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Revue Marocaine de Gestion et d’Economie, Vol 3, N°7, Juillet - Décembre 2016
http://revues.imist.ma/?journal=RMGE
ISSN: 2028-4713 1
Cloud Computing ou informatique à la demande : enjeux et perspectives
Par :
Mohammed ZOUHRI*, Boujemaa REHALI
*,
*Laboratoire d’Études et Recherches Économiques et Sociales,
FSJES - Meknès
Résumé
Le monde informatique est habitué à l’émergence de paradigmes quasiment toutes les
décennies. Le nouveau paradigme de l’informatique moderne s’appelle « Cloud Computing »
ou informatique en nuage et représente une révolution extraordinaire dans le domaine de
l’informatique, assurant ainsi une restructuration inévitable des systèmes d’information et
offre des capacités évolutives en matière de traitement de l’information.
Le Cloud Computing est une technologie innovante dans la transformation numérique des
entreprises et des organisations. Ces dernières peuvent se dégager de la contrainte technique
au profit de l’agilité et de l’adaptation du service aux besoins des utilisateurs en tous lieux.
Le présent article a pour objet d’analyser les fondements de l’informatique en nuage ainsi
que la réalité de cette technologie dans le contexte marocain. Différents enjeux et quelques
perspectives afférents au Cloud Computing seront également discutés.
Mots clés : technologies de l’information, Cloud Computing, entreprise virtuelle
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Introduction
Les technologies de l’information et de la communication ont connu un véritable
engouement durant ces dernières décennies. Parmi ces nouvelles technologies figure le Cloud
Computing ou l’informatique en nuages. Il s’agit d’une technologie à croissance rapide qui
s’impose de plus en plus dans l’industrie informatique et le monde des affaires.
Les services du Cloud Computing constituent une architecture puissante pour effectuer
des tâches complexes à grande échelle et couvrent une gamme de fonctions informatiques qui
vont du stockage des données et du calcul à des services de bases de données et
d’applications. La nécessité de stocker, traiter et analyser de grandes quantités de données a
conduit de nombreuses organisations et entreprises mais aussi les individus à adopter le Cloud
Computing. (Huan, 2013).
En outre, les entreprises ayant des opérations complexes à traiter en lots peuvent obtenir
des résultats aussi rapidement que leurs programmes peuvent évoluer, puisque l’utilisation de
mille serveurs pour une heure ne coûte pas plus que l’utilisation d’un serveur pendant mille
heures. Cette élasticité des ressources, sans avoir à payer une prime à grande échelle, est sans
précédent dans l’histoire de l’informatique. (Armbrust et al, 2010).
Le Cloud est un modèle récent pour la mise à disposition d’infrastructure informatique,
de plate-forme et/ou de logiciels. Il fournit des ressources informatiques au travers d’une
infrastructure virtualisée, permettant aux applications, capacités informatiques, stockage de
données et aux ressources de réseau d’être approvisionnés, et administrés à distance sur des
réseaux privés ou sur l’internet. Ainsi, cette technologie améliore le travail collaboratif,
l’agilité et la disponibilité pour les entreprises. Toutefois, le Cloud offre des caractéristiques
différentes, permettant le partage des ressources entre les fournisseurs et les utilisateurs de
Cloud dans un modèle de répartition. Ces propriétés ont été utilisées à de nombreuses fins
économiques, environnementales et sociales.
Dans un contexte économique où les entreprises cherchent à rentabiliser les
investissements et à limiter les coûts d’exploitation, l’informatique en nuage se présente
comme étant la solution à adopter pour faire évoluer ou refondre son système d’information.
En dépit des avantages multiples que présente le Cloud Computing, la réussite de son
adoption dans les entreprises nécessite une compréhension profonde et préalable de cette
nouvelle dynamique des services informatiques.
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D’autre part, l’insuffisance de cadres législatifs et réglementaires avec des directives
appropriées ne favorisent pas l’adoption du Cloud Computing et l’établissement de relation de
confiance entre les parties prenantes.
L’objet de cet article est d’introduire, dans un premier temps, les termes, les
caractéristiques et les services associés à l'informatique sur Internet, communément appelée
Cloud Computing. Ensuite, un état des lieux de l’informatique en nuage dans le contexte
marocain sera présenté sur la base d’enquêtes professionnelles effectuées récemment. Enfin et
comme pour toute nouvelle technologie émergente, on discutera des enjeux et des
perspectives de ce nouveau paradigme informatique.
I) Le Cloud Computing : définitions et caractéristiques
I-1) Qu’est-ce que le Cloud Computing?
Le Cloud Computing est un concept récent dans le domaine de l’informatique. On le
qualifie des fois comme étant la cinquième génération d’architecture dans l’évolution
informatique, faisant suite aux architectures suivantes : les Mainframes des années soixante-
dix, le Client-serveur des années quatre-vingt, le Web des années quatre-vingt-dix et la SOA
(Service Oriented Architecture) des années 2000. Néanmoins, l’idée de l’informatique en
nuages n’est pas nouvelle et a vu sa première énonciation en 1960 par John McCarthy1 :
« Computation may someday be organised as a public utility » (Zhang, Cheng, Boutaba,
2010). Il envisageait à cette époque que les matériels, équipements, ou installations
informatiques pouvaient être délivrés aux utilisateurs sous forme de services. Ce concept a
évolué dans le temps, il est actuellement à un stade de maturité avancé.
Le Cloud Computing est une infrastructure dans laquelle la puissance de calcul et le
stockage sont gérés par des serveurs distants auxquels les usagers se connectent via une
liaison internet sécurisée. L’ordinateur, le téléphone mobile et autres objets connectés
deviennent des points d’accès pour exécuter des applications ou consulter des données qui
sont hébergées sur les serveurs.
La littérature regorge d’une multitude de définitions plus ou moins floues du Cloud
Computing (Vaquero et al, 2009). Cependant, l’une d’entre elles fait autorité, celle issue du
National Institute of Standards ans Technology (NIST) et que l’on peut formuler ainsi :
« C’est un modèle permettant un accès réseau convenable, à la demande et omniprésent à un
1 Chercheur américain en informatique et inventeur du terme «Intelligence artificielle»
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pool de ressources configurables (par exemple, réseaux, serveurs, espaces de stockage,
applications et services) et partagées pouvant être rapidement approvisionnées et libérées avec
un minimum d’effort ou interaction du fournisseur »2.
Une autre définition qui se veut exhaustive par ses auteurs est : « Le Cloud Computing
est un accès « à la demande » à des ressources IT virtualisées, hébergées hors du Data Center
de l’entreprise, partagées avec d’autres entreprises, simples d’utilisation, payées via un
abonnement et accessibles par le Web». Cette définition, outre le fait qu’elle présente les
principaux concepts-clés du Cloud Computing, montre que le Cloud Computing postule que
le système d’information de l’entreprise peut désormais se construire et vivre entre les mains
de tierces entreprises. (Rivard, 2012)
Pour clarifier le flou entourant cette technologie, la société IBM3, précise que le Cloud
Computing est à la fois un mode de travail pour les utilisateurs et un modèle de gestion. Par
mode de travail, il s’agit d’une informatique d’un nouveau genre où les applications, les
données et les ressources sont offertes aux utilisateurs sous la forme de services distribués sur
le réseau. Par modèle de gestion, c’est la façon de gérer un grand nombre de ressources
virtualisées qui peuvent être installées sur plusieurs sites de manière à les présenter comme
une ressource unique. L’accès à ces ressources se faisant simplement avec beaucoup plus de
flexibilité à l’aide d’une plateforme Web.
Selon le NIST, le Cloud Computing repose sur trois modèles de service, quatre modèles
de déploiement et cinq caractéristiques essentielles. (Mell & Grance, 2011).
I-2) Les modèles de service du Cloud Computing
Ces services s’organisent en trois niveaux successifs :
I-2-1) Infrastructure as a Service (IaaS)
Les services IaaS permettent de mettre à disposition des utilisateurs des ressources
physiques telles que des capacités de traitement (CPU), des ressources réseaux, de stockage,
etc. avec lesquelles il pourra construire son système informatique selon ses besoins (système
d’exploitation, logiciels, outils de développement, etc.). Ils peuvent ainsi tout contrôler sauf
l’infrastructure physique des Datacenter comme dans le cadre d’Amazon AWS.
2http://nvlpubs.nist.gov/nistpubs/Legacy/SP/nistspecialpublication800-145.pdf [consulté le 6/10/2016]
3 IBM Smart Business, Livre blanc pour un leadership éclairé, Dissipons la brume qui entoure le Cloud Computing, Janvier
2010
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I-2-2) Platform as a Service (PaaS)
Dans le Cloud de type PaaS, les utilisateurs ont la possibilité d’avoir un environnement
contenant des outils et des langages de développement mis à disposition par le fournisseur et
dans lequel ils peuvent développer et déployer des applications pour leur utilisation
personnelle ou afin de permettre à d’autres de l’utiliser comme dans le cas de Microsoft Azur,
Force.com, ou encore Google App Engine.
I-2-3) Software as a Service (SaaS)
Les services SaaS du Cloud permettent de mettre à la disposition des utilisateurs des
applications prêtes à l’emploi. A la différence des applications Web ordinaires, les services
SaaS du Cloud Computing sont caractérisés par un haut niveau d’abstraction qui permet
d’adapter l’application à un cas particulier d’usage. Il s’agit entre autres des applications de
gestion de la relation clients (CRM4), des applications de planifications de ressources
d’entreprises (ERP5) ou des applications de messagerie électronique.
Figure 1 : Architecture d’un environnement de Cloud Computing (Zhang & al, 2010)
I-3) Les modèles de déploiement du Cloud Computing
Aux modèles de service s’ajoutent quatre modèles de déploiement :
4 Customer Relationship Management
5 Enterprise Resource Planning ou également appelé PGI (Progiciel de Gestion Intégré)
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I-3-1) Le modèle public
Dans ce type de Cloud, l’infrastructure est accessible par le grand public ou par les
grands groupes d’industries et l’infrastructure appartient à une organisation vendant des
services de Cloud Computing. Les grands acteurs de ces services sont Amazon, Google et
Salesforce.
I-3-2) Le modèle privé
L’infrastructure du Cloud est accessible à une organisation seule et peut être gérée par
l’organisation elle –même ou par un tiers. Elle peut lui être interne ou externe.
I-3-3) Le modèle communautaire
Dans un Cloud communautaire, l’infrastructure est partagée entre différentes
organisations formant une communauté ayant les mêmes centres de préoccupations. Les
administrations publiques pourraient être un exemple du présent modèle en terme de
consolidation /fédération d’un ensemble de services destinés pour leur propre besoin ou à
l’usage des citoyens.
I-3-4) Le modèle hybride
Le Cloud hybride est la mise en commun des ressources du Cloud privé et public ou
communautaire, chaque Cloud en tant qu’entité unique, cependant liés technologiquement
parlant (avec une nécessité d’interopérabilité et portabilité). Dans ce type d’architecture, les
ressources critiques du client sont hébergées en local tandis que celles louées auprès des
fournisseurs sont accédées à distance par internet ou un réseau privé virtuel.
I-4) Les caractéristiques du Cloud Computing
I-4-1) Des services à la demande
Il s’agit d’un « self-service » où l’utilisateur peut réserver des capacités de traitement et
de stockage selon ses besoins sans requérir d’interaction humaine côté fournisseur.
I-4-2) Un large accès réseau
Les ressources réservées par l’utilisateur ainsi que les différents services d’un
fournisseur Cloud sont accessibles par le biais d’un large éventail de périphériques
(Smartphones, PDA, PC, tablette, etc.), au travers d’un réseau, par des protocoles standards.
I-4-3) Des ressources partagées
Les ressources informatiques (stockages, mémoire, CPU, bande passante, etc.) sont
mises en commun afin de répondre aux besoins des utilisateurs par le biais de ressources
physiques et virtuelles pouvant être affectées en fonction de la demande.
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I-4-4) L’élasticité rapide
Il s’agit de faire évoluer très rapidement la capacité fournie, que ce soit en plus ou en
moins, selon la demande de l’utilisateur. Ceci peut se réaliser parfois automatiquement.
I-4-5) La mesure de consommation du service
Il s’agit de la capacité à mesurer le service fourni. L’utilisation des ressources
informatiques est surveillée, contrôlée et signalée offrant ainsi la transparence pour le
fournisseur et l’utilisateur. Cette caractéristique permet en particulier de facturer le service à
l’usage.
Figure 2 : Les modèles du Cloud Computing selon le NIST (Mell & Grance, 2011)
I-5) Les plateformes de Cloud Computing
Nous pouvons distinguer trois grands types de fournisseurs de Cloud, chacun
correspondant à un des trois modèles de service définis par le NIST :
L’offre IaaS : il s’agit d’acteurs du Cloud mettant à la disposition des ressources
(stockage, calcul, etc.) localisées dans des Datacenter distants. Amazon Web services,
Windows azure et IBM figurent parmi ces acteurs.
L’offre PaaS : elle regroupe des sociétés fournissant des plateformes de développement.
La plateforme est hébergée et mise à disposition pour la réalisation des tests ou pour les
développements. Salesforce.com avec Force.com, Google avec App Engine, Microsoft avec
Windows Azure sont les principaux acteurs de cette offre.
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L’offre SaaS : cette catégorie regroupe principalement des éditeurs de logiciels qui
fournissent des solutions logicielles directement accessible sur le Web comme : les
applications collaboratives (messagerie, agenda partagé, gestion de projet, etc.), les
applications de gestion des ressources humaines (GRH), les applications de gestion de la
relation client (CRM), les applications liées à la finance (gestion de trésorerie, de la
facturations, des notes de frais, etc.) mais aussi les applications liées aux achats.
II) Réalités du Cloud Computing au Maroc
Durant ces dernières années, le secteur des technologies de l’information et des
communications a enregistré une croissance inédite au niveau international. Le
développement de l’environnement technologique a favorisé l’évolution la plus rapide du
trafic des données de Cloud Computing dans le monde. En effet au niveau mondial,
l’adoption du Cloud par les gouvernements connaît une croissance indéniable.
Selon des études menées par l’IDC6, les dépenses mondiales dans les services de Cloud
public se développent cinq fois plus vite que la croissance de l’industrie informatique dans
son ensemble. Les entreprises optent pour le modèle de services de Cloud Computing, ce qui
génère une explosion de leurs dépenses et prédit le franchissement du seuil des cent milliards
de dollars en 2016, contre quarante milliards en 2012. On peut ainsi penser que les marchés
émergents, comme celui du Maroc, sont en train de jouer un rôle majeur dans la conduite de
cette croissance.
Aujourd’hui, les grandes entreprises marocaines sont conscientes de l’importance de
l’approche Cloud Computing dans la performance de leurs systèmes d’information. C’est
dans cette optique qu’une enquête a été menée en 2012 par le cabinet Epitaphe7 auprès d’une
centaine de directeurs des systèmes d’information des plus grands comptes marocains. À cette
époque, la plupart (60%) de ces grands décideurs informatique ignoraient le concept.
L’enquête a conclu que peu d’entreprises nationales utilisaient les services de Cloud
Computing. En effet, seule une minorité (12%) a affirmé qu’elle exécutait déjà un projet
pilote ou un système de production. Cependant, 8% des interrogés qualifient l’acquisition du
système Cloud comme étant un « échec total ». Enfin, il ressort de cette enquête que le Cloud
Computing est un phénomène en voie d’adoption au sein des grandes entreprises marocaines.
6 International Data Corporation : cabinet d’études américain spécialisé dans les TIC et l’électronique grand
public 7http://www.guidacheteur.com/console/document/23.pdf [consulté le 10/10/2016]
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44% des sondés admettent voir en Cloud Computing la voie du futur. La motivation
principale à l’adoption de l’informatique en nuage réside dans le fait que cela nécessite moins
de personnel informatique en interne et réduit de ce fait, les coûts. 26% des interrogés mettent
l’accent sur la standardisation des systèmes ainsi que sur la facturation à l’usage, qui
représente un avantage en termes de réduction de coût. Néanmoins, l’enquête révèle que le
problème de la sécurité et le cadre législatif et réglementaire de tels systèmes demeurent le
principal frein à l’adoption de l’informatique à la demande.
Récemment, le cabinet «GlobResearch»8a publié en 2015 son rapport sur les services
Cloud au Maroc. Il en ressort que le paysage des technologies de l’information et de la
communication (TIC) marocain connaît une rupture sans précédent provoquée par la
croissance des employés nomades au sein des entreprises, la prolifération des périphériques
intelligents et l’environnement concurrentiel de plus en plus agressif face à une clientèle très
exigeante numériquement parlant. D’où la nécessité d’adopter des technologies qui
permettent aux entreprises marocaines une optimisation d’usage et une réactivité en temps
réel.
En effet, les services Cloud offrent aux entreprises marocaines une haute disponibilité
du service pour les collaborateurs mais aussi pour les clients avec une importante réduction
des coûts sur les investissements d’infrastructure informatiques. Cependant, les dépenses en
services Cloud restent timides avec seulement 14 millions de dollars investis en 2014,
principalement sur les services de Cloud public. Selon GlobResearch, le marché du Cloud
marocain est relativement faible actuellement. Cependant, malgré une timide évolution de ce
dernier, l’adoption de services de Cloud Computing a augmenté au cours des deux dernières
années, tirée par la croissance des offres locales de prestataires et un haut niveau de maturité
organisationnelle dans le pays.
Les modèles Infrastructure as a service (IaaS) et software as a service(SaaS) restent les
services de Cloud public les plus populaires au Maroc et devraient connaître une croissance
considérable dans le court terme. « GlobResearch » estime par contre que le modèle Platform
as a Service (PaaS) ne devrait pas parvenir à une forte croissance dans un proche avenir au
Maroc. Les entreprises ayant des besoins de développement de logiciels préfèrent encore
8GlobResearch spécialiste des études et accompagnements stratégiques et opérationnels dans le secteur des TIC
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utiliser des plates-formes de développement local, par opposition à un service de Cloud
public. Cela est dû à la nature plus complexe et sophistiquée des services de plate-forme.
Au Maroc, seules les banques et les opérateurs de télécommunications investissent dans
ce service, en revanche, la proportion des secteurs qui ne l’ont toujours pas adopté reste
grande. Selon « GlobResearch », 64% des structures marocaines n’ont pas encore investi dans
les services Cloud pour diverses raisons. Plusieurs paramètres freinent l’investissement dans
les services Cloud, notamment les problèmes de sécurité.
III) Enjeux et perspectives
III-1) Enjeux économiques
Le déploiement des services de Cloud Computing offre la possibilité aux entreprises de
pouvoir accéder à des marchés difficilement accessibles ou sur lesquels il était difficile
d’entrer en jeu en rivalisant avec les géants. En plus, elles bénéficient également de
l’automatisation, de la maintenance et des nouveautés instantanément des applications.
L’ubiquité du Cloud permet ainsi aux travailleurs nomades d’accéder aux fichiers de
l’entreprise pendant leurs déplacements à n’importe quel appareil relié à l’Internet. Aussi cette
technologie améliore la sécurité des données, celles-ci peuvent être perdues suite à la perte
des appareils informatiques contenant des informations importantes. Tout est centralisé et
sécurisé par authentification de l’utilisateur, assurant ainsi une meilleure diffusion de
l’information et attise le travail collaboratif.
Pour les entreprises effectuant du calcul intensif, le Cloud permet de mobiliser selon le
besoin de la puissance de calcul. Si ces dernières devaient investir en matériel pour effectuer
ce type de traitements, cela représenterait un coût prohibitif pour des équipements non utilisés
en continu. Le Cloud, génère également un gain de productivité pour les structures qui ne
payent que ce qu’elles consomment, et donc un gain d’argent. Cependant, l’impact
économique du passage au Cloud n’est pas toujours visible à court terme. Il permet des
économies d’échelle: les frais de support et de maintenance sont inclus dans l’abonnement.
L’entreprise profite également de l’expertise des fournisseurs de Cloud qui proposent des
services adaptés.
III-2) Enjeux environnementaux
Le Cloud est souvent qualifié de «Green IT» en raison de potentiels gains sur la
consommation énergétique. Cependant, pour les entreprises, avoir recours au Cloud leur
permet de délocaliser les serveurs, et donc de faire d’importantes économies sur leur facture
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d’électricité, et par conséquent de limiter leur empreinte écologique. Ainsi, avoir recours au
Cloud pourrait diminuer la consommation électrique d’une structure de près de 30%. Les
économies sont les plus importantes dans les petites structures, où les serveurs sont utilisés en
dessous de leurs capacités9.
Néanmoins, ces serveurs se retrouvent virtuellement installés dans des centres de
données (Datacenter), qui consomment une quantité gigantesque d’énergie et produisent
environ 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre10
. Quel est alors le bilan carbone
de cette opération ? Y a-t-il simplement translation de la consommation électrique et donc des
émissions polluantes ? Tout d’abord, la sous-utilisation des serveurs, dans les petites
structures, génère des pertes d’énergie importantes car le serveur consomme de l’électricité
sans être au maximum de ses capacités. Il faut savoir que la consommation électrique d’un
serveur augmente moins vite que son taux d’utilisation. Ainsi, comme les serveurs des
Datacenter sont utilisés au maximum de leurs capacités, il y a rationalisation de la
consommation d’électricité. Aussi, les machines étant partagées par plusieurs clients qui n’ont
pas tous les mêmes besoins au même moment, les pics d’utilisation sont lissés. La
consommation électrique est donc moins fluctuante et plus facile à prévoir et à gérer.
Ainsi, l’impact en matière d’empreinte écologique qu’aura dans le futur le recours aux
technologies du Cloud reste encore imprévisible. Ce qui est sûr, c’est que même si cet impact
est positif, grâce à des Datacenter plus efficients, la consommation électrique globale du
secteur est en plein augmentation. Ainsi, à moins de « nettoyer » drastiquement les sources
d’énergie primaire qui alimentent ces Datacenter, le Cloud ne pourra, dans le meilleur des cas,
que freiner une augmentation des émissions polluantes aujourd’hui inévitable.
III-3) Enjeux de sécurité
La sécurité des infrastructures Cloud reste le point sensible que les entreprises craignent
le plus. Certes, il est vrai que de multiples affaires de violations de données ou de pannes de
Datacenter ternissent la réputation des fournisseurs de Cloud. Pour les directeurs des systèmes
d’information des entreprises, externaliser leurs données et les confier à un tiers, c’est perdre
une partie de la maîtrise et du contrôle de l’infrastructure. En effet, centraliser une quantité
importante de données dans un même Datacenter les rend vulnérables à une potentielle panne
9http://gesi.org/files/Reports/AssessmentMethodologyCasteStudy_CloudComputingSustainability-Nov2010.pdf [consulté le
8/10/2016] 10
http://www.zdnet.com/article/just-how-green-is-cloud-computing/ [consulté le 8/10/2016]
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de refroidissement, qui rendrait indisponible le service et mettrait dans l’embarras toutes les
entreprises qui comptent sur ces données. Mais alors, les risques seraient-ils trop importants
par rapport aux bénéfices potentiels ?
Pour pallier ces problèmes de sécurité, il convient de bien préparer en amont son arrivée
dans le monde du Cloud. C’est une démarche à réaliser bien en avance, en accord avec son
fournisseur du service Cloud. Les entreprises doivent veiller à ce que le contrat de service
mentionne clairement les procédés de récupération des données en cas de panne et exiger une
traçabilité des données et une grande transparence du fournisseur de Cloud.
Cependant, toutes les données d’une entreprise ne sont pas aptes à une externalisation.
Toute migration de données vers le Cloud doit être précédée d’un tri précis : quelles données
peuvent être confiées à un prestataire externe, quelles données sont confidentielles, vitales
pour l’entreprise et doivent donc être gardées en interne? L’entreprise doit également veiller
au cryptage des données, afin de les rendre difficilement exploitables par de potentiels
hackers. Dans ce cas, il est préférable d’utiliser un Cloud privé interne à l’organisation.
III-4) Enjeux législatifs et réglementaires
Les entreprises marocaines commencent à investir progressivement dans les
technologies de l’informatique en nuage. Certes, l’évolution reste insuffisante. En tenant
compte des mutations du paysage informatique marocain, les entreprises prennent conscience
de la pertinence de cet investissement, et ce en envisageant une stratégie en alignement avec
les technologies adoptées, en l’occurrence le Cloud. Toutefois, pour accélérer l’intégration de
cette technologie, la mise en place d’un cadre juridique, réglementaire et législatif s’impose. Il
permettra de cadrer le contrat du Cloud entre l’entreprise cliente et son fournisseur, et
garantira la protection des données des organisations.
En Europe par exemple, les transferts de données sont bien cadrés par la directive
européenne 95/46/CE11
, si l’entreprise désire utiliser des services Cloud, il faut qu’elle sache
dans quel contexte juridique seront stockées ses données. La directive impose que le pays de
destination assure un niveau de protection suffisant. Cette directive sera remplacée à partir de
2018 par un nouveau règlement européen (General Data Protection and Regulation (GDPR))
11
https://www.privacycommission.be/sites/privacycommission/files/documents/directive_95_46_ce.pdf [consulté
le 9/10/2016]
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adopté en 2016 et qui vise à uniformiser la protection des données personnelles sur tout le
territoire de l’Union Européenne.12
Les entreprises sont méfiantes dès qu’il s’agit d’externaliser des données critiques dans
d’autres pays. Elles ont peur de subir des réglementations qu’elles ne maitrisent pas. Par
exemple, en Chine, l’autorité consulte les données stockées dans les serveurs. C’est également
le cas avec Patriot Act13
aux Etats-Unis qui se profile comme un risque majeur pour la
sécurité juridique des données du Cloud pouvant être très sensibles.
Concernant le Maroc, il reste un état pionnier en matière de protection des données à
caractère personnel dans le monde arabe et musulman. En 2009, le Maroc a promulgué une
loi, la loi 09-0814
, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
données à caractère personnel et qui est entrée en vigueur fin 2012. Cette dernière est à
l’origine de la création de la commission nationale de contrôle de protection des données à
caractère personnel (CNDP) qui est bien appréciée tant au niveau national qu’international,
notamment par l’union européenne, ce qui n’est pas sans retombées positives sur les
investissements étrangers.
Sur le plan réglementaire, rien n’empêche les entreprises marocaines de recourir au
transfert ou à l’archivage de leurs données sur des serveurs basés à l’étranger. Il n’y a donc
aucune barrière juridique au Cloud Computing. Cependant, le problème se pose au niveau des
données à caractère personnel. En effet, l’article 43 de la loi 09-08 ne permet pas le transfert
de ces données vers un État où le niveau de protection de la vie privée des personnes n’est pas
«suffisant». Autrement, il est nécessaire d’obtenir au préalable l’autorisation de l’organe
chargé du contrôle des données personnelles (CNDP), ainsi que le consentement des
personnes concernées.
Même si la loi 09-08 n’a prévu aucun texte quant à l’utilisation du Cloud Computing, il
n’en demeure pas moins un fort arsenal juridique pour renforcer la confiance numérique et le
développement de l’industrie des technologies de l’information au Maroc, notamment
l’utilisation de l’informatique en nuage.
12
https://en.wikipedia.org/wiki/General_Data_Protection_Regulation [consulté le 9/10/2016] 13
Patriot Act crée pour les sociétés américaines et de leurs filiales, ainsi qu’aux sociétés non américaines dont les
serveurs ou les plateformes se trouvent aux États-Unis, des obligations de laisser accéder les services d’enquête
aux données stockées dans leur serveur notamment sur leur plateforme Cloud,- y compris les données stockées
en Europe par des sociétés américaines - à l’insu des titulaires des données sans qu’ils en soient immédiatement
informés. 14
http://www.afapdp.org/wp-content/uploads/2012/01/Maroc-Loi-09-08-relative-%C3%A0-la-protection-des-
personnes-physiques-%C3%A0-l%C3%A9gard-du-traitement-des-DCP-2009.pdf [consulté le 9/10/2016]
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III-5) Les perspectives du Cloud Computing
L’intégration du Cloud Computing offre à l’entreprise de très grandes perspectives
d’ordres économiques, techniques, environnementaux et sociaux. L’utilisation de ces
technologies permet à l’entreprise de développer sa chaîne de valeur et la rendre plus
compétitive en externalisant vers un réseau de valeur de Cloud, d’optimiser les ressources
allouées, d’accéder aux autres marchés et d’assurer une grande ouverture sur l’économie
internationale. En voie de conséquence, cela permettra de réaliser des économies d’échelle en
faveur des organisations.
En termes de la protection de l’environnement, le Cloud représente l’une des solutions
les plus efficaces et cruciales pour les grands systèmes qui consomment plus d’énergie.
Techniquement, l’utilisation des technologies Cloud offre à l’entreprise une meilleure
automatisation des tâches et des procédures, facilite les calculs, bénéficie de la maintenance
des infrastructures informatiques et des mises à jours instantanées des applications. Aussi, il
lui permettra de bénéficier de l’assistance et des conseils des fournisseurs.
Conclusion
L’avènement du Cloud Computing et des services associés constitue une révolution
technologique se traduisant par des modèles économiques innovants et des offres nouvelles
ayant un grand impact sur les systèmes d’informations des entreprises.
Cependant, malgré les avantages importants offerts par le Cloud Computing, les
technologies actuelles ne sont pas assez matures pour réaliser son plein potentiel. De l’analyse
de la réalité d’utilisation par les organisations dans le contexte marocain, il en ressort que plus
des deux tiers de ces structures n’utilisent pas les technologies de Cloud. Cette réticence est
due à plusieurs raisons d’ordres juridiques et sécuritaires. Certes le Cloud présente des enjeux
et des perspectives majeures pour l’économie marocaine.
L’évolution du Cloud Computing au cours de cette dernière décennie est
potentiellement l’une des avancées majeures dans l’histoire de l’informatique. Néanmoins et
afin que l’informatique en nuage puisse atteindre son potentiel, il doit y avoir une
compréhension claire des différentes questions en jeu, tant du point de vue des fournisseurs
que des consommateurs de la technologie.
Revue Marocaine de Gestion et d’Economie, Vol 3, N°7, Juillet - Décembre 2016
http://revues.imist.ma/?journal=RMGE
ISSN: 2028-4713 15
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