notre ami, M. Margiotta, lauteur anti-maonnique bien connu, nous apprend une nouvelle qui nous remplit de joie.

    Le souverain Pontife de Satan, le voleur enjuiv Adriano Lemmi, vient de recevoir, par ministre dhuissier, lintimation davoir quitter le Palais Borghse, dans le plus court dlai, ainsi que sa cour infernale.

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    Aussi Lemmi est dans une rage furieuse, lui qui croyait que le palais de Paul V serait ternellement le sige de sa papaut maonnico-lucifrienne.

    Le mme journal reut de son correspondant de Rome les renseignements suivants qui corroborent et confirment pleinement le contenu du tlgramme quon ma adress :

    Rome, 1er mai 1895.

    Un temple maonnique Rome : On sait que Lemmi, le grand chef de la secte, sera sous peu, mis en dehors du palais Borghse. Le Grand-Orient alarm de cette ventualit, a dcid dlever un temple au sein mme de la capitale du monde catholique. Cest un triomphe dont la bande cosmopolite veut se donner la satisfaction. Le projet a t communiqu toutes les loges italiennes, et toutes ont t invites contribuer aux frais de construction.

    Pour donner plus dclat ce nouvel outrage aux catholiques et leur auguste Chef, la premire pierre du futur monument sera, parat-il, solennellement pose, prcisment la date du 20 septembre prochain. A cette occasion, on convoquera des dlgus maons de toute lItalie et des pays trangers.

    Le Cittadino, de Brescia, qui donne cette nouvelle, termine en faisant remarquer que si le montant des souscriptions est remis Lemmi en personne, il sera longtemps avant que le susdit temple soit bti. Adriano Lemmi connat trop bien la danse des cus. Quel caissier !

    Note de la Rdaction : On nous a demand, de diff-rents cts, comment Lemmi avait pu tre expuls du palais. Borghse par ministre dhuissier. Voici lexplication que nous a donn M. Margiotta.

    Le mariage du prince Borghse avec la duchesse Ferrari de Galliera, fille de feu le duc de Galliera de Gnes, a rtabli les affaires financires de la famille. La Caisse dpargne de Milan, nomme squestre des biens du prince Borghse, navait pas voulu louer le palais au frre du prince, tandis quobissant

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    des influences maonniques, elle ne fit pas de difficults et neut pas honte de louer ce palais Lemmi, pour en faire le sige de la papaut lucifrienne. Le palais, grce Dieu, navait donc pas t vendu, mais simplement lou au juif Lemmi, et le contrat de location tait rsiliable par la famille Borghse, la condition de couvrir le passif.

    Lexpulsion de Lemmi du Palais Borghse est un vritable drame : les nouvelles se multiplient avec une rapidit qui fait penser au fameux vers du pote franais : Le bonheur des mchants comme un torrent scoule.

    Voici le nouveau tlgramme que je recevais de Rome et que publiait, le 16 mai 1895, la Croix du Dauphin, tlgramme qui a produit dans la presse entire une sensation que lon comprend facilement :

    Le temple de Satan : Les agents de la maison Bor-ghse, en visitant le palais pour le prparer pour les poux, ont dcouvert dans une pice quon refusait tout prix de leur ouvrir le temple Palladique o sur un autel trnait lhorrible statue de Satan, entoure dun grand nombre dautres figures et symboles monstrueux. Le temple de Satan tait orn de draperies de soie rouges et noires.

    La nouvelle est absolument authentique. Les Lemmistes sont assez effronts pour nier. Mais le 18 mai, le mme journal auquel javais donn la primeur de lhorrible nouvelle, publiait larticle suivant :

    Le Temple de Satan Rome

    M. le docteur Dominique Margiotta veut bien nous communiquer les dtails suivants, qui compltent la dpche, que, grce lui, nous avons publie, il y a deux jours, sur la dcouverte du temple de Satan Rome :

    Naturellement, les chargs daffaire de la famille Borghse furent admis, sans difficult, visiter toutes les salles et toutes les chambres ; mais il leur restait encore visiter une salle qui tait ferme, et que les cerbres de Satan refusaient obstinment douvrir. Alors, les agents du propritaire du palais insistrent et menacrent finalement de recourir la force

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    publique pour faire enfoncer la porte de cette salle. En prsence dune menace si catgorique, les cerbres de Lemmi durent pourtant cder, et la porte fut ouverte.

    Cette salle tait le temple palladique. Les murs latraux taient orns de magnifiques tentures

    en damas rouge et noir ; celui du fond tait recouvert dune grande tapisserie, sur laquelle se dtachait la figure de Satan ; au pied de cette image infernale, tait dress un autel ou bcher ; et l taient rangs des triangles, des querres et dautres signes symboliques de la secte, puis des livres et des rituels maonniques ; tout autour taient placs des fauteuils dors, ayant chacun, dans la moulure qui en couronne le dossier, un grand oeil de verre, dont lintrieur tait clair la lumire lectrique. Au milieu du temple infme, slevait le trne, dun genre tout particulier, du Grand Pontife Sataniste.

    Vu ltat dpouvante dans lequel ce spectacle inattendu les jeta, les visiteurs neurent pas le courage de sarrter plus longuement dans cette salle maudite, qui servait au culte abominable du dmon, et sans en examiner plus en dtail tout lameublement, ils se retirrent en toute hte.

    Actuellement. Adriano Lemmi et ses sides sont en qute dun autre palais, afin dy transporter leurs pnates infernaux ; et ils ont beaucoup de peine en dcouvrir un qui leur convienne, et qui, surtout, ne soit pas trop expos aux regards du public ; et, cela cause des vertueuses surs maonnes, quils ont soin dinviter le soir aux agapes fraternelles, cest--dire aux horribles orgies aux-quelles ils se livrent en lhonneur de Satan.

    Et voil ce qui arrive Rome, le sige du Vicaire du -Christ, sous la protection de cet tre sans vergogne, qui sappelle Adriano Lemmi, et de son aide, de son soutien, de son satellite, de son compre Crispi, de cet homme qui voudrait se faire passer pour le sauveur de la pauvre et malheureuse Italie mais qui nen sera jamais que le pire tyran !

    Les commentaires sont superflus : les faits parlent deux-mmes.

    3 - Dans mon ouvrage Adriano Lemmi , pages 206

    220, les lecteurs trouveront le Tableau de la haute Maonnerie

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    Lucifrienne, classement par Grands Directoires Centraux, gouvernant en tout 77 provinces triangulaires. A la page 212 et suivantes, il y a les noms des 27 provinces triangulaires et de tous les Grands Matres, avec leurs pseudonymes palladiques et leurs numros magiques, composant le Grand Directoire Central de Naples ,pour lEurope, dont jtais Inspecteur Permanent et souverain Dlgu. NOTE : La famille Margiotta, qui, en Italie, sappelle aujourdhui indiffremment Margiotta, Margotta, Marotta, est lune des principales familles dancienne noblesse. Je demande pardon mes lecteurs du luxe de dtails ; mais ils avoueront quil est dur de se voir contester plus que son identit, son existence mme. En lisant le Teatro Genealogico delle famiglie nobili, titolate,feudatarie ed antiche nobili del fedelissimo Regno di Sicilia, viventi ed estinte ouvrage du Docteur Filadelfo Mugnos, fait par ordre du roi de Sicile en 1655, on trouve que Riccardo Margotta , en 1416, fut cr capitaine-gouverneur de Randazzo par le roi Alphonse, et que Manfred, fils de Riccardo, remplit le mme office en 1433. De Manfred naquit Jean-Ludovic, docteur en droit, qui fut trois fois juge de Catane. Sous lempereur Charles V, Manfred et Nicolo Margiotta, formaient la plus grande noblesse de Catane. Don Diego Margiotta fut nomm 3 fois par Sa Majest Catholique, Juge de la Cour Suprme.

    Jean-Pierre De Crescenzi dans son ouvrage : Corona della Nobilta dItalia place la famille Margiotta parmi les plus nobles de Plaisance, et elle est aussi compte dans le Collge des juges, o lon nadmet que les personnes dune noblesse prouve.

    Dans le Registre de la Monnaie de Naples, sign 1322, lettre A, folio 13, jusquau folio 63, parlant des Barons feudataires du Royaume de Naples qui ont envoy leurs sujets en Terre-Sainte, pour la libration du Saint Sepulcre, sous le roi Buon Guglielmo, il est question de Lando de Margiotta, baron feudataire ; cela prouve que cette famille tait noble et riche sous le Roi Buon Guglielmo et dautres rois Normands.

    Actuellement la famille Margiotta est rpandue dans toute lItalie. Il y a Don Pasquale Margiotta, Procureur du roi Bari, Trani, etc. Don Domenico Margiotta, Doyen Mitr, 1re dignit de

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    la Mtropolitaine de Reggio- Calabres ; mon honorable Pre Don Antonio Margiotta, est dcd en 1890 laissant quatre enfants : Don Giacomo, Abb, Francesco, Luigi, et moi, Domenico, qui, personnellement, ai t cr Noble Patricien Hrditaire de Carida et chevalier de lOrdre Pontifical du Saint-Spulcre, par mes ouvrages littraires. Du mariage de mon frre Louis avec la noble dame Donna Antoinette Golotta de Candidoni, est n un enfant, Thomas-Antoine, qui a maintenant lge de cinq mois.

    Les partisans de la science hraldique me permettront de donner les blasons de ma famille. Lcusson de ma famille est divis en quartiers. Les quartiers 1 et 3 portent un dragon marin deux pieds rampants dargent en champ dazur, avec une toile dargent, ayant au-dessous des vagues marines. Les quartiers 2 et 4 portent des vagues cumeuses dargent et dazur.

    Vers 1680, une branche des Marotta de Sicile passa en Calabre, o par le got de la prononciation calabraise sajouta un gi et sappela dfinitivement Margiotta. Une autre branche passa en Espagne, o un Margiotta fut cr Grand dEspagne, et dcor de la Toison dor de 1re classe, se maria avec une princesse espagnole. Il neut pas denfants et, aprs sa mort, toute sa fortune estime plusieurs millions, passa lEtat. les Margiotta de Palmi ayant refus de se rendre en Espagne, o le dfunt les appelait avec instance. Vraiment, mes anctres navaient pas ce qua Lemmi, lauri sacra fames, la soif de lor, car ils ont toujours t trs bons catholiques.

    Au sujet de ma vnrable et regrette Mre, Donna Maria Grazia Mangione, on trouve dans les ouvrages gnalogiques Italiens que cette famille est trs noble et allie plusieurs familles princires. En effet, Don Antonio Mangione, grand-pre de mon grand-pre maternel, qui sappelait lui aussi Don Antonio Mangione, se maria avec Donna Margarita Beccadelli, princesse de Bologna, fille de Don Antonio Beccadelli, prince de Bologna, Baron de la Sambuca, de Cefala et de Capece, comte et marquis de Marineo. Donna Elisabetta Amari, Baronne de Marineo et de Risalaimi se maria avec Don Carlo Mangione. Puis la famille eut des revers.

    Les armes de la famille de ma mre sont un cusson di-vis en deux moitis. La premire moiti porte les armes des princes de Bologna Beccadelli (une aile dor en champ azur et pour cimier un lion) ; lautre moiti porte les armes des Barons

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    Amari (une sirne qui est dans une mer ; la moiti du champ qui est derrire la sirne est dargent et au dessus dazur, une toile dor sur le casque).

    Jai t forc de dire qui je suis pour repousser les lches insinuations du malfaiteur Adriano Lemmi ; inutile dajouter que je ne tire pas orgueil de la noblesse de ma naissance, parce que je retiens que la vritable noblesse dun homme est celle quil sait atteindre par ses vertus et par son travail personnel.

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    II

    ORTHODOXIE MAONNIQUE

    LE CULTE DE SATAN DANS LES ARRIRE-LOGES. LHYMNE A SATAN. LE POME LUCIFER . LE LUCIFERIANISME ET LE SATANISME. PIKE ET LEMMI. LES ORAISONS LUCIFERIENNES ET LA MESSE PALLADISTE. LES ORAISONS MATRIALISTES DE LEMMI. ASSOCIATION DES JUIFS ET DES FRANCS-MAONS. LE BUT DE LA FRANC-MAONNERIE. IMMORALIT PROFONDE DES ARRIRE-LOGES. LE GENNAITIH MENNOG ANALYS ET TRADUIT.

    Le royaume du mensonge et de lorgueil existe aussi bien de nos jours quil existait quand le Fils de lHomme vint sur la terre, plonge dans lerreur, prcher la fraternit universelle, tablir le royaume de la justice et de la vrit, abolir lesclavage et rpandre partout la lumire de la libert. Lange dchu qui hait lhumanit rgnre, ne pouvant plus recevoir son culte infme en plein jour, sest retranch aujourdhui dans les arrire-loges, o il reoit les hommages de ceux qui lui ont vendu leur corps et leur me ; et ils oprent en son nom les mmes prodiges quoprait Simon le Mage, qui blouissait le peuple grossier et superstitieux par son art satanique, ses enchantements et ses prdictions. Tout le monde courait ce fripon, le croyant un dieu ! Le culte quon rend Satan, reprsent par le Baphomet, dans les arrire-loges, est honteux ! Les profanes ne peuvent pas se former une ide bien nette du rle satanique jou dans la socit par la franc-maonnerie, laquelle tait connue dans lantiquit paenne sous le nom de Gnose. Simon le Mage, qui vivait Sbaste aux temps des aptres, est le fondateur

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    de cette religion occulte, divinisant le prince des tnbres, religion qui est Pratique, en plein XIXe sicle, dans les Grands Triangles Lucifriens, par une phalange de forcens, ayant des prtres et des prtresses, prsids maintenant par un voleur clbre Adriano Lemmi. Ltoile flamboyante quon voit dans les temples maonniques porte au milieu la lettre G. On fait croire aux initis que cest la premire lettre du mot anglais Good (Dieu) ; mais aux vrais lus, aux Kadoschs (30) on explique que le vritable mot est Gnose. La Franc-Maonnerie est donc la descendante directe de la Gnose ; et feu Albert Pike, le premier pontife lucifrien, prdcesseur de lenjuiv, qui trne honteusement au palais de Paul V, ne sest pas gn pour affirmer que le gnosticisme pur est lme et la moelle de la franc-maonnerie. La Gnose tait la religion de Satan ; la franc-maonnerie est donc le culte de Satan. Et, afin que personne ne puisse croire que jai un parti pris contre la secte infernale dans laquelle, malheureusement, jai pass, comme un aveugle, beaucoup de temps, je cderai la parole au F... Ignazio Sinigagliesi 33..., ancien prsident de la premire Fdration maonnique de Palerme, qui, dans un de ses discours au sein du Triangle satanique de la valle de lOreto, sexprimait ainsi : Satan est le vrai Dieu ! Satan, que les prtres ont vaincu par la ruse, par la calomnie et la tromperie, est le crateur de luvre de lgalit, de lintelligence, de la civilisation et du progrs ! Or, quest Satan pour vous, seigneurs de la Terre ? Ce quest Satan pour le Seigneur des Cieux, que votre imagination a invent votre ressemblance ! notre ressemblance! Quest le Seigneur des Cieux ? Un dualiste qui a cr des privilges et des prfrences, tandis que lunique source produisait videmment lgalit de ltre. Quest Satan ? Un monoliste qui, recherchant tout dans la matire, embrasse la matire comme oeuvre de la

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    cration, et, retrouvant lessence dans la matire, se dclare pour la matire et ne trouve ni distinction de grades, ni diffrence do-rigines Satan est le vrai Dieu ! Gloire donc Satan, souverain de la matire ! Quest-ce donc que le Seigneur des Cieux, si ce nest le Dieu des paresseux, des oisifs et des vagabonds, qui imaginent lesprit et se rassasient de matire ; qui vivent dides et consomment la ralit ? Il ny a pas desprit sans matire, et ils sont identifis lun lautre, ou bien le Seigneur des Cieux est le Dieu du Nant ; tandis que Satan est, par contre, le Dieu de lUnivers ! Le Dieu de lUnivers, car il comprend dans un seul tre esprit et matire, lune ne pouvant subsister sans lautre. Celui-l seul doit tre pour nous le Dieu qui les gouverne tous deux, et celui-l est Satan ! Le Seigneur des Cieux est celui qui ne donne rien et prend tout ! Celui qui dit que tout lui appartient, parce que cest lui qui a tout cr, et que tout doit retourner lui. Mais ce que le Seigneur des Cieux affirme avec tant dorgueil est-il vrai ? Si le concours de Satan ne lavait pas aid en cette occurrence, aurait-il t le crateur de toute chose ? Si la matire ne stait pas jointe lesprit, sur quoi aurait-on fond le droit de proprit ? Si la lumire ne stait pas marie aux tnbres, ou vice-versa, do seraient venu le jour et la nuit ? Si larchitecte navait pas eu lartisan pour laider dans la construction, ldifice se serait-il lev ? Et pourquoi Abel serait-il mort et Can aurait-il vcu, si tous deux avaient contribu luvre de la cration ? Cest Abel qui mourait, car il offrait en holocauste au Seigneur ce que la nature produisait delle-mme, et o lart du forgeron navait rien faire. Can, au contraire, conservait la vie, car il tait capable de peupler la Terre et dtonner par lindustrie de son esprit et de son bras. Mais Can se maria et cra, aid de sa compagne, et fut la fois architecte et ouvrier. Cest lintelligence et le travail qui formrent luvre de la cration !

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    Satan et Can ne reprsentent donc que le mme symbole. Et sils sont les artisans qui, tout seuls, peuvent crer sans le secours du Seigneur des Cieux, quel est le matre, du Seigneur des Cieux ou de Satan et de Can ? Le Seigneur des Cieux deviendrait un accessoire. Il naurait fait quamliorer luvre de la cration ; car celle-ci existait delle-mme, et il naurait eu dautre droit que celui de rclamer un salaire et une rcompense, et non pas dusurper lempire absolu. Pour ces motifs, deux devraient tre les Dieux dignes de vnration et de respect : le Seigneur des Cieux qui, par son intelligence, contribuait au perfectionnement de luvre de Satan, mais Satan restait linventeur de luvre. Car si un seul Dieu doit avoir tous les honneurs pour soi-mme, le Dieu le plus authentique est Satan, dont luvre peut subsister sans le secours dit Seigneur des Cieux. Gloire donc toujours Satan, lartisan, le Dieu. Le Seigneur des Cieux est un usurpateur ! Lui qui vivait dans loisivet de lextase de lesprit et de lintelligence, nayant rien de mieux a faire, il complota la ruine et la destruction de son compagnon. Je demande pardon mes lecteurs de cette longue citation. Il tait ncessaire de mettre sous leurs yeux un chantillon de la thogonie des arrire-loges, dans laquelle le plus complet ma-trialisme le dispute au dualisme manichen. De llucubration du F... Sinigagliesi, les lecteurs pourront conclure si vraiment la Franc-Maonnerie est le culte de Satan ! Lauteur continue sa diatribe, entassant des mensonges et des blasphmes repoussants. Quand, le 6 septembre 1894, jai crach tout mon mpris la face du F... Adriano Lemmi, chef suprme des Francs-Maons, mes lecteurs se rappellent bien que ma lettre de dmission date de Bruxelles, se terminait ainsi : Chantez avec vos dignes collgues le Gennaith-Menngog et lHymne Satan... Lauteur de lHymne Satan est le F... Giosu Carducci, 33... le mme qui, sans fournir aucune garantie, a reu de la Banque Romaine la somme norme de 4.549.450 francs, grce linfluence du F... Lemmi, lequel, en lui ouvrant ce crdit, se

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    proposait dcarter prix dor son concurrent au Souverain Pontificat de la Franc-Maonnerie Universelle. Giosu Carducci est ce camlon politique qui, dans la dcadence de sa vieillesse prmature, sest mis singer le pote le plus enfl et le plus vide de lge le plus malheureux pour lItalie : lAchillini ; le F... Carducci est cet vanoui qui, sur lordre du F... Crispi, a crit la fameuse ode pour le mariage de Josphine avec le prince de Linguaglossa, se faisant remarquer comme le plus bas adulateur de lItalie officielle. Cependant, personne ne sait que lHymne a Satan a t compos par le sataniste Carducci daprs ordre formel du chef daction politique, aujourdhui Souverain Pontife de la Maonnerie Universelle, lequel tait alors en antagonisme ouvert avec le F... Albert Pike, car ce dernier avait dcrt quau Dieu de la Franc-Maonnerie on ne devait donner que le nom ineffable de Lucifer, tandis que Lemmi, lui, sataniste ou-trance, voulait que le Dieu des arrire-loges ft invoqu et voqu uniquement du nom trs saint de Satan. Et pour irriter Pike, qui dans les banquets palladiques sobstinait faire chanter le Goddal-Mirar, lui, le trs-puissant F... Adriano Lemmi, a invit son fidle Giosu composer lHymne, destin dabord tre chant dans les agapes maonniques et dans les Triangles italiens. Et le F... Giosu, sans se faire prier, a crit sous linspiration du Dieu du vin et du Dieu des enfers. Pike tait furieux dune pareille hrsie, et, certes, il navait aucun amour pour ses frres... non orthodoxes Carducci et Lemmi. Ce dernier, par son encyclique (sic) du 21 janvier 1894, ordonnait de substituer lHymne Satan au Goddal-Mirar du premier pontife Pike, dans tous les banquets de la secte, et invitait les potes satanistes du monde entier traduire dans leur langue et divulguer les vers sublimes du Premier grand Assistant Pontifical prs le Suprme Trs-Saint-Sige de la Haute Maonnerie. On peut donc appeler Carducci juste titre : lauteur sacr du satanisme contemporain. Son hymne a fait le tour du monde profane et occultiste. Mats les non initis ne pouvaient pas com-

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    prendre le sens sotrique cach dans cet hymne, o Satan est glorifi honteusement. Enotrio Romano (nom donn au F... Carducci comme membre de lAcadmie degli Arcadi), ne devrait pas tre fier dune renomme qui lui vient de son Dieu-Bon Satan, le prtendu Grand Architecte de lUnivers. Voyons plutt cette posie infernale et trange, que, pour dmasquer toujours plus le satanisme de la Haute-Maonnerie, jai traduite fidlement et intgralement en franais pour le journal quotidien La Patrie de Paris, qui la publie dans le numro du 15 septembre 1894. La voici : Vers toi, Principe immense de ltre, matire et esprit, raison et sens ; pendant que le vin scintille dans les coupes, comme lme au fond de la prunelle ; pendant que sourient la terre et le soleil et quils changent des paroles damour ; pendant que partout, venant des montagnes, court un frmissement de mystrieux hymne, et que palpite la plaine fconde ; vers toi, Satan, mon vers hardi slance ; je tinvoque, Satan, roi de notre festin ! Arrire ton goupillon, prtre ! arrire ta psalmodie ! Non, prtre, Satan ne retourne pas en arrire ! Vois : la rouille ronge lpe mystique de Michel, et le fidle archange dplum dgringole dans le vide ; la foudre sest glace dans la main de Jhovah. Semblables de ples mtores, des plantes teintes, les anges tombent du haut des firmaments comme une pluie. Dans la matire qui jamais ne dort, Satan, roi des miracles de la nature, Satan seul vit ; cest lui qui nous anime, cest lui qui rgne dans la lueur tremblante dun oeil noir, soit que languissant il se drobe et rsiste, soit que vif et plein de dsirs il provoque et presse. Cest lui qui brille dans le joyeux sang des grappes, par qui la prompte gat ne languit pas, sang qui restaure la vie fugitive, qui repousse la douleur, qui met lamour dans nos curs.

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    Cest toi, Satan, toi qui respires dans mon vers, quand il sort imptueux de mon sein, dfiant le dieu des pontifes sclrats, des rois sanglants ; et, pareil la foudre, tu branles les esprits. Toi, Agramanus, Adonis, Astart, tu mis la vie dans le marbre des sculpteurs, dans la toile des peintres, dans le papier des potes. Au temps o la Vnus Anadiomne rendit heureuses les sereines contres de lIonie, vers toi frmissaient les cdres du Liban, amant ressuscit de ladmirable Cypris. En ton honneur slanaient les danses et les churs ; vers toi montaient les soupirs des candides amours virginales, travers les palmiers odorifrants de lIdume, o sur le rivage blan-chissent les cumes cypriennes. Eh ! que timporte, Satan, la barbare fureur nazarenne du rite obscne ! que timporte que lennemi ait brl jadis tes temples avec la torche sacre, et quil ait jet par terre, parses, les statues dArgos ? La plbe mmorable ta recueilli, exil, parmi les dieux lares, dans ses chaumires. Par l, gonflant damour un sein palpitant de femme, toi, Dieu ardent et amoureux, tu inclines la sorcire, ple dun ternel souci, secourir la nature humaine malade. Cest toi encore qui, aux yeux immobiles de lalchimiste, aux regards du Mage indomptable, au-del des grilles du clotre engourdi, rvles les blouissants cieux nouveaux. Te fuyant jusque dans les choses, le moine triste se cacha dans la Thbade. O me gare de ton chemin, Satan est bon pour toi ; voici Hlose. En vain, pauvre fou, tu te macres dans lpre cilice ; Satan murmure le vers de Virgile et dHorace, travers les plaintes lugubres et le chant funbre de David ; et Ct de toi, au milieu de lhorrible compagnie noire, il fait surgir Lycoris, il fait surgir Glycre, aux formes delphiques, aux formes roses. Mais, quelquefois, la cellule sans sommeil se peuple dautres images dun ge plus beau. Des pages de Tite-Live, Satan rveille des tribuns ardents, des consuls, des foules frmissantes ; et il te pousse, moine, sur

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    le Capitole, toi exalt dorgueil italien. Et vous que les flammes furieuses du bcher ne purent touffer, voix fatidiques de Wikleff et de Jean Huss, confiez la brise votre cri qui rveille les peuples : le sicle se renouvelle, les temps sont accomplis. Et voil que dj tremblent mitres et couronnes ; du clotre mme sort grondante la rbellion ; elle combat et prche sous la robe du frre Jrme Savonarola. Martin Luther, lui aussi, a jet bas le froc : brise tes chanes, pense humaine, et brille et fulgure ceinte de flammes ; et toi, matire, relve-toi ; Satan a vaincu ! Bel et horrible monstre, il se dchane, il parcourt les ocans, il parcourt la terre ; clatant et fumeux comme les volcans, il franchit les monts, il dvore les plaines, il vole par dessus les ab-mes ; puis il pntre dans des antres inconnus, travers des routes profondes ; et il en sort ; et, indompt, il pousse son cri pareil louragan ; il rpand son souffle pareil louragan ; il passe, peuples, Satan le Grand ! Il passe bienfaisant, de pays en pays, sur son char de feu que rien ne peut arrter. Salut, Satan, rbellion, force vengeresse de la raison ! Que montent sacrs vers toi, notre encens et nos vux ! Satan, tu as vaincu le Jhovah des prtres ! Et dire que la reine Marguerite, cette fleur embaume du sol dItalie , a gard, pendant longtemps, prs delle en qualit de professeur, lauteur de cet hymne infernal, cet homme sans caractre et sans foi politique, qui, de rpublicain, est devenu un monarchiste ardent et a chant sur tous les tons les gloires de la Maison de Savoie et particulirement celles de son auguste lve. Les vers impies du F... Carducci au Dieu ador dans la Haute-Maonnerie italienne me rappellent ce que le F... Joseph Olivier crivait propos du Christ et de Satan, dans son Trait de Magntisme, et que le F... Cahagnet reproduisait avec joie dans son journal le Magntiseur spiritualiste. Voyez plutt : Le Christ, ce docteur magnifique, rservoir intarissable du fluide magntique divin, dont les rayons ont transperc la matire, le Christ ne reprsente quune face dtermine du gnie

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    du bien. En lui resplendissent la charit, la bont, lhumilit, la douceur. Le Christ, cest la force que donne la foi, force qui drive de ses perfections mmes. Mais le Dieu de la force relle, de la force vraie, cest SATAN ! Satan, en qui se personnifient la grandeur, lextermination ; Satan, le Dieu de la rvolte lgitime, a dit George Sand. Satan, le Dieu des malheureux, des opprims. Satan, le Dieu des rvolutions. Cest lui, Satan, qui, se sacrifiant chaque jour, chaque jour arrache, au prix datroces tortures, la robe empoisonne de la force brutale qui enchane la force morale dont il est le Dieu. Et cependant que le Christ panse de ses pleurs les plaies des combattants tombs sur le vaste champ de bataille de lhumanit, lui, linvaincu, lindomptable, brise les fers du prisonnier, les convertit en instruments de mort pour loppresseur, et poussant son cri magique : Libert, Egalit, Fraternit, suscite les pierres elles-mmes, qui se dressent en barricades, contre lesquelles viennent se briser , impuissantes, les foudres de la force brutale... Satan, cest la moiti, cest le complment du Christ. Ils ne forment, eux deux, quune seule personne, un mme tout ! Le Christ a paru : son type a t personnifi. Le type de Satan le sera ; il couronnera luvre sur la terre. Le Christ a pos le principe. Satan viendra pour poser tes conclusions de toutes les consquences. Je vous comparerai Satan et le Christ lunion de lhomme et de la femme, qui, par la runion du beau, du grand et du fort au simple, au bon et au beau, forme limage des qualits de Dieu. Les blasphmes contenus dans la prose satanique du f... Olivier, qui crivait en 1849, sont cependant moins terribles que ceux contenus dans lHymne Satan du f... Carducci. Ce courtisan effront a trouv dans le f... Mario Rapisardi, 33e et lucifrien, un adversaire indomptable, acharn, qui dans un

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    sonnet clbre la peint avec les couleurs les plus sombres et la couvert dopprobre et de mpris. Le f... Mario Rapisardi est un Sicilien lesprit ardent comme la lave de lEtna. Son nom a conquis limmortalit, une immortalit peu enviable, cause de son pome Lucifer un vrai chef-duvre, dans son genre, do coule un torrent de posie forte, leve, grandiose. Les amis de Carducci sefforcent en vain de faire passer ce pome comme tant de beaucoup infrieur lHymne Satan ; Lucifer vivra encore quand lHymne Satan et son auteur seront ensevelis dans loubli. Cependant, part la majest des vers, et les grces du style, Lucifer est, comme lHymne Satan, un pome satanique, renfermant toute la doctrine de la haute-maonnerie. Je suis convaincu que si Sophie Walder possdait ce pome, elle le garderait religieusement et lapprendrait par cur, particulirement parce que elle ne pourrait pas craindre les foudres de feu Albert Pike, vu quici son Dieu-Bon est dsign sous son vrai nom comme dans les Grands Triangles. On pourrait intituler ce chant la Mort de Dieu. Cet extrait montrera de quelles chimres blasphmatoires se repaissent les arrire-loges. Cest pourquoi, dit lauteur, aprs que jeus tourn laiguillon de mon raisonnable gnie contre larche de Pierre, et quune vigueur nouvelle fut venue mon cur par les erreurs dont jai triomph et par lcre pense, battant la marche de lautel abattu, je me soulve avec Lucifer et lance contre le ciel les phalanges serres de mes pomes Non , de la race dInachus, ou daucune souche mortelle, ainsi continua le Hros Lucifer, mais de la nature, germe immortel, je suis n en mme temps que les choses, et jai le nom de la lumire Les vertus quont les choses sont au nombre de deux : la Nature et la Pense ; lune, ternelle mre visible de tout, la lourde matire rgle et change par sa force elle ; lautre la remplit de puissance spirituelle, et la soulve des vols difficiles et dexcellentes industries. La pense humaine peupla alors de

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    monstres fantastiques et de chimres la mer, lair, la terre, chaque espace, chaque vide ; o elle a vu une ombre et un mystre, ou une plus grande puissance, courbant le front, elle plaa un Dieu. Dieu est n alors, Dieu, en mme temps crature et tyran de lhomme ; cest lhomme qui lui donna ses noms, ses aspects, son royaume et ses autels... Ce Dieu qui fut, tel quil est encore, tout ce quil eut et conserve cest lhomme seul quil le doit, lhomme qui, de toute sa destine bonne ou mauvaise, est le seul juge !... Cest dune grossire et coupable vermine qui reut de la nature la lpre du corps et la foi du cur, que nous avons reu Jhovah, Dieu implacable dont le regard est la foudre et la voix le tonnerre. Solitaire et fatal, il opprimait, de sa retraite du ciel couleur de plomb, la poitrine des tremblants mortels. Le monde ressemblait un grand tombeau de demi-morts, sur la tte desquels, avant le temps, sappesantit la pierre fatale. Jtais encore dans les cieux, beau de tous les rayonnements. La vie du ciel tait sourire et lumire, parfums et harmonie, et tous taient bercs dans une mer doisivet et de fleurs, se disant bienheureux. Moi seul, esprit inquiet, indiffrent cet avril, ce banquet ternel, je sentais dans mon me superbe, un vide mystrieux, une mer sans bornes, comme une solitude infinie tout autour de moi, en moi : si lavais connu lamour, peut-tre dans mon cur je laurais reconnu, ce jour-l. Le ciel me parut une petite chose, misrable la vie de lternit. Je regardai fixement Dieu en face et josai linterroger : Qui est-ce qui ma fait ainsi ? Il flamboya de fureur et dclairs, et ne me rpondit pas. La vrit, repris-je, la vrit ternelle ; je veux tout savoir ; si tu es le Vrai, dvoile-toi ! Il lana la foudre ; les anges tremblrent, je tombai, mais sans lutter : je sentais que ma chute tait plus noble que le ddain de Dieu. Je rompis ma prison ; je cherchai lair vif, la lumire de la terre ; qui aurait pu mettre un frein mon esprit ? Jhovah mavait foudroy, mais non vaincu. Une secrte pense me disait : cest l, cest l sur la terre quest ta destine ; cest l, le champ de tes exploits ; cest l, au milieu de tant de haines, quest lamour ; cest l, au milieu de tant de morts,

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    que la vie demeure... Maintenant, le superbe gnie qui menflamme dira ta dernire heure, Dieu peu redoutable ! Quand le hros Lucifer rompit le brouillard, tu tais gisant sans sentiment et sans mouvement, envelopp de noir oubli ; mais quand il te pntra de son regard, soudain tu bondis, ainsi que la grenouille dj morte laquelle la force de llectricit donne dtranges mouvements. Et de mme que, jadis, dans le mythe grec, le marin Prote avait coutume de changer ses formes apparentes, quand, plong dans le sommeil, au milieu du troupeau de phoques puants, il surprenait avec ses bras de fer, quelque mortel, ou quelque divinit, ainsi sous les yeux du hros ennemi, ton corps malade a revtu promptement cent apparences, et vaines formes et simulacres. Et tantt de Brama, tantt de Teutats, tantt de Saturne il usurpait le visage ; tantt il paraissait Christ, tantt Jupiter, tantt Osiris et tantt Anubis ; or il semblait terrible et sombre et tout environn de tempte et de mort, or, flamboyant soleil qui ranime lunivers. A travers lther profond frmissaient les cohortes lumineuses des Sages ; de la terre opaque se levaient, semblables des flammes vives, les victimes des Dieux, et, toutes par un seul cri, demandaient justice. Le Destin pend des lvres de Lucifer : tout autour de lui, sont les sicles. Au Dieu qui se transforme il parle tranquillement : Il est ancien, lArt par lequel tu changes de noms et de formes : maintenant il est inutile de le renouveler ! Nous avons support longtemps des semblants de Dieux, auxquels la foi aveugle de lhomme a donn longue vie et empire. A une erreur succda une autre erreur ; un fantme vide un autre fantme : cette re coupable touche maintenant sa fin : tu es le dernier Dieu ; avec toi, non seulement la forme et le nom, mais la pense mme de Dieu, steint dans lhomme ! Le Hros parlant ainsi le toucha de son rayon aigu, et le transpera de part part. Le fugitif simulacre du Dieu gmissait, comme un fer embras plong dans leau ; et, de la mme faon que la chaux se dcompose et se dlie, en ptillant et en fumant,

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    au subit contact de leau ou du mordant vinaigre, ainsi, au rayon du vrai Dieu, se consumait le vide fantme ; et, de l, chang en vapeur tremblante et vacillante, il se dcomposa, et