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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 3 - mars 2014 62 62 dossier d d d d do o do d d d d d d d d d d d d ss ss ss s ss s s ss s s s i i ie ie ie i ie e r r r Diabète : complications à ne pas oublier ! points forts Highlights » La parodontite chronique et le diabète sont 2 maladies chroniques généralement peu douloureuses, qui peuvent demeurer silencieuses jusqu’à un stade d’évolution avancé. » Le fardeau que représente la parodontite chronique n’est pas négligeable et peut influencer les modalités de prise en charge du diabète. » Il est important de comprendre les personnes atteintes de parodontite chronique pour leur fournir des informations pertinentes et rassurantes et les guider au mieux dans le parcours de soins. » Le médecin peut participer à la démarche diagnostique de la parodontite ; il a aussi un rôle important à jouer dans la prévention et le traitement de la parodontite chronique. » Les 2 maladies présentent de nombreuses similitudes, qui peuvent être mises à profit pour réduire leur nocivité et désagrément respectifs. Mots-clés : Parodontite chronique – Diabète – Approche centrée sur la personne. Chronic periodontitis and diabetes are generally painless and therefore can go unnoticed and untreated, until the conditions reach an advanced stage. The burden of chronic periodontitis is not negligible and can influence the treatment of diabetes. It is important to understand people with chronic periodontitis in order to give them relevant and reassuring information. The physician may participate in the diagnostic process of chronic periodontitis and also has an important role to play in its prevention and treatment. The management of the two diseases has many similarities, thus the cooperation between the doctor and the dentist would be synergistic. Keywords: Chronic periodontitis – Diabetes – Person-centred approach. L a parodontite chronique et le diabète sont 2 mala- dies dont la prévalence est croissante. Elles sont généralement peu douloureuses et peuvent demeurer silencieuses jusqu’à un stade d’évolution avancé. Le lien entre ces 2 maladies est fréquemment schématisé par une relation bidirectionnelle : d’un côté, la parodontite chronique figure parmi les complications possibles du diabète (1), de l’autre, la parodontite chro- nique pourrait aggraver le diabète (de type 1 ou 2) en compliquant le contrôle glycémique (2). La prise en charge de la parodontite chronique ne se limite pas au champ d’activité du dentiste : le médecin joue un rôle important dans la prévention et le traitement de la maladie. Son implication va au-delà de la simple délivrance de messages de prévention buccodentaire et de l’encouragement à la consultation chez le den- tiste. En effet, le médecin qui coordonne l’ensemble des soins doit se montrer concerné et impliqué dans cette maladie parfois “oubliée”, mais aux répercussions non négligeables pour la personne qui en est atteinte. L’écoute du patient et la compréhension des enjeux du traitement parodontal, avec ses risques et ses bénéfices potentiels, fait partie de la prise en charge globale des patients diabétiques. Ainsi, pour les médecins, l’accompagnement des patients atteints de diabète nécessite de : connaître le processus pathologique et le traitement de la parodontite chronique ; Parodontite chronique et diabète : nécessité d’une approche centrée sur la personne Chronic periodontitis and diabetes: the need for a person-centred approach Jean-Noël Vergnes* , **, Nareg Apelian** * UFR d’odontologie, CHU de Toulouse. ** McGill University, Faculty of Dentistry, Division of Oral Health and Society, Montréal, Québec, Canada.

Parodontite chronique et diabète : nécessité d’une approche centrée sur la … · La prise en charge de la parodontite chronique ne se limite pas au champ d’activité du dentiste

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 3 - mars 20146262

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» La parodontite chronique et le diabète sont 2 maladies chroniques généralement peu douloureuses, qui peuvent demeurer silencieuses jusqu’à un stade d’évolution avancé.

» Le fardeau que représente la parodontite chronique n’est pas négligeable et peut infl uencer les modalités de prise en charge du diabète.

» Il est important de comprendre les personnes atteintes de parodontite chronique pour leur fournir des informations pertinentes et rassurantes et les guider au mieux dans le parcours de soins.

» Le médecin peut participer à la démarche diagnostique de la parodontite ; il a aussi un rôle important à jouer dans la prévention et le traitement de la parodontite chronique.

» Les 2 maladies présentent de nombreuses similitudes, qui peuvent être mises à profi t pour réduire leur nocivité et désagrément respectifs.

Mots-clés : Parodontite chronique – Diabète – Approche centrée sur la personne.

Chronic periodontitis and diabetes are generally painless and therefore can go unnoticed and untreated, until the conditions reach an advanced stage.

The burden of chronic periodontitis is not negligible and can infl uence the treatment of diabetes.

It is important to understand people with chronic periodontitis in order to give them relevant and reassuring information.

The physician may participate in the diagnostic process of chronic periodontitis and also has an important role to play in its prevention and treatment.

The management of the two diseases has many similarities, thus the cooperation between the doctor and the dentist would be synergistic.

Keywords: Chronic periodontitis – Diabetes – Person-centred approach.

L a parodontite chronique et le diabète sont 2 mala-dies dont la prévalence est croissante. Elles sont généralement peu douloureuses et peuvent

demeurer silencieuses jusqu’à un stade d’évolution avancé. Le lien entre ces 2 maladies est fréquemment schématisé par une relation bidirectionnelle : d’un côté, la parodontite chronique fi gure parmi les complications possibles du diabète (1), de l’autre, la parodontite chro-nique pourrait aggraver le diabète (de type 1 ou 2) en compliquant le contrôle glycémique (2).La prise en charge de la parodontite chronique ne se limite pas au champ d’activité du dentiste : le médecin joue un rôle important dans la prévention et le traitement de la maladie. Son implication va au-delà de la simple

délivrance de messages de prévention buccodentaire et de l’encouragement à la consultation chez le den-tiste. En eff et, le médecin qui coordonne l’ensemble des soins doit se montrer concerné et impliqué dans cette maladie parfois “oubliée”, mais aux répercussions non négligeables pour la personne qui en est atteinte. L’écoute du patient et la compréhension des enjeux du traitement parodontal, avec ses risques et ses bénéfi ces potentiels, fait partie de la prise en charge globale des patients diabétiques.Ainsi, pour les médecins, l’accompagnement des patients atteints de diabète nécessite de :

✓ connaître le processus pathologique et le traitement de la parodontite chronique ;

Parodontite chronique et diabète : nécessité d’une approche centrée sur la personneChronic periodontitis and diabetes: the need for a person-centred approachJean-Noël Vergnes*,**, Nareg Apelian**

* UFR d’odontologie, CHU de Toulouse.

** McGill University, Faculty of Dentistry, Division of Oral

Health and Society, Montréal, Québec, Canada.

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Parodontite chronique et diabète : nécessité d’une approche centrée sur la personne

✓ comprendre les personnes atteintes de parodontite chronique.Ces 2 formes de connaissance permettent d’établir un dialogue éclairé avec le patient, de donner à ce dernier des informations personnalisées et de l’adresser à des spécialistes, coacteurs d’un suivi coordonné.L’objectif de cet article est de sensibiliser les médecins à l’importance de leur rôle dans l’accompagnement des patients diabétiques à risque de parodontite chronique.

Connaître la parodontite chronique

La parodontite chronique est une maladie infectieuse chronique à composante infl ammatoire. Elle se mani-feste par une réponse immunitaire inadaptée de l’hôte par rapport au biofi lm de la plaque dentaire (3). La réaction immunitaire induit la destruction des tissus parodontaux. Outre la prédisposition génétique, les principaux facteurs de risque sont le tabac, le stress, une hygiène buccodentaire défavorable et certaines maladies systémiques, dont le diabète. Non traitée, la parodontite chronique mène progressivement à la perte des dents (perte osseuse moyenne est estimée entre 0,05 et 0,3 mm/an) [4]. De fait, elle constitue la deuxième cause d’édentement après la carie dans les populations contemporaines (5).

DiagnosticLe médecin peut participer à la démarche diagnostique de la parodontite, car l’état de santé buccodentaire peut être évoqué durant la consultation. Le patient peut en eff et exprimer diff érents signes d’alerte tels que :

✓ des dents qui sont déjà tombées alors qu’elles étaient “intactes” (sans carie) ;

✓ des dents qui bougent (souvent les incisives man-dibulaires) ;

✓ des dents qui se “déchaussent”, paraissent plus longues ou se déplacent ;

✓ des espaces (“trous”) qui apparaissent entre les dents ;

✓ des gencives qui saignent (en mangeant une pomme, en se brossant les dents ou spontanément).N’importe lequel de ces messages est suffi sant pour proposer au patient une consultation chez un den-tiste partenaire, en veillant à adapter son discours aux attentes, craintes et préoccupations du patient. Rassurer ce dernier vis-à-vis des soins dentaires est une étape importante de la prise en charge globale.Au cabinet dentaire, le diagnostic positif de parodontite chronique repose sur un examen clinique appelé “bilan parodontal”. Il consiste à mesurer autour de chaque

dent la profondeur des poches parodontales (distance entre le bord de la gencive marginale et le fond de l’attache épithéliale) et la profondeur des récessions parodontales, et à relever la présence de saignements lors du sondage parodontal (fi gure). Ce bilan permet de déterminer l’étendue de la parodontite (propor-tion de dents concernées par des pertes d’attache), sa sévérité (valeurs moyennes des pertes d’attache) et son activité (proportion de sites saignants lors du sondage). Ce bilan s’accompagne d’une anamnèse et, éventuellement, d’examens complémentaires (radio-logique et/ou microbiologique). Enfi n, il est fréquent que la perte d’attache soit trop avancée pour conserver certaines dents : les dents dont le pronostic est réservé sont répertoriées à l’issue de ce bilan.

TraitementLe médecin a aussi un rôle important à jouer dans la prévention et le traitement de la parodontite chronique. Il peut relayer les messages généraux de prévention et d’hygiène buccodentaire (utilisation de brosses à dents à poils souples, de brossettes interdentaires ou de fi l dentaire, brossage après les repas).

Figure. Extrait d’un bilan parodontal (faces vestibulaires de 2 molaires maxillaires, les mêmes mesures sont eff ectuées sur les faces palatines et sur toutes les autres dents). On constate la présence de poches parodontales profondes de 4 à 5 mm (notées en rouge). On parle de “poche parodontale” (barres jaunes et rouges) à partir de 4 mm de profondeur entre le bord gingival (ligne noire) et l’attache épithéliale (ligne rouge). Noter la présence d’une récession gingivale – “déchaussement” (barre bleue) de 2 mm. Noter aussi la présence de 2 saignements au sondage (losanges rouges), signes d’infl ammation active au niveau de ces sites.

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Diabète : complications

à ne pas oublier !

La diminution de certains facteurs de risque communs au diabète et à la parodontite constitue une autre voie intéressante : information sur les dangers du grignotage, incitation et accompagnement au sevrage tabagique, encouragement à la souscription d’un régime de cou-verture sociale.Enfi n, le médecin participe à l’organisation des soins parodontaux en informant le dentiste de certaines caractéristiques médicales du patient. Mentionnons notamment les taux d’HbA1c, qui constituent un important paramètre dans les modalités de traitement (chirurgie ou non, antibiothérapie associée ou non, périodicité de la maintenance parodontale). Sur le plan des soins proprement dits, il n’existe pas de traitement permettant de reconstituer ad integrum les tissus parodontaux perdus. Le traitement vise à inter-rompre la destruction des tissus parodontaux et, dans une moindre mesure, à regagner de l’attache parodon-tale. Aucun traitement de la parodontite chronique n’est défi nitif, si bien qu’une maintenance parodontale est nécessaire pour stabiliser les résultats obtenus. L’arsenal thérapeutique actuellement à disposition comprend plusieurs procédures (6) :

✓ instructions d’hygiène buccodentaire (prescription de bains de bouche antiseptiques postopératoires, gels ou dentifrices antiseptiques, brossettes interdentaires, fi l dentaire, gratte-langue, etc.) ;

✓ séances de formation ou de soutien pour améliorer l’autoassistance ou l’autosensibilisation à l’hygiène buccodentaire ;

✓ débridement non chirurgical (manuel ou ultra-sonique), détartrage, curetage sous-gingival ;

✓ chirurgie parodontale (à lambeau) ou gingivectomie ; ✓ antibiothérapie, locale ou par voie systémique ; ✓ autres procédures adjuvantes (telles que le traite-

ment photodynamique, les thérapies par modulation de l’hôte [doxycycline à faible dose] ou les probiotiques) [3].L’extraction des dents atteintes de parodontite termi-nale n’est pas une modalité de traitement parodontal en soi, mais constitue la première étape de la réhabilitation buccale globale.Le dentiste et le patient décident ensemble des moda-lités de traitement les mieux adaptées à la situation clinique. La réponse au traitement parodontal varie selon les individus, mais certaines parodontites, dites réfractaires, ne répondent pas au traitement.

Lien entre parodontite chronique et diabèteIl semble que les maladies parodontales soient plus fré-quentes et plus sévères chez les personnes diabétiques que chez les non diabétiques (7). De nombreuses hypo-thèses physiopathologiques ont été proposées pour

expliquer ces observations (7). Inversement, l’impact de la parodontite chronique sur le diabète est moins clair ; certaines hypothèses ont été avancées, notamment le rôle de l’infl ammation parodontale sur la résistance à l’insuline selon un mécanisme comparable à celui de l’obésité (7).L’eff et potentiel du traitement parodontal sur le contrôle glycémique des sujets diabétiques est un sujet d’actua-lité. Des revues systématiques concluent à une diminu-tion – légère mais signifi cative – des taux d’HbA1c chez les personnes atteintes de diabète de type 2 qui béné-fi cient d’un traitement parodontal (6, 8). Récemment, toutefois, un large essai clinique randomisé mené sur plusieurs centaines d’individus n’a pas montré d’eff et bénéfi que du débridement non chirurgical sur les taux d’HbA1c (9). Mais la question demeure entière, car il est probable que le traitement parodontal chez les per-sonnes diabétiques nécessite des modalités d’interven-tion particulières encore peu étudiées. D’autres essais cliniques sont en cours, incluant d’autres modalités d’intervention parodontale (10). Il faut néanmoins garder à l’esprit que l’association entre ces 2 maladies est loin d’être systématique : des patients atteints de diabète peuvent ne présenter aucun problème parodontal, et des patients non diabétiques peuvent être atteints de parodontite chronique.

Comprendre les personnes atteintes de parodontite chronique

La parodontite chronique peut influencer la santé générale du patient, sur le plan biologique mais aussi psychosocial. Voici 2 exemples de cas fréquemment rencontrés :

✓ un patient ayant des diffi cultés à mastiquer pourra avoir des difficultés à suivre les conseils hygiéno-diététiques ;

✓ un patient dont la qualité de vie est altérée par des problèmes buccodentaires n’osera pas toujours faire le premier pas pour consulter un dentiste.La compréhension par les professionnels des personnes atteintes de parodontite chronique est essentielle à une information et orientation personnalisés du patient.

Perception des causes de la maladieDe nombreux patients attribuent la parodontite à une négligence passée, induisant chez les personnes atteintes un sentiment de regret ou de culpabilité. D’autres l’attribuent aussi au vieillissement (11), en accordant une importance particulière à l’hérédité et/ouau tabac (11). Les personnes atteintes des formes plus

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Parodontite chronique et diabète : nécessité d’une approche centrée sur la personne

avancées expriment parfois un sentiment de décep-tion vis-à-vis des professionnels de santé, y compris des dentistes, qui ne les auraient pas suffi samment mises en garde et n’auraient pas diagnostiqué assez tôt leur problème (11).

Perception des conséquences de la maladieL’annonce de la maladie suscite fréquemment une réaction de vive surprise et de crainte importante, les patients réalisant qu’ils peuvent perdre toutes leurs dents (11). L’idée de ne plus avoir de dents, ou de devoir porter un appareil dentaire, est une pers-pective souvent douloureuse à vivre (11). D’autres conséquences fréquemment mises en avant par les patients sont : des difficultés pour mastiquer, la sen-sation de mauvaise haleine, une gêne pour sourire et, parfois, des difficultés pour parler, en raison de dents manquantes (11). Toutes ces conséquences sont susceptibles d’agir plus ou moins directement sur le contrôle glycémique. Il arrive que le seul encoura-gement à la visite annuelle chez le dentiste (recom-mandée par la Haute Autorité de santé) ne suffise pas pour que ces patients surmontent leur crainte du dentiste.

Perception du traitementUne fois les explications sur la maladie “digérées”, les personnes atteintes des formes les moins avancées sont assez optimistes pour garder leurs dents à long terme (11). En eff et, l’existence d’un traitement ins-pire de l’espoir et éloigne la menace de l’édentement total (11). De plus, cet espoir est favorisé par le carac-tère non douloureux et non létal de la maladie (11).L’aspect “incurable” de la maladie renforce chez les patients la volonté d’être traités avec respect et non d’être perçus comme des individus coupables de négli-ger leur santé (12). Étant donné les eff orts nécessaires pour assurer la continuité des soins au domicile, les patients désirent être traités comme des adultes res-ponsables (12).Ils expriment aussi leur frustration vis-à-vis du coût du traitement, qui implique un investissement important en termes de temps et d’argent (12). Cet investisse-ment est d’autant plus diffi cile qu’il ne permet pas de retrouver des dents parfaites ; le résultat est souvent décevant sur le plan esthétique (apparition de trous noirs entre les dents). Le fait que le traitement paro-dontal ne soit pas pris en charge par les organismes de Sécurité sociale suscite une incompréhension mar-quée (12) [en France, seul le détartrage est pris en charge par la Sécurité sociale ; le débridement non chirurgical est un acte hors nomenclature].

Perception sur le contrôle de la situation à long termePour les patients, les perspectives à long terme sont mitigées. D’un côté, ils sont souvent convaincus de la nécessité du traitement parodontal afi n de conserver leurs dents, sans choix alternatif possible (12) ; d’un autre côté, ils expriment un sentiment d’anxiété et d’incertitude face à l’avenir. La crainte de ne pas par-venir à contrôler la maladie et de la voir progresser, avec l’apparition de nouveaux problèmes dentaires, induit une certaine forme de résignation. L’apparition de trous noirs entre les dents au cours du traitement est aussi une cause importante de déception, voire de démotivation (12).En phase de parodontite terminale, l’extraction dentaire peut apporter un soulagement : la qualité de vie est améliorée après extraction et remplacement des dents manquantes au moyen d’un appareil dentaire (13).

Perception sur le parcours de soin interdisciplinaireLes patients atteints de diabète souhaitent être informés du risque accru qu’ils encourent de développer une parodontite (14). Ils pensent que leur médecin joue un rôle central quant aux renseignements à fournir sur toutes les complications possibles du diabète, et qu’une meilleure collaboration entre les fournisseurs de soins de santé médicaux et dentaires leur serait grandement bénéfi que (14). De plus, les patients tiennent à ce que les divers professionnels de santé accordent leurs mes-sages pour les aider à accéder aux soins personnalisés dont ils ont besoin (14).

Conclusion

Le fardeau que représente la parodontite chronique n’est pas négligeable et peut influencer la prise en charge du diabète. Les 2 maladies présentent de nom-breuses similitudes qui peuvent être mises à profi t pour réduire leur fardeau respectif. Placer le patient – et non les maladies – au centre de la prise en charge permet-trait de proposer un parcours de soins personnalisé, et, ainsi, répondre aux attentes du malade. L’approche cen-trée sur la personne demande un changement majeur de paradigme médical et nécessite notamment un décloisonnement entre la médecine et l’odontologie. En eff et, certains médecins pensent que leur forma-tion ne les prépare pas suffi samment à la gestion des plaintes dentaires, évoquant un sentiment de désarroi dans certaines situations (14). Par ailleurs, certains s’in-terrogent sur l’implication des dentistes dans la prise en

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Diabète : complications

à ne pas oublier !

charge des patients, ayant l’impression que les cabinets dentaires sont gérés comme de petites entreprises (14). De leur côté, les dentistes sont également conscients de la distance qui les sépare de leurs collègues médecins, se sentant parfois en position d’infériorité par rapport à eux (14). En outre, les spécifi cités de la prise en charge buccodentaire des personnes diabétiques pourraient être davantage mises en œuvre par les professionnels de la santé buccodentaire (15).

Plus généralement, la recherche sur le lien entre la mala-die parodontale et le diabète semble avoir un eff et limité sur l’organisation des soins, et les divisions qui existent entre les professions médicales et dentaires ont un impact négatif sur les soins aux patients (14).Le défi des prochaines années sera certainement de mettre en œuvre et d’évaluer l’approche centrée sur la personne selon la santé physique, psychologique et sociale des patients atteints de maladie chronique. ■

Les auteurs remercient le Pr C. Bedos pour

ses précieux commentaires.

Jean-Noël Vergnes déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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