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La Physique est une sorte d'introduction épistémologique à l'ensemble des ouvrages d'Aristote de science naturelle (un des trois domaines des sciences théorétiques, avec les mathématiques et la philosophie première). Elle est ainsi une réflexion sur la connaissance des réalités naturelles et sur la nature en général.La nature se caractérise pour Aristote principalement par le changement.L'influence de ce que Heidegger disait être « le livre fondamental de la philosophie occidentale » est considérable.
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LIVRE II
DE LA NATURE
Paraphrase de la physique d'Aristote livre 2 chap IV.
Il nous semble que nous avons épuisé le nombre des causes
; mais, parfois, on compte parmi les causes le hasard, la
spontanéité ; et l'on dit de bien des choses qu'elles sont
produites d'une manière spontanée et fortuite, qu'elles sont
causées par le hasard. Nous allons examiner s'il est
possible de comprendre , parmi les causes que nous avons
énumérées, le hasard et la spontanéité, et surtout ce que
c'est que la spontanéité et le hasard, et si ce sont des
choses identiques ou différentes.
D'abord il faut remarquer qu'il y a des philosophes qui nient
le hasard, et qui soutiennent que le hasard ne produit
jamais rien. Toutes les choses qu'on attribue au hasard,
disent-ils, ont une cause déterminée ; seulement, on ne la
voit pas. Ainsi quelqu'un va au marché, et il y fait par
hasard la rencontre d'une personne qu'il ne s'attendait pas
du tout à y trouver. On dit qu'il l'y a rencontrée par hasard ;
mais la cause de ce prétendu hasard, remarquent nos
philosophes, c'est la volonté d'aller au marché pour y faire
quelque emplette ; et cette volonté était parfaitement
réfléchie ; elle n'avait rien de fortuit. Il en est de même,
ajoutent-ils, pour tous les cas attribués au hasard ; et, en y
regardant de près, on découvre toujours une cause, qui
n'est pas du tout le hasard qu'on suppose. Les philosophes
ajoutent encore que si le hasard était aussi réellement
cause qu'on le dit, il y aurait lieu de s'étonner qu'aucun des
anciens sages qui out étudié si profondément les causes de
la génération et de la destruction des choses, n'en aient pas
dit un seul mot ; et l'on en conclut que ces sages n'ont pas
admis que le hasard fût une cause, et que rien pût, jamais
venir du hasard.
J'avoue que ce silence même des anciens sages est fait
pour étonner ; et à tout moment on parle dans le langage
ordinaire de choses qui se produisent et qui existent par
l'effet du hasard et tout spontanément. On sait bien qu'on
peut rapporter chacune de ces choses à quelque cause
ordinaire, comme le veut cette maxime de la sagesse
antique qui nie le hasard ; et pourtant tout le monde dit
sans cesse que certaines choses viennent du hasard, et que
d'autres n'en viennent pas. Il eût donc été bon que de façon
ou d'autre ces sages dont nous venons de parler
examinassent ces questions. Mais personne parmi eux n'a
supposé que le hasard fût un de ces principes dont ils se
sont tant occupés, la Discorde ou l'Amour, le feu ou l'air,
l'Intelligence on tel principe analogue. Il y a donc lieu de
s'étonner, ou que les anciens philosophes n'aient pas admis
le hasard, ou que s'ils l'admettaient ils l'aient si
complètement passé sous silence. Ce n'est pas que plus
d'une fois ils n'en aient fait usage dans leurs théories ; et
c'est ainsi qu'Empédocle prétend que l'air ne se sécrète pas
toujours dans la partie la plus haute du ciel, mais qu'il se
sécrète aussi au hasard et n'importe où. Il dit en propres
termes :
" L'air alors court ainsi, mais souvent autrement. "
Ailleurs il dit encore que presque toutes les parties des
animaux sont le produit d'un simple hasard.
II y a d'autres philosophes, tout au contraire, qui rapportent
formellement au hasard seul tous les phénomènes que nous
observons dans le ciel et dans le monde. A les entendre,
c'est le hasard qui a produit la rotation de l'univers et le
mouvement, qui a divisé et combiné les choses de manière
à y mettre l'ordre que nous y voyons en l'admirant. Mais,
c'est surtout ici qu'il faut s'étonner. Voyez, en effet, quelle
contradiction : d'une part, on soutient que les plantes et les
animaux ne doivent point leur reproduction au hasard, et
que la cause qui les engendre est ou la nature ou
l'Intelligence, ou tel autre principe non moins relevé,
attendu que les choses ne sortent pas indifféremment de
tel ou tel germe, et qu'ainsi de l'un sort un olivier, tandis
que de l'autre sort un homme ; et, d'autre part, on ose
avancer que le ciel et les choses les plus divines, parmi les
phénomènes visibles à nos sens, ne sont que le produit tout
spontané du hasard, et que leur cause n'est pas du tout
analogue à celle qui fait naître les plantes et les animaux !
Mais, en admettant même qu'il en soit en ceci comme le
disent ces philosophes, cette théorie, ainsi présentée,
mérite qu'on s'y arrête et qu'on en parle un instant pour en
dévoiler les contradictions. En soi, elle est insoutenable ;
mais il est bien plus absurde encore de la défendre, quand
on voit soi-même que rien dans le ciel ne se produit au
hasard et irrégulièrement, tandis qu'au contraire il y a
beaucoup d'effets du hasard dans l'organisation des
animaux et des plantes, d'où l'on veut cependant que le
hasard soit tout à l'ait exclu. Il nous semble qu'il faudrait
précisément se former des opinions contraires, et qu'il y
aurait lieu de bannir le hasard du ciel où il n'est jamais, et
de le reconnaître dans la nature vivante où il est
quelquefois.
Enfin, il y a des philosophes qui, tout en reconnaissant le
hasard comme une cause réelle, le regardent comme
impénétrable à l'intelligence humaine, et en font quelque
chose de divin et de réservé aux esprits et aux démons.
Ainsi, pour compléter notre théorie des causes, il faut
étudier le hasard et la spontanéité, d'abord pour voir si ce
sont là des choses identiques ou distinctes, et ensuite si
elles peuvent rentrer clans les causes que nous avons
reconnues et déterminées plus haut.