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la [ poudrerie ] NATIONALE DE SEVRAN-LIVRY 39 De la manufacture au parc forestier

Patrimoine en ssd 39 3

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l a [p o u d r e r i e ] N ATI O N A L E

D E S EV R A N - L I V RY

N° 39

D e l a m a n u f a c t u r ea u p a r c f o r e s t i e r

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Après avoir abrité une poudrerie durant un siècle, le site a été aménagé en parc

forestier. Il compte aujourd'hui parmi les plus fréquentés de l'est parisien.

D'une superficie de près de 140 hectares leparc forestier de la poudrerie est un des plusvastes du secteur. Réparti sur les communesde Sevran, Livry-Gargan, Vaujours etVillepinte, c’est un véritable poumon vert aucœur d’un territoire aujourd'hui densémenturbanisé. Le lieu a pourtant été de 1873 à1973 un centre de production de poudrescivile et militaire de première importance. Lesdeux pavillons marquant l'entrée, la fermepédagogique, le mur d'escalade, les centresde loisirs, les grands arcs qui jalonnent le parcsont autant de vestiges réutilisés de cetancien complexe industriel.

L'activité poudrière a également fortementmodelé le paysage du parc et une partie deson environnement naturel. Le tracé desallées, la présence des mares, des massifsplantés, jusqu'à certaines essences d'arbresqui participèrent au bon fonctionnement de

l’établissement en sont ainsi des héritagesdirects.

Si l'aménagement du site par l'Office Nationaldes Forêts en 1977 nécessita la démolition deplus de 90% des constructions, la trentained'édifices conservée constitue un ensemblepatrimonial cohérent, unique par son alliance àl'environnement naturel. Consacrant cettesingularité, tout en l'écartant d'éventuels projetsdévastateurs, le parc a été protégé au titre desSites en 1994. Depuis 2006 il est égalementclassé Natura 2000, reconnu au niveaueuropéen pour la rareté et la fragilité desespèces animales et végétales qui s'ydéveloppent. Singulier de par la richesse de sacomposition paysagère et architecturale, le parcde la poudrerie ne se comprend qu'à la lumièrede son histoire dont l'impact sur le territoiredépasse l'enceinte même de l'établissement.

u n [pa r c f o r e st i e r ]n é d e l ' i n d u st r i e p o u d r i è r e

2. Arc de transmission, 2010

Vestige des installations apportantla force motrice aux ateliers par unsystème de câbles traversant l'arcde droite à gauche.

1. Entrée du parc, allée Eugène Burlot, 2010

Ces pavillons construits en 1884 abritent aujourd’huil’accueil du parc.

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Plus que toute autre, l'histoire de la poudrerie de Sevran est représentative

des bouleversements que traverse l’administration des poudres au cours

des XIXe et XXe siècles.

Industrie stratégique, la fabrication et lavente des poudres et explosifs en Francefut un monopole d’État à partir du XVIIIe

siècle, délégué en 1971 à la SociétéNationale des Poudres et Explosifs. Si laproduction répondait tant aux besoins desarmées qu’au marché civil (chasse, mine etexportation), la dizaine de poudreriesrépartie sur le territoire national restaprincipalement sous la tutelle del’administration militaire. Seul à avoir étéconçu en dehors de ce régime,l’établissement de Sevran portera tout aulong de son histoire une réelle singularité ausein du Service des poudres.

Décidée par décret impérial du 27décembre 1865, sa création répond à unevolonté de Napoléon III de dynamiser le

commerce des poudres noires civiles quireprésentait alors une véritable manne pourle Trésor. Pour y parvenir, la gestion du sitede Sevran et de cinq autres poudreriesciviles, est confiée à la Direction desmanufactures de l'État du ministère desFinances. En effet, l'impulsion qu'elle a sudonner au monopole des tabacs dont elle ala charge, présage d'une amélioration de lafabrication des poudres.

Le choix en faveur des terrains sevranaisn’est pas anodin et s’avère même essentielpour l’essor de l’établissement. Appartenantau domaine de l’État, ce qui constitue alorsles vestiges de la forêt de Bondy, répondaux exigences de l'administration. Le lieuest isolé des grandes concentrations

u n o u t i l [c o m m e r c i a l , m i l i ta i r e

e t s c i e n t i f i q u e ] d e l’ é tat i n sta l l é e n f o r ê t d e b o n d y

3. Champ de tir, 1881

Toutes les poudres noires à canon sont éprouvées pardes tirs d’essais. Alfred Nobel qui possédait un laboratoi-re dans le bourg de Sevran l’utilisa pour tester sa poudreà la nitroglycérine.

4. Groupe XVII, 1977

Cet atelier servit à la fabrication de la poudre B, à base denitrocellulose, avant d'être transformé en cartoucherieaprès-guerre. Ne subsiste aujourd’hui que le corps centralamputé de son étage.

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urbaines, évitant tout incident, maissuffisamment proche de la capitale pourpermettre aux responsables du Service dese rendre rapidement sur place enempruntant la route Nationale 3 ou la garede Sevran. La présence du chemin de ferpermet au site d’être relié aux régionsproductrices de matières premières etd’expédier les poudres aux centresd’approvisionnement. Le canal de l’Ourcqlongeant la partie nord des terrains laissequant à lui envisager une alimentation dusite en eau. Cette situation favorableajoutée aux possibilités d’extensions ontfortement contribué à l’étoffement du siteau moment où des bouleversementsmilitaires et politiques induirent unenouvelle réorganisation du Service despoudres.

Suite à la défaite face la Prusse, le nouveaugouvernement républicain présidé par

Adolphe Thiers décide en 1873 de replacerl’ensemble des poudreries sous la tutellemilitaire, et lance une campagne demodernisation des établissements en vuede reconstituer rapidement les stocks. Apeine initiée, la fabrication des poudresciviles réalisée à Sevran se voit ainsiaugmentée d’une production militaire. Les22,5 hectares du site sont doublés parl’acquisition de nouveaux terrains forestiersà l’est, sur la commune de Villepinte. Dèslors, la poudrerie ne cessera de s’étendre,accueillant les équipements d’uneadministration militaire qui veille à accroîtreson efficacité.

En 1883 la superficie de la poudrerie adoublé, atteignant les 110 hectares. Auxateliers de fabrication des poudres noiress’ajoutent un champ de tir au canon au norddu canal, puis des terrains d’essai pour laMarine et son laboratoire d’étude. Cette

6. Bidons de poudre et boites de cartouches

A partir de 1947 la poudrerie fabrique des cartouches dechasse dont la production atteint annuellement 8,5 mil-lions de pièces. L’activité est stoppée en 1956, jugéedéloyale par la concurrence.

5. Échantillon de poudre de tir

Mélange de salpêtre, charbon et soufre, la poudre noireest reconnue dès le VIIe siècle pour ses propriétés balis-tiques et explosives. Remplacé au début du XXe siècle parles poudres pyroxylées, son usage se limite aujourd’huiaux tirs d’armes anciennes.

2 3 cm10

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dernière installation amorce une nouvelleorientation à Sevran, celle de la recherchescientifique qu’assoit définitivementl’implantation de la Commission desSubstances Explosives (CSE). Chargée deguider l’administration centrale dansl’emploi et la fabrication des substancesexplosives de guerre et d’industrie, la CSEconforte par ses nombreuses découvertesla reconnaissance de Sevran en tant quepoudrerie pilote. Devenu lieu d’applicationindustrielle d’innovations techniques, le sitesera le premier en 1885 a produire lacélèbre poudre B sans fumée conçue parl’ingénieur Paul Vieille. S’ensuivent touteune série de poudres pyroxylées (à base denitrocellulose) dont une variété destinéeaux chasseurs, la poudre T. Les besoinsmilitaires nés de la Première Guerremondiale se traduisent par une nouvelleextension vers l’est qui donne au site sasuperficie définitive. Les fabrications se

concentrent sur la poudre B produite aurythme quotidien de 12 tonnes par près de3000 ouvriers. Avec un effectif stabilisé à600 personnes, les années 1920-30 sontmarquées par l’apparition des poudres àcanons sans dissolvants et de nouvellespoudres en perles adaptées aux armesautomatiques.

La production conjointe des poudresmilitaires et civiles se poursuit dans lesannées 1950 aux côtés des propulseurs àpoudre pour roquettes et fusées, nouvellesfabrications impulsées par le Laboratoire deBalistique installée à Sevran en 1945. Demanière générale l’activité scientifique deslaboratoires s’amplifie au point de devenirle dernier secteur encore actif lors de ladécision de fermeture du site. En 1969l’ultime réforme de l’administration despoudres ne maintiendra que septétablissements.

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7. Apprentis ajusteurs, 1950

Centre de formation des ingénieurs poudriers à partir de 1897, Sevran reçoit une école d’apprentissage en 1939 pourformer de jeunes ouvriers poudriers.

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u n e ma n u fac t u r e p i o n n i è r e ,

[ m o d è l e d e m o d e r n i t é ]

L’histoire singulière de la poudrerie de Sevran se traduit dans sa conception par

l’introduction de nombreuses innovations techniques. Cette modernité a généré

des aménagements spécifiques encore perceptibles aujourd’hui.

Créé pour produire massivement des poudresciviles, le site sevranais a été doté deséquipements les plus perfectionnés.L’administration centrale y parvient enconjuguant l’expérience de la Direction desmanufactures de l’État à celle de l’ingénieurdes poudres Gustave Maurouard. Nommédirecteur-constructeur de l’établissement, cepolytechnicien y apporte les innovations qu’ila expérimenté à la poudrerie de Metz : fourde carbonisation à cylindres mobiles,amélioration de la trituration, du tamisage etde la granulation des poudres noires. Enoutre pour répondre aux nouveaux usagesdes poudres, la fabrication traditionnelle auxpilons a été remplacée par celle à tonnes etmeules mieux adaptée. A ces équipements

s’ajoutent des presses hydrauliques, grenoirsmécaniques, séchoirs à vapeur qui, avec les,charpenterie, tonnellerie, dépôts et magasinsconstituent un ensemble quasimentautonome alors unique.

Mais la véritable révolution réside dansl’installation de deux machines à vapeur de60 CV pour fournir l’énergie à l’ensemble dusite. Là se lit toute l’expertise de la Directiondes manufactures de l’État apportée àMaurouard. Déjà rompue à l’usage de lavapeur dans les Tabacs, cette administrationpermet au Service des poudres d’accéder àun véritable développement industriel quen’autorisait pas l’énergie hydrauliquejusqu’alors employée. Initialement, l’idée

9. Paire de meules

Les meules en fonte sont utilisées pour la trituration despoudres noires fines et extrafines, parfois en complémentdes tonnes.

8. Maquette d’une tonne de trituration

En fonte, ou en bois et cuir, rempli de gobilles de bronzeou de bois, cet appareil cylindrique mélange, par deuxpuis par trois, les composants de la poudre noire.

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semble d’ailleurs avoir été émise à Sevrand’utiliser l’eau du canal de l’Ourcq pouractionner des moulins à poudre moinsdangereux qu’une machine à vapeur qui, àproximité de matières inflammables, estsusceptible de provoquer de graves incidents.Pour répondre à la dangerosité du nouveauprocédé, des aménagements spécifiquessont alors rendus nécessaires. C’est ainsique, pour respecter des périmètres desécurité entre la source d’énergie et les lieuxde fabrication sur un espace limité, la centralea été positionnée au cœur du dispositif et lesateliers disposés sur un demi-cercle à 110 mde distance. Afin de transmettre une forcemotrice constante sur de tels intervalles,Maurouard recourt au système de transmissiontélédynamique par câbles métalliques déjàutilisé dans les mines. L’ensemble composeun plan dit « rayonnant», dans lequel lesateliers regroupés selon l’ordre du processsont séparés les uns des autres par desallées aménagées pour la circulation, etconvergentes vers le centre.

Cette installation pionnière sert rapidementde modèle auprès des autres poudreries.Efficace et économique, la machine à vapeurse généralise dans le cadre de l’extensiond’un site ou en complément de la forcehydraulique souvent insuffisante pour répondreà une augmentation rapide de la production,comme ce fut le cas à partir de 1873.

A Sevran, cet épisode conduit à l’édification àl’est du site de nouveaux ateliers bientôtalimentés par une seconde centrale. Moinscontraint spatialement, cet aménagement sedissocie du premier par une implantation desbâtiments sur des lignes parallèles formantalors un plan dit « linéaire». La constructiond’arcs de transmissions relayantl’acheminement de la force motrice depuis lacentrale jusqu’aux appareils de fabrication,ouvre en outre des perspectivesd’extensions. Tel sera le cas en 1917 pour lesbesoins de la grande Guerre, bien que se soitdéjà substituée au système par câbles,l’énergie électrique.

11. Centrale Boris, 2010

Du nom d’un ancien ingénieur, cette centrale construiteen 1880 a également été débarrassée de sa partie arriè-re. Elle est aujourd’hui désaffectée.

10. Pavillon Maurouard, 2010

La première centrale, amputée en partie arrière de sasalle des chaudières et de sa cheminée, accueille aujour-d’hui des locaux associatifs. Elle possède toujours sonclocheton qui marquait autrefois le temps du travail.

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u n paysag e p o u d r i e r

[ m o n u m e n ta l i s é ]

A une conception moderne correspond un paysage et une architecture

monumentale qui répondent tant aux besoins de sécurité communs à toute

poudrerie qu’à un souci de représentation caractéristique des manufactures

de l'État.

Au-delà de la machine à vapeur qui nécessitades adaptations spécifiques, la questionsécuritaire reste centrale pour toutes lespoudreries. La dangerosité de l’activité,responsable de nombreux incendies etexplosions, aboutit progressivement à ladéfinition d’un ensemble de mesures enmatière de construction et d’aménagementde l’espace afin de limiter les incidents.

Ces prescriptions consistent en premier lieu à respecter un espacement minimum de 40 à 50 mètres entre chaque atelier pouréviter toute propagation. A Sevran lesbâtiments de fabrication sont espacés de 44 mètres et les dépôts, contenant plusde poudres, de 70 mètres. Puis, secondemesure, de part et d’autres des ateliersdoivent être aménagées des buttes de terresde 5 mètres de hauteur et de 2 mètres delargeur. Ces merlons ont été élevés à Sevranà l’aide des déblais et du creusement des

sols formant alors quatre mares dont troissont encore en place aujourd’hui. Alimentées par les eaux d’écoulement dubois et celles de la condensation desmachines, elles constituaient des réserves en cas d’incendie ou de dysfonctionnementdes pompes des puits artésiens. Afin de renforcer l’écran de protection que constituent les merlons, ces dernierssont plantés d’arbres d’essences diverses.

Au niveau architectural, des principessécuritaires sont également adoptés. La règlegénérale veut que plus les atelierscontiennent une quantité importante depoudre, plus leur structure doit être légère.Ainsi les ateliers de fabrication concentrantrelativement peu de matières, comportenttrois murs épais d’un mètre, encore renforcépar un mur de protection ainsi que d'unquatrième côté en bois. En cas d’explosioncette paroi volera en éclats permettant ainsi

12. Merlons, 2010

13. Cuve d’eau, 2010

Disposée à l’entrée des ateliers, elle permettait aux pou-driers de répondre rapidement à un début d’incendie.

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de protéger les lieux opposés dédiés à lacirculation des ouvriers. A l’inverse dans lesdépôts intermédiaires et ateliers de pressagechargés en poudre, les constructions sontplus légères. Ne pouvant opposer derésistance efficace aux explosions il estpréférable que les matériaux utilisés puissentêtre disloqués et projeter sans risquer deretomber dangereusement.

L’ensemble de ces dispositions confère auxpoudreries modernes leur physionomieparticulière : étendues, boisées, jalonnées de petites constructions homogènes. A Sevran elle s'accompagne d'une réellemonumentalisation qui initialement inspiréedes manufactures des tabacs conservera sa cohérence après le transfert du site à l'administration militaire. Cette permanencetraduit la culture commune que partagent les ingénieurs du Génie et des Manufacturesde l'État, et avant tout basé sur un esprit de rigueur où l'idée d'ordre est garante de discipline et d'efficacité.

Ce principe est perceptible au niveau du plantout d'abord. Si la forme « rayonnante» offredéjà un décor quasi théâtral au lieu, celui-ciest renforcé par la recherche de symétrie quipréside à l’organisation du site. Depuisl’avenue de la Poudrerie se dessine un axequi traverse en leur centre les bâtiments dedirection, de composition des mélanges et dela centrale. Les ateliers se déploient alors depart et d’autre de cette ligne fictive. Lesextensions effectuées dans les années 1880par l'administration militaire à l'est du sitereprendront ce même principe. Un nouvel axede symétrie se forme à partir de l'actuelleallée Eugène Burlot, franchit les deuxpavillons d’accueil, le groupe XVII et seprolonge jusqu’à la centrale Boris. L’architecture se veut égalementmonumentale par des compositionsordonnancées et des volumes équilibrés.Marquées par la mise en œuvre soignée desmatériaux et des modénatures, cesconstructions sont imprégnées de référencesacadémiques communes aux édifices

15. Abri 35, 2010

En bois et briques, couvert d’ardoise, ce dépôt de poudreest conçu pour se disloquer facilement en cas d’explo-sion.

14. Groupe XI, 1977

Le mur fort en moellons de pierre enduit est relié par unarc-boutant à un mur dit de masque. La galerie couverteainsi formée sert à l’installation des transmissions, et pro-tège les ouvriers chargés de la surveillance en cas d'ex-plosion. La partie arrière est composée de parois de bois.

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militaires et aux manufactures d'État. Lesouvertures en arcs surbaissés ou de pleincintre ainsi que les appareillages de pierreset de briques de la poudrerie se retrouventsur certaines casernes et manufacture destabacs. Élément le plus significatif, lebâtiment administratif. Avec sa toiture percéede lucarnes et recouverte d’ardoise, il

s'inspire du style néo-Louis XIII en voguesous le Second Empire . Il s'avère être une réplique quasi exacte desbâtiments adminsitratifs des manufacturesdes tabacs. Comme eux, sa situation enfaçade urbaine, son plan ordonnée et lesdétails de son architecture expriment letriomphe industriel de l'État.

17. Bâtiment administratif, 2007

La pierre de taille très présente sur ce bâtiment symbo-lique est utilisée en maçonnerie pour l’ensemble de rez-de-chaussée ainsi qu’en ornementation en associationavec la brique pour l’encadrement des baies, les chaî-nages d’angle et décoration des trumeaux.

16. Plan du bâtiment administratif, 1866

Reprenant les canons des Manufactures d’État, la composition du bâtiment présente une symétrie parfaite. Le corpscentral regroupe bureaux et logements dont celui du directeur à l’imposant balcon. Les ailes comprennent aussi deslogements, pour contremaitre à droite, et un casernement d’ouvriers à gauche. Enfin les deux porches marquaient àgauche l’entrée d’origine du site et à droite celle des écuries. Aujourd’hui l’ensemble est affecté à des logements pourle personnel du ministère de la Défense.

18. Manufacture des tabacs de Châteauroux vers 1900

De fortes similitudes se perçoivent au niveau du plan etdes formes architecturales entre la poudrerie et cet éta-blissement, prototype conçu en 1858 par l’ingénieurEugène Rolland futur responsable de la Direction desManufactures de l’Etat.

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[o r ga n i sat i o n s o c i a l e ]e t c o m mu n au t é p o u d r i è r e

La vie manufacturière dans l’industrie des poudres est d’autant plus hiérarchisée

que l’activité est dangereuse. Cette organisation se traduit par des règles et

avantages qui renforcent un sentiment d’appartenance.

Les risques inhérents à la fabrication despoudres imposent aux poudriers desconsignes strictes dictées parl’administration. Il est ainsi interditd’introduire son nécessaire à tabac dans lesateliers. Les ouvriers doivent porter leur« lasting», habit réglementaire du poudrierdont la maille très serrée (testé à Sevran dès1882) ralentit la combustion.

Les besoins de l’activité ont nécessité laprésence de logements pour l’encadrement,les gardes magasins et ouvriers fixes. Lors dupassage sous tutelle militaire, une caserned’infanterie vient s’ajouter, complétée par laconstruction de pavillons aux pourtours dusite. Avenue de la Poudrerie à Livry-Gargan,des pavillons doubles des années 1930 fontface à une cité-jardin édifiée pour les ouvrierset employés. Après-guerre d’autres groupesd’habitations sont réalisés à Vaujours

(rue Paul-Vieille), Villepinte (boulevard Jacques-Amyot) et Sevran (rue du Docteur Roux).

Ces réalisations ne sont pas dénuées devisée paternaliste veillant à protéger cesemplois à risque par ailleurs défendus par unesolide organisation syndicale. Dès le XIXe

siècle les poudriers bénéficiaient des caissesde secours mutuel, de retraite ainsi qued’allocations pour les veuves et orphelins.

La famille des poudriers possèdent sespropres rites qui assurent la cohésion dugroupe. La célébration de la Sainte-Barbe,(patronne des poudriers) marque un tempsfort de la vie des poudriers. La tradition en estperpétuée dans le parc de la poudreriechaque premier dimanche de décembre auMusée technique des poudres del’armement.

20. Fête poudrière, vers 1950

Défilé du 14 juillet organisée à la poudrerie, l’occasion debriser les codes en se déguisant. En arrière plan, les loge-ments de fonction des contremaîtres.

19. Logements des contremaîtres, 2010

Dans le prolongement de l’axe du bâtiment administratif,face à la cité-jardin, cet ensemble comprend six loge-ments alignés sur l'avenue de la Poudrerie.

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« Cette brochure sur la poudrerie nationale de Sevarn-Livry constitue

un nouvel élément de mise en valeur de l’histoire riche et originale

du territoire départemental. Dans une période de profonds changements,

cette connaissance de notre héritage culturel vise, également,

à favoriser la réflexion de chacun pour la constitution d’un avenir

solidaire en Seine-Saint-Denis.»Claude Bartolone

Président du Conseil généralDéputé de la Seine-Saint-Denis

crédits En couverture

Fonds: École polytechnique / Philippe. Lavialle; Conseilgénéral de la Seine-Saint-Denis ; Musée technique despoudres d’armementPhotographies

Conseil général Seine-Saint-Denis: 1, 2, 10, 11 à 13, 15, 19;Coll. part. : 4, 8, 9, 14 ; Laurent Desmoulins: 17Autres illustrations

Coll. part. : 3, 5, 6, 18, 20; Ecole polytechnique : 16Plan central

Conception Conseil général de la Seine-Saint-Denis àpartir d’un plan des Collections de l’Ecole polytechnique/ Philippe LavialleTexte et recherche documentaire

Antoine Furio, Service du patrimoine culturel, Conseilgénéral de la Seine-Saint-Denis et Guillaume TozerDirection éditoriale

Jean-Barthélemi Debost, Service du patrimoine culturel,Conseil général de la Seine-Saint-DenisMise en page

Krzysztof Sukiennik bibliographieAMIABLE René, L'histoire de la création et des débutsde la Poudrerie de Sevran-Livry, in Bulletins ATOUTPARC de l'Association des Amis du Parc Forestier deSevran, n° 22 à 28, 1996-1999 ANQUETIN L., La poudrerie nationale de Sevran inPortefeuille économique des machines de l’outillage et du

matériel, n°195 à 197, 201, 202 et 204, 1872 ;FIEVRE Laurent, Les manufactures de tabacs et d’allumettes, PUR, 2004MEDAR Louis, Historique de la poudrerie de Sevran-Livry,de sa création jusqu’en 1918 in SHRPA n°6, 1977VANNETZEL, Le service des poudres in Croix de guerre,n° spécial octobre-novembre 1961.

sourcesService historique de la défense, site de Vincennes,fonds de l’Artillerie, série 11WArchives départementales de la Seine-Saint-Denis, fondsdes Établissements classés, 93/ 276, 1239 et 1240.Archives de l’École polytechnique, fonds de plans de lapoudrerie de Sevran-Livry

adressesL’entrée principale du parc de la poudrerie se situe AlléeEugène Burlot à Vaujours. L’accès au Musée techniquedes poudres de l’armement s’effectue également par leparc.

remerciementsRené Amiable, Michel Glevarec, Christian Merlier, GilbertMartin et Jean Viallet et toute l’équipe de l’associationdes amis du parc forestier ; Olivier Azzola, Bibliothèquede l’École polytechnique ; Anne-Elyse Lebourgeois etMartine Destouches, Service historique de la défense,site de Châtellerault.

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Le Service du patrimoine culturel du Conseil général de la Seine-Saint-Denis participe à la compréhension de l’histoire du territoire et de ses habitants à partir des données archéologiques et de l’inventaire du patrimoine bâti.

Conseil général de la Seine-Saint-Denis

Direction de la Culture, du Patrimoine, du Sport et des Loisirs, Service du patrimoine culturel

93006 Bobigny Cedex — 01 43 93 75 32 — [email protected] — www.seine-saint-denis.fr

www.at las -pat r imoine93 . f r

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Limites entre les usines rayonnante et linéaire

Bâtiments encore en place

Tracés des passages de câbles

Champ de tir aux canons

Laboratoire de la Marine

Commision des Substances Explosives

Ligne Paris-Soissons

Canal de l’Ourcq

Champ de tir aux canons

Ligne Paris-Soissons

Canal de l’Ourcq

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plan partiel de la poudrerie nationale de sevran-livry - juin 1888

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A l’ouest, la poudrerie d’origine dite « rayonnante ». Derrièreles bâtiments de l’administration et des logements (A), les ate-liers s’organisent autour de la centrale thermique (B) suivantles diverses étapes de fabrication, puis sont doublées par unsecond demi-cercle d’ateliers et dépôts (8). Si deux lignesd’usines se développent pour les poudres à fabrication rapideà gauche (mines, commerce extérieur, guerre) et pour celles àfabrication lente à droite (chasse), ces étapes restent globale-ment similaires :1 : carbonisation du bois de bourdaine

a :magasin au soufreb :magasin de salpêtre

2 : composition du mélange charbon-salpêtre-soufre3 : trituration du mélange par tonnes et meules 4 : passage sous presse pour obtenir une galette5 : grenoir de la galette pour obtenir des grains6 : lissage des grains par tonnes lissoir7 : séchage à la vapeur8 : ligne de dépôt intermédiaire9 : époussetage et empaquetage des poudres 10, 11 : stockage avant expédition

A l’est, les ateliers de la poudrerie « linéaire » comprennentde part et d'autre de la centrale (C) deux ensembles de fabri-cation dédiés principalement aux poudres noires militaires.La ligne 1 concentre les ateliers de fabrication, les parallèles 2et 3 regroupent les dépôts intermédiaires, atelier de composi-tion des mélanges, et de concassage. En 1885 des aménagements sont entrepris pour recevoir la fa-brication de la poudre B. A partir de l’atelier 4, centre névral-gique du dispositif, se déploient les nouvelles lignes 5 et 6.Les opérations de malaxage de coton-poudre et dissolvant,de laminage, découpage et séchage constitutives de la pro-duction de poudre sans fumée occupent progressivement toutl’est de l’établissement où s’ouvre la nouvelle entrée (D).

E : caserne d’infanterie construite vers 1880 reconvertieen logements sociaux dans les années 1990. F : emplacement des pavillons des contremaitres construitsdans les années 1930 G : emplacement de la cité-jardin édifiée en 1931H : emplacement des pavillons construits dans les années 1950

plan partiel de la poudrerie nationale de sevran-livry - juin 1888

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