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Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes Pathology and rehabilitation of the anophthalmic socket S. Morax *, F. Mann, D. Schapiro Fondation A. de Rothschild, service d’ophtalmologie, 25, rue Manin, 75019 Paris, France MOTS CLÉS Énucléation ; Microphtalmie ; Cavité orbitaire ; Prothèse oculaire ; Anophtalmie KEYWORDS Enucleation; Microphtalmia; Cavity; Prosthesis; Anophthalmia Résumé L’appareillage d’une cavité est un acte médical permettant à des patients anophtalmes de reprendre une vie active. Il nécessite une collaboration étroite entre le chirurgien et l’oculariste. Une cavité de bonne qualité doit assurer le bon maintien de la prothèse oculaire. Sa réfection repose sur la restitution d’un bon volume orbitaire, puis sur la prise en charge des pathologies du sac conjonctival. Les anomalies palpébrales sont corrigées en dernier, une fois la prothèse en place. Les épithèses ostéo-intégrées sont utilisées en dernier recours. Ces épithèses permettent d’obtenir un résultat esthétique de très bonne qualité, tout en simplifiant considérablement le geste chirurgical. Devant toute anophtalmie congénitale, la consultation auprès d’un oculariste est une étape indispensable avant d’envisager tout traitement chirurgical. La chirurgie ne sera réservée qu’aux cas de prothèses instables, aux échecs du traitement par conformateur (prothèses expansives, expansion orbitaire par ostéotomies) et au traitement des malpositions palpébrales après pose de la prothèse définitive. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Ocular prosthesis reduces the cosmetic deformity produced by the anophthal- mic orbit. Prosthetic management involves both the ophthalmologist and the ocularist. The conjunctival sac must adequately maintain the ocular prosthesis. When treating the anophthalmic socket, orbital volume deficit should be considered first. Then, the conjunctival sac is treated and eyelid malposition will be restored when the prosthesis is fitted. Osteointegrated implants offer an alternative to conventional surgery, providing a satisfactory aesthetic result with low associated morbidity. For congenital microphthal- mos or anophthalmos, reconstruction of the conjunctival sac using conformers of in- creasing size is advocated first. In case of failure, expander within the orbit or osteotomy expansion may be necessary. Eyelid malposition will be treated when the definitive prosthesis is fitted. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction La cavité est un espace virtuel délimité par le sac conjonctival et dans lequel est placée une prothèse oculaire (Fig. 1). Elle est délimitée en haut et en bas par les culs-de-sac (ou fornix), en avant par la conjonctive palpébrale et en arrière par la conjonc- tive bulbaire. Le sac est en rapport en avant avec les paupières, en arrière avec le contenu orbitaire et latéralement avec le rebord orbitaire. Les pau- pières jouent non seulement un rôle primordial sur * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Morax). EMC-Ophtalmologie 2 (2005) 126–152 www.elsevier.com/locate/emcop 1762-584X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcop.2005.01.001

Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

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Page 1: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Pathology and rehabilitationof the anophthalmic socketS. Morax *, F. Mann, D. SchapiroFondation A. de Rothschild, service d’ophtalmologie, 25, rue Manin, 75019 Paris, France

MOTS CLÉSÉnucléation ;Microphtalmie ;Cavité orbitaire ;Prothèse oculaire ;Anophtalmie

KEYWORDSEnucleation;Microphtalmia;Cavity;Prosthesis;Anophthalmia

Résumé L’appareillage d’une cavité est un acte médical permettant à des patientsanophtalmes de reprendre une vie active. Il nécessite une collaboration étroite entre lechirurgien et l’oculariste. Une cavité de bonne qualité doit assurer le bon maintien de laprothèse oculaire. Sa réfection repose sur la restitution d’un bon volume orbitaire, puissur la prise en charge des pathologies du sac conjonctival. Les anomalies palpébrales sontcorrigées en dernier, une fois la prothèse en place. Les épithèses ostéo-intégrées sontutilisées en dernier recours. Ces épithèses permettent d’obtenir un résultat esthétique detrès bonne qualité, tout en simplifiant considérablement le geste chirurgical. Devanttoute anophtalmie congénitale, la consultation auprès d’un oculariste est une étapeindispensable avant d’envisager tout traitement chirurgical. La chirurgie ne sera réservéequ’aux cas de prothèses instables, aux échecs du traitement par conformateur (prothèsesexpansives, expansion orbitaire par ostéotomies) et au traitement des malpositionspalpébrales après pose de la prothèse définitive.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Ocular prosthesis reduces the cosmetic deformity produced by the anophthal-mic orbit. Prosthetic management involves both the ophthalmologist and the ocularist.The conjunctival sac must adequately maintain the ocular prosthesis. When treating theanophthalmic socket, orbital volume deficit should be considered first. Then, theconjunctival sac is treated and eyelid malposition will be restored when the prosthesis isfitted. Osteointegrated implants offer an alternative to conventional surgery, providing asatisfactory aesthetic result with low associated morbidity. For congenital microphthal-mos or anophthalmos, reconstruction of the conjunctival sac using conformers of in-creasing size is advocated first. In case of failure, expander within the orbit or osteotomyexpansion may be necessary. Eyelid malposition will be treated when the definitiveprosthesis is fitted.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La cavité est un espace virtuel délimité par le sacconjonctival et dans lequel est placée une prothèse

oculaire (Fig. 1). Elle est délimitée en haut et enbas par les culs-de-sac (ou fornix), en avant par laconjonctive palpébrale et en arrière par la conjonc-tive bulbaire. Le sac est en rapport en avant avecles paupières, en arrière avec le contenu orbitaireet latéralement avec le rebord orbitaire. Les pau-pières jouent non seulement un rôle primordial sur

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Morax).

EMC-Ophtalmologie 2 (2005) 126–152

www.elsevier.com/locate/emcop

1762-584X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcop.2005.01.001

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le plan esthétique, mais elles participent égale-ment au bon maintien de la prothèse en l’appli-quant fermement contre l’orbite. Le contenu orbi-taire sert de support à la prothèse. Il peut êtreconstitué d’un globe oculaire microphtalme, d’unbiomatériau (bille habillée) ou d’un tissu autologue(greffe dermograisseuse, lambeau de muscle tem-poral...).4

Une prothèse oculaire est portée à visée esthéti-que et fonctionnelle (prévention de la rétraction dusac conjonctival dans les anophtalmies acquises,stimulation de la croissance orbitopalpébrale dansles anophtalmies congénitales). Elle est maintenueen place par la profondeur des culs-de-sac, le vo-lume orbitaire qui la sous-tend et la pression despaupières.Une prothèse oculaire bien adaptée est une pro-

thèse stable, centrée, mobile dans toutes les posi-tions du regard, bien tolérée et donnant un résultatcosmétique satisfaisant.

Anophtalmies acquises

Classification, physiopathologie et principeschirurgicaux

L’éviscération et l’énucléation sont deux techni-ques chirurgicales qui ont peu évoluées depuis l’in-troduction des implants biocolonisables dans lesannées 1980. Les suites postopératoires restentmarquées par un certain nombre de complicationset de perturbations anatomiques.

Exposition de la bille (Fig. 2A)Il s’agit d’une des complications les plus fréquentesaprès implantation intraténonienne. Elle peutconduire à l’extrusion de la bille. Le taux d’exposi-tion de bille est compris entre 0 et 22 % pour lesimplants en hydroxyapatite.23 Les expositions de

bille surviennent généralement précocement entre2 et 8 semaines après implantation.25 Les facteursde risque d’exposition de bille sont de trois ordres :

• iatrogènes : l’implantation d’une bille non ha-billée ou la fermeture sous tension du plan téno-nien et conjonctival. L’habillage de la bille doitêtre systématique de préférence au moyen d’unmatériau autologue ;

• infectieux : devant toute exposition, il faut pen-ser à rechercher une infection qui non seule-ment est un facteur de risque d’exposition debille, mais contre-indique le recours aux greffespour combler le déficit ;

• liés à l’implant : implantation d’une bille detrop grande taille, irritations mécaniques liées àla surface rugueuse des implants poreux (ayantpoussé certaines sociétés à commercialiser desbilles pourvues d’une surface antérieure lisse),retard de prolifération vasculaire au sein del’implant compromettant la vascularisationconjonctivale.

Syndrome de l’énucléé (Fig. 3A,B)Il a été décrit pour la première fois en 1982 parTyers et Collin.56 Ce syndrome se définit par uneénophtalmie, une dépression du creux sus-tarsal,un ptôsis et une malposition de la paupière infé-

Figure 1 Rapports anatomiques du sac conjonctival (en rouge)(F. Mann).

Figure 2 Pathologies du sac conjonctival. A. Exposition de bille.B. Rétraction sévère du sac conjonctival.

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rieure. Le remplacement d’un globe oculaire de7 ml par une bille de 5 ml (afin de glisser uneprothèse de 2 ml dans le sac conjonctival) entraîneun déficit du volume orbitaire. Le tissu adipeuxcontient en outre un réseau de septa fibreux for-mant un véritable appareil suspenseur du contenuorbitaire. Ces fascias sont endommagés au cours del’énucléation.8,11 La graisse orbitaire, quant à elle,ne s’atrophie pas, mais au contraire tend à aug-menter de volume.29 Le déficit de volume associé àune modification architecturale du tissu adipeux vacontribuer à la bascule du contenu orbitaire en baset en arrière52,53 (Fig. 4A,B). Le syndrome de l’énu-cléé s’accentue lorsque l’énucléation ou l’éviscéra-tion surviennent dans un contexte traumatique,infectieux ou après irradiation.L’ordre d’indication des procédures chirurgica-

les impose avant tout de traiter une éventuelleénophtalmie. Une fois le déficit de volume comblé,le deuxième temps consiste à traiter le creux sus-palpébral. Les malpositions palpébrales sont corri-gées en dernier.

Syndrome de rétraction du sacconjonctival (Fig. 2B)La rétraction du sac conjonctival est une complica-tion fréquemment rencontrée après énucléation ouéviscération. Elle peut nécessiter des interventionsitératives. Près de 25 % des patients développentune rétraction dans l’année suivant une énucléa-tion.26 Les patients doivent donc être avertis durisque de reprise chirurgicale, d’autant plus qu’ilexiste des facteurs de risque de rétraction.Sa physiopathologie est incomplètement connue.

Il a longtemps été admis que l’hypovascularisationobservée par thermographie après énucléationétait le principal facteur responsable de la rétrac-tion du sac conjonctival. Cette théorie vasculaire aété repoussée par Kronish en 1990 après l’étudeartériographique et l’étude du flux sanguin de l’or-bite au moyen de microsphères radioactives.30 Plu-sieurs études suggèrent que le syndrome de rétrac-tion du sac conjonctival est lié à un processuscicatriciel exacerbé.24,29 Certains facteurs sont as-sociés à un risque accru de rétraction :

• terrain : l’âge (les patients jeunes risquent da-vantage de développer une rétraction des culs-de-sac conjonctivaux) ;

• facteurs locaux : l’existence d’un important dé-ficit du contenu orbitaire, les irritations chroni-

Figure 3 Syndrome de l’énucléé (énophtalmie, creux sus-tarsal,bascule de la prothèse).

Figure 4 Physiopathologie du syndrome de l’énucléé. A. Implantde bonne taille. B. Implantation d’une bille de volume insuffi-sant responsable de la bascule du contenu orbitaire (flècherouge), entraînant un déplacement de la prothèse, une accen-tuation du creux palpébral supérieur et une malposition de lapaupière inférieure (flèches bleues) (F. Mann).

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ques liées à une prothèse mal adaptée, les in-fections chroniques non traitées, l’absence deport de prothèse ;

• facteurs généraux : les traumatismes conjoncti-vaux et les brûlures d’origine chimique ou radi-que.Il existe plusieurs classifications mais en prati-

que, nous distinguons quatre degrés de rétraction :• les rétractions minimes, définies par un raccour-cissement vertical du cul-de-sac inférieur, pou-vant entraîner un entropion ;

• les rétractions modérées, se caractérisant parun comblement des culs-de-sac empêchant lamise en place de la prothèse ;

• les rétractions sévères, correspondant à un rac-courcissement horizontal de la fente palpébraleavec comblement des culs-de-sac ;

• les rétractions associées à un déficit du volumeorbitaire.Le traitement de la rétraction repose sur une

chirurgie d’expansion du sac conjonctival qui faitappel à des greffes muqueuses ou cutanées.

Anophtalmies acquises associées àdes mutilations palpébrales post-traumatiquesou postradiquesLes mutilations des paupières peuvent compromet-tre le port de la prothèse qui ne possède plus desupport antérieur suffisant. Leurs traitements re-posent sur les principes classiques de reconstruc-tion palpébrale (reconstruction des lamelles anté-rieure et postérieure).

Cavités après exentérationL’exentération consiste à exciser le globe oculaireavec le reste du contenu orbitaire. Il s’agit d’ungeste très mutilant constituant le seul moyen detraiter certains cancers invasifs. On distingue troistypes d’exentération :

• l’exentération avec conservation des paupièresconsiste à exciser la totalité du contenu orbi-taire dans son sac périosté en laissant en placeles paupières ;

• l’exentération totale consiste à retirer la tota-lité du contenu orbitaire en emportant les pau-pières ;

• l’exentération élargie consiste en une exentéra-tion totale étendue à l’orbite osseuse et à seséléments de voisinage.

Le choix de la technique de reconstruction doitreposer sur des considérations carcinologiques (unecavité est plutôt laissée en cicatrisation dirigéelorsque la tumeur excisée possède un risque élevéde récidive), anatomiques (selon le type d’exenté-ration réalisée et la disponibilité des tissus de com-blement) et esthétiques.

Cavités postradiquesSelon les situations, la radiothérapie est utiliséesoit en complément de la chirurgie, soit à la placede la chirurgie. L’irradiation des tissus normauxs’accompagne de troubles du développement os-seux, responsables d’une dysharmonie faciale, etde phénomènes de rétraction des parties mollesavec amincissement cutané, rétraction fibreuse etaltération de la vascularisation.

Examen clinique

Les rapports étroits unissant le sac conjonctival auxstructures alentour (contenu orbitaire, rebords os-seux et paupières) expliquent leur interdépen-dance. Un examen clinique minutieux, au besoinaidé d’une imagerie, est essentiel pour analyserune cavité dans sa globalité et proposer un traite-ment satisfaisant.L’interrogatoire évalue l’état psychologique et

la qualité de vie du patient, la tolérance de laprothèse et la façon dont elle est entretenue.L’examen de la cavité est réalisé avec, puis sans

prothèse. Les étapes de l’examen clinique sontreprises dans le Tableau 1.L’examen avec prothèse comprend deux temps :

une étude statique qui recherche l’existence d’unedystopie orbitopalpébrale dans les trois plans del’espace et qui apprécie les rapports entre la pro-thèse et les paupières ; une étude dynamique quiévalue la motilité de la prothèse et la qualité del’occlusion palpébrale.L’examen sans prothèse permet d’inspecter la

prothèse, d’étudier la dynamique des paupières, de

Tableau 1 Examen de la cavité et du sac conjonctival.

Examen avec prothèseStatique Dystopie orbitopalpébrale dans les trois

plans de l’espaceRapport prothèse/paupières

Dynamique Paupière supé-rieure

Creux sus-palpébralPtôsis

Paupière infé-rieure

LaxitéDystopie canthaleexterneMalposition de lamarge palpébrale

Motilité de laprothèse

Examen sans prothèseProthèse Volume, régularité, texturePaupières Statique et dynamiqueSac conjonctival Muqueuse

Fond de la cavitéSurface du sac et profondeurÉtat des fornix

Espaces intra- etrétroténoniens

Le moignon, sa taille, sa mobilitéL’implant intraténonien ou sous-périosté

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rechercher des complications du sac conjonctival(exposition de bille, syndrome de rétraction) etd’analyser l’espace intraténonien (présence d’unmoignon, évaluation de sa taille et de sa motilité).

ImagerieLe scanner orbitaire recherche l’existence d’unebille et détermine le cas échéant sa taille et saposition. Il évalue l’état des muscles oculomoteurset la répartition de la graisse orbitaire.Une exposition de bille de plus de 3 mm impose

la réalisation d’une IRM avec injection de gadoli-nium afin d’apprécier l’état de colonisation d’uneéventuelle bille poreuse intraténonienne.

Traitement

Exposition de bille

Plusieurs moyens permettent de prévenir l’exposi-tion de bille : implantation d’un implant de tailleappropriée et habillé d’un matériau autologue, réa-lisation de larges fenêtres de sclérotomie (mettanten contact les muscles droits avec la bille, luiassurant ainsi une bonne vascularisation), fixationdes muscles droits le plus en avant de leur insertionhabituelle afin de diminuer la tension du planconjonctivomullérien, fermeture séparée du planténonien et du plan conjonctival, fabrication parl’oculariste d’une prothèse frottant le moins possi-ble sur la suture conjonctivale. Devant une exposi-tion de bille, la conduite à tenir consiste d’abord àévaluer le degré de déhiscence.Les petites expositions de moins de 3 mm peu-

vent se refermer spontanément. Si la portion anté-rieure de la bille est bien vascularisée, il est licitede réaliser une suture simple.Les expositions supérieures à 3 mm, associées a

fortiori à un défaut de vascularisation de la bille enregard exigent en revanche un geste chirurgical.L’IRM avec injection de gadolinium apprécie l’im-portance de la colonisation fibrovasculaire de l’im-plant27 et oriente vers la stratégie à suivre.Lorsque la bille n’est pas colonisée malgré une

intervention qui remonte à plusieurs mois, elle doitêtre retirée et remplacée par une greffe dermo-graisseuse ou pour certains par une nouvelle billede taille plus adaptée qui sera habillée d’une greffed’aponévrose temporale. En cas de reprise d’uneéviscération, une solution originale consiste à réa-liser une énucléation avec mise à plat sur table etréimplantation d’une nouvelle bille enveloppée parla sclère qui est placée en avant (Fig. 5). Cettetechnique ne se complique pas d’exposition enraison de l’interposition d’un matériel autologue

très épais entre la bille et le plan conjonctivoténo-nien.10

Lorsque la bille est en partie colonisée et qu’ellen’est pas infectée, le recouvrement de la zoneexposée peut être envisagé. Plusieurs techniquessont décrites. On réalise généralement un débride-ment des berges de la déhiscence et un forage de lapartie antérieure de la bille qui n’est pas vascula-risée. Ce geste permet d’améliorer la vascularisa-tion du greffon et de réséquer la surface rugueusede l’implant, source d’irritations mécaniques. Ledéficit est alors comblé par une greffe dermograis-seuse fine, une greffe de muqueuse buccale ou unegreffe de fascia temporalis. La conjonctive est re-fermée sur les berges du greffon. D’autres techni-ques sont décrites. Parmi celles-ci, le lambeauconjonctival bipédiculé et le lambeau müllerien quiont l’avantage d’être accessibles sur le même siteopératoire. Toutefois, ces lambeaux ne permettentde recouvrir que des petites surfaces et risquent derétracter le cul-de-sac supérieur.

Syndrome de l’énucléé

Ce syndrome associe un déficit de volume intraor-bitaire (énophtalmie), une accentuation du creuxsus-tarsal, un ptôsis et une malposition palpébraleinférieure.

Déficit de volumeLe traitement du syndrome de l’énucléé estd’abord le traitement de sa cause, c’est-à-dire dudéficit de volume orbitaire. Plusieurs types de ma-tériaux peuvent être utilisés.

Greffe dermograisseuseElle offre une bonne alternative aux biomatériauxen raison de son faible risque de migration, d’extru-sion ou d’infection. Elle a l’avantage d’apporter duderme qui permet d’approfondir les culs-de-sac, etde la graisse qui vient combler la cavité orbitaire.Après avoir été abandonnées en raison d’un taux derésorption graisseuse imprévisible, les greffes der-mograisseuses se sont réactualisées avec l’appari-tion des biomatériaux et de leur risque d’extrusion.Le greffon doit être prélevé dans une région richeen graisse, de faible pilosité et dans laquelle lacicatrice sera la plus discrète possible. Les deuxprincipaux sites donneurs sont la fesse et la régionpériombilicale. La fesse est toutefois la région deprédilection en raison d’un pannicule adipeux plusépais et de la présence plus abondante de fibrocy-tes et de fibroblastes, rendant théoriquement lepannicule moins propice à la résorption.20 Le sitede prélèvement au niveau de la fesse se situe àdistance du nerf sciatique (dans le quadrant supéro-

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externe) dans la zone la moins visible (le plus baspossible) et portant le moins d’appui possible. Unpannicule de grand volume sera prélevé en raisonde l’atrophie physiologique de la graisse (25 à 30 %les 6 premier mois17). Il convient de prélever unpannicule adipeux d’autant plus volumineux que lacavité risque d’être mal vascularisée (infection,irradiation, brûlure, traumatisme). Le panniculeadipeux est en grande partie résorbé et remplacépar du tissu fibreux, contrairement à la partiedermique qui non seulement n’est pas résorbée,mais aurait tendance à croître.32 L’épiderme estdans un premier temps abrasé afin de prévenirtoute réaction inflammatoire responsable de l’ap-parition de kystes d’inclusion (Fig. 6). Après exé-rèse de l’épiderme, un cylindre dermograisseux estprélevé. La portion graisseuse du greffon est placéedans la cavité orbitaire (Fig. 7). Le derme est suturéà la conjonctive et servira de matrice sur laquellel’épithélium conjonctival pourra proliférer.35 Lesmuscles oculomoteurs et la conjonctive sont sutu-rés au derme. Les suites postopératoires peuvent

être marquées par plusieurs complications : lapousse de poils en raison de la localisation profondede certains follicules pileux dans le derme, la kéra-tinisation qui survient lorsque la désépidermisationa été insuffisante, l’ulcération par mauvaise vascu-larisation du greffon et plus rarement l’infection.Le prélèvement d’une greffe dermograisseuse dansla région périombilicale a l’avantage de réduiretoute tension excessive au niveau des berges lors dela flexion de la hanche et de laisser une cicatricediscrète. Le greffon est prélevé dans la régionsous-ombilicale selon les mêmes modalités quedans la fesse.7

Autogreffes osseusesLes autogreffes sont des matériaux vivants bientolérés par l’organisme. Ils ont l’avantage de ne pasmigrer et de ne pas s’expulser. Mais ils présententdeux principaux inconvénients : le problème lié à ladisponibilité du greffon et la morbidité du sitedonneur (deuxième site opératoire, temps opéra-toire plus long, risque d’hémorragie, d’infection,

Figure 5 Implantation secondaire. A. Reprise d’un œil éviscéré. B.Énucléation : individualisation et section des muscles. Section dunerf optique. C. Ablation de l’implant sur table : ouverture de la coque sclérale, retrait de l’implant (flèche bleue) et remplacementpar une nouvelle bille (flèche rouge). D. Réimplantation de la bille en plaçant la partie non couverte par la coque sclérale en arrière.Amarrage des muscles aux fenêtres sclérales (F. Mann).

131Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

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de douleurs persistantes, durée d’hospitalisationaccrue, manipulation difficile, résorption du gref-fon15,21).Il en existe deux grandes variétés selon que l’os

est d’origine endochondrale ou membranaire. Lesgreffons d’origine endochondrale sont prélevés auniveau de la crête iliaque et des côtes. Les greffonsd’origine membranaire sont prélevés principale-ment au niveau de la voûte crânienne. Ces derniersont l’avantage de se résorber moins rapidementque les greffons d’origine endochondrale, proba-blement en raison d’une revascularisation plus pré-coce.51,58 Les autogreffes sont de moins en moinsutilisées. Leur emploi reste indiqué dans la recons-truction des cavités orbitaires post-traumatiques(risque infectieux accru des biomatériaux lié aucontact avec les sinus).

BiomatériauxIls ont l’avantage de ne pas nécessiter de secondsite opératoire, d’être plus stables et d’être dispo-nibles en plus grande quantité que les autogreffes.Toutefois, leur utilisation soulève des problèmes debiocompatibilité et d’infection.

On en distingue deux types.Non poreux : ce matériau est tombé en désué-

tude en raison du risque élevé d’extrusion.7 Cegroupe est représenté par le silicone. Il s’agit d’unmatériau placé en position sous-périostée et autourduquel se forme une coque fibreuse avasculaire.39

Le risque de migration est donc majeur.Le méthylméthacrylate est un matériau contre-

indiqué dans l’orbite en raison de sa nature exo-thermique susceptible d’endommager le contenuorbitaire.Poreux : il s’agit d’implants inertes (non résor-

bés) et biocolonisables. La taille des pores va condi-tionner la colonisation des implants. Le diamètreoptimal des pores, propice à la colonisation tissu-laire, doit être compris entre 200 et 500 lm.6 Troistypes de matériaux poreux sont utilisés dans letraitement du déficit de volume : l’hydroxyapatite,l’alumine et le polyéthylène (Medpor®).L’hydroxyapatite a été introduite en ophtalmo-

logie dans les années 1980.45 Ce matériau possèdeune architecture très proche du système osseuxhaversien. Il peut être d’origine biologique (obtenuà partir d’un corail, le porite, constitué essentiel-

Figure 6 Greffe dermograisseuse. A. Dessin cutané (en bleu). Infiltration sous-épidermique pour faciliter la désépidermisation. B.Désépidermisation à la lame froide. C. Prélèvement du greffon. D. Amarrage du greffon aux muscles (F. Mann).

132 S. Morax et al.

Page 8: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

lement de carbonate de calcium) ou synthétique(céramique). Dans les deux cas, la proliférationfibrovasculaire devient complète en 4 semaines.22

L’alumine est une céramique d’utilisation ré-cente, commercialisée sous forme de bille. Lespores sont de taille uniforme (500 lm) et sont ennombre plus important que les autres matériauxporeux. L’alumine n’est pas friable (pinch test)contrairement à l’hydroxyapatite.Le polyéthylène est fabriqué à partir de poudre

de polyéthylène chauffée en dessous de son pointde fusion pour obtenir un matériau malléable. Il estcommercialisé sous forme de bille, de feuilles ou deplaques d’épaisseurs différentes. Les pores mesu-rent entre 125 et 1000 lm. La prolifération fibro-vasculaire y est plus lente que dans les autres billesporeuses (colonisation complète en 12 semaines22).Le comblement du déficit de volume orbitaire

est obtenu soit par implantation intraténonienne,soit par implantation sous-périostée.

Site de l’implantationImplantation intraténonienne. Lorsque l’adapta-tion de la prothèse ne permet pas de compenser ledéficit de volume intraorbitaire ou que la prothèsedevient trop volumineuse, il convient de placer une

bille de plus grande taille ou de réaliser une greffedermograisseuse.La bille doit être habillée au moyen d’un tissu

autologue (le plus souvent de la sclère) ou d’unbiomatériau. Habiller un implant permet de le pla-cer plus facilement dans l’orbite, d’y fixer les mus-cles oculomoteurs et de réduire les risques d’expo-sition.Tissu autologue : l’implant est habillé par la

propre sclère du patient lorsque celle-ci est réuti-lisable.10 Après énucléation, la fibrose est dissé-quée, l’ancien implant est retiré puis remplacé parune nouvelle bille. La sclère est suturée autour dela bille et l’ensemble est replacé dans la cavité, enveillant bien à placer la partie non recouverte desclère au fond de la cavité orbitaire. Les musclesoculomoteurs, qui sont préservés, sont fixés à lacoque sclérale (Fig. 5).Lorsque la sclère est inutilisable, l’implant est

habillé de préférence avec un autre matériau auto-logue (aponévrose temporale, fascia lata). Lagreffe est placée sur le pôle antérieur de l’implant,venant s’interposer entre la bille et la capsule deTenon. Lorsque l’on souhaite augmenter la taille del’implant (myopie forte), il est possible de l’enro-ber avec une greffe de fascia lata.Biomatériau : d’autres matériaux comme les

treillis de polyglactine (Vicryl®) ou le PTFE (polyté-trafluoroéthylène) sont employés pour remplacerles matériaux autologues.25 Leur tolérance à longterme dans cette indication n’est toutefois pasconnue.Implantation sous-périostée. Lorsqu’il existe déjàun implant intraténonien de bonne taille, ilconvient d’augmenter le volume orbitaire par unimplant sous-périosté.Pour placer un implant dans l’espace sous-

périosté, le contenu orbitaire peut être abordé dedeux manières : par voie transcutanée ou par voietransconjonctivale.La voie transcutanée consiste à réaliser une inci-

sion sous-ciliaire haut située à 2 mm du bord ci-liaire, en ne dépassant pas le point lacrymal infé-rieur en dedans et en ne franchissant pas laprojection du rebord latéro-orbitaire en dehors. Ladissection est menée jusqu’au rebord infraorbitaireen préservant le septum orbitaire. Le périoste estincisé, puis décollé d’avant en arrière. Après miseen place du matériel en position sous-périostée,l’incision cutanée est fermée par un surjet.La voie transconjonctivale (Fig. 8) est rapide, ne

laisse pas de cicatrice et permet une excellenteexposition du contenu orbitaire, tout en donnantmoins de rétraction ou de malposition de la pau-pière inférieure que la voie d’abord cutanée. Laconjonctive et la lame des rétracteurs sont incisées

Figure 7 Implantation intraténonienne d’une greffe dermograis-seuse.

133Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Page 9: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

à 2 mm du bord inférieur du tarse. L’incision peutse prolonger en dehors par une canthotomie pourobtenir une meilleure exposition de la région. Unedissection préseptale est alors menée jusqu’au re-bord infraorbitaire.Une fois l’espace sous-périosté abordé, l’implant

est placé le plus en arrière possible afin de projeterla bille en avant. Un implant placé trop en avantaccentue la rétraction des culs-de-sac.

Les implants d’hydroxyapatite sont partielle-ment résorbés et remplacés par de l’os naturel(phénomène d’ostéoconduction et d’ostéo-induction).18

Les plaques de polyéthylène peuvent être décou-pées aux ciseaux, elles n’ont pas besoin d’êtresuturées et semblent bien résister à l’infection.41

En revanche, les plaques de polyéthylène adhèrentfortement au tissu orbitaire rendant leur retraitdifficile.48

Injection intraorbitaire de graisse autologue. Latechnique de Coleman consiste à prélever de lagraisse sur la face latérale haute de la cuisse, oudans la région périombilicale au moyen d’une serin-gue en aspiration. La graisse apparaît sous forme delobules. Le temps suivant consiste à centrifuger lagraisse pour obtenir trois phases (liquide-graisse-sang). La graisse est injectée par voie transconjonc-tivale en cherchant à hypercorriger l’énophtalmie.Le taux de résorption est toutefois très impor-tant.43

Creux sus-tarsal

Devant un creux sus-tarsal, il faut s’attacher dansun premier temps à traiter un déficit de volumeorbitaire (Fig. 9). S’il n’existe pas d’énophtalmie,une chirurgie de comblement du creux sus-tarsalpeut être proposée au moyen d’une greffe dermo-graisseuse (Fig. 10) ou d’une injection de graisseautologue par la méthode de Coleman.34

La greffe dermograisseuse, prélevée au niveaude la fesse ou de la région périombilicale, estintroduite dans le creux sus-tarsal par voie cutanéeantérieure. Le greffon est fixé au périoste en pla-çant le derme en arrière. Le comblement du creuxsus-tarsal peut induire un ptôsis iatrogène de typeinflammatoire et mécanique. Si le ptôsis persisteau-delà de 6 mois, un geste chirurgical peut êtreproposé.

Une certaine quantité de graisse autologue obte-nue par centrifugation peut être injectée dans lecreux sus-tarsal. La prise de greffe et les résultatssont toutefois moins prévisibles qu’après greffedermograisseuse, avec un taux de résorption es-timé à 70 % à 1 an.43 Les effets secondaires sontrares mais parfois non négligeables (quelques casd’accidents vasculaires cérébraux et d’occlusion del’artère centrale de la rétine ont été rappor-tés).13,31,57

Plus récemment a été développée la greffe delobules graisseux prélevés dans la région périombi-licale. Les résultats à long terme ne sont pas toute-fois pas connus.50

Figure 8 Implantion sous-périostée d’une plaque en hydroxya-patite. A. Voie d’abord transconjonctivale. B. Exposition duplancher orbitaire. C. Mise en place de l’implant.

134 S. Morax et al.

Page 10: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

PtôsisLes ptôsis sur prothèse sont secondaires soit à undysfonctionnement du muscle releveur, soit à unedésinsertion aponévrotique liée au frottement dumuscle sur la prothèse. La cinétique de la paupièresupérieure peut également être entravée par lestroubles d’humidification de la prothèse. Tous ceséléments sont responsables d’une malocclusionqu’il faut prendre en compte dans le traitement duptôsis. Le premier temps de l’examen cliniqueconsiste à éliminer un faux ptôsis par énophtalmie.Si le contenu orbitaire et la prothèse occupent unbon volume, le traitement chirurgical du ptôsispeut être proposé (Fig. 11A,B). Le choix de latechnique dépend du mécanisme physiopathologi-que du ptôsis (réinsertion aponévrotique, résectionconjonctivomullérienne, résection du muscle rele-veur, ou suspension frontale). Quelle que soit latechnique utilisée, le réglage devra se faire surprothèse, de préférence sous anesthésie locale afinde solliciter la participation du patient.

Malpositions de la paupière inférieureLes malpositions sont fréquentes et d’origines mul-tiples. Elles résultent d’une hyperlaxité de la san-gle tarsoligamentaire. La paupière inférieure peutêtre le siège d’un entropion ou d’un ectropion. Letraitement consiste alors à réaliser une canthoplas-tie latérale en raccourcissant la paupière inférieureselon son degré de laxité.Les malpositions peuvent également être secon-

daires à une énophtalmie ou à une prothèse detaille inadaptée responsable d’une hyperlaxité re-lative de la sangle tarsoligamentaire par manque desoutien postérieur de la paupière. Une rétraction

Figure 9 Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant un syndrome de l’énucléé.

Figure 10 Comblement du creux palpébral supérieur par unegreffe dermograisseuse.

135Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Page 11: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

des culs-de-sac peut aussi entraîner une bascule dela paupière inférieure vers la prothèse. Ce seradonc seulement après avoir corrigé ces élémentsque l’on interviendra sur la paupière elle-même(Fig. 9).

Syndrome de rétraction

Le traitement vise à rétablir la stabilité de la pro-thèse dans le sac conjonctival. Le choix de la tech-nique repose sur le degré de rétraction.

Rétractions minimesElles sont de prise en charge simple (Fig. 12). Letraitement consiste à repositionner le fornix infé-rieur par un point transfixiant en U passant par lepérioste orbitaire. En cas de laxité palpébrale infé-rieure, on peut y associer une canthoplastie ex-terne avec un raccourcissement palpébral dans lesens horizontal.

Rétractions modéréesElles s’accompagnent d’un comblement des culs-de-sac (Fig. 13). Le traitement de la rétraction viseà restaurer des culs-de-sac suffisamment profondspour permettre la mise en place de la prothèse. Il

repose le plus souvent sur des greffes de muqueuselabiale (Fig. 14). Après infiltration à la Xylocaïne®adrénalinée, le greffon est incisé en restant suffi-samment à distance de la lèvre inférieure. Le gref-fon est prélevé (aux ciseaux ou à la lame froide),aminci, puis placé dans une cupule de sérum physio-logique en attendant de libérer les fornix. Le cul-de-sac rétracté est incisé profondément, horizontale-ment en restant parallèle au bord ciliaire et lesbrides sous-conjonctivales sont libérées. Une fois legreffon suturé, un conformateur est placé dans lacavité pour prévenir toute rétraction du sac. Unpoint de fixation au rebord orbitaire inférieur ainsiqu’une tarsorraphie provisoire peuvent être asso-ciés.La greffe de muqueuse palatine peut également

être une solution en cas de rétraction associée à unentropion cicatriciel. Le greffon est alors utilisédans la reconstruction de la lamelle postérieure.Son principal avantage réside dans sa rigidité of-frant un bon maintien à la paupière et réduisant lerisque de rétraction. Après incision à la lame 11, legreffon est séparé du plan osseux au moyen d’unerugine, puis aminci aux ciseaux. L’hémostase du

Figure 11 Ptôsis de la paupière supérieure gauche. A. Aspectpréopératoire. B. Aspect postopératoire.

Figure 12 Principe du traitement des rétractions minimes. A.Comblement minime du cul-de-sac. B. Point transcutané en U(en bleu) (F. Mann).

136 S. Morax et al.

Page 12: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

site donneur est obtenue par cautérisation. La réé-pithélialisation du lit du greffon s’observe dès lepremier mois. Le greffon est placé et suturé à laconjonctive par un surjet de fil résorbable.La greffe d’une membrane amniotique pourrait

être une alternative aux greffes muqueuses qui ontl’inconvénient de posséder un épithélium différentde celui de la conjonctive, d’être épaisses et de serétrécir avec le temps.59 La membrane amniotiquecorrespond à la couche la plus interne du placenta.Elle est constituée d’une membrane basale épaissereposant sur un stroma avasculaire. Elle est utiliséedans la reconstruction de la surface oculaire. Lagreffe de membrane amniotique facilite la réépi-thélialisation, réduit l’inflammation et prévient lafibrose.9 Après incision conjonctivale, la greffe estplacée dans le sac conjonctival en veillant à orien-ter la membrane basale vers le haut. La greffe estsuturée par des points séparés, puis est amarrée aufond du cul-de-sac à la paupière par un point en U.Elle sera alors naturellement intégrée au stroma

Figure 13 Principe du traitement des rétractions modérées. A.Comblement du cul-de-sac. B. Interposition d’une greffe demuqueuse buccale (en rouge) maintenue par un conformateur(en blanc) et fixée au rebord orbitaire par un point en U (en bleu)(F. Mann).

Figure 14 Prélèvement de muqueuse labiale. A. Incision à dis-tance de la lèvre. B. Lit du greffon. C. Greffon. D. Juxtapositionde deux greffons muqueux.

137Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Page 13: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

sous-jacent et recouverte d’un épithélium de typeconjonctival.

Rétractions sévèresElles sont le stade ultime du processus cicatriciel.Le traitement vise à recréer un nouveau sacconjonctival (Fig. 15). Sa reconstruction repose surl’insertion d’un conformateur habillé de largesgreffes de muqueuse buccale ou cutanée selon quela cavité est humide ou sèche.Les greffons muqueux sont d’origine buccale ou

labiale. Le greffon jugal est prélevé en bouche surla face interne de joue en prenant garde de ne pasendommager l’orifice du canal de Sténon.Les greffes de peau mince sont prélevées en zone

glabre dans une région permettant d’en obtenir unegrande quantité (en face interne de bras ou faceinterne de cuisse). Elles emportent l’épiderme etune mince couche de derme papillaire (Fig. 16). Lesgreffes de peau épaisse sont prélevées en paupièresupérieure ou derrière l’oreille.Une tarsorraphie maintient le conformateur en

place et sera laissée 3 mois en place pour prévenirla rétraction précoce et l’extrusion du conforma-

teur. Une ouverture partielle de la tarsorraphieassure le drainage des sécrétions.En dernier recours, la pose d’implants ostéo-

intégrés peut être une solution acceptable.

Rétractions associées à un déficit de volumeElles peuvent être prises en charge séparément enfaisant appel aux techniques précédemment décri-tes. Ces deux pathologies peuvent être traitées enun ou deux temps.Une autre solution consiste à proposer une greffe

dermograisseuse qui offre le double avantage decombler le déficit de volume orbitaire et recons-truire le sac conjonctival.

Reconstruction des paupières

La reconstruction des lacérations et des mutilationspalpébrales doit être précédée par la prise encharge d’un éventuel déficit du contenu orbitaireou d’une rétraction du sac conjonctival (libérationdes adhérences). Les plaies et les pertes de subs-tance post-traumatiques sont réparées plan parplan au moyen de greffes ou de lambeaux. Lareconstruction des paupières irradiées nécessiteparfois d’avoir recours à des greffes tissulairesépaisses, prélevés à distance (région rétro-auriculaire ou sus-claviculaire), en raison de lamauvaise qualité de la peau située en regard du sited’irradiation (peau fine, atrophique et rétractile).

Cavité d’exentération

Exentération avec conservation des paupièresLa reconstruction d’une cavité d’exentération sub-totale (paupières conservées) repose sur la transpo-sition du muscle temporal, qui recrée un volumeorbitaire satisfaisant, et sur la reconstruction d’unsac muqueux.Cette technique correspond au déplacement

d’un lambeau musculaire locorégional à pédiculeinférieur, vascularisé par l’artère maxillaire in-terne (Fig. 17).L’intervention commence par une incision coro-

nale ou hémicoronale. L’incision doit être située enarrière de la racine des cheveux afin d’éviter l’ap-parition d’une cicatrice inesthétique. Le fait deréaliser une incision postérieure permet égalementde mieux exposer le muscle temporal et de réduirele risque de paresthésie frontale.12 L’aponévrosetemporale est ensuite sectionnée 5 mm sous lacrête temporale puis réclinée. Le lambeau muscu-laire est disséqué puis prélevé en préservant lerameau frontal du VII. La paroi latérale de l’orbiteest réséquée (grande aile du sphénoïde jusqu’à lafente orbitaire inférieure). La portion antérieure

Figure 15 Principe du traitement des rétractions sévères. A.Effacement des culs-de-sac. B. Réfection complète du sac parune large greffe (en rouge) (F. Mann).

138 S. Morax et al.

Page 14: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

du muscle est alors passée à travers la fenêtrelatérale pour venir combler la cavité. La transposi-tion peut être associée à une greffe osseuse préle-vée au niveau de l’écaille temporale. Lorsque lespaupières sont rétractées au fond de l’orbite,celles-ci devront être libérées de leurs adhérencesafin de leur rendre un certain degré de motilité.Le muscle est stabilisé par quelques points dans

la cavité orbitaire. La portion postérieure peut être

transposée en avant pour combler le déficit de lafosse temporale (Fig. 18).Les suites peuvent être marquées par une cica-

trice inesthétique (source d’alopécie) et par destroubles de la mastication.Le néosac permet de maintenir en place la pro-

thèse. Il est reconstruit à partir de larges greffes demuqueuse buccale, de peau ou à partir d’un lam-beau d’épicrâne. La peau est un tissu moins rétrac-

Figure 16 Prélèvement d’une greffe de peau mince. A. Lit du greffon. B. Greffon. C. Conformateur. D. Mise en place du greffon et duconformateur.

Figure 17 Transposition du muscle temporal. A. Chefs antérieur (en rouge) et postérieur (en bleu) du muscle temporal. B. Transpo-sition du chef antérieur après dépose du pilier orbitaire externe et translation du chef postérieur en avant (F. Mann).

139Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Page 15: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

tile mais assorti de nombreux inconvénients (poils,odeurs nauséabondes, absence d’humidification dela prothèse, résultat esthétique médiocre). Le gref-fon est placé directement dans la cavité, puis fixépar des points de fil non résorbable. Il peut aussiêtre suturé autour d’un conformateur, face cruen-tée vers l’extérieur, puis placé dans la cavité. Lemuscle temporal transposé permet une bonne vas-cularisation de la greffe. Une tarsorraphie vientcompléter l’intervention et un équipement prothé-tique sera débuté dès son ouverture à 3 mois.

Exentération totaleLa réparation d’une cavité d’exentération totalecomporte deux temps.

Le premier temps consiste à fermer la cavitéorbitaire

Plusieurs techniques sont possibles.Laisser-faire (granulation). Il s’agit de la tech-

nique la plus simple. Elle consiste à combler lacavité par des feuilles de Tulle Gras® qui serontchangées tous les 2 jours. Le processus de cicatri-sation est long (2 mois) et les soins fastidieux. Il sefait à partir des berges antérieures de la cavité. Lasurface obtenue a l’avantage d’être non desquama-tive. En revanche, le sourcil se déplace par rétrac-tion vers la cavité. La granulation peut être unesolution d’attente avant d’envisager une recons-truction.

Figure 18 Transposition du muscle temporal. A. Voie d’abord coronale. B. Libération du muscle temporal. C. Dépose du pilierorbitaire. D. Comblement de la cavité et remise en place du pilier externe. camt : chef antérieur du muscle temporal. cpmt : chefpostérieur du muscle temporal. ft : fosse temporale. fzo : foramen zygomatique orbitaire. mt : muscle temporal. po : pilier orbitaire.

140 S. Morax et al.

Page 16: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Greffe de peau mince. Le greffon est prélevé auniveau de la cuisse au moyen d’un dermatome. Unefois posé et suturé, il est maintenu en place par unpansement compressif. La cicatrisation est plusrapide. En revanche, la cavité est moins profondeet le résultat esthétique moins bon qu’après granu-lation.46 D’autre part, les greffes minces desqua-ment et nécrosent souvent. La radiothérapie pré-coce est donc proscrite.38 Certains auteurssuggèrent de recourir à des greffes dermoépidermi-ques.35

Transposition de muscle temporal. Dans cer-tains cas (mauvaise observance, patient vivant àl’étranger), on opte pour une transposition du mus-cle temporal avec création d’un néosac et recou-vrement par une greffe de peau totale. Dans unsecond temps, une incision horizontale peut êtreproposée afin de créer une fissure palpébrale.

Le second temps consiste à fixer une épithèseL’épithèse peut être fixée sur lunettes, collée à lapeau ou ancrée au rebord orbitaire au moyen d’im-plants ostéo-intégrés.Les épithèses maintenues par implants ostéo-

intégrés constituent une alternative intéressanteface aux techniques de reconstruction40 (Fig. 19).Le système d’ancrage osseux est constitué de troisà quatre implants en titane (fixtures) fixés dans lacorticale, et de piliers vissés en leur sein pourrecevoir l’épithèse. La fixation de l’épithèse, quivient cacher la cavité d’exentération, se fait parl’intermédiaire d’aimants ou de clips. L’ancrageosseux a permis de remplacer avantageusement lesupport sur lunettes et les colles biologiques, et deredonner aux patients un aspect esthétique leurpermettant une réhabilitation sociale. Ce mode defixation repose sur le concept d’ostéo-intégration,défini comme une liaison anatomique et fonction-nelle entre l’os vivant remanié et la surface del’implant mis en charge.Depuis les années 1950, de nombreuses recher-

ches ont été menées pour trouver le moyen de fixerles prothèses dentaires à la mandibule. Les im-plants métalliques utilisés jusqu’alors s’entou-raient d’une gangue fibreuse et finissaient par êtreexpulsés par l’organisme. Dans les années 1960, lebiologiste suédois Branemark découvre par hasardlors d’études in vivo sur la moelle épinière de lapinque les vis utilisées pour fixer des chambres implan-tables étaient parfaitement intégrées à l’os. Lesimplants se recouvrent d’une fine couche d’oxydede titane (TiO2), qui réalise à partir de 10 nm unevéritable interface empêchant tout contact entrel’os et le titane. Albrektsson désigna ce phénomènesous le terme d’ostéo-intégration.2

Les premiers implants en titane furent dévelop-pés chez l’homme en 1965. Il y eut d’abord des

applications orales, puis extraorales1 (pyramide na-sale, région orbitopalpébrale, pertes de substancemédiofaciales).Certaines conditions doivent être remplies pour

bénéficier des épithèses ostéo-intégrées : la cavitédoit être profonde et dépourvue de lambeau decomblement, le sourcil doit être fixe et la peau doitêtre immobile et la plus fine possible. Pour obtenirun résultat satisfaisant, il faut également s’assurerque l’os soit suffisamment épais en réalisant une

Figure 19 Épithèse maintenue par des piliers ostéo-intégrés.

141Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Page 17: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

incidence de Blondeau ou un scanner orbitaire enpériode préopératoire.L’acte chirurgical est bien codifié. Il est réalisé 3

à 6 mois après l’exentération et se fait en deuxtemps afin de favoriser la formation d’un tissuosseux de bonne qualité autour des fixtures.Le premier temps consiste à mettre en place 3 à

4 fixtures sur le rebord orbitaire. Cette étape obéità des règles précises : utiliser des implants intrao-raux plutôt que des implants extraoraux (responsa-bles de perte plus importante d’épithèse). Fixationdes piliers sur les rebords supérieur et latéral, enrespectant une angulation suffisamment impor-tante entre chaque fixture. Irrigation des orificesau moment du fraisage et utilisation d’une faiblevitesse de rotation du moteur pour éviter les lésionsthermiques qui pourraient endommager l’os.Après avoir incisé la peau en regard du rebord

orbitaire, le périoste est ouvert puis décollé aumoyen d’une rugine. Trois à quatre orifices sontréalisés au moyen d’une fraise, puis alésés. Aprèstaraudage, les fixtures sont implantées dans lacorticale osseuse puis recouvertes d’une vis-cache(Fig. 20). Le périoste et la peau sont ensuite refer-més.Le second temps est réalisé 4 mois plus tard afin

de permettre une bonne ostéo-intégration des fix-tures. Elle consiste à visser des piliers de raccordtranscutané sur les fixtures. Les fixtures sont abor-dées par la même voie d’abord. Les vis-caches sontretirées et remplacées par les piliers (Fig. 19). Lapeau est ensuite refermée autour des piliers.Après cicatrisation, le patient est rapidement

adressé à un prothésiste pour le rassurer et luiexpliquer les modalités de l’équipement par épi-thèse. Le prothésiste procédera ensuite au moulageet à la confection de l’épithèse. Il s’agit d’uneprothèse comportant un système de fixation ma-gnétique ou mécanique incorporé sur leur facepostérieure. Elle est réalisée en silicone afin de luidonner une certaine souplesse. Ses bords seront lemoins prononcés possible afin d’épouser les tissusavoisinants.Le port d’une épithèse demande une hygiène

parfaite de la part du patient et une surveillanceétroite par l’ophtalmologiste et l’oculariste.L’épithèse ostéo-intégrée est une alternative in-

téressante permettant d’éviter un geste chirurgicallourd aux résultats incertains.5

Il s’agit d’un acte chirurgical peu traumatisant,réversible, satisfaisant sur le plan esthétique, per-mettant une surveillance étroite du site opératoireet le dépistage précoce d’une éventuelle récidive.Cette technique a cependant ses limites. Elle

nécessite deux temps opératoires. Elle demandeune cavité bien creuse et un support osseux suffi-

sant. La radiothérapie n’est pas une contre-indication à la pose d’implants ostéo-intégrés, tou-tefois le risque de perte d’implant est plus élevé enraison d’un retard de cicatrisation (par déminérali-sation osseuse et réduction de la vascularisation),formation d’une fibrose et réduction de la vascula-risation.14 L’orbite semble être d’autre part la ré-gion la moins favorable à la fixation d’implantsextraoraux après irradiation. Le choix du momentde l’irradiation (avant ou après la pose des im-plants) reste débattu. Une radiothérapie pré-implantative semblerait toutefois donner lesmeilleurs résultats.49 Le délai entre la radiothéra-pie et l’implantation est controversé. Certainsauteurs recommandent une implantation précoce(les 6 premiers mois) en raison d’une détériorationde la vascularisation progressive et irréversibleaprès irradiation. D’autres proposent au contrairede poser les implants après un délai plus long enraison de la régénération de l’os irradié avec letemps. L’oxygénothérapie hyperbare pré- et post-opératoire semblerait diminuer le risque de perted’implant sur os irradié par stimulation de la vascu-

Figure 20 Piliers ostéo-intégrés. A. Premier temps (fraisage,alaisage, taraudage, pose d’une fixture et mise en place d’unevis-cache). B. Second temps (retrait de la vis-cache et mise enplace d’un pilier) (F. Mann).

142 S. Morax et al.

Page 18: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

larisation de l’os irradié. Toutefois, le peu d’étudesréalisées chez l’homme, l’existence de contre-indications, le coût et la difficulté d’accès à uncaisson hyperbare limitent encore son utilisation.

Exentération élargieLa reconstruction des cavités d’exentération élar-gie doit faire appel à des lambeaux plus volumineuxsitués à distance de la cavité.Ces lambeaux peuvent être mobilisés de deux

façons : soit par transposition (une transposition estun changement de position d’un tissu restant vas-cularisé par son pédicule d’origine), soit par trans-fert libre (qui consiste à sectionner le pédiculevasculaire et à le réanastomoser à distance sur desvaisseaux receveurs).La couverture de la cavité par lambeau peut être

réalisée en même temps que l’exentération (per-mettant une cicatrisation rapide) ou dans un se-cond temps.Selon certains auteurs, l’exentération associée à

une reconstruction dans le même temps n’empêchepas le dépistage des récidives grâce aux progrès del’imagerie par résonance magnétique (IRM).42

Les lambeaux les plus utilisés sont les lambeauxde grand pectoral, de grand dorsal et de granddroit.

Cavité orbitaire après radiothérapie

Leur reconstruction répond aux mêmes principesque la réfection des cavités non irradiées. Elle poseessentiellement un problème de prise en charge enraison de la mauvaise qualité des tissus. Elle néces-site l’apport de tissus sains, bien vascularisés et envolume suffisant.Le comblement du déficit intraorbitaire peut

faire appel à la transposition du muscle temporal, àdes greffons osseux plutôt qu’à des biomatériaux età des lambeaux libres microanastomosés.Le néosac est reconstruit à partir de larges lam-

beaux d’épicrâne ou de galéa. Certains auteursproposent des reconstructions par transfert de lam-beaux libres (lambeau chinois) qui apportent dutissu vascularisé de bonne qualité.55

Lorsque l’irradiation est réalisée précocement(dans le cadre du traitement d’un rétinoblastome),un creux temporal dysharmonieux du côté de lazone irradiée peut apparaître au cours de la crois-sance. On peut proposer à l’âge adulte son comble-ment par un biomatériau. Le plus utilisé est leméthylméthacrylate. Il s’agit d’une résine acryli-que polymérisable conditionnée sous forme de pou-dre. Après avoir exposé la fosse temporale par unevoie d’abord coronale, la poudre est mélangée à uncatalyseur puis la pâte obtenue est appliquée dans

le creux temporal. Le biomatériau est irrigué régu-lièrement (en raison de la nature exothermique dela réaction) jusqu’à obtention du durcissementcomplet de la résine (Fig. 21).

Anophtalmies et microphtalmiescongénitales (Fig. 22)

Classification et physiopathologie

La microphtalmie et l’anophtalmie se définissentpar une hypoplasie ou une absence de globe ocu-laire. L’anophtalmie vraie est toutefois une patho-logie rare dont le diagnostic repose sur une analysehistologique du contenu orbitaire ou sur une image-rie haute résolution (IRM ou TDM). Leur prévalenceest estimée à 1 pour 10 000 naissances.Les microphtalmies sont le plus souvent d’origine

sporadique mais elles peuvent aussi être d’originehéréditaire (autosomique dominant, autosomiquerécessif ou liée à l’X), toxique (exposition intra-utérine au thalidomide, à l’alcool, carence en vita-mine A) ou infectieuse (toxoplasmose, rubéole, cy-tomégalovirus).Les microphtalmies sont soit isolées, soit le plus

souvent accompagnées d’autres anomalies.• Les microphtalmies avec kyste colobomateux(Fig. 22D) sont secondaires à la non-invaginationde la vésicule optique à la quatrième semaine.Le kyste colobomateux est une masse délimitéepar le feuillet neuroectodermique qui fait saillieà travers le colobome de la paroi oculaire.

• Les microphtalmies colobomateuses (Fig. 22E)sont dues à un défaut de fermeture de la fenteembryonnaire à la septième semaine de gesta-tion.

• Les microphtalmies non colobomateuses pures(Fig. 22F) se développent après la septièmesemaine de gestation lorsque la fente embryon-naire est fermée.

• Les microphtalmies non colobomateuses compli-quées se développent à la même période que lesmicrophtalmies pures. Elles se distinguent parl’existence d’anomalies oculaires ou viscéralesassociées.

La croissance des parois osseuses, des culs-de-sacet des paupières dépend étroitement de la crois-sance du globe oculaire. Le globe oculaire, associéaux muscles oculomoteurs et à la capsule de Tenon,forme un conformateur organique qui exerce unepression sur la partie ostéomembraneuse de la ca-vité orbitaire.1 La croissance du globe oculaire dé-bute lors de la période in utero et se poursuitrapidement jusqu’à la période de 3 ans pour seterminer à la puberté.

143Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Page 19: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Le mauvais développement de la vésicule opti-que peut s’accompagner d’un micro-orbitisme,d’une microblépharie (les paupières sont courtes,amincies et leur dynamique est très altérée) etd’une atrésie des culs-de-sac conjonctivaux.Contrairement à l’orbite qui atteint sa taille

définitive à l’âge de 8 ans, les paupières augmen-tent progressivement de taille jusqu’à la puberté.28

Le délai de prise en charge d’un micro-orbitismerepose sur le degré de la microphtalmie et le carac-tère fonctionnel ou non du globe oculaire. On dis-tingue :

• les microphtalmies modérées associées à unglobe oculaire fonctionnel : elles ne nécessitenthabituellement pas de traitement. Toutefois, lamise en place d’un conformateur troué libérantl’axe visuel peut se discuter ;

• les microphtalmies modérées associées à unglobe oculaire non fonctionnel : un équipementpar conformateur doit être débuté dès l’âge de3 mois ;

• les microphtalmies sévères ou anophtalmies : unéquipement par conformateur doit être envi-

sagé le plus tôt possible (dès l’âge de 5 semai-nes).

Examen clinique

L’examen clinique d’une microphtalmie comprendtrois volets : un examen ophtalmologique, un exa-men orbitopalpébral et un examen pédiatrique.L’examen ophtalmologique consiste à chiffrer

l’acuité visuelle de l’œil microphtalme et à recher-cher des anomalies oculaires associées (dystrophiede cornée, cataracte, membrane pupillaire, persis-tance de la vascularisation fœtale, colobome réti-nien...).L’examen orbitopalpébral étudie les différentes

structures anatomiques : le cadre orbitaire est exa-miné en observant la position des sourcils et enpalpant les rebords osseux. L’examen des paupièresrecherche une microblépharie, un ptôsis, une mal-position des cils et un kyste colobomateux (qui seprésente dès la naissance sous la forme d’unemasse bleuâtre sous-tendant la paupière infé-rieure). L’examen du sac conjonctival permet d’ap-

Figure 21 Comblement du creux temporal par du méthylméthacrylate. A. Voie d’abord coronale. B. Exposition du creux temporal.C. Mélange du méthylméthacrylate avec un catalyseur. D. Application de la résine dans le creux temporal. ft : fosse temporale ;g : glabelle ; mt : muscle temporal.

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précier la profondeur des culs-de-sac et le volumedu contenu orbitaire. Lorsque l’on est en présenced’un globe oculaire, sa taille, sa motilité et l’étatcornéen doivent être évalués. Enfin, l’examen setermine par la recherche d’une asymétrie facialesecondaire à la diminution de projection de l’osmalaire ou à une malformation associée.

L’examen pédiatrique est réalisé à visée étiolo-gique, la microphtalmie pouvant s’intégrer dansune maladie plus générale. L’examen pédiatriquepeut s’accompagner d’une consultation de conseilgénétique.

Traitements

La réhabilitation des cavités microphtalmes com-prend deux temps : la première étape consiste àélargir la cavité orbitaire, à approfondir les culs-de-sac conjonctivaux et à allonger la fente palpé-brale. Le traitement doit être le plus conservateurpossible. Il repose en première intention sur l’utili-sation de conformateurs de taille croissante. Dansun second temps, lorsque la croissance de tous ceséléments est terminée, les séquelles sont prises encharge. La collaboration entre parents, pédiatre,prothésiste et ophtalmologiste tout au long du trai-tement est indispensable.

ConformateursIl s’agit du traitement de base des cavités microph-talmes. Cette technique a été décrite pour la pre-mière fois en 1930 dans la littérature russe.3 Elleconsiste à dilater le sac conjonctival de manièrenon invasive en plaçant à l’intérieur des conforma-teurs de taille croissante. Outre l’approfondisse-ment des culs-de-sac, les conformateurs permet-tent d’élargir le cadre orbitaire et d’allonger lafente palpébrale.L’appareillage est réalisé par l’oculariste

(Fig. 23). Il débute par la prise d’une empreinte ensilicone des culs-de-sac sous anesthésie topique. Lesilicone est un élastomère se présentant sous l’ap-parence d’une pâte visqueuse. Mélangé à un cata-lyseur, il se transforme une fois injecté dans lesculs-de-sac en une matière caoutchouteuse. La vul-canisation (passage de l’état visqueux à l’étatcaoutchouteux) est obtenue en quelques minutes.Après mise en place d’un conformateur de tailleadaptée muni d’un orifice d’injection, le siliconeest coulé au moyen d’une seringue. Une fois que lesilicone est devenu dur, le conformateur est retiré.Un conformateur définitif sera alors conçu. Leconformateur est ensuite placé dans les culs-de-sacconjonctivaux. L’enfant est réadressé à son ophtal-mologiste qui apprécie la tolérance du verre scléraltest. En cas de bonne tolérance, la prothèse défini-tive est posée par l’oculariste et sera régulière-

Figure 22 Développement normal (en blanc) et pathologique (en rouge) du globe oculaire. a : invagination de la vésicule optique. b :fermeture de la fente embryonnaire. c : croissance du globe oculaire. d : microphtalmie avec kyste colobomateux. e : microphtalmiecolobomateuse. f : microphtalmie non colobomateuse (F. Mann).

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ment remplacée sous anesthésie topique par uneprothèse de plus grande taille jusqu’à l’obtentiond’un résultat esthétique satisfaisant (Fig. 24). Lors-que la fente palpébrale commence à s’ouvrir,l’oculariste peut créer une véritable prothèse es-

thétique après examen chromatique de l’œil adel-phe. Pour cela, le prothésiste applique sur uneprothèse en polyméthacrylate de méthyle (PMMA)de fines couches de peinture (colorants se présen-tant sous forme de pigments mélangés à un liant, leméthacrylate) qui sont ensuite grattées et recou-vertes d’une résine transparente.Lorsqu’il est possible de placer un conformateur,

l’allongement de la fente est obtenu grâce à desconformateurs de taille croissante munis de deuxtiges de distraction. L’espacement de ces tiges estprogressivement augmenté lors du changement deprothèse. Tout geste chirurgical visant à élargir lafente palpébrale doit être évité en raison du risquede séquelles esthétiques.28

Prothèses expansivesDes études animales ont montré que les prothèsesexpansives stimulaient la croissance orbitaire, cequi a ensuite été confirmé chez l’homme. Il existedeux types de prothèse expansive.

Ballon en siliconeL’utilisation de prothèses expansives intraorbitai-res pour stimuler l’ostéogenèse a été proposée pourla première fois dans les années 1980.47 Les prothè-ses expansives commercialisées sont constituéesd’une enveloppe de silicone reliée à un site d’injec-tion, placé sous le cuir chevelu (Fig. 25).37 L’orbite

Figure 23 Prise d’empreinte du sac conjonctival par l’oculariste(Photos : M. Durand). A : Préparation du silicone. B. Applicationdu silicone liquide dans le sac conjonctival. C. Retrait du mou-lage après durcissement du silicone. D. Fabrication de la pro-thèse.

Figure 24 Traitement par conformateur d’une microphtalmiesévère (Photos : M. Durand). A. Avant traitement (à l’âge de5 semaines). B. Après traitement (à l’âge de 11 ans).

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ayant atteint 70 % de sa taille adulte à la naissanceet la croissance se faisant le plus rapidement aucours des 12 premiers mois de vie, la prothèse doitêtre placée avant l’âge de 1 an.L’abord utilisé est une voie coronale.16,44 Une

ostéotomie de la paroi orbitaire externe est réali-sée pour aborder le cône orbitaire dans lequel estplacé le ballon d’expansion. En présence d’un œilmicrophtalme sans fonction visuelle, il est possiblede réutiliser la sclère après avoir réalisé une énu-cléation. Le volet externe est reposé sans ostéosyn-thèse pour livrer passage au tuyau de raccordementpuis la valve de gonflage est placée à distance sousle cuir chevelu. Un à trois mois après l’intervention,une certaine quantité de sérum physiologique estinjectée tous les mois dans la prothèse. Lorsque levolume désiré est atteint, l’expandeur est retirépour être remplacé par un implant.Afin d’éviter tout geste invasif, certains auteurs

ont développé des expandeurs placés dans les culs-de-sac, suturés aux rebords orbitaires et gonflablesau moyen d’une valve située en avant de la poche.Les résultats semblent toutefois moins bons19 queceux des prothèses expansives intraorbitaires.L’expansion intraorbitaire par ballon en silicone

reste toutefois un traitement lourd, long et auxrésultats décevants.

Expandeurs hydrophilesL’alternative pourrait être l’implantation aussibien dans les culs-de-sac que dans l’orbite d’expan-

deurs hydrophiles.3 Dans les années 1980 ont étédéveloppés des expandeurs hydrophiles en hy-droxyéthyle méthacrylate (HEMA) dont le pouvoird’expansion était de 1.19. Puis sont apparus leshydrogels. Il s’agit d’un matériau similaire à celuide certaines lentilles de contact, possédant un fortpouvoir osmotique et donc une capacité d’expan-sion bien plus importante (entre 10 et 12) que lesexpandeurs hydrophiles en HEMA. La longueur dudispositif orbitaire passe ainsi de 8 mm (formedéshydratée) à 22 mm en 3 semaines.L’hydrogel est un matériau biocompatible, d’im-

plantation facile et permettant une expansion ra-pide des cavités. Il peut être aussi bien placé dansles culs-de-sac (augmentant de volume par absorp-tion des larmes) que dans la cavité orbitaire (ab-sorption du liquide interstitiel).

Ostéotomies d’expansion orbitaireUne ostéotomie est une section chirurgicale per-mettant le déplacement d’un fragment osseux. Elleest réalisée dans l’espace sous-périosté afin de nepas endommager le périoste qui protègera les os-téotomies et les greffes osseuses. Les découpessont réalisées à l’aide d’un matériel de chirurgiemaxillofaciale classique.Après l’âge de 3 ans, les parois orbitaires ne sont

plus malléables. Les traitements prothétiques oul’utilisation de prothèses expansives ne sont plus demise. L’expansion orbitaire repose alors sur la réa-lisation d’ostéotomies orbitaires intra- ou extracrâ-niennes.36

L’ostéotomie orbitaire par voie extracrânienne(Fig. 26,27) comporte un agrandissement du diamè-tre transversal (par résection du pilier externe eteffondrement de la paroi médiale) et vertical pareffondrement du plancher orbitaire.L’ostéotomie par voie intracrânienne (Fig. 28,

29) est réservée aux formes sévères. Elle permet

Figure 25 Prothèse expansive (ballon en silicone intraorbitairerelié à une valve de gonflage) (F. Mann).

Figure 26 Expansion orbitaire par ostéotomies (voie extracrâ-nienne) (F. Mann).

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d’agrandir davantage l’orbite dans son axe verticalen relevant le plafond orbitaire. Dans certainesformes, la reconstruction orbitaire comporte desexpansions dans les deux diamètres. Des greffesd’apposition peuvent être placées sur les rebords

infra- et supraorbitaires afin de projeter les reliefsmanquants.L’expansion des culs-de-sac conjonctivaux est

réalisée dans le même temps afin de prévenir ledéveloppement d’hématomes dans les espacesmorts, source de rétraction tissulaire.

Indications

Les indications reposent sur le degré de gravité dela microphtalmie et commencent toujours dans unpremier temps par un équipement prothétique.

Microphtalmies sévères ou anophtalmiesDans cette forme, la fente palpébrale reste fer-mée. Un équipement prothétique est urgent et doitêtre entrepris le plus tôt possible (Fig. 30). Lorsquel’on se heurte à un micro-orbitisme trop important,il faut avoir recours à des procédés plus lourds(prothèse expansive, expansion par ostéotomie).Quel que soit le traitement, des gestes complémen-taires peuvent être réalisés sur les culs-de-sac oules paupières, le plus souvent dans un deuxièmetemps.

Figure 27 Ostéotomies d’expansion de la cavité orbitaire parvoie extracrânienne. A. Exposition du pilier orbitaire. B. Dépla-cement et fixation du pilier orbitaire. po : pilier orbitaire.

Figure 28 Expansion orbitaire par ostéotomies (voie intracrâ-nienne) (F. Mann).

Figure 29 Ostéotomie d’expansion de la cavité orbitaire parvoie intracrânienne. A. Déplacement du plafond de l’orbiteaprès dépose d’un volet osseux. B. Remise en place du voletosseux. g : glabelle. lf : lobe frontal. po : pilier orbitaire. vf :volet frontal.

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Microphtalmies modéréesLa fente palpébrale est ouverte. L’équipement pro-thétique doit débuter à l’âge de 3 mois. On utilisedes conformateurs de taille croissante, associés aubesoin à un recouvrement conjonctival. Le carac-tère fonctionnel de l’œil est généralement associéà un globe de taille normale permettant une crois-sance harmonieuse du cadre orbitaire, du sacconjonctival et des paupières. Les conséquencesesthétiques discrètes et le caractère fonctionnel duglobe oculaire ne justifient en général pas de trai-tement.

Microphtalmies associées à un kystecolobomateuxLe kyste est gardé aussi longtemps que possiblepour permettre la croissance orbitaire lorsque lacavité n’est pas suffisamment développée.33

Le kyste doit être retiré :• lorsque la cavité orbitaire devient trop grande ;• lorsque la cavité orbitaire croît correctement etque la cavité orbitaire a atteint sa taille nor-male ;

• lorsqu’il empêche la mise en place d’un confor-mateur et que la cavité orbitaire a atteint sataille normale ;

• lorsque le kyste est responsable d’un préjudiceesthétique important, notamment avant la ren-trée scolaire (Fig. 31). Le kyste est alors retirévers l’âge de 5 ans (l’orbite ayant atteint à cetâge 90 % de sa taille adulte).

Le kyste est retiré par voie chirurgicale et peut êtreremplacé par une bille recouverte de fascia lata oupar une greffe dermograisseuse.

Microphtalmie associée à un colobome palpébralLe traitement d’un colobome palpébral se justifielorsque la prothèse ne tient pas correctement enplace. Si le déficit représente moins d’un tiers de lapaupière, on réalisera une cantholyse avec suturesimple du déficit. Lorsque le déficit est supérieur àun tiers, la reconstruction de la paupière inférieurefera appel à des procédés plus complexes. La la-melle postérieure sera reconstruite au moyend’une greffe tarsoconjonctivale ou d’une greffe demuqueuse buccale. La lamelle antérieure sera re-construite à partir d’un lambeau de rotation-avancement temporojugal ou d’un lambeau naso-génien.

Instabilité du conformateurLe maintien du conformateur dans le sac conjonc-tival est parfois impossible en raison d’une patho-logie associée. Il peut s’agir :

• d’un déficit des culs-de-sac responsable d’uneinstabilité ou de l’impossibilité de placer leconformateur. Il faut alors réaliser une greffe demuqueuse buccale. Le greffon est prélevé leplus souvent en lèvre inférieure, plus rarementau niveau de la muqueuse jugale ;

• d’une mauvaise tolérance cornéenne, nécessi-tant un recouvrement conjonctival précédéd’une kératectomie lamellaire. On obtient ainsiune meilleure expansion par port accru de laprothèse ;

• d’un micro-orbitisme trop important. L’expan-sion des culs-de-sac se heurte au micro-orbitisme. Les conformateurs ne peuvent pasêtre placés correctement dans les fornix. Il faut

Figure 30 Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une microphtalmie congénitale.

149Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

Page 25: Pathologie et chirurgie des cavités anophtalmes

avoir recours à d’autres procédés visant à dis-tendre l’orbite osseuse (prothèse expansive) ;

• d’un contenu orbitaire insuffisant : après exci-sion d’un kyste colobomateux ou lorsque leglobe oculaire est trop petit pour soutenir laprothèse, une bille ou une greffe dermograis-seuse peuvent être implantées ;

• d’un colobome de la paupière inférieure ;• d’une microblépharie associée : lorsque le cadreorbitaire et le sac conjonctival sont de taillesuffisante pour accueillir une prothèse, un gestechirurgical sur les paupières est parfois néces-saire pour maintenir la prothèse en place. L’ins-tabilité de la prothèse est alors liée à un défautde recouvrement palpébral secondaire à la mi-croblépharie. L’allongement de la longueur oude la hauteur des paupières repose sur la réali-sation de lambeaux ou des greffes de peau.

Malpositions palpébralesLa correction des malpositions statiques et dynami-ques (entropion, ectropion, ptôsis, redressementdu sol ciliaire) est envisagée ultérieurement, unefois la prothèse définitive en place.Devant la persistance d’un micro-orbitisme sé-

vère inesthétique malgré un traitement bien

conduit, les épithèses ostéo-intégrées peuventconstituer une solution intéressante.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Michel et MartineDurand pour leur participation à la rédaction de cetarticle.

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