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PARDONNE-MOISITUPEUX…MARILYNEWEISS
©MarilyneWeiss©LeilaBouslama-ChezCLM,2016,pourlacouverture
Correction:PatriciaNivoixCeci estuneœuvrede fiction.Lespersonnages, lieuxet évènementsdécritsdans ce récitproviennentde l’imaginationde l’auteurou sontutilisés fictivement.Toute
ressemblanceavecdespersonnes,deslieuxoudesévènementsexistantsouayantexistéestentièrementfortuite.Lesauteursreconnaissentquelesmarquesdéposéesmentionnéesdanslaprésenteœuvredefictionappartiennentàleurspropriétairesrespectifs.Tousdroitsréservés.Cetteœuvrenepeutêtrereproduite,dequelquemanièrequecesoit, partiellementoudanssatotalité,sansl’accordécritdelamaisond’édition,à
l’exceptiond’extraitsetcitationsdanslecadred’articlesdecritique.Avertissementsurlecontenu:Cetteœuvredépeintdesscènesd’intimitéentredeuxhommesetunlangageadulte.Ellevisedoncunpublicavertietneconvientpasaux
mineurs.Lamaisond’éditiondéclinetouteresponsabilitépourlecasoùvosfichiersseraientlusparunpublictropjeune.ISBN:9782373870817
Dépôtlégal:Octobre2016www.sidhpress.com59RuedeParis60000Beauvais
Lundi22OctobreMercredi24OctobreSamedi21FévrierDimanche22FévrierLundi23FévrierMardi24FévrierMercredi25FévrierJeudi26FévrierSamedi28FévrierTroismoisplustard...
Lundi22Octobre
LORENDerrièresonbureauenboismassif,leDocteurEfferlm’évalualonguementavantdereprendrela
parole.—Vousavezfaitd’incroyablesprogrès,mademoiselleClarke.Votreoptimismeetvotresensdela
ténacitéontsansaucundouteparticipéàvotrerétablissement.Néanmoins,lescauchemarsrécurrentsquiperturbentvotresommeilnepeuventêtrequelefruitd’untroubleémotionnelpersistant.Sansblague!J’avaiscompristouteseulequelefaitd’êtreclouéeàunmurpendantqu’unbourreauprenaitson
piedàmecriblerdeballesn’étaitpaslerêveleplussaindumonde.Pourtant,cecherpsychiatreavaitraison,ilyavaiteudenettesaméliorationscesderniersmois.Je
pouvaismaintenantsortirdechezmoisanstremblercommeunefeuille,etjenetombaisplusdanslespommes aumoindre bruit. Sauf bien sûr s’il s’agissait de coups de klaxon ou d’éternuements, lessonslesplusimprévisiblesquisoient.Ilréajustaseslunettesetcontinua.—Poursereconstruirepsychologiquementaprèsuneagression,ilestimportantdedépasserles
troisphasesdethérapie,commevousl’avezfaitavecbrio.Cependant,ilvousresteencoreuneétapeàfranchir, et qui n’est pas desmoindres : pardonner à son agresseur. Il ne s’agit pas forcément del’exprimer avecdesmots,mais de le penser réellement, de le ressentir.Cen’est que lorsquevousvoussentirezprêtepourcelaquevousretrouvereztoutevotrepaixintérieure.
Pardonneràmonagresseur...Écarquillantlesyeux,j’ouvrislaboucheetlarefermaiplusieursfoisavantdemesouvenirquele
mode«poissonrouge»nem’avantageaitpas.Hélas, une agression à l’arme à feu laissait inévitablement des séquelles. Les policiers avaient
employé le terme «miraculé».Un cambriolage dans une petitemaison de banlieue qui avaitmaltournéalorsque je longeaisunerue latérale.L’hommecagouléquiavaitsautéd’unefenêtres’étaitretrouvé face à moi, brandissant son pistolet et me réduisant au statut de proie, piégée. La scènen’avaitduréqu’unefractiondeseconde,maislessensationsétaientencorepalpables.L’angoisse,lavague de détresse qui m’avait submergée, et la terreur lorsqu’il avait pressé la détente dans uneeffroyabledétonationquirésonnaitencoreàmesoreilles.Àprésent,jenecessaisdemerépéterquej’étaisenvieetquetoutcelaappartenaitaupassé.Maisla
douleurcauséeparlaballequiavaittraversémonépauleétaitbeaucoupmoinsrationnellequemoi.Etmême si la blessure avait cicatrisé durant ces derniersmois, cette agression avait bouleversémonquotidien.Durant de longues semaines, j’étais restée confinée dansmon appartement, usant simultanément
moncanapéetma télécommande, avant d’oser remettre le nez dehors.Millie,mameilleure amie,avait faitpreuved’unepatience sans limitesenm’encourageantàposerunorteil sur lepaillasson,puis un second, et enfin le pied tout entier, jusqu’à ce que j’accepte de replacer le paillasson àl’extérieur de l’appartement pour recommencer la manœuvre. Mais rien à faire, je me sentaiscontinuellementendanger.J’avais été àpeine soulagée à l’annoncedes trois ansdeprisondont avait écopé lemalfaiteur .
Quantaufaitdesavoirqu’iln’enferaitprobablementquelamoitié,unrapidecalculm’avaitappris
qu’ilseraitlibred’icitreizemois.Est-cequej’étaisprêteàluipardonner ?C’étaitunequestionquej’allaisétudier.Peut-être.Unjour.
Sijen’avaisriendemieuxàfaire...—Hum...oui,jevais...yréfléchir.— Très bien. En attendant, je vous conseille de continuer les sorties, étape par étape en
augmentantprogressivementladurée.Avez-vousprévuquelquechoseprochainement?—Oui,jesorsceweek-endavecMillie,auCloverPub.J’essaieraid’yresterdeuxheuresentières.Ilapprouvaavectoutl’intérêtd’unmédecinsatisfaitdesonpatient.—C’est excellent,mademoiselleClarke.Aussi, je vous propose d’espacer les séances, disons,
touslesquinzejours,sicelavousconvient.Waouh!Celanefaisaitplusquedeuxséancesparmois,j’étaisaussifièrequesij’avaisdécroché
undiplôme.Pourtant, je ressortaisducabinet l’esprit confus.Tous leseffortsque j’avaisaccomplis jusqu’à
présent me paraissaient insignifiants face à la nouvelle requête du Docteur Efferl. Cependant, cepsychiatreavaitdéjàprouvésescompétences,etsesconseilsm’avaientsortiedel’impasseplusvitequejenel’auraispensé.Alorspeut-êtredevais-jeluiaccordermaconfianceunedernièrefois.
**MATHIAS
Derrière ses lunettes rectangulaires, ce type a l’air encore plus d’un escroc quemoi. Ses yeuxévaluent toutes les stratégiespossibles.Cela faitplusd’unquartd’heurequ’il épluche ledossieretétudiemasituation.Jenevoispascequ’ilpeutyapporter,c’estjusteunesituationmerdique.
Maismonfrèrelepayetrèscherpourqu’ilmefassesortird’iciauplusvite,alorsilsedonnedelapeine,etrelitpourlacentièmefoislesdocumentsempiléssurlatable.
Tout à coup, il lève la tête etm’adresse un rictus rusé, à croire qu’il vient de deviner le codebancairedeBillGates.Ilvaencorem’ennuyer,avecsonjargonetsesphrasesquin’enfinissentpas,maisjem’efforcedel’écouter.Cinqminutesdeplusavecluiserontcinqminutesdemoinsdansmacelluleet,sicetavocatvéreuxauneidéepourm’ensortir,autantsemontrerattentif.
—Comptetenudevotredossieretdelaconduiteirréprochabledontvousfaitespreuve,jedevraisvousobteniruneréductiondepeineettrouverunoudeuxvicesdeformesanstropdedifficultés,cequivousferaitquittercetétablissementd’iciunan.Néanmoins,jevoisunesolutionquipermettraitd’écourterencorevotrecondamnation.
Jelefixeimpatiemmentenattendantlasuite.Cetenfoirésaitqu’ilestmonseulespoir,alorsilenprofitepourfairedurerlesuspense.Ilesquissemêmeunpetitsouriresatisfaitavantdereprendresonsérieux.
—Soyonsclair,monsieurStevenson.Mêmesilesfaitssontsurvenusdansunmomentdepanique,vousaveztirésurunefemme.Votreconduite,aussiirréprochablesoit-elle,nesuffirapasàaccomplirdesmiraclescommevotre frère ledemande.Enrevanche,envued’obtenirune réductiondepeinesupplémentaire,vouspourriezélargirvotreperspective,etopterpourlerepentir.Ilmesemblequedesexcusesenversvotrevictimeseraientunexcellentatoutdansvotredossier.
Jeclignedesyeuxcommes’ilvenaitdemegifler.Mavictime…Bordel !Cen’estpasmavictime!Jenesaismêmepasàquoielle ressemble.Lecielétaitnoir,
cettenuit-là.Touts’estpassétropvite.—MonsieurStevenson?—Ouais...je...Ils’inclinedequelquescentimètresau-dessusdelatableetplisselespaupièrespourcaptertoute
monattentionavecsonairdetruand.—Jemedoutequecelanevousplaîtguère,maisréfléchissez-y.Lejugeprendrasadécisionenfin
desemaine.Sid’icilà,nousparvenonsàfairevenircettefemmejusqu’iciafinquevousluiprésentiezdésespérémentvosexcuses,toutpeutallertrèsvite,etvousneseriezpeut-êtrepasobligédemoisirencoreunandanscetrou,dit-ilenjetantautourdeluiunregarddedédain.
Unetableplusloin,undétenus’entretientluiaussiavecsonavocat.Etsurcelled’àcôté,cesontdeuxgossesquiviennentrendrevisiteàleurpère.Danslegenreglauque…Maisc’estlafenêtreaufonddelapiècequiaraisondemoi.Elleabeauêtreopaqueetquadrillée
parunedizainedebarreauxenacierlourd,lalumièrequiyfiltrenecessedemerappelerquejeneme trouve pas du bon côté dumur. Je ne supporte plus les dixmètrescarrés dema cellule. Je nesupporte plus de faire profil bas lorsqu’onm’insulte et, par-dessus tout, je ne supporte plus cetteodeur.
C’est l’odeurde lapeur,duméprisetde lasolitude.Alorsc’estdécidé.Jeferain’importequoipoursortird’ici.
—C’estd’accord.Demandez-luidevenir.**
LOREN—Loren?Quesepasse-t-il?Aprèsdeuxlonguesminutesdansunedimensionlointaine,letéléphoneglissademamainmoite
etpercutalecarrelagedemonsalon.—Loren!Quiétait-ce?JemeforçaiàassimilerlaquestiondeMillie,puisbaissailesyeuxpourlirelenomquejevenais
degriffonnersurlecalepintéléphonique.—Maître...Faliyot.C’étaitMaîtreFaliyot.—Quic’est,celui-là?— L’avocat du type... qui m’a tiré dessus. Il veut me rencontrer pour... s’excuser, si j’ai bien
compris.—Tuneluiaspasrépondud’allersefairevoir ?—Jen’allaistoutdemêmepasinsultersonavocat,iln’yestpourrien.C’estétrange,cematin,
monpsym’ajustementexpliquéqu’ilmeseraitbénéfiquedepardonneràmonagresseur.Cegenredecoïncidencemedonnaitl’impressionqueleKarmaavaituneidéederrièrelatête.Milliem’observa,incrédulesousseslongscheveuxblonds.—LorenEstelleClarke,dis-moiquetunevaspasaccepterdeterendrelà-bas,seule,pourfaire
faceàcetype.—Biensûrquenon!Jen’iraipasseule.Peux-tum’accompagner ?—Jetrouvequec’estunetrèsmauvaiseidée,objecta-t-elleensecouantlatête.Jenepensepasque
tu sois prête à endurer un face à face avec un homme qui hante encore tes cauchemars. Tu feraismieuxderefuser.Sivraimenttuveuxluipardonner,passe-luiuncoupdefil.
—Etpourquoinepaslerencontrer,toutsimplement?C’estl’occasiondevoiràquoiressemblecetaréetdesavoirsijepourraisunjourluipardonner.Je ramassai lecombinédu téléphoneenm’assurantqu’il fonctionneencoreet le replaçai sur sa
baseenprenantbiensoind’éviterleregardaccusateurdeMillie.
Mercredi24Octobre
LOREN—Votrecarted’identité,s’ilvousplaît.Je fouillai dans mon sac à main pour en retirer mes papiers. La secrétaire me jaugea
scrupuleusement, ses yeux faisant plusieurs allers-retours entremonvisage etmaphotod’identité,sansgrandeconviction.Pasétonnant.Cesnouvellesphotosdonnaienttoujoursl’impressiond’avoirprisvingtkilos.
—Trèsbien,dit-ellefinalement,vouspouvezpassersousleportique.Elle me désigna un portique de détection semblable à celui des aéroports, du genre que l’on
redoutedefranchir,mêmeensachantpertinemmentquel’onn’arienàsereprocher.Ceportiqueconstituaitlavéritableporteducentrepénitentiaire,lalimitequiséparaitréellement
l’intérieurdel’extérieur.Mesépaulesseraidirentetmesjambessemirentàflageoler.Jeregrettaissoudaind’avoirconvaincuMilliedem’attendredanslavoiture.Lasecrétaireparutremarquermontrouble,etm’adressaunregardbienveillant.
—Ilmesemblequecettevisiten’estpasobligatoire,mademoiselleClarke,vousêteslibredelarefuser,ouderevenirplustardsivouslesouhaitez.
Pasfaux.Maisjenem’étaispastapéuneheureetdemiederouteetunequinzained’exercicesderespirationpourrepartirmaintenant.
—Merci,maisilfautquejelevoie,affirmai-jeenm’engageantsousleportique.—Parfait.Danscecas,monsieurStevensonvousattenddanslasallecommune,suivez-moi.—La salle commune... vous voulez dire qu’il n’est pas derrière une vitre de trente centimètres
d’épaisseur,menottéetentouréd’hommesprêtsàledescendreaumoindregestesuspect?Ellemesouritpatiemment.—Monsieur Stevenson ne fait pas partie des détenus qui doivent s’en tenir au parloir.Mais si
vousenfaiteslademande,jepeuxfaireensortequevotreentrevuesedérouledanscecadre.CourageLoren,tuentreslà-dedans,etsisatêteneterevientpas,turessors.Pasd’obligation.Ce
salaudestenprison,pastoi.—Hum...non.Toutvabien,jevoussuis.Au fondd’un longcouloir délabré, elle entrebâilla l’une des portes,me laissant jeter un rapide
coupd’œildanslapièce.Legardienquise tenaità l’entréeavait l’airdes’ennuyerferme.Lasalleétait propre, peinte dans des tons pastel, et éclairée par de grands néons. L’ameublement et ladécoration étaient rudimentaires : quelques tables rondes entourées de chaises, et sur le côté, unebanquetteoù traînaient des livres et des jouets d’enfants.Plusieursdes tables étaient déjà occupées.Assiseà l’uned’elles, une femmeagrippait lesmainsde sonconjoint comme si elle craignait quecelles-ci disparaissent. La suivante était occupée par deux hommes et un adolescent dont laconversationn’étaitvisiblementpasdesplusjoyeuses,etunetroisièmeparunhommeseul,dedos,quisemblaitfixerl’uniquefenêtredelapièce.Mince,est-cequec’était lui?Vud’ici, ilparaissaitbienplusjeunequejenel’avaisimaginé.La
secrétairemefitsigned’entrer.—Êtes-vousprête?Non.—Oui.
Ellemeprécédaetjeluiemboitailepascommeuneenfantscotchéeauxjupesdesamère.Ilmesemblait tout à coupqu’ellemarchait beaucoup trop vite. Pas la peine de courir unmarathon, ellepouvait prendre tout son temps, je n’étais absolument pas pressée. Ma gorge était sèche et monestomacpartaitenvrilleàmesurequej’avançais.Lesderniersmètresquimeséparaientdeluifurentlesplusdifficilesàfranchir.
—MonsieurStevenson,mademoiselleClarkeestarrivée.Àcesparoles,ilprituneprofondeinspirationetseretournapourmefaireface.Merde!Jenem’étaispasattendueàça.Dansmescauchemars,monBourreauavaitlaquarantaine
bienpasséeetunairsadique,ilétaitpoiluetpuaitlatranspiration.Le typequi se trouvaitdevantmoi avait sensiblementmonâge, etne ressemblait en rienàmon
tortionnaire.Chosequi,enfindecompte,m’agaçaauplushautpoint.Sacarrureathlétiquen’étaitpasleproblème,ni sonvisage aux traits parfaits nimême sesyeuxd’unbleu électriquequ’il plongeadanslesmiens,reflétantunesortedeconfusionsemblableàlamienne.
—Jevous laissevousasseoir,medit la secrétaire,prévenez legardiensivousavezbesoindequelquechose.J’acquiesçai d’un signe de tête et pris place à l’opposé de la table, le plus loin possible de cet
individu.Ilmedétaillaquelquesinstantsavantd’ouvrirlabouche.—Euh...Bonjour.Sesparolessonnaientpresquecommeunequestion,àlaquellejerépondisfroidement.—Bonjour.Ildéglutitdifficilementettoussota.—Je...m’appelleMathiasStevenson,jevousremercieinfinimentd’avoirfaitledéplacementpour
venir...m’écouter.Ilyacinqmois,j’aicommisunacteirréparable,etjetiensà...à...m’excuser,pourlestortsquejevousaicausés,sachezquejeregrette...Bonsang!Sondiscourspuaitlaleçonappriseparcœur,j’étaispourtantconvaincuequemêmeun
beaugosseégocentriquetelqueluipouvaitfairemieuxqueça.Cetypepossédaittoutl’attirailduBadboyprétentieux.Lecoiffédécoifféultrastylé, lesoreillespercées, probablementpardespiercingsdont il avait dû se séparer le temps de sa peine, et une posture naturellement rebelle et séductrice.J’auraispariéquedestatouagestribauxsecachaientquelquepartsoussablouse.Jelelaissaifinirsondiscourspathétiquepourneretenirqu’uneseuleetuniquephrase.
—Lestortsquevousm’avezcausés?Vousvoulezparlerduboulotquej’aiperduoudurencartauqueljen’aijamaispumerendre?Oh,oupeut-êtredufaitquej’aidûcondamnertouslesplacardsmurauxdemacuisineparceque jen’arrive toujourspasà lever lebras suffisammenthautpouryattraperquelquechose.Fronçantlessourcils,ilm’observaétrangementavantdeposerseslargesmainssurlereborddela
table,penchantlégèrementlebusteenavant.Jemesurprisàcontemplerbéatementsesmainsetseslongsdoigtsauxphalangesparfaites.—Vous...vousavezperduvotreboulot...àcausedemoi?—Cen’étaitpasgrand-chose,soupirai-je,justeunemploideserveuseenattendantd’exposermes
peintures,maisj’aimaisvraimentlerestaurantoùjetravaillais.Sonregardpassademonvisageàmonépaule,etses irisbleussefirentsoudainplussombres,
presque tristes. Soit il jouaitmerveilleusement bien la comédie soit je lui faisais réellement pitié.Danslesdeuxcas,ilpouvaitallersefairevoir.
—Est-cequevousallez...retrouverentièrementl’usagedevotrebras?—Qu’estcequecelapeutvousfaire?demandai-jesuruntonquej’auraisespéréplusglacial.
Ilfermalespaupièresquelquesinstantscommesimaréponseluiétaitdouloureuse,puisilpassaplusieursfoissamaindanssescheveux.— Je... je ne devais pas faire partie du casse, ce soir-là, mais j’ai fini par accepter.Mes deux
complicesm’avaientfourniunearme,justeaucasoù.Lorsqu’onaentendulavoituredepolice,j’aipaniquéetjemesuisenfuiparlafenêtre.Enapercevantvotresilhouettedanslaruelle,j’aicruqu’ils’agissaitd’unpoliciersurlepointdem’arrêter,etj’aipointémonarmepourl’endissuader.Jenesaispascommentlecoupestparti.Je...jesuis...tellementdésolé,pourtoutlemalquejevousaifait,etlasouffrance.Jesaisbienqueçanechangerarien,maisj’aimeraistantrevenirenarrière.Lesyeuxrivéssurmonépaule,ceflotdemotsétaitsortisansqu’ilpuisselesretenir,commes’il
lui était vital de les prononcer. Il n’avait soudain plus rien de l’hommeprétentieux que son allurelaissaittransparaître.Jedevaismerendreàl’évidence.Iln’étaitniunserialkillerniundégénéréquivivaitdansleseul
butdem’exterminer.Ilétaitparfaitementcoupable,maisjecommençaisàcomprendrequetoutcelan’avaitriendepersonnel.C’était le moment. Je pouvais le dire parce que je le pensais vraiment, et surtout parce que je
voulaisallerdel’avant.J’inspirailentementetmeforçaiàleregarderdanslesyeux.—Jevouspardonne.Il eut un léger mouvement de recul et me scruta comme si j’étais devenue cinglée. Puis son
expressionsemodifiaencore,laissantémanerunsentimentderemords,etautrechosequejenesusdéfinir.Peuimporte.J’étaisparvenueàluipardonneravecsincérité.Jemelevaietreplaçaimachaisetandisqu’ilmefixaittoujours.—Bon,etbien,jevaisrentrerchezmoimaintenant,déclarai-jesimplement.Essayezdepratiquer
desactivitéspluscalmesàl’avenir.Genre,letricot,oulamarcheàpied.Jemedirigeaiverslaporte,laissantdanscettetristesallelepoidsénormequejetrimballaisen
entrant.Biensûr,toutn’allaitpasredevenircommeavantsimplementparcequeMichaelMyersétaitenréalitéunbeaugossedésolé.Maisc’étaitunpasdeplusverslaguérisonetl’autonomie.JepouvaisenfindireadieuauBourreauettournerlapageàtoutjamais.—Attendez!Jemeretournai.—Jeneconnaispasvotreprénom.Etalors?—Loren,luirépondis-jepourtantavantdepasserleseuildelasallecommune.
**MATHIAS
Loren.Legardienvientmechercherpourmeraccompagnerdansmacellule.Celuiquiestsympa,pas
l’espèced’abruti.—Alors,j’aientenduquetonavocatsedémenaitpourtefairesortirplustôt?Tuasdelachance,
tesdeuxcollèguessontencorecoincésicipourunmoment.—Cesontlescollèguesdemonfrère,paslesmiens.Jezieuteletéléphoneportablequidépassedesapoche.—Est-cequejepeuxvousl’emprunteruneminutes’ilvousplaît?Legardienhésite,puismetendsontéléphone.Untoutnouveaumodèlequejeneconnaispas.Je
bidouille les touches tactiles et m’emmêle les pinceaux jusqu’à tomber dans une configurationaberrante.
—Quecherches-tuexactement?—Rien,justeuneadresse.—Donne-le-moi,jevaist’aider.C’estàquelnom?Jeluijetteuncoupd’œilréticentavantderépondre.—LorenClarke.—Héhé,c’estuneputequetuvoisenprison?—Iln’yapasdeputesenprison.—Biensûrquesi.Ilfautseulementavoirlebudget.Etlamotivation.Quelques secondesplus tard, ilme tend son téléphone affichant l’adressedeLoren.Ellehabite
danslecentredeNice.Àquelquescentainesdemètresdechezmoi.Jen’aijamaiseuautantenviedesortird’iciquemaintenant.
Samedi21Février
LOREN—Tuescertainequ’iln’yapasdeplaceplusprès?—Jesuisdésolée,Loren,onadéjàfaittroisfoisletour.Situpréfères,jepeuxtedéposerdevant
lepubetteretrouveràl’intérieur.—Non,pasdeproblème.Çameferadubiendemarcherdehorsdanslanuitencroisantpleinde
typeslouches.Est-cequecemecestvraimentdéguiséenconcombre?—Cedoitêtreunenterrementdeviedegarçon,détends-toi.C’estcenséêtreunesoiréetranquille,
un petit concert auClover Pub. Je suis là, et Clément nous attend devant l’entrée, il ne peut rient’arriver.Clément,letoutnouveausexfrienddeMillie,étaittrèssympathique,maiscen’étaitcertainement
pas lui qui allait nous défendre si besoin était. Je réussis néanmoins à sortir de la voiture, puis àfranchirlescinquantemètresquinousséparaientduPub.À l’intérieur, la salle était bondée. Avant l’agression, c’était un endroit agréable que nous
fréquentions régulièrement, et qui me permettait de décompresser et de m’amuser. Aujourd’hui,c’étaitdevenuuntestévaluantmacapacitéàmesociabiliseretàsupporterlebruit.Etilsemblaitquejenem’ensortaispastropmaljusqu’àprésent.MillieenvoyaClémentcherchernosboissonsetnousdénichaune tablenon loinde lascène,où
plusieursgroupessesuccédaientdansdesstylesvariés.J’essayaidemedétendremalgrélafouleetmeconcentraisurlesanecdotessulfureusesdelanouvellerelationdeMillie.—Alors,commentréagirais-tuàmaplace?CommejenesavaispassisaquestionconcernaitlesfantasmesbizarroïdesdeClément,oulefait
que son « engin » ressemble à s’y méprendre à celui de son ex-petit ami, je me contentai d’uneréponsevague.—Tusais,celafaitplusdehuitmoisquejen’aipaseuderelations, jenesuissansdoutepasla
mieuxplacéepourterépondre.—Oh,Loren,excuse-moidet’ennuyeravectoutça.Onvaplutôts’occuperdetoncasettetrouver
quelqu’undebien.Cepubregorgedetypescélibataires,tun’asquel’embarrasduchoix.Millieavaitraison,ilétaittempsquejereprennemavieamoureuseenmain.Àvingt-cinqans,je
n’avaiseuquedeuxrelationsdurables.Sil’onconsidèrebiensûrqu’unepériodedequatremoispeutêtrequalifiéededurable.
Clémentrevintavecnosconsommationsets’assitsiprèsdeMilliequ’ilsemblaitdéjàprévoirdeluigrimperdessusavantlafindelasoirée.Unquartd’heureplustard,jedécidaideleurlaisserunpeud’intimitéetmedirigeaiverslecomptoirpourcommanderunedeuxièmetournée.Cesoir, l’éclairageavaitétémodifiéetamélioréenfaveurde lascène.Denombreuses lumières
coloréesdansaientetclignotaientdanslasalle,perturbantmessensetmesrepères.Àchacundemespas, la foulese fitplusoppressanteet lebruitassourdissant. Jeprissoind’inspirercalmement,mecréantunesortedebulledeprotectionquimepermitdemefaufilerentrelescorpsdéchaînésjusqu’àatteindrelebar.—Lamêmechose,demandai-jeaubarmanendéposantlesverresvidessurlecomptoir.Ilacquiesçadumentonetterminadeservirlegarsassissurunhauttabouretàmadroite.Celui-ci
tournalatêtepourmereluquerouvertementetm’adressaunsourirecharmeur.
—Bonsoirpoupée,tuesvenueseule?Oui,grosmalin,etjeboistroisverresàlafois.—Jesuisavecuneamieetsoncopain.Maréponsesemblaluiplaire.D’unmouvementfluide,ilabandonnasontabouretpours’approcher
tropprèsdemoi,m’infligeantunesensationd’étouffement,tandisquejem’évertuaiàrationaliserlesévénements : un type quelconque essayait de me draguer. Rien de plus. Une situation des plusclassiqueslorsqu’onmettaitlespiedsdanscetyped’établissement.Respireetsouris,Loren!—Jesupposequetunevienspassouvent ici,suggéra-t-il,sinonje t’auraisremarquéavant,une
filleaussijoliequetoinepassepasinaperçue.OK.C’étaitpartipourunforfait«dragueàdeuxballes».Jem’ordonnaimentalementde tenir le
coupaumoinscinqminutes.Bienquetroisfussentdéjàunexploit.—Ilestvraique...jenesorsplusbeaucoupcesdernierstemps.—Sais-tu à quel point tu esmagnifique? demanda-t-il en avançant ses doigts versma bouche.
J’aimeraisbeaucoupmerapprocherdeceslèvres.Je reculaiprécipitammentafinqu’il laissemes lèvres tranquillesetme tournaivers lecomptoir
pourvoirsimesboissonsétaientprêtes.Lebarmanlesposadevantmoiaumomentoùletypesortitunbilletdesapochepourlesrégler.—Non!m’exclamai-jeenledevançantpourpayermoi-mêmeleserveur.Je n’étais pas le style de fille à laisser un hommequi neme plaisait pasm’offrir un verre. Je
voulaissimplementrejoindremesamisetm’éloignerd’icipourquecepiètredragueurmefichelapaix.
Sanscomprendrelemessage,celui-cirevintàlachargeavecunclind’œilsignificatifalorsquejetentaisdemedégager. J’attrapai les troisverres entremesmains enpriantpourn’en faire tomberaucunetm’écartaiducomptoiràreculons,jusqu’àcequemondosheurtequelquechosededur.
Jefisvolte-face...et lâchai l’undesverres,quelerocdevantmoirattrapad’unemainsûresansfairetomberuneseulegouttedeliquide.Alorsquejefaisaistousleseffortsdumondepourmesouvenircommentrespirer,moncœurse
mitàtambourinerviolemmentdansmapoitrine.Àmoinsquecetindividuaitunfrèrejumeau,l’hommequimefaisaitfaceétaitmonBourreau.Et
visiblement,j’avaislargementsous-estimésamusculature,dontlesabdominauxsaillaientsoussont-shirtmoulant,nettementplusvalorisantquelablousequ’ilportaitaucentrepénitentiaire.Uneséried’anneauxenorstriaitsonoreilledroiteetunlargebraceletdecuirnoirluirecouvraitl’ensembledupoignet.
Leregardbleusombrequ’ilarboraitétaitparfaitementterrifiant.Sesiris,devenuspresquenoirs,foudroyaientsaproiesansaucunepitié,nedemandantqu’àlaréduireenmiettes.Saufqu’ilnes’agissaitpasdemoi,maisdupiètredragueurquienvoulaitàmes lèvres l’instant
d’avant. Jetantuncoupd’œilpar-dessusmonépaule, jevis celui-ci détalervers le fondde la sallesansdemandersonreste.Etundemoins!Restaitleplusimposant.Jedéglutisdifficilementavantdeprononcerlesmotsquim’étouffaient.—Que...qu’est-ceque...tufaislà?LeBourreaubaissaenfinsonregardsurmoietsestraitsseradoucirent.—Onsetutoie,maintenant?—Tum’asfaitun troudans l’épaule.Nemedemandepaspourquoi,mais j’ai laconvictionque
celamedonneledroitdetetutoyersiçamechante.Etilmesembleaussiavoirdroitàuneréponse.
Quefais-tuici,tunedevraispast’ennuyeràmourirderrièredesbarreauxencemomentmême?—J’aiobtenuuneréductiondepeinesupplémentairepourbonneconduite...entreautres.Jesuis
désolé,jecomprendsquecelapuissetecontrarier.Direquecettenouvelleétait«contrariante»étaitundouxeuphémisme,eneffet,maisnepouvant
riencontreunedécisionjudiciaire, lemieuxpourmoiàprésentétaitdemeteniréloignéede toutecettehistoire.Etdecetype!—Nesoispasdésolé,dis-jesuruntonquej’espéraisdétaché,jet’aipardonné.Tantmieuxpour
toisituasétélibéréplustôtqueprévu.Etquefais-tuici,danscepub?—Riendespécial.Unesimplesoirée...entreamis.Son timbre de voix était doux et grave. Je n’avais pas besoin de tendre l’oreille par-dessus la
musiquepourl’entendre.—Oh,jevois,tun’avaispasdecambriolageprévucesoir?Ilrivasurmoisonregardmagnétiqueetréponditavecsérieux.—Non.J’aid’autresprojetsdésormais.—Super...OK...super...Ilétaittempspourmoiderécupérermonverrequ’iltenaitencoreentresesmainsetderejoindre
ma tableoùMilliedevaits’impatienter. Il semblacomprendremes intentionset fitunpasversmoipourglisserleverreentremesdoigtslibres.
—Bonnesoirée,Loren,dit-ildoucementavantdes’enaller.Je le regardais’éloigneravecunesensationétrange,puis regagnai la tableoùMillie etClément
avaientnettementprogressésij’encroyaislacuissequ’elleavaitpasséepar-dessussonentrejambe.—Ilestici,lâchai-jeenm’affalantlourdementsurmachaise.Millies’arrachadelabouchedeClémentcommeonenlèveunsparadrap.—Qui?—Mathias Stevenson, alias leBourreau.Le prisonnier qui n’est plus en prison. Ils l’ont laissé
sortirpourbonneconduite.—C’estrévoltant!s’exclamaClément.—Peut-être,maisçanem’empêcheraplusdevivre.Lapageesttournée,nevousfaitesaucunsouci
pourmoi.Deuxheuresplustard,j’étaisépuiséeetj’avaisunefoisdeplusremplimoncontrat.Deuxheuresetdemie dans un pub bruyant et grouillant de monde. J’avais hâte de raconter ce nouvel exploit auDocteurEfferl.—Ilesttempspourmoiderentrer,dis-jeàMillie.—Biensûr,onteraccompagnejusqu’àlavoiture.Nousavionspourhabitudedeneprendrequ’unevoiturecarMillietrouvaittoujoursuntypeàson
goûtpourfinirsasoiréeetsanuit.—Nevousdérangezpas,elleestgaréeàcinquantemètres, et toute la rueest éclairée, jevaisy
arriver.—Tuessûre?demandaMillieavecinquiétude.—Oui,pasdeproblème.Jetetéléphonedèsjesuischezmoi.Ellem’adressaun sourire encourageant, et j’entrepris de zigzaguerunenouvelle fois entre les
danseursabsorbésparlerythmeeffrénédelamusiquepoprock.Comme dans une boîte de nuit, le volume avait augmenté progressivement sans que personne
d’autrequemois’enrendevraimentcompte.Toutenlongeantl’avantdelascène,jeremarquaiquelesinstrumentsgrésillaientétrangement.Puissansprévenir,lesonsecoupaunedemi-secondepour
hurlerdenouveaul’instantd’après.J’essayaidenepasentenircompteetcontinuaimaprogression.Lorsquejedépassaienfinl’extrémitédelascène,toutbascula.
Lalumièreéblouissantedesampoulessemitd’abordàvaciller,puisl’ensembledel’installationélectrique disjoncta et je me retrouvai plongée dans le noir. L’angoisse terrassa chacun de mesmembrestandisquejeluttaispourfaireentrerl’airdansmespoumons.Lesondesinstrumentslaissaplaceàdesvaguesdecrisetderiresquimefrôlèrent,mepercutèrent,tournoyantjusqu’às’infiltrerauplusprofonddemonêtre.Ilfallaitquejesorted’icicoûtequecoûte.Jerassemblailepeudecouragequimerestaitetfisun
pasenavant,puisunsecond,essayanttantbienquemaldemefrayeruncheminentrelescorpsquimebousculaient.Aumilieudecettecohue, la terreur imposaàmonespritunnouvelenvironnement.Celuique je
redoutaisplusque tout.Lescrisse transformèrentprogressivementendétonations,et lepubbondédevintuneruellesombre,parseméed’ombresarméesetcagouléesattendantpatiemmentmonderniersouffle.Lorsqu’unedouleurlancinantefoudroyamonépaule,jeperdislittéralementpiedetchutaiàgenouxsurlesolcarrelé,m’efforçantd’aspirerunedernièregouléed’air.
C’estalorsquedesbrasencerclèrentmescôtesetmerelevèrentcommesijenepesaisrien.Mondostrouvaappuicontreuneparoisolidequejenepusdéfinir.
—Jevaistesortirdelà,assuraunevoixgraveàmonoreille.L’homme qui me tenait contre lui m’entoura fermement la taille de son bras, créant ainsi un
rempart,etdégageadesamainlibretoutcequigênaitnotrepassage.Sibienqu’enquelquessecondesàpeine,jemeretrouvaidehors,sousl’enseigneduCloverPub.
Inspirant l’air frais de la rue à pleins poumons, je baissai les yeux sur les larges mains quienserraientma taille,et les reconnus immédiatement. Jevoulusmeretourner,maisn’yparvinspastant les tremblementsm’agitaient.LeBourreaudesserra légèrementsaprisesurmoi,suffisammentpourmemontrerquej’étaisincapabledetenirdeboutseule.
Manquant de trébucher, jeme raccrochai à son bras comme à une bouée de sauvetage pendantqu’ilm’aidaitàprogressersurletrottoir.
—Laisse-moi,jep...peuxmarchertouteseule,bafouillai-jesuruntonquimanquaitcruellementdeconviction.—Veux-tuquej’aillecherchertesamispendantquetuattendsici?—Non!Nemelaissepas!—Alorsjeteraccompagnejusqu’àtavoiture.
**MATHIAS
Sesdoigtsvontfinirparcreuserdestranchéesdansmapeauàforcedebroyermesavant-bras.Jemesurprendsàespérerquesesonglesylaissentdestraces.Sesjambestremblenttantqu’ilseraitplussimpledelaporter,maisellen’apprécieraitpasetmedétesteraitpour ça.Etjen’aipasenviequ’ellemedéteste.
Plusjamais.Pourconserverunedistanceentresoncorpsetlemien,elletenteplusieursfoisdedécollersondos
demontorse,avantderetombermollementcontremoi.Sonvisageabeaus’efforcerdes’éloigner,sescheveuxflottentsousmonmenton,condamnantmespoumonsàemmagasinersonodeur àchaqueinspiration.J’avaispourtantcruqueseulsonregardpouvaitmefaireperdremesmoyens.AuCloverPub,j’aivusonvisagesepétrifierquandelleacomprisquelesplombsallaientsauter.
Sonsourires’esteffacéetalaisséplaceàunefrayeurindomptabledontjesuislacause.Àprésent,elleestsidéboussoléequ’elleneremarquepasquejefiledroitverssavoiture,alorsquej’aioubliédeluidemanderoùellesetrouvait.Progressivement,sestremblementss’apaisent.Ellelâchemonbras,sortuneclédesapocheetdéverrouillelaportière.Elles’empressedegagner
lesiègeconducteuretclaque laportièrederrièreelle, laissantmesbrasdouloureusementvides.Leplafonniers’allumeetjelaregarde,immobile,medemandantpourquoijesuisincapabledelalaissertranquille.Ellesemblesereprendreetmaîtriserdenouveausarespiration,sesjouesretrouventleurscouleurs.
Depuis qu’elle est entrée dans la salle commune, son visagem’apparaît sans cesse. Jeme sensprobablement redevable envers elle. Une fois que tout ira mieux dans sa vie, je pourrai m’endétourneretreprendrelamienne.
Rapidement, elle tourne la tête et m’adresse un regard exaspéré, levant ses jolis yeux au ciel.Émeraude.Jecroisquec’estlacouleurquilesdéfinitlemieux.Lavitredescend.—Qu’est-cequetufichesencoreici?demande-t-elle.—J’attendsquetudémarres.—Turisquesd’attendreunmoment,jenesuispastoutàfaitenétatdeconduire,là,toutdesuite.—J’ai toutmon temps, dis-je en lui tournant le dospourm’adosser nonchalamment contre sa
portière.Cen’estpastoutàfaitvrai.J’aipromisàmonfrèredeluitéléphonerdèsquejesortaisdecePub.
Ilattendprobablementdéjàmoncoupdefil.Jetrouveétrangequ’elleneremontepassavitremalgrél’hiverglacial.N’yrésistantpas,jeme
retourneverselle,conservantunminimumdedistancepouréviterqu’ellesesenteoppressée.—Veux-tuquejeteramènecheztoi?Commejem’yattendais,ellemefusilleduregard.—Lederniertrucdontj’aibesoin,c’estqu’unBadBoyarrogantmeraccompagnechezmoi!—Tumetrouvesarrogant?—Oui.—Pourquoi?—Parceque...parceque...ehbien,regarde-toidansunmiroir!Tuesleclichéduparfaitfrimeur
quin’ariendanslatête.J’encaisselecoup,forcéd’avouerqu’ellen’apascomplètementtort.Celanem’empêchepasde
m’accouder tranquillement à sa fenêtre, laissant paraître une assurance sans faille, bien loin d’êtreréelle.
—Loren,jesuissansdouteunsaletypesansmatièregrise,maisnoussavonstouslesdeuxquetuneconduiraspascesoir,alorsdemande-moid’allercherchertesamis,oulaisse-moitereconduirecheztoi.
Ellemefixeavecaplombavantd’adopteruneexpressionindéchiffrable.Jenesaispassiellevam’insulter ou me gifler. Dans le doute, je me prépare aux deux. Quelques secondes plus tard, jel’entendsmarmonner.—Ilsdoiventdéjàs’envoyerenl’air,detoutefaçon.Ellesedécalesur lesiègepassageretbouclesaceinture,puisserenfrogneenscrutant lepare-
brisesansunmot.—Est-cequecelaveutdirequetum’autorisesàmonterdanscettevoiturepourteraccompagner ?—Tuneveuxpasunedemandeparlettrerecommandée,toutdemême?J’avouequejeneseraispascontre.D’ailleurs,jeseraisprêtàétudiern’importequelledemande
desapart.Jem’assiedsderrièrelevolantetreculelargementlesiège.Cettefois,j’éviteleserreursquipourraientmetrahir.—Oùest-cequetuhabites?—51,ruedesaulnes.Etneteréjouispastropvite,c’estunvieilappartementdanslequeliln’ya
rienàvoler.Je fais abstraction de ce sarcasme qui me blesse plus qu’il ne le devrait, et enfonce la clé de
contact. Jem’engage lentement sur l’avenue. Très lentement. J’aimerais que ce trajet dure toute lanuit,maisilafalluqu’ellechoisisseunpubàdixminutesdechezelle.—Tusais,ilyaunetroisième,etmêmeunequatrième,surmaboîtedevitesse.Elleaprononcécettedernièrepiqueaussifaiblementqu’unmurmure.Satêteestinclinéecontrela
vitre,jecroisquesespaupièressontcloses.Ellesembleépuisée.Pourladeuxièmefoisdelajournée,j’arriveaubasdesonimmeuble,saufquejen’aiplusbesoin
dedissimulermavoiturepourlafilerdiscrètement.Jefaisletourduvéhiculejusqu’àsaportièrequej’ouvresansbruit.Blottiedanslecreuxdusiège,elles’estendormie.Jesuistentéderesterlàtoutelanuitpourlaregarder,maismonfrèrevas’impatienter.
Jem’accroupisetnepeuxm’empêcherderepousserenarrièrelamèchequiluibarrelefront.Sapeauestmerveilleusementdouce.J’aimeraisl’effleurerencore.
—Loren,noussommesarrivés.Elleremuedoucementpuism’observe,ensommeilléeetdésorientée.—Jen’arrivepasàcroirequejet’aifaitvenirjusquechezmoi,bougonne-t-elleenresserrantses
brasautourd’ellepourconserverlachaleurdel’habitacle.Ellesemblefaireuneffortsurhumainpourseredresser.Cettefois,jeneluidemandepassonavis
etlaprendsdansmesbraspourlaporterjusqu’auperron.Jesuissurprisqu’ellemelaissefaire,etplussurprisencorelorsqu’elleenroulesesbrasautourdemoncouenposantsajouesurmonépaule.—Tuhabitesquelétage?—Second.Repose-moi,jevaismarcher.—Çava,jetetiens.Onyva.Surlepalierdesonappartement,elles’extraitdemesbraspourouvrir laporteets’engouffreà
l’intérieur.—Jesupposequejesuiscenséeteremercier ?dit-elleenseretournant.—Non,tun’aspasàlefaire,jenet’aipastoutdit.J’aiétélibérépourbonneconduite,maisaussi
à une condition. Le juge m’a demandé de t’apporter mon aide durant les trois prochains mois,uniquement si tu le voulais, et selonmes capacités, afin de compenser les torts quemes actes ontcausés.Alorsjevaistelaissermonnuméro,luidis-jeensortantunpapierdemapoche.—Commentvas-turentrercheztoi?demande-t-elleenacceptantlepapier.—Monfrèrepasselasoiréeàquelquesruesd’ici,ilmeramènera.Elleacquiescedumentonetmegratified’unsourire,unvrai.Moncœurs’emballe.Encore.Jerêve
de voir l’intérieur de son appartement, je rêve qu’elle m’invite un jour à y entrer, et je rêve del’embrasserdepuislasecondeoùjel’aiaperçue.
—N’hésitepasàmetéléphoner,Loren.Pourquoiquecesoit.Avantqu’ellefermelaporte, jefaisunpasenavantetdéposeunbaisersursajoue.Ellerecule
vivementetfaitmined’êtrechoquéeparmonattitude.— Je ne sais pas si l’on se reverra un jour, rétorque-t-elle, mais sache que je n’ai aucune
confianceentoi.Jemeconcentrepouradoptermontonleplusarrogantpossible.
— J’en suis parfaitement conscient, ma belle. Et de ton côté, sache que le jour où tu aurasconfianceenmoi,cen’estpassurlajouequejet’embrasserai.Jetournelestalonsetredescendsl’escalier.Lasonneriedemontéléphoneretentitdèsquej’arrive
aubasdesmarches.Monfrère.—Ouais?—Ramène-toi,ilfautqu’ondiscute.J’aiunnouveauboulotpourtoi.Unebaraqueencentre-ville.
Dimanche22Février
LORENLeBourreaufrappadescoupssourdsàmaporte.Jemerecroquevillaidansmonlit,frémissantdepeursousmacouetteépaisse,lorsqu’unénorme
fracasemplit lehalld’entrée.Rapidement, levacarmelaissaplaceàunbattementdepaslourdsquifoulèrentlecouloirjusqu’àmachambre.Enunéclair,macouettevolatandisquedelargesmainsm’arrachaientàmonmatelas.LeBourreau
cagoulésaisitmagorge,puismetraînajusqu’àmapenderiepourm’yficeleravecladextéritéd’untortionnaireprofessionnel.Sousmesyeuxhorrifiés, ilouvritunemalletteenacierdans laquelle ilchoisitunearmeàgroscalibre.Puisvintsonmomentpréféré:celuioùiltournaitautourdemoitelunrapace,prenantletempsdedéterminerquellepartiedemonanatomieilcommenceraitàperforer.Esquissant un sourire des plus sadiques, il tira dans la chair de mon bras. Sous la douleur, jem’éveillaienhurlant,àboutdesouffleetsecouéedespasmes.C’estalorsqu’onfrappadescoupssourdsàmaporte.J’étaistentéed’agrippermacouettepourm’ydissimulerunenouvellefois,maisleDocteurEfferl
m’avaitapprisànepaslaissermescauchemarsempiétersurlaréalité.Jemetraînaisdoncjusqu’aumiroir de la salle de bain afin d’évaluer les dégâts.Mes yeux étaient rouges et gonflés. Je passairapidement mes doigts dans ma tignasse brune pour replacer quelques mèches lorsque les coupsredoublèrent.Merde!C’étaitcertainementMillie.J’avaiscomplètementoubliédeluitéléphonerhiersoir.Aussitôt, certains événements pour lemoins troublantsme revinrent enmémoire.Lesmains du
Bourreau enveloppantma taille, et ses bras fermes et puissantsmeguidant à l’extérieur duCloverPub. Dansma voiture, à ses côtés, jem’étais sentie sereine, plus en sécurité que je ne l’avais étédepuislongtemps,sibienquejem’étaisendormieaussiprofondémentqu’unbébé.J’inversailesdeuxtoursdecléetouvrislaporteàlavolée.Milliedéboulacommeunefuriedans
mon salon et se dirigea droit vers ma table basse pour saisir mon téléphone dont elle m’écrasal’écransurlenez.—Sais-tucequec’est,ça?—Untéléphone?demandai-jeengrimaçant.—Ça,déclara-t-elleenpointantdudoigtlapetiteenveloppesurmonécran,c’estunsymboleavec
le chiffre six, qui indique que je t’ai envoyé pasmoins de six SMS hier soir et, si tu regardes lenombredetesappelsmanqués,tuendécouvrirassansdouteletriple!—Jesuisdésolée,Millie,j’étaissiépuiséehiersoirquej’aicomplètementoubliédetetéléphoner.—Jemesuis inquiétéequand lesplombsdupubontsauté!Jenesavaispassi tuétaisencoreà
l’intérieurousituavaispusortiràtemps.—Enfait,jen’étaispastoutàfaitsortie,mais...leBourreaum’aaidée.—Letypedetescauchemars?—Non,levrai.Etensuite...ilm’aramenéeici.LorsqueMilliefrôlaitlastupéfaction,sescordesvocalescessaienttoutsimplementdefonctionner
etsonvisagesepétrifiaitcommeceluid’unestatue.Uncomportementquej’avaisapprisàutiliseràmonavantage.—Ne t’inquiète pas, repris-je sans lui laisser le temps de se ressaisir, cela fait partie de sa
conditiondesortie.Lejugel’aobligéàmevenirenaidesijelevoulais,pendantunepériodedetroismois.Etpuis,cen’estpascommes’ilétaitentréchezmoi,ilasimplementgarémavoitureenbasetm’aaidéeàmonterlesmarches.Millie?Peux-turéactivertessignauxvitaux?Tumefaispeur,là.—Commentça,t’aider ?finit-ellepardemander.—Jenesaispas,ilm’alaissésonnuméroencasdebesoin.Jesupposequejepeuxluitéléphoner
s’ilmefautunchauffeur,parexemple.—Jecroyaisquetuvoulaistournerlapageetquetuenavaisterminéavectoutça.—Biensûr.Maissionréfléchit,jepourraistrèsbienprofiterdelasituationpourmevengerun
tout petit peu. Jepourrais l’obliger à fairemes courses, leménage, et faire en sortequ’il enbavependantlestroisprochainsmois.
Milliene semblaitpas totalementconvaincueparmesarguments.Sansdouteparcequ’elleétaitsaine d’esprit, alors quemoi, je ne cessais d’imaginerMathias en train d’époussetermesmeublesavecunplumeauàlamain.
—Oui,serésigna-t-elle,pourquoipasfinalement.Tupourraisluifairechangertesessuie-glacesetpermutertespneus,etluidemanderdet’apporterdescroissants.Pendantqu’elledressaitl’emploidutempsduparfaitesclave,jetrifouillaismapochecontenantle
numérodeMathias.Endessousdeschiffres,lacourtephrase«Téléphone-moi»sonnaitcommeunordre.
J’allais revoir mon Bourreau. Et j’étais forcée d’admettre qu’une partie de moi en mouraitd’envie.LorsqueMillies’enallaretrouverClémentpourcequ’elleappelaitlatroisièmemanche,jesaisisle
combinédutéléphoneetcomposailenuméro.—Ouais?—Euh...salut,c’estLoren.—Loren?Jolievoix.JevoisqueMathiasprenddéjàdubontemps.C’estavectoiqu’ilapasséla
soiréehier?J’espèreaumoinsquetuesunboncouppourqu’ilpréfèretacompagnieplutôtquelanôtre.Étrangement, cette voixmasculineme procura un profondmalaise, une angoisse indescriptible.
Contrairement à celle deMathias, elle n’avait rien de rassurant. J’étais sur le point de raccrocherlorsquejeperçusl’intonationdemonBourreau.—Passe-moiça!Loren?Loren,toutvabien?—Oui.Çava,répondis-jeendécelantdespasàl’autreboutdufil,m’indiquantqu’ils’isolaitdans
uneautrepièce.—Jesuisdésolé,c’estmonfrèrequiadécroché.Est-cequetuasbesoindemoi?—Enfait,oui.Étantdonnéquejen’appréciepasd’êtrerecouvertedecambouis,jeveuxbienque
tuviennespermuterlespneusdemavoiture,situasletemps.Etpeut-êtreaussiquelquestravauxdepeinture.
—Biensûr,pasdeproblème.Jepourraispasserdemainenfind’après-midi,sicelateconvient?J’étais surprisequ’il accepteaussi facilementdevenir faire laboniche,mais jene laissais rien
paraître.—Parfait,tuconnaisl’adresse.—Etjenecomptepasl’oublier.Àdemain,Loren.
Lundi23Février
LORENJe passai la majeure partie du lundi à tourner en rond dans mon appartement, déplaçant
continuellementlesmêmesobjetsafindeleurtrouverlameilleureplace,jusqu’àm’apercevoirquemon comportement relevait quasiment du trouble obsessionnel compulsif. Je posai alors la petitebougieenformedecônequej’avaisdanslamainetdécidaideneplusytouchertantqu’elleneseraitpas recouverted’uneépaissecouchedepoussière.Horsdequestiondedévelopperencored’autrestroublesbizarroïdes.L’agoraphobieetlaphonophobiemesuffisaientamplement.Ilétaitdix-huitheurestrentelorsquelasonnerieretentit.Jemeprécipitaiàl’interphone.—Oui?—C’estmoi.— Il va falloir être plus précis, tu es loin de faire partie des personnes dont je suis censée
reconnaitrelavoix.Etpourtant,lesondestroismotsprononcésmeprocuraimmédiatementuneboufféederéconfort.—C’estMathias.Tupeuxm’ouvrir?—Tun’aspasbesoindemonterpourchangermespneus,mavoitureesttoujoursgaréedevant
l’immeuble,etlecoffreestouvert.Jeterejoinsenbas.—C’estdéjà fait.Et si tuas toujoursdesmursàpeindre, je tesuggèredeme laissermonter, je
seraicertainementplusefficacecheztoiqu’enbasdetonimmeuble.Ditcommeça...Jepressaileboutond’ouvertureetl’entendisgravirlesmarchesquatreàquatre.J’ouvrislaporte,
laissant apparaître la silhouette duBourreau sur le seuil demon appartement. Son regard cherchaimmédiatementmesyeuxetsaboucheesquissaunlargesourire.
—J’aiquelquechosepourtoi,dit-ilenfouillantdanslepanintérieurdesaveste.—Cen’estpasunrencard.Etjen’aimepaslesfleurs.—Cenesontpasdesfleurs.—Jen’aimepasnonplusleschocolats.—Cenesontpasnonplusdeschocolats,m’assura-t-ilenmetendantunecartedevisite.Jesaisis lepetit rectanglecartonnéety lusunnomcomposéquim’évoquavaguementquelque
chose.— C’est un collectionneur d’art, expliqua-t-il. Il organise régulièrement des expositions de
peinturesetoffreleurchanceàdejeunestalents.J’aipenséquetupourraisluiproposertesœuvres.Quandavais-jeévoquémespeintures?Probablement lorsdenotrepremière rencontre,dans la
salle commune. Il s’en était souvenu, son geste était très attentionné, mais je ne me laissais pasamadouerpourautant.—Çam’étonnebeaucoupque tuconnaissesuncollectionneurd’art,marmonnai-jeenplaçant la
carteenévidenceau-dessusdemoncalepintéléphonique.—J’aibraquésonentrepôt ilyasixans. Ilm’aprissur le faitetm’apromisdenepasporter
plainte si je travaillais pour lui gratuitement pendant unmois. Ce que j’ai fait. Finalement, ilm’arémunérégracieusement,etnoussommesrestésencontact.Depuis, je lui rendsservicede tempsàautre,etvice-versa.
Sontonétaitposé,respectueux.Letimbrechaleureuxdesavoixsupprimalesdernièrestensions
quicontractaientmesmuscles.Prèsdelui,j’avaisl’impressionqueriennepouvaitm’atteindre.—Jevois.Est-cequeturestesencontactavectoutestesvictimes?—Non,répondit-il,simplement.Jefisunpassurlecôtépourlelaisserentrer.
**MATHIAS
Commedansunrêve,elles’écartelégèrementetm’inviteàfranchirleseuil.Lesalonestvasteetépuré, lemobilierancien,parfois repeintetagrémentéavecgoût.Un largecanapéd’angle inviteàs’asseoiretmedonneimmédiatementdesidéesquej’essaiederefouler.
Lorenm’observependantquejejetteunœilautourdemoi.Elleapeut-êtrepeurquejedérobeunquelconqueobjet.Maisriennem’intéresseici,miseàpartelle.Elleporteunpantalonslimquigalbeses longues jambes à la perfection, et un chemisier blanc. Ses cheveux bruns tombent en cascadesautourdesesépaules.J’aiuneirrépressibleenvied’ypassermesdoigts.Sonvisageressembleàceluid’unepoupée,fragileetfortàlafois.J’évitedetropm’attardersursabouche,jen’aipasenviedefaireunesyncope.Mesyeuxcontinuentleurascensionetplongentdanslessiens...quimeramènentillicoàlaréalité.Ellealevéunsourcilsarcastiqueetm’examine,sedemandantsijesuisledernierdesabrutisouseulementlepremierdespervers.
Merde ! Je crois que cela fait plusieurs minutes que je la reluque sans dire un mot. Je doisabsolumenttrouverquelquechoseàdire,n’importequoi.—Jepeuxmelaverlesmains?Ellebaisselesyeuxsurmesmainstachéesdecambouis.—Euh...biensûr.Suis-moi.Oùtuveux.Ellemeprécèdedansuncouloirquidessertquatreportes.—Lasalledebainestici,dit-elleenm’indiquantlapremièrepièce.Alorsquejemelavelesmainsdansunlavaboincrustédepetitespierres,j’aperçoisdanslemiroir
unevastebaignoire,dontjeparieraisqu’elleestcapabled’accueillirdeuxpersonnessansdifficulté.Lorsquejeressorsdelapièce,Lorenm’attendprèsd’uneautreporte.
—C’estlà,déclare-t-elleendésignantunpandemur.Autourdemoi,lapiècecroulesouslestableaux.Certainsauxmurs,d’autressurdeschevalets,et
encored’autres,empiléssurdesmeublesdontonnedistinguepluslaformenilafonctionpremière.Unvéritableatelierd’artiste.Jem’efforcede reportermonattentionsur lasurfaceàpeindre.Ellecomprendunedouzainede
mètrescarrés,àpeineplusgrandequemacellule.Mêmeenprenanttoutmontemps,j’auraiterminédansmoinsd’uneheure.Les autresmurs ont été peints très récemment, à en juger par l’odeur de peinturemurale et le
matérielqui trempedansunpetit seaudewhitespirit.Celasignifiequequelqu’un l’aaidé,oubienqu’elleapulefaireelle-même.Jemelaisseàimaginerqu’ellenem’apasfaitveniriciparnécessité,mais par plaisir. Je retire ma veste et la jette sur le dossier d’une chaise qui n’est pas encoreencombrée,puismemetsautravail.Lorenrestelà,derrièremoi.Ellenecessed’observerlemurpourvérifierquejem’applique.Elle
nesaitpasàquelpointellemetrouble.Ellenesaitpasquejemeconcentredemonmieuxpourpaslâchercefouturouleauetvenirl’embrasserjusqu’àluifaireperdrelatête.Auboutd’unevingtainedeminutes,jerisqueuncoupd’œil.Ce n’est pas le mur qu’elle observe, c’est moi. Son regard est si brûlant que je pourrais me
méprendresursesintentions,àcroirequ’elleéprouvepourmoiautrechosequedumépris.Maiselledétournerapidementsonjoliminoisettoussote.—Hum...tu...tedébrouillesbien.C’estbien.Continue.Jeluirépondsd’unsourireponctuéd’unclind’œil.Trenteminutes plus tard, je suis de nouveau dans son salon,maveste à lamain.Le travail est
terminé.Ellem’aremerciéetm’aoffertàboire.Jen’aiplusrienàfaireicietjeréalisequ’ilvamefalloiruncouragemonstrepourpasserlaporteetm’enaller.Jecherchedésespérémentunprétextepourresterencoreunesecondeoudeux.—Est-cequetuaimeslespizzas?—Euh...oui.—J’aimeraist’inviterdansunepetitepizzeriaitalienneducentre-ville.L’ambianceesttrèssympa
etonymangevraimentbien.—Navrée,maisjesuisdéjàsortieavant-hier,etjenepensepasêtrecapablederemettreçadèsce
soir.Jeremarqueavecsatisfactionqu’ellearefuséparcequ’ellenepouvaitpas,etnonparcequ’ellene
veut pas passer la soirée en ma compagnie, ce que je considère comme un réel progrès. Jem’immisceimmédiatementdanslabrèche.—Ilslivrentaussiàdomicile.Ellesemblehésiter,commesisesdésirsmenaientune lutteacharnéecontresesprincipes.C’est
finalementungargouillementd’estomacquiobtientlederniermot.—D’accord,accepte-t-elle.Maisjusteletempsdemanger,aprèsturentrescheztoi.—Biensûr.
**LOREN
Jefisdescendrelacinquièmepartdepizzaà l’aidedequelquesgorgéesderosé.Cesmerveillesitaliennesétaientsucculentes.Mathiasmeregardaitlesengloutiravecunsourireamusé.—Heureuxdevoirqueçateplaît.—C’esttellementdélicieuxquejen’aimêmepashontedepasserpourunemorfale!Je m’adossai contre les coussins de mon canapé avec une agréable sensation de satiété. Le
Bourreaufitdemême, inclinantsondos toutenmusclepours’enfonceràson tourdans ledossiermoelleux,dansuneposturedivinementséduisantedontseulslesbeauxgossesparaissaientdétenirlesecret.Jetournailatêtepourl’observer,grimaçantsousunelégèretensionducouquimerappelaquejenecessaisdeleboufferdesyeuxdepuisqu’ilétaitentrédansmonappartement.
Etalors!J’avaistoujoursappréciélesbelleschoses.Iln’yavaitriendemalàadmirerquelqu’un,d’autantque l’intérêtque je luiportais était uniquement artistique.D’ailleurs, je constataisqu’ainsiaffalédansmoncanapé,ils’accordaitdivinementavecmadécorationintérieure.J’avaisbeaudivaguer,j’enoubliaispasmonbutpremier:luifaireaccomplirdestâchespénibles
pourlepunir,façonLoren.Cequijusqu’àprésents’avéraitêtreunefrancheréussite.Jeluienavaisfaitbeaucoupbavé,jecrois.Lespizzasn’étaientqu’unesimpledistraction,pourl’aideràseremettreaprèstantd’efforts.Oui.Parcequejen’étaistoutdemêmepasunmonstre.
—J’aimequandtumeregardes,murmura-t-il.Oups.—Jeneteregardaispas!affirmai-je.Oui,bon…mesyeuxtevoyaient,maismoi, jepensaisà
touteautrechose.—Etàquoipensais-tu?
—C’est…personnel,merenfrognai-je.Iln’insistapas.Jem’efforçaidedétournerlatêteetmonregardcroisalatablebassesurlaquelle
trônaient lesrestesdenotredînerainsiquedeuxverresàpiedremplisd’unvindélicat.Unesoiréecomme je les aimais : excellente nourriture et, je devais l’avouer, agréable compagnie. Mathiaspossédaitunphysiquederêve,ilétaithabiledesesmains,etcontrairementàcequej’espérais,ilétaitloind’êtreidiot.Jecomprenaismalcommentilavaitpudéraperaupointdeseretrouverenprison.
—Commentenes-tuvenuàteperfectionnerdanslecambriolage?—C’est…personnel.—D’accord,bienrétorqué.Unpointpourtoi.Bon…ilsefaittard,peut-êtrequetudevraisrentrer,
jesupposequetuasmieuxàfairequedetraînerici.D’ailleurs,pourquoin’es-tupasencemomentmêmeàunvrairencard,deceuxoùpersonneneteposeraitdequestionsauxquellestun’aspasenviederépondre,etoùtupourraisemballerlafilleàcoupsûr ?Çadoitbientedémangerunpeuaprèshuitmoisd’abstinence,non?Jepensaisquelestypescommetoichangeaientdecopinedeuxfoisparjour?
Sesyeuxplongèrentdanslesmiensetsonsourires’étirafaiblement.—Jelepensaisaussi,Loren.Etjeveuxbienrépondreàtesquestions,sic’estimportantpourtoi.
Écoute,jeteproposeunesortedejeu.Unequestionchacun,àlaquellel’autreestobligéderépondreavantdeposeràsontoursaquestion.Etpourquoipas«actionetvérité»oulejeudelabouteille,tantquetuyes!—Trèsbien,çameva.Tucommences.J’enlevaimesbottinesetm’assisentailleurfaceàlui,attendantsapremièrequestion.—As-tutoujoursvécuseuledanscetappartement?Curieusequestionàlaquellejerépondissansmal.—Non.Ilappartenaitàmesparents.Ilyacinqans,ilsontdécidédetoutplaquerpourpartirvivre
enÉquateur.Ilsm’ontléguél’appartementcommes’ils’agissaitd’uncadeaud’adieu.Depuis,ilsnerentrentenFrancequ’unefoisparan,toutauplus.—Est-cequ’ilstemanquent?—Ilmesemblequec’estàmontourdeposerunequestion.Pourquoirisques-tutalibertépour
desdélitsalorsquetuaslargementlescapacitésdefaireautrechosedetavie?Ilarquaunsourcil,visiblementsurprisquej’accordeunquelconquecréditàsescapacitésautres
que celles d’égaler Aladin, le prince des voleurs. Puis il se résigna à me fournir quelquesexplications.— Mon frère et moi avons grandi dans des familles d’accueil, pas très accueillantes pour la
plupart.Lorsqu’ilaeudix-huitans,j’enavaisquinze.Ils’estdémenédesonmieuxpourdevenirmontuteur légal, afin qu’onpuisse enfin vivre en paix.Pour prouver qu’il avait lesmoyensd’assumercettefonction, ila fallu trouverunegrossesommed’argent rapidement.Aprèsdeux ticketsde lotoperdants, le cambriolage s’est avéré être la solution adéquate. Il ne pouvait pas le faire lui-même,parcequ’ilétaitmajeuretqu’ilserait incarcérési lapolice l’arrêtait.Et jenevoulaispasqu’ilsoitcondamné,jenevoulaispasmeretrouverseul,alorsjem’ensuischargé.Apparemment, l’explication s’arrêtait là. J’allais devoir attendre patiemment mon tour pour
obtenirdesdétails.S’installantplusà sonaise,Mathiaspassa tranquillementunbraspar-dessus lescoussins.Cependant,l’infimetensionquicrispaitsamâchoirenem’échappapas.—C’estàmoi,continua-t-il.Danslasallecommune,tum’asditque,parmafaute,tuavaisloupé
unrencart.Quiétaitl’heureuxélu?— Il s’appelait Franck. Il était barman dans le restaurant où je travaillais. De toute façon, ça
n’aurait sans doute pas collé, lui et moi. Àmon tour.Maintenant que tu es adulte et indépendant,pourquoicontinuerlescambriolages?
Ilsoupiraetréponditplussèchement,cettefois-ci.—Monfrères’estbattupourmoi,jeluidoisbeaucoup.S’ilmeledemande,jeluirendsservice.
C’estcommeça.Sonfrèreétaitdoncl’instigateurdetoutcemerdier.Mathiasdevaitgrandementteniràluipourlui
rendrecegenrede«service».— Excuse-moi, s’empressa-t-il de dire, je ne voulais pas paraître désagréable, c’est un sujet
délicat.Ettoi,as-tudesfrèresetsœurs?—C’esttaprochainequestion?—Oui.— Non. Lorsque je suis venue au monde, mes parents ont décidé que les enfants n’étaient
finalementpasleurtruc.Enrevanche,j’aidesamisformidables.Tum’asditquedésormaistuavaisd’autresprojets,quelssont-ils?—C’estvrai.Aucentrepénitentiaire,j’aientreprisuneformationd’ébéniste.Ilmeresteàeffectuer
troismoisdestageavantdevalidermondiplôme.J’aicommencéaujourd’hui.Çameplaît.Quelleesttasaisonpréférée?—L’automne.C’estlaseuleépoquedel’annéeoùl’onpeutretrouvertouteslescouleursdumonde
dans lanature. Jepréfère les couleursqui existentdéjàplutôtquecellesqu’on fabrique.Elles sontsouventplusapaisantes,plusagréablesàl’œil.
Mathias écoutait chacune de mes paroles avec un réel intérêt. Le bleu métallique de ses irissemblaits’éclairciroufoncerselonmesréponses.Laprochainequestionm’appartenait,etjevoulaisl’utiliserpourm’assurerqu’ilrentredéfinitivementdansledroitchemin.—Maintenantquetuasretrouvétaliberté,quelleestlachosequetusouhaiteraisleplusaumonde
?Saréponsefusa.—T’entendreprononcermonprénom, tune l’aspasencore fait.Là, toutde suite,c’estceque
j’aimeraisleplusaumonde.Jebalayailesentimentdejoiequim’envahitetmesouvinsquecethommeétaitleBourreau,avec
unBmajuscule,etquejen’étaisenriendisposéeà luifaireceplaisir.Commejen’ajoutaisrien, ilobservalesrestesdenourritureetusadesaquestionpourchangerdesujet.—Commentunefillesigourmandepeutnepasaimerlechocolat?—J’aimenti.J’adorelechocolat.—Moiaussi,j’aimenti.Jet’enaiapporté,déclara-t-ilenattrapantsavestepourensortiruneboîte
dechezJacketBell, lesmeilleurs chocolatiersdeNice. Je saisis laboîte tout en legratifiant d’undemi-sourireréticent.—Jecroyaisquecen’étaitpasunrencard?Ils’approchasiprèsdemoiquej’eneuslesoufflecoupé.—Tuaspeurqueçaendevienneun?—Cen’estpasune réponse.Et…oui. Jenepeuxpas être avec toi, affirmai-je avecdifficultés
tandisqu’ilapprochaitsamaindemescheveuxpourenroulerunemècheautourdesonindex.—Enes-tucertaine?Peut-êtrequ’aufonddetoi,tulevoudrais?Il avait soufflé ces questions à quelques centimètres seulement demon visage. Le sien était un
modèledeperfection,dontleregardélectriquesoutenaitlemien,mesuppliantdecéder àmesdésirsetnonàmescraintes.Moncœurs’accéléracontremongré.
—Je…jecroisquetuasdépassét…tonquotadequestions,parvins-jeàarticuler.Malgrémeseffortspour réagir,moncorps fut incapablede reculer.Fichueshormonesquime
trahissaient!Jeparvinstoutjusteànepasmejetersurluietmecontentaideresterstatique.Sansplusattendre,ilfranchitlesdernierscentimètresquinousséparaientetposadélicatementses
lèvressurlesmiennes.Ils’immobilisauninstant,melaissantlechoixdemedétournerdeluisijelevoulais.Au lieu deça, je fermai les yeux pour savourer son contact. Sa langue vint caressermeslèvres,d’abordtendrement,puisenléchalangoureusementlescontoursafindes’yinsinuer.Lamainqu’il fit courir le longdemescôtespuis à labasedemoncou finitdem’enflammer, et jenepusm’empêcherdehaletersouscebaiserchargédepromesses.J’yrépondisardemment,laissantdecôtémesappréhensions,etm’abandonnantcontrecettebouchequisemblaitmedésirerplusquetout.
Lorsqu’il s’écarta pour me laisser reprendre mon souffle, je pris soin de me composer uneexpressionoffusquée.
—Hé!Tuauraispumedemanderlapermissionavantdem’embrasser!—Tunesemblaispastrouvercelasipénible,lança-t-ilavecunsourireironique.Effectivement. J’avaismal cachémon jeu sur ce coup-là. Ilme dévisagea intensément, puisme
décochaunsourireradieux.— Très bien, ma belle, dorénavant je te demanderai ta permission avant de t’embrasser. En
revanche,lorsquejeteferail’amour,c’estparcequetumel’aurastoi-mêmedemandé.—Çanerisquepasd’arriver !—Jesuisnavré,moncœur,maisjecomptebienfairetoutmonpossiblepourqueçaarrive.Àcesmots,monbas-ventresecontractaférocement.Feindrel’indifférenceétaitdevenuàcestade
unvéritablecalvaire.—Ahoui?m’enquis-je.Etadmettonsqueçaarrive,cequiesttotalementimprobable,queferas-tu
ensuite,unefoisquej’auraiprononcétonprénomcommetulesouhaitesetquetuauraseucequetuvoulais?
—Quandtum’auraslaissétefairetoutcequej’aientête,jerecommenceraiencoreetencore,etjecomptebiendéployertousmestalentsetmonimaginationpourtecombleretfaireensortequetumedésiresautantquejetedésire.
Mamâchoire traînantpresquesurmonplancher, je laremontaipéniblementpourneprononcerqu’unmot.—Pourquoi?—Parceque tuhantes continuellementmespenséesdepuisque j’ai vu tonvisageet entendu ta
voix,etquejen’arriveplusàmepasserdetoi.Maisjetel’aidéjàdit,mabelle,j’aitoutmontemps.Ilsedécalalégèrement,attrapauncoussin,ettenditunbrasm’invitantàmeblottirsagementcontre
lui.—M’accordes-tuencorecinqpetitesminutesprèsdetoiavantdem’enaller ?demanda-t-il.Sivraimentt’insistes…Jemelovaicontreluitandisqu’ilenroulaitsonbrasautourdemonépaule.Pourladeuxièmefois
en quarante-huit heures, je constatais que sa présence agissait sur moi comme une caresserégénérante.Ladoucechaleurquienvahissaitmesentraillessefaisaitunmalinplaisirdepiétinerlesinterdits imposésparmonesprit rationnel.Desonpouce, il effleura longuementma joue,puis sesdoigtsvinrentseperdredansmescheveux.
**MATHIAS
JeremerciementalementLorend’avoiragrémentésoncanapédetantdecoussins.Lepetit rouge
enformedelosanges’estviteavéréinutilepourrecouvrirlatotalitédemonérection,maisceluidontletourestbordédedentelleestparvenuàmasquer àpeuprèslabossequidéformemonjeanavantqu’ellenelaremarque.Tout est la faute de cette boîte de chocolat et de la langue qu’elle a passée sur ses lèvres en la
découvrant.Avantd’apercevoircette langue, jemecontrôlaisparfaitement.Mêmesi,soyonsclairs,c’estunetorturededemeurerprèsd’ellesanspouvoirlatoucher.Cela fait dix minutes que je caresse ses cheveux, et elle ne semble toujours pas décidée à me
demander de partir. Sa tête repose surmon épaule, elle a passé un bras autour dema taille, et ungenoupar-dessus le coussin à dentelle, sur lequel il appuie innocemment. Son souffle effleuremapeau,engendrantune fouledepicotementsqui se répandent le longdemonépiderme jusqu’àmonentrejambe.Maisjen’yprêtepasattention.Jemeconcentreuniquementsursesmèchesbrunesetsouples,dans
lesquellesj’enroulemesdoigts.Jefermelesyeuxpourapprécierlespointsdecontactoùsachaleurtraversemesvêtementsetinondemapeau.Elleestsiparfaite,sidouce.Maintenant,sarespirationsefaitpluslente,soncorpspluslourd.Ellevientdes’endormir.Dansmesbras.Dansunsoupir,satêteglissejusqu’àmontorseoùelletrouvenaturellementsaplace.Savoirsijedoislaporterjusquedanssonlitouneplusbougerpourlalaisserdormiricidevient
soudainleplusgrosdilemmedemonexistence.Aprèsunetrentainedeminutesàpeserlepouretlecontre, jedécidede laporter jusqu’àsachambre.Laraisonvalableestquemonportable,dansmapochearrière,risquedesonneretpourraitlaréveillerensursaut.Ellen’aimepaslesbruitsimprévus.Maislavéritableraison,aussiégoïstesoit-elle,estquejemeursd’enviedevoiràquoiressemblesachambre.
Lentement,jepasseunemainderrièresesgenoux.Jem’inclineenavanttoutenmaintenantsatêtecontremoipournepasqu’ellebasculeetmefige.Bordel!Jenesaismêmeplusdequelcôtésetrouvesablessureàl’épaule.Avecplusdedouceurque jen’en ai jamais fait preuve, jeme redresse, la tenant dansmesbras
commesielleétaitencristal.Puisjelaporteàtraverslesalonetrejoinslecouloir.Laportedufondest entrouverte. Je la pousse du pied et fais quelques pas à l’intérieur, attendant que mes yeuxs’habituentàlapénombre.
Aprèsquelquessecondes,jedistingueenfinlelit,massifaumilieudelagrandepièce.L’ambiancede sa chambre est résolument cosy.Deux immenses tapis à poils, trois poufs à l’air extrêmementmoelleux, et de multiples coussins. Lemobilier ne comprend qu’une petite commode et un largefauteuilprèsdulit.Jeladéposeentrelesdraps,oùelleprendappuisurlecôtégauche.C’estdoncl’épauledroitequia
ététouchée,quej’aitouchée.Laculpabilitéquimesubmergem’empêchesoudainementderespirer.Comment ai-je pu la faire souffrir et lui fairepeur à cepoint ? Jedonnerais n’importequoi pourqu’ellen’aitpaseuàvivreça.
Maisinutiledetrompermaconscience,cen’estpasparculpabilitéquejerestelààlacontemplercommeunidiot.Jeneconnaisrienauxsentiments,maislasensationquim’envahitquandjesuisprèsd’elleestdifférentedetoutcequej’aiconnuauparavant.
Ledeuxièmedilemmedemavienelerestepaslongtemps.Biensûrquenon,jenepeuxpasm’allongeravecelledanscelit.Tandisquej’enclenchelemode
silencieuxdemontéléphone,jem’installedanslefauteuil.Aupieddeson lit s’étendunemultitudedefeuillesendésordre, jemepenchepourenramasser
une.C’estuneesquissequ’elleadûtraceraveclecrayonàpapierquisetrouvesursatabledenuit.Le
portrait est celui d’un homme dont les traits expriment une fureur quasiment animale. Il n’est passeulementeffrayant,maispossèdeaussiceregardsadiquequirappelleàsaproiequesonheureestvenueetqu’ellen’apasd’autreschoixquedemourir.Lesyeuxsontd’unbleuétrange,envoutant.Ilsemblequ’ellelesaitajoutésultérieurement.Jerécupèreunesecondefeuille:mêmehomme,mêmeexpressionsauvage.Surleparquet,touteslesfeuillesreprésententlemêmepersonnagedontlesyeuxrenforcentoucontrastentavecsonexpressionredoutable.
LeBourreau.C’estletitrequ’elleadonnéàchaqueesquisse.SoudainLorens’agitedanssonsommeil,satêtebalancefaiblementdedroiteàgauche,ellegémit
douloureusement.Un légervoilede sueur a recouvert son front et sa respirationdevient saccadée.Probablementunmauvaisrêve.Trèsmauvaissij’encroislatensionquicontractesespaupières.
Jemeprécipitesurlelit.— Loren, ce n’est qu’un cauchemar, réveille-toi, ma belle, dis-je en caressant ses joues pour
l’aideràémergerdoucement.C’est alors que ses gestes se font plus violents, elle se débat ardemment avant de pousser un
hurlementquimedéchirelapoitrine.Lesyeuxécarquillés,elleestmaintenantréveillée,tremblanteetàboutdesouffle.Sansréfléchir,jel’enlacefermementdansmesbras,etpasseunemainàl’arrièredesatêtepourl’enfouirdansmoncouoùelles’effondreenlarmes.—Chut,c’estfini,cen’estrien.Dequoias-turêvé?—DuBourreau,prononce-t-elledansunsanglot.Ilneluifautquequelquessecondespourreveniràlaréalité.—Quefais-tuencorechezmoi?—Tu...tut’esendormiesurlecanapé,jet’aiportéesurtonlit,et...jemesuisassisunmomentsur
lefauteuil.Soncauchemarest arrivé siviteque jeviens tout justedemettre enévidence l’identitédu type
malsainauxyeuxbleus.—LeBourreau...,c’estmoi?Elleredresselatêteetmedévisaged’unairaccusateur.—Biensûrquec’esttoi.Sesmotsmetranspercentlecœurcommeunelame.—Loren...je...—Jevaismechanger,m’interrompt-elleenouvrantuntiroirdesacommode.C’estlesignalpourmefairedéguerpir.Pourmerappelerquej’aibousillésavieilyahuitmois,et
l’ai réduite à faire des cauchemars si perturbants qu’ils feraient flipper un tueur en série. Je suistoujoursdécidéàm’imposerdanssavie,maispeut-êtrea-t-elleeusadosepouraujourd’hui.Jesorsdesachambreetlongelecouloiroùunelumièrefiltresouslaportedelasalledebain.Aprèsavoirrécupérémavestedanslesalon,jeposemamainsurlapoignée,jemedécideenfinàl’actionner.—Eh,leBourreau,faitunevoixderrièremoi.Tupeuxresterdormiravecmoi?Justedormir ?Je lâche cette fichue poignée qui me brûle les doigts et fais volte-face. Malgré le manque de
lumière,moncœurrateunbattement.Lorenestdanslesalon,vêtued’uneadorablenuisettenoirequicachesuffisammentdepeaupourfairebouillonnermacuriosité.Jecroisqu’elleveutmamort.
—Oui,bienentendu.—Jet’aisortiquelquesaffairesdanslasalledebain,dit-elleenregagnantsachambre.Jeretiremavesteetfiledanslasalledebain.Jepasseungantdetoiletteglacésurmonvisageen
espérantmerafraîchirlesidées,puisutiliselabrosseàdentsneuvequ’elleasortie.Danssachambre,Lorens’estrecouchéesouslacouette,sur lecôtégauche.Jeretiremonjeanetmont-shirtetviens
m’étendrederrièreelle,prenantsoindelaisserunemargeimportanteentremonbassinetlesien.Ellejetteunœilderrièresonépauleetjel’entendsinspirerbruyamment.—Net’inquiètepas,luidis-je,tupeuxterendormirtranquillement,jenetetoucheraipas.Jecroisl’entendremurmurer.—C’estbiencequim’inquiète.Maisjedoissûrementprendremesrêvespourdesréalités.
Mardi24Février
LORENSimondosn’avaitpasencoreétébrûlant,j’auraispucroirequ’ils’agissaitd’unrêve.Maisnon.
J’avaisbiendemandéauBourreaudeseglissersouslacouetteavecmoi,etcomptetenudelachaleurquiimprégnaitlesdraps,ildevaitencores’ytrouverilyapeudetemps.
DèslorsqueMathiass’étaitallongéauprèsdemoi,lebourreaudemescauchemarsm’avaitfichulapaix,etj’avaisdormid’unetraite.
Monpsys’étaitlargementgouré.Pardonneràmonagresseurétaitcomplètementinutile.Cequ’ilfallait,c’étaitsimplementqueje
dormeaveclui.Quantàl’ironiedelasituation,ellenem’avaitpaséchappé:laseulepersonnecapabled’apaiser
mesangoissesétaitcelle-làmêmequiavaitdéclenchécesétatsd’extrêmeanxiété.Jemerendisdanslasalledebainetenfilaiunpeignoir,louchantspontanémentsurlegobeletqui
contenaitdésormaisdeuxbrosses àdents.Mais comment avais-jepu luidemanderdedormir ici ?Danslesalon,lesrestesdurepasdelaveilleavaientétésoigneusementreplacésaufrigo,aumilieuduquelétaitépingléunpost-it.Àcesoir.Jetefaisconfiancepourmetrouverd’autrestravauxherculéens.PS : J’aipasséunemerveilleuse soiréeetuneexcellentenuit, et suis toujoursdécidéà te faire
prononcermonprénom,entreautres.Le sourire qui étira mes lèvres m’agaça considérablement. Quel sale type prétentieux et
provocateur!Maispourquiseprenait-il?Trentesecondesplustard,Millieentradansmonappartement,sautillantsurplace,unsourireniais
jusqu’auxoreilles.—Loren!Jeviensdecroiseruntypetrooooopcanonquisortaitdetonimmeuble!—Ah.Grand,baraqué,despiercingsàl’oreilleetdesyeuxbleusàsedamner?—Oui!C’estça!Jenesaispasd’oùsortcemec,maisc’estunvéritable...—C’estMathias.Ilsortd’ici.LecerveaudeMilliesemblasemettreenveilleletempsd’assimilerl’information.—Ça,s’exclama-t-elleenpointantlaported’entréedesonindex,c’estMathiasleBourreau?Dis-
moiquecetypeaunfrère.—Ilaunfrère.C’estunsalecon.—Merde.Raconte.Après avoir rempli deux tasses de café, je lui racontais tout. Le mur de mon atelier peint en
seulementtrenteminutes,lesbrasmusclésdeMathias,lespizzas,letorsedeMathias,lesquestions-réponses,labouchedeMathias.Sansoublierlanuisettedanslaquellejem’étaisglisséeenbalançantmonensembleshortyetdébardeurBettyBoopsouslelit.—Oh,mondieu,déplorai-je,jesuistotalementfolleàlier !—Mais non,me rassuraMillie enme tapotant l’avant- bras, tu n’es pas folle. Seulement très
atteinte.Elleeutsoudaincommeundéclic.—Jesais!C’estStockholm,énonça-t-elle,fièrement.—Lesyndrome?
—Bien sûr ! Tu as développé une telle empathie pour ton agresseur, au point de te sentir ensécurité avec lui et de lui demander de dormir avec toi. C’est la seule possibilité, sinon commentexpliques-tucesoudainattachementpourcetypesi...si...—Effrayantdebeauté?—Ça,jetel’accorde.Maissionyréfléchitbien,çan’ajamaisététonstyle,lesbeauxgosses,c’est
bien lapreuveque toncomportementnepeuts’expliquerqueparunphénomènepsychologique telquelesyndromedeStockholm.—Alors...jenesuispascomplètementtordue?—Biensûrquetuestordue!Commentas-tupupasserlanuitaveccettearmoireàglacesansen
profiter?—Millie,tunem’aidespas,là.—Excuse-moi.Écoute, ilyadeforteschancespourquetu luiplaisesvraiment,après tout tues
unefilleformidable,etunevraiebombe.MaisilsepeutaussiqueMathiasleBourreausoitunréeltimbréquisouhaitecoucheravecsavictimepourimposerjusqu’auboutsadominanceetsonpouvoirdeséduction,etjeneveuxpasteretrouverdanslemêmeétatcatatoniquequ’ilyahuitmois.
Deux tasses de café plus tard,Millie partit travailler. Je composai le numérodu collectionneurd’art.Unhommed’uncertainâgerépondit.—Allo?—Bonjourmonsieur, jem’appelleLorenClarke,et... j’aicrucomprendrequevousorganisiez
régulièrementdesexpositions.J’aimeraisbeaucoupvousrencontrerafindevousprésenterquelques-unesdemesœuvres...sicelavousintéresse.—LorenClarke...,vousêteslapetiteamiedeMathias?Petiteamie?QuelenfoirédeBourreau!Ilm’avaitembrasséqu’uneseulefoissansmedemander
monavis,etnouspartagionsungobeletàbrossesàdentsdepuisenvirondouzeheures.Cependant,l’hommeavaitmentionnéMathiasavecrespect,etj’avaislesentimentqu’ilseraitàmonavantagedenepascontrarierlesdiresduBourreau.
—Oui,c’estbienmoi.— Alors je serais ravi de vous rencontrer. Amenez-moi vos œuvres et nous en choisirons huit,
ensemble.Laprochaineexpositionalieucesamedi.Enraccrochantlecombiné,jemesentispousserdesailes.L’hommem’avaitdonnérendez-vousen
débutd’après-midi.Ilétaittrèssympathique,etavaithâtederencontrerlapetiteamiedeMathias.J’ouvrislaporteducapharnaümquimeservaitd’atelieretentreprisdemettredel’ordredansles
esquisses,lestoilesetlematérielquijonchaientlapiècedepuisdesmois.Enfin, j’installai une toile neuve sur le chevalet, et saisis un pinceau dans ma main droite. En
relâchant légèrement la pression entre le pouce et l’index, je parvins à le maintenir sans le fairetomber.Jepoussaiensuitemonbrasvers la toile toutendécontractantmonépaulecommelorsdesséances de rééducation. Puis vint le moment fatidique où la douleur m’élança. Comme l’avaitsouligné leDocteurEfferl, le problèmen’était pas tant la douleur en elle-mêmeque les souvenirsqu’ellereprésentait.Orjenevoulaisplusm’encombrerdessouvenirsdecetteatrocesoirée.Lorsquejelaremplaçai
mentalement par celle d’hier,mon bras gravit encore quelques centimètres. J’étais encore loin dem’inscrireàunconcoursdetractions,maisc’étaitsuffisantpourreprendrelapeinture.Envahied’uneinspirationnouvelle,jememisautravail.
**MATHIAS
Troisfois,bordel!Çaauraitlargementsuffientempsnormal.Alorspourquoimaqueuesedresseencore,aussiraidequ’unebattedebaseball?
Alorsquej’envisagesérieusementderetournersousladouchepourlaquatrièmefois,monfrèrefranchitleseuildel’appartement.
—Hé,frangin!Jenet’aipasvudelajournée.—Jet’aiditquejebossaislajournée.Enfin...c’estunstagepourlemoment.—Ouais,OK.Onseréunitdemainàdix-neufheurespourmettreaupointlecasse.J’aitrouvédeux
autresmecs,çadevraitrouler.C’estunsuperplan.—Jenesaispas,Yann,j’aipresqueuntravailmaintenant,sijemefaisencorearrêter...—Tuneteferaspasarrêter.Etsic’estlecas,jetesortiraidelà.Tumefaisconfiance?—Ouais.Biensûr.Yannscrutelesacquejetiensàlamain.—Oùvas-tuencore?Retrouvertapoule?Loren,cellequiaunevoixd’hôtessedel’air?Jeserais
curieuxdevoiràquoielleressemble.C’estqui,cettefille?—C’est...Jem’interromps.LefaitqueYannparled’ellememetmalàl’aise,etjen’aiaucuneenviequ’illa
rencontre.—C’estjusteunefille.—OK.Jecomprendsque tuaiesdesbesoins,mais ilvafalloirqu’onparledechosessérieuses.
Alorsjet’attendsicidemainsoir,dix-neufheures.Turentrescesoir ?J’espèrequenon.—Peut-être,jenesaispasencore.Àplus.—Àplus,frangin.
**LOREN
Même le son dema sonnette transparaissait l’arrogance lorsqueMathias en pressait le bouton.Plusquestiondelaisserunquelconquesyndromedominermespulsionset,jecomptaisbienclarifiercepointavecluiauplustôt.
Jelefisentrersansluiadresserlemoindreregardetrefermaibruyammentlaporte.Lorsquejerelevai la tête, toutes les cellules de mon être se mirent à trépigner d’impatience, m’incitantjoyeusementàmejetersurluicommeunevulgaireblondeécervelée.Jen’étaispourtantpascegenredefillesàselaisserbernerparunphysique,aussiavantageuxsoit-il.
LeBourreauportaitcesoirunjeanetunechemiseàmancheslonguesquimettaitenvaleurtoutesonintensitémasculine.Àsonoreille,lesanneauxqu’ilarboraitrenvoyaientunpetitrefletinsolantquivenaittaquinermonchampdevision.Ilmedécochal’undesessouriresencoinquiobligeaitchaquefoismoncerveauàseréinitialiser.—Bonsoir,Loren.—Salut, leBourreau.Je te ferais remarquerque jene t’aipas invitécesoir.Tu t’esconvié tout
seul,etquiplusest,parl’intermédiaired’unpost-it.Sijenetefichepasdehorssur-le-champ,c’estuniquementparcequej’aidelamaçonnerieàtefairefaire.Je luidésignais lemilieudusalon,oùunmarteauavaitmalencontreusementcogné surunburin
pourvenirfracasserunmorceaudecarrelage.Ilfitquelquespaspourexaminerlelieududrame.—Tuviensdebriser çaàl’instant?Etqu’est-cequecelapouvaitbienluifaire?!Ilétaiticipourm’apportersonaide,commel’avait
ordonnélejuge.Iln’avaitjamaisétéconvenuqu’ilposedesquestions!
Sans me laisser le temps de cracher mon venin, il vint passer un bras autour de ma taille etm’attiraàlui,inspirantprofondémentau-dessusdemescheveux.Puisilmesourit.
—Tusais,moncœur,tun’aspasbesoindedétruiretonappartementpourjustifiermaprésenceici.—Mais...Je...—Chut,murmura-t-ilenposantunindexcontremeslèvres,j’aieuenviedet’embrassertoutela
journée.Est-cequetum’yautorises,Loren?—Ne...Tu...tu...tuasplutôtintérêt,soufflai-je.Sa bouche attrapa la mienne et s’y immisça, explorant chaque recoin avec une exigence
réconfortante.Enrevanche,sesmainssecantonnèrentàmanuqueetrefusèrentdes’endéloger.Jemesurprisàgémirdefrustrationlorsqu’ilmitfinànotrebaiser.Ilramenasesmainscontreluil’uneaprèsl’autredansuneparfaitemaîtrisedesesgestes,puisil
allaramasserlesacdesportaveclequelilétaitentré.Plongeantlamainàl’intérieur,ilenressortitunsachetopaque.—Tiens,ouvreça,dit-il.—Attention,lessurdosesdechocolatpeuventengendrerdesérieuxproblèmesdepostérieurchez
lesaddictscommemoi.—Jeteprometsqueçan’arienàvoir,m’assura-t-il,ettun’aspasàt’enfairepourtonpostérieur,
ilestabsolumentsublime,mêmesijenesuispascontredevérifiercettethèsedeplusprès.Je lui jetai un semblant de regard furieux et ouvris le sachet. Il contenait cinq petites fusées de
couleurs différentes, plantées sur des bâtonnets dont l’extrémité se terminait par une cordelettetressée.Dequoilancerunminifeud’artifice.
—Jesuisdésolée,luidis-je,maiscettefois-ci,tuesàcôtédelaplaque.— Non, je ne crois pas. J’aimerais essayer quelque chose si tu me le permets. Est-ce que tu
m’accompagneraisendehorsdelaville,dansleshauteurs?Cen’estqu’àdixminutes.—Écoute,jenesaispassi jepeuxsortiravecuneautrepersonnequeMillieparcequ’elleestla
seuleàcomprendreréellementmesphobies,et...cestrucssontcertainementsympasàregarder,pleindecouleursettout,maislesbruitsmefichentlatrouille,commetoutcequisetrouveàl’extérieurdecetappartementd’ailleurset...
LeBourreauentouramonvisagedesesdeuxpaumes.Jem’autorisaiàfermerlesyeuxquelquessecondesaucontactdesesmainschaudesetdouces.—Loren.Tuvassansdoute trouvercela trèsdéplacédemapart,maissacheque jene laisserai
jamais rien t’arriver, déclara-t-il en détachant les dernières syllabes avec une sincérité palpable.Jamais!S’ilteplaît,mabelle,jesaisquelaconfiancesemérite,maisjetedemandeuneavancepourcesoir.Etsiàn’importequelmomenttunevaspasbien,jeteramèneimmédiatementcheztoi.
Évidemment,ilauraitétépluslogique,plussageetplusintelligentderefuser.Malgrétout,j’avaisterriblement envie de sortir de cette prison dorée qu’était devenumon appartement. Jeme sentaisprêteàdépassermeslimites,etsurtoutàprofiterdumomentqueMathiasm’offrait.
—D’accord,acceptai-jeenenfilantmonmanteau.Dehors, il faisait un froid de canard. Jem’engouffrai dans sa voiture tandis qu’il augmentait le
chauffage,etjetaiuncoupd’œilrapideàl’habitacle.C’étaituneberlineaussimodestequepratique,quimerappelaagréablementmonhumblepetitecitadine.
—Tuauraispuvolerquelquechosedeplussportif.—Jenevolepaslesvoitures.Etjen’aijamaisconsidérélaconduitecommeunsport.Ilyabien
d’autresmanièresdefairedel’exercice,m’assura-t-ilavecunclind’œil.
Toutàcoup,uneimagedeMathias,lecorpshumideettenduparl’effort,vintsegrefferenpleinmilieudemoncortexvisuel.Jedéglutisavecpeine.
LeBourreausepositionnaderrièremoi,contremondos,etenroulaunbrasautourdemataille.—Est-cequel’endroitteplaît?Lepanoramaétaitfabuleuxets’étendaitdetouscôtés.Mathiasavaitgarésavoituresurlechemin
menantausommetde lacolline,et jenecessaisd’admirer les lumièresde lavillequi scintillaientdanslanuitnoire.Jehochailatêteenguisederéponse.Ilpritdélicatementmamaindroiteetyplaçal’unedesfusées,puisildéposaunbriquetdansma
maingauche.—Iltesuffitdeplanterlatigedanslaterreetd’allumerlamècheavantdet’éloignerdequelques
mètres.C’esttoiquidécidesdel’instantoùlebruitretentira,etc’esttoiquidécidessituveuxounonqu’ilretentisse.Ainsi,tugardeslecontrôleàtoutmoment,Loren.Lasituationnepeutpast’échapper.Tueslaseulearbitre.Ilvenaitde toucherunpoint intéressant.Depuishuitmois, je concevais le bruit que commeune
agressionquis’imposaitàmoisansquejepuisseinterférer.Cesoir,ilm’offraitleloisirdetenirlesrênesdemaphobieetm’accordaitlapossibilitédelacontrôler.Déposant un baiser sur mes cheveux, il s’éloigna de quelques pas pour me laisser prendre la
décision qui m’appartenait. Je baissai les yeux sur la fusée. Comment un petit truc aussi ridiculepouvait-ilmeficherlesjetonsàcepoint?C’étaitabsurde!Jemarchaiunpeuplusavantdans le terrain, et enfonçai la tigebien à la verticaledans la terre
fraîche.Puisjemeretournai,cherchantleregarddeMathiaspourm’yaccrocher,m’ysceller.Lanuitm’empêchaitdedistinguerlebleudesesyeux,maissonexpressionm’étaitentièrementdestinée,ettotalementdévouée.Ilm’incitaitàdépassermescraintes,toutenlesrespectant.—Net’éloignepas,d’accord?demandai-je,d’unevoixtremblante.—Jamais,moncœur.Lecœurbattant,j’approchailebriquetdelamèche.Madécisionétaitprise.J’allaisdéclencherune
détonationdemonpleingré,etjedécidaidelefaire...maintenant!Lacordelettes’enflammaetjemeretournaid’unbond,courantmejeterdanslesbrasdeMathias
quim’attendaient,grandsouverts.IlsserefermèrentsurmoietleBourreauutilisal’ensembledesoncorps pour me constituer une cage protectrice, dans laquelle je me blottis à l’approche du bruitimminent.Unepluiedebaiserss’abattitdansmoncou,surmonfrontetmescheveux.Ladéflagrationretentitsoudainau-dessusdenous,illuminantlecielnoirdepetitesétoilesvertes
quidisparurentpresqueimmédiatement.Mathiassoulevadudoigtmonmenton,visiblementinquiet.—Commenttesens-tu,moncœur ?Difficile de répondre. J’étais soulagée que ce soit terminé, et fière d’avoir affronté ma peur.
Évidemment, le bruit avait attisé mon anxiété, mais il avait aussi déclenché l’excitation magiqueprovoquéeparl’adrénaline.FaisantfaceauvisagesoucieuxdeMathias,jemehissaisurlapointedespiedspourembrasserseslèvres,récoltantunemineabasourdie,suivied’unsourireradieux.
—Jeveuxrecommencer,affirmai-je.Lorsdudeuxièmeessai, jepivotai immédiatementaprèsm’être réfugiéecontreMathiaspourne
perdre aucune miette du spectacle. Au troisième, l’anxiété m’avait désertée, remplacée par unsentimentd’impatienceet,auquatrième,jesouristoutdulong,appréciantlepaneldecouleurautantquelesbaisersdeMathias.—Iln’enresteplusqu’une,mabelle.Est-cequetumelaisseraisl’allumerpourtoi?—Je...jenesaispas...
Ilmefitpivoter,dosà la fusée,ets’approchademonoreille,mecaressantdesavoixgraveetrassurante.
—Cette fois-ci, c’estmoiquidécideraidedéclencher ladétonation, etqui te rejoindrai.Tunepourraspascontrôler l’instant,mais tusaisau fondde toique tune risques rien.Tupeux le faire,Loren,j’ensuisconvaincu.Il s’éloigna presque aussitôt. Je tentai de garder mon calme en conservant une inspiration
régulière.Bientôt,jeperçuslebruitdesespasderrièremoi,heureusequ’iln’aitpasdécidédefairedurerlesuspense.
—Maintenant,retourne-toietregarde,chuchota-t-ilàmonoreille.Les étoiles rouges semblèrent grimper bien plus haut dans le ciel que les précédentes. Mon
sourires’étiradenouveauetnemequittapasduranttoutletrajetduretour.**
MATHIASLesouriredeLorenestplusgrisantqu’unkilodecocaïne.Ilbalaiemessoucisetrendmavieplus
gaiequ’ellenel’ajamaisété.Ellevientdeterminersondessert,maisreprendencoreunebouchéedupouletquej’aicuisiné,laissantéchapperungémissementsatisfait.J’aimeêtreceluiquilasatisfait,etj’aimeraislefairedetouteslesmanièrespossibles.—Alors,demande-t-elleenselevantpourdébarrasser,commeça,jesuistapetiteamie?Jecomprendsqu’elleatéléphonéàRoger.Jelarejoinstranquillementdanslacuisine.—Oui,jemesuisditquetuleprendraismalsijet’annonçaiscommemafemme.Ellemanquedes’étrangler,puissemetàpoufferderireensupposantquejeplaisante.—Jemesuisrendueàsonateliercetaprès-midi,explique-t-elle,nousavonsconvenudeprésenter
huit demes toiles et ilm’a aidée à fixer les prix. J’étais très intimidée,mais il a été adorable. Ilsemblebeaucoupt’apprécier.L’expositionalieusamediàdix-neufheuresetMillie travaille tardcesoir-là,serais-tud’accordpourm’accompagner ?
Pour la première fois, j’ai l’impression d’être utile et de compter pour quelqu’un. C’est unsentimentnouveauquimevaloriseetmedonneconfianceenmoi.
—Avecplaisir.Jesuisraviquetumeledemandes.Ellemegratified’unsourireéblouissant,puiselleserenddanslasalledebain.J’attendsqu’elle
ensortepourmebrosserlesdentsàmontour,surprisquelefaitd’utilisersasalledebainmesembleaussinaturel.
Ensortant,jelatrouvedanslecouloir,ellem’attend.Jecaresseseslèvresdupouce.—Puis-jet’embrasser,Loren?—D’accord,dèsquetum’aurasditcequecontienttonsac,là-bas,dit-elleenpointantdudoigtle
salon.Jejouelafranchise.—Unetenuederechangeaucasoùtumedemanderaisdepasserlanuitici,commehier.—Commehier,celaveutdire,sans...metoucher.—Tusaisquejenetetoucheraipastantquetunemel’auraspasdemandé.—Tum’asaussiaffirméquetuferaistoutpourquejet’endemandeplus.—Crois-moi,j’ytravaille.Je l’attire contremoi et l’embrasse avidement, désireux de lui faire ressentir la même ardeur
qu’elleproduitsurmoi.Elleenrouleunbrasautourdemoncou,etfaitcourirl’autresurmonventre,griffantlégèrementletissudemont-shirt.
Bordel ! Je pense qu’elle a décidé de me rendre dingue. Tout en jouant avec sa langue, je la
repoussecontrelemurducouloir.Plaquéainsicontreelle,j’aiunmalfouànepastenircomptedelapressiondesesseinscontremontorse.
Lemilieuducouloirsesitueàégaledistanceentresonlitetlecanapédusalon.Pendantuninstant,j’envisagedelaportersurl’unoul’autrepourladéshabiller.Puisjemesouviensàtempsqu’iln’estpas question de déraper.Tout en l’embrassant, je ramènemécaniquementmesmains sur sa nuque.Ainsi,mesdoigts sontoccupésà joueravecsescheveux,etne risquentpasdesebaladerdansdesendroitsinconvenants.Lorenpousseunsoupiragacécontremaboucheetenserremonpoignetpourledélogerdesanuque.C’estsanscomptersurmadéterminationànepaslaissermesmainscaressertoutsoncorps.Haletante,elleabandonnemeslèvresetmedévisage,confuse.
— Pourquoi est-ce que tes mains semblent s’agrafer sur ma nuque chaque fois que tum’embrasses?— Parce que j’ai tellement envie de toi que je pourrais perdre le contrôle si je les laissais te
parcourir comme bon leur semble. Or, je ne veux pas trahir ta confiance, je sais que tu te sens...coupabled’appréciermaprésence.Ellearqueunsourciletmesourit,heureusequej’aiecomprisseul,cequ’ellen’osaitmedire.Puis
le rouge luimonte aux joues et lui donne cette expression adorable quime rend plus léger qu’unballonàl’hélium.— Si ça peut te rassurer, marmonne-t-elle en détournant le regard, je commence à avoir de
sérieusesdifficultésàluttercontremoi-même.—C’est pour cette raison que je tiens à te laisser le contrôle,mon cœur.Comme pour le feu
d’artifice,c’esttoiquichoisirass’ildoitavoirlieu,etquand.Elleécarteunemèchedeseslongscheveuxbruns,dévoilantuneexpressionplusmalicieuseque
jenel’auraiscru.—C’estunedécision...trèsdifficile,dit-ellesuruntonfaussementsérieux,étantdonnéquejene
sais pas à quoim’attendre.Si je veux être tout à fait certainedemon choix, peut-être que j’auraisbesoin...
Jenecessedeparcourirsonvisageduboutdesdoigts.—Dequoias-tubesoin,moncœur ?—Jecroisquejevoudrais...—Dis-moi...—Jeveux...unavant-goût.—Un...unavant-goût?—Oui,ils’agiraitd’unaperçude...—Jesaiscequ’estunavant-goût,moncœur,jevoulaisjustem’assurerquej’avaisbienentendu.Lorenveutunavant-goût.EtjedétestecontrarierLoren.
**LOREN
Unavant-goût?Non,paslapeinedebalayerdesyeuxmonappartementàlarecherched’uneautrefille,c’étaitbien
moiquiavaisprononcécesmots.Sansplusattendre,Mathiasplongeapourgoûtermes lèvres.Sesmainssedécrochèrent enfin de
manuque,etcontournèrentmesomoplatespourrejoindrelecontourexternedemesseins.Chacundesespouceseneffleuralerenflementjusqu’àcequemapoitrinesetendepourenréclamerdavantage.
Ignoranttotalementmarequête,ilsaisitmeshanchespourmesouleveravecuneextrêmelenteur,mepressantcontreluicentimètreparcentimètre,m’obligeantainsiàressentirchaqueparcelledeson
désir.Lorsquemes traîtresses de jambes s’enroulèrent autour de sa taille, il agrippa fermementmes
fessespourmemaintenircontreluietapposamondosaumur.Seslèvress’attardèrentsurmoncouetydéposèrentunechaînedebaisersjusqu’àmonoreille.
—Dismonnom,Loren.—Non,soufflai-jeenenserrantplusfortementsataille.Ilmordillalelobedemonoreille,lelécha,puissouffladessus,provoquantunesuitedefrissons
quimefirenttressaillir.—Dismonnom.Mathias,Mathias,Mathias...—LeBourreau,répondis-je,néanmoins.Je savais que ce surnom cruel lui déplaisait et qu’il ne leméritait pas. Il grogna doucement et
resserrasaprisesurmesfessespournousfairepivoter,biendécidéàbanniràtoutjamaiscemotdemonvocabulaire.
Légèrementinquiète,jeregardaidéfilerlemurducouloiravantdeconsulterMathiasduregard.—Oùest-cequetum’emmènes?m’enquis-jealorsque ladirectionnesupposaitqu’uneseuleet
uniquepossibilité.—Surtonlit,répondit-il,imperturbable.Tun’aspasprécisédelieupourcetavant-goût.Ilmedéposa sur le dos et allumama lampe de chevet. Celle-ci diffusait un éclairage tamisé, à
peinepluslumineuxqu’unebougie.—Parfait,déclara-t-il.J’aibesoindevoirtonvisage.C’estpourtantversmonventrequ’il sedirigea. Il lemordillaà traversmon t-shirt,m’arrachant
quelques soupirs impatients,puis il remontaversmonplexuset termina sonascension lorsque seslèvresatteignirentl’undemesseins.Prenantunegrandeinspiration,ilinsuffladelachaleuràtraversle tissu touten jouantavecsa languesur les fines fibresdecoton.Alorsque je l’encourageaid’ungémissement,ilredressalatête.—Crois-tuqu’unbourreaut’imposeraitcetypedechâtiment?Il ne me laissa pas le temps de répondre et infligea le même traitement à mon second sein,
envoyant une décharge de plaisir directement entre mes jambes. Je me cambrai sous son corpsimposant.—Etmaintenant,Loren?grogna-t-il.Crois-tuqu’unbourreautetortureraitdecettemanière?Dis
monnom...Il avait murmuré ces derniers mots comme une supplique et non un ordre. Haletante, je me
redressai pour faire face à cet hommequimeprodiguait tant deplaisir alors que j’étaiscensée ledétester.—Stockholm,prononçai-je.—Lesyndrome?J’acquiesçaitimidement,appréhendantsaréaction.Une ombre de tristesse survola brièvement son regard bleu sombre, si bien que je regrettai
immédiatementmesparoles.Ilseressaisitaussitôtetadoptaunvisagedéterminé.—Oh,non,mabelle,jenesuispastonsyndrome,etjenesuispasnonpluslebourreaucruelque
tudessineslanuit.Regarde-moi,Loren.Leregarder?Jenefaisaisqueça.Mesyeuxsouffraientmêmed’unedéfaillanceàpercevoirautre
chose,cesdernierstemps.Ilsaisitmonmentonetmeregardadroitdanslesyeux.—Moi,jesuisceluiquis’évertuerachaquejouràteprocurerplusdeplaisirquelaveille.Situ
melaissesfaire,mabelle,jetedonneraidesorgasmesàn’enplusfinirjusqu’àcequenitoinimoinepuissionsplusbouger.Jevaist’expliquercommentjeferai.
Ilmedonnad’abordunbaiservorace,profond,puiscaressalepantalonquicouvraitmesjambes.D’abordau-dessusdesgenoux,puis en remontantvers l’intérieur, le longdemescuisses jusqu’ausommet,sansjamaisfranchirlaligneinterdite,cellequin’appartenaitplusàl’avant-goût.—Pour commencer, je te caresserai de cettemanière,mais sur ta peaunue, puis je poseraima
bouchesurtescuisses,etellesuivralemêmecheminquemamain.Saufqu’ellenes’arrêterapaslà.Jetegoûteraisansrépitetteconsumeraidemalanguejusqu’àcequetutremblesdedésir.Pourtouteréponse,jeledévisageai,interdite,dissimulantdemonmieuxlestremblementsdedésir
quin’avaientpasattendusalangue.Ilrevintàlachargeetpositionnasalargecarrureau-dessusdemoi,plaçantsesbraspuissantsdechaquecôtédemataille.Ilsouleval’ourletdemont-shirtaveclesdentset léchamonventre,exerçantd’aborddepetitscercles,puisde longschemins sinueux tandisquejeglissaismamaindanssescheveuxpourm’yagripper,encourageantsubtilementsesassauts.Oupas si subtilement queça si j’en croyais le sourire qu’il afficha contrema peau.Bientôt, sa
boucherencontral’extrémitédemonsoutien-gorge,etsonregardmagnétiquevintcapturerlemien.—Jedégraferaicefichusoutien-gorgeetembrasseraitesseinscommeilsleméritent,jesucerai
testétons,puisjetepossèderaidurantdesheures,lentementetprofondément.Ettuaimerasça,Loren.Jeteferaicrierdeplaisiretjemedélecteraidetesgémissements.
Comme pour affirmer ses propos, il frotta doucement son érection contremon entrejambe. Ildéposaensuiteundernierbaisersurmeslèvres,puiss’allongeaàmescôtésetsetourna.
Puisplusrien.Ilm’avait laisséepantelante, leventreencorebrûlantdesescaresses,et l’espritchaufféàblanc
parsespromesses.—Euh...leBourreau?Tuas...terminé,là?—Oui,moncœur,dit-il,d’unevoixdouce.D’oùleterme«avant-goût».—Oh.Oui,jevois.C’est...intéressant.Ainsijesaisàquoim’attendre,alors...merci.Jecrois.Depuis que j’avais rencontréMathias, jem’efforçais d’adopter un comportement raisonnable et
cohérent.Saufquecelui-cis’étaitprisunesacréeracléeparmafibreémotionnelle.Jenem’étaispassentieaussiépanouiedepuisdesmois.Enréalité,jenem’étaisjamaissentieaussiépanouiedetoutemavie.
Je fussoudainhappéepar lachaleurdeMathiasquime tournait ledos,couchénonchalammentsurlecôté.Prèsdelui,monanxiétédisparaissait,tousmessenss’éveillaient.J’approchaimeslèvresdesonoreille.
—Mathias...fais-moil’amour.Je me demandai si l’apnée se pratiquait aussi en dehors des milieux marins. L’immobilité de
Mathiasétaitspectaculaire.Lorsqu’ilseretournaenfinpourmefaireface,jesoutinssonregardimpassible.Puisilmedonna
unbaiserpassionnéquienflammamessens.Jesoulevaisont-shirtpourl’endébarrasser.Pendantqu’ils’agenouillaitpourm’aiderdansmatâche,j’entraienmodeblonde:sourireniaiset
yeux ronds. Le torse de Mathias était un sanctuaire de virilité, chaque muscle était modelé à laperfection,révélantunepuissancesansfailles.Unlargetatouageconstituédelignesentremêléesluirecouvrait lamoitié du bras et se terminait sur le pectoral. Je levai lamain pour toucher sa peau,caressantsesabdominaux,jusqu’àlabasedespectoraux.
Il saisit à son tour l’ourlet demon t-shirt pourme dévêtir. Tout enm’embrassant, il dégagead’abordmesbras,puiss’écartapourlepasserpar-dessusmatête...etsefigea.
Sonvisagevira aublanc casséet il sepétrifia, fixant des yeuxmon épaulemeurtrie.Sabouches’ouvritsansqu’aucunsonensorteréellement.
Alorsquesesyeuxbleusdevenussombresexprimaientuneconsternationsanslimites,ilrecula,éloignantsesmainsdemoncorpscommesiellespouvaientmeblesserd’unsimplecontact.Jen’étaispasdutoutd’accordavecça!Cen’étaitpascequiétaitprévu.J’avaispourtantprononcé
lesmotsmagiques!—M...mondieu,moncœur,situsavaiscommejesuisdésolé,balbutia-t-ilens’éloignantencore
detrentebonscentimètres.—Oh,non,nonetnon!m’exclamai-jeenm’asseyant.Tun’aspasledroitdetedéfilerainsi.Où
sontpasséstesprojetsconcernantunrecordd’orgasmesettoutunpaneldegémissements?Mathiasmedévisagea,interloqué.—Tuveuxvraimentquejeposemesmainssurtoiaprèscequejet’aifait?—Tunevaspasm’obligeràtesupplier,toutdemême?—N...non,moncœur.Jamais.Sansgrandeconviction, ilpassaundoigtsur lacourbedemonmenton.Puisses irisprirentune
teintemarineetilenfouitsatêtedansmoncouavantquejeperçoivelabruinedesesremords.Seslèvressuivirentlalignedemaclaviculeetsedirigèrentobstinémentverslepuitsdemessouffrances.Avecuneextrêmeprécaution, ilembrassa lepointdouloureux,melaissantfrémirsous l’assautdessensationscontradictoiresquim’envahissaientpeuàpeu.
Desesbaisers,ilabsorbalatristesse,lapeuretlacolère.Seullesentimentderéconfortsubsista.—Pardon,Loren,souffla-t-ilcontremablessure,pardon,pardon...—Jet’aidéjàpardonné,j’étaissincère.— Je sais. Mais moi, je ne me pardonnerai jamais, affirma-t-il en embrassant dans mon dos
l’impactparlequelétaitressortielaballe.D’uneprofondeinspiration,ilserésignaàreprendresaprogression.Ils’agenouilladerrièremoi
etsescaressessefirentplussensuelles,plusprovocatrices.C’étaitexactementcequejedésirais.J’enavaisbesoin.Sontorsebrûlantrecouvritmondos,ses
mains frôlèrentmonventrepuisse refermèrentsurmesseins, lesmalaxantdoucement.D’ungestesûr, il dégrafamon soutien-gorge puis écarta son pouce de sonmajeur pour satisfairemes tétonsd’une seulemain. J’inclinai légèrement le buste en arrière,m’abandonnant contre lui, laissant sesmainsexpertesm’explorercommeelleslesouhaitaient.
Tandisqu’ildécrivaitdescerclesdeplusenplusétroitsautourdemespointesdevenuesrigides,sonautremainsefaufilaversleboutondemonpantalon.Jemetortillaipourfaciliterlepassageduvêtementtoutenjetantuncoupd’œilinquietàlaculottequejeportais.Ouf.Lycraetdentellenoire.
Visiblement, le spectacle plut également àMathias, qui siffla entre ses dents, repoussant contremes reins son érection croissante. Sans prévenir, il glissa ses doigts sous le tissu noir, laissantéchapperungrognementsatisfait.—Tuesdéjàmouillée,moncœur.C’estbien,jeveuxquetumouillespourmoi.Il fit glisser son index contrema fente, jusqu’àmonentréeoù il appuya imperceptiblement son
doigt.Jemecambrai,gémissantdefrustration,monbassincherchantdésespérémentàapprofondirlecontact.
Aulieud’apaisermestourments,leBourreauabandonnasatâcheetmecontournafurtivement,àl’instard’unfélinencerclantsaproie.Unefoisdevantmoi,sonregardenglobal’ensembledemoncorps.—Oh,moncœur,tuessublime.
Automatiquement, je refermai les jambesetmerecroquevillaisurmoi-même,gênéed’êtreainsiexposéeàsonregardardent.—Non,mabelle,écartetesjambes,laisse-moiteregarder.Jedéglutiset luiobéis timidement. Jamaisunhommenem’avait renduesiavidededésiretde
sensations.Toutencaressant l’intérieurdemescuissesnues, ilpritun tétonentreses lèvres,qu’ilmordilla
tendrement.Ladentelledemaculotteglissalelongdemesjambes.Sansdélogersabouche,ilsoutintmon dos d’unemain tandis que l’autre prit possession demon intimité, y insérant un doigt qu’ilremuaencréantunesortededélicieuxva-et-vient.Sansplusaucunegêne,meshanchesbougèrentensuivantlerythmelentqu’ilm’imposait.—Jeveuxtedéshabiller,haletai-jeendéboutonnantsonjean.Ilsecrispa légèrement lorsque je tirai sur l’élastiquede sonboxer afinde libérer sonmembre.
Quandcelui-cisedressadevantmoi,lourdetfier,jeprissoindedésactiverlemodeblondepournepas baver devant cet engin en parfaite proportion avec l’envergure deMathias. Je le pris dansmamainsansparvenirà l’encercler totalement,etentreprisdecaresser ledômelisseavecmonpouce.Fasciné,ilmeregardafairequelquesinstantsavantderepoussergentimentmamain.
—Doucement,mabelle,tun’imaginespasl’effetquetuproduissurmoi.Ilattrapasonjeanetfouilladanslapochearrièrepourrécupérerunpetitemballagerectangulaire.
Ouf!J’avaisbiendespréservatifsdansmasalledebain,mais j’étaisàpeuprèscertainedenepasposséderlesmodèles«tailleHulk».
Je frémis d’impatience lorsqu’il souleva mes cuisses pour se placer entre mes jambes. Sonmembre glissa plusieurs fois contrema fente avant de s’enfoncer doucement enmoi. Au fur et àmesure de sa progression, ma chair se referma autour de lui, l’emprisonnant fiévreusement. Lasensationdeplénitudeenvahitmoncorpsetinhibamespensées,jusqu’àcequ’ilsoitentièrementenmoi.
Lesoufflecourt,Mathiass’immobilisaetcherchamonregard.—Est-cequeçava,mabelle?Àtonavis,Hulk?Çaallaitmêmemieuxqueça.Maiscommejesemblaisavoirmomentanémentperdul’usagedela
parole, je pus que soulever ma tête à la recherche de ses lèvres. Le Bourreau m’embrassalangoureusementetsemitàalleretvenirenmoi.Lanotiondutempsm’échappacomplètementtandisquejem’abandonnaisouscecorpsdivinementpuissant,lelaissantmedonnerplusdeplaisirquej’enavaisjamaisgoûté.
**MATHIAS
Bordel!Jenesavaispasquelesexepouvaitêtreaussiintense.LecorpsdeLorenestlachoselaplussensationnelleaumonde.Toutenmeperdantenelle,jecaptureundesesseinsdansmabouche.Justepourl’entendregémir.C’estdevenumonsonpréféré.
Ellemedévisageàtraverssespaupièresmi-closes,ondulantdeplaisirsousmabouche.Je glissemesmains derrière son dos pour la redresser, et la ramène contremoi tandis que je
m’assiedssurmestalons.—Passetesbrasautourdemoncou,luidis-je.Elle s’exécute et s’accroche à ma nuque. Je préfère la laisser aux commandes afin qu’elle
choisisseelle-mêmesonrythme.Parcequ’elleenabesoinpourmefaireconfiance.Etparcequelaregardermechevaucherestunspectaclequimefaitbandercommejamais.
J’avanceunemainentresescuisses, jouantavecsonboutonsensiblechaquefoisqu’elleramèneseshanchescontremoi.Lesélansdesonbassinsefontplusrapides,sesgeignementspluspressants.Alors qu’elle est au bord du gouffre, j’accompagne ses mouvements avec davantage de vigueur.Soudain,satêtebasculeenarrière,étouffantsescris.Il nem’en faut pas plus pour exploser àmon tour.Maîtrisant tant bien quemal le cyclone qui
m’emporte,jeretrouvemesesprits,justeàtempspoursoutenirLorenquis’écroulecontremoi.Jel’allongesurledosetécartequelquesmèchesdesonfront.J’aibesoindevoirsesyeux,maisils
sontfermés.Jesuismortdetrouilleàl’idéequ’elleregrettedéjàcequ’ilvientdesepasser.—Moncœur ?Est-cequetuvasbien?Elle ouvre ses paupières et m’observe minutieusement. Jamais je ne me suis senti aussi à nu.
Exposé.Seslèvress’étirentenunmerveilleuxsourirequimerendfortetfaibleàlafois.Et merde ! Je ne peux plus me leurrer, soit cette fille est une drogue détonante, soit je suis
désespérémentamoureuxd’elle.—Disonsquepourunbeaugosse, tune t’espas tropmaldébrouillé, ironise-t-elle,d’unevoix
rauque.Danslelitimmense,ellevientseblottirdansmesbras.—Dors,moncœur,luidis-jeenembrassantsonfront.J’essaieraidenepasteréveillerdemain
matin.—Pasde risques, jeme lèveauxaurores lemercredi. J’ai rendez-vouschez lekinésithérapeute
pourlarééducation.—Jeveuxt’accompagner.Ellefroncelessourcils.—Pourquoi?Parcequejeveuxêtrelàquandcemecposerasesmainssurtoi.Parcequejeveuxsavoircequ’il
enestetdequellemanièrejepeuxt’aider.Etparcequesijepeuxpasseruneheuredeplusavectoidemain,ceserauneheuredemoinsàmerendremaladeenmedemandantsituvasbien.
—Je...s’ilteplaît,laisse-moiveniravectoi.—Trèsbien,accepte-t-elle.—Merci.Àproposdedemain,j’ai...quelquechoseàfaireavecmonfrère,enfindejournée.Je
dîneraiprobablementaveclui.J’aimeraisterejoindreicijusteaprès,situesd’accord.Je remarque pour la deuxième fois que son cœur s’accélère quand je mentionne mon frère.
Bizarrement,jecroisqueçamefaitlemêmeeffet,saufquej’ysuishabitué.Commeun lâche, je fuis son regard.Loren est intelligente, elle sait quedésormais je veuxme
tenirloindeladélinquance,maisqu’ilmeseraitdifficilederefuserquoiquecesoitàmonfrère.Jetentedelarassurer.—Net’inquiètepas...cen’estriend’important.Jeseraiiciversvingtetuneheuresauplustard.Quelquesminutesplustard,elles’endort.
Mercredi25Février
MATHIASJe me demande toujours oùmon frère déniche tous ces tarés. Le débile numéro un doit être
sacrément en manque pour tressauter comme un marteau-piqueur. Et le débile numéro deux faitrépéteràYanntouteslesindicationspourlatroisièmefois.Bordel!Est-cequ’onnepourraitpasaccélérerunpeu?Çafaitdéjàuneheure.Monfrère,lui,s’en
fiche,ilestd’unepatienced’angelorsqu’ils’agitdelapréparationd’unplan.Ilmorddanssonburgeretreprendtranquillementsesexplicationspendantquej’envoieunmessageàLoren.—Labâtissecomportedeuxétages.Monfrèreetmoimonteronspendantquevousvousoccuperez
du rez-de-chaussée. On sait de source sûre qu’il y a près de vingt mille euros de bijoux dans labaraque.SanscompterquelquestableauxetunecollectiondevasesDaum.
Vingtmilleeuros.SiYannannonceceprix-là,c’estqu’ilyaaumoinsledouble,voir le triple.Montéléphonevibre,c’estunSMSdeLoren.«Prendstontemps,leBourreau,jemefaiscoulerunbain.»Jeserrelesdentsfaceàl’imagedeLorenplongéedanssonbain.Jedoisabsolumentlarejoindre
avantquel’eaunerefroidisse.Monfrèrereprend.—Lamaison ne possède aucun systèmed’alarme, et les voisins sont en vacances pour quinze
jours.—Tuessûrquelecouplelogeseuldanscettegrandemaison?demandedébilenumérodeux.—Absolument.Etlacerisesurlegâteau:ilspartentceweek-end.Ilsserontabsentssamedisoir.
Onpassedoncàl’actiondanstroisjours.Samedi soir... l’exposition de Loren. Merde ! Pendant que les deux abrutis acquiescent
frénétiquementdumenton,jedésapprouve.—Euh...Yann?Passamedisoir,jenesuispasdispo.Yannmefixeavecceregardimpassible,celuiquin’annoncejamaisriendebon.—Pardon?demande-t-ilcommes’ilavaitsimplementmalentendu.—J’aiprévuquelquechosecesamediet...Avantquejefinissemaphrase,ilsetourneverslesdeuxautres.—OK, tout est au point pour nous. On se rejoint tous ici, samedi à dix-neuf heures. Si vous
voulezbienmelaisserseulavecmonfrèremaintenant.Lesdeuxdébilescomprennentlemessageets’exécutentenemportantunedesportionsdefrites
quitraînentsurlatable.Yannsecarredanssonsiègeetsecomposeuneexpressionquipourraitfrôlerl’empathiesijene
leconnaissaispasmieux.— Hé, frangin, dit-il, d’une voix faussement sereine, que se passe-t-il en ce moment ? Tu te
comportesbizarrement,etonnesevoitpresqueplus.Tuasvraimentrencontréunefille,c’estça?LesmèchesbrunesdeLorenm’apparaissent immédiatement,et lesouvenirdesapeaudouceet
chaudemedonnelaforcedepoursuivrecetteconversation.—Oui,jevoisquelqu’un.—Tuessortideprison,ilyatoutjusteunesemaine.Turencontresunefille,etsoudainellepasse
avantnous,avantlafamille?Yannsaittoujoursoùtaperpourfairemal.Auproprecommeaufiguré.
—Biensûrquenon,ellenepassepasavant,c’est simplementque j’avaisprévuquelquechosepoursamedisoir.Quelquechosed’important.—Plusimportantquedesefairequatre-vingtmilleeurosenuneheureetd’aidertonfrère?C’est
cequetuesentraindemedire?Visiblement, j’ai sous-estimé le pactole. Pourtant, aucun chiffre ne pourrait me faire manquer
l’expositiondeLoren.Jedoissortirdecetappartementquim’étouffeetlarejoindre,c’esttoutcequicompteàprésent.
—Toutcequejedis,c’estquejenepourraipasvenircesamedi,jesuisdésolé.Yanneststupéfait.C’estlapremièrefoisquejem’opposeàlui.Ilmeregarderassemblerquelques
affaires,puis,curieusement,ilsembleseradoucir.—D’accord,jecomprends,acquiesce-t-ilenmedonnantunebrèveaccolade.Tusaisquejen’ai
jamaisvouluquetonbonheur.Cesmarquesd’affectionsontrareschezlui,voireinexistantes.Maisjeviensdepasserhuitmoisen
taule,alorspeut-êtrequeçachangeladonne.—Jesais,Yann.Merci.Jesuisheureuxetsoulagéqu’ilrespectemonchoix.Aprèstout,ilestmonfrère,maseulefamille
etjesaisquejepeuxluifaireconfiance.Jedévale lesescaliersetsautedansmavoiture.Cinqminutesplus tard,Lorenm’ouvre laporte,
vêtued’unpeignoirépongequinedemandequ’àêtreenlevé.—Bonsoir,mabelle,dis-jeenl’embrassant.Est-cequej’arrivetroptardpouravoirleplaisirde
tecontemplerdanstonbain?—Oui,lesdoigtsfripés,cen’estpasmontruc.Ladéceptiondoitselireaisémentsurmonvisage.CeluideLorensefendd’unsourireespiègle.—Jeplaisante,jet’attendais.Désape-toi,leBourreau,l’eauestchaude.Ellesedirigeverslasalledebainalorsquelasonneriedemontéléphoneretentit.C’estYann.—Oui?—Tuasoubliétesclésàl’appartement.Tupeuxpasserleschercherdemainsoiravantd’allerchez
tacopine,situveux.Jet’attendrai.—OK.Merci,Yann.Àdemain.—Àdemain,frangin.Lorsquejepousselaportedelasalledebain,jesuisvictimed’unchocvisuel.Lorensedélassedanslabaignoireinondéedemousse,immergéejusqu’àlalignemédianedeses
seins.Jeluiadresseunclind’œilaguicheur,deceuxqu’ellejugearrogants,etentamedemedéshabiller
sensuellementsanslaquitterdesyeux.Commeunmecsûrdelui,quiadécidéquesaplastiqueétaitcapablederemplacerintégralementlespréliminaires.Ellelèvelesyeuxauciel,maisconservesonsourire.J’aimesafaçondes’exaspérerlorsquejejouelacartedubeaugosse.
L’instantd’après,jem’agenouilledansl’eauetprendsletempsd’embrasserminutieusementsonépauledroiteavantdedescendresursesseins.
**LOREN
Mathiasseséchaénergiquementetmeprésentamonpeignoirouvert.—Enfilevitecepeignoir,quejepuisseenfintel’enlever.Jen’euspasletempsdenouerlaceinturequ’ilm’emportadansmachambre,melaissantparaître
toute légère entre ses brasmusclés. Ilm’étendit sur le lit et défit les pans du peignoir l’un après
l’autre,arborantleregardémerveilléd’unenfantquidéballesoncadeaudeNoël.Puisilrécupéralaceintureencotonetlanouaautourdemonpoignetdroit.
—Euh...leBourreau?Cen’estpastropmontruc,leBDSM.Surtoutledeuxièmesoir.Ilsepenchaetm’embrassatendrement.—J’aibienécoutécequ’aditlekinésithérapeute,cematin.Mêmes’ilnefaitaucundoutequeta
souffranceestbienréelle,ellesedéclencheprincipalementparunautomatismepsychologique.Lesexercicesqu’il t’imposesontdestinésà teprouverque tuescapablede lever lebras.Seule lapeurt’enempêcheencréantunesensationdedouleur.—D’accord.Tuasétéattentifetstudieuxdurantunedemi-heure.Bravo.Maintenant,est-cequ’on
pourrait oublier ces histoires de ceinture et de nœuds, et continuer tranquillement ce qu’on acommencédans lebain ?Ces trucs commencent légèrement àme faire flipper, dis-je en indiquantmonpoignet.—Tusaisquejeneteferaijamaisdemal.N’est-cepas?Oui.Jenesavaispascommentjelesavais,maisjelesavais,toutsimplement.J’acquiesçai.Avec précaution, il fit fléchirmon bras dans l’axe du coude, et attacha l’autre extrémité de la
ceintureàmatêtedelit.—Toutvabien,moncœur,merassura-t-ilenmevoyant frémir.Jene t’attachequecettemain.
Regardetonpoignet,etjetteunœilàlatêtedelit.Cesontdesnœudsdelacetsquetupeuxdéfaireàtoutmomentavectamainlibre.
En effet, en pliant ainsimon coude,mon poignet se trouvait près dema joue,maismon brassuivaitpratiquementl’axedemoncorps,sibienquejeneressentaisaucunedouleur.EtMathiasavaitprissoindelaisserunebonnelongueurdecordepourquejenemesenteaucunemententravée.Jenevoyaispasbienl’intérêtdelamanœuvre,maislaréponsenem’intéressaplusdutoutlorsque
leBourreauvint souffler sur lapointedemes seins avantd’enprendreundans sabouche, faisantrenaîtreundélicieuxfrissondansmonbas-ventre.Salanguefitensuiteletourdemonnombril,puissuivitrésolumentlaligneverticaleendirectionduSud.—Mathias?fis-jed’unevoixanxieuseenleretenantparlescheveuxdemamainlibre.—Chut,souffla-t-ilenreposantmapaumeàplatsurlesdraps,détends-toi,moncœur.Il passa sesmains sousmes cuisses pour les écarter légèrement et sa bouche s’empara demon
intimitéavantquejenepuisseprotester.Unbrefcrid’extasesortitdemagorge,entraînantmatêtequiretombalourdementsurl’oreiller,déclarantforfait.Mathiasexerçad’abordunaller-retourlelongdemafente,puisils’insinuaentrelesreplisdechairqu’illécha,mordilla,happa,semblantvouloirs’enapproprierchaqueparcelle.L’ensembledemesfonctionscérébralesdisjonctaetmoncorpsnedevintplusqu’uneenveloppedechairassoifféedesensations.Àtraversmespaupièresmi-closes,jelevisredresserlatêteetesquisserunsourirecharmeurtout
en passant généreusement sa langue sur ses lèvres, affolant au passage mes hormones déjàsurexcitées.Saletédebeaugosseprétentieux!Ilreplongeaensuiteetattrapalepointculminantentreseslèvres.Jeravalaiunhoquetdestupeuren
froissant lesdrapsdemamainvalide,évacuantainsiune infimedéchargede tension.LeBourreaulibéra mon point sensible un instant pour le couvrir de caresses humides qui me rapprochèrentdangereusement du gouffre. Puis il les espaça progressivement jusqu’à m’administrer plus quequelquestimidesà-coups,avantdes’arrêtercomplètement.Jegémisdefrustrationetmeshanchesglissèrentinstinctivementverslebasàlarecherchedeses
caressesexquises.Laceinturedecotonretintmonpoignet,etmonbrassedéplialégèrement.
Aussitôt, Mathias réitéra ses assauts, mêlant tour à tour caresses aguicheuses et sensationsvertigineusesenunrythmecroissant.Deuxcentsbilletsquecemecappartenaitàunenouvelleespèceconçuedansl’uniquebutd’utiliser
salangue!Jememisàondulerfrénétiquementsoussabouche.Bientôt,ilinséraundoigtenmoiqu’ilremua
en quelques mouvements circulaires divins, puis le retira presque aussitôt, se reculant etm’abandonnantunenouvellefois.
—S’ilteplaît...gémis-jeenfranchissantquelquescentimètresdeplus.Monliensetendit,accentuantlapositionverticaledemonbrassansquejen’yaccordelamoindre
attention.Mathias me récompensa immédiatement, apaisant ma chair fiévreuse d’un revers de langue.
Lorsquejesentisqu’ilmedélaissaitunenouvellefois,meshanchesdescendirentencore,encouragéespar les baisers qu’il déposait à l’intérieur demes cuisses, jusqu’à ce que j’atteigne l’extrémité dumatelas.C’estalorsqueleBourreauglissasurleparquetdemachambreets’agenouilladevantmoi.Deses
largesmains,ilbloquamonbassinetrevintàlacharge,leregardacéréetlamâchoiredéterminée.Ilplaçamescuissessursesépaulesetundeuxièmedoigtrejointlepremier,allantets’agitantenmoi.Puis il plaqua sabouche surmonboutonde chair, qu’il suça et aspira tandis que jeme tordais deplaisir entre les draps. Chaque fibre de mon corps se mit à tressaillir, formant de multiplesconnexionsquiexplosèrentenunbrasierd’extase.Ilnemelibérapaspourautant,accompagnantmonorgasmejusqu’àcequej’enperdetotalementlesouffle.Dans lesbrumesdudélice, jeperçus sa silhouette au-dessusdemoi, sesdoigtsdénouèrentmon
lien.Seslèvress’abattirentsurmonépaule.—Est-cequetuasmal?Mon bras s’était redressé à la verticale, je devais forcément souffrir. Pourtant, je ne ressentais
qu’unlégerétirementdansl’articulation,bafouéparunplaisirintense.— Non, je n’ai ressenti aucune douleur !m’exclamai-je sans pouvoir contenir la joie qui me
submergeait.Mathiasm’adressaunsourireéblouissant.Monbonheursemblaitréellementluiteniràcœur,etil
meleprouvaitsanscesse.Comment ne pas tomber sous son charme ? Du reste, il était maintenant bien trop tard pour
ignorerquemessentimentspourluis’amplifiaientd’heureenheure.
Jeudi26Février
MATHIASJesonneunetroisièmefois.Pasderéponse.Sansdoutea-t-ileuunempêchement.Étrangequ’ilne
m’aitpasprévenu.Étrangeaussiquej’aieoubliémesclés,ellesontdûglisserdemapoche.Jem’assiedssurlepalier,ledoscontrelaporteenespérantqu’ilsepointesanstarder.J’aihâte
d’annonceràLorenquemonpatronchercheunemployéetqu’ilmegarderasi jecontinueà fairepreuvedemotivation.J’aimeraisqu’ellesoitfièredemoi.Dix-huitheurestrente.Jenetiensplus.JetéléphoneàYann.Ildécrocheàlaquatrièmesonnerie.—Ouais.Excuse-moi,j’aieuuncontretemps.J’entendscommeunerespirationhachéeàl’autreboutdufil.—Toutvabien,Yann?—Pasdeproblème.Jesuislàdansmoinsdecinqminutes.—OK.Àtoutdesuite.Jepatienteenespérantqu’ilnesesoitpasencorefourrédansunmerdierquelconque.
**LOREN
DepuisqueMathiasm’avaitsubtilementincitéàleverlebrashiersoir,j’avaispassélajournéeàvérifierque j’enétaisencorecapable.J’enavaisprofitépourréaménagermesplacardset terminerunetoile.Unénièmecoupd’œilàlapendulem’appritqu’ilétaitdix-huitheuresvingt.QuandleBourreaufrappaàmaporte,jesursautai.Quelqu’unl’avaitprobablementlaisséentrer
aubasdel’immeuble,carseuleMilliepossédaitlesclésdel’entréeprincipale.—J’arrive!Jedéverrouillailaporteetabaissailapoignée.Elles’ouvritsiviolemmentquejebondisenarrière
pouréviterdelaprendreenpleinefigure.Untypes’introduisitdansmonappartementenlarefermantderrière lui. Il ne me fallut qu’une seconde pour comprendre qu’il ne s’agissait pas de Mathias.J’ouvrislabouchepourhurler,maisl’hommeagitaunobjetdanssamain.Unflingue.D’unregard,ilm’intimadelafermer.J’obéis.—Salutmajolie.Décidément,jemedemandeoùmonfrèredégotetoutescesfillescanon,déclara-
t-ilenmereluquantdehautenbas.Sonfrère...cettevoixquimeglaçait.J’avaisdevantmoilefrèreaînédeMathias,celuidontl’esprit
étaitdépourvudetoutscrupule.—Peux-tucesserdetremblercommeunefeuille,chérie?C’esttrèsdésagréable.Assieds-toi!Mon salon commença à tourner autour de moi, mais je me ressaisis et gagnai la chaise qu’il
m’indiquaitenm’ycramponnant.—Depuiscombiendetempsconnais-tuMathias?demanda-t-ilavecuncalmeapparent.J’ouvrismachinalementlaboucheetfussurprisederéussiràparler.—Depuis...une...unesemaine,bredouillai-je.—Unesemaine,répéta-t-il.Vois-tu,moi,jeleconnaisdepuisvingt-septans.J’aivécuaveclui,et
jeconnaislamoindredesesaspirations.Etcrois-moi,tun’enfaispaspartie.Tuesplutôtbiengaulée,jetel’accorde.Sansdoutelaraisonpourlaquelleilnet’apasencorejetée.D’ailleursàcepropos,jenesaispascequetuavaisprévusamedisoir,maisilestdéjàengagéailleurs.
Malgrélaterreurquimetordaitleventre,j’enregistraisétonnammentbiencequ’ilmeracontait.L’adrénalinemepermitderépondreunesecondefois.
—N...non.Ilm’aditqu’ilm’accompagneraitpour...L’hommesemitàricaneretmeconsidéraavecpitié.— J’ai besoin de lui pour un travail ce samedi. Sérieusement, tu as vraiment cru qu’il allait
t’accorderlapriorité,etabandonnersonfrère?—Untravail?demandai-je,d’untonplusassuré.Sivousvoulezparlerdecambriolage,jenecrois
pasquecelaintéresseMathias.—Ahoui?Ilm’apourtantaidéàtoutmettreaupointhiersoiravantdeterejoindreici.Moncœurrataunbattement.LathéorieduBadBoysensibleetattentionnéquiremettaitenquestion
seserreurspasséess’amenuisapeuàpeu.—Jesuisdésolémajolie,maisMathiasn’estpasunmecpourtoi.Unevierangéene l’intéresse
pas.Il fut interrompupar la sonneriede son téléphone.Pouréviterque jenem’enfuiependantqu’il
décroche,ilmesaisitl’épaulepourmecloueràlachaise.Jehurlaidedouleursifortqu’ilfitunlégerbondenarrière.Puisilmedétailladuregard,etunelueurdecompréhensionéclairaprogressivementsestraits.Ilmebâillonnalabouchedesonavant-braspourm’empêcherdeparleretdécrocha.
—Ouais.Excuse-moi,j’aieuuncontretemps.J’essayaidenepasm’évanouiretrespiraidemonmieuxparlenez.—Pasdeproblème.Jesuislàdansmoinsdecinqminutes.Moinsdecinqminutes.Courage,Loren,c’estbientôtfini.Ilraccrochaetretiralentementsonbras,puiss’approchasiprèsquejesentissonhaleine.—Veux-tuque je tediseunsecret,ma jolie?Dans lecasseoù lapoliceaarrêtémon frère, ils
n’étaientpastrois,maisquatre.J’étaislàaussi.Tuvois,luietmoi,onsecouvremutuellement,onseprotège.Ettoi,tuesrienqu’undivertissementdequelquesjoursaumieux.
Ilsedirigeatranquillementverslaporteavantdeseretourner.—Oh,j’oubliais.SituparlesàMathiasdemavisiteici,jet’étrangle.Ilsortitetclaqualaporte.Jem’écroulaisurlesolsanspouvoircontenirmeslarmes.Bientôt,lapeursedissipapourlaisserplaceàlacolère.Commentavais-jepuêtreaussistupide?
Mathiasm’avait lui-mêmeexpliquéle lienétroitqui l’unissaitàsonfrère,et j’avaissoigneusementmiscetteinformationdecôté.Pasétonnantqu’ilaitétéjusqu’àlecouvrirdanscetteaffaire.Commentavais-jepupenserunesecondequemonBourreaupouvaitchangeretm’accorderunréelintérêt?
Oui,ilavaitétégentilavecmoi.Serviable,parcequ’ilyavaitétéobligé.C’étaitledealpourqu’ilsorte,etill’avaithonoré.Lemieuxquejepouvaisespérerétaitqu’ilaitagiparculpabilité.Milliem’avaitmiseengarde.Le syndromedeStockholm.Tout simplement. J’auraisdû rester à
l’écartdecesalebeaugossearrogant.Cettefois-ci,j’avaiseumadose.J’attrapaimontéléphoneetcomposaisonnuméro.Ilréponditimmédiatement.—Oui,moncœur?—Jeneveuxplustevoir,Mathias.—Qu...quoi!Attends,jeparsdechezmoi,j’arrivedanscinqminutes,tuvasm’expliquerceque...—Non,tunevienspas.Jet’aifaitentrerdansmavieparcequej’étaisfragile...etidiote.Maistu
saisaussibienquemoiquenousn’avonsrienàfaireensemble.Ettusaisquoi?Tum’asfaitchangerd’avis en ce qui concerne les Bad Boys prétentieux. Vous êtes encore plus minables que ce quej’imaginais.J’espèrequetuvascontinuer àvoler,leBourreau,parcequetun’esbonqu’àça.—Lo...Loren,jenecomprendspas...pourquoitu...
—Etsitumetsunpiedchezmoi,j’appellelapoliceetporteplaintepourharcèlement.Jeraccrochaiavantd’éclaterensanglots.Jen’yétaispasalléedemainmorte,et lesentimentde
trahisonavaitexacerbémespropos.Jen’avaisplusqu’uncoupdefilàpasserpourbouclerdéfinitivementcettehistoire.—Allo?—Bonsoir,serait-ilpossibledeparleràMaîtreFaliyot?—C’estmoi-même.—Bonsoir,mademoiselleClarkeàl’appareil,lavictimedevotreclient,monsieurStevenson.—Oh,jevois.Quepuis-jepourvous?—Jeneveuxplusdel’aidedemonsieurStevenson.J’aimeraisquevousvousassuriezqu’ilen
tientcompte.—De...Jenecomprendspasbien,mademoiselleClarke.—LejugealibérémonsieurStevensonàconditionqu’ilm’apportesonaide.Désormais,jen’enai
plusbesoinetsouhaitequ’ilresteloindemoi,voilàtout.Auboutdufil,j’entendisunpetitricanementquimecontraria.—Hum...iln’ajamaisétéquestiond’unetellecondition,mademoiselleClarke.Le dernier morceau du puzzle vint s’ajouter lamentablement au reste. Pour une raison encore
obscure,Mathiasm’avaitmenti.Jeraccrochai.**
MATHIASJe n’ai jamais eu autant de mal à respirer. Une douleur lancinante se propage dans ma cage
thoracique.J’entendsdespasderrièremoi.Yann.—Hé,désolépourleretard,dit-il.Yannouvrelaporteetj’entrecommeunputaindezombie.Ilmelancemontrousseaudeclés.—Ellesétaientsurlecanapé.Tuasdûlesfairetomberent’asseyanthier.Tuvascheztacopine?Loren.—Euh...non.Pascesoir.Jeregardedans levide,abasourdi.L’incompréhensionet laragem’envahissent.Jesaisquej’ai
faitdeschosesminables.Maisprèsd’elle, j’avais l’impressiond’êtrequelqu’unde fréquentable,etmêmed’avoirunavenir,unvrai.
—Au fait, ditYann enme tendant unebière, si jamais tu changesd’avis pour samedi, tu peuxtoujourstejoindreànous.«J’espèrequetuvascontinueràvoler,leBourreau,parcequetun’esbonqu’àça.»Jenesuispeut-êtrebonqu’àça,maisjen’enaiplusenvie.—Jenesaispas,onverra.
Samedi28Février
LOREN—Jepassetevoircesoirdèsquejequitteletravail.Tienslecoup,ettéléphone-moisiçaneva
pas.—C’estpromis,Millie.Jeraccrochailetéléphoneetmeforçaiàprendreunedoucheetmangerunmorceau.Cesdernières
quarante-huitheuresavaientétéuncauchemar.Ausenspropre.Jem’étaisréveilléeenlarmeschaqueheurede lanuit, cherchantdésespérément lesbrasdeMathias, avantdeme remémorer les raisonspour lesquelles je ne voulais plus de lui : frère malsain, dévouement total pour celui-ci, et viemouvementéedanslaquelleiln’yavaitpasdeplacepourunerelationsérieuse.
Cependant, une part de moi refusait de croire que ses gentilles attentions étaient purementcalculées.Etsurtout,ilmemanquaitcruellement.Sonprénoms’affichaune foisdeplussur l’écrandemon téléphone. Jecroisaimesdoigtsdans
mondospourm’empêcherderépondre.Quelquessecondesplustard,unecourtesonneriem’indiquaqu’il avait laissé un message sur mon répondeur. Je l’écoutai aussitôt, laissant son timbre graveapaisermestensions.—Jesaisquetuneveuxpasdemoi,Loren,maisjeseraicheztoidansquelquesminutes.Jeveux
seulementm’assurerquetuterendsàl’exposition.Bonsang!Pourquoin’allait-ilpasdirectementàsapetitesoiréecleptomane?Horsdequestion
quelegrandfrèremetombeencoresurledos.JerassemblaimoncourageetrappelaiMathias.—Oui,mabelle?—Jeneveuxpasquetuviennes.Etcessedemetéléphoneroubien,j’appellelapolice.—Jesais,moncœur,dit-ildesavoixchaleureuse.Et jesuismêmeprêtà lesappelermoi-même,
dèsquejet’auraiaccompagnéàcetteexposition.—Jenetelaisseraipasentrer!—Mon cœur, tu nem’écoutes pas. Que tume laisses entrer ou non, je serai chez toi dans une
minute.Figure-toiquelesentréespareffractionfontpartie intégranteducambriolage,etcommetul’asdittoi-même:jenesuisbonqu’àça.Maintenant,écoute-moibien.D’iciquelquesminutes,tuvasentendredubruitdanstonappartement.Jeneveuxpasquetut’affoles,mabelle.Ceseraseulementmoi.Àtoutdesuite.Merde!Ilétaitprêtàprendredegrosrisquessimplementpourquej’exposemespeintures.Je vérifiaima porte d’entrée lorsqu’un coup sourd résonna en direction du couloir. Bon sang,
commentfaisait-ilça?J’entendiscommeletintementd’unverrequisebrise,etMathiasapparutdanslesalon.Moncœursemitàbattrelachamadeetjereculai.—Tu...tunepeuxpasresterlà.— Calme-toi, ma belle, dit-il en levant les mains. Je suis simplement venu te proposer de
t’emmeneràl’exposition.—Non,jenepourraipasyaller.Etdetoutefaçon,tuasdéjàdesprojetspourcesoir.Ilfronçalessourcils.—D’oùtiens-tucetteinformation?Jescellaimeslèvrespourneplusdireunmot.
—Loren,parle-moi.Est-cequemonfrèreestentréencontactavectoi?Ilt’atéléphoné?Àlamentiondesonfrère,jenepusempêchermesmembresdetrembler.Mathiassecrispaetun
airduremplitsestraits.—Réponds-moi,ordonna-t-il.—Jenepeuxpas,murmurai-jeenravalantmeslarmes.Sonvisagesetransformaenmasquedecolère.—Est-cequ’ilt’amenacé?gronda-t-il.Loren,dis-moiqu’iln’estpasvenuici!Jedétournailatête.Sansprévenir,leBourreauseruasurmoietmesoulevadanssesbraspourme
serrercontrelui.J’enroulailesmiensautourdesoncouetinspiraisonodeurmasculinequim’avaittantmanqué.Tandisqu’ilmeportait jusqu’aucanapé, ilemmêlasesdoigtsdanslesmèchesdemescheveux.Celasemblaitlecalmer.Ils’assitetm’installasursesgenoux,faceàlui.
—Jeveuxquetumedisesexactementcequis’estpassé,déclara-t-ilgentimentenrepoussantmesmèchesenarrière.J’inspiraiàfondetmeforçaiàparler.Saproximitém’inspiraitsérénitéetconfiance.Quandj’eus
terminémonrécit,ilmedemanda:—Pourquoin’as-tupasessayédefuiroudecrier ?—Parcequ’ilavaitunflingue.Uneombrederagepassadanssonregard.Aussitôt, ilrepritunemècheentresesdoigts.Puisil
meregardadroitdanslesyeux.—Jeveuxquetusachesquejen’aijamaiseul’intentiondeparticiperaucassedecesoir,même
lorsquetum’asditquejen’étaisbonqu’àça.Unevaguederemordsmetraversa.—Jenelepensaispas,jevoulaisseulementt’éloignerdemoi.—Jesais.Maiscommentas-tupucroirelesparolesdemonfrèreplutôtquelesmiennes?Jehaussailesépaules.—Vousavezvécudeschosesdifficiles,vousêtes liés, c’est évidentqu’il te connaîtmieuxque
personne.—Ilneconnaîtdemoiquelapartiequil’intéresse.Etjenesuispasmonfrère.Jesaisàquelpoint,
ilpeutêtremanipulateuretégoïste.C’estd’ailleurssansdouteluiquiadérobémesclés,commeiladûmesuivrepoursavoiroùtuhabitais.Ladifférenceentreluietmoi,c’estquejen’ai jamaisprisplaisiràcommettrecesdélits.Tuasétéledéclic,Loren.Maismêmesans teconnaître, j’aurais finipararrêtercesconneries.
Mathiasfixamaboucheetcaressameslèvresduboutdesdoigts.—Cela fait une semaine que tu passes avantmon frère, et tu n’as aucun souci à te faire, cela
continueraainsi.—Commentpuis-jeenêtresûre?—Parcequetuesdevenuemapriorité,Loren.Etpersonnenechangeraça,pasmêmetoi.Àcesmots,jemedétendis.Ilcontinua.— Jeudi soir, je voulais t’annoncer quemon patron est content demoi, et il se pourrait qu’il
m’embauchedéfinitivementàlafindemonstage.Jeluisouris,j’étaisheureusepourlui,etfièrequ’ilsedonnelesmoyensderéussir.Pourtant,un
dernierpointrestaitsansréponse.—J’aitéléphonéàtonavocat.Ilm’aditqu’iln’avaitjamaisétéquestiond’unequelconqueaidede
tapartmeconcernant.Pourquoias-tuinventéça?Mathiasfermalesyeuxetaccusalecoup.Puisillesouvritetaffrontamonregardsuspicieux.
—Jesuisvraimentdésolé.C’estleseulmoyenquej’aitrouvépourresterencontactavectoi.—Tuasmisaupointcestratagèmepourmevenirenaideettedéculpabiliser?—C’estcequej’aivoulucroireaudébut.Maisj’aivitecomprisquej’étaiséperdumentamoureux
detoi,moncœur.Etilétaitinenvisageablepourmoideneplusterevoir.Mathiaslevasonindexetfermamamâchoireinférieured’unepetitepoussée.—Tun’espasobligéederépondrequoiquecesoit,dit-ilensouriant.J’aimeraisjustesavoirsitu
comptesm’offrirunesecondechance.—Biensûr,maistonfrère...— On s’occupera de ça quand le moment sera venu. Pour l’instant, j’aimerais accompagner
mademoiselleClarkeàsapremièreexposition.J’avaisdevantmoiunhommeattentionné,intelligent,etvisiblementamoureux.Bon,ilétaitbeau
gosse,maiscen’étaitpasdesafaute,aprèstout.Unedemi-heureplustard,jeréapparusdanslesalon,vêtued’unerobedesoiréenoiredécolletée
dansledosetd’escarpinsàtalonshauts.Mathiasclignadesyeuxetinspiradifficilement.—Dis-moiqu’onaencoreunedemi-heuredevantnous,supplia-t-il.—J’aimerais,maiscen’estpaslecas.—Enroute,grogna-t-ilenmetendantmonmanteau.Durantletrajet,ilnecessadeglissersamainsousmarobepourvérifierquemesbasétaientbien
enplace.Mestableauxcouvraienttoutunpandelagalerie.Leshuit toilesétaientbienlà,maisleprixde
deuxd’entreellesavaitétérecouvertd’unpapierargenté.—Avant que je saute de joie comme une hystérique, dis-moi ce que signifie ce petit coupon
argenté,demandai-jeàMathias.—Deuxdetestoilessontdéjàvendues.Etiln’estquevingtheurestrente.Félicitations,mabelle,
déclara-t-ilenmetendantunecoupedeVeuveClicquot.Rogernousaccueillitchaleureusement.—Vousêtesabsolumentsplendide,Loren,déclara-t-ilenmeserrantpolimentlamain.Puis il se tournaversMathias et lui donnaune forte accolade,m’évoquant brièvement l’image
d’unpèreserrantsonfilsdanssesbras.**
MATHIASLorenmepresselamain.— Il faut vraiment que j’aille aux toilettes pour évacuer les deux verres de ce fabuleux truc à
bulles.Elleestresplendissante.Jelaregardes’éloignertandisqu’ellemefaitdond’unpetitdéhanchéqui
affolemespulsions.J’aiune irrésistibleenviede lasuivre,mais jem’efforcede lui laisserunpeud’espace.
— Je suis heureux de te savoir en si bonne compagnie, déclare Roger que je n’avais pas vuarriver.Vousformezuntrèsbeaucouple.
—Merci.—Qu’est-cequitetracasse,Mathias?Paslapeinedenier,Rogerlitenmoicommedansunlivreouvert.—Desproblèmesavecmonfrère.Ilestallétroploincettefois-ci.—Lesennuisqueturencontresavectonfrèrenedatentpasd’hier.Ilseraittempsquetuymettes
un terme une fois pour toutes. Tu es quelqu’un de bien, Mathias, tu mérites de t’en sortir.Malheureusement,cen’estpaslecasdetoutlemonde,ettun’ychangerasrien.—Oui.J’aicomprisçarécemment.—Trèsbien.Etnelaissepascettejeunefillet’échapper.—Jen’enaipasl’intention.Justement,celafaitbiencinqminutesqu’elleestauxtoilettesmaintenant,etjouerlemecdétaché
n’estfinalementpaspourmoi.Jetraverselasalleetmeretrouvedevantlaportebattantequidesserreleslavabosettoilettespourdame.
Unevoixd’hommemeparvient,quej’identifieaussitôt.Jepousselebattant,essayantdecontenirlafureurquim’emporte.Lorenestaufonddelapièce,tremblanteetapeurée,maisellevabien.Yannseretourne,levisagesaisiparlacolère.—Commentpeux-tumelaissertomber,moiquit’aitoujoursprotégé?JetendsunbrasversLoren.—Viensici,moncœur.Toutdesuite.ElleseplaquecontremoietjemetourneversYannpourluirépondre.—Tunem’asjamaisprotégé.Tum’astoujoursenvoyéfairetonsaleboulotsanstesoucierdes
conséquences.C’estmoiquit’aitoujourscouvert.Etjeneleferaiplus.—Tunedispasçasérieusement.Jeteconnais,Mathias…—Non,c’estfaux!Tun’asjamaisapprisàmeconnaîtreniàsavoircequejevoulaisvraiment.Et
tuasmenacémapetiteamie.Nemedemandeplusriendésormaisparcequelaréponseseranon.LamâchoiredeYannestprisedespasmes.Ilavance,mefusillantduregard,etdésigneLorendu
doigt.—J’auraismieuxfaitdenepasloupercettepute,ilyahuitmois!Le coup est parti… sans que je comprenne comment. C’est ce que j’ai constamment répété aux
policiersdurantl’interrogatoire.Un animal sauvage vient de prendre possession demon corps et se jette surmon frère. Yann
croulesouslescoups,impuissant,alorsqu’unhurlementmereconnecteàlaréalité.C’est Loren qui me supplie d’arrêter. Je stoppe mes gestes et plonge dans ses yeux. Sa seule
présencemerappellequecetenfoirén’envautpaslapeine.Yanneststupéfait.Ilréalisequ’ilestloindefairelepoidscontremoi.Levantlesbras,ilcapitule.—Maintenant,relève-toi,luidis-je.Ilseredresse.—Jeneveuxplusjamaisquetut’approchesd’elle.Etjeneveuxplusêtreaucourantdetesplans.
Disquetuascompris.—Oui.J…j’aicompris,dit-ilenhochantlatêteavantdes’enfuirparlaportebattante.Je reporte toute mon attention sur Loren, dont le visage est empli d’inquiétude. Elle pose ses
mainsfraîchessurmonvisage.—Mathias¿Est-cequetuvasbien?Mieuxquebien.Unsourireétiremeslèvresetjemurmure,croyantàpeineàmespropresmots.—Cen’étaitpasmoi.Celaveutdireque jene t’ai jamaisfaitsouffrir.Celaveutdireque j’ai le
droitdet’aimer.Bordel!Situsavaiscommejet’aime!Ellevadirequelquechose,maisjel’enempêcheenmejetantsurseslèvres.De retour dans la salle, je ne la lâche plus d’une semelle. Une fille blonde qui ressemble à un
ressortsurpattessejettesurelleenl’enlaçant.—Loren!Félicitations!
Lorsqu’ellem’aperçoit,elles’immobilise.—Millie,fermelabouche,tuvasbaver,ditLoren.JeteprésenteMathias.Millieplisselespaupières.—Oui,biensûr,leBourreau.Salut,répond-elle,froidement.—Non,répondLoren,iln’estpasleBourreaufinalement,justeMathias.Jet’expliquerai.Mathias,
jeteprésenteMillie,mameilleureamie.Et…Alex,c’estça?Le jeune homme qui accompagne Millie acquiesce du menton et me serre la main. Loren se
pencheàmonoreille.— Tu n’as pas besoin de retenir son prénom. Les petits copains de Millie ont une date de
péremptionrelativementcourte.**
LOREN—Félicitations,Loren.Dansmacuisine,Mathiasfittintermonverrecontrelesienetmesoulevapourmedéposersurle
plandetravail.—Est-cequetuasl’intentiondemerendreivre?demandai-jeenprenantunegorgée.—J’avouequeçanemedéplairaitpas.Maispourcesoir, jepréfèreque tu restesconscientede
toutcequejevaistefaire.—Est-cequetuvasenfinmeretirercesbasquetunecessesdetripoter?—Oh,non,moncœur,tun’yespasdutout.C’estmêmelaseulechosequejevaistelaisser.Il posa son verre et entreprit de retirer mes escarpins, puis ma robe. Mes sous-vêtements ne
tardèrentpasàrejoindreletasd’habitsquis’accumulaitausol.Mathiasembrassa toutmoncorps, sans s’attarderdavantagesurmonépaule,contrairementaux
autresfois.Laculpabilitél’avaitdéserté,etlessoinsqu’ilmeprodiguan’enfurentquemeilleurs.Avec une habileté hors pair, il s’appropria chaque centimètre carré de mon corps, mêlant une
dextéritésanségal,uneboucheintrusive,etcequej’identifiaicommeétantledosd’unepetitecuiller.Deuxorgasmesplustard,ilm’aidaàdescendreduplandetravailetmefitpivoter.Desescaressesaudacieuses,ilsubjuguamapeau,puiss’enfonçarésolumentenmoietmeposséda
avecpassion,jusqu’àcequenoscorpsdéferlentenundélicieuxtorrentdevolupté.Je le laissai enfin m’emporter sous la couette, satisfaite et épuisée. Lorsqu’il se pencha pour
m’embrasser,jel’arrêtaid’undoigtsurseslèvres.Lesentimentquim’habitaitétaitbienplusdifficileàexprimerque lepardon,mais la sensation
n’étaitquedouceureteuphorie.—Jet’aimeMathias,murmurai-je.Touteassurancel’abandonnaetilmedévisageauninstant,cherchantàcanaliserleflotd’émotions
quilepercutait.Ilfinitparmedécocherunsourireéblouissantavantdes’emparerdenouveaudemeslèvres.
Troismoisplustard...
LOREN—Vospapiersd’identité,s’ilvousplaît.J’ouvrismonsacàmainettendismacarted’identitéàlasecrétaire.Mathiasfitdemême.—Bien.Vouspouvezpassersousleportiquede...—Çava,onconnaît.Dans la salle commune, Yann nous attendait à la table du fond. Il m’adressa un signe de tête
courtoisetdétournarapidementlesyeux,craignantlesreprésaillesdeMathias.Suiteàuncasse,lapolicel’avaitincarcéré,puisavaitretrouvéchezluidesobjetsdéclarésvolés
depuisplusieursmois,cequiavaitconsidérablementalourdisapeine.Mathias,quiavaitemménagéchezmoiplusdedeuxmoisauparavant,n’avaitpasétéinculpédanscetteaffaire.
—Commentvas-tu?s’enquitMathias.—Pasterrible.Cetabrutidegardienenaaprèsmoi.—Adresse-toiplutôtaubrunmoustachu,ilestsympa.Yannregardasonfrèreetinspiraprofondément.—Jevoulaisteféliciterpourtoncontratd’embauche.Jeregrettedenepasavoirréellementétélà
pourtoilorsqu’illefallait.J’espèreseulementquetuesheureux.Mathiasm’enserralataillepourm’attirerencoreplusprèsdelui.—Jelesuis.Maistusaisqu’ilmefaudradutempspourtepardonnerettefaireconfiance.Yannacquiesçahumblementetsetournaversmoi.—Etjevoulaism’excuserauprèsdetoi,Loren,pour...—Laissetomber,lecleptomane,lecoupdesexcuses,jeconnais.Toutcequejesouhaite,c’estque
tun’impliquesplusMathiasdanstesactivitésdouteuses.Lereste,jeneveuxplusenentendreparler.Bon, c’est sûr, j’aurais préféré avoir un beau-frère chocolatier, ou même confiseur, mais on nechoisitpassafamille.
Ilm’adressaunsouriretimide.Legardienl’appela.ChaquefoisquenousrendionsvisiteàYann,jemefaisaisdusoucipourMathias.Biensûr,Yann
méritaitamplementdemoisiricideuxoutroissiècles,maisilétaitsonfrère,saseulefamille,etcelaétaitcertainementpéniblepourluidelevoirdansdetellesconditions.
Danslavoiture,jeposaimatêtecontresonépaule.—Commentvas-tu?luidemandai-je.—Cessedet’inquiéter,jevaisbien.Jesuislàoùjedoisêtre,etmonfrèreestlàoùildoitêtre.Et
MillienousattendauCloverPub,avec...euh...bref,ellenousattend.Ildémarraetposasamainsurmongenou.—J’aiquelquechosepourtoi,dit-ilensouriantmystérieusement,maisilfaudraquetupatientes
jusqu’àcesoir.Je fis semblant de n’avoir pas remarqué l’écrin à bijoux dans sa poche et me contentai de lui
rendresonsourire.Toutenotreactualitéentempsréel:
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