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Anaplasma phagocytophilum , agent de l’ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) et d’avortements chez les bovins, proposition de protocole d’aide au diagnostic BOVINS l EHRLICHIOSE l Anaplasma phagocytophilium l AVORTEMENTS l Par Guy Joncour, Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre Mayaux Praticiens Callac.Veto@wanadoo.fr PRATIQUE ÉTUDE 95 BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006 B eaucoup d’avortements bovins, en série ou sporadiques, demeu- rent inexpliqués. Un de nos ob- jectifs de terrain, pour une gestion op- timale de la menée des troupeaux, est de réduire ces parts d’incertitude. Leur étiologie chez les ruminants, parfois multifactorielle, est difficile à déterminer dans la pratique. Ainsi, près de 60 % des avortements déclarés en France en 2004 n’ont pas été élucidés (Pr. D. Remy, com. pers.). Le nombre de déclarations aux di- rections des Services vétérinaires par les praticiens semble augmenter dans cer- tains départements, comme les Côtes d’Armor : 3 229 en 2003 et 3 618 en 2004, pour respectivement, 516 512 et 499 083 bovins présents (sources DSV22 et GDS 1 22) contre 663 et 597 dans le Calvados, pour 415 200 et 410 300 bovins (3 et DSV 14- LDA 14). Soit, des ratio respectifs, 1. Groupement de défense sanitaire. pour 10 000 bovins de 62,51 et 72,49 en Côtes d’Armor, contre 15,96 et 14,55, dans le Calvados. Certains agents abortifs ne sont connus que depuis une quinzaine d’années. C’est le cas d’une coccidie, Neospora caninum, qui fait partie de- puis 1998 des agents recherchés en cas d’avortements non brucelliques, tou- jours dans l’ouest de la France. Anaplasma phagocytophilum, agent de l’ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) 2 est également responsable d’avortements sporadiques (Guy Jon- cour, com. pers. 08/2004) mais essen- tiellement anazootiques chez les rumi- nants (P. Kaufmann in 9, 23, ). L’incidence de l’EGB semble aug- menter en France. Surtout grâce au travail d’investigation des praticiens du GTV22, de l’URGTV Bretagne, puis de la SNGTV. A la lumière des récentes enquêtes (voir l’encadré sur l’enquête de l’URGTV Bretagne) (9) et du travail effectué sur cette patho- logie par les praticiens de terrain, un protocole peut être proposé pour dé- terminer l’implication d’A. phagocyto- philum dans les avortements bovins 2. Nous maintenons cette dénomination : la taxo- nomie bactérienne va encore évoluer (Dumler J.S., com. pers.) et la confusion est actuelle- ment possible avec une autre hémobactériose, l’anaplasmose bovine à Anaplasma marginale, « parasite » des hématies et maladie des bovins « à déclaration obligatoire » en DSV (9). non brucelliques. Le GDS22 inclut, à titre expérimental, pour l’instant, les investigations concernant cet agent, dans son protocole « Avortements en série » (Gérard Argenté, com. pers.). RAPPELS SUR L’EGB, AIDE AU DIAGNOSTIC (9) L’EGB est une maladie vectorielle due à une petite bactérie du genre Ana- plasma, proche des Ehrlichia sp. Elle est très ubiquiste et « parasite » strict des cellules de la lignée blanche, inoculable par vecteurs, non contagieuse. La maladie évolue sous forme aiguë ou inapparente, selon un mode sporadi- que ou anadémique et focalisé. L’EGB peut provoquer des troubles sévères tant chez les vaches laitières (9, 14, 17) que chez les allaitantes (9, 12). Dans ce dernier type de production animale, l’agalaxie n’est bien évidemment pas un « signe d’appel ». Quand l’affection constatée est mono-factorielle, la sémiolo- gie s’exprime selon quelques dominantes : « syndrome grippal, respiratoire estival », perte plus ou moins longue de la pro- duction lactée et, parfois, des avorte- ments sporadiques ou pseudo contagieux (anadémiques) (2, 8, 9). Les mortalités d’adultes, rarement constatées, peuvent être imputées à des pathologies inter- Avant 1989, aux USA, Neospora caninum n’était pas un agent connu d’avortements bovins. Depuis 1998, cet agent pathogène fait partie de l’éventail des recherches sur les avortements non brucelliques anazootiques, dans l’ouest de la France. Nous pensons qu’Anaplasma phagocytophilum, pourrait l’être aussi, à l’avenir. Œdème froid, empâtement des pâturons postérieurs

Par Guy Joncour Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre ... · ou grasse et « coups de fl anc », évoquant une « bronchite vermineuse » (9, 11, 12), parfois décalée en saison

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Page 1: Par Guy Joncour Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre ... · ou grasse et « coups de fl anc », évoquant une « bronchite vermineuse » (9, 11, 12), parfois décalée en saison

Anaplasma phagocytophilum, agent de l’ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) et d’avortements chez les bovins, proposition de protocole d’aide au diagnostic

BOVINS l EHRLICHIOSE l Anaplasma phagocytophilium lAVORTEMENTS l

Par Guy Joncour, Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre MayauxPraticiens

[email protected]

PRATIQUE ÉTUDE

95BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006

Beaucoup d’avortements bovins, en série ou sporadiques, demeu-rent inexpliqués. Un de nos ob-

jectifs de terrain, pour une gestion op-timale de la menée des troupeaux, est de réduire ces parts d’incertitude. Leur étiologie chez les ruminants, parfois multifactorielle, est diffi cile à déterminer dans la pratique. Ainsi, près de 60 % des avortements déclarés en France en 2004 n’ont pas été élucidés (Pr. D. Remy, com. pers.).

Le nombre de déclarations aux di-rections des Services vétérinaires par les praticiens semble augmenter dans cer-tains départements, comme les Côtes d’Armor : 3 229 en 2003 et 3 618 en 2004, pour respectivement, 516 512 et 499 083 bovins présents (sources DSV22 et GDS122) contre 663 et 597 dans le Calvados, pour 415 200 et 410 300 bovins (3 et DSV 14-LDA 14). Soit, des ratio respectifs,

1. Groupement de défense sanitaire.

pour 10 000 bovins de 62,51 et 72,49 en Côtes d’Armor, contre 15,96 et 14,55, dans le Calvados.

Certains agents abortifs ne sont connus que depuis une quinzaine d’années. C’est le cas d’une coccidie, Neospora caninum, qui fait partie de-puis 1998 des agents recherchés en cas d’avortements non brucelliques, tou-jours dans l’ouest de la France.

Anaplasma phagocytophilum, agent de l’ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB)2 est également responsable d’avortements sporadiques (Guy Jon-cour, com. pers. 08/2004) mais essen-tiellement anazootiques chez les rumi-nants (P. Kaufmann in 9, 23, ).

L’incidence de l’EGB semble aug-menter en France. Surtout grâce au travail d’investigation des praticiens du GTV22, de l’URGTV Bretagne, puis de la SNGTV. A la lumière des récentes enquêtes (voir l’encadré sur l’enquête de l’URGTV Bretagne) (9) et du travail eff ectué sur cette patho-logie par les praticiens de terrain, un protocole peut être proposé pour dé-terminer l’implication d’A. phagocyto-philum dans les avortements bovins

2. Nous maintenons cette dénomination : la taxo-nomie bactérienne va encore évoluer (Dumler J.S., com. pers.) et la confusion est actuelle-ment possible avec une autre hémobactériose, l’anaplasmose bovine à Anaplasma marginale,« parasite » des hématies et maladie des bovins« à déclaration obligatoire » en DSV (9).

non brucelliques. Le GDS22 inclut, à titre expérimental, pour l’instant, les investigations concernant cet agent, dans son protocole « Avortements en série » (Gérard Argenté, com. pers.).

RAPPELS SUR L’EGB, AIDE AU DIAGNOSTIC (9)

L’EGB est une maladie vectorielle due à une petite bactérie du genre Ana-plasma, proche des Ehrlichia sp. Elle est très ubiquiste et « parasite » strict des cellules de la lignée blanche, inoculable par vecteurs, non contagieuse.

La maladie évolue sous forme aiguë ou inapparente, selon un mode sporadi-que ou anadémique et focalisé. L’EGB peut provoquer des troubles sévères tant chez les vaches laitières (9, 14, 17) que chez les allaitantes (9, 12). Dans ce dernier type de production animale, l’agalaxie n’est bien évidemment pas un « signe d’appel ». Quand l’aff ection constatée est mono-factorielle, la sémiolo-gie s’exprime selon quelques dominantes : « syndrome grippal, respiratoire estival », perte plus ou moins longue de la pro-duction lactée et, parfois, des avorte-ments sporadiques ou pseudo contagieux (anadémiques) (2, 8, 9). Les mortalités d’adultes, rarement constatées, peuvent être imputées à des pathologies inter-

Avant 1989, aux USA, Neospora caninumn’était pas un agent connu d’avortements bovins. Depuis 1998, cet agent pathogène fait partiede l’éventail des recherches sur les avortementsnon brucelliques anazootiques, dans l’ouestde la France.Nous pensons qu’Anaplasma phagocytophilum, pourrait l’être aussi, à l’avenir.

Œdème froid, empâtementdes pâturons postérieurs

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currentes ou induites, associées à des fac-teurs d’élevage défavorables (statut sani-taire du troupeau, qualité de son environnement). La pathogénicité de certaines souches peut également expli-quer la variabilité de ces diverses mani-festations (9). Mais des formes asymp-tomatiques existent aussi (9, 16, 19). Cette aff ection, transmise par les tiques, est aussi une zoonose (5, 7, 10, 15, 20). Les éléments d’épidémiologie associés à des outils de diagnostic fi ables permet-tront une meilleure connaissance de cette « zoonose mineure » . L’est-elle ?

LE MILIEU DE VIE DU TROUPEAU

La maladie est transmise par Ixodes ri-cinus mais n’est pas contagieuse. Il convient donc d’évaluer la situation géo-graphique des troupeaux pour déterminer si le biotope est favorable à la tique vectrice de la bactérie. La présence concomitante de marqueurs de la coxiellose bovine à Coxiella burnetii ou fi èvre Q (signes clini-ques et sérologies « fortement positives » en ELISA) ou une anamnèse faisant appa-raître des cas de babésiose bovine dans l’élevage (13), même ancienne, consti-tuent notamment des indices de présence de tiques.

La connaissance de la biologie des tiques conditionne l’épidémiologie de la maladie (activité maximale au printemps-automne) et son contrôle (mesures de prévention, médicales, zootechniques et agronomi-ques) (9), comme pour toutes les mala-

dies transmises par les Arthropodes.Les biotopes favorables à Ixodes ricinus

sont les zones à forte humidité relative, les pâtures proches de bois, les bordures (haies, talus) mal entretenues, les landes et friches. Ils constituent, en tant que ré-servoir de l’agent, par l’intermédiaire de ces ectoparasites, un facteur de risque. L’activité de ces vecteurs biologiques hygrophiles et exophiles est maximale au printemps et en automne (13). Ceci induit une bi-périodicité d’apparition des cas, un pic de printemps et d’automne, comme dans le cas des babésioses (9, 13, 22). Il a été montré que les signes cliniques sont plus marqués chez les individus placés pour la première fois dans une zone d’endémie (14, 17).

Ceci peut donc aussi expliquer la sur-venue de cas aigus chez des bovins déplacés lors de reconstitution de troupeaux (9, 12). Dans le cadre d’une suspicion, il faut prendre particulièrement en compte les introductions récentes, les translocations, les recombinaisons de troupeaux ou les achats de nouvelles parcelles (9, 13), nou-veaux micro-biotopes potentiels.

LA PRÉVALENCEGÉOGRAPHIQUE DE L’EGB

Le travail régional, relayé par la SNGTV, a démontré que l’EGB n’était pas une« spécialité bretonne » . On aurait pu sup-poser le contraire : le premier foyer fut identifi é en 1991 (2), le deuxième en 1998 (8), tous deux dans les Côtes d’Armor. La

présence actuelle de l’agent pathogène est prouvée dans 76 départements français sur diverses espèces : équidés (Philippe Nicollet, Pierre-Hugues Pitel, com. pers), chevreuil (Capreolus capreolus) (9, 14), chamois (Ru-picapra rupicapra pyrenaïca) (Philippe Gi-bert com. pers.) et chez l’Homme (7, 20). 58 sont concernés par des cas bovins (voir la carte).

Les résultats du LDA22, LDA14 et LDA793 indiquent 1 601 cas positifs, 3 970 cas négatifs et 179 douteux selon les outils de diagnostic (cyto-hématologie, IFI ou PCR), sur bovins et équidés, de janvier 2000 à septembre 2005.

AUTRES ÉLÉMENTSDU DIAGNOSTIC CLINIQUE

L’examen clinique, pour les phases vi-sibles, est le point de départ de toute in-vestigation (2, 8, 9). La connaissance de la clinique des formes aiguës, quand elles précèdent ou sont concomitantes d’avor-tements du dernier tiers de gestation, est nécessaire afi n d’orienter vers un diagnostic étiologique. Le signe le plus caractéristique - quand il survient -, sur 1 vache pour 10 et dans 1 exploitation sur 10 aussi, est l’ap-parition d’œdème des pâturons, posté-rieurs ou antérieurs (photo 1).

L’EGB est avant tout une « maladie des laitières » : le premier signal, pour l’éleveur est l’agalaxie parfois complète, durable (9).

3. Laboratoire Départemental de Développement et d’Analyses.

Les aspects zoonotiquesDes manifestations cliniques de la maladie sont décrites chez l’Homme en France (7 [1999], 20 [2002]), en Europe (15). Mais

elle est zoonose depuis 1994 aux États-Unis (5, 9, 10). Les chevaux, le chien et le chat, peuvent également être atteints mais aussi les ruminants domestiques et sauvages, le lama et même les chiroptères (9).

Comme chez les autres mammifères, la contamination fait suite à une morsure de tique infectée, vecteur biologique obligatoire. Les co-infections avec la borréliose de Lyme ne sont pas rares (10 % des cas, environ, dans un sens ou l’autre (7)).

La France ne compte que trois cas cliniques d’anaplasmose humaine – (AH), anciennement Ehrlichiose Granulocytaire Hu-maine (EGH ou HGE, Human Granulocytic Ehrlichiosis en anglais - diagnostiqués, à ce jour (voir la carte, page de droite pour la Meuse et le Bas-Rhin). Nous supposons la forme humaine très sous-diagnostiquée. Pourtant, l’anaplasmose humaine est poten-tiellement mortelle : la mortalité est passée de 8 à 3 %, de 1994 à nos jours, aux États-Unis, principalement dans deux zones d’anadémie et depuis que les praticiens la connaissent mieux. Pour environ 2 200 cas cliniques référencés au CDC d’Atlanta* (D.H. Walker, com. pers.).

La vache semble donc tout naturellement une bonne espèce sentinelle pour l’Homme, un bio-indicateur de choix (9, 10). Ceci constitue l’un des intérêts potentiels d’avenir pour cette étude nationale épidémiologique sur les bovins, afi n d’informer et de sensibiliser les autres professions de Santé publique. Et, ainsi, mieux cerner l’incidence réelle de ce « syndrome grippal estival » chez l’Homme.

Pour l’Europe, M. Petrovec et al. (15) ont confi rmé le premier diagnostic en 1998. Ce n’est pas un hasard, ce premier patient était originaire de Slovénie du Nord, zone d’endémie de la borréliose de Lyme la plus forte d’Europe. Actuellement, de 1997 à 2004, son laboratoire a référencé 38 cas confi rmés, dont 18 par PCR (ADN séquencé), selon les critères du CDC d’Atlanta, pour 2 258 sérums de patients testés, dont 191 positifs (IFI au 128e), 111 patients « probables » et 41 « possibles » (M. Petrovec, com. pers.).* Centers for Disease Control and Prevention, Ehrlichiosis (HME, HGE, Other or unspecifi ed). 2000 Case defi nition. http://www.cdc.gov/epo/dphsi/casedef/ehrlichiosis_current.htm

PRATIQUE SDRPCHIRURGIEPRATIQUE SDRPCHIRURGIECHIRURGIESDRPCHIRURGIESDRPPRATIQUE ENQUÊTE

Par Guy Joncour, Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre Mayaux

Ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) et avortements chez les bovins

96 97BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006 BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006

Associée à de fortes températures, 40/42°C, anorexie, apathie, démarche diffi cile, et, très régulièrement, toux sèche ou grasse et « coups de fl anc », évoquant une « bronchite vermineuse » (9, 11, 12), parfois décalée en saison. Ne pas négliger, au cours de cet examen, celui des zones de fi xation préférentielles des tiques : sans trouver obligatoirement de tiques, on peut palper des cicatrices de fi xation (9). Seul le diagnostic de laboratoire apporte une certitude :

• Une numération-formule sanguine simplifi ée (sang sur EDTA), en phase aiguë de la maladie, peut déjà orienter le diagnostic (1) : leucopénie, forte thrombopénie et anémie. Mais ces pa-ramètres ne sont pas spécifi ques (1, 9 et le site URGTVB4). Ils permettent, néanmoins, d’orienter un diagnostic sans gros frais pour l’éleveur, en pre-nant aussi en compte la clinique, selon une étude SNGTV à paraître (2004-2005) de 38 cas cliniques et 98 néga-tifs en cyto-hématologie par « numéra-tion-formule sanguine » et biochimie hépatique sur vaches laitières (1).L’EGB provoque une baisse des défenses immunitaires, probablement en raison du parasitisme obligatoire des globules blancs et de leur destruction massive (leucopénie-thrombopénie). A l’image de la sémiologie humaine (voir encadré ci-contre), notre travail a tenté de valider cette voie potentielle de diagnostic en sondant la fonction hépatique (ASAT, GDH, g GT et bilirubine totale) et son évolution dans les 30 premiers jours

4. http://www.zoopole.com/ispaia/urgtvbretagne 2003.htm.

après diagnostic clinique chez des laitiè-res malades, confi rmé par PCR : les pa-ramètres varient peu, sauf une légère perturbation du métabolisme de la bili-rubine, en début de maladie. L’EGB a peu de répercussions sur la fonction hé-patique de la vache laitière (1). La leuco-pénie peut « faire le lit » d’autres patholo-gies induites par « association de malfaiteurs » ou « intercurrentes ». Cela peut être aussi le cas d’autres pathologies de biotopes vectorisées par ces tiques, comme la borréliose de Lyme (7, 9), la babésiose (13, 22) ou la fi èvre Q (9).• En pratique, jusqu’à 4-5 jours après le début des symptômes, une prise de sang sur EDTA permet la lecture d’un frottis (coloration MGG, microscope x 1000) afi n de visualiser les inclusions intra-leucocytaires ou Morulae (photo 2). Il faut par-fois examiner 100 à 200 g l o b u l e s blancs. Un ré-sultat positif permet un diagnostic de

certitude. Mais la méthode, très spéci-fi que, est très peu sensible : le résultat dépend beaucoup de l’expérience de l’observateur, plus que de la rapidité de cheminement du prélèvement. Les ser-vices d’hématologie du LDA22 (Hervé Morvan) et de pathologie des animaux de production de l’école nationale vété-rinaire de Lyon (Marie-Anne Arcangioli) ont une bonne expérience de cet outil.• Jusqu’à 10 jours environ, en phase aiguë de la maladie, et toujours dans les conditions du terrain, la PCR per-met de détecter la présence d’ADN de la bactérie dans le sang de l’animal (voire sur la pulpe splénique, hépati-que ou sur broyat de tique) (6, 9, 17). Des inoculations expérimentales four-nissent d’autres valeurs : de 24 à 48 h avant l’hyperthermie et 2 à 12 jours après mais avec une moyenne de 18,4 jours pour 10 vaches inoculées par Ni-cola Pusterla (19, in 1). C’est de loin la technique la plus sensible et sa spécifi -cité est excellente (6, 16, 17). Les PCR sont réalisées après extraction d’ADN du buff y coat (la fraction « blanche » sur EDTA).

CARTE Présence de l’agent de l’ehrlichiose(EGB) en France, de 1991 au 01 mars 20061

2

Côtes d’Armor : les 2 premiers

troupeaux

76 départements

Sources : URGTV Bretagne, LDA22 et LDA14, réseau Sagir-ONCFS,DM J-C George, Pr P. Brouqui, URRN La Timone/Marseille

58 bovins2 hommes (55-67)12 chevaux4 ongulés sauvages Départements indemnes

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Selon Nicola Pusterla (16), 1 à 5 % des neutrophiles du lait de vaches infectées en station expérimentale contiennent des Morulae. Il obtient des PCR positives sur ces laits. La présence d’ADN de la bactérie peut laisser supposer des voies d’investiga-tion par PCR sur les laits de vaches mala-des, en PCR « en temps réel » ou en PCR conventionnelle (9), technique d’utilisation, maintenant, courante pour Coxiella burne-tii (Ariane Rodolakis, François Lars, JB Nantes 2005). Cette expérimentation inté-ressante laisse, d’autre part, supposer une voie de contamination par voie digestive possible du veau par le colostrum et/ou le lait (19), au moins en période postpartum et semble relativiser l’hypothèse de passage trans-placentaire de l’agent chez les gestan-tes (19).

En France les laboratoires départemen-taux LDA03, LDA14, LDA22, LDA79, et le service de pathologie générale-microbio-logie, immunologie de l’école vétérinaire d’Alfort (Pr. Henri-Jean Boulouis) réalisent ce diagnostic par PCR sur animaux.

En cas d’avortement récent où cette étiologie est fortement suspectée, une prise de sang sur EDTA de la mère, des houppes cotylédonaires prélevées propre-ment dans l’utérus (à l’extrême, en cas de mort de l’avorteuse, une lamelle de rate conservée dans l’alcool à 70°) et, sur l’avorton, du sang intracardiaque, fl uide thoracique, lambeau de rate et de foie, réfrigérés peuvent être envoyés, avec feuille de commémoratifs, le plus vite possible au laboratoire. Ces types de pré-lèvements peuvent aussi viser à améliorer les connaissances étio-pathogéniques des avortements à A. phagocytophilum.

La sérologie par immunofl uorescence indirecte (IFI) (photo ci-dessous) permet de détecter les Immunoglobulines G (IgG) dirigées spécifi quement contre A. phago-cytophilum dans le sang des bovins. Elle est réalisée sur sérum après prise de sang normale (9), au seuil de dilution fi xe, le

1/80e (21). Cette dilution présente le meilleur compromis entre sensibilité et spécifi cité dans nos conditions opératoires (� omas Berthe, com. pers.) et pour éviter des surcoûts éventuels induits. Des ciné-tiques à J0 et J21 peuvent être eff ectuées à la demande : elles peuvent présenter, dans la pratique, un intérêt certain mais ceci impose un surcoût non négligeable, en raison du prix de l’antigène.

Les anticorps apparaissent entre 15 et 21 jours et disparaissent, en moyenne, environ 120 jours après une primo-infection et sans recontamination (9, 21). On note une convergence avec les délais d’apparition des anticorps de la fi èvre Q (ELISA) : au mo-ment de l’avortement à Coxiella, les anti-corps sériques sont souvent absents.

Des études menées en Suisse (14, 17) ont montré que les titres d’IgG augmentent progressivement au cours de la période de pâturage : de valeur inférieure au 1/40e en avril, ils atteignent progressivement un pic qui peut atteindre 1/640e en août-sep-tembre puis décroissent progressivement.

L’analyse sérologique ne permet pas le diagnostic de la maladie : il met en évi-dence des « marqueurs » quand on a raté la phase aiguë (9, 21). En zones d’anadémie bien identifi ées, après la mise à l’herbe (qui correspond à la période d’activité des tiques), des contrôles eff ectués sur les gé-nisses de première saison de pâture, entre mi-juillet et mi-août, dans dix troupeaux « asymptomatiques » et voisins de 11 foyers actifs (9), montrent une séroprévalence chez 64 % des jeunes bovins du premier groupe, sans manifestations cliniques (9, 14, 17). Aux contrôles d’automne, elle n’est que de 51 % pour des bovins de même classe d’âge, dans les foyers « actifs ». Ce constat, associé à des observations de terrain, semble laisser supposer l’acquisition d’une immunité de prémunition solide, suite à ces contacts avec la bactérie, au moins pour les classes d’âge les plus jeunes

(9, 13). L’enquête réalisée par Chris-tophe Lebœuf (GDS50) sur les syn-dromes respiratoires estivaux, non parasitaires, en pâture, viennent confi rmer ces observations (11).

Les sérologies permettent, néan-moins, de supposer un contact - passé ou présent - des animaux avec l’agent pathogène. Elles consti-tuent un bon outil dans le cadre d’études épidémiologiques de grou-pes d’animaux afi n d’apprécier l’im-plication d’A. phagocytophilum, en

termes de toux « grippales d’été » non pa-rasitaires, de ruptures d’immunité géné-rant diverses pathologies associées (11, 12) ou d’avortements en série, par exemple, dans des biotopes favorables (9).

Les diagnostics sérologiques peuvent être obtenus aux LDA03, LDA14, LDA22, LDA79, et au service de pathologie géné-rale-microbiologie, immunologie de l’École vétérinaire d’Alfort.

OBSERVATIONS

UN CAS QUI EÛT PU ÊTRE « D’ÉCOLE », S’IL N’ÉTAIT « ISOLÉ »

Une observation de terrain complétée par des investigations de Laboratoire (LDA22, avec le soutien du GDS22) sur prélèvements, suite à l’avortement d’une vache de deuxième rang de lactation, ges-tante de 8 mois, semble infi rmer une contamination par voie transplacentaire et affi rmer le rôle inducteur de l’hyper-thermie associée à l’infection par A. pha-gocytophilum.

En eff et, Remoulade , vache Prim’Hols-tein de 44 mois, est examinée le 10 août 2004 (J0) après avoir été rentrée de pâture où elle était isolée, avec le lot des vaches taries, en compagnie des grandes génisses. Cette parcelle a « généré », deux ans aupa-ravant, deux cas sévères de babésiose. L’éleveur nous appelle car il suspecte cette hémo-parasitose et craint, aussi, pour les gestations du lot (l’eff et abortif de la ba-bésiose bovine est reconnu, dès 4-5 mois de gestation).

Démarche ébrieuse, abattement relatif, hyperthermie (40°C), urines claires et pas de striction du sphincter anal, polypnée-hyperventilation, congestion pulmonaire diff use et intense des muqueuses oculaires, « grasses ». Enfi n, la présence de deux tiques adultes gorgées au fanon, permet de sus-pecter très fortement, à la connaissance de la menée du troupeau, une EGB à A. pha-gocytophilum.

Un traitement classique (oxytétracycline 10 % à 10 mg/kg, par voie intraveineuse, en traitement d’attaque le premier jour, puis deux jours en intramusculaire) et sympto-matique (Méloxicam/Métacam 5% ND : 50 ml IV puis 50 SC. à J3) suit un prélève-ment sanguin sur EDTA, afi n de confi rmer le diagnostic terrain par identifi cation de Morulae dans les granulocytes. Ce prélève-ment est envoyé au LDA 22, le 10 et traité

dès le lendemain. Résultat faxé : « Présence de nombreuses Morulae d’A. phagocytophi-lum ».

L’éleveur rappelle deux jours plus tard, le 12 (J2). La malade, en phase de rémis-sion et, pourtant, a expulsé son fœtus. Le protocole de police sanitaire est appliqué, une visite-examen clinique, prélèvement placentaire et sanguin pour recherche de brucellose eff ectués. L’état général de l’animal s’est déjà bien amélioré : appétit recouvré, essouffl ement bien moins net, normothermie à 38,8°C.

Des prélèvements et analyses complé-mentaires sont entreprises sur la mère et sur le fœtus après accord de prise en charge par le GDS22. Ils viennent confi rmer la suspicion et le diagnostic thérapeutique (oxytétracycline).

Des PCR sont réalisées sur divers tissus de la mère et de l’avorton :

• Sang de la mère sur EDTA, à J2 : le jour du 1er examen clinique, la cyto-hé-matologie demandée a permis un dia-gnostic de réponse bien plus rapide.• Houppes cotylédonaires intra-uté-rines à J2.

• Sur l’avorton : sang cardiaque. On note une congestion agonique de la crosse aortique non pathognomoni-que), foie et rate.

Ces prélèvements sont transmis au la-boratoire de La Timone, unité de réfé-rence national des rickettsies - URRN/UER Marseille -, au service des profes-seurs Raoult et Brouqui. Sur ce seul cas documenté, les PCR sont positives sur le sang, même à J2 , soit même 72 h après le traitement intraveineux à l’oxytétracycline. Les calques de houppes cotylédonaires sont également positifs en PCR. En revan-che, aucun tissu de l’avorton ne contient de l’ADN d’A. phagocytophilum.

Ce type d’investigation mérite bien sûr des développements dans le futur. Une identifi cation par séquençage de la sou-che responsable, dont l’isolation est possi-ble sur la lignée blanche (mais aussi de la rate, sur un cadavre) peut très bien faire l’objet d’études associées et incluant la pathologie comparée, en fonction des avancées en « humaine ».

L’ENQUÊTE URGTV BRETAGNE SUR LE « VOLET REPRODUCTION »

Nous nous sommes appuyés sur le« Protocole-avortements non brucelliques » en série, élaboré par le GDS22, en collabora-tion avec les praticiens et appliqué par eux.

LE PROTOCOLE AVORTEMENTS DU GROUPEMENT DE DÉFENSE SANITAIRE DES CÔTES D’ARMOR

Dans les troupeaux soumis aux plans mis en place par les GDS, et par celui des Côtes d’Armor (GDS22) en particulier, une enquête incluant des prélèvements biologiques est mise en œuvre, à partir du troisième avortement : elle concerne les vaches ayant avorté dans l’année et un nombre de cinq à sept vaches « témoins », selon la taille du troupeau. Des investiga-tions bactériologiques sont initiées, en accord avec le vétérinaire sanitaire de l’ex-ploitation, sur le sang total, sur les enve-loppes fœtales (prélevées dans l’utérus : coloration de Stamp è brucelles et coxielles),

Les références bibliographiques sur ce volet sont anecdo-tiques. Les études concernent surtout les ovins : en 1995, Jones et Davies (9) décrivent en Ecosse une anadémie de troupeau, dans les semaines suivant son arrivée en « zone contaminée » : 350 agnelles. 91 %, soit 255, avortent. 20,7%, meurent. Ici, les autres étiologies possibles d’avortements enzootiques ont été éliminées (y compris « looping-ill », toxoplasmose, chlamydophilose et fi èvre Q).

Les travaux de Wilson et Foggie (23), en 1964, toujours en Écosse, concernent un troupeau néo-formé de 120 génisses amouillantes. Les auteurs relatent un « passage possible de barrière de l’espèce, des ovins aux bovins » sur un long temps. Bien entendu, indirectement, par l’intermédiaire des réservoirs, les tiques vectrices.

Les ovins de cet élevage écossais ont été éliminés des pâ-tures en 1947 et remplacés par un troupeau de bovins allai-tants dans lequel des avortements, y compris brucelliques et à Vibrio fœtus sont diagnostiqués en 1958. Ils notent aussi l’apparition de cas sporadiques de babésiose.

L’arrivée d’un nouveau troupeau des 120 génisses, « naï-ves » par rapport à l’agent pathogène, fait suite à l’élimina-tion totale du précédent « viande », en 1961.

Les vêlages débutent en novembre. Des avortements tardifs en série surviennent entre dix jours et six semaines après l’arrivée des animaux. Tous ces avortements et naissances prématurées ont lieu dans le dernier mois de gestation. Ils notent un nombre important d’avortements chez les primi-pares, dans ce troupeau « naïf » : 20 génisses avortent (23 %)

et l’une d’entre elles meurt. Au 5 décembre, on dénombre 18 avortements et 20 veaux vivants. Des mortinatalités survien-nent jusqu’en janvier 1962. Suite à cet épisode, les mères ont été fécondées sans séquelles : les autres années, l’élevage n’a pas connu de problèmes particuliers, sauf quelques cas de babésiose.

Le diagnostic expérimental incluait, en plus de la cyto-hé-matologie, des inoculations à des brebis et à cinq vaches en gestation moins avancée (mais le mois de gestation n’est pas indiqué) : 4 ont développé de « l’ehrlichiose bovine sympto-matique ». Aucune n’a avorté. Les auteurs, considérant que l’état de gestation des animaux inoculés « était bien moins avancé », ne tirent aucune conclusion. Ils situent les risques d’avortements et de mortalités fœtales dans les deux mois précédant le terme, sans conclure à un caractère létal de la bactérie pour le fœtus ou à un déterminisme uniquement py-rétique.

Il faut reconnaître à ces équipes le mérite des faibles moyens d’investigation diagnostic : la clinique, la cyto-hé-matologie et l’inoculation expérimentale.

Pour notre part, à l’exposé de ce cas, nous aurions ten-dance à penser qu’A. phagocytophilum n’entraîne de nais-sances prématurées et mortalité du fœtus que dans le der-nier tiers de gestation.

Cette étude ancienne a motivé notre complément d’en-quête (9). Celle-ci mériterait des compléments d’investigations aux autres moments de la gestation.

Des travaux écossais, à l’origine de notre étude

PRATIQUE SDRPCHIRURGIEPRATIQUE SDRPCHIRURGIECHIRURGIESDRPCHIRURGIESDRPPRATIQUE ENQUÊTE Ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) et avortements chez les bovins

98 99BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006 BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006

IFI nég. IFI pos.

Par Guy Joncour, Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre Mayaux

Page 4: Par Guy Joncour Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre ... · ou grasse et « coups de fl anc », évoquant une « bronchite vermineuse » (9, 11, 12), parfois décalée en saison

et sur un éventuel fœtus en bon état de conservation : estomac ligaturé (bactériolo-gie, dont Listeria et Salmonella-mycologie), foie (BVD, bactériologie. A. phagocytophi-lum possible en PCR), rate (bactériologie : PCR A. phagocytophilum), encéphale (BVD, parasitologie, dont Neospora, histologie dont Listeria). D’ordinaire, ces prélèvements sont réalisés au laboratoire destinataire, le LDA22.

Une bactériologie « salmonelles » sur un pool de bouses prélevé sur les avor-teuses permet de situer ce risque de contamination.

Ces recherches sont un complément au sondage sérologique eff ectué sur les 8 à 10 animaux adultes du foyer. Le lot inclut au moins 3 vaches avorteuses (groupe I), le groupe II étant constitué de congénères - jeunes et vieux -, qui présentent des troubles de la reproduc-tion et/ou vêlés récemment. Les anti-corps anti-brucellose, IBR (sur demande du vétérinaire, uniquement), BVD, fi è-vre Q, néosporose (sur les avorteuses, uniquement) et leptospiroses (à la de-mande du vétérinaire) sont également recherchés dans tout l’échantillon, afi n de tenter de cerner l’étiologie de ces troubles de reproduction répétitifs (GDS22-2005, com. pers.).

Les frais d’analyses et d’enquête sont pris en charge par le GDS22 (9).

Les vétérinaires sanitaires sont parfois amenés à reprélever éventuellement certains animaux, dont les vaches ayant avorté moins de 15 jours avant la réali-sation des prélèvements sanguins des deux groupes I et II : les prélèvements sur avortées sont très souvent contem-porains de l’expulsion du fœtus. Le vé-térinaire intervient donc à l’avortement ou bien plus tard (9). Par ailleurs, une seconde prise de sang sur les trois avor-teuses plus sur 3 vaches du groupe II, les plus jeunes (9), peut, trois semaines après la première, révéler une sérocon-version (cinétiques).

LE SONDAGE SÉROLOGIQUEDU GDS 22

En 2004 et 2005, face à la sensibilisa-tion de la part des praticiens, un proto-cole « restreint » a été appliqué par le GDS, pour des troupeaux situés en biotopes favorables et quand aucune autre étiologie n’a été mise en évidence.

Des sérologiques au 1/80e en IFI ont concerné 194 avorteuses dans 50 cheptels (Gérard Argenté, com. pers.). Selon les premières données, 38 sont séropositives, dans 16 troupeaux. Soit près de 20 % des vaches et dans 32 % des troupeaux testés. Par troupeau, on note, dans ce cas de fi -gure, 37 vache avorteuse positive. Pour, en moyenne, 3 avortements dans l’année (79 %). Ce constat a permis, comme les avancées en diagnostic de la fi èvre Q, de proposer une nouvelle trame-diagnostic très récente (voir encadré ci-dessous).

RÉSUMÉ DE L’ENQUÊTE(2002 et 2003) (9. P.58-77)

MéthodeEn 2002-2003, nous avons réalisé, en

test, des sondages sérologiques par IFI, pour détecter la présence d’anticorps anti-A. phagocytophilum sur des troupeaux sou-mis, auparavant, au « protocole avortements non brucelliques » en série du GDS (9). Les sérums de toutes les vaches, avortées et témoins, ont été testés, en plus des in-vestigations du protocole GDS.

Le premier groupe est constitué de trois troupeaux de notre clientèle, en Centre Bretagne sélectionnés sur des critè-res « biotopiques » (les pâtures habituelles, humides, sont en bordure de bois. Dans un cas, antécédents de babésiose).

7 autres troupeaux (groupe II), aussi des Côtes d’Armor, ont été sélectionnés sur les critères d’inclusion suivants : avortements au printemps, prises de sang eff ectuées de-puis plus de 15 jours après les avortements et moins de 90 jours. Au moins une sérolo-gie fi èvre Q positive à fortement positive (eff et « biotope favorable »).

• Le premier groupe de 3 troupeaux se compose de 27 vaches dont 11 avor-teuses et 16 témoins.• Le second groupe de 7 troupeaux (©N. Vassallo/LDA22) comprend 26 vaches suspectes et 40 témoins.

Résultats• Pour le premier lot, la séroprévalence est d’environ 30 % (8/27), sans diff é-rence signifi cative entre vaches suspectes et vaches témoins. L’implication d’A. phagocytophilum dans les avortements observés n’a pas pu être établie.En revanche, l’exposition des animaux à d’autres agents potentiellement abortifs, parfois multispécifi ques (Coxiella burne-tii, Neospora caninum, Samonella Monte-

video, et… le virus BVD séroconver-sion dans le lait de tank) a été mise en évidence, dans le cadre des investigations habituelles.• Pour le second lot, la séroprévalence est de 7,57 % (5/66). Pour 6 troupeaux, il n’y pas de diff érence signifi cative entre les vaches avortées et les témoins. Pour le dernier troupeau (Guy Pouliquen, com. pers.), le tableau 1 fournit les résultats ci-dessous : Les 5 vaches testées sont suspectes. 4 sur 5 sont séropositives. On peut donc fortement suspecter l’implica-tion d’A. phagocytophilum dans les avortements de ce troupeau. Il est ce-pendant nécessaire, pour conclure, d’y associer la connaissance de la me-née de troupeau par le vétérinaire traitant, les apports de l’anamnèse (commémoratifs d’élevage) : l’éleveur avait l’habitude de faire pâturer son troupeau de gestantes dans des prairies humides et très peu entretenues, à tiques. Les traitements médicaux préventifs et curatifs sont aussi un apport au diagnostic de suspicion (oxytétracycline 10 %) (9). Enfi n, des conseils agri-environnementaux (9) visant à éviter ces parcelles « à ris-ques » pour les gestantes ont com-plété les mesures.

InterprétationLe statut sérologique du premier lot

est assez surprenant : près de 30 % des27 vaches. Ce constat rejoint toutefois ceux de Suisse (17) et de Bretagne, lors des comparaisons entre troupeaux à cas aigus et troupeaux « sentinelle », appa-remment sains et mitoyens (9). Ceci semble mettre en évidence un « bruit de fond » sérologique, qui suggère l’endémicité de l’infection dans ces zones. En revanche, les 66 animaux du second lot présentent une faible séroprévalence, à l’exception d’un troupeau dans lequel l’EGB a une expression clinique caractérisée par des avortements.

Finalement, 93 vaches appartenant à 10 troupeaux « triés » révèlent une séro-prévalence nulle dans 6 troupeaux, absence de séroprévalence signifi cative dans 3 trou-peaux et très forte, signifi cative dans un troupeau. Ceci semble en contradiction avec les résultats d’autres sérologies « ci-blées » (sondage sérologique du GDS 22).

OBSERVATIONS CLINIQUES EN MAYENNE

Pierre Kaufmann, praticien mayennais, décrit en mai-juin 2003 une série d’avor-tements dans sa clientèle du Grand Ouest, associés à des signes cliniques pathogno-moniques de « gros paturons », à la suite d’un regroupement de deux troupeaux laitiers (9).

ANAMNÈSE : ÉTAT DES LIEUX « BIOTOPIQUE » ET ZOOTECHNIQUE

Cet élevage de 60 vaches de race Prim’Holstein a été recomposé, à l’automne 2002, par fusion de deux troupeaux distincts, dans le même vil-lage, « M », en Mayenne (53). Le pre-mier, originaire du lieu-dit « C », com-

porte 35 vaches laitières. Le second, de « J », fournit 25 vaches. Les deux exploitations laitières d’origine sont éloignées l’une de l’autre d’environ 5 km.

Durant l’hiver 2002, les deux lots de vaches en lactation ont été rassemblés à « C ». Au printemps, la construction d’une nouvelle salle de traite et d’une stabulation mieux adaptée en « C », nécessite la translo-cation de tous les animaux en lactation et d’une partie des gestantes à « J ».

CHRONOLOGIE ET DESCRIPTION DES ÉVÉNEMENTS CLINIQUES

Le 15 mai 2003, appel de l’éleveur : boi-terie d’un membre postérieur sur une vache.L’examen et le parage du pied n’en permet-tent pas de déterminer la cause. L’exploitant signale un retour à la normale dans le cou-rant du mois. Le dimanche 1er juin 2003, lors d’une visite pour un avortement, le fer-mier fait remarquer au confrère de garde qu’il en a déjà constaté 3 autres au mois de mai.

Rendez-vous est pris, au 6 juin, pour faire des prélèvements sanguins sur les trois autres vaches avorteuses. Au cours de cette visite, le propriétaire présente deux bovins à hyperthermie-polypnée-anorexie, chute de production laitière. Il signale que le troupeau tousse et fait exa-miner, en prairie, un animal souff rant d’un membre postérieur, à gros pâturon.

Au mois de juin, deux autres bovins avec empâtement du paturon sont encore

Le protocole GDS22au 4 mai 2006

Une note émanant du GDS22 apporte quelques aménagements en relation di-recte avec les nouveaux acquis en terme d’outil PCR « fi èvre Q ».

On note, dans le contexte des « trois ou plus de trois avortements en série » :

• Sur les avorteuses de moins de 8 jours, la possibilité de faire un écou-villonnage vulvo-vaginal « sec » si le placenta est absent et s’il faut conser-ver le prélèvement pendant quelques jours : la PCR Coxiella, test-clé du dia-gnostic de certitude, n’est pas pertur-bée par une congélation-décongélation préalable du matériel.• La réduction de la taille d’échantillon de 10 à 6, avorteuses comprises.• La disparition du lot témoin des va-ches vêlées récemment. Il est rem-placé par 2 ou 3 vaches avec retours en chaleur tardifs ou endométrite (groupe II).

La sérologie A. phagocytophilum n’est réalisée que si les premières investiga-tions sont négatives ou si le contexte épi-démiologique rapporté par le vétérinaire de l’exploitation le motive, « en particu-lier, lors d’avortements en saison de pâ-turage, du printemps à l’automne ».

Concernant les sérologies Leptospira, elles ne sont demandées - et après accord du GDS22 - qu’uniquement sur les vaches avortées, si tout est, par ailleurs, négatif et sur demande expresse du vétérinaire.

Le cabinet nutrition/biochimie/vétéri-naire consultant (NBVC), associé à l’École nationale vétérinaire de Lyon (ENVL) pro-pose un protocole exposant les méthodes d’investigation des agents pathogènes abortifs. L’évaluation du statut nutrition-nel du troupeau (alimentation et minéra-lisation) inclut une analyse de ration et des profi ls métaboliques et macro-/oligo-éléments. Les investigations sur sérums prennent aussi en compte l’identifi cation des IgG anti-A. phagocytophilum.

N°VL Date Avort. IFI A. phago. BVD ELISA FQ ELISA Neospora ELISA

1 ?* + - +++ -

2 20 mai 2003 Négatif + - -

3 2 juin 2003 + - - +

4 13 mai 2003 + - - -

5 20 mai 2003 + - - -

TABLEAU 1 Résultats, sérologiques, y compris BVD, Fièvre Q et Neospora.Prélèvement effectué le 2 juin 2003

* Échographiée gestante à 3 mois, revenue en chaleurs tardivement.

BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006

PRATIQUE SDRPCHIRURGIEPRATIQUE SDRPCHIRURGIECHIRURGIESDRPCHIRURGIESDRPPRATIQUE ENQUÊTE Ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) et avortements chez les bovins

100 101BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006 BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006

Distance entre les deux exploitations laitières : 5 km

L’aisselle d’une génisse Pie Rougedes Plaines, malade de 14 mois, fortement parasitée par Ixodes ricinus.Tiques gorgées

«

«

Le troupeau est constitué de 70 vaches laitières de bon niveau de production. C’est en 1999 que com-mencent les troubles de

reproduction, avec quelques avortements au printempssur des génisses, toujours sur la même pâture, une prairie naturelle entourée de bois.

Le nombre d’avortements s’est accru au cours des deux dernières années et les inves-tigations réalisées dans le ca-dre du « Protocole avortement » du GDS n’ont pas abouti.

Suspectant la possibilité d’une infection à A. phagocy-tophilum, j’ai instauré un trai-tement à base d’oxytétracycline à action longue sur les génisses et les avorte-ments ont immédiate-ment cessé. Guy Pouliquen

Par Guy Joncour, Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre Mayaux

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signalés. Ces symptômes permettent d’évoquer l’EGB à A. phagocytophilum. Les 2 animaux hyperthermiques et les 3 souff rant d’un œdème déclive proviennent, à l’origine du troupeau « C ». Deux avor-teuses proviennent de « J », deux autres de « C ». Le troupeau néoformé a un statut indemne d’IBR. Les trois dernières séro-logies sur le lait de mélange pour le BVD (test eff ectué tous les 6 mois, dans le lait de mélange) sont à chaque fois classés 1 (ce 1 correspond à statut faiblement in-fecté : moins de 30 % des vaches ont des anticorps.

RECHERCHES SÉROLOGIQUESDEMANDÉES

Le syndrome grippal et les lésions péri-articulaires posent une suspicion, clinique d’EGB et amènent à demander une séro-logie spécifi que par IFI au LDA 22.

En raison du délai existant entre les da-tes d’avortements et leur signalement par l’éleveur - et ceci n’est pas une exception, malgré les exigences de la police sanitaire en matière de lutte contre la brucellose -, les recherches ont dû se limiter à des séro-logies : fi èvre Q, chlamydophiloses, leptos-piroses, brucellose, néosporose et EGB. Les résultats sont reportés dans le tableau 2.

Une deuxième sérologie est eff ectuée24 jours après, fi n juin, pour un dosage des anticorps anti-Coxiella et Chlamydophila, par fi xation du complément : il n’y a pas eu d’augmentation du taux d’anticorps. Les taux restent inférieurs au seuil de posi-tivité (1/80e). En attente des résultats, un traitement de la dictyocaulose pulmonaire a été tenté sur le troupeau. Sans effi cacité.

Les trois bovins à œdème de paturon ont reçu une oxytétracycline 10 % à la dose classiquement admise. Les deux bo-vins hyperthermiques ont reçu de l’oxyté-tracycline, de la tylosine et un anti-infl am-matoire non stéroïdien - AINS - pendant 3 jours. Ils ont recouvré leur niveau de lac-tation au bout de 5 jours. Un traitement insecticide en pour-on (Arkofl y ND) ayant pour cible les diptères, hématophages ou non, a été prescrit et appliqué à tout le troupeau. Il a été conseillé à l’éleveur de ne plus transférer les femelles gestantes restées en « C » vers « J ».

PREMIÈRES CONCLUSIONS

L’EGB est responsable de ces accidents de reproduction constatés au printemps. Ils sont, en tous cas, la résultante de patho-

logie vectorielle où Ixodes ricinus semble fortement impliqué. L’agent sévit en foyers. Les manifestations cliniques passent sou-vent inaperçues, lors de - ou plus exacte-ment, avant - l’avortement, exceptée, bien entendu, l’expulsion non pathognomoni-que du fœtus. L’apparence enzootique de l’aff ection pourrait être en relation avec la distribution des réservoirs sauvages de la maladie et, éventuellement, avec l’appari-tion de nouvelles souches, plus pathogènes que la précédente (9).

DISCUSSION

La détermination de la cause précise d’un avortement n’est pas aisée dans la pratique courante de la médecine des ani-maux de rente, si l’on exclut les avortements à Brucella qui bénéfi cient de mesures de police sanitaire au protocole bien établi. Ils sont aujourd’hui éradiqués sur le terri-toire national.

Les éleveurs y voient souvent des sé-quelles traumatiques liées à des compor-tements relationnels entre animaux du troupeau, à des glissades ou autres.

Une relation directe de cause à eff et entre le constat de présence d’IgG. anti-A. phagocytophilum et l’avortement peut se révéler diffi cile à établir en première intention. Ceci vaut également en termes de coxiellose et chlamydophiloses. La cyto-hématologie et la PCR peuvent amener aux certitudes. Mais, nous savons que :

• L’aff ection clinique est plus « débili-tante » chez les animaux adultes que chez les jeunes « élèves » et que la pa-thogénicité des souches peut varier de

« absence de manifestations cliniques à mortalité d’adulte » (9).• Une hyperthermie peut être embryo-toxique aux premiers stades de gesta-tion.

Surtout, cet état pathologique « de dé-fense non spécifi que », de la part de l’orga-nisme peut induire, de façon directe, des avortements au dernier tiers de la gestation (Pr Lagneau ENVA 1973). L’infection par cet agent parasite strict de la lignée blanche a, pour corollaire, une immuno-dépression de l’organisme aff aibli. Cette caractéristique peut ainsi favoriser l’émer-gence d’autres aff ections intercurrentes, pathologies associées, induites et suscep-tibles, de générer des troubles en synergie mais inapparents, quand l’un ou l’autre des agents agit seul.

Chez les bovins, l’infection expérimen-tale d’une vache dans les trois semaines précédant la mise bas, par Nicola Pusterla et al., n’a pas induit d’avortement. Elle a même permis la naissance d’un veau vivant qui a développé des signes cliniques d’EGB 13 jours après sa naissance (19), sans pouvoir d’ailleurs conclure à une perméabilité transutérine car le colostrum est riche en leucocytes et une contamina-tion orale précoce est toujours possible dans ce cas (9). Le temps d’incubation de 13 jours ou période « prépatente » de 10 à 15 jours (9) peut concorder avec notre hypothèse, pour ce cas.

La cyto-hématologie, décidée après un examen clinique associant hyperthermie, chute de la production (pour les gestantes productrices, à moins de 3 mois du terme) et « gros pâturons » - non obligatoires - peut

fournir un élément de suspicion (1, 9), par comptage cellulaire, si l’on prend en compte essentiellement la formule leuco-cytaire et les thrombocytes. Un frottis sanguin positif dans les 5 jours après le début des signes cliniques, pas obligatoi-rement contemporains de l’expulsion du fœtus, peut, par contre, être un élément de certitude. Mais les lecteurs de labora-toire entraînés sont peu nombreux.

Globalement, la maladie peut évoluer sous forme aiguë (pas toujours identifi ée) ou rester inapparente. L’agent et ses eff ets ne sont, dans le second cas, pas aisés à met-tre en évidence. La pathogénicité variable des souches susceptibles de se succéder dans un élevage « à risques », est aussi à prendre en compte. La connaissance du statut sanitaire des troupeaux et des bioto-pes associée à un choix d’outils pertinents, peut permettre une identifi cation correcte des causes des troubles de la reproduction s’ils sont utilisés selon un protocole adapté après analyse des faits. Ceci nous conforte aussi dans l’idée de favoriser la circulation de l’information de la part de notre réseau SNGTV, sur les divers aspects de cette pa-thologie des « biotopes ».

On note beaucoup de sérologies posi-tives contre A. phagocytophilum en zones favorables aux tiques (9, 11, 14, 17). L’in-terprétation délicate de ces séroprévalences élevées doit mener à des conclusions pru-dentes : « le dessous de l’iceberg (les sérums positifs) est bien plus important que la partie émergée (les cas aigus cliniques) », y compris en termes de troubles de la reproduction.

L’IFI spécifi que peut, lors d’enquêtes épidémiologiques de groupe, constituer un outil de choix de diagnostic de trou-peau a posteriori. Les autres signes cliniques (avortement exclu) ne sont pas toujours apparents non plus. Les « retours en chaleur (avortements précoces ?) et des avortements tardifs », surtout notés quand ils surviennent en série, ne sont pas d’observation excep-tionnelle dans des foyers bovins où l’EGB est déjà connue. Un peu à l’instar des avor-tements à complexe chlamydophiloses-fi èvre Q. Des recherches complémentaires sur ce point précis seraient à développer dans le futur.

L’utilisation de la PCR A. phagocyto-philum est la méthode de certitude, jusqu’à une dizaine de jours après la primo-infection abortive : un développement de cet outil serait bien utile sur tissus d’avor-tons en bon état de conservation afi n de

prouver ou non le passage de la barrière placentaire (9, 16, 19).

La mise en évidence de l’ADN de la bactérie dans le sang circulant ne présente d’intérêt chez la mère que dans la phase clinique hyperthermique et sur des prélè-vements de houppe cotylédonaire eff ectués dans des conditions optimales (dans l’uté-rus) après expulsion du fœtus.

Même s’il est bien malaisé, sur le terrain, de faire la part entre l’hyperthermie et les bouleversements anatomo-pathologiques induits par l’infection, la bactérie et les conséquences de l’infection sont tout à fait susceptibles de provoquer des avorte-ments sur les vaches gestantes contaminées et ce, quelque soit le stade de gestation.

Il faudra, bien entendu développer les travaux d’investigation sur ces thèmes, en n’excluant pas les contaminations expéri-mentales, plus aisées sur les ovins et ca-prins, pour des raisons de coût évident. Les génisses, « naïves » et , plus généralement, les gestantes n’ayant pas déjà bénéfi cié d’une immunité de prémunition (9) pa-raissent bien plus sensibles et fragiles.

Dans tous les cas traités plus haut - y compris le cas écossais (23) -, on entrevoit l’importance de la prise en compte de l’anamnèse et du statut sanitaire du trou-peau, des caractéristiques et qualités de son biotope et du choix des investigations ciblées sur une « trousse » d’outils diagnos-tiques fi ables. Ces recherches ne doivent pas, avant, occulter les investigations vers d’autres agents abortifs (virus, bactéries, protozoaires et champignons) et vers les apports alimentaires, macro- et oligo-élé-ments inclus. La prise en compte actuelle de cette bactérie recherchée dans le cadre de divers protocoles (GDS22, NVBC/ENVL) illustre l’intérêt qui lui est porté en tant qu’agent d’avortements et l’effi ca-cité de notre eff ort de partage de l’infor-mation dans le cadre des GTV, depuis 2000 en France. Mais d’autres pays- euro-péens et États-Unis - ont plus d’avance.

PROPOSITION D’UNE DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

Sans exclure des sondages aléatoires dans quelques cas particuliers d’avortements, précoces ou tardifs, anazootiques ou de type sporadique, nous pouvons proposer, en te-nant compte de critères d’inclusion perti-

nents, un protocole adapté à l’implication de cet agent dans les troubles de la repro-duction. Cette proposition n’est qu’une ébauche, donc à améliorer. Elle garde tout son intérêt en fonction de la pression de vi-gilance à venir sur le volet « Avortements bo-vins » (sources : Direction Générale de l’Ali-mentation et SNGTV), en termes de police sanitaire et des visites sanitaires d’élevage à venir.

PROPOSITION DE PROTOCOLE

Cette proposition de protocole est adaptée lors d’avortements bovins en série, non brucelliques, dans des biotopes favo-rables à Ixodes ricinus et à l’agent de l’EGB, A. phagocytophilum.

• Les avortements de jeunes vaches, es-sentiellement les primipares, sont tout particulièrement pris en compte (9) (ta-bleaux 1 et 2).• Dans les élevages à avortements en sé-rie (trois ou plus, dans l’année), l’enquête sérologique concernera au minimum les avorteuses et un nombre équivalent de vaches-témoin, tout en sélectionnant les animaux les plus jeunes (animaux senti-nelles susceptibles d’être néo-infectés : des laitières primipares. Ici, on utilise l’ef-fet « marqueur biologique », témoin d’une infection récente des congénères, si l’in-fection ne date pas de plus de quatre mois (9). Ce choix diff ère du nouveau protocole GDS22 (4 mai 2006).• Où la BVD, la néosporose, les leptos-piroses, les listérioses, la chlamydophi-lose à Chlamydia abortus ou la fi èvre Q n’apparaissent pas clairement comme étant à l’origine des avortements. Des infections intercurrentes sont pourtant possibles.• Les introductions récentes, transloca-tions, recombinaisons de troupeaux et/ou des achats de nouvelles parcelles sont des facteurs de risque à considérer (9).• Dans des biotopes à babésiose bovine, même anciens (9, 13, 22) ou quand on identifi e des marqueurs (ELISA) de la fi èvre Q chez certaines vaches des grou-pes testés (9) .• On prendra aussi en compte la saison-nalité, soit une occurrence du printemps à la fi n de l’automne, soit entre avril et novembre et selon les plans de pâturage.• Les avortements de la seconde moitié de gestation, plutôt de fréquence rappro-chée (elle signe une simultanéité de la contamination), dans les 3 mois précé-dant le prélèvement sanguin.

PRATIQUE SDRPCHIRURGIEPRATIQUE SDRPCHIRURGIECHIRURGIESDRPCHIRURGIESDRPPRATIQUE ENQUÊTE Ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) et avortements chez les bovins

102 103BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006 BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006

TABLEAU 2 Chronologie

Identification VL n° de travail 3730 1939 1918 3720

Date d’avortement 1er mai 2003 20 mai 2003 30 mai 2003 1er juin 2003

Date de prélèvement 6 juin 2003 6 juin 2003 6 juin 2003 1er juin 2003

Stade de gestation 6 mois 5 mois 4 mois 6 mois

Troupeau d’origine C J J C

Rang de vêlage Primipare Primipare Primipare Primipare

Brucellose - - - -

Fièvre Q 1/20e - - 1/40e

Chlamydophilose 1/20e 1/40e 1/20e -

Néosporose - - + -

Leptospiroses - - - -

Ehrlichiose/EGB + + + Non testé

Délai avortement-PS, en jours 37 12 8 0

Par Guy Joncour, Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre Mayaux

Page 6: Par Guy Joncour Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre ... · ou grasse et « coups de fl anc », évoquant une « bronchite vermineuse » (9, 11, 12), parfois décalée en saison

CONCLUSION

Une suspicion étiologique s’appuie sur une bonne connaissance des troupeaux, de leur histoire sanitaire et de celle de leurs milieux de vie, de la part du praticien. La confi rmation tient compte d’un bon choix des outils d’analyses et d’investigations complémentaires aux protocoles d’enquêtes proposés par certains GDS, après concer-tation avec les GTV et les LDA.

L’objectif est de réduire le pourcentage des avortements non élucidés, en série ou sporadiques, ou attribués à des causes trau-matiques, trop souvent invoquées : près de 20 % n’ont pas été élucidés, en 2001, soit 238 dossiers de ce type, dans les Côtes d’Armor. Toutefois, il faut éviter les conclu-sions par excès : l’interprétation des résultats sérologiques par IFI doit rester prudente. Il ne faut donc pas voir de l’EGB pour toute sérologie positive, pas plus dans le cadre du volet « Reproduction ».

Comme pour d’autres investigations, en terme d’enquêtes sur l’étiologie des avortements, la technique par PCR est un outil voué à un développement certain.

Les facteurs zootechniques, humains, biotopiques, associés aux résultats de l’en-semble des analyses, doivent être confron-tés, en faisceau, pour aboutir à une suspi-cion étiologique. Parfois, la confi rmation par les résultats du laboratoire est sans ap-pel. Nos observations cliniques l’ont, je pense, montré. Attention, cependant, à ne pas exclure des étiologies multifactorielles : elles sont nombreuses et incluent le parasi-tisme strict, les virus, les autres bactéries et les carences ou intoxications alimentaires associées.

A un moment de politique sanitaire na-tionale s’articulant sur la visite sanitaire d’élevage et sur la réduction des contrôles systématiques anti-brucelliques, puis aléa-toires (prophylaxie des brucelloses bovine, ovine et caprine par sérologie), les investiga-tions concernant le volet « Avortement » prennent, aujourd’hui et pour l’avenir, toute leur importance. Nous supposons que cette prise en compte va encore s’accentuer en termes d’avortements chez les bovins (Sour-ces DGAl et SNGTV).

L’EGB, « zoonose mineure », surtout par méconnaissance en médecines humaine et vétérinaire (7, 9, 10), sera un élément à prendre certainement, à l’avenir, en consi-dération, avec sérieux et en concertation. ■

Ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB) et avortements chez les bovins

104BULLETIN DES GTV - N°35 JUILLET 2006

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REMERCIEMENTSNous remercions tout particulièrement les confrères praticiens qui ont participé

à ces diverses enquêtes épidémiologiques, les Docteurs Nicola Pusterla(U.Ca/Davis), Jorge S. Liz (Université Neuchâtel/Genève), François Bost,

Jean-Marc Lalloz, Bruno Courtay et Pierre Mathevet (Merial), Damien Remmy (Céva), Michel Perdrix et Bernard Armange (Virbac), Valérie Rosso et Guillaume

Dussaulx (Intervet), Alain Recca (Schering-Plough), Jean-François Labbé, trésorier URGTV-Bretagne et SNGTV, Gérard Argenté, Vétérinaire GDS22, pour sa relecture

et ses avis, Hervé Morvan et Pascale Lamanda (LDA22), Pierre-Hugues Pitel (LDA14), Philippe Nicollet (LVD 79), Jean-Erik Blochet (Centre Technique

des Productions Animales/CTPA-Zoopôle de Ploufragan), Geneviève Clémentet Nathalie Robert (Institut Supérieur des Industries Agro-alimentaires/

ISPAIA- Zoopôle de Ploufragan) pour leur soutien important.Et les Collectivités Territoriales de Bretagne (Conseil régional) et des Côtes

d’Armor (Conseil général) pour leur collaboration remarquable : l’implication de ces services publics régionaux, illustre l’intérêt porté, au moins en Régions, pour

le dossier « Ehrlichiose bovine », en termes de santés animale et publique.

BIBLIOGRAPHIE

Par Guy Joncour, Guy Pouliquen, Pierre Kaufmann et Pierre Mayaux