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Pcf convention europe "Refonder l'Europe"

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Présentation du Projet de la direction du PCF en vue des élections européennes de mai 2014

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LA REVUEDU PROJET

JANVIER 2014

SOM

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REÉDITO : UN FORMIDABLE OUTIL ! Pierre Laurent ........................................................................................................................... 3

POUR UN NOUVEAU PROJET EUROPÉENDiscours prononcé par Patrik Le Hyaric en ouverture des travaux de la convention nationale du projet sur les enjeux européens le 16 novembre 2013 ................................................................ 4

LA CONVENTION EN QUELQUES MOTS... ....................................................................................................................................... 12

REFONDER L’EUROPE (texte adopté par le Conseil national du PCF).................................................. 13

UN COMBAT POPULAIRE ET DE CLASSE DE NOTRE TEMPS........................................................................................................... 14

DIX-HUIT QUESTIONS POUR LE DÉBAT .................................................................................................................................................... 19

Comment construire une Union européenne réellement démocratique ?................................................................................ 19

Qu’entendons-nous par « Europe sociale » ? ........................................................................................................................................... 21

Comment, plus généralement, établir et garantir des rapports de solidarité – et non plus de concurrence ni de domination – entre les peuples, les territoires, les États au sein d’une Union européenne en voie de refondation ?................................................................................................................................ 22

Quelle place pour les jeunes dans un nouveau projet européen ?................................................................................................. 24

Quelles doivent être les obligations d’une telle Union européenne du point de vue des libertés et des droits fondamentaux ? Du point de vue de l’égalité des genres ? ............................................................ 25

Quel sort pour l’euro ? ........................................................................................................................................................................................ 26

En quoi la sortie de l’euro ne peut pas être la solution ?...................................................................................................................... 29

Quelle contribution la dimension européenne peut-elle apporter aux secteurs d’activité économique ? ........................................................................................................................................................ 30

Quelle nouvelle politique agricole commune ? Quelle politique de la mer et des pêches ? ................................................ 31

Quelle initiative européenne pour impulser la transition écologique ?......................................................................................... 32

Quelle ambition nouvelle en matière de politique culturelle d’une nouvelle Union européenne ? ............................................................................................................................................................ 34

Quelle Europe de la connaissance ? ............................................................................................................................................................ 34

Quelle politique des migrations dans une Europe refondée ?.......................................................................................................... 37

Quelles relations particulières une telle Union européenne doit-elle entretenir avec les pays voisins et les régions géographiquement, historiquement ou culturellement proches ?............................................................................................................................................................................ 38

Cette Union européenne doit-elle viser à jouer un rôle marquant sur la scène internationale ? ...................................... 39

Quel rôle concevons-nous pour la France en faveur d’un processus de refondation de l’Union européenne ? .................................................................................................................................................... 41

À quelles conditions fondamentales un État peut-il être membre d’une Union européenne refondée tel que nous l’entendons ? ............................................................................................................................................................ 41

Quelle place pour les luttes sociales et politiques, pour les initiatives des partis européens (tel le PGE) et des élus de gauche au parlement européen (tels ceux du groupe GUE-NGL) pour modifier les rapports de force dans une perspective de changements profonds ? ................................................... 42

AUDITIONS .....................................................................................................................................................................................................44 Nasser Mansouri............................................................................................................................................................................................ 44Tony Andreani................................................................................................................................................................................................. 45 Katerina Stenou.............................................................................................................................................................................................. 45Géraldine Lapp............................................................................................................................................................................................... 46

BULLETIN D’ABONNEMENT À LA REVUE DU PROJET ............................................................................................................ 47

La Revue du Projet - Tél. : 01 40 40 12 34 - Directeur de publication : Patrice BessacRédacteur en chef : Guillaume Roubaud-Quashie Secrétariat de rédaction : Noëlle Mansoux • Comité de rédaction : Caroline Bardot,Hélène Bidard, Davy Castel, Igor Martinache, Nicolas Dutent, Amar Bellal, Marine Roussillon, Côme Simien, Renaud Boissac, ÉtienneChosson, Alain Vermeersch, Corinne Luxembourg, Léo Purguette, Michaël Orand, Pierre Crépel, Florian Gulli, Jean Quetier, SéverineCharret, Vincent Bordas, Nina Léger, Franck Delorieux, Francis Combes • Direction artistique et illustrations : Frédo CoyèreMise en page : Sébastien Thomassey • Édité par l’association Paul-Langevin (6, avenue Mathurin-Moreau 75 167 Paris Cedex 19)Imprimerie Public Imprim (12, rue Pierre-Timbaud BP 553 69 637 Vénissieux Cedex) • Dépôt légal : janvier 2014 - N°Hors-série -31ISSN 2265-4585 - Numéro de commission paritaire : 1014 G 91533.

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ÉDITO

UN FORMIDABLE OUTIL !ne des grandes décisions de notre derniercongrès a été la mise en place du Comitédu projet qu'Isabelle De Almeida, présidentedu Conseil national du PCF, anime à mescôtés. Il s'agissait de doter notre parti d'une

instance permanente de réflexion et de travail afind'optimiser la coordination de notre projet politique.Dans le cadre du travail du comité, la décision a étéprise d'organiser une série de conventions dont la pre-mière s'est tenue le 16 novembre 2013 avec pour thé-matique l'enjeu d'un nouveau projet européen. La pro-chaine convention est d'ores et déjà fixée. Elle setiendra à l'automne 2014 et aura pour sujet la défini-tion d'un nouveau modèle industriel. Nous sommesdès à présent dans sa préparation.

Le travail que nous avons réalisé avec ce texte estextrêmement précieux. Il constitue une étape impor-tante dans notre réflexion sur notre projet européen.Nous nous sommes exprimés à chaque étape de laconstruction européenne en avançant des proposi-tions fortes. Nous avons notamment mené la cam-pagne contre le traité constitutionnel en 2005 et leFront de gauche est né de ces batailles européennes.Nous dénonçons depuis longtemps déjà les dégâtsdes choix qui ont prévalu à l'intégration régionale euro-péenne. Nous étions, en effet, le seul grand parti àmener la bataille sur des bases progressistes pour dire« non » à Maastricht en 1992. Nous avons mené cettecampagne courageusement et parfois très seuls àgauche. Toutes nos batailles et tous nos diagnosticsont montré leur pertinence. Nous sommes entrésavec la crise économique et l'exacerbation des contra-dictions du modèle libéral d'intégration européenne,dans une période tout à fait nouvelle dont nous savonsque l'Europe et l'UE ne sortiront pas indemnes. L'enjeun'est donc plus de savoir si l'Union européenne vacontinuer, la période débouchera inévitablement surdes transformations profondes. Le problème est desavoir si ces transformations vont être des avancéesprogressistes ou une dégradation accélérée de lasituation pouvant amener à une intégration capita-liste de plus en plus autoritaire ou à son éclatement,ou encore à une confrontation de nationalismes.

L'enjeu est grand et le débat qui en découle est toutaussi profond. Un débat existe en effet, dans toute lagauche, sur les choix stratégiques que nous devonsopérer ; il tourne autour de la question de la contes-tation de l'idée d'intégration régionale européenne etde l'instrumentalisation qui en est faite par le Frontnational. L'heure n'est pas à la contestation stérile :

nous avons complètement dépassé la seule questiondu refus et de la dénonciation de l'UE. La bataille quiest engagée dans toute l'Union européenne n'estd'ores et déjà plus une bataille sur le rejet mais biensur les solutions face à la crise. Toutes les forces poli-tiques, à commencer par l'extrême droite se sont lan-cées dans cette bataille des solutions. Nous devonsnous aussi être porteurs d'un projet et de solutions àcette situation. Nous ne devons pas rivaliser sur « quisera le meilleur pour dire que cette Union européenneest catastrophique ». Toutes les enquêtes d'opiniondisent que le rejet est massif. L'enjeu majeur de l'af-frontement politique est ailleurs : dans quelle direc-tion ce rejet massif va trouver ses solutions ? Toutela bataille politique se concentre sur cette question.

Cette perspective confère toute son importance auxtravaux de notre convention. Nous avons franchi uncap important en structurant notre approche, endéterminant nos priorités, en menant la réflexion poli-tique. Ce document est un formidable outil, une étapedécisive de notre travail sur lequel nous devons nousappuyer pour faire connaître nos propositions auprèsdu plus grand nombre. Il est, bien évidemment, unrelais indispensable dans la campagne électorale quenous allons mener jusqu'aux élections européennes.Mais son utilité dépasse le seul calendrier électoral.Ce document que nous avons choisi de publier ennuméro hors-série de La Revue du projet, a été pensécomme une référence de long terme pour nos bataillespolitiques. À ce document s'ajouteront d'autres hors-série issus des travaux des conventions à venir. Àterme, nous ambitionnons la constitution d'un largefonds programmatique, matrice générale à notre com-bat politique. Ce premier numéro est ainsi un premierpas vers cet objectif. Sa qualité ne peut que nousencourager pour la suite. n

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PIERRE LAURENTSecrétaire national

du Parti communiste français,responsable national du projet

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Notre convention nationale pour un « nouveau projeteuropéen » marque une étape dans nos réflexions, nostravaux d’élaboration, commencés à la fin du mois demai dernier. Étape, car le chantier est immense et lesconditions de préparation n’ont pas permis d’associerlargement les adhérentes et les adhérents comme nousl’aurions souhaité.

Je veux remercier toutes celles et tous ceux qui y ontparticipé. Le comité du projet. Le petit collectif decamarades qui y ont travaillé tout l’été et cet automne.Les personnalités qui ont bien voulu nous donner leuropinion sur notre projet de texte. Celles et ceux quinous ont fait parvenir des contributions écrites. Ellesnous ont toutes été très utiles et beaucoup trouventleur place dans le texte tel qu’il vous est présentéaujourd’hui.

Étape aussi, parce que la réflexion doit bien sûr se pour-suivre après cette journée. Il s’agit, vous le savez, dedéfinir une conception nouvelle, un cadre politique,une démarche qui doivent nous permettre d’être mieuxpartie prenante, plus utiles et plus rassembleurs dansl’affrontement aigu qui porte désormais sur le devenirmême de l’Union européenne.

Voilà pourquoi notre projet ne se veut pas un prêt-à-penser et qu’il n’a de sens que s’il favorise le débat, laconfrontation dans la société. Débat avec les forcessociales, associatives, les forces progressistes, la majo-rité des citoyennes et citoyens qui s’interrogent et quicherchent des solutions, des issues de progrès soli-daires aux impasses actuelles, pour un changement enFrance et en Europe.

L’AFFRONTEMENT SUR LES ENJEUXEUROPÉENS EST RUDELes choix alternatifs sont étouffés. Les politiquesmenées sont présentées comme les seules possibles.Mais elles provoquent un tel mécontentement parmi lespopulations, sur l’ensemble du continent, que l’idéemême de construction européenne est remise en ques-tion. Au point que l’idée même de sa nécessaire réorien-tation se trouve, aujourd’hui plus fréquemment qu’hier,dévoyée par la montée des replis et des nationalismes.Une fois de plus, nous voyons que lorsque les popula-tions, les salariés, les paysans, les retraités, les jeunes,souffrent terriblement des choix politiques européens,cela ne les conduit pas spontanément à se rassemblerpour en imposer d’autres, plus conformes à leursattentes et espoirs. Pour beaucoup, et singulièrementparmi ceux qui souffrent le plus, la tentation est forte detourner le dos à tout projet commun. Pour d’autres, sansenthousiasme, avec de nombreuses interrogations etmême parfois des oppositions, c’est l’existant ou la fuiteen avant institutionnelle du fédéralisme qui incarnent lemoindre mal.

Vingt ans seulement après la mise en œuvre du traité deMaastricht, les dégâts sont immenses, les souffrancessociales terribles. Quel mensonge de la part des diri-geants politiques de l’époque, de droite et du partisocialiste, qui faisaient des meetings communs pourfaire croire que ce traité allait, je les cite : « ouvrir unenouvelle ère de prospérité en Europe » ! On connaîtmalheureusement aujourd’hui les terribles résultats,faits de souffrance humaine, de chômage, de précarité,de privations, de destructions des services publics,d’avenir bouché pour la jeunesse. L’échec est si grand,

Discours prononcé en ouverture des travauxde la convention nationale du projet sur lesenjeux européens le 16 novembre 2013

POUR UN NOUVEAUPROJET EUROPÉEN

Patrick Le Hyaric est responsable du projet européen du Parti communiste français.

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si profond qu’on entend désormais certains promo-teurs de cette Europe s’interroger à haute voix sur lapertinence des choix faits.

La commission européenne elle-même se demande si,finalement, elle ne devrait pas ajouter un « pilier social »à l’Union économique et monétaire. Autrement dit, ellecherche à délivrer des cachets d’aspirine pour traiter uncancer.

NOUS SOMMES À UN TOURNANTC’est ce qui nous conduit dans notre document à mon-trer que : « les enjeux européens se posent aujourd’huid’une manière radicalement nouvelle par rapport auxpériodes passées ». Ceci pour plusieurs raisons fonda-mentales.

∆ La première tient à la profondeur et à la violence dela crise qui frappe les populations de tous les paysmembres de l’Union européenne.

En Grèce, on est aujourd’hui au-delà de la destructionde la cohésion sociale et très proche de la crise huma-nitaire. Des jeunes Espagnols sont contraints d’allertravailler en Allemagne. Des jeunes Portugais s’expa-trient au Mozambique et en Angola, non pas cette foiscomme des colons, mais comme des migrants écono-miques.

En France, nous venons de subir mille plans de sup-pressions d’emploi et d’autres sont en cours. Au nomdes critères de gestion européens on augmente lesimpôts, dont les impôts indirects, et on réduit les ser-vices publics, on recule, année après année, l’âgeouvrant droit à la retraite. Les chiffres ne rendentqu’imparfaitement compte de la réalité humaine, maiscette Europe de l’argent roi, c’est 27 millions de chô-meurs.

Le quart de la population, soit 120 millions d’Euro -péens, est considéré comme pauvre. Dix-huit millionsd’Européens bénéficient du programme d’aide alimen-taire aux plus démunis. Près de deux millions d’exploi-tations agricoles ont disparu depuis 2002.

Le programme commun à la commission, au Conseil, àla BCE et au FMI met à mal, l’une après l’autre, les avan-cées obtenues après la guerre dans la partie occidentalede l’Europe qui en constituaient ce qu’on a appelé le« contrat social ». Quant à la partie orientale, elle estloin de bénéficier d’un rattrapage puisqu’elle est un desmaillons de la concurrence « libre et non faussée » sichère à la finance et aux grands groupes internatio-naux.

Pour tenter de répondre à la crise des débouchés qu’ilsont eux-mêmes créée, ainsi qu’à une certaine perted’hégémonie face aux pays émergents, les marchésfinanciers et les multinationales, agissent pour faireaboutir le projet d’un « marché transatlantique » enfaveur duquel la commission de Bruxelles etl’Allemagne jouent un rôle d’impulsion au service ducapitalisme globalisé.

∆ Paradoxalement, et c’est un second élément qui doitnous conduire à traiter de ces enjeux de manière nou-velle, notre époque appelle un formidable besoin departage, de mise en commun, de coopération, de soli-darité.

L’interpénétration des économies, la constitution degrands blocs économiques, le développement des paysqu’on dit « émergents » (Brésil, Chine, Indonésie,Inde), la révolution informationnelle et numérique quiouvre de nouvelles perspectives de relations entre lesindividus, de mise en commun pour affronter lesgrands défis du climat, de l’environnement, de lasanté, de la nutrition, de l’eau, de l’illettrisme, bref,tout ce qui permettrait de mieux vivre sur une Terredont la population va atteindre demain 9 milliardsd’êtres humains. Tout cela appelle un processus démo-cratique de passage de la mondialisation capitaliste àune mondialisation pour les êtres humains, le désar-mement, la paix, la solidarité.

Au cœur de ce processus, nous inscrivons le projet d’unnouveau type de construction coopérative de l’Europeen capacité de jouer un rôle inédit dans un monde enpleine transformation. Rappelons que l’Union euro-péenne représente 7 % de la population du monde,qu’elle en est la première puissance économique avec25 % du PIB mondial qu’elle concentre toujours la moi-tié des dépenses sociales de la planète.

∆ Au titre de ce qui bouge dans la bonne direction,nous ne manquerons pas de relever un mouvement derésistances et de luttes, jamais connu jusqu’ici, contreles politiques d’austérité.

C’est une dimension essentielle de la période. Cesluttes et ces résistances populaires, syndicales etcitoyennes, mettent en cause les logiques libérales, lasoumission aux marchés et aux banques. Sans pourautant toujours exprimer une contestation globale dusystème, elles mettent en cause la dépossession démo-cratique, pilotée par les institutions communautaires etle Fonds monétaire international, avec la complicitéactive des gouvernements.

Dans les pays du sud de l’Europe, elles prennent aussiune dimension de lutte contre la domination alle-mande, voir anticoloniale qui découle d’ailleurs d’unesorte de fracture Nord-Sud. Ces résistances et ces luttes,ces instabilités gouvernementales et ces crises poli-tiques dans la plupart des pays d’Europe désormais,peuvent nourrir soit le besoin d’un changement radi-cal, soit celui d’un repli national ou encore d’une fuitevers l’Europe fédérale.

Nous ne voulons pas, nous ne devons pas laisser lechamp libre à un affrontement réduit aux tenants desdeux dernières options, pain bénit pour les piresaventures. De ce point de vue, on n’alertera jamaisassez sur l’extrême droite qui s’organise activement,on le voit depuis quelques jours, en créant desalliances en Europe pour disposer d’un groupe au par-lement européen.

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Ces luttes, ces mouvements citoyens peuvent être unpoint d’appui et contribuent à la dynamique qui peutrendre possible une refondation de l’Europe, à condi-tion que soient proposées aux peuples une alternative,une perspective progressiste et les chemins inédits àemprunter pour qu’elle triomphe.

∆ La nouveauté c’est aussi ce que désormais beaucoupdésignent par « la crise de légitimité démocratique ». Lavérité c’est que l’actuelle construction européenne estde plus en plus « adémocratique », antidémocratique,voire autoritaire.

Dans le terrible bras de fer engagé entre les forcesdominantes, même si elles sont parfois sur la défensive,et les peuples, nous avons une grande responsabilité :celle de mettre en débat une issue neuve, originale,démocratique, sociale, environnementale, féministe,antiraciste, écologiste.

UNE NOUVELLE ÉTAPE DE RÉGRESSIONSOCIALE ET DÉMOCRATIQUE EST ENPRÉPARATIONC’est d’autant plus indispensable qu’une nouvelleétape de régression sociale et démocratique est en pré-paration. Au Conseil européen, on parle désormaisd’imposer aux pays en difficulté des critères dits de« macro-conditionnalité ». C’est-à-dire qu’un pays nebénéficierait des fonds européens que s’il appliquel’austérité renforcée. Dans le même ordre d’idée, lesinstitutions européennes veulent mettre en place cequ’ils appellent des « contrats de compétitivité ».Chaque État serait ainsi géré comme une entreprise,selon sa capacité à réduire les crédits publics et à dimi-nuer la rémunération du travail.

Au lendemain des élections allemandes, Mme Merkel aressorti son projet d’intégration plus poussée de la zoneeuro, donnant plus de pouvoir à la commission pourcontrôler et sanctionner les États. Il y a quelques jours,le journal Der Spiegel, indiquait qu’Angela Merkel veutmodifier le traité européen dans son protocole n° 14pour obtenir « un vaste contrôle communautaire desbudgets nationaux, de l’endettement public dans lesvingt-huit capitales de l’Union et des réformes natio-nales, visant à accroître la compétitivité et la mise enœuvre des réformes sociales ».

Au nom d’une absence de « gouvernance », qui serait lacause de la crise de l’Euro, la marche est engagée versun « fédéralisme budgétaire centralisateur », avec à laclé, une révision des traités qu’on voudrait nous propo-ser dans les mois à venir, comme nouvel élan d’uneUnion en « panne de légitimité ».

Autant de motifs supplémentaires pour, comme le ditnotre document, « contester et rompre avec le fonde-ment de classe de l’actuelle construction européenne ».Parfois cette formulation est interrogée, voire discutée.Dès ses fondements, le capital multinational a piloté leprojet d’Union européenne. Dès 1949, l’Américain PaulHoffman, responsable de l’administration de coopéra-tion économique et répartiteur des fonds du plan

Marshall, exige l’engagement dans l’intégration capita-liste. Je le cite : « La substance d’une telle intégrationdevrait être la formation d’un marché unique danslequel les restrictions quantitatives aux mouvementsdes biens, les barrières monétaires aux flux de paie-ments et, finalement, tous les droits de douane,devraient être éliminés de manière permanente ». Lesarguments économiques en faveur de l’intégrationcapitaliste européenne sont, dès cette époque, pré-sents. Ils seront utilisés en permanence par le grandpatronat européen de « la table ronde des industrielseuropéens » et par les droites européennes.

LES ORIENTATIONS ET LES STRUCTURES AVECLESQUELLES IL FAUT ROMPRE.Notre document insiste sur l’idée que, pour nourrirune dynamique populaire de contestation des choixactuels, il convient donc de désigner clairement lesorientations et les structures avec lesquelles il fautrompre.

D’abord la mise en concurrence généralisée qui pousseau dumping social et fiscal, à l’obligation d’ouvrir lesentreprises et les services publics à la concurrence,l’obsession de la compétitivité par la diminutionconstante des droits sociaux et des rémunérations dutravail, le libre échange intégral. Rompre ensuite avec lafinanciarisation de l’économie.

C’est de cette financiarisation galopante de l’économieque découlent tant de plaies, l’austérité, la précarité, lechômage, l’asphyxie des services publics… Refusercette logique de soumission aux exigences de la hautefinance sur le marché financier permet d’aborder laquestion décisive des nouvelles missions à confier à laBanque centrale européenne (BCE) et d’un rôle radica-lement nouveau pour l’euro, avec un autre crédit desbanques ; de demander la suppression du pacte de sta-bilité et la remise en cause du traité budgétaire, commedes directives ou règlements qui s’y apparentent ; d’exi-ger une véritable chasse aux paradis fiscaux, l’instaura-tion d’une taxe effective sur les transactions financièreset le vote d’une réforme fiscale fondée sur la justicesociale et l’efficacité économique. Bref, de demanderque tous les moyens soient mobilisés pour créer de lamonnaie et utiliser l’argent en faveur de l’emploi, del’éducation et de la formation, de la culture, des ser-vices publics, de la transition écologique, d’un nouveaudéveloppement humain.

Enfin, s’attaquer à la verticalité des pouvoirs dans l’ac-tuelle construction européenne : aux traités qui ont pourobjectif de constitutionnaliser un modèle libéral capita-liste ; à la BCE indépendante ; à la commission et sonarrogante « gouvernance économique » ; à la Cour de jus-tice européenne, aux pouvoirs exorbitants et sansrecours ; à la concentration de fait de leviers de com-mande au niveau des États dominants, à commencer parl’Allemagne de Mme Merkel. Refuser cette logique veutdire agir pour impliquer les citoyens dans l’élaborationdes grands choix politiques européens, le contrôle desdécisions et l’évaluation de leurs effets ; obtenir desdroits d’intervention pour les salariés sur la gestion des

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entreprises ; faire respecter les prérogatives des assem-blées élues, à commencer par les parlements. En un mot,faire vivre la démocratie et la souveraineté populaire.

Nous tentons de répondre dans le projet à des ques-tions que se posent de nombreux citoyens. Construirel’Europe a-t-il encore un sens ? Est-il possible de rom-pre avec ce type « d’Europe », sans aboutir, paradoxale-ment, dans le monde tel qu’il est actuellement à uneexacerbation de la guerre économique et financière,constituée de dévaluations compétitives ? Sans aboutirà l’augmentation du dumping fiscal et social ou au ren-chérissement d’importations au nom d’intérêts natio-naux, de spéculation sur les dettes, avec tous les risquespolitiques qui en découlent ?

LA RECHERCHE D’UNE VOIE ORIGINALE, UNCOMBAT DE CLASSE DE NOTRE TEMPSNotre choix n’est pas entre le statu quo actuel et leretour en arrière. Nous proposons de chercher une voieoriginale. Celle du rassemblement dans l’action, dansdes luttes unies, graduelles, afin de réorienter laconstruction européenne en vue de sa refondation.C’est là désormais un grand combat de classe de notretemps. Aucun changement substantiel n’aura lieu sanschercher des rassemblements nouveaux, nationaux eteuropéens, sans affronter les institutions européenneset les marchés financiers.

Peut-être cela ouvrira-t-il des périodes de tensions et decrises, mais la France, sans qui il n’y a pas d’Europe,devrait prendre des initiatives qui rompent avec l’ac-tuelle construction européenne. Une telle attitudeconstituerait une bouffée d’oxygène pour les mouve-ments syndicaux et sociaux en Europe, qui cherchentdes solidarités, des convergences d’actions et de solu-tions. Ils savent qu’aucun pays ne peut tracer seul unevoie pour sortir de la crise. L’une des priorités pournous est donc bien de travailler à la solidarité des peu-ples et des destins en Europe.

Nous proposons un positionnement offensif et respon-sable pour répondre aux attentes du « peuple degauche » en France comme à d’importantes forces pro-gressistes en Europe. Pour cela, nous portons un projetde refondation. D’un même mouvement, nous esquis-sons le type d’Europe qui en découle et le chemin réa-liste permettant de mettre en œuvre un projet porteurd’une ambition politique de ce niveau.

Je veux à présent évoquer trois points. Quelles finalités ?Quel nouveau type de construction européenne ? Quelchemin pour y parvenir ?

QUELLES FINALITÉS ? Une Europe refondée est celle qui permettrait aux paysqui en sont membres d’avoir les moyens, notammentfinanciers, de porter ensemble un modèle social et éco-logique progressiste. Une autre Union européenne sedonnerait les moyens de se dégager de l’emprise et dela domination des marchés financiers pour orienterl’argent vers la promotion des capacités humaines et latransition écologique.

Une Europe refondée s’attacherait, comme le dit ledocument à : « centrer d’urgence le projet européen surles priorités sociales qui permettent d’ouvrir la voie demanière durable à un véritable codéveloppement entrepeuples européens et impulser un nouveau modèlesocial avancé, commun à tous les Européens ». Cela entenant compte des réalités de chaque pays et de chaquepeuple, de l’histoire et de la culture de chaque nation.Elle porterait le projet d’un nouveau pacte social euro-péen, d’une clause de non-régression sociale et d’har-monisation sociale par le haut.

Un salaire minimum dans chaque pays, supérieur d’aumoins 20 % au seuil de pauvreté. L’idée progresse, ycompris dans des pays comme l’Allemagne.

C’est bien un nouveau modèle de développementhumain durable, réellement solidaire et coopératif quenous proposons, non pas comme idéal mais commeréponse à la crise, à partir du constat de plus en pluspartagé des impasses où conduisent les choix néolibé-raux actuels.

C’est dans ce cadre que nous proposons de constituersans attendre, un fonds européen de développementhumain, social et écologique, pour impulser de nou-veaux financements pour le développement des ser-vices publics, en lien avec un changement des missionset du rôle de la Banque centrale européenne qui impul-serait une politique monétaire et de crédit favorable àl’emploi et au développement des capacités humaineset à la transition écologique.

Une Europe refondée n’aurait plus pour stratégie l’adap-tation à la mondialisation, autrement dit la course à lacompétitivité, mais l’action pour sa transformation et laprotection des citoyens des pays membres avec la pro-motion des capacités humaines et la préservation del’environnement.

Une Europe refondée c’est une « Union de coopérationet solidaire » qui permettrait l’entraide afin de pro-mouvoir la sécurité de l’emploi qualifié et bien rému-néré, de développer la recherche et la formation pourtoutes et tous, d’impulser l’Europe de la connais-sance, de la culture, de stimuler un essor des servicespublics pour l’accès aux biens communs humains,d’organiser des coproductions industrielles équita-bles, une autre politique énergétique, une autre poli-tique agricole et de la mer. Une Europe qui s’inscriraitdans la transition écologique, la lutte contre leréchauffement climatique et un développementhumain durable. C’est aussi une Europe qui s’em-ploierait à réduire les inégalités de développemententre nations associées, donc à bannir les rapports dedomination.

Une Europe refondée ferait franchir une étape décisiveen matière de droits et de pouvoirs des citoyens et dessalariés dans la gestion des entreprises et des territoirespour la sécurisation de l’emploi et la formation, l’inves-tissement utile, l’utilisation de l’argent en tenantcompte des enjeux environnementaux.

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Une Europe refondée permettrait à ses pays membresd’avoir collectivement prise sur la marche du monde,alors que, pris isolément, chaque État est de plus en plusentravé. Ainsi, dans les grandes institutions internatio-nales, l’Union européenne peut, si elle le décide, peserplus lourd que les États-Unis. Elle peut tirer soninfluence, non pas de ses capacités militaires supposées,mais des alliances à construire avec des partenaires danstoutes les régions du monde, en particulier avec les paysdu Sud et les nations émergentes, souvent intéressées àdes changements notables dans l’ordre mondial.

Une Europe refondée portera de nouvelles orientationsde politique extérieure commerciale, environnemen-tale. Face à l’ouverture à une concurrence sans fron-tières, l’Europe doit mettre en place à ses frontières unsystème de visas sociaux et environnementaux permet-tant une maîtrise, une régulation des échanges, asso-ciant protection et coopération, notamment avec lespays émergents. Un système permettant de développerles échanges sans mettre en cause les pactes sociauxdémocratiquement décidés dans les États membres.

Une Europe refondée reposerait sur une authentique« communauté de valeurs » ; cessant de galvauder,comme c’est le cas aujourd’hui, les principes « d’huma-nisme » et de « droits de l’homme » pour tendre réelle-ment à incarner, dans l’esprit de la Charte des Nationsunies et des autres textes de référence en matière dedroits fondamentaux, une éthique qui puisse inspireraux citoyens la confiance qui fait aujourd’hui si cruelle-ment défaut.

C’est pour impulser un débat citoyen, pour permettre àcelles et ceux qui se reconnaissent dans l’exigence d’unchangement d’Europe de s’approprier leur nouveauprojet européen, pour favoriser l’élaboration communeavec les forces politiques progressistes, organisationssyndicales, associations et organisations non gouver-nementales, associations d’élus, réseaux citoyens, agis-sant pour transformer l’Europe, que nous avons pro-posé avec le Front de gauche, de lancer une grande ini-tiative politique pour dégager des convergences sur cequi ne peut plus durer et sur quelques grands change-ments à promouvoir. C’est ce que nous avons appelé laconvocation d’États généraux pour la refondation del’Union européenne.

QUEL NOUVEAU TYPE DE CONSTRUCTION ?Dès lors que nous posons la question des choix poli-tiques, se pose simultanément celle de savoir quidécide. Et, je l’ai dit, les forces capitalistes cherchent àpasser à une nouvelle forme, combinant union ban-caire, union monétaire, union sociale et union poli-tique pour une Europe fédérale, dirigiste, centralisée,sous domination plus grande encore du capital inter-national, immergée dans un grand marché uniquetransatlantique.

À propos du fédéralisme, un camarade de Malakoff, sansadhérer évidemment aux choix que je viens de décrire,nous reproche, dans une contribution intéressante etdocumentée, de ne pas être « assez fédéralistes ».

D’abord il faut s’entendre sur les mots, le concept.L’idée du fédéralisme, d’un État fédéral, fait partie duquotidien de pays comme l’Allemagne, l’Espagne, laBelgique, la Suisse ou les États-Unis, pour des raisonsqui tiennent à leur histoire. Mais le mot recouvre desréalités très différentes. À la différence d’autres pays,la nation française est le fruit de plusieurs siècles deluttes et de conquêtes sociales et démocratiques.Notre critique du fédéralisme, porté par les diri-geants européens, tient d’une part à une conceptionde fond et d’autre part au contenu de la perspectivefédérale, présentée comme la solution à la crisedémocratique.

Derrière le vocable de « gouvernance de l’euro » ou de« nouvelle étape de l’intégration européenne », se cacheen fait l’idée de placer la politique monétaire hors d’at-teinte du champ de la délibération démocratique et estvisée une construction supranationale destinée àempêcher toute délibération démocratique, afin delivrer toujours plus l’Union européenne au processusd’accumulation du capital.

La Révolution française s’est faite sur les valeurs pro-gressistes et émancipatrices des Droits de l’homme etdu citoyen, de la liberté, de l’égalité et de la fraternitéavec pour socle la souveraineté des peuples. Cetteconception a été un enjeu permanent de luttes idéolo-giques et politiques face à ceux qui à droite défendaientune conception nationaliste agressive et autoritaire,voire ethnique à l’extrême droite au XIXe siècle. À tra-vers le débat sur l’identité nationale et le droit du sang,opposé au droit du sol, ce sont des conceptions oppo-sées de la Nation qui se font face. Cette réalité histo-rique reste, pour les Françaises et les Français, une réfé-rence et un espace d’expression démocratique essen-tiel. C’est un point de clivage fondamental avec lesfédéralistes européens qui considèrent que la nationfrançaise est une réalité dépassée à laquelle il faut subs-tituer l’idée d’un peuple européen et d’un État euro-péen.

La négation de la réalité nationale dans le cadre euro-péen conduit inévitablement à des replis nationalistes,alimentés par les forces politiques réactionnairesracistes et xénophobes. Le débat n’est pas clivé entredes souverainistes anti-européens et des fédéralistes,porteurs d’un projet moderne.

Respect de la souveraineté des peuples ne signifie pasrepli nationaliste et fédéralisme n’est pas synonyme dedémocratie. C’est même le contraire dans la pratiqueeuropéenne actuelle. Nous récusons les institutions detype fédéral qui existent déjà comme la BCE ou la Courde Justice, parce qu’elles sont explicitement déconnec-tées des choix des peuples. Et, je le répète, ce que nousproposent les forces dominantes du parlement euro-péen et des gouvernements en Europe en guise de« gouvernance » de la zone euro ne vise pas à donnerplus de prise aux citoyens d’Europe sur les choix poli-tiques, mais au contraire à mettre les institutions et leslieux de décision de la politique économique à l’abrides changements politiques dans les pays.

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Face à la faillite des politiques néolibérales – mises enœuvre ces dernières décennies – et amplifiées par lacrise, on nous présente un faux choix : soit la sortie del’Union, soit la fuite en avant fédéralo-libérale. Dans lesdeux cas, les marchés, la puissance du capitalisme ensortent gagnants.

À cette croisée des chemins, nous proposons un nou-veau cadre politique et institutionnel qui rapproche lescitoyens des lieux de décision, qui redonne le pouvoiraux citoyens, à la délibération démocratique et poli-tique. Le débat sur l’euro a pris légitimement unedimension dramatique, jusqu’aux prises de positionpour une sortie de la monnaie unique ou, comme lepréconisent les milieux allemands les plus conserva-teurs, l’exclusion de la zone euro des « mauvais élèves »du Sud.

Je parle d’exaspération légitime parce que cette crise deconfiance dans la monnaie est le résultat des politiquesimposées au nom du sauvetage de l’euro. En vérité, ils’agit du sauvetage des puissances industrielles et finan-cières dans le cadre d’une guerre économique exacerbée.

Le débat doit avoir lieu sans a priori. Nous proposonsde récuser cette idée de sortir de l’euro et d’un retour aufranc et au mark. Pas pour sauver le statu quo. Je rap-pelle ici ce que fut notre position lors du traité deMaastricht et le débat mené pour une monnaie com-mune et non pas unique.

Mais nous sommes dans une autre période. La sortie del’euro non seulement ne réglerait rien mais exacerbe-rait la guerre monétaire et la mise en concurrence despeuples. Le problème n’est pas seulement celui de lamonnaie comme institution unificatrice et contrai-gnante. Le nœud du problème réside dans le choix depolitique monétaire. Cette politique est le résultat dechoix réfléchis des puissances dominantes. C’est contreces choix, contre la finance et prioritairement la financeanglo-saxonne et pour une autre utilisation de l’euro,du crédit et des banques, pour une autre politique de laBCE, qu’il faut contribuer à construire les rassemble-ments. Avec l’existence de l’euro, l’absence de réponsespolitiques communes pour de grandes prioritéssociales laisse le champ libre aux actuels dirigeantseuropéens et aux forces capitalistes dominantes.

Pour contrer la concurrence exacerbée, pour redonnerà la politique son primat contre la liberté de la financeou pour changer cette Europe forteresse pourchassantles immigrés, il faudra de nouvelles politiques com-munes progressistes ou de nouveaux cadres coopératifscommuns, voire des lois communes au service des peu-ples. Oui, il y a un besoin de faire plus de politique enEurope.

Nous militons donc pour sortir des traités actuels etpour en élaborer un autre qui, comme l’énonce le texte,« ne contiendrait aucun modèle économique ou poli-tique prédéterminé et serait exclusivement consacré àaffirmer les principes et objectifs essentiels de la démo-cratie européenne et à définir ses institutions ».

Il faut donc un nouveau contrat européen, un nouveautraité. Un traité et des institutions qui fassent qu’on nepuisse opposer à un peuple un choix fondamentalementdifférent de celui que, par le suffrage universel ou lesluttes, il se sera donné. Qui fassent que ce même peuplepuisse tout aussi bien accepter les partages de souverai-neté qu’il aura en connaissance de cause consentis. Untraité et des institutions qui ne fassent pas du néolibéra-lisme l’horizon indépassable de l’Europe, mais qui per-mettent et favorisent de nouveaux progrès sociaux etdémocratiques, écologiques et pour le codéveloppement.C’est à la lumière de l’expérience que nous jugeons indis-pensables, des garde-fous et des verrous, comme uneclause de non-recul social. Mais, évidemment, notreambition va bien au-delà de cela. Par de nouveaux rap-ports de force, par les luttes politiques, nous voulonsimposer, dans un même mouvement, une transforma-tion des institutions pour une vraie démocratie et unchangement radical des politiques communes. C’est ence sens que nous proposons donc des innovations démo-cratiques majeures et un cadre spécifique commun àcréer par les citoyens des différents pays européens. Celuid’une Union des nations de peuples souverains et associés.

Elle fonctionnerait selon trois grands principes :• Souveraineté populaire. Aucun peuple ne pourrait se

voir imposer un modèle de société violant ses choixfondamentaux. Tout pays membre doit pouvoir libre-ment choisir de participer ou non à tel ou tel champde la politique européenne qui mettrait en jeu unaspect essentiel de ses choix de société. Ce parti-prisen faveur d’une conception souple et diversifiée de laconstruction européenne vise – non pas à réduire ledegré de coopération de ses membres – mais, à l’in-verse, à renforcer d’autant plus l’engagement soli-daire des nations et des peuples dans cette « Union »dont ils auront souverainement choisi le cadre et lafinalité.

• Respect des principes fondamentaux d’une démo-cratie moderne. Cela signifie l’égalité des droits dechaque citoyenne et citoyen, quel que soit le poidsdémocratique, économique ou politique de son pays ;un mode de scrutin réellement proportionnel danschaque État membre ; l’implication effective des par-lements nationaux dans le processus d’élaborationdes lois et des règles européennes ; un parlementeuropéen disposant du droit de discuter des projetsde loi de son choix avec le droit d’initiative législative,aujourd’hui détenu quasi exclusivement par la com-mission ; une vraie codécision parlement européen -Conseil (gouvernements) laissant, en cas de blocage,le dernier mot au parlement européen, après consul-tation des parlements nationaux.

• Association permanente des citoyennes et citoyens.Implication des citoyennes et citoyens dans la vie decette « Union », notamment par une co-élaborationlégislative et ce à tous les stades. Élaboration des poli-tiques en amont du travail parlementaire et durantcelui-ci. Suivi des décisions, à l’issue du processusparlementaire. Évaluation des effets des politiquesadoptées dans la durée.

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Nous proposons que tous les grands axes des politiqueseuropéennes, depuis leur état de projet jusqu’à leur miseen œuvre, fassent l’objet de campagnes d’information,de consultations et de débats avec les élus, les acteurssociaux et les citoyens en général. Les concertationsentre citoyens des différents pays membres devraientêtre puissamment favorisées et des pouvoirs d’interven-tion accordés aux comités de groupes européens.

QUELS CHEMINS ?Le chemin que nous proposons est simple ! Ce sont lespeuples qui font l’histoire. Notre but et le chemin poury parvenir se résument en un mot : démocratie ! Ils’agira forcément d’un processus de luttes intensesentre les tenants des choix et des structures antidémo-cratiques actuelles et les partisans d’une nécessairerupture.

Nous apportons des réponses dans notre projet à dix-huit grandes questions, mais il ne s’agit pas d’un projetdétaillé, ficelé et déconnecté de la vie quotidienne denos concitoyens et ceux d’autres pays, comme descontradictions de la vie réelle. Notre projet vise à met-tre en débat dans la société et dans nos relations avecnos interlocuteurs en Europe, des bases de réponse auxgrandes interrogations qui s’expriment partout.

Qui ne lit pas les doubles pages hebdomadaires del’Humanité consacrées à l’Europe ne peut pas se rendrecompte de la multiplicité des aspirations, des actions,des luttes tenaces, dures parfois, qui se déroulent dansla plupart des pays européens.

En Allemagne, pour un salaire minimum. En Hongrieface à un pouvoir autoritaire, les salariés refusent lacasse du droit syndical. En Roumanie comme enSlovénie nouveau pays sur la liste de la Troïka contre lespolitiques d’austérité et de privatisations. EnRépublique tchèque s’exprime le refus de l’austérité etde la hausse de la TVA. En Pologne, contre une réformerégressive des retraites. En Italie, en Espagne, auPortugal, en Grèce, contre les choix de la Troïka, contrel’austérité, contre les réductions du nombre de fonc-tionnaires en particulier dans l’Éducation. De multiplesjournées nationales de mobilisation contre la Troïka etses mesures antisociales ou encore pour la défense dela télévision publique se poursuivent en Grèce. AuRoyaume-Uni, les étudiants refusent les augmentationsdes frais d’études et les salariés se dressent contre lessuppressions d’emploi. En Belgique, les citoyens exi-gent une fiscalité juste et progressive.

La question sociale et de la justice sociale est devenuecentrale. L’idée que « l’austérité ça ne marche pas »devient une force qui ébranle les dogmes et contraintles gouvernements les plus menacés à demander desmarges de manœuvre. La finance est de plus en plusmise en accusation. Qui aurait pu imaginer, il y a unedizaine d’années, que l’idée d’une taxe sur les transac-tions financières soit votée au parlement européen, dis-cutée au Conseil européen et devienne un enjeu popu-laire ? Qui aurait pu imaginer le débat sur les paradisfiscaux et l’évasion fiscale ?

La question des services publics revient, avec la mise encause de la financiarisation, des conséquences desdéréglementations, à travers le progrès de l’idée debiens communs universels. Mesurons à leur justevaleur les prises de position des syndicats européens etde la confédération européenne des syndicats.

Ce qui était présenté comme gravé dans le marbre,comme les missions de la BCE, est ébranlé. Ce qui étaitprésenté comme une mécanique inexorable est mis endanger sous le poids des réalités. Des voix et non desmoindres, comme celle du président du parlementeuropéen, s’élèvent pour demander une suspension dela négociation sur le traité transatlantique, sous le coupdu scandale des écoutes de la NSA.

Dire cela, ce n’est pas se bercer d’illusions ou enjoliverla situation. Les adversaires d’une refondation en pro-fondeur, progressiste, de gauche, de la constructioneuropéenne sont puissants et actifs. Mais dire cela, c’estmontrer qu’il existe des leviers, puissants eux aussi, quipermettent de répondre à la question : « Comment va-t-on faire » ?

Voilà pourquoi, sans attendre, nous proposons de favo-riser l’expression des convergences les plus larges pos-sibles en France, au-delà de la sphère d’influence duFront de gauche et en Europe.

• Stop à l’austérité. Priorité au développement social ethumain, à la solidarité et à la transition écologique.

• Libérons les États de la dictature des marchés financierspar un nouveau contrôle public démocratique desbanques, en changeant les missions de la Banquecentrale européenne. Son pouvoir de créer de la mon-naie doit servir à financer l’emploi, les servicespublics et le développement économique et social, latransition écologique.

• Restaurons et impulsons une démocratie nouvelle avecdes droits et des pouvoirs nouveaux pour les salariéset les citoyens.

• Mettons en échec le projet de marché unique transat-lantique pour une mondialisation solidaire des peu-ples.

• Renforçons le combat pour le désarmement et la paix.

Le second axe de notre action porte sur notre détermi-nation à obtenir un autre rôle de la France pourréorienter la construction européenne. La France est,avec l’Allemagne, le pilier de l’Union européenne. Rienne peut se faire sans elle. Voilà qui rend doublementcoupable la décision de F. Hollande de faire adoptersans débat, dès septembre 2012, ce que l’on appelait letraité « Merkozy », qui vise à placer les budgets natio-naux sous contrôle. De même, le président de laRépublique avait une occasion de peser fortement enfaveur d’un autre budget européen en mettant enconformité son discours devant le parlement européenet ses actes au Conseil européen, en opposant, comme

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il en a le droit, son veto sur le mauvais cadre budgétairepluriannuel 2014/2020. Il pouvait agir aussi pour unautre contenu du contrat « génération jeunesse » enposant fortement la question de la contradiction entrela réduction imposée des dépenses publiques et l’em-ploi des jeunes ou sur les enjeux des migrations ou lareconnaissance de l’État palestinien, ou encore sur lequatrième paquet ferroviaire.

S’il en avait la volonté, un gouvernement de gauchedevrait en appeler au peuple, se faire l’écho de la voixdes citoyennes et citoyens de notre pays comme deceux des autres pays européens et agir en conséquencesur les grands enjeux du budget, de l’emploi, du crédit.

Ouvrir des débats publics à chaque fois que c’est néces-saire. En appeler au parlement. Refuser, quand c’estnécessaire, d’appliquer certaines orientations néga-tives et créer les conditions pour les mettre en échec etsurtout, prendre des initiatives s’inscrivant dans unevision alternative de la construction européenne.

Énumérer cela, c’est du même coup nous interrogernous-mêmes sur nos propres actions contre des choixnationaux pour réorienter l’Europe.

Développer l’action contre l’encadrement de la poli-tique budgétaire par la commission européenne, agirpour la justice fiscale comme nous l’avons fait lors de lamarche du 1er décembre, c’est aussi contribuer à peseren faveur des changements en Europe.

Agir contre la concurrence et le système actuel des tra-vailleurs détachés, contribuerait à changer la directive.

QUELLE DÉMARCHE ?Notre projet, c’est un objectif et c’est aussi un cheminpour y parvenir. Réorienter la construction européennepour la refonder. Ce n’est pas une illusoire et dange-reuse table rase. C’est un changement radical, à partird’un processus de luttes sociales, citoyennes et poli-tiques, en associant patiemment nos concitoyens, enayant la passion du rassemblement, bien au-delà denos sphères d’influence, pour construire des majoritésafin d’atteindre ces objectifs.

C’est en ce sens que nous participons déjà à des forumseuropéens et que nous considérons comme une avan-cée l’organisation de l’Altersummit à Athènes enjuin 2013, qui a regroupé plus d’une centaine d’organi-sations autour d’un « Manifeste des peuples ».

C’est en ce sens que notre parti s’inscrit activementdans le travail du groupe parlementaire européen,Gauche unitaire européenne/ Gauche verte nordique(GUE/NGL) et est très actif dans le travail du Parti de lagauche européenne que Pierre Laurent préside à lasatisfaction de toutes les forces qui sont parties pre-nantes et avec le soutien de celles-ci.

Lors de son congrès, le PGE a discuté du projet d’orga-niser annuellement un « Forum européen des alterna-tives ». C’est-à-dire un espace de dialogue et de travail

politique commun à toutes les forces politiques,sociales, syndicales, qui rejettent l’austérité et cher-chent une issue de progrès à la crise.

La douloureuse expérience que font les peuples euro-péens de diverses alternances sans changement depolitique, ou de gouvernement dits « techniques oumême « d’union nationale », sous le commandementinflexible des institutions européennes et du Fondsmonétaire international ne fait que renforcer la respon-sabilité historique des forces de transformation poli-tique, économique et sociale. Cela nous conduit à met-tre en débat, avec des forces sociales, syndicales, écolo-gistes, intellectuelles et politiques le projet de faireémerger un front progressiste pour la refondation del’Europe.

Chers camarades,

Aujourd’hui, nous proposons de lancer un processus.C’est un appel au débat, à la confrontation d’idées, à laconvergence de luttes et des peuples, sans a priori.C’est notre contribution à un débat et une constructionnécessairement ouverts aux autres forces sociales etpolitiques en Europe, avec leurs idées, leurs expé-riences, leur rapport à l’Europe, leurs conditions poli-tiques originales. C’est notre contribution au besoinurgent de redonner de l’espoir, en s’attelant au grandchantier, à la grande transformation, à la refondationde l’Europe.

Nous avons conscience de l’ampleur de la tâche, desdifficultés à surmonter parmi lesquelles la crise poli-tique n’est pas la moindre. Mais précisément, nousavons la conviction que la construction européenne nese refondera que si celles et ceux qui vivent, travaillent,créent, souffrent et espèrent sur notre continent s’enfixent le projet. D’où le caractère profondément ouvertet démocratique de notre démarche.

PATRICK LE HYARICest responsable du projet européen

du Parti communiste français. Il est député européen (GUE-NGL).

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Écrivez à [email protected]

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L e nouveau projet européen du Parti communiste aété discuté ce samedi 16 novembre, place duColonel-Fabien, à Paris, lors de la Convention natio-

nale du PCF sur l’Europe en vue des échéances électoralesde 2014 qui réunissait les membres de son Conseil nationalet les délégués de ses fédérations, soit 180 responsables, eten présence de nombreux invités français et étrangers. Ledocument intitulé « Refonder l’Europe » a été présenté parle député européen Patrick Le Hyaric. «  La question euro-péenne se présente aujourd’hui sous un jour radicalementnouveau par rapport à toutes les périodes passées  » rap-pelle-t-il d’emblée. Pour les communistes, il s’agit de rom-pre avec les fondements de classe de l’actuelle Union euro-péenne, c’est-à-dire dénoncer la mise en concurrencegénéralisée, contester la financiarisation de l’économie,s’attaquer à une construction verticale et antidémocra-tique. « La question se pose : est-il possible de rompre avecce type d’Europe sans tomber dans le chacun pour soit  ?C’est là un grand combat de classe de notre temps ».Patrick Le Hyaric répond ensuite à trois questions  : quelledoit être la finalité d’une Europe refondée  ? Réponse  : unnouveau modèle social et écologique avancé dans la mon-dialisation. Quel nouveau type d’Union européenne  ? Uneunion de nations et de peuples libres et associés. Quel che-min pour y parvenir ? Puisque ce sont les peuples qui fontl’Histoire, il s’agit de mobiliser et de favoriser les conver-gences autour de quelques exigences essentielles commearrêter l’austérité, libérer les États de la toute-puissancedes marchés financiers, restaurer la démocratie et refuserle traité transatlantique. Le même texte, rappelons-le,aborde ensuite 18 questions et met en débat des proposi-tions sur la démocratie, l’avenir d’un euro mis au service despeuples, la transition écologique.

2 auditions : Aurélie Trouvé et Michel VakaloulisEnsuite, la convention a procédé à deux auditions. AurélieTrouvé, coprésidente d’ATTAC, a dit partager l’essentiel dela démarche du rapporteur.On parle volontiers d’erreurs que commettrait le pouvoirmais le bon diagnostic, c’est que les élites ne se trompentpas dans leur choix, il ne s’agit pas d’erreur de leur part maistout au contraire d’une politique qui leur réussit, en termesde profits. Sur l’enjeu européen, elle appelle à ne pas retenirun «  point de vue souverainiste national de gauche  ». Leretour à l’État-nation, la sortie de l’UE ou de l’euro n’offrentpas de « solutions coopératives ». Il ne faut pas dédouanernos gouvernements de leur responsabilité  ; ils ne sont pasvictimes d’une austérité européenne mais artisans trèsactifs de ces stratégies au niveau de l’Europe. Le pouvoirfrançais joue même un rôle négatif, freinant de rares avan-cées possibles en Europe. Aurélie Trouvé plaide pour unprojet «  alter-européen  : […] il ne faut pas lâcher l’espoird’une autre Europe » ; elle appelle à une refondation démo-cratique européenne, une refondation d’une Banque cen-trale européenne sous l’influence des États et du parlementeuropéen  ; elle propose un audit de la dette, un désarme-ment de la finance, une socialisation des banques, la sup-pression des paradis fiscaux par l’harmonisation fiscale (etsociale) par le haut, une taxe sur les transactions, des liensplus étroits le social et l’écologie, un refus du «  marchétransatlantique  » où il ne s’agit pas d’opposer Europe etÉtats-Unis mais les multinationales des deux ensemblescontre leurs peuples. Concernant les alliances, elle admetqu’il y a un vrai problème pour fédérer durablement lesmouvements alternatifs en Europe. Face au bloc capitaliste

dur, il faut un bloc progressiste, dit-elle ; cela ne se fera pasavec une seule force ni derrière un seul homme mais il fauttravailler à rassembler toutes les forces, pousser aux luttessociales, à la coopération dans l’autonomie de chacun.Le sociologue et enseignant Michel Vakaloulis intervient dansla foulée sur les questions de la jeunesse. S’il rappelle que lajeunesse n’est pas un espace social homogène, que ses ten-dances ne s’éloignent pas beaucoup de celles des autresgénérations, elle est tout de même très marquée par l’incerti-tude ambiante  ; elle entretient des rapports désenchantésavec l’entreprise  ; elle souffre de «  la précarisation affectivedu sentiment d’appartenance  » (impossibilité par exemplede faire carrière dans une seule entreprise). En même temps,cette jeunesse ne baisse pas les bras, garde espoir dans l’ac-tion, pense que la crise est une catastrophe et aussi uneoccasion unique de tout remettre en cause. S’y manifestentdes besoins d’entraide, de solidarité, de nouveaux réseaux.Elle se défie de la politique institutionnelle, des partis,éprouve un « désir vague de changement ». Vakaloulis parlede « politisation infrastructurelle ». Elle attend du concret, ducrédible. Quelles revendications pourraient la motiver àl’échelon européen ? On parle de droit de vote à 16 ans ? Delibre accès à toutes les technologies ?

Ateliers et débatsPuis la convention se partage en plusieurs ateliers, plus pro-pices pour l’intervention de chacun  ; une synthèse de ces« ruches » est présentée en plénière, en début d’après midi,par Véronique Sandoval. «  Un très large assentiment s’ex-prime sur les orientations » du document, dit-elle même sile débat dans le parti ne fait que commencer. Elle pointedes «  questions à creuser  », comme le rôle des servicespublics, le salaire maximum, les politiques migratoires, lesconvergences des luttes, la dette ou le rapportnation/Europe.Le débat qui suit, une vingtaine de participants, revient surcertains de ces enjeux : quel libre choix pour les pays mem-bres de l’Union  ? Comment articuler ce combat européenet la bataille sur l’utilisation de l’argent ? Quelle place pour leféminisme  ? Réorienter pour refonder, qu’est-ce que celaimplique de neuf ? Où est l’enjeu culturel dans ce combat ?Quid de la souveraineté nationale  ? Il est encore questionde la BCE, de la jeunesse, des PC d’Europe, de désobéis-sance, de fonction publique européenne, de rapports avecle Sud. On parle aussi du bon usage des jumelages.Dans ses conclusions, Pierre Laurent se félicite du travailréalisé dans le cadre de cette convention, une forme nou-velle d’organisation du travail, appelée à se répéter (uneprochaine convention est prévue sur le modèle industriel,social et économique). Le secrétaire national considèreque le document sur l’Europe constitue « une étape essen-tielle  » dans la réflexion communiste. Le problème n’estplus aujourd’hui de dresser un bilan de cette Europe, tout lemonde parle d’échec  ; ce qui est d’actualité, c’est «  labataille des solutions  » et la solution communiste « uneunion de nations et de peuples souverains, libres et asso-ciés » n’est pas une simple formule mais un guide pour l’ac-tion. Face à la « rupture démocratique » et à l’autoritarismede Bruxelles, cette notion d’union coopérative et solidaireoffre une perspective. Sinon, c’est le repli, l’enfermement, lechacun pour soi. Il ne faut pas laisser le monopole du débataux autres, mais aller vers un front anti-austérité  et faireentrer au parlement européen en mai prochain de trèsnombreux députés progressistes. n

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Contribution du Comité du projet pour un débat et l’élaboration par les communistes d’un « nouveau projet européen »

Texte adopté par le Conseil national du Particommuniste français le 17 novembre 2013

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LA REVUEDU PROJET

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La question européenne se présente aujourd’hui sousun jour radicalement nouveau par rapport à toutes lespériodes passées. La crise qui frappe tous les paysmembres de l’Union européenne jusqu’à précipitercertains d’entre eux dans une véritable descente auxenfers consacre l’échec retentissant d’un certain typede construction européenne.

Le divorce est tel entre les promesses initiales1 et lesréalités vécues par nos concitoyens que la légitimité dece modèle, tout comme celle des institutions et des res-ponsables qui l’incarnent, est désormais remise enquestion. Cette situation sans précédent pose un pro-blème crucial : les protestations si légitimes que suscitece fiasco doivent à tout prix pouvoir déboucher sur laperspective d’une construction européenne d’un nou-veau type, coopérative et solidaire dans l’intérêt des tra-vailleurs et des peuples. En effet, l’interdépendancedéveloppée par la mondialisation, par la révolutiontechnologique, numérique, informationnelle ou encorepar les défis écologiques appelle et appellera de plus enplus un essor impétueux des coopérations entre lesnations et des solidarités entre les peuples. Cela vautpour chaque région du monde, comme sur le planinternational.

C’est précisément parce que l’actuelle constructioneuropéenne a failli à cette exigence contemporainequ’elle a conduit ses pays membres dans l’impasse etprovoqué l’exaspération de leur peuple. D’une part, ellea – avec la complicité active des dirigeants nationaux –poussé à la restructuration libérale des États membreset y a fait voler en éclats nombre d’instruments de soli-

darité, pour le plus grand profit des grands groupesindustriels et financiers à la recherche de nouvellesconditions de rentabilité. De l’autre, elle a organisé – àl’initiative des milieux dirigeants des États les plus puis-sants – « une économie de marché ouverte où laconcurrence est libre »2, érigeant en principe directeurla compétition contre la coopération, et les rapports deforce contre l’esprit de solidarité. C’est cette construc-tion viciée qui a conduit au règne actuel de l’austéritérenforcée et de la centralisation toujours plus arrogantedes pouvoirs. Or, loin d’entendre l’exaspération quecette politique suscite parmi les peuples, les dirigeantsproposent de franchir un pas supplémentaire en insé-rant toujours plus l’Union européenne dans la « globa-lisation » libérale avec l’ouverture des négociations surla mise en place d’un grand marché transatlantique. Etils veulent faire franchir à leur fédéralisme centralisa-teur un nouveau palier avec ce qu’ils appellent « laréforme de la gouvernance économique » qui prétendrégenter, depuis Bruxelles, les choix budgétaires et éco-nomiques des pays membres.

CONTESTER ET ROMPRE AVEC LESFONDEMENTS DE CLASSE DE L’ACTUELLEUNION EUROPÉENNEFace à l’exaspération suscitée par les politiques, toutcomme les pratiques, des dirigeants européens, laquestion est de plus en plus posée : comment nourrirune dynamique visant à « refonder l’Europe » ?Autrement dit encourager les citoyens à contester lesfondements de classe et de domination des peuples quiont fait de l’Union européenne ce qu’elle est progressi-vement devenue.

UN COMBAT POPULAIRE ET DE CLASSE

DE NOTRE TEMPS

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Cela suppose d’abord de désigner clairement les orien-tations et les structures avec lesquelles il faut absolu-ment arriver à rompre.

La mise en concurrence généraliséeAinsi, il est essentiel de mettre en cause la mise enconcurrence généralisée : « l’économie de marchéouverte où la concurrence est libre et non faussée ».Nombre de règles ravageuses se rapportent à ce prin-cipe cardinal de l’« Europe » actuelle : la « libre circula-tion » sans « entrave » (des biens, des services, des capi-taux) ; l’obligation d’ouvrir les entreprises publiques deservice public à la concurrence ; le dumping social etfiscal ; l’obsession de la « compétitivité » et du libre-échange intégral.Refuser cette logique est nécessaire pour ouvrir la voieaux politiques coopératives sur le plan économique(coproductions, politique industrielle concertée,réduction coordonnée des inégalités de développe-ment…) et aux stratégies solidaires sur le plan social etaux ambitions émancipatrices de la culture et de l’ap-propriation des connaissances (sécurisation de l’em-ploi et de la formation pour chacune et chacun, prioritécommune à la promotion des capacités humaines,salaire minimum adapté à chaque pays, harmonisationfiscale, et aux ambitions émancipatrices de la culture etde l’appropriation des connaissances).

La financiarisation de l’économieAutre tendance lourde de « l’ Europe » actuelle à contre-carrer : la financiarisation galopante de l’économie,d’où découlent tant de plaies (austérité, précarité, chô-mage, asphyxie des services publics…). Refuser cettelogique de soumission aux exigences des « investis-seurs » sur le marché financier permet d’aborder laquestion décisive des nouvelles missions à confier à laBanque centrale européenne (BCE) et d’un rôle radica-lement nouveau pour l’euro avec un autre crédit desbanques ; de demander la suppression du pacte de sta-bilité et la remise en cause du traité budgétaire, commedes directives ou règlements qui s’y apparentent ; d’exi-ger une véritable chasse aux paradis fiscaux, l’instaura-tion d’une taxe effective sur les transactions financièreset le vote d’une réforme fiscale fondée sur la justicesociale et l’efficacité économique ; bref de demanderque tous les moyens soient mobilisés pour créer de lamonnaie et utiliser l’argent en faveur de l’emploi, del’éducation et de la formation, de la culture, des ser-vices publics, de la transition écologique, d’un dévelop-pement nouveau humain.

Une construction verticaleantidémocratiqueEnfin, il faut s’attaquer à la verticalité des pouvoirs dansl’actuelle construction européenne : les traités (qui pré-tendent imposer définitivement un modèle libéral) ; laBCE (“indépendante”) ; la commission (et son arro-

gante “gouvernance économique”) ; la Cour de Justiceeuropéenne (aux pouvoirs exorbitants et sans recours) ;sans oublier la concentration de leviers de commandede fait au niveau des États dominants, à commencerpar l’Allemagne de Madame Merkel… Refuser cettelogique veut dire agir pour impliquer les citoyens dansl’élaboration des grands choix politiques européens, lecontrôle des décisions et l’évaluation de leurs effets ;obtenir des droits d’intervention pour les salariés sur lagestion des entreprises ; faire respecter les prérogativesdes assemblées élues, à commencer par les parle-ments ; en un mot pour faire vivre la démocratie et lasouveraineté populaire.

La question se pose : est-il possible de rompre avec cetype « d’Europe » sans tomber dans le « chacun poursoi » et aboutir, paradoxalement, dans le monde tel qu’ilest présentement, à une exacerbation de la guerre éco-nomique et financière entre pays voisins, avec tous lesrisques politiques qui en découlent ? Notre convictionest que c’est possible, à condition de rassembler large-ment dans des luttes graduelles pour réorienter cetteconstruction européenne en vue de sa refondation.C’est là un grand combat de classe de notre temps.

NOUS RÉCUSONS LEQUALIFICATIF « EUROSCEPTIQUES »Le Parti communiste entend y apporter une contribu-tion majeure, tant en France même, que dans ses rela-tions avec ses partenaires européens. On nous dépeintcomme « eurosceptiques ». Nous récusons ce qualifica-tif. Nous sommes à la fois foncièrement critiques vis-à-vis du modèle européen actuel et profondément favo-rables à une construction européenne refondée.

Ce positionnement offensif et responsable est à mêmede répondre aux attentes des salariés, des paysans, du« peuple de gauche » en France comme à d’importantesforces progressistes en Europe, dès lors que sont claire-ment précisées la finalité d’un tel projet, le typed’Union qui en découle à nos yeux, et un chemin réa-liste permettant de réussir une ambition politique de ceniveau.

LA FINALITÉ D’UNE EUROPE « REFONDÉE »La construction européenne a, plusieurs décenniesdurant, recueilli un large assentiment car sa raisond’être, affichée, était de créer les conditions d’une paixdurable entre les ennemis d’hier. Au fur et à mesure quecette perspective apparaissait comme acquise et qu’àl’inverse la logique libérale et les pratiques autoritaireset bureaucratiques de « Bruxelles » s’accentuaient, lescontestations ont pris une autre ampleur. Le traité deMaastricht (1992) cristallisa ce tournant. Celui-ci necessera de s’affirmer jusqu’au séisme politique de 2005,avec l’impressionnante irruption citoyenne, en France,dans le débat politique européen et la mise en échec du

1 - « Promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, uneexpansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroitesentre les Etats qu'elle réunit » (Article 2 du traité de Rome, 1957).

2 - Traité de Maastricht, 1992.

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très emblématique projet de traité constitutionnel quien résulta. La gestion calamiteuse de la crise de l’euro àpartir de 2009 acheva de creuser le fossé entre lescitoyens et les institutions européennes – et, cette fois,dans toute « l’Union ».

Aujourd’hui, la légitimité même de l’actuelle construc-tion européenne est mise en question. « Construirel’Europe a-t-il encore un sens ? » Cette question taraudeà présent un certain nombre de nos concitoyens. Lagrande majorité d’entre eux se rendent, certes, comptedu besoin impérieux d’un cadre européen dans la mon-dialisation, mais à condition qu’il soit facteur de coopé-ration et de solidarité et non de guerre économique etde reculs sociaux. À condition aussi qu’il aide les peu-ples concernés à avoir prise sur les décisions qui déter-minent leur avenir et non qu’il éloigne toujours plus leslieux de pouvoir des citoyens et bafoue toute souverai-neté populaire.

Voilà pourquoi un débat de fond est nécessaire pour défi-nir les finalités nouvelles d’une construction européenneauxquelles une majorité de citoyennes et de citoyensaspire, tant en France que chez nos voisins, et pour les-quelles nombre d’entre eux seraient prêts à intervenir.

La première de ces nouvelles raisons d’être d’uneconstruction européenne refondée est, selon nous,celle de fournir aux pays qui en sont membres lesmoyens, en particulier financiers, de porter ensembleun modèle social et écologique avancé dans la mondia-lisation. Ensemble, les États associés seraient plus fortspour faire face aux marchés financiers dont les exi-gences de rentabilité à court terme constituent un obs-tacle structurel à toute ambition sociale et écologiqueconséquente. L’Union européenne, elle, possède lesmoyens de se dégager de cette domination et d’orienterl’argent vers la promotion des capacités humaines et latransition écologique. (Voir notamment nos proposi-tions sur l’euro et la Banque centrale européenne) Sielle ne s’en sert pas, c’est par la volonté de sa classe diri-

geante de se mettre au service de ces « marchés » et desgrands groupes. C’est donc ce blocage de classe qu’ils’agit de lever par des luttes rassembleuses en France etles plus convergentes aux niveaux pertinents d’inter-vention, en France et en Europe.

Agir pour cette nouvelle finalité de la constructioneuropéenne passe donc par une mobilisation immé-diate contre l’austérité et pour la relance du développe-ment social et écologique. La question des moyens per-mettant de financer cette nouvelle priorité (et notam-ment la question clé du changement des missions de laBanque centrale européenne) doit être abordée dans cecontexte. Luttes sociales et débat politique sont indis-sociables pour faire bouger les rapports de force sur lesenjeux européens.

Plus généralement, le but d’une « Union européenne »refondée ne doit plus être « l’adaptation à la mondiali-sation », autrement dit la course à la « compétitivité »par la mise en concurrence de tous avec tous, mais aucontraire la protection et la promotion des citoyens despays membres contre les effets pervers de la mondiali-sation libérale.

Construire une « Union » coopérative et solidaire, c’ests’entraider afin de promouvoir l’emploi stable et quali-fié, de développer la recherche et la formation pourtoutes et pour tous, de stimuler un essor des servicespublics, d’organiser des coproductions industrielleséquitables s’inscrivant dans la transition écologique etdans un développement humain durable. C’est aussis’employer à réduire les inégalités de développemententre nations associées, donc à bannir les rapports dedomination entre pays membres d’une « Union » dignede ce nom. Un tel basculement par rapport aux orienta-tions actuelles ne se produira évidemment pas d’uncoup ! Ces propositions visent à dessiner une perspec-tive dans laquelle puissent s’inscrire les actions immé-diates pour des objectifs en rupture avec les politiquesmenées aujourd’hui au nom de l’Europe.

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La finalité d’une construction européenne nouvelleconcerne également l’action extérieure de l’Unioneuropéenne. D’une part, celle-ci doit permettre à sespays membres d’avoir collectivement prise sur lamarche du monde, alors que, pris isolément, chaqueÉtat est de plus en plus entravé. Ainsi, dans les grandesinstitutions économiques internationales, l’Unioneuropéenne peut, si elle le décide, peser plus lourd queles États-Unis. Elle peut tirer son influence non de sescapacités militaires supposées, mais des alliances àconstruire avec des partenaires dans toutes les régionsdu monde, en particulier avec les pays du Sud et lesnations émergentes, souvent intéressées à des change-ments notables dans l’ordre mondial.

Le sens d’une « Union européenne » refondée doit enfinreposer sur le fait qu’elle devienne une authentique« communauté de valeurs », cessant de galvauder,comme c’est le cas aujourd’hui, les principes « d’huma-nisme » et de « droits de l’homme », pour tendre réelle-ment à incarner, dans l’esprit de la Charte des Nationsunies et des autres textes de référence en matière dedroits fondamentaux, une éthique qui puisse inspireraux citoyens la confiance qui fait aujourd’hui si cruelle-ment défaut.

Pour stimuler le débat citoyen dans les différents paysmembres sur cette question centrale : « Que voulons-nous construire ensemble ? » et ainsi favoriser la mon-tée d’exigences populaires convergentes de réorienta-tions profondes des politiques européennes, le PCF aété à l’origine de la proposition du Front de gauche enfaveur de la convocation « d’États généraux de la refon-dation européenne ».

Cette initiative vise à inviter toutes les forces politiques,organisations syndicales, grandes ONG, associationsd’élus, réseaux citoyens de sensibilité progressiste danstoute l’Union européenne afin de dégager au grand jourdes convergences essentielles sur ce qui ne peut plusdurer dans l’Union européenne et sur quelques grandschangements à promouvoir.

L’idée était qu’une France de gauche prenne officielle-ment une initiative de ce type. Elle en est loin… Laquestion n’en mérite pas moins d’être mise en débatdans notre société et avec nos partenaires européens.

UNE UNION DE NATIONS ET DE PEUPLESLIBRES ET ASSOCIÉSLe type « d’Union » répondant le mieux, selon nous, àces buts communs est une construction qui ne cherchepas à reproduire au niveau européen la structure d’unÉtat national quelle qu’elle soit. Il s’agit, à nos yeux,d’une union de nations et de peuples souverains etassociés, donc d’un cadre très spécifique à créer d’uncommun accord.

Nous proposons, pour cette nouvelle construction, desinnovations démocratiques majeures :

∆ D’abord, la garantie qu’aucun peuple ne soitentraîné dans un engrenage aboutissant à un

modèle de société violant ses choix fondamentaux.À cette fin, non seulement les traités ne doiventimposer aucun modèle économique ou politiqueprédéterminé, mais tout pays membre doit pouvoirlibrement choisir de participer ou non à tel ou telchamp de la politique européenne qui mettrait enjeu un aspect essentiel de ses choix de société. Ceparti pris en faveur d’une conception souple etdiversifiée de la construction européenne vise nonpas à réduire le degré de coopération de ses mem-bres mais, à l’inverse, à renforcer d’autant plus l’en-gagement solidaire des nations et des peuples danscette « Union » qu’ils en auront souverainementchoisi le cadre et la finalité.

∆ Ensuite, le respect des principes essentiels de ladémocratie. Cela signifie notamment : l’égalité desdroits de chaque citoyenne et citoyen, quel que soitle poids démographique, économique ou politiquede son pays ; un mode de scrutin réellement pro-portionnel dans chaque État membre ; l’implica-tion effective des parlements nationaux dans leprocessus d’élaboration des lois et des règles euro-péennes ; un parlement européen disposant dudroit de discuter des projets de loi de son choix(« droit d’initiative législatif », aujourd’hui détenuquasi exclusivement par la commission) ; unecodécision parlement européen-Conseil (gouver-nements) laissant, en cas de blocage, le dernier motau parlement européen (après consultation desparlements nationaux).

∆ Enfin l’implication des citoyennes et des citoyensdans la vie de cette « Union », notamment par uneco-élaboration législative et ce à tous les stades :l’élaboration des politiques, en amont du travailparlementaire et durant celui-ci ; le suivi des déci-sions, à l’issue du processus parlementaire ; l’éva-luation des effets des politiques adoptées, dans ladurée.

Tous les grands axes des politiques européennes,depuis leur état de projet jusqu’à leur mise en œuvredevraient faire l’objet de campagnes d’information, deconsultations et de débats avec les élus, les acteurssociaux et les citoyens en général. Les concertationsentre citoyens des différents pays membres devraientêtre puissamment favorisées et des pouvoirs d’inter-vention accordés aux comités de groupes européens.

FAVORISER LES CONVERGENCES AUTOUR DEQUELQUES EXIGENCES ESSENTIELLES.Le chemin que nous proposons pour mener à bien ceprojet ambitieux et complexe repose sur une expé-rience capitale : ce sont les peuples qui font l’Histoire.

Notre conviction est double : la construction euro-péenne actuelle heurte si profondément des aspira-tions essentielles des citoyens que le statu quo estimpossible ; et, dans le même temps, l’éclatement etl’effondrement du cadre européen entraîneraient unedéstabilisation qui, dans le contexte actuel, aurait desconséquences potentiellement ravageuses pour les

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peuples au moment où ils ont, plus que jamais, besoinde solidarités entre eux. Voilà pourquoi, à nos yeux, laseule perspective constructive et responsable résideaujourd’hui dans l’amorce d’un processus de refonda-tion de l’Union européenne, dans lequel lesEuropéennes et les Européens puissent, en très grandnombre, se reconnaître et s’investir. Ce processus, si onimagine aisément qu’il s’agira d’une période de luttesintenses entre les tenants des structures actuelles et lespartisans des ruptures nécessaires pour permettrel’émergence de règles nouvelles, nul n’est, en revanche,en mesure d’en prédire ni le contenu, ni la durée

Nous avançons des propositions, mais ce sont lescitoyens, les mouvements sociaux qui décideront deschoix et du rythme des changements.

À plus forte raison lorsqu’il s’agit d’une constructioncommune à plusieurs peuples. Il ne s’agit donc pas,pour nous, de définir un projet détaillé, ficelé et décon-necté du vécu quotidien de nos concitoyens et desautres peuples concernés, comme des contradictionsde la vie réelle, mais de mettre en débat dans notresociété et dans nos relations avec nos interlocuteurseuropéens des propositions de réponses aux grandesinterrogations qui s’expriment dans la société, tant enFrance que chez nos voisins.

Dans cet esprit, nous proposons, sans attendre, defavoriser l’expression des convergences les plus largespossibles en France – très au-delà de notre sphère d’in-fluence et de celle du Front de gauche lui-même – et enEurope autour de quelques exigences à la fois essen-tielles et très rassembleuses, telles que :

∆ Arrêter l’austérité ! Priorité au développementsocial et à la transition écologique ! S’attaquer auxinégalités ! Priorité à la solidarité !

∆ Libérer les États de la toute-puissance des marchésfinanciers ! Établir un nouveau contrôle publicdémocratique des banques ; changer les missionsde la Banque centrale européenne : son pouvoir decréer de la monnaie doit servir à financer l’emploi,les services publics et le développement écono-mique et social, la transition écologique !

∆ Restaurer et promouvoir la démocratie ! Respectdes prérogatives des parlements et des élus ! Desdroits nouveaux aux salariés et aux citoyens !

∆ Refuser le traité transatlantique

FAIRE UN APPEL À L’INTELLIGENCE DESCITOYENNES ET DES CITOYENSCe qui caractérise ces exigences, c’est qu’elles touchentà l’essentiel et que, par là-même, elles « parlent » aumonde du travail et, plus généralement, aux principalesvictimes des politiques néolibérales, sans l’interventiondesquelles il n’y a pas de « refondation de l’Europe »possible. Dans un contexte marqué par le désenchante-ment, la fragmentation de l’espace politique européen,la poussée populiste, de tels objectifs ont le grand

mérite de favoriser les convergences et le rassemble-ment sur les enjeux de fond, par-delà nombre de cli-vages, à commencer par celui des différences de culturenationale. La crise de légitimité sans précédent danslaquelle s’enfonce l’Europe libérale ouvre, à cet égard,la voie à de très salutaires confrontations d’idées unecondition absolue à remplir pour modifier sensible-ment les rapports de forces politiques.

L’expérience montre que les diverses alternances dansles différents pays européens où les gouvernementsdits « techniques » ou « d’union nationale » sous le com-mandement inflexible des institutions européennes etla poussée sur fond de désespoir de diverses formes derepli nationaliste parfois ouvertement populistes ou dedroite extrémisée, démontrent bien la responsabilitéhistorique des forces de transformation politique, éco-nomique, sociale. C’est dans cet esprit qu’agissent lescommunistes français au sein du Front de gauche enFrance et avec ses alliés des autres pays européens, ausein du Parti de la Gauche européenne, dans le groupede la Gauche unitaire européenne et de la Gauche vertenordique au parlement européen, comme dans tous lesespaces susceptibles de faire mûrir, en liaison avec lesluttes sociales au sens le plus large, avec l’ensemble desforces critiques, sociales, syndicales et intellectuelles,les conditions de l’émergence d’un front progressistepour la refondation de l’Europe.

Nous nous attachons dans le même temps à faire gran-dir l’exigence que, dans ce contexte, la France cesse dese plier docilement aux injonctions européennes, voirede les devancer. Il est du devoir d’une France qui se veutde gauche de se faire l’écho d’une majorité decitoyennes et de citoyens de notre pays comme de mil-lions de citoyens d’autres pays européens en dénon-çant les mesures massivement contestées, en ouvrantun débat public à leur sujet et, chaque fois que possible,en refusant de les appliquer, voire en créant les condi-tions de leur mise en échec pure et simple et en prenantdes initiatives s’inscrivant dans une vision alternativede la construction européenne.

À cet égard, la campagne pour les prochaines élec-tions européennes doit être, pour le Parti communisteet le Front de gauche, l’occasion d’organiser uneconfrontation d’idées qui soit à la hauteur des enjeux.Dans le prolongement de l’expérience exceptionnellede mobilisation citoyenne de 2005 contre le traitéconstitutionnel et pour une “autre Europe”, elle doit setraduire par un appel à l’intelligence, à la réflexion etau débat de fond. n

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Quels droits nouveaux d’intervention, quels pouvoirseffectifs, pour les salariés, les citoyens – dans chaquepays membre et dans l’Union européenne elle-même ?Quelle place pour les nations dans l’ensemble euro-péen ? Quelles compétences pour les parlements natio-naux, pour le parlement européen, pour les autres insti-tutions européennes (existantes ou à créer)  ? Bref  :quelles articulations entre respect de la souverainetéde chaque peuple et l’exercice en commun de respon-sabilités partagées  ? Et comment empêcher qu’un ouplusieurs États puisse(nt) imposer ses (leurs) vues auxautres pays membres ?

L’EXERCICE PARTAGÉ DE LA SOUVERAINETÉDES NATIONS ASSOCIÉES D’EUROPEL’émergence des nations, comme celle des fédérationsou confédérations, a été historiquement marquée parla violence et la domination de certains peuples surd’autres. Pour la première fois dans l’histoire, il s’agiraitau contraire de construire pacifiquement et démocrati-quement l’association d’un ensemble de peuples defortes et anciennes cultures. Il ne saurait donc y avoird’abandons de souveraineté. L’objectif est de dévelop-per des coopérations indispensables à notre époque, etde défendre jusqu’au niveau mondial la préservation etl’enrichissement des acquis originaux d’un modèlesocial et démocratique propre à notre continent. Celasuppose à la fois d’audacieuses mises en commun desforces et des atouts des nations, et la possibilité pourchacune de préserver ses spécificités et la maîtrise de

son destin. Ces deux principes doivent être au fonde-ment des institutions des nations associées d’Europe.

Les institutions européennes actuelles organisent unrégime d’eurolibéralisme autoritaire. Les traités empri-sonnent les peuples dans le néolibéralisme. La prédo-minance de fait de la commission et du Conseil – orga-nismes non élus – rend le processus législatif obscurpour les citoyens, et ne donne globalement qu’une fai-ble prise au parlement. Et la BCE est gardienne desintérêts des marchés. Le système est verrouillé.

Nous proposons au contraire un régime d’exercice par-tagé des souverainetés alliant une véritable démocratieparlementaire, une co-élaboration des directives entrele parlement européen et les parlements nationaux, etune implication active des citoyens et des salariés dansla vie politique européenne. Les grands projets euro-péens, les grands axes de politique européenne, discu-tés et votés par le parlement européen, devront fairel’objet d’une concertation préalable (d’une durée àdéterminer) avec les parlements nationaux, les assem-blées locales, les citoyens organisés (associations, syn-dicats) et non organisés (panels de citoyens tirés ausort) de tous les pays concernés par ces projets et cespolitiques.

DES PISTES DE CONSTRUCTIONINSTITUTIONNELLE NOUVELLEDans ce sens, nous soumettons au débat européen despistes de construction institutionnelle nouvelle, qui

QUESTIONS POUR LE DÉBAT

Comment construire une Unioneuropéenne réellement démocratique ? 1

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nous paraissent répondre aux aspirations de nombreuxcitoyens de l’Union. Et nous sommes déterminés à sou-tenir tout pas en avant dans cette direction.

∆ Les traités ne contiendraient aucun modèle écono-mique ou politique prédéterminé et seraient exclu-sivement consacrés à affirmer les principes etobjectifs essentiels de la démocratie européenne,et à définir ses institutions.

∆ Dans cet esprit, qui vise à garantir en permanencela pleine souveraineté et le libre choix des peuplesassociés, ils garantiraient à chaque État membre,sans être contraint pour cela de sortir de l’Union,de pouvoir empêcher que son peuple ne soitentraîné vers un modèle de société violant seschoix fondamentaux. À cet effet, dans les domainesessentiels où s’expriment des cultures et des sensi-bilités politiques nationales potentiellement diver-gentes (par exemple, la politique monétaire ou laconception des services publics) – cette nouvelleconstruction européenne serait à géométrie choi-sie .

Un État membre pourrait donc librement choisir,dans un domaine où serait en jeu un aspect essen-tiel de ses choix de société, de prendre part ou nonà un champ de la politique européenne, voire d’ennégocier son retrait en cas d’impasse totale avecses partenaires, si telle était la volonté de sescitoyens, démocratiquement consultés. En outre,pour le cas – dès lors exceptionnel – où une déci-sion européenne mettrait malgré tout gravementen cause des choix fondamentaux d’un pays mem-bre, ce dernier pourrait activer une clause de sau-vegarde lui permettant de justifier sa volonté derediscuter la décision en question ou de ne pasl’appliquer lui-même. Le seul fait qu’un tel recoursexiste dissuaderait les velléités dominatrices etencouragerait l’esprit de coopération entre parte-naires.

∆ Afin d’éviter dans la mesure du possible d’en arriverà de telles situations extrêmes, serait mis en place,en amont des décisions européennes, un processusde co-élaboration impliquant les parlements natio-naux. Ceux-ci seraient ainsi saisis de tout projetpolitique européen et appelés à faire connaître lesprincipes qu’ils entendent voir respectés.

Les concertations entre différents parlementsnationaux seraient favorisées en vue d’aboutir auxplus larges convergences possibles. Si, au terme dece processus, les décisions européennes qui enrésultent mettaient gravement en cause des choixfondamentaux d’un pays membre, celui-ci seraitfondé, par une décision de son parlement, à activerla « clause de sauvegarde ». Ainsi, sur les questionsrelevant des choix fondamentaux de chaque pays,la nécessaire prise en compte des spécificités et desvolontés nationales résulterait d’un dispositif par-lementaire public et transparent.

∆ La géométrie possiblement « variable » des engage-ments européens des différents peuples, la co-éla-boration des choix européens et la possibilité defaire jouer d’éventuelles clauses de sauvegarde

garantiraient ainsi totalement le respect de la sou-veraineté de chaque peuple. Dans ces conditions,l’Europe pourrait être dotée d’institutions démo-cratiques fortes et efficaces lui donnant la capacitéde remplir en son sein et dans le monde les objec-tifs qui lui sont assignés.

Les décisions européennes doivent avoir la force deleur légitimité. Elles doivent pour cela respecter lesprincipes fondamentaux de la démocratie : un-ecitoyen-ne, une voix ; exacte représentation despeuples par des élections à la proportionnelle surdes programmes, les plus grands efforts étantencouragés pour qu’ils rassemblent le plus grandnombre possible de forces politiques ; exécutifexclusivement chargé de suivre l’application desdécisions du parlement, investi sur la base de sonprogramme et contrôlé en permanence par lui avecles moyens nécessaires ; votes du parlement auxmajorités (simple ou qualifiée) prévues par letraité.

Dans ce sens, le parlement européen se verraitreconnaître un plein pouvoir d’initiative législative,concurremment au Conseil. En cas d’oppositionentre les deux instances lors de la discussion de laloi, le parlement aurait le dernier mot, aprèsconsultation des parlements nationaux.

∆ La démocratie européenne doit être sociale etcitoyenne.

Dans les entreprises à statut européen, les repré-sentants des salariés dans les comités de groupe severraient reconnaître des pouvoirs de codécisionsur les choix de gestion structurants, et le droit desuspendre un plan de restructuration pour propo-ser des solutions alternatives. Ils seraient consultés,de même que les autres acteurs sociaux européens,dès lors qu’ils seraient concernés par un projet dedécision européenne.

Les syndicats et associations devraient pouvoirintervenir fortement au sein du Comité écono-mique et social européen dont le rôle serait revalo-risé, avec un pouvoir suspensif des décisions euro-péennes permettant une consultation élargie desacteurs concernés. Un million de citoyens issusd’au moins un quart des États peuvent demander,par voie de pétition, l’inscription d’un projet de loiau parlement européen. Une fois les signaturesrecueillies l’inscription est obligatoire. Des citoyenstirés au sort parmi les signataires débattent avec lesparlementaires européens. Le projet est ensuitesoumis au vote du parlement.

∆ Sans un véritable espace public européen démocra-tique, concerté, et sans domination centralisée surles choix nationaux dans lequel peuvent se débat-tre des choix communs, la vie politique euro-péenne demeure illisible et confuse pour lescitoyens. Pour y remédier, des aides et incitationspuissantes favoriseraient la constitution et le fonc-tionnement démocratiques d’acteurs européens(syndicats, partis, associations, citoyens, média).n

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Quelles transformations économiques, financières etdémocratiques sont indispensables pour rendre plau-sible un projet de cette nature ? Quel rôle pour les ser-vices publics (à revivifier ou à créer) ?

Placer l’objectif du progrès humain au cœur de laconstruction européenne est une dimension majeurede notre combat. C’est dire à quel point « l’Europesociale » est un élément moteur de la refondation del’Europe.

Or, depuis les années quatre-vingt, l’Union européennea vu sa politique dominée par les conceptions néolibé-rales. Au lieu de promouvoir un plus grand contrôlesocial sur le capital privé, elle s’est mise au service desintérêts de la sphère capitaliste, ce qui a conduit à desoppositions et des clivages croissants dans une grandepartie de l’Europe. Le modèle de développement domi-nant est bien la mise en concurrence des pays, des peu-ples et des travailleurs impulsée par les différents trai-tés européens et le Pacte de stabilité. Le lancement del’euro en 1999 s’est fait sur des défauts majeurs. Il s’agitd’une politique monétaire commune mais il n’y a pasde politique fiscale commune et encore moins de poli-tique salariale ou industrielle commune.

∆ Promouvoir l’Europe sociale implique de considé-rer la protection sociale, le salaire minimum, le dia-logue social, les négociations collectives et le droitsocial comme autant de points d’appuis pour uneavancée de civilisation et non comme des obstaclesà la compétitivité. Il nous faut donc gagner despolitiques de convergence sociale vers le haut per-mettant d’inverser la baisse générale de la part dessalaires dans le revenu national.

∆ Il est impératif d’instaurer un salaire minimum làoù il n’existe pas. Plus généralement il est urgentd’augmenter tous les salaires minimums quidevraient se situer au moins 20 % au-dessus duseuil de pauvreté de chaque pays. Il est indispensa-ble d’empêcher la concurrence salariale des travail-leurs de l’espace européen et d’aller vers une har-monisation par le haut des différents systèmessociaux.

Les chefs d’États et de gouvernements ont promis unefeuille de route sur la dimension sociale de l’Union éco-nomique et monétaire mais ils ne l’ont toujours pasproduite !

Soutenons l’objectif d’élaborer un grand pacte socialeuropéen dont les dimensions principales devraientêtre :

• La promotion du plein emploi dit « travail décent » ;• Le salaire minimum ;• Une protection sociale de haut niveau ;• La réduction du temps de travail ;• La sécurisation des parcours professionnels ;

• La prévalence des droits fondamentaux sur les inté-rêts économiques ;

• La lutte contre le dumping social et pour la promotiondu dialogue social accompagnée de droits et pouvoirsnouveaux pour les travailleurs ;

• Le renforcement de la présence syndicale dans lesmultinationales et l’extension des Comitésd’Entreprise Européens (C.E.E).

• Une politique industrielle européenne ;• Un plan de relance de l’économie et de l’investisse-

ment public.

Dans ce contexte, la proposition du PCF/PGE et duFront de gauche de créer un Fonds européen de déve-loppement social et écologique prend toute sa perti-nence.

Corrélativement, il s’agit de poursuivre sans relâche lalutte politique, sociale et diplomatique pour gagner unnouveau Traité européen, l’arrêt des politiques de libé-ralisation des Services publics, l’élaboration d’unedirective-cadre sur l’ensemble des services d’intérêtgénéral (SIG) qui doit garantir les droits inscrits dans lacharte des droits fondamentaux.

En effet, La bataille pour refonder l’Union européennepasse par la réorientation radicale des politiquesconduites en son nom.

Dans ce cadre, le statut et le rôle des institutions seposent avec acuité.

Réfléchir à l’idée de construire une union de nations etde peuples souverains et associés, coopérants, soli-daires au lieu d’un fédéralisme au service du néolibéra-lisme, de la finance ;

La réorientation de la BCE s’impose pour placer sonpouvoir de création monétaire au service du dévelop-pement, du progrès social et de la transition écolo-gique ;

Donner un rôle accru au parlement européen et auxparlements nationaux, entraînant un recul des pou-voirs de la commission européenne sur laquelle doits’exercer un contrôle démocratique permanent eteffectif.

Il nous faut donc disposer d’une action articulée dulocal au national à l’européen. Il y a donc urgence àcentrer le projet européen sur des priorités sociales quipermettent d’ouvrir la voie de manière durable à unvéritable codéveloppement entre peuples européens etimpulser un nouveau modèle social avancé commun àtous les Européens. n

Qu’entendons-nous par « Europe sociale » ? 2

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Comment, dans cet esprit, réduire les inégalités dedéveloppement et maîtriser les échanges au sein decette Union européenne pour contrer les pratiques dedumping, les délocalisations, les « dévaluations compé-titives » ?

RÉORIENTER ET REFONDER L’EUROPE ENSOLIDARISANT LES PEUPLES FACE AUXMARCHÉSL’une des promesses fondamentales sur lesquelles s’estbrisée l’idée européenne telle qu’elle a été portéejusqu’au passage à la monnaie unique et, plus encoreavec la crise des dettes publiques, c’est celle d’une com-munauté de progrès fondée sur une solidarité entreEuropéens. La crise de la zone euro, seule région aumonde à être en récession se manifeste de plusieursfaçons. Outre le chômage massif (19,231 millions deprivés d’emploi) et la pauvreté (plus de 50 millions), siconsidérable pour une région du monde si riche, c’estla fracture entre des pays du Nord (Allemagne, Autriche,Luxembourg) où les taux de chômage sont de l’ordre de5 % de la population active, et des pays du Sud (Grèce,Espagne, Portugal) où les taux de chômage vont de17,5 % à 27 %, qui frappe le plus.

Cette fragmentation de l’Europe, sous domination alle-mande, se retrouve aussi à l’intérieur de chaque pays,entre territoires nationaux. Les efforts de constructioneuropéenne, depuis la dernière guerre, ont développéune très grande interdépendance entre les pays qui lacomposent et, plus encore, depuis le début des années1990 avec la marche à l’euro et, à partir de 2000, avecl’euro lui-même.

Le contenu et les moyens institutionnels, matériels etfinanciers de maîtrise de cette interdépendance posentproblème. Celle-ci, en effet, est construite surtout sur labase de solidarités pour la domination des marchésfinanciers et des capitaux allemands avec, au cœur uneBCE se souciant, avant tout, de l’inflation et chargée de secomporter en « payeur en dernier ressort » pour les profitsdes banques, mais surtout pas pour soutenir les dépensespubliques et sociales, alléger la dette des États…

Il faut prendre l’étendard de la construction d’une soli-darité nouvelle pour les salariés et les peuples, contre latutelle des marchés financiers et toute forme d’hégé-monie économique et politique en Europe.

IMPOSER DE NOUVEAUX BUTS DE L’UNIONLa construction actuelle de l’euro débouche sur un for-midable fiasco. Et cela, parce qu’il n’a pas été conçupour répondre aux besoins solidaires de développe-ment des peuples européens, mais pour tenter d’attirermassivement les multinationales et les capitaux finan-ciers mondiaux et, ainsi, par la promotion d’un grandmarché financier européen très attractif, d’arriver àrivaliser avec le leadership de Wall-Street.

Pour rassembler les Européens, les promoteurs de cetteconstruction ont invoqué des buts « généreux » (paix,« plein-emploi », modèle social européen, prospéritépartagée…). Mais le cœur de cette tentative est biencette ambition dominatrice pour la finance, les multi-nationales à base européenne, les capitaux allemands.Il faut donc poser avec force la nécessité de transformerradicalement cette construction afin de la rendre soli-daire pour les peuples.

Il faut progresser vers un nouveau modèle social euro-péen dont le double socle serait la visée d’un systèmede sécurité commune d’emploi et de formation pourchacun-e et un essor sans précédent de tous les ser-vices publics et de leur coopération. Une charte desdroits fondamentaux de l’Union devrait fournir uneimpulsion pour une harmonisation et un développe-ment par le haut des droits sociaux et non une régres-sion par rapport aux législations nationales les plusavancées. Cela exige de dégager de très importantsfinancements, émancipés du marché financier, pour unrattrapage des retards de développement entre pays,entre régions, dans une dynamique commune ininter-rompue de progrès.

POUR UN DÉVELOPPEMENT CONSIDÉRABLEDES SERVICES PUBLICSIl s’agit, d’abord, d’amplifier considérablement la prisede dettes publiques déjà importante par la BCE, pourles États en difficulté du sud de l’Union européenne, enréduisant au contraire les interventions et les nouveauxendettements concernant le Fonds de stabilité euro-péen puis le Mécanisme de stabilisation financière.Cela pourrait aussi s’accompagner de certaines réduc-tions négociées des titres rachetés.

Au-delà, il s’agit surtout, pour une nouvelle croissancede progrès social solidaire, d’instituer un « Fonds dedéveloppement social et écologique européen »comme le propose le Front de gauche, le Parti de lagauche européenne et Die Linke en Allemagne. Uneprise de dettes publiques des différents États de la zoneeuro par la BCE serait affectée, en alimentant ce Fonds,pour une expansion des services publics, différenciéesuivant les besoins des divers pays, en vue d’une nou-velle croissance sociale, avec des coopérations de soli-darité entre les services publics.

Cela concernerait les services publics classiquescomme ceux d’éducation et de santé, mais aussi desservices publics nouveaux, de l’écologie jusqu’aux ser-vices de la petite enfance ou des personnes âgées. Celas’articulerait à des luttes et des mesures, spécialementdans les différents pays du sud de l’Europe jusqu’à laFrance contre l’austérité, ainsi qu’à des pouvoirs nou-veaux, tout particulièrement dans les services publics,des personnels aux usagers, dans les gestions de cesservices.

Comment, plus généralement, établir et garantirdes rapports de solidarité – et non plus deconcurrence ni de domination – entre lespeuples, les territoires, les États au sein d’uneUnion européenne en voie de refondation ?

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Cela s’appuierait enfin sur une construction politiquede l’Union européenne de solidarité et de démocratieparticipative, sociale, internationaliste, avec notam-ment des coopérations de rattrapage contre les inégali-tés. Et cela, dans une confédération novatrice qui s’op-poserait au fédéralisme d’une gouvernance euro-péenne de domination du couple franco-allemand oùdominerait d’ailleurs l’Allemagne.

POUR UNE SÉCURISATION COMMUNE DEL’EMPLOI ET DE LA FORMATIONIl s’agirait, pour anticiper et engager un effort de redres-sement productif dans chaque pays, de permettre auxsalariés de toutes les filières d’accéder massivement àdes formations longues et de qualité, bien rémunéréesà partir de prélèvements mutualisés, qui leur permet-traient de parvenir aux nouveaux emplois et nouvellesqualifications de demain exigés par cette nouvelleindustrialisation riche en services. Ce pourrait être làune exigence rassembleuse à faire valoir, contre les sup-pressions d’emplois et les mises en chômage tech-nique.

Cette sécurisation de l’emploi, de la formation et durevenu des salariés de la filière, anticipant sur un nou-veau statut commun à tous dans chaque pays, maisaussi en Europe, engagerait, à partir de secteurs clefcomme l’automobile, l’aéronautique ou la sidérurgie,une nouvelle révolution industrielle en coopération.Elle devrait être associée tout de suite à :

• une lutte déterminée pour faire reculer les coûts ducapital pénalisant toutes les filières ;

• un développement de coopérations nouvelles plusintimes pour partager les coûts et les résultats desrecherches jusque dans des coproductions et des co-entreprises beaucoup plus nombreuses ;

• de nouveaux financements massifs incitatifs, avecl’accès à un nouveau crédit sélectif ;

• la conquête de nouveaux pouvoirs décisionnels dessalariés des entreprises de chaque filière, afin deréorienter les gestions, en coopération, pour y faire pré-dominer, à partir de pôles publics, des critères d’effica-cité sociale contre la dictature de la rentabilité finan-cière.

CONTRE LES DUMPINGS SOCIAUX ET LESDÉLOCALISATIONSIl est légitime de vouloir introduire des clauses socialeset environnementales dans les échanges internatio-naux, face aux politiques de dumping social menées,surtout, par des filiales de multinationales occidentaleslocalisées dans les pays à bas coûts salariaux dansl’Union européenne comme à l’extérieur de celle-ci.Mais il faut chercher à le faire sans pénaliser les popu-lations de ces pays et risquer de les exclure des courantsd’échanges internationaux, alors qu’il faut les dévelop-per de façon maîtrisée et mutuellement avantageuse. Ilfaudrait engager une politique massive de promotionde normes sociales et environnementales hardies avecnos pays partenaires du Sud, de l’Est ou d’ailleurs.

Que faire pour tenter de progresser dans ce sens, au lieude se replier ? Il s’agirait, particulièrement, de mobiliser

un nouveau crédit massif et sélectif pour les investisse-ments dans tel ou tel secteur sensible. Ce crédit seraitconçu de manière à inciter, à sélectionner les investis-sements porteurs de meilleurs salaires, d’emplois et deformations qualifiantes supplémentaires, aussi bien enFrance et en Europe que dans les pays partenaires à bascoût salarial. Le taux d’intérêt de ce crédit diminueraitd’autant plus que les investissements à financer pro-grammeraient plus d’emplois et de formations, jusqu’àdevenir nuls, voire négatifs, sous le contrôle des salariéset populations. Il serait, par contre, relevé jusqu’à êtretrès dissuasif pour les investissements de délocalisationà l’étranger. La prise en charge publique (bonification)de tout ou partie des intérêts de ce crédit pourrait êtrefinancée notamment par le produit de taxes douanièressur les produits ne respectant pas de telles normessociales et environnementales.

Cette politique d’incitation-dissuasion par le créditpour le respect de normes communes sociales et envi-ronnementales ne s’opposerait pas au développementdes échanges et contribuerait, au contraire, à faire recu-ler les prélèvements financiers pour développer toutesles capacités humaines, par une mise à niveau progres-sive et progressiste des appareils productifs et des sys-tèmes sociaux.

Pour cela, il y a besoin de développer hardiment despôles publics bancaires et financiers en France, enEurope, avec une réorientation fondamentale de la BCEet de sa politique monétaire, une transformation durôle et des missions de la BEI.

Enfin, les délocalisations en vue de réimportations deproductions délocalisées en France et en Europe doi-vent être sévèrement sanctionnées. On peut proposerqu’un prélèvement significatif soit effectué sur les pro-ductions réimportées dont le produit serait reversé àdes fonds nationaux pour le codéveloppement.

REFUS DU FÉDÉRALISMELe fédéralisme vise l’éloignement des structures dedécision des salariés et des citoyens, des élus de terrain,pour pouvoir mieux concilier les exigences de gouver-nance de l’ensemble européen avec la domination desmarchés financiers et de ceux qui sont hégémoniquesdans les rapports de force intra-européens, à commen-cer par l’Allemagne.

Pour les dirigeants français, il s’agirait d’effectuer un« bond en avant » dans le fédéralisme dont ils pensentqu’il leur permettrait de partager tout de suite, avec lesdirigeants allemands, les pouvoirs d’orientation desmarchés, au profit des multinationales à base française.Pour les dirigeants allemands, qui ont besoin eux aussid’une construction européenne pour leur dominationdans le monde, il s’agit d’abord de « faire converger » lesstructures nationales sous la pression des marchés etde « couronner » ce processus d’adaptation structurelleaux normes allemandes par l’adoption d’institutionsfédérales.

Comme alternative, nous proposons de mettre en avantl’ambition d’un confédéralisme européen d’un nouveautype. Il ne renverrait pas seulement aux pouvoirs d’Étatsnationaux, largement amputés aujourd’hui par la pres-sion des marchés, mais serait construit aussi sur des ins-

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titutions de partage des informations, des pouvoirs etdes moyens financiers, de l’entreprise aux collectivitésterritoriales, des régions aux nations, des nations àl’Europe, susceptibles de maîtriser les marchés à tousles niveaux pour faire prévaloir des progrès sociaux,environnementaux et démocratiques de partout.

Les luttes de protestation montent de partout en Europecontre des politiques tendant à avancer vers uneconstruction européenne de type fédéral, avec de trèsgraves atteintes à la souveraineté populaire et à la démo-cratie parlementaire. Ces luttes devraient pouvoir conver-ger, en visant à progresser vers une cohérence nouvelleréclamant des changements institutionnels et de pra-tiques politiques profonds, à partir des aspirations à lasécurisation de l’emploi et de la formation, à un progrèsdes revenus salariaux et de remplacement, des protec-tions sociales, à l’expansion de tous les services publics.

L’ENJEU FONDAMENTAL DE NOUVEAUX RAPPORTS FRANCE-ALLEMAGNE-EUROPE DU SUDL’Allemagne est devenue le grand créancier des paysd’Europe du sud, France comprise. Elle réalise sur euxune part considérable de ses énormes excédents com-merciaux et leur consent un certain recyclage de ces sur-plus en contrepartie de sacrifices sociaux et salariaux,d’adaptations structurelles qui, en réalité, conduisent àapprofondir la crise européenne. L’Allemagne cherche àimposer à la zone euro des spécialisations qui puissentconforter la domination de son propre système produc-tif national afin de rivaliser dans la recherche d’unehégémonie mondiale avec les autres grandes puissanceséconomiques, financières et commerciales.

L’Allemagne cherche ainsi à faire accepter par ses « par-tenaires » d’Europe du Sud une nouvelle spécialisationde leur système productif à bas « coût du travail »,comme elle a réussi, après la « chute du mur », à impo-ser aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO) unespécialisation conforme aux exigences de ses grandsgroupes. Cette tentative renvoie aussi au besoin pourl’Allemagne – ou plus précisément ses capitalistes – quele reste de l’Europe qualifiée travaille pour elle ou chezelle, y compris pour faire reculer les revendications sala-riales outre-Rhin. En effet, la démographie y est crépus-

culaire avec un faible taux de fécondité et un ratio dedépendance (nombre d’individus sans emploi/nombred’individus avec emploi) de plus en plus dégradé du faitde l’érosion de la population active, du chômage et duvieillissement. Face à ces défis, les dirigeants allemandscherchent à utiliser l’euro, ses contradictions, sa crise et,aussi les besoins exacerbés de solidarité des pays en dif-ficulté, pour leur imposer un chantage permanent àl’ajustement structurel.

Cela contraint les pays d’Europe du Sud notamment,sous le joug des politiques d’austérité, à accepter unetrès faible croissance de leur marché intérieur. Cela setraduit, inséparablement, chez eux par la baisse du coûtdu travail. Car ils sont mis en concurrence pour accéderau marché intérieur allemand seul à présenter uneperspective de relance. Au final, c’est le coût des impor-tations par l’Allemagne des produits que lui vendentces pays qui tend à diminuer, ce qui accroît ses propresexcédents commerciaux et les déficits de ces pays.

C’est dire l’importance des rapports France-Allemagnedans cette partie de bras de fer. Ces deux pays sont fon-dateurs de la communauté européenne et, plus encore,de la zone euro. Chacun a, pour l’heure, l’autre pourprincipal partenaire commercial. La France devraitainsi avancer une autre option de construction euro-péenne, en mettant en avant la nécessité fondamentalede solidarités nouvelles pour un codéveloppement despeuples de la zone. Elle devrait agir pour mettre encause la domination des marchés financiers, en s’ap-puyant sur les aspirations et les luttes montant enEurope du sud. Il s’agirait d’agir pour que le cours del’Europe puisse commencer à bifurquer.

La France, pilier fondateur de l’euro, a un statut particu-lier dans cette zone. Elle y est, à la fois, dominante surl’Europe du sud, comme l’Allemagne, et dominée parl’Allemagne, comme les autres pays d’Europe du Sud.Elle occupe donc une place stratégique, d’autant plusque l’Allemagne, elle-même, malgré les oppositions quise font jour en son sein et que les dirigeants allemandsutilisent volontiers comme argument de chantage surleurs partenaires, a absolument besoin d’utiliser l’europour développer sa propre domination au plan mon-dial. n

Quelle place pour les jeunes dans un nouveauprojet européen ?4

Pendant un temps, la construction européenne a étévécue comme porteuse d’avenir et d’espoir pour lesgénérations nouvelles. Ce temps est révolu. Dans tousles pays européens, les générations actuelles viventmoins bien que les précédentes. Les jeunes ont été cesdernières années et demeurent le véritable laboratoirede la destruction de ce que l’on aurait pu appeler « lemodèle social européen ». Près d’un jeune sur quatreest au chômage. Le taux de chômage des jeunes estdeux fois supérieur à celui de la moyenne générale.Pour plus de la moitié des autres, c’est l’emploi précaireou partiel. Quatorze millions des 15-29 ans, sont sansformation, ni qualification. C’est dire l’immense enjeu

de l’éducation et de la formation auquel est confrontéel’Union européenne.

Les orientations européennes, particulièrement celle de« l’économie de la connaissance la plus compétitive dumonde » ont eu des incidences très négatives sur la viedes jeunes d’Europe. La marchandisation des savoirs,notamment dans l’enseignement supérieur, à traversl’adoption d’un modèle unique de formation et dediplôme a constitué une étape fondamentale. Entaméedans les années 1990, elle a surtout connu une accéléra-tion ces dernières années avec la réforme LMD (licence,master, doctorat). L’individualisation des formations, la

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casse des diplômes nationaux, l’introduction de réfé-rentiels de compétences permettent de garantir auxemployeurs un niveau de formation sans garantir auxsalariés la reconnaissance d’une qualification com-mune. L’harmonisation européenne, censée faciliter lescoopérations, sert en fait la mise en concurrence desterritoires, des établissements et des individus.

Ces choix sont la cause du développement de la préca-rité et de la sélection à la formation, qui a été facteurd’exclusion sociale pour ces millions de jeunes sans for-mation, ni qualification. Pour tenter de faire face à cettedramatique situation, les institutions européennes ontlancé en février 2013 « l’initiative pour l’emploi desjeunes », puis en mai une initiative franco-allemandepour l’emploi des jeunes. Ces deux projets, prévus pourêtre inscrits dans le cadre du fonds social européen, netraitent pas des enjeux fondamentaux liés aux politiquesindustrielles ou agricoles, de service, de l’innovation-recherche et donc à l’emploi stable. Le projet dit « garan-tie jeunesse » énonce en théorie des objectifs d’emploiet de formation, mais il n’est doté que d’un fonds de8 milliards d’euros, alors qu’il en faudrait au moins ledouble. Il serait accessible aux jeunes des régions despays où le taux de chômage dépasse 25 %, dans le cadred’un simple traitement « social » du chômage.

Avec le doublement des fonds de ce projet, nous propo-sons de lancer en Europe de manière concertée avecchacun des États, en lien avec les syndicats et les orga-nisations de jeunesse, un système d’allocation d’inser-tion des jeunes pour les formations et pour la recherchedu premier emploi. Ceci permettrait d’en finir avec lasituation actuelle où les jeunes passent par une sorte desas de précarité. Simultanément, il convient d’inventerun mécanisme européen incitant à la mise en place decontrats de sécurisation emploi-formation à duréeindéterminée et à taux plein.

Un programme de conversion de tous les emplois pré-caires des jeunes devrait être initié dans le cadre d’uneUnion européenne refondée. De même celle-ci devraitmettre en place un dispositif contraignant pour quedans chaque branche professionnelle, les grandesentreprises s’engagent sur des objectifs chiffrés d’em-bauche des jeunes.

Un statut du stagiaire devrait être mis en place danschaque pays. Celui-ci comprendrait une rémunérationobligatoire et un règlement européen des stages visantà assurer un niveau de revenu convenable correspon-dant au travail effectué ainsi que les droits de tout tra-vailleur pour la période du stage.

Les étudiants dont les familles ont des revenus basdevraient pouvoir avoir accès à un système d’allocationd’autonomie formation cofinancé par l’Union euro-péenne et les États. La Banque centrale européenne etle fonds européen de développement humain que nouspréconisons seraient mobilisés pour la réussite de cesprojets.

Nous refusons les projets actuels, programme euro-péen dit « Europe 2020 » qui en définitive vise à inscrireles jeunes dans la compétition mondiale en pressurantles rémunérations du travail.

Avec le mouvement des jeunes communistes, nous pré-conisons de lancer un mouvement européen desjeunes progressistes, large, avec les organisations, lesassociations qui le souhaiteraient pour jeter les basesd’un front européen de la jeunesse pour un projet euro-péen visant l’emploi stable et bien rémunéré et la for-mation pour toutes et tous.

Nous pourrions lancer sans attendre, dans chaquepays, le projet d’un inventaire citoyen détaillé de lasituation des jeunes depuis les localités jusqu’au niveaueuropéen. Recenser les besoins en emploi de formationet d’accompagnement dans l’Union et dans chaquebassin d’emploi. Cet inventaire servirait à engager desmobilisations nouvelles des jeunes pour une sécuritédans le travail et dans la vie.

L’avenir d’une Europe refondée progressiste dépendpour une large part de la place faite à la jeunesse.Sacrifier la jeunesse comme aujourd’hui c’est condam-ner tout projet d’avenir pour l’Europe. Aucun jeune nedoit être laissé sur le bord de la route. Tous ont droit àl’éducation, à l’égalité d’accès à l’université, à la culture,au sport et aux loisirs. Les institutions européennes ontune responsabilité partagée avec les États sur cet enjeuvital. n

Quelles doivent être les obligations d’une telleUnion européenne du point de vue des libertés etdes droits fondamentaux ? Du point de vue del’égalité des genres ?

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Refonder l’Europe oblige à se poser au moins 3 ques-tions :

∆ la redéfinition d’objectifs communs par les peupleseuropéens de façon démocratique (par consulta-tion).

∆ les compétences qu’ils veulent bien déléguer auxinstances européennes pour la mise en œuvre deces objectifs communs.

∆ l’exercice de la nécessaire double souveraineté(nationale et européenne).

Il paraît évident que les libertés et droits fondamentauxfont partie du socle commun de ce qui devrait consti-tuer « le modèle social européen ». Le corpus commundes droits et libertés ne vient pas de l’Union euro-péenne mais de la convention européenne des droitsde l’homme émanant du Conseil de l’Europe (signée en1950) dans la foulée de la victoire sur le nazisme, de la

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déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONUsignée en 1948. La convention européenne a été com-plétée par plusieurs protocoles et par la charte socialeeuropéenne signée en 1961 portant reconnaissance dedroits économiques et sociaux. L’Union européennereconnaît la convention européenne, envers laquelleelle a engagé un processus d’adhésion (puisqu’elle peutdésormais le faire). Mais elle en est loin dans les texteset dans les faits :

∆ la charte des droits fondamentaux de l’Union euro-péenne (traité de Nice en 2000) est loin d’intégrerl’intégralité des droits reconnus par la conventioneuropéenne et ses protocoles et notamment lacharte sociale, des pays s’y opposant totalementarguant que l’Union européenne ne pouvait inté-grer que ce qui était ratifié par l’ensemble de sesmembres ;

∆ les dispositions de la charte sont formelles, l’appli-cation laissée aux États et les mécanismes de sanc-tion en cas de manquement particulièrement diffi-ciles à mettre en œuvre (voir les situations crééespar l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir enAutriche en 2000 et en Hongrie en 2010 !) ;

∆ après le 11 septembre 2001, l’Europe des droits a étésubmergée par le « sécuritaire » et l’Europe poli-cière a pris le pas sur les libertés notamment pourtout ce qui concerne les droits des migrants (le pro-gramme de Tampere de 1999, intéressant, n’a pasété mis en œuvre, Dublin II, à l’inverse, avec les« pays sûrs » et le renvoi des demandeurs d’asile l’aété...)

On peut dire qu’aujourd’hui les obligations de l’Unioneuropéenne sont de l’ordre du plus petit dénominateurcommun des pays membres, que les sanctions sont « deprincipe », que la mise en œuvre des droits écono-miques et sociaux est particulièrement faible (et pourcause !).

Cette analyse très succincte et partielle a pour objetd’indiquer dans quel sens il faut aller pour changer.

∆ La citoyenneté européenne doit être clairementdéfinie ; aujourd’hui sont citoyens ceux qui ont lanationalité des pays membres, donc droit de voteaux élections locales et européennes, droit de cir-culation, et partage des droits et libertés recon-nus par l’Union européenne. Toutefois un certainnombre de pays membres reconnaissent le droitde vote local et européen aux résidents sur leurterritoire quelle que soit leur nationalité. L’Unioneuropéenne refondée doit reconnaître la citoyen-neté de résidence, base d’une démocratiemoderne et de l’égalité des droits des personnessur tout le territoire européen.

∆ L’adhésion de l’Union européenne à l’ensembledes dispositions de la convention européennedes droits de l’homme, protocoles et chartesociale européenne inclus.

∆ Compétences partagées entre le parlement euro-péen (majorité qualifiée par exemple) et les par-lements nationaux en matière de droit et libertésavec clause de non-régression sociale et environ-nementale, ce qui permet aux États membres defaire plus mais pas moins.

∆ Programme avec aide européenne pour harmoni-sation par le haut de l’effectivité des droits éco-nomiques et sociaux (revenus minimum, minimasociaux, protection sociale…).

∆ En matière d’égalité de genre le principe de laclause de l’européenne la plus favorisée est trèsintéressant (les droits les plus élevés de chaquepays membres dans tous les domaines). Il pour-rait être retenu pour tous les droits relatifs à l’éga-lité des personnes : femmes/hommes, homo -sexuel/ trans/hétérosexuel, ou encore étran-gers/européens en matière de droits personnels.Ce principe pourrait aussi être appliqué pour lerespect actif des droits de l’enfant (inscrits dansla Convention des Nations unies des droits del’enfant). n

Quel sort pour l’euro ? 6Quel rôle pour la Banque centrale européenne ? Quellesmissions à l’égard de la toute-puissance des marchésfinanciers ?

Après la crise financière mondiale de 2008 et la réces-sion planétaire de 2009, l’Union européenne est entréeen crise très grave à partir de 2010 : attaques spécula-tives contre les dettes publiques des États du sud de lazone euro, difficultés du crédit des banques détenantces dettes, crise de l’euro. Au nom de la réduction desdéficits publics, des politiques d’austérité ravageusesont été imposées aux peuples. Cela a contribué auralentissement de la croissance jusqu’à la récession detoute la zone euro fin 2012 faisant redoubler le chô-mage, la précarité et la pauvreté. Cela n’a fait qu’accroî-

tre le poids des déficits et des dettes publics par rapportaux richesses produites. Un vrai fiasco !

C’est dire le besoin d’alternative dans la zone euro où sepose de façon aiguë l’exigence de transformations radi-cales concernant la création monétaire et les banquescentrales.

Il y a, en effet, un double défi de ce qu’on appelle « lacrise des dettes publiques européennes ». C’est d’abordcelui de pouvoir s’émanciper de la dictature des mar-chés financiers. C’est, inséparablement, celui d’en finiravec les politiques d’austérité contre les dépensespubliques et sociales. Il s’agit de rompre avec l’obses-sion libérale de la réduction à tout prix des déficits,jusqu’à les annuler, et des dettes publiques. Il peut exis-

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ter de bonnes dettes pour favoriser un nouveau type decroissance fondé sur l’expansion de l’emploi et de laformation, une protection sociale efficace, la promo-tion hardie de tous les services publics.

Pour répondre à ces défis, nous proposons, à l’appuides luttes sociales nationales et pour leur convergence,de faire grandir l’exigence d’une autre création moné-taire par la BCE qui, favorisant l’emploi, les salaires, lesservices publics, la production réelle efficace, pourra,alors, ne pas développer l’inflation.

C’est un enjeu politique considérable car le pouvoir de« battre monnaie » qui appartient, désormais, à la BCEet à l’Euro-système est, en fait, un pouvoir politiqueque les travailleurs, les citoyens et leurs élus doivents’approprier, car, pour l’heure il est mis au service de ladomination des marchés financiers.

DETTES PUBLIQUES : CRÉATION MONÉTAIREDE LA BCE POUR UN ESSOR DES SERVICESPUBLICSIl s’agit, d’abord, que la BCE, beaucoup plus qu’elle n’aété amenée à le faire jusqu’ici, acquière des titres dedette publique des États en difficulté du sud de l’Unioneuropéenne. Simultanément, on ferait reculer le rôle duFonds de stabilité européen puis du Mécanisme de sta-bilisation financière qui accroissent la domination desmarchés financiers et les pressions pour accentuer lespolitiques d’austérité. Cela pourrait marcher de pairavec un allégement négocié des dettes elles-mêmes.

L’article 123 du Traité de Lisbonne interdit l’achat directpar la BCE de dettes publiques. C’est l’une des raisonsqui font qu’aujourd’hui la zone euro est si malade, alorsque les États-Unis voient leur croissance évoluer positi-vement grâce à l’injection mensuelle de 85 milliards dedollars de liquidités dans l’économie, sous forme, enparticulier, d’achats de bons du Trésor américain.

Mais, malgré cet interdit exorbitant et sous le poids desnécessités de la crise, la BCE a été contrainte de rache-ter des titres publics anciennement émis. Cette pra-tique doit devenir systématique pour soutenir les dettesdes États en difficulté contre toute spéculation. C’estpossible sans avoir à attendre une modification ulté-rieure des traités.

Au-delà, pour une nouvelle croissance de progrès socialsolidaire rompant définitivement avec l’austérité, ils’agirait d’agir pour l’institution d’un Fonds de dévelop-pement social et écologique européen. Cette propositiona été adoptée par le PCF, puis par le Parti de la GaucheEuropéenne et, ensuite, par Die Linke en Allemagne.Elle a été reprise en France, pour les élections présiden-tielles de 2012, par le programme du Front de Gauchequi précise : « Nous proposons que la BCE finance parcréation monétaire un Fonds de développement social,solidaire et écologique européen » (Le programme duFront de Gauche, p.32, 36, 70).

De quoi s’agit-il ? La BCE doit pouvoir acquérir, directe-ment à leur émission, des titres publics dont on auraitla certitude (grâce à un pouvoir étendu d’initiative et decontrôle exercé par les citoyens eux-mêmes et leursélus) qu’ils serviront uniquement à financer le dévelop-pement des services publics.

Cela entraînerait donc une création de monnaie par laBCE qui, ainsi, ferait marcher « la planche à billets ».Cette monnaie, créée à partir de rien (on dit « exnihilo »), serait allouée à ce Fonds de développement.Celui-ci, contrôlé démocratiquement, serait chargé dela répartir de façon différenciée, suivant les besoinspropres de chaque pays, avec des coopérations de soli-darité entre les services publics nationaux. Cette viséeinstitutionnelle nouvelle s’articulerait à des luttes et desmesures concrètes contre l’austérité, spécialementdans les pays du sud de l’Europe jusqu’à la France. Ellemarcherait de pair avec l’exigence et la conquête depouvoirs nouveaux pour les personnels et les usagersdans les gestions de ces services.

Tout cela est certes contraire aux traités européensactuels, mais obtenir l’intervention d’institutionsfinancières publiques comme la Banque européenned’investissement (BEI) et des pôles financiers publicsnationaux comme gestionnaires techniques des finan-cements décidés par le Fonds de développement est unobjectif de lutte pour contourner cet obstacle dèsaujourd’hui. Il s’agirait, au total, d’avancer dans laconstruction de nouveaux rapports de force, en Franceet en Europe, pour mettre en cause les mesures d’aus-térité, pour un nouveau type de développement fondésur de véritables avancées sociales, avec d’autres poli-tiques et des traités tout à fait nouveaux. Car aucunerègle, aucune loi, aucun traité n’est immuable face aupoids des nécessités et à la pression de luttes porteusesd’alternative.

Cela s’appuierait sur une construction politique del’Union européenne de solidarité et de démocratie par-ticipative, sociale, internationaliste, avec notammentdes coopérations de rattrapage contre les inégalités. Etcela, dans une confédération novatrice qui s’opposeraitau fédéralisme d’une gouvernance européenne dedomination du couple franco-allemand où prédomine-rait d’ailleurs l’Allemagne.

NOUVEAU CRÉDIT : PÔLE PUBLIC FINANCIERET REFINANCEMENT SÉLECTIF DU CRÉDIT PARLA BCELe crédit bancaire est un atout décisif. Et les banquessont au cœur de la grande crise financière mondiale de2008 comme de la crise européenne depuis 2010. Ellessont d’ailleurs désormais largement exposées aumécontentement des populations qui ont commencé àprendre la mesure de leur rôle si décisif, sans voir com-ment, cependant, réorienter profondément leurs pra-tiques. Leur colère est donc, pour l’heure, impuissante.C’est dire le besoin d’alternative !

Pourtant, l’argent des banques ce n’est pas l’argent desbanquiers, mais celui de la société ! C’est, en effet, l’ar-gent des salaires, des pensions, des retraites, des alloca-tions sociales de toute sorte qui, chaque mois, sontvirés gratuitement sur les comptes courants bancaires.Sans cette énorme sécurité quasi gratuite, les banquesen zone euro ne pourraient pas exercer le puissant pou-voir qu’elles ont de créer de l’argent en faisant crédit.Précisément, dans chaque pays, région, localité, ellesaccordent quotidiennement de nouveaux crédits pourfinancer l’activité économique qui, sans cela, ne pour-rait pas fonctionner. Elles font « refinancer » en partieces crédits par la BCE, véritable « banque des

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banques », qui, ainsi, leur procure de nouvelles res-sources, sans lesquelles elle cesserait d’œuvrer, moyen-nant, notamment, un taux d’intérêt. À cette occasion, laBCE crée aussi de la monnaie.

Le pouvoir de tout ce système est colossal, parce quela BCE peut, sur le papier, créer de la monnaie defaçon illimitée pour soutenir les banques. Et les condi-tions auxquelles les banques font crédit aux entre-prises conditionnent l’efficacité de la création quoti-dienne de richesses nouvelles sur tous les territoires.Face à l’extrême gravité de la crise bancaire en zoneeuro, la BCE n’a pas hésité à prêter aux banques, sursimple décision de son directoire et sans avoir à se lesprocurer préalablement, 1 000 milliards d’euros surtrois ans à 1 % de taux d’intérêt. Elle aurait pu le faireà 0 %, si elle l’avait voulu. Mais elle a créé et accordécette monnaie sans exiger de nouvelles pratiques desbanques, sans imposer de nouveaux critères du crédit.Celles-ci se sont empressées d’utiliser ces ressourcesnouvelles très peu coûteuses pour continuer de spé-culer sur les dettes publiques, pour faire des place-ments financiers juteux et appuyer des opérationsfinancières rémunératrices.

La France, l’Europe continueront de s’enfoncer dans lacrise si une intervention populaire n’est pas engagée,sans attendre, pour commencer à changer radicale-ment ce mécanisme. Se battre pour une nouvelle créa-tion monétaire renvoie donc aussi au crédit bancaire età son « refinancement » par la BCE.

Nous proposons de changer les règles et pratiques ence domaine, à l’appui des luttes pour l’emploi et lessalaires, contre les délocalisations, pour le redresse-ment productif. Il s’agit, comme le déclare le pro-gramme du Front de Gauche L’humain d’abord, d’une« nouvelle mission de service public du crédit… auservice de l’emploi, de la formation, de la croissanceréelle et de la préservation de l’environnement » (Leprogramme du Front de Gauche, p.35). Au lieu de lais-ser les banques, à la botte des marchés financiers,allouer leurs crédits selon des critères de rentabilitéfinancière, il conviendrait, par des refinancements àtaux très bas de la BCE, de favoriser les crédits répon-dant à d’autres critères précis en matière économique(création de valeur ajoutée dans les territoires),sociale (emploi, formation, salaires) et environne-mentale (économies d’énergie et de matières pre-mières notamment).

Quelles exigences pratiques peut-on faire grandir sansattendre ? Celle d’une baisse sélective très forte des tauxd’intérêt, jusqu’à zéro (voire moins, avec une diminu-tion des remboursements) pour un crédit long auxentreprises. Ils seraient d’autant plus abaissés que lesentreprises bénéficiaires auront programmé, de façonvérifiable, de bons emplois et de bonnes formations,pour des investissements réels, matériels et derecherche socialement efficaces. Ce nouveau créditpourrait être organisé à plusieurs niveaux, local, natio-nal et européen, de façon diversifiée et coordonnée, enécho aux luttes.

Au niveau local, nous proposons des Fonds régionauxpublics (voire le Programme du Front de gauche, p.35)qui pourraient prendre en charge, par des finance-

ments publics, tout ou partie des intérêts, pour des cré-dits favorisant l’emploi et la formation avec des inves-tissements efficaces.

Au niveau national, nous proposons l’institution d’unPôle financier public (Programme, p.34-35). Il mettraiten réseau des institutions publiques et mutualistesexistantes (Caisse des dépôts, Banque publique d’in-vestissement (BPI), Banque Postale, OSEO, Caissesd’épargne, Banques mutualistes) ainsi que des nationa-lisations de banques, comme avec Dexia. Il contribue-rait à impulser des orientations nouvelles avec l’avan-cée de contrôles publics et en liaison avec des soutienspublics éventuels pour recapitaliser des banques. Ledéveloppement du nouveau crédit qu’assurerait cepôle en même temps qu’il inciterait à des investisse-ments socialement efficaces, pénaliserait les activitésspéculatives. Cela, d’ailleurs, pourrait se conjugueravec des taxations dissuasives et incitatives. On pour-rait encore utiliser une partie des énormes fondspublics, gâchés et poussant aux bas salaires, commeceux dévolus aux exonérations de cotisations sociales(30 milliards d’euros).

Au niveau européen, ce nouveau type de crédit pourraits’appuyer sur un autre financement des banques par laBCE. Cela exige d’impartir à cette dernière de nouvellesmissions prioritaires pour l’emploi et la croissanceréelle, contre la priorité actuelle accordée à la préten-due « lutte contre l’inflation » avec l’objectif principalde « maintien de la stabilité des prix ». Cela appelle l’or-ganisation d’un contrôle politique, de démocratie par-ticipative, de la BCE, à l’opposé de son indépendancestatutaire (cf. Programme, p.69). Cela renvoie aussi à denouveaux pouvoirs de saisine, par les travailleurs etleurs organisations représentatives, des institutionsnouvelles de crédit, depuis les Fonds régionaux, à unPôle public financier lui-même décentralisé, et aux refi-nancements de la BCE et du Système européen deBanques Centrales.

Tout cela permettrait, ipso facto, d’agir pour réduire lesécarts de compétitivité entre les pays membres, enfavorisant, dans les pays les plus en difficulté, les inves-tissements et les dépenses de formation ou derecherche les plus urgents du point de vue de l’effica-cité économique, sociale et écologique. Et pour prendrefinement en compte les besoins spécifiques nationauxet rapprocher les décisions monétaires des citoyens, lesmembres de l’Euro-système pourraient se concerterpour attribuer à chaque banque centrale nationale une« enveloppe » annuelle de monnaie de la BCE.

VERS UNE MONNAIE COMMUNE MONDIALE DECOOPÉRATIONCes propositions locales, nationales et européennespeuvent être prolongées pour conforter des transfor-mations à engager au niveau mondial. Il faut impérati-vement refonder FMI et aller vers l’institution d’unenouvelle monnaie mondiale émancipée du dollar, pourdes objectifs de progrès social partagé à l’échelle plané-taire. La France en Europe et l’Europe dans le mondepourraient jouer un rôle décisif en ce sens, en se rap-prochant des milliards d’êtres humains des pays émer-gents et en développement qui cherchent fébrilement,eux aussi, une voie d’émancipation de la dictature desmarchés financiers et du dollar.

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Il s’agirait d’exiger le retour du FMI à sa mission origi-nelle : Au lieu d’accompagner la crise et de servir degendarme des États en développement pour le comptedes créanciers de soutien, il doit soutenir la croissanceinternationale pour un nouveau type de développe-ment de toute l’humanité. Cela exige une démocratisa-tion de la direction et de la gestion du FMI, avec uneaugmentation des droits de vote des pays en dévelop-pement et des pays émergents, bien au-delà des petitsrelèvements récents et avec la suppression de la mino-rité de blocage des États-Unis. La transformation laplus fondamentale concerne l’institution d’une vérita-

ble monnaie commune mondiale autre que le dollardes États-Unis. Ainsi, le Programme du Front de Gauchedéclare : « Nous prendrons des initiatives pour mettrefin à la domination des États-Unis sur le système moné-taire international avec la création d’une monnaiecommune mondiale alternative au dollar. Elle permet-trait l’essor d’un crédit massif peu coûteux et sélectifpour financer les investissements nécessaires aux peu-ples du Sud… et les biens communs de l’humanité »(Programme p.36). Nous proposons que cette monnaiecommune mondiale soit instituée à partir des Droits detirage spéciaux du FMI. n

En quoi la sortie de l’euro ne peut pas être la solution ?7

Le fiasco auquel a conduit la politique monétaireactuelle exacerbe le débat sur l’Euro. C’est compréhen-sible. Il y a d’un côté les tenants du fédéralisme qui esti-ment que le problème n’est pas de « changer l’euro »mais de faire un bond en avant dans la centralisationdes pouvoirs en matière de politique économique,jusqu’à créer une forme « d’État européen ». Pour euxun tel pouvoir central rendrait possible des transfertsde revenus des pays les plus compétitifs du nord del’Europe vers les pays en difficultés du sud de l’Union.C’est ne pas voir que la création de la monnaie uniquese fonde aujourd’hui sur la soumission aux exigencesdes marchés financiers. Les critères de financementdemeureraient ce qu’ils sont aujourd’hui. Les lieux dupouvoir économique – notamment budgétaire –seraient encore plus éloignés des citoyens. Les marchésfinanciers ne feraient qu’élargir leur emprise sur lesgouvernements européens comme sur la commissioneuropéenne, et l’hégémonie allemande sur toutes lespolitiques menées au sein de l’Union trouverait desleviers supplémentaires. Dans les faits, c’est bien danscette voie qu’Angela Merkel et François Hollande s’ef-forcent d’entraîner la construction européenne.

D’autre part, il y a ceux qui proposent une sortie del’euro. Ceux-là comptent sur la dévaluation de la nou-velle monnaie nationale pour rééquilibrer le commerceextérieur par la recherche agressive de gains de compé-titivité-prix et salariale. Mais, dans une dévaluation, lepatronat prend le raccourci qui consiste à peser contreles salaires pour que la hausse des prix en monnaienationale des produits importés ne se traduise pas parune perte de compétitivité qui viendrait annuler leseffets attendus de la dévaluation. Cela ne nous sortiraiten rien des politiques d’austérité ! En réalité, la pressiondes marchés sur l’économie française s’accroîtrait à undegré qui ne tarderait pas à devenir insupportable,d’autant que le Franc ressuscité se retrouverait en pre-mière ligne face au dollar et à ce qui resterait de l’euro.

Si la France sortait unilatéralement de la zone euro, lesautres pays du « sud » de la zone n’auraient d’autre pos-sibilité que de l’imiter. La guerre monétaire ainsidéclenchée, avec ses dévaluations compétitives en cas-cade, ferait disparaître toute solidarité économiqueentre États européens. Elle affaiblirait encore les paysdu Sud vis-à-vis de l’Allemagne et elle affaiblirait irré-

médiablement l’ensemble de l’Europe face à l’hégémo-nie monétaire des États-Unis et face à la dominationdes marchés financiers.

Une variante propose d’organiser une sortie collectivedes pays du sud de l’Europe. Mais une scission entre un« euro du Sud » et un « euro du Nord » laisserait inenta-mée l’hégémonie allemande sur le continent. C’est bienpourquoi elle a la faveur des milieux les plus agressifsde la classe dirigeante allemande. Sans parler de la non-viabilité de cet « euro du Sud » face à « l’euro du Nord »

On peut ranger dans la même lignée l’idée du rempla-cement de la monnaie unique par une monnaie com-mune : autant la création d’une monnaie communecontre les marchés financiers avait du sens commealternative à la monnaie unique quand celle-ci étaitencore à l’état de projet, autant il est vain d’espérerrevenir au point de départ en effaçant les vingt ans quise sont écoulés depuis la ratification du traité deMaastricht, les dégâts qui en ont résulté, les liens éco-nomiques qu’elle a poussés à nouer entre les diverseséconomies de la zone euro et la puissance de feu énor-mément accrue que la spéculation peut déchaînercontre ces économies.

Devant le manque de crédibilité d’une stratégie assu-mée de sortie de l’euro, qu’elle soit limitée à la Franceou collective, émerge la proposition d’utiliser cetteperspective comme une menace, en espérant que, dansce cas, le poids de la France serait suffisant pour impo-ser un changement de la politique monétaire enEurope. Mais accréditer l’idée que des prises de posi-tion du gouvernement français pourraient se substituerau développement de luttes convergentes dans toutel’Europe, avec des cibles et des objectifs alternatifs pré-cis touchant le cœur du pouvoir monétaire, c’est, làencore, nourrir des illusions. À l’inverse, lorsque desfoules défilent dans les rues d’Athènes, de Madrid, deLisbonne contre la « troïka » et son cortège d’austérité,d’injustices et de malheur, ce sont autant d’alliés poten-tiels. Il est déjà significatif que Syriza, en Grèce, se pro-nonce clairement contre une stratégie de sortie del’euro, et que les syndicats allemands se soient déclarésfavorables au financement d’investissements publicspar la création monétaire de la BCE au service de poli-tiques favorables à l’emploi en Europe. n

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Quelle consolidation dans chaque pays concerné (enparticulier en termes d’emplois peut-elle apporter àdes secteurs tels que l’automobile, la sidérurgie, l’éner-gie, le numérique…) et à quelles conditions ?

L’Europe pourrait devenir un des vecteurs privilégiés del’essor d’industries et de services créateurs d’emplois etrépondant aux enjeux de notre époque. Mais celaimplique une rupture avec les dogmes étriqués de la« concurrence libre et non faussée », de la compétitivitépar la baisse du coût du travail ou encore de la rentabi-lité maximale des capitaux qui constituent le socle deson orientation économique et sociale. La perspectivede cette réorientation ne relève pas de l’utopienaïve.Dans un passé, somme toute pas si lointain, uneautre vision de l’Europe avait rendu possible l’émer-gence de projets industriels stratégiques sur notrecontinent. L’existence d’Airbus ou de l’industrie spa-tiale européenne relèvent de ces choix. Qui pourraits’en plaindre ?

Il est donc indispensable de changer de logique pourmobiliser l’énergie, la créativité et les moyens de diffé-rents pays d’Europe afin de faire converger les effortspour répondre aux besoins des populations et faire faceaux défis qui nous sont posés. Transition écologique,garantie d’indépendance pour certains secteurs straté-giques, création d’emploi pour assurer l’avenir de cha-cun, relocalisation des productions… ces défis sontd’une importance capitale.De même, la rupture avecles politiques d’austérité, avec la pression systématiquesur les salaires et le pouvoir d’achat sont incontourna-bles si l’on veut assurer à l’industrie française et euro-péenne les débouchés dont elle a besoin. Il y a urgencecar l’Europe risque de décrocher dans ces différentsdomaines. À titre d’illustration, l’effort de recherchedans l’Union se situe derrière celui des États-Unis et duJapon. Mais l’Europe compte 500 millions d’habitants,les États-Unis 300, le Japon 130 !

Face à ces enjeux nous proposons de mettre enfin enchantier une politique industrielle européenne per-mettant de définir de grandes priorités en matière derecherche, d’investissements, de soutiens à des initia-tives communes fondées sur une vision de long terme.Cette démarche étant aujourd’hui bloquée par lestextes des traités, il faudra évidemment modifier cesderniers en profondeur.

Dans ce cadre renouvelé, il sera nécessaire de favoriserles concertations stratégiques par filières. L’industrieautomobile peut illustrer le changement que celainduirait. Dans le cadre des orientations actuelles lacrise de cette industrie est en train de se régler dans lesang. Seuls les plus puissants pourront survivre. Celasignifie des dizaines de milliers de suppressions d’em-ploi, des drames sociaux, des catastrophes en chaînepour des territoires entiers. Il y a tout autre chose àfaire ! Une politique européenne de l’automobile seraitun outil pour éviter ce scénario. Elle aurait pour fonc-tion de définir de manière concertée des objectifs per-mettant d’accélérer la transition vers les véhicules

répondant aux standards écologiques contemporains.Thermique « propre », propulsion électrique ouhybride, voire pile à combustible, plusieurs pistes doi-vent être explorées. Les efforts de recherche doiventêtre accrus, de même que les formations à des métiersnouveaux. Des voies originales doivent être emprun-tées en matière de crédit comme en matière de créationmonétaire de la BCE pour favoriser l’accès à ces nou-veaux véhicules tout en soutenant l’activité. La relocali-sation des productions doit être favorisée pour répon-dre à des normes sociales, écologiques et territorialesplus exigeantes. Les approches en termes d’écoconcep-tion, d’économie circulaire, de modularité doivent êtredéveloppées. Elles permettent, en effet, d’intégrer dansle cycle de production les impératifs de respect de l’en-vironnement, de recyclage systématique des maté-riaux, d’augmentation de la durée de vie des produitstout en rendant possible l’intégration d’équipementsrécents dans leur cycle de fonctionnement.

Le même type de démonstration pourrait s’appliquer àd’autres secteurs tels la sidérurgie dont le caractèrestratégique reste toujours valide notamment pour lesaciers spéciaux ou de haute technologie. Des payscomme le nôtre ont vu leur potentiel pillé suite à desOPA hostiles qui n’ont fait l’objet d’aucune réaction despouvoirs publics. Nous pouvons mentionner égale-ment les industries de la communication et du virtuel,les transports, la pharmacie, la robotique etc. Uneattention particulière doit être portée aux nœuds tech-nologiques qui conditionnent l’avenir des activitésindustrielles : des biotechnologies aux nanotechnolo-gies en passant par les nouveaux matériaux ou encoreles technologies énergétiques etc. Enfin, quelquesgrands projets structurants devraient être considéréscomme des priorités fédératrices. Pour relever le défi duchangement climatique et développer les énergiesdécarbonées, l’Europe a besoin d’une politique com-mune de l’énergie. Cette dernière doit être conçue dansune perspective de réponse aux besoins des popula-tions. Elle doit intégrer la spécificité des situations desdifférents pays membres. Elle doit tendre vers uneextension de la logique de service public qu’il est, dansle même temps, indispensable de défendre en France.

Dans le même esprit, l’adaptation de nos modèles pro-ductifs à l’impératif de la transition écologique verraitson efficacité décuplée si elle s’inscrivait dans une stra-tégie cohérente liant étroitement les dimensions envi-ronnementale, sociale et territoriale. n

Quelle contribution la dimension européennepeut-elle apporter aux secteursd’activité économique ?

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Depuis 1992 la politique agricole commune évoluenégativement vers toujours plus de libéralisme écono-mique et de libre échange mondialisé au détriment durevenu des petits et moyens agriculteurs, de l’emploiagricole, de la souveraineté alimentaire des peupleseuropéens, des bonnes pratiques agronomiques et éco-logiques. Les outils de régulation qui existaient à lacréation de la politique agricole commune ont étédémantelés. L’unicité des prix et le principe de prixminimum intracommunautaire à la production ont étédétruits au profit de la mise en concurrence la plusdébridée des agriculteurs des différents pays et desagriculteurs entre eux. La préférence communautaire aété remplacée par la conception de « marché ouvert oùla concurrence est libre ». Tout ceci pour permettre à lagrande distribution et aux industries de transformationde disposer de matières premières agricoles au prix leplus bas possible.

Une telle orientation a poussé à la surexploitation dutravail paysan, au productivisme avec des effets envi-ronnementaux très pervers et à la concentration agri-cole. Cette recherche effrénée du profit et l’éliminationdes contrôles sanitaires ont abouti, ces dernièresannées à de graves crises alimentaires, de la vache follejusqu’à la fraude sur la viande de cheval. Pourtantl’agriculture et les pêches maritimes ont de belles mis-sions : celle de nourrir la population de manière dura-ble. Celle d’un aménagement harmonieux des terri-toires. Celle de l’emploi. Celle de toute une filière agro-alimentaire, riche en emplois, innovante pour préser-ver la qualité alimentaire et gastronomique. Celle de lacoopération avec d’autres peuples en contribuant àéradiquer la famine.

La réforme de la PAC en cours de finalisation danschaque pays membre de l’Union n’est pas en phaseavec cet impératif. Elle se refuse à traiter convenable-ment l’enjeu des prix agricoles de base, rémunérantconvenablement le travail paysan et les investisse-ments nécessaires à la production. La sortie des quotaslaitiers prévue en 2015, sans politique alternative derégulation de l’offre, va même aggraver les consé-quences néfastes de la production laitière au niveauéconomique, social et environnemental. Surtout quel’Europe tente dans le même temps de conclure desaccords de libre échange avec les pays du Mercosur, lesÉtats-Unis et le Canada, avec le projet de traité transat-lantique. Si de tels accords voient le jour, la PAC seraencore moins efficiente qu’aujourd’hui, accélérant ledéclin des zones défavorisées dans les pays membresde l’Union. Il est donc impératif de renoncer à cesaccords pour garder la capacité d’enclencher un cyclevertueux dans la production agricole européenne.

Ce cycle vertueux doit s’appuyer sur des orientationsqui ont été portées par le Front de gauche dans le cadredes campagnes électorales de 2012 : les prix de basegarantis aux agriculteurs, la souveraineté alimentaire,la règle verte et la planification écologique, en faveur del’agriculture paysanne. Il convient d’inventer un nou-veau système européen de prix de base garanti pourune quantité donnée de production à définir par pays.Les aides publiques doivent être plafonnées par actif

agricole sur une même exploitation, modulées selon laproduction, les territoires, le respect de l’environne-ment, la valorisation des sols et le soutien aux filièresles plus fragilisées. Opter pour la souveraineté alimen-taire suppose de conduire une politique agricole moinsdépendante des produits importés, à commencer par lesoja pour la nourriture du bétail. Il en va de même pourles produits de la pêche, dont la surexploitation desfonds marins, la capture et un certain type d’élevageindustrialisé détruisent les écosystèmes des zones litto-rales des pays pauvres. Des visas d’importation pour-raient être créés contre les importations abusives, pourmaintenir les prix de base.

La règle verte doit devenir une règle de conduite pour lamise en valeur des atouts agricoles de chaque territoirede manière soutenable avec des méthodes de produc-tion qui assurent une fertilité durable des terres agri-coles. Ainsi conçue, la règle verte permet de parvenir àune bonne productivité agricole, à plus d’autonomiealimentaire tout en permettant à l’agriculture de capterplus de carbone qu’elle n’en libère afin de freiner leréchauffement climatique. La somme de ces pra-tiques – que des paysans mettent déjà en œuvre – va dutravail simplifié des sols aux cultures maraîchèresautour des grandes villes, en passant par la productionde légumineuses pour le bétail, sans oublier l’énormepotentiel de l’agroforesterie associée aux culturesannuelles.

Une planification écologique favoriserait des produc-tions contractualisées entre producteurs, transforma-teurs et metteurs en marché avec des prix stables etrémunérateurs, comme cela se pratique déjà pour lesfruits et légumes de conserves, mais aussi pour denombreuses productions labellisées par des indica-tions géographiques protégées. Il convient enfin de lut-ter contre les gaspillages de nourriture et de légiférerpour mieux combattre les comportements prédateursde la grande distribution au niveau de la mise en mar-ché des denrées alimentaires.

Une Union européenne refondée agirait avec fermetépour faire cesser la spéculation sur les matières pre-mières agricoles et pour créer de nouveaux instrumentsde régulation des marchés internationaux, avec la créa-tion d’outils de stockage. Elle pourrait être actrice de lacréation d’une convention internationale sur l’interdic-tion de la spéculation sur les biens alimentaires. Elleprendrait l’initiative de la mise en place d’un systèmeencadrant les marges des géants de la grande distribu-tion et de l’agroalimentaire. Elle fournirait un nouveausystème coopératif, démocratique contre les risquesclimatiques et pour faire face à de graves crises et seraitpromotrice d’un nouvel outil de protection des activitésdu vivant (terre, mer, forêt) dans le cadre d’un système« d’assurance mutuelle démocratique calamités ».

LA MER : UNE NOUVELLE FRONTIÈRE POURL’EUROPEIl est grand temps que l’Union européenne prenne lamesure des enjeux maritimes. Elle est la plus grandezone maritime du monde avec 30 % des mers et océans,présente sur tous les océans du globe avec ses régions

Quelle nouvelle politique agricole commune ?Quelle politique de la mer et des pêches ?9

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ultramarines. Elle compte près de 40 000 km de côtes.Aujourd’hui, plus de 80 % des échanges mondiaux sefont par voie maritime. 60 % de la population mondialevit à proximité du littoral (moins de 60 km). La mer c’estle transport et la pêche mais aussi, l’eau, la nourriture,les matières premières, l’énergie, la biodiversité.

Afin d’observer et d’explorer les fonds marins, l’Europea lancé le projet d’ESONET. Mais celui-ci est, comme leprojet GALILEO, en vitesse réduite faute de moyens.Faisons pour la mer ce que certains pays, dont laFrance, ont fait pour l’espace. La mer est un atoutmajeur pour un nouveau développement durable del’Europe. C’est un défi mondial pour la maîtrise écolo-gique d’un des principaux ressorts de l’écosystèmehumain. Une Europe refondée devrait initier une nou-velle politique de la mer et des pêches maritimes. Huitpoissons consommés sur dix en Europe sont importés.Nous défendons une pêche artisanale, relocalisée,rémunératrice.

La politique commune des pêches serait constitutived’un projet écologique de souveraineté alimentaire dedéveloppement des collectivités côtières, visant à pro-mouvoir l’emploi et l’activité, à améliorer les condi-

tions de vie des pêcheurs. Nous rejetons avec forcetoute tentative d’introduire des droits de propriété surles ressources halieutiques. La garantie de non transfé-rabilité des quotas de pêche s’oppose à toute créationde marché entre les États membres. La souverainetédes États s’exerce à la reconnaissance de leurs droits surles eaux territoriales, les zones économiques exclusiveset adjacentes aux fonds marins.

La rémunération des pêcheurs est assurée par l’intro-duction de mécanismes de garantie de prix. La promo-tion d’une gestion de proximité serait à même de tenircompte de la diversité en matière de flottes et engins depêche. Des outils innovants d’aides publiques, condi-tionnés, seraient un soutien s’inscrivant dans un néces-saire plan de relance économique et sociale, de ges-tions annuelles et de mesures de protection d’écosys-tèmes. Le renouvellement et la modernisation desflottes seraient encouragés en faveur de la pêche artisa-nale garante de techniques respectueuses de l’environ-nement. Les politiques publiques viseraient à assurerune activité relocalisée et rémunératrice des marins, àlutter contre les importations au prix du dumping, àencadrer les pratiques des grands armateurs et lesmarges des distributeurs. n

Quelle initiative européenne pour impulser la transition écologique ?10

L’environnement : la bonne conscience de l’Europe libérale.La crise environnementale est planétaire. La pollutionn’a pas de frontière ! Le caractère d’interdépendancedes bouleversements qui lui sont liés est une réalitéécologique et sociale pour toutes les régions du mondeet tous les peuples. En ce sens, c’est un enjeu de civili-sation ! Le capitalisme provoque de profondes « pertur-bations » écologiques, d’énormes gâchis de ressourceset altère le genre humain. Le capitalisme se fout de laplanète !

La question des moyens et des mesures à adopter pourfaire face à la raréfaction et au renchérissement des res-sources naturelles non renouvelables est l’enjeu centralde notre époque. En effet, si ces ressources ont contri-bué au développement de nos sociétés, leur surexploi-tation a causé des dégâts sociaux et environnementauxconsidérables. Elles sont à l’origine de l’exacerbation detensions géopolitiques, comme le montrent le mouve-ment mondial d’accaparement des terres pour la pro-duction de ressources non renouvelables, ou lesconflits régionaux pour la gestion de l’eau. Les sciences,les technologies et leur développement présentent degrandes perspectives pour sortir de cette impasse.Toutefois, le recours à des solutions essentiellementtechnologiques pose la question du risque d’asservisse-ment des citoyens et de notre société à ces outils et sou-lève in fine la question de la démocratie. C’est dans cecontexte que, dès l’origine, la prise en compte desenjeux environnementaux s’est traduite, pour l’Europelibérale, par de généreuses orientations pour la préser-vation de la planète et des ressources naturelles.Toutefois, cette prise à partie a subi, et subit encore, un

sérieux infléchissement et ralentissement. En effet, lesenjeux liés à la « transition » écologique, compte tenude l’urgence, doivent mobiliser d’énormes besoinsfinanciers inconciliables avec la politique de réductiondes déficits publics. On peut caractériser ce fort enga-gement politique environnemental par une volonté decombler le déficit des politiques sociales pourtant sicruciales au développement humain durable.

Or, l’efficacité commande d’accorder, dans un mêmemouvement, une lutte résolue contre les inégalitéssociales et environnementales auxquelles sontconfrontées un nombre grandissant des citoyens euro-péens. Et cela réduit considérablement la portée, pourelles-mêmes et au plan international, des politiqueseuropéennes en ce domaine. Nous sommes donc loindu compte. De nécessaires évolutions devraient êtreconvoquées avec pour corollaire une autre répartitiondes richesses, une autre utilisation de l’argent et un rôlenouveau pour l’euro intégrant des paramètres sociauxet environnementaux.

Bien entendu, le caractère libéral de l’Union euro-péenne structure la définition des orientations envi-ronnementales. Dans ce domaine aussi, les traitésconstituent la colonne vertébrale du contenu des direc-tives élaborées par la commission. Pas question de s’enécarter même si cela aboutit à des échecs flagrantscomme c’est le cas, par exemple, avec le Système com-munautaire d’échange de quotas d’émissions car-bone (SCEQE), un des axes majeurs de lutte contre lechangement climatique en Europe. Ainsi, tout derniè-rement, neuf ministres de l’Union européenne consta-

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tent que les acteurs économiques sont incapables des’organiser pour réguler le marché afin d’atteindre lesobjectifs de réduction des émissions de gaz à effet deserre. Ils envisagent de geler une partie des quotas etprévoient une réforme du marché carbone avant la finde l’année. Toutefois, ils jugent que « les interférencesavec le marché doivent rester minimales ». Tout est dit :il faut agir mais sans trop de contraintes pour le secteuréconomique…

En fait, les problèmes du SCEQE sont connus et dénon-cés depuis sa création par les députés de la GUE. Le viceoriginel provient du choix, par les États membres, d’unsystème basé sur des besoins estimés d’émissions deCO2, et non sur des objectifs de réduction d’émissions àatteindre pour les entreprises concernées. La distribu-tion gratuite de droits d’émissions pour lancer le mar-ché carbone, la surestimation des quotas alloués auxindustriels, aboutissent à un système inopérant ! Lapossibilité d’augmenter son droit à polluer en rache-tant des quotas inusités par d’autres entreprises, conju-guée à la chute incessante du prix de la tonne de car-bone, n’incitent pas à investir dans des technologiespropres pour réduire les émissions de CO2. La réponselibérale de l’Union européenne, la cotation en boursede « droits à polluer », s’avère incapable de relever ledéfi d’une diminution des gaz à effet de serre et mêmecontre-productive. Pourtant, il s’agit là d’une urgencemondiale pour limiter le dérèglement climatique,comme l’a pointé en septembre 2013 le résumé du 5e

rapport du GIEC.

Nous avons raison de combattre les projets de dérégle-mentation, de libéralisation et de privatisation de sec-teurs déterminants comme ceux du rail et de l’énergiepour une politique environnementale et sociale dura-ble. La recherche incessante d’une politique concur-rentielle « libre et non faussée », soi-disant favorable àla baisse des tarifs pour les usagers, s’avère n’être niplus ni moins qu’un grossier paravent. Cet argumentd’autorité conduit en fait la commission à mener unepolitique de casse systématique des services publicspour créer de nouveaux domaines de valorisation ducapital et réaliser d’énormes profits pour les grandsgroupes industriels européens.

Les directives juridiquement contraignantes en direc-tion des États et des opérateurs impliquent pour cesderniers des investissements massifs afin de satisfaire àl’inflation normative. Par exemple, les directives sur lapréservation de la ressource aquatique sont d’une trèsgrande portée et elles viennent une nouvelle fois d’êtrerenforcées. Or si nous ne pouvons que souscrire à cesambitions elles demandent pour être réalisées un effortde solidarité nationale et européenne, aujourd’hui qua-siment inexistant. Ainsi les collectivités locales encharge de cette compétence en France se trouventtoutes confrontées à des montants d’investissementexorbitants qui les placent dans des situations finan-cières extrêmes, contraintes par le cadre de la superaustérité des finances publiques (baisse des dotations,prélèvement scandaleux de l’État sur les agences del’eau réduisant de fait les subventions…).

La refondation de la politique européenne environne-mentale doit impérativement s’inscrire dans la pers-pective d’un dépassement du capitalisme et d’une lutte

résolue contre son modèle de mondialisation inspiréepar l’OMC, le FMI et la Banque Mondiale. Il est urgentd’ouvrir la voie à un nouveau mode de développement,de production et de consommation qui réponde à l’in-térêt général, aux besoins sociaux et à l’urgence écolo-gique. Or encore aujourd’hui les traités européensinterdisent par exemple toute démarche de relocalisa-tion permettant de rapprocher les lieux de productiondes consommateurs. Ils n’agissent que pour défendre laliberté de circulation des biens et des capitaux. Ilsencouragent le moins-disant social, favorisant la libertéd’installation et la vente de prestations de services, horsde tout contrôle.

Une approche plus globale devrait permettre d’éviter le« saucissonnage » actuel, qui provoque incohérences etdécalages préjudiciables à l’action. La révision de la poli-tique relative aux substances chimiques, au travers del’adoption de la directive REACH, en est un exemple. Elleoblige les fabricants à démontrer le rapport bénéfice-risque des substances utilisées, ce qui de prime abord estplutôt positif pour les salariés et les consommateurs.Mais dans le même temps elle écarte l’évaluation dessubstances produites en petite quantité, laissant sous-entendre, à tort, que la toxicité dépend du volume. Deplus, le manque de transparence sur les résultats del’évaluation de la toxicité est plus que problématique.D’autant qu’il s’accompagne de nombreuses exemp-tions sur l’encadrement ou l’interdiction des substanceschimiques, faisant le jeu des industriels, comme c’estscandaleusement le cas pour les pesticides. En fin decompte, la directive REACH ne remplit pas une bonnepart des missions qui lui était assignée. Nous pourrionsfaire, en matière d’agrocarburants, de déchets et de pré-servation de la biodiversité, la même démonstration del’expression des bonnes intentions comme des limitesde l’action réelle de l’Union européenne.

La santé humaine et la préservation des écosystèmesn’ont pas de prix. C’est pourquoi nous préconisons,comme principe premier d’intervention, l’élaborationde fortes politiques de prévention en matière environ-nementale. Soulignons encore qu’en fonction desavancées et des découvertes de la recherche scienti-fique, elles doivent s’émanciper du principe de précau-tion, trop souvent brandi par des groupes de pressionenvironnementaux et empêchant toute évolutionpotentielle. Enfin, le cas échéant, il convient de mettreen œuvre des politiques réparatrices.

Nous voulons repenser la démocratie européenne afinque la gestion commune des intérêts, projets et bienscommuns résulte de choix souverains, faits en pleineconnaissance de cause après information et consulta-tion des citoyens et salariés. Il faut rééquilibrer les pou-voirs entre la commission et les forces vives – réduites àune fonction de groupes de pression (associations,ONG, syndicats, entreprises…) dans l’élaboration desdirectives – pour faire émerger une expressioncitoyenne européenne. En ce sens, le dispositif desInitiatives citoyennes européennes (ICE) constitue unemodeste avancée qui a permis dernièrement aux syndi-cats de faire inscrire à l’ordre du jour de la commissionl’eau comme un droit humain à respecter. Ceci dit noussommes très loin d’un processus d’élargissement pourla prise d’initiative législative aujourd’hui quasimentréservée à la commission. n

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À ce jour, et quelles que soient les déclarations, iln’existe pas de politique culturelle au niveau européenet les budgets que l’Union y consacre sont ridicules. Deplus, la conception même de la culture s’apparentedavantage à une marchandise soumise au marché et àses dogmes qu’à la réalisation et à la concrétisation dedroits humains. On en connaît les raisons. Il faut selonles dogmes libéraux ne rien soustraire à la loi du mar-ché, à la religion du commerce. Et voilà la culture et sesœuvres assimilées à une obligation de rentabilitéaccrue de produits rentables. D’autant plus rentablesqu’ils ont tendance à se copier, à se ressembler. Et cettetendance à l’homogénéisation est toujours le signed’un désastre culturel. Car le modèle qui marche lemieux est forcément celui qui dispose du plus grandmarché national pour amortir ses propres « produits »alors diffusés à bas prix dans le monde entier. On l’auracompris, au nom de la « libre concurrence », on neutra-lise toutes les confrontations qui sont le sel d’une cul-ture vivante. C’est sur ce point qu’il faut se compren-dre : la confrontation, qui suppose l’existence d’œu-vres, de tendances artistiques diverses, tend à disparaî-tre avec la seule loi du commerce ou encore de laconcurrence.

Il est donc heureux que la mobilisation des acteurs cul-turels, en particulier des cinéastes, ait permis derepousser la gravissime inclusion de la culture dansl’accord commercial transatlantique figurant dans lanégociation entre l’Europe et les États-Unis. Le risquede mettre fin à l’« exception culturelle » qui devrait êtrela règle d’or dans ce domaine était considérable. Non, laculture n’est pas une marchandise : il faut donc et il fau-dra encore et encore l’affirmer et agir pour cela dansl’ensemble de l’Europe. Il a été imposé un recul à partirduquel il peut devenir possible de rassembler.

Il faut sortir la culture et ses financements de la direc-tive des services. Les traités actuels encadrent et limi-

tent les dérogations aux principes de la libre concur-rence autorisant la commission à contrôler et limiterles financements publics pour la culture. À l’inverse destraités actuels, les principes de financement public dela culture doivent devenir des axes fondamentaux de laconstruction européenne, tout en maintenant le faitque la politique culturelle de chaque pays relève de lacompétence absolue des États membres. Il ne sera paspossible pour la commission de contester aux Étatsleurs choix d’investissement et de soutien à la culture,en particulier les politiques publiques en faveur de lacréation, de la diffusion et de l’action artistique. Pourcela la culture ne doit plus relever de la directive « ser-vices » autrement dit du commerce qui est, avec la pro-pagande, son ennemi principal.

Pour autant et dans une logique de subsidiarité,l’Union européenne doit se doter d’une politique cultu-relle qui soutienne prioritairement les programmeseuropéens de création, de diffusion et d’action artis-tique en favorisant les coproductions européennesdans tous les domaines de l’art ainsi que les espaces derencontres et de travail en commun entre les établisse-ments culturels et les artistes européens.

Il faudrait aussi soumettre les géants de l’Internet à desobligations significatives d’investissement dans la créa-tion artistique et culturelle européennes et lutter contrele dumping fiscal sur les biens culturels au sein del’Europe. Il s’agira enfin de permettre une véritable cir-culation des étudiants en art, des artistes et des œuvresafin de faire de l’Europe de la culture un axe majeur dela refondation d’une Europe ouverte sur un monde soli-daire, une Europe encourageant dans chaque pays l’ex-ception culturelle pour garantir la liberté, la diversitédes cultures des peuples. Dans ce cadre l’Europe devrafavoriser, non une politique de voisinage mais un véri-table dialogue des cultures en particulier dans le cadrede l’espace méditerranéen. n

Quelle ambition nouvelle en matière de politiqueculturelle d’une nouvelle Union européenne ?11

Quelle Europe de la connaissance ?

ÉTAT DES LIEUXLa production et la diffusion des connaissances sont aucœur d’une contradiction du système capitaliste, entrele besoin d’une main-d’œuvre de plus en plus formée,pour répondre aux défis nouveaux posés par la placedes connaissances dans la production de valeur ajou-tée, et la volonté d’en réduire tant le coût que l’indé-pendance intellectuelle.

La politique menée depuis une vingtaine d’années parl’Union européenne en matière d’enseignement et derecherche part de trois textes fondateurs : le processusde Bologne (1999), la stratégie de Lisbonne (2000) et lastratégie « Europe 2020 » qui en est la suite. Elle vise àrefonder l’ensemble du système de production et dediffusion des connaissances en Europe, de la mater-nelle à l’université et dans la recherche, pour faire del’Union européenne « l’économie de la connaissance laplus compétitive du monde ». Cette expression résume

les objectifs néolibéraux mis en œuvre : il s’agit de met-tre la production et la diffusion des connaissances auservice de la compétitivité des entreprises et de laguerre économique.

Certes, dans l’Union européenne, les États gardent lacompétence en matière d’éducation et de culture (sco-larité obligatoire, formes d’organisation, reconnais-sance des diplômes etc.). Mais, depuis plusieursannées, les pressions pour une harmonisation euro-péenne des contenus et des modalités d’organisationdes systèmes éducatifs se font plus précises, entraînantde plus en plus un pilotage de fait des systèmes éduca-tifs européens par l’évaluation comparative de chacund’entre eux, par une volonté d’harmonisation des cur-sus, des contenus d’enseignement et des diplômes.Ainsi pour la première fois en France, avec la loi Fillond’avril 2005, une loi sur l’éducation s’inscrivait explici-tement dans le cadre européen. L’instauration d’objec-

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tifs différenciés et d’un enseignement par compétencesavec le socle commun, les tentatives de rapprocher élé-mentaire et collège dans le cadre d’une « école dusocle », la casse du cadre national du service public(rythmes scolaires, régionalisation) sont autant dedéclinaisons nationales de la politique européenne.

Les systèmes scolaires européens sont profondémentréorientés pour dégager des salariés conformes aux inté-rêts à court terme du patronat. L’individualisation desformations et la casse des diplômes nationaux (niveauxde sortie, référentiels de compétences) permettent degarantir aux employeurs un niveau de formation sansgarantir aux salariés la reconnaissance d’une qualifica-tion commune. L’harmonisation européenne, censéefaciliter les coopérations, sert en fait la mise en concur-rence des territoires, des établissements et des individusau nom de « l’excellence » et de « l’autonomie ».

Sous couvert d’« innovation », la recherche se voit assi-gner pour but de produire des savoirs qui puissent rapi-dement être traduits en invention technologique mar-chandisable : abandon de certains secteurs derecherche jugés non rentables, perte complète d’auto-nomie des chercheurs dans le choix des programmesde recherche, pilotage par des structures technocra-tiques privilégiant des projets à court terme au servicedes besoins immédiats du capitalisme au détriment desprojets à long terme c’est-à-dire au détriment de larecherche fondamentale.

Les documents de l’Union européenne, en tous pointsconformes aux orientations gouvernementales, n’ontpas grand-chose à dire sur la recherche fondamentale,hormis de l’intégrer à la chaîne de l’innovation aux ser-vices immédiats des entreprises et des marchés. Leterme d’ « excellence » est utilisé essentiellement pourmettre en concurrence les activités et les acteurs de larecherche dans une perspective de rentabilité et de pro-fit. Ils sont par contre très diserts sur « innovation, com-pétitivité, transfert » : il s’agit explicitement de breve-tage, donc de marchandisation, et cet aspect envahittout le spectre de la réflexion des commissaires euro-péens. Ces textes sont très préoccupants du point devue de la guerre économique, guerre des capitaux ; c’estleur seul horizon. Tout ce modelage s’accompagned’une précarisation massive de l’emploi scientifique.

Ces objectifs impliquent un nouveau « managementpublic » antidémocratique des établissements et uneprécarité croissante des personnels. Ce déficit croissantde démocratie touche aussi les rapports entre la scienceet la formation d’une part et la société d’autre part, éloi-gnant de plus en plus les citoyens des choix qui lesconcernent. La régionalisation, déjà présente dans lastratégie de Lisbonne, est fortement mise en avant dansle programme « horizon 2020 » de recherche euro-péenne couvrant la période 2014-2020, pour mettreencore plus directement la recherche publique au ser-vice des intérêts des entreprises locales.

DANS LE CADRE D’UNE UNION EUROPÉENNEREFONDÉE, QUELLE PLACE POUR LEMOUVEMENT DES CONNAISSANCES ?Pour sortir de la crise démocratique et économique quetraverse l’Europe, il faut changer de logique : permettrele développement libre des connaissances au service de

l’émancipation et du progrès. Il s’agit de concourir à lasatisfaction des immenses besoins collectifs et indivi-duels dans tous les domaines : culturels, sociaux, éco-nomiques. En même temps, il faut s’attacher à répon-dre aux grands défis de notre temps concernant parexemple l’environnement, l’énergie, l’eau, la santé, letravail, la démocratie... Ces enjeux, déterminants pourl’avenir de l’humanité, exigent un élargissement sansprécédent à toute la société des capacités d’accès auxformes les plus avancées du savoir ainsi que la libéra-tion des capacités d’initiative de chacun. Il faut donneraux citoyens de demain les moyens de maîtriser leuravenir et de participer aux décisions collectives concer-nant l’avenir de leur entreprise, de leur pays, del’Europe et du monde.

PREMIER DÉFI : UN NOUVEAU SOUFFLE POURLES SERVICES PUBLICSNotre projet implique un développement sans précé-dent des services publics nationaux de l’éducation, del’enseignement supérieur et de la recherche pour leurpermettre de relever les défis liés à la place nouvelle desconnaissances dans l’économie et la société.

La recherche pour quoi faire ? L’Union européenne constitue à cet égard une unitégéographique pertinente car facilitant, dans ce périmè-tre et hors de celui-ci, des coopérations, des mutualisa-tions, par exemple de gros équipements, facilitant aussila mobilisation, quand besoin est, de gros moyenshumains et financiers, et garantissant le développementdes activités de recherche dans leur diversité et d’unenseignement supérieur de bon niveau sur l’ensembledu territoire européen, condition de l’égalité territorialeau sein de l’Europe. Il importe en particulier de préser-ver les logiques différentes entre recherche fondamen-tale et recherche appliquée, et d’en assurer la traductionen termes d’objectifs et de moyens. Il est tout aussi cen-tral de développer les recherches en sciences humaineset sociales, incluant l’économie. Elles ont un rôle cultu-rel éminent à jouer. Elles sont indispensables à la sortiede crise, par exemple en analysant les processus met-tant aujourd’hui en danger la démocratie en Europe eten concevant et diffusant les moyens d’un regain démo-cratique, ou encore en contribuant aux indispensablestransformations du système industriel, économique etsocial. Parmi de nombreux exemples, on peut citer leGroupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’Évolu-tion du Climat (GIEC) ouvert à tous les pays membresde l’ONU. Crée en 1988, plus de 3 000 chercheurs y tra-vaillent. On voit aujourd’hui l’importance de ses travauxdans le débat et les orientations politiques à venirconcernant la transition énergétique et le climat...

Démocratiser l’appropriation des savoirsNous portons la proposition d’une scolarité obligatoireétendue de 3 à 18 ans dans toute l’Union Européenne.Il s’agit d’élever le niveau de connaissance dans toute lasociété, de donner à tous les jeunes le haut niveau deformation dont ils auront besoin dans la société dedemain. Au-delà de la scolarité obligatoire, il faut per-mettre à tous les jeunes d’accéder à des études longues,dans l’intérêt de la société dans son ensemble : autono-mie économique par l’attribution d’une allocationd’études généralisée et par un système de bourses,droit effectif à la reconnaissance des acquis et à l’inser-tion professionnelle et sociale. L’Union européenne

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doit garantir que, partout en Europe, une même forma-tion soit reconnue par une qualification égale. Elle doitmettre en place un fonds pour aider les pays membresà développer la formation et l’emploi qualifié.

Les formations supérieuresLe processus de Bologne a mis en place un Espaceeuropéen de l’enseignement supérieur (E3S), dont ladéclinaison française a été la réforme « LMD ». Ce pro-cessus se poursuit et s’étend géographiquement (payseuropéens, mais aussi pays du Maghreb et d’Afrique, 47pays aujourd’hui !). Son objectif est la mise à disposi-tion du patronat d’une main-d’œuvre diversementqualifiée mobile et flexible : baisse des garanties appor-tées par le diplôme, rémunération des qualifications laplus basse possible, mobilité subie en fonction du mar-ché de l’emploi… Nous nous prononçons au contrairepour une harmonisation des formations supérieuresrespectant les systèmes nationaux, préservant et ren-forçant l’ensemble des garanties attachées à l’obten-tion de qualification, fondée sur des formations supé-rieures de haut niveau scientifique et humaniste, per-mettant une mobilité choisie des étudiants et des tra-vailleurs. Dans le domaine des formations supérieures,la coopération entre pays européens et au niveau inter-national doit se réaliser sur la base de l’intérêt mutuel,de l’aide au développement, du respect et de la sauve-garde de toutes les cultures, à l’inverse de processus defuite des cerveaux qui appauvrit les pays les moinsdéveloppés.

DEUXIÈME DÉFI : LIBÉRER L’ÉDUCATION,L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LARECHERCHE DES PRESSIONS FINANCIÈRES.L’efficacité et la fécondité de l’éducation, de l’enseigne-ment supérieur et de la recherche publics impliquent

l’indépendance intellectuelle des enseignants, deschercheurs et de tous les travailleurs scientifiques. Celasignifie que, dans le cadre des budgets décidés par leparlement européen et les parlements nationaux, cesservices publics se voient dotés de moyens pérennes àla hauteur de leurs besoins. Les moyens des labora-toires doivent être garantis pour l’essentiel.

La disparition de la précarité dans ce secteur public sup-pose que tous les personnels de ce secteur soient surposte statutaire, c’est une condition de leur indispensa-ble autonomie. Les chercheurs et enseignants-cher-cheurs devront en avoir les moyens financiers, condi-tion pour décider librement au sein de la communautéscientifique de leurs programmes et de leurs méthodesde recherche (sans l’obstacle actuel d’être obligés derester dans le court terme) ainsi que des coopérationsavec le secteur privé. C’est aussi une condition de laqualité des travaux de recherche (respect des temporali-tés de la recherche, absence de pression sur les résultatspubliés, etc.).

Compte tenu des obstacles toujours plus paralysantsque la financiarisation de l’économie met au dévelop-pement de la recherche industrielle privée, la démocra-tisation de la gestion des entreprises industrielles pri-vées devient une nécessité. Des droits nouveaux dessalariés dans les entreprises doivent leur permettre depeser sur les choix d’investissement, en particulier pourles investissements de recherche. La constitution depôles industriels publics, gérés démocratiquement,dans divers secteurs stratégiques permettrait une colla-boration mutuellement profitable entre travailleursscientifiques européens des secteurs publics fonda-mentaux et du secteur industriel, public ou privé.

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Nous exigeons l’assurance que l’engagement financierde la France dans l’activité du CERN soit honoré indé-pendamment de toute considération liée au TSCG etMES.

L’enseignement supérieur et la recherche doivent êtreexclus des négociations sur le grand marché transatlan-tique, que nous contestons dans leur ensemble. Demême, l’Union européenne doit contribuer à lesexclure explicitement des négociations de l’OMC.

TROISIÈME DÉFI : LES CONNAISSANCES AUCŒUR DE LA VIE DÉMOCRATIQUELes politiques européennes concernant la productionet la diffusion des connaissances doivent être élaboréesde manière transparente et démocratique.

Les instances d’orientation et de gestionde la recherche Nous devrions demander :

• que ces instances comportent pour partie des repré-sentants des personnels de recherche, issus d’un pro-cessus électif sur une base nationale ;

• que les programmes européens de recherche fassentl’objet directement d’un vote par le parlement euro-péen et de rapports annuels de l’ERC devant lui.

• un colloque bi-annuel sur les enjeux de la science enEurope et dans le monde, colloque à invitations trèslarges avec Comité d’organisation proposé par les ins-tances nationales représentatives.

La diffusion des connaissancesLa diffusion des connaissances qui sont des biens com-muns relève des missions de l’éducation, de l’enseigne-ment supérieur et de la recherche. Il s’agit, par l’appro-

priation de celles-ci, de donner à chacun les capacitésde transformer le réel. Cette mission revêt une grandeimportance pour la réussite du projet de refondation del’Union européenne. Contre une certaine vision utili-taire de la science par le « grand public », qui fait pen-dant à une même vision mais au seul bénéfice de la ren-tabilité immédiate, il faut rappeler que plus de la moitiédes avancées techniques contemporaines sont dues àdes recherches fondamentales menées il y a quelquesdécennies (laser, programmes spatiaux, transports,microélectronique et les multitudes applications qui endécoule). Dans ce domaine, tout reste à faire : dévelop-per des programmes de diffusion de la culture scienti-fique, les politiques éducatives, la formation initiale etcontinue des enseignants et de l’ensemble des travail-leurs...

Ouvrir un débat européenDe nombreuses questions appellent un approfondisse-ment. Une convention européenne de la recherche, auniveau des forces alternatives, devrait déboucher surune stratégie alternative à celle du programme horizon2020. Parmi ces questions :

• Quel rôle de la recherche, quelles coopérations, prio-rités face aux problèmes-défis actuels et à venir rencon-trés par l’humanité ?

• Quelles coopérations internationales ? européennes ?

• Quelle place, quel rôle des niveaux national et euro-péen ? Quelle articulation entre ces niveaux ?

• Quelles structures/institutions et modalités de déci-sions des orientations européennes ? Quelle place deschercheurs, quelles participations citoyennes, dans lesprocessus de décisions ? Quelles modalitésconcrètes ? n

Quelle politique des migrations dans une Europe refondée ?13

UNE EUROPE « FORTERESSE » CONTRE LESPEUPLESÀ l’exception des Roms qui subissent des restrictionspour circuler et travailler, les ressortissants de l’Unioneuropéenne ont – théoriquement – le droit de circulerdans « l’espace Schengen ». Il en va tout autrement desressortissants des pays « tiers ». L’ensemble des poli-tiques migratoires européennes visent à mettre des bar-rières pour se protéger « des migrants les plus pauvres »et des réfugiés (accords de Schengen, Dublin II, dispo-sitifs Frontex et Eurosur). Si le capital rencontre peud’entraves à sa circulation, il en est tout autrement pourles étrangers non communautaires qui voient leursdroits élémentaires piétinés.

Lors de la transposition des directives européennes dansleur droit national, des États comme la France en profi-tent pour diminuer encore les droits des migrants (duréede rétention, processus de régularisation risqué et diffi-cile, réduction des possibilités de recours juridiques).

Les migrations ont joué un rôle important dans l’his-toire de l’Europe et dans son développement, elles sontreconnues par la Déclaration universelle des droits del’homme de 1948 : « toute personne a le droit de circu-ler librement, de choisir sa résidence à l’intérieur d’unÉtat, toute personne a le droit de quitter tout pays, ycompris le sien, et de revenir dans son pays ». Ce droituniversel reconnaissant le rôle des migrations dans ladynamique de construction des sociétés humaines estremis en cause par les politiques sécuritaires coordon-nées par l’Union Européenne pour se protéger de la soi-disant « invasion migratoire du sud ».

Quelle invasion ? Aujourd’hui, 20,2 millions de ressor-tissants de pays tiers vivent sur le territoire de l’Unioneuropéenne, dont la population totale est d’envi-ron 500 millions d’habitants. Les migrants non commu-nautaires représentent donc environ 4 % de la popula-tion européenne. (13,5 % d’étrangers aux États Unis et21,3 % au Canada).

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L’ILLUSION DE LA GESTION DES FLUXMIGRATOIRESLes pays de l’Union veulent se donner l’illusion qu’ilspeuvent contrôler les flux migratoires pour que ceux-cirépondent aux attentes capitalistes de nos pays. Cetteillusion est basée sur plusieurs oublis :

• Les migrants sont des êtres humains. Ils ont décidé dese déplacer parce que leur pays n’offre pas de perspec-tives économiques, de formation pour leurs enfants,d’accès à la santé, parce que leur pays subit de gravesmodifications climatiques ou parce qu’ils sont menacéspar la guerre ou la répression de leur gouvernement. Ilsviendront quels que soient les obstacles que nous ymettons. Ils viendront le plus souvent avec leur famille,tout comme nous le ferions si nous étions à leur place.Nous réaffirmons le droit à vivre en famille et affirmonsque les flux migratoires ne sont pas contrôlables.

• Les migrants ne veulent pas tous venir en Europe, lamajorité des migrations se fait entre pays pauvres, dansdes rapports Sud-Sud. Nous affirmons, à l’opposé despolitiques populistes et xénophobes, qu’il n’y a pas denécessité de réguler l’immigration.

À l’opposé de ces politiques sécuritaires qui criminali-sent les migrants, des politiques de solidarité sontnécessaires entre les États-membres mais aussi avec lespays tiers d’où ces populations viennent ou par les-quelles elles transitent pour promouvoir le vivreensemble, l’égalité et la coopération pour le développe-ment de tous les pays. Nous prônons haut et fort la seuleréponse raisonnable et réaliste : la liberté de circulationet d’installation de toutes et tous, ressortissants del’Union ou pas, dans toute l’Union européenne. Nousdevons en finir avec les dispositifs de type FRONTEX etle détournement de l’aide publique au développementvers les tentatives de contrôle des migrations. Nous vou-lons la coopération internationale, non parce qu’elleserait la solution pour nous protéger des « innombrablesmigrants » mais parce que tous les pays ont le droit dene pas être pillés par des pays plus riches, parce quetous les pays ont le droit de se développer et d’offrir uneperspective à leurs ressortissants. Parce qu’il s’agit de laseule voie pour progresser ensemble, lutter contre lesguerres, les famines, les dictatures, les maladies. C’estpour toutes ces raisons, et confortés en cela par toutesles luttes actuelles que nous voulons construire desponts, pas de murs et qu’il s’agit d’un des principauxaxes de notre campagne pour refonder l’Europe. Ces

choix mis en débat, nous proposerons aux pays euro-péens de changer rapidement leur politique migratoire.Nous voulons des politiques respectueuses des droits del’homme, le droit à l’éducation, à la santé, au travail, ledroit de vivre en famille. Celles et ceux qui travaillent icidoivent être régularisés, les expulsions d’enfants scolari-sés doivent cesser.

Il faut contraindre les États membres, y compris lesflottes militaires, à remplir leurs obligations internatio-nales en matière de sauvetage en mer et de droit d’asilemais aussi mener campagne pour qu’ils signent enfin laconvention de l’ONU sur les travailleurs migrants. À cejour, les régularisations dans certains états ont eu desconséquences positives sur les finances publiques sansdégrader le chômage.

Le droit d’asile doit être réaffirmé : les demandeurs doi-vent pouvoir choisir le ou les pays dans lesquels ils veu-lent demander l’asile, l’autorisation de travailler doitleur être accordée dès leur arrivée.

COMBATTRE LES INÉGALITÉS ET LESDISCRIMINATIONSLes migrants sont des boucs émissaires faciles pourmasquer l’incurie des gouvernements européens enmatière économique et sociale. Des discours de plus enplus ouvertement xénophobes alimentent les haines àl’égard de tous ceux et toutes celles qui seraient « diffé-rents » y compris ceux et celles qui vivent ici depuis plu-sieurs générations et ont acquis la nationalité d’Étatsmembres de l’Union européenne. Les discriminations subies par les Roms sont particu-lièrement violentes. Il est indispensable de renforcer lesinstruments juridiques les concernant mais aussi deveiller à ces dispositifs. À cet effet, il faut créer une« Haute autorité indépendante » chargée de contrôler lamise en œuvre de l’effectivité des droits. Elle seraittenue de consulter les associations de défense desdroits de l’homme et/ou représentatives des migrants,les syndicats, les personnalités ou organismes ayantdes compétences en la matière et devrait avoir pouvoirde mobiliser les moyens des administrations. Elle auraitobligation de publier un rapport annuel et public ren-dant compte de ses investigations et des propositionsauxquelles les autorités concernées seraient tenuesd’apporter des réponses dans un délai limité. La sécu-rité des migrations est inséparable de l’action pour sor-tir de la crise. Toute avancée représentant un progrèsréel s’inscrit elle-même dans cette dynamique pourconstruire une Europe nouvelle. n

Quelles relations particulières une telle Unioneuropéenne doit-elle entretenir avec les paysvoisins et les régions géographiquement,historiquement ou culturellement proches ?

14

L’Union refondée n’est viable que dans une politique devoisinage ambitieuse pour une stratégie de développe-ment des coopérations économiques, politiques et cul-turelles avec les pays du voisinage géographique, del’espace méditerranéen, et de l’Afrique, sur la base del’interdépendance et des intérêts communs inscrits

dans les réalités de la géographie et de l’histoire, enappui sur les atouts spécifiques des pays membres.

POUR UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT EURO-MÉDITERRANÉENLa refondation de l’Union européenne exige une redé-

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finition de ses relations politiques et économiques avecles pays de l’ensemble méditerranéen, particulière-ment avec ceux du Maghreb. L’issue progressiste desrésistances et le succès des exigences démocratiquesexprimées dans les mouvements de la période dépen-dent pour une part essentielle des réponses apportéesaux urgences sociales et à l’essor économique, pour lacréation d’emplois et la justice sociale. La responsabi-lité de l’Europe est engagée.T

Nous posons la nécessité d’un grand programme decoopération économique et politique euro-méditerra-néen pour les infrastructures et la formation, avec lesfinancements correspondants et une politique de cré-dit favorable.

Au plan politique nous proposons un nouveau proces-sus de dialogue, tirant les leçons des échecs et des blo-cages passés, pour avancer vers la constitution à termed’une Conférence permanente de coopération et desécurité des peuples de la Méditerranée, pour traiter dessujets d’intérêt commun. L’expérience montre qu’unetelle construction passe par l’engagement des pays de larive sud de l’Europe, particulièrement de la France, àpartir des problèmes concrets. L’engagement des gou-vernements et des États est indispensable, mais aussi, etc’est déterminant, l’implication des sociétés à travers lesacteurs sociaux et les citoyens, sous des formes à définir.

REDÉFINIR ET RÉORIENTER LA COOPÉRATIONAVEC L’AFRIQUEDans les conditions nouvelles de la mondialisation etde l’émergence d’acteurs nouveaux, l’Afrique estconfrontée à des défis démographiques, politiques, de

développement, de souveraineté sur ses ressourcesnaturelles. L’Union européenne doit impérativementredéfinir la nature de sa politique de coopération etd’aide, prenant en compte avec la lutte contre la pau-vreté et les inégalités, les enjeux d’un développementrompant avec les logiques néolibérales des plansd’ajustement. Il s’agit de répondre au besoin de ser-vices publics, de création massive d’emplois, d’infra-structures en matière d’énergie, de transports, de com-munication, de développement agricole, de formation,d’environnement. Plus que jamais il s’agit de penser entermes de codéveloppement débarrassé de toute pra-tique néocoloniale, et de dépendance envers les straté-gies prédatrices des multinationales.

POUR UNE POLITIQUE « DE VOISINAGE »NOUVELLE DANS LA GRANDE EUROPELes enjeux des décennies à venir, notamment énergé-tiques, d’environnement, mais aussi politiques et desécurité appellent une conception renouvelée des coo-pérations avec les pays de l’ancienne CEI, notammentla Russie et l’Ukraine. La réalité du monde au XXIe siè-cle comme l’intérêt bien compris des populations del’Union européenne et de ces pays demande une priseen compte ambitieuse de l’interrelation des intérêtsentre tous les pays du continent. Il s’agit de substitueraux tensions et aux fractures héritées de l’histoire unpartenariat de haut niveau et un développement deséchanges politiques, économiques et culturels, impli-quant les jeunesses, mettant en dynamique les atouts etles savoir-faire dans les secteurs d’avenir, et pour uncadre de sécurité commune. n

Cette Union européenne doit-elle viser à jouer un rôle marquant sur la scène internationale ? 15

Lequel  : économique, diplomatique, militaire  ? Queltype de rapports doit-elle entretenir avec les États-Unis, les pays en développement ou émergents, lesNations unies ?

Le besoin de protection contre la violence de la mise enconcurrence des peuples et du néolibéralisme mondia-lisé, le besoin de sécurité commune, de paix et de coo-pérations interpellent avec force l’Union européenne etses États membres. On attend de l’Europe actuellequ’elle puisse réellement solidariser les peuples, agir enpartenaire constructif pour l’ensemble des pays endéveloppement, en toute indépendance des États-Uniset de l’OTAN, mais aussi de la haute finance, des straté-gies et des intérêts des multinationales.

La réalité de la politique conduite est cependant toutautre. C’est l’obsession du libre-échange étroitementlié à la dérégulation, à l’austérité pour la rentabilité ;c’est le néolibéralisme et l’ouverture prioritaire au capi-tal privé dans les accords d’association avec les pays duSud ; c’est une relation privilégiée avec les États-Unisdans un suivisme atlantiste affirmé…Le discours policémais mensonger de l’Union européenne concernant

son propre rôle dans le monde, concernant les droitshumains, la bonne gouvernance, le développement etl’ensemble des enjeux de politique internationale nefait pas illusion. Il ne masque pas non plus son incapa-cité à définir une politique étrangère et de sécuritécommune digne de ce nom, susceptible d’apporter unecontribution positive à la solution des conflits, à ladiminution des tensions internationales et à la néces-sité pressante d’engager aujourd’hui une politique dedésarmement multilatéral dans le monde. On attend enparticulier de l’Union européenne et de ses États mem-bres qu’ils s’engagent pour le règlement des conflits, enparticulier pour la question de la Palestine, pour unesolution négociée de la terrible crise internationale quidéchire aujourd’hui la Syrie et son peuple.

La contradiction manifeste entre un discours de réfé-rence « politiquement correct » et des pratiques euro-péennes totalement opposées a profondément décré-dibilisé la politique de l’Union européenne. Pourtant, lebesoin d’une Europe active, jouant un rôle progressiste,démocratique, pacifique pour construire des conver-gences et des coopérations dans l’intérêt mutuel et lerespect réciproque est plus nécessaire que jamais afinde peser vraiment au service des peuples. L’Union

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européenne doit définir un nouvel esprit et de nou-velles orientations pour ses relations avec l’ensemblede ses partenaires, et cela dans tous les domaines. Cequi signifie un changement profond des fondements dela construction européenne et des finalités de cetteconstruction. L’Union européenne devrait assumer unepart de la responsabilité collective et des réponsescommunes indispensables face aux défis du monde.

POUR UNE « MONDIALISATION DESCOOPÉRATIONS »Dans les négociations internationales pour une « mon-dialisation des coopérations », nous proposons unestratégie d’alliances avec d’autres pays, notamment lesBRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ,l’Amérique latine, les pays africains, l’Asie. À l’OMC ils’agit de peser pour transformer radicalement cetteorganisation, en contrant la domination des marchésfinanciers et des pays les plus puissants.

Dans le même esprit l’Union européenne doit redéfinirles contenus des traités de libre-échange, en s’opposantaux exigences néolibérales, et en prenant en compte lesintérêts des populations et des salariés de l’Union euro-péenne. L’Union européenne doit agir pour la démo-cratisation des relations et des institutions internatio-nales à partir des réalités émergentes et des nouveauxrapports de force. Il s’agit de remplacer la finalité dulibre-échangisme par celle du développement humaindurable arrimé sur une nouvelle régulation deséchanges commerciaux articulant protection et solida-rité. Elle doit agir pour la réforme et la transformationdes institutions financières internationales – le FMI etla Banque mondiale –en les démocratisant et enréorientant radicalement leurs missions, face aux mar-chés financiers, jusqu’à la constitution de nouvellesinstitutions correspondant aux réalités et aux enjeux dumonde d’aujourd’hui.

Les défis posés à l’humanité exigent comme jamais lerenforcement de l’influence et de l’autorité del’Organisation des Nations unies. L’Union européennedoit être aux avant-postes de sa promotion, et en pre-mier lieu sa démocratisation, prenant en compte l’affir-mation économique et politique de puissances et d’en-sembles régionaux.

Refonder l’Union européenne pour la rendre utile auxpeuples appelle une stratégie de développement ambi-tieux des relations politiques avec les grands pays dits« émergents », les BRICS et d’autres pays moins vastes,mais dont le rôle et l’influence grandissent à l’échellerégionale. Il s’agit pour les Européens de prendre encompte le monde du XXIe siècle tel qu’il se dessine àgrande vitesse, et de prendre leur place dans cetteconstruction pour le rendre plus juste, plus vivable etplus humain.

POUR UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE PAIXET DE SÉCURITÉ COLLECTIVELa nature de la Politique européenne de sécurité et dedéfense (PESD) et sa dépendance vis-à-vis de l’OTANfont monter l’exigence d’une dissolution de l’OTAN,instance politico-militaire dominée par les États-Unis,fondée sur le primat de la logique de guerre et de laforce. Elles appellent la construction d’un nouveau sys-tème de sécurité collective et préventive, en Europe et

sur le plan international, adapté à notre période, refu-sant tout ce qui nourrit le choc des civilisations, les ten-sions et les violences politiques… Un système reposanten priorité sur la réponse aux attentes sociales et popu-laires, sur le développement humain durable danstoutes ses dimensions, sur le désarmement, sur la non-prolifération des armes de destruction massive notam-ment nucléaires, sur la résolution politique des conflits.

Ni Europe alliée subalterne et dépendante de l’OTAN etdes États-Unis, ni Europe puissance à la fois rivale etpartenaire de Washington : les Européens doivent jouerun rôle indépendant et original pour contribuer à lapaix dans un monde où les tensions sécuritaires, lescrises suscitent de profondes inquiétudes, où lesattentes des peuples sont immenses.

L’Europe doit agir pour le multilatéralisme. Une sécu-rité collective et préventive doit reposer sur une légiti-mité de portée universelle. Aucune action, aucuneintervention militaire ne peut prendre corps sans unerésolution de l’ONU et une mission clairement définiedans le respect des principes et des buts de la Chartedes Nations unies, sans une décision souveraine et dechaque État membre concerné.

La politique européenne de sécurité et de défense doitfaire l’objet d’une définition et d’un contrôle démocra-tique et transparent, notamment à travers les parle-ments nationaux et le parlement européen, mais aussià travers le débat public, sur ses options, ses moyens etsur les valeurs qui fondent sa légitimité.

Les Européens doivent définir une vision du monde,des objectifs de politique étrangère et de sécurité pourle règlement politique des conflits. Ils ont besoin d’uneapproche stratégique propre fondée non pas sur le pri-mat de la force et sur une défense européenne intégréeà l’OTAN, mais sur l’exigence de réponses politiquesaux crises et aux problèmes du monde d’aujourd’hui,sur la démilitarisation des relations internationales.

QUELS RAPPORTS AVEC LES ÉTATS-UNIS ?L’Europe ne peut jouer un rôle correspondant à sarefondation sociale, démocratique et écologique et àses intérêts que dans une réelle autonomisation enversles États-Unis. Cela passe par une contestation del’OTAN comme structure militaire dominée par lesÉtats-Unis, mais aussi concrètement par l’élaborationde stratégies réellement indépendantes sur les diffé-rents enjeux – maîtrise de la finance, transition énergé-tique, lutte contre le réchauffement climatique, bienscommuns, désarmement et multilatéralisme, sécuritéet souveraineté alimentaire.

Cette émancipation de l’influence et de l’ambitionhégémonique, économique et industrielle, politique etmilitaire, culturelle des États-Unis en Europe est unedimension essentielle de la refondation de l’Unioneuropéenne. Elle correspond à la période nouvelle del’après-guerre froide, de l’élargissement de l’Union, desrapports nouveaux à établir avec les pays du voisinage,méditerranéen ou d’Europe centrale, mais aussi avecles ensembles régionaux et émergents d’Amériquelatine et d’Asie. Il s’agit d’établir là aussi un partenariatsur la base de l’égalité et correspondant aux réalitésnouvelles du monde.

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NON AU MARCHÉ TRANSATLANTIQUELa question est posée avec acuité avec l’ouverture desnégociations sur le traité transatlantique de libre com-merce. Nous nous opposons à la conclusion d’un teltraité parce qu’il vise à favoriser la concurrence entreles salariés et les peuples, entre nos pays et à l’échellemondiale, et qu’il va à l’encontre des objectifs d’une

réorientation progressiste des politiques de l’Union.Nous nous y opposons globalement, nous agirons pourrassembler sur les différents chapitres en discussion, etnous ferons de cette opposition déterminée l’occasionde mener le débat sur ce que devraient être les relationsnouvelles à établir avec les États-Unis. n

À quelles conditions fondamentales un État peut-il être membre d’une Union européennerefondée tel que nous l’entendons ?

Qu’en est-il dans l’actuelle Union européenne ? Pouradhérer à l’Union européenne, un État doit remplirtrois conditions appelées « critères de Copenhague »(adoptés en 1993 en prévision des négociations d’adhé-sion des pays d’Europe centrale et orientale).

Le premier de ces critères est politique : « la présenced’institutions stables garantissant la démocratie, l’Étatde droit, les droits de l’homme, le respect des minoritéset leur protection ». Ce critère renvoie à l’article 2 destraités européens en vigueur, qui stipule que « l’Unionest fondée sur les valeurs de respect de la dignitéhumaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’Étatde droit ainsi que du respect des droits de l’homme ».L’article en question mentionne encore « le pluralisme,la non discrimination, la tolérance, la justice, la solida-rité et l’égalité entre les femmes et les hommes » ! Qui ditmieux ? Le problème est que, dans les faits, bien desÉtats violent nombre de ces valeurs fondamentales. Or,l’Union européenne n’a jamais suspendu le droit de vote

au Conseil d’un État membre pour « violation grave etpersistante » de ces valeurs, comme le prévoient formel-lement les traités. Pire : les institutions européennesfoulent elles-mêmes au pied « la démocratie » et « ladignité humaine » qu’on songe à la Grèce… « Le respectde ces principes est une condition d’appartenance àl’Union » précise pourtant la commission européenne !Nous pouvons aisément souscrire à ce critère, mais nonplus comme un vœu pieu, mais comme une conditioneffective et valable pour tous !

Le deuxième critère à remplir aujourd’hui pour adhérerà l’Union européenne est économique : « L’existenced’une économie de marché viable et la capacité à faireface aux forces du marché et à la pression concurren-tielle à l’intérieur de l’Union ». Ce critère, qui fait des« forces du marché » et des « pressions concurren-tielles » des données intangibles « à l’intérieur del’Union », est à nos yeux, totalement inacceptable. Lapremière finalité d’une construction européenne doit

Quel rôle concevons-nous pour la France enfaveur d’un processus de refondation de l’Unioneuropéenne ?

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Si la France ne peut seule prétendre réorienter laconstruction européenne, rien ne peut durablement sefaire sans elle, et moins encore contre elle. C’est affaired’orientation et de volonté politique, de rapports deforce et de construction d’alliances, à l’échelle euro-péenne, comme dans le pays.

Un gouvernement et une majorité de gauche devraientfaire entendre l’opposition radicale de la France auxpolitiques d’austérité, aux diktats des marchés et despays les plus puissants, agir pour une réforme du statutde la BCE et une réorientation de la politique monétaire,s’opposer à l’imposition des réformes libérales d’ajuste-ment et de libéralisation des services publics et du mar-ché du travail, pour l’intégration des clauses socialesdans les politiques communes, pour la promotion desservices et du secteur public, en appui sur les revendica-tions des organisations syndicales et de la CES et les exi-gences portées par les mouvements anti-austérité.

Une telle fermeté et une cohérence entre les paroles etles actes en faveur d’une telle réorientation trouveraitdes appuis dans les autres pays. Elles encourageraient

les forces populaires et sociales qui elles aussi, nom-breuses et diverses, luttent, aspirent à un changementradical des politiques et des institutions.

Dans cet affrontement qui mobilise dans les institutionseuropéennes et dans chaque pays la puissance et l’in-fluence des forces économiques dominantes, les repré-sentants des intérêts des marchés financiers, les forcespolitiques néolibérales, doivent se manifester avec forcel’engagement et le rassemblement de toutes les forces,sociales et politiques, citoyennes, qui cherchent uneissue progressiste, sociale et démocratique à la crise.

Sur des questions aussi essentielles que le partenariatméditerranéen, la question palestinienne, l’expériencemontre les limites et les blocages de l’approche com-munautaire. Par contre des initiatives communes depays particulièrement concernés devraient être impul-sées pour contribuer à débloquer la situation, à larelance de processus – en Méditerranée notamment etau Proche-Orient – pour la résolution de conflits, ou larelance de négociations en relation avec les Nationsunies. Cela vaut tout particulièrement pour la France.n

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être d’organiser ensemble les coopérations et la solida-rité entre les pays membres. Sa raison d’être est de don-ner à ces États ce qui leur manque quand ils sont isolés :la capacité de porter un modèle social et écologiqueavancé dans la mondialisation. Le sens d’une « Union »digne de ce nom est de servir à protéger les peuples despays membres contre les effets pervers de la mondiali-sation, non de leur demander de s’y « adapter ».

Quant au troisième critère pour l’adhésion d’un pays àl’Union européenne aujourd’hui, il est d’intégrer dansson droit national l’ensemble de la législation euro-péenne : traités, directives, jurisprudence, et « notam-ment l’aptitude à souscrire aux objectifs politiques,économiques et monétaires » – disent les textes euro-péens. Autrement dit : tout pays adhérant à l’Unioneuropéenne doit s’engager à appliquer durablement lemodèle libéral européen jusque dans ses moindresdétails. Nous touchons là au cœur de ce qui nousoppose à la conception actuelle de la constructioneuropéenne : les traités verrouillent toute possibilitéd’un pays membre de faire des choix politiques, éco-nomiques et monétaires différents. Or, la démocratie

et la souveraineté populaire exigent que tout peuplepuisse à tout moment choisir le modèle de société quilui convient.

Voilà pourquoi nous parlons d’une nécessaire « refon-dation » de la construction européenne, qui se traduisele moment venu par un traité d’un nouveau type.Naturellement, il s’agit là d’un processus de luttes dontseule la capacité des citoyens et des mouvementssociaux à faire bouger les rapports de force, détermi-nera le rythme, les formes et les résultats. Cependant, lacrise de ce type de construction européenne – en parti-culier sa crise de légitimité auprès des citoyennes et descitoyens – est désormais si exacerbée qu’il devient, plusque jamais auparavant, possible de réaliser des rassem-blements larges en France et des convergences fortesen Europe en faveur de ruptures progressives avec lespolitiques des dirigeants européens, à commencer parleur politique d’austérité. Ainsi, c’est dans la vie réelleque l’on verra certains « critères » devenir caducs etd’autres peu à peu émerger. Notre rôle est de dessinerl’horizon possible d’une « autre Europe » et de contri-buer à en poser les jalons. n

18 Quelle place pour les luttes sociales et politiques,pour les initiatives des partis européens (tel lePGE) et des élus de gauche au parlementeuropéen (tels ceux du groupe GUE-NGL) pourmodifier les rapports de force dans uneperspective de changements profonds ?

Penser le projet pour l’Europe, c’est aussi réfléchir à lastratégie de rassemblement qu’il convient de mettre enœuvre pour le rendre possible. Un projet n’est réalisableque lorsqu’il devient partagé dans la société.

Les choses se complexifient dans un espace politiquecomme l’Europe, où les langues, les cultures politiqueset les histoires nationales sont diverses ; et où les insti-tutions communes sont largement dominées par unconsensus néolibéral au service du capital (conserva-teurs, libéraux, sociaux-démocrates et verts s’accor-dent, avec certes quelques nuances, sur les traités euro-péens et les politiques d’austérité) et « à l’abri » de l’in-tervention populaire, sauf le parlement qui est élu.

Construire un nouveau rapport de forces et une nouvellehégémonie culturelle au niveau européen sont des défismajeurs. Face à l’offensive du capital contre les peupleseuropéens, notre responsabilité est grande pour unir lesforces critiques et donner une perspective aux mobilisa-tions de masse qui se déploient contre l’austérité.

LA CRISE DE L’HÉGÉMONIE NÉOLIBÉRALEOUVRE UNE NOUVELLE ÈRE POLITIQUEDepuis le début de la crise, nous sommes entrés dansune période nouvelle. Les conséquences de la crise dela finance et de leur gestion par l’austérité et les régres-sions démocratiques produisent de fortes crises poli-tiques. La situation politique est instable.

La crise de l’hégémonie néolibérale s’exprime demanière contradictoire dans les sociétés. D’un côté, il ya un fort sentiment d’impuissance et de désespoir quinourrit l’abstention, la démobilisation.

Mais il y a aussi un regain des luttes de masse contre lesplans d’austérité, et de plus en plus conscientes de l’im-portance du niveau européen. C’est vrai surtout dans lesud de l’Europe, mais c’est de plus en plus vrai ailleurs,y compris dans les Balkans et les pays nordiques. Ducôté syndical, on cherche de nouveaux interlocuteurspolitiques à gauche quand les sociaux-démocratesappliquent l’austérité. La CES a ouvertement combattule traité budgétaire. Il y a des tentatives d’européanisa-tion de ces luttes, comme ce fut le cas par exemple, le14 novembre 2012, avec une grève générale coordonnée.

Si elles continuent de dominer le paysage politique –par l’alternance ou par des gouvernements techniquesou des grandes coalitions – les forces qui appliquent lesmesures d’austérité dictées par la « Troïka » (experts dela commission européenne, de la Banque centraleeuropéenne et du Fonds monétaire international)essuient de grosses défaites politiques et leur soutienpopulaire s’effrite rapidement.

La social-démocratie européenne est en net recul sur ladurée malgré des phénomènes d’alternance. Elle nereprésente plus le changement, n’incarne plus les

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valeurs de gauche et ne produit aucune solution faceaux défis contemporains.

Il est probable que les élections européennes de 2014soient marquées par le rejet, par une sanction des poli-tiques d’austérité et donc des forces qui les appliquent.Mais à qui cela va-t-il profiter ? Encouragées par unecertaine porosité avec les forces de droite « tradition-nelles », par la fragilité des systèmes politiques natio-naux, les forces d’extrême droite, nationalistes et/ourégionalistes, des forces populistes « antipolitiques »pourraient, si aucune solution d’espoir n’émerge de lagauche, profiter de ce climat délétère. Partout ellesgagnent du terrain.

LE RECOURS À LA GAUCHE N’EST PASAUTOMATIQUE, MAIS IL EST POSSIBLEDans ce paysage inquiétant, on observe cependant d’im-portantes progressions de la gauche en Grèce avec Syriza,en Espagne avec Izquierda unida, au Portugal, en Franceavec le Front de gauche, au Danemark avec l’Alliancerouge-verte, en République tchèque avec KSCM, qui ontun retentissement dans toute l’Europe. Schématiquement, sa progression se fait là où il existe unegauche dans le paysage national, là où elle est aux côtésdes luttes et recherche l’intervention citoyenne maximale.

Face à la crise de l’hégémonie néolibérale et dans uncontexte de turbulences politiques, la gauche a nonseulement une carte à jouer mais surtout une granderesponsabilité : s’unir et faire triompher une visiond’espoir et de progrès.

POUR DES FRONTS PROGRESSISTESEUROPÉENSIl y a une très grande diversité des forces politiques degauche en Europe. C’est vrai aussi pour les mouve-ments syndicaux et sociaux. Notre objectif est de réus-sir à constituer des « Fronts », une « alliance » de toutesles forces significatives contre l’austérité et autourd’axes de refondation de l’Europe.

RENFORCER ET APPROFONDIR LESCOOPÉRATIONS POLITIQUESAu niveau européen, les forces politiques de gauchedisposent essentiellement de deux espaces structurésde coopération : le groupe GUE-NGL au parlementeuropéen et le Parti de la gauche européenne. Le PCFest actif dans les deux. Il est un des partis « clés », qui acompté dans leur création et qui doit continuer à s’en-gager dans leur renforcement et leur développement.

Nous devons nous fixer au moins 2 objectifs :

• Renforcer quantitativement la gauche européenne(au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des forces poli-tiques qui cherchent une issue progressiste à la crise,au-delà même du PGE et de la GUE-NGL). Il s’agit depermettre une progression des forces nationales, d’êtreattentifs à l’émergence de forces nouvelles, de chercherdes coopérations dans tous les pays de l’Union euro-péenne et au-delà. Des initiatives de solidarité dans leséchéances nationales et des campagnes européennescommunes sont à prendre pour atteindre ces objectifs.

• Renforcer qualitativement la gauche européenne. Ils’agit de mettre tout en œuvre pour lui permettre d’être

une véritable force d’opposition à l’austérité et de pro-positions alternatives, visible au plan européen et auplan national. C’est un travail politique quotidien danslequel notre parti doit être très investi : par une évoca-tion systématique des enjeux européens et une valorisa-tion du travail de nos députés dans nos campagnesnationales ; ainsi que par un travail volontariste de rap-prochement politique avec toutes les forces disponibles.

UNIR LES FORCES CRITIQUES : POUR UNFRONT SOCIAL ET POLITIQUE EUROPÉENCompte tenu du regain des luttes de masse, des évolu-tions syndicales et des mouvements sociaux et vu lapuissance de l’offensive contre les peuples, on peutpostuler un contexte favorable pour un nouveau typed’alliance entre partis, mouvements et syndicats, dansle respect des souverainetés et des sphères d’actions dechacun, mais dans un même mouvement. Il y a une dis-ponibilité de tous les côtés, chacun ayant bienconscience, face aux forces auxquelles nous sommesconfrontées, de la nécessité de dépasser nos limites.L’organisation de l’Altersummit à Athènes en juin 2013,qui a regroupé plus d’une centaine d’organisationsautour d’un « Manifeste des peuples » est une avancée,y compris dans les rapports entretenus avec le Parti dela gauche européenne.

Il faut maintenant accélérer. Le PGE discutera à soncongrès de l’idée d’organiser annuellement un « Forumeuropéen des alternatives », c’est-à-dire un espace dedialogue et de travail politique commun à toutes lesforces politiques, sociales, syndicales qui rejettentl’austérité et cherchent une issue de progrès à la crise.

FAVORISER L’INTERVENTION POPULAIRE :ÉLECTIONS ET CAMPAGNES POLITIQUESLa question de l’intervention populaire est détermi-nante pour changer le rapport de forces et imposer untournant politique en Europe. Ce sont les peuples quifont l’histoire.

Les élections européennes peuvent être un fortmoment de politisation des enjeux européens et de ras-semblement citoyen. Ce peut être une échéancemajeure dans l’affrontement avec les forces de l’argent.L’enjeu pour nous est donc de permettre l’expressionmassive du rejet de l’austérité, d’incarner la colère, touten ouvrant un espoir en crédibilisant une constructioneuropéenne de type nouveau. Compte tenu de ces deuxobjectifs, il nous faudra articuler dans la campagne lesgestes de rupture et les axes de refondation. Il nous fau-dra, y compris dans la composition des listes du Frontde gauche, donner à voir le caractère majoritaire dansla société du rejet de l’austérité. Bref, il faut créer lesconditions pour que les tenants de la constructioneuropéenne actuelle prennent une claque, mais uneclaque de gauche.

En dehors des élections, il faut continuer à mener unebataille médiatique, des campagnes d’information etde mobilisation. Nous soutenons l’idée du PGE demener chaque année une campagne européenne etnous proposons que la première, décidée au congrès dedécembre, porte sur le projet de grand marché transat-lantique. n

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Pour les travailleurs, le projet européen doit être abordé dupoint de vue de la classe sociale. Le contexte est très mou-vant et les enjeux importants.

En premier lieu, les enjeux démographiques : nous sommes7 milliards d’êtres humains aujourd’hui et serons 9 milliardsd’ici 30 ans. Cette hausse se produira essentiellement dansles pays en voie de développement. La population des paysdits développés stagnera mais l’âge moyen augmentera demanière significative. Se pose donc la question de savoircomment répondre aux besoins des populations dans cecontexte.

En second lieu, l’enjeu de solidarité. Les mutations techno-logiques importantes pourraient permettre de répondreaux besoins des populations tant et aussi longtempsqu’elles sont mises au service du partage et de la solidaritéet non de la rentabilité du capital. La solidarité internatio-nale des travailleurs est possible, le monde du travail étantde plus en plus intégré. Pourtant, les politiques actuelle-ment mises en œuvre conduisent à la mise en concurrencedes salariés et accroissent les tensions dans le monde dutravail. Cela rend cruciales les questions de la paix et dudésarmement.

Un véritable projet européen doit être un projet de coopé-ration et de codévelopppement, construit à des niveauxcomplémentaires. Un tel projet n’est pas incompatible avecun projet français. La complémentarité des niveaux d’inter-vention doit être, bien entendu, préférée à leur mise enconcurrence.

Deux éléments importants sont à prendre en considérationdepuis l’acte unique de 1986. Premièrement, le social estdevenu une variable d’ajustement dans la constructioneuropéenne, l’avantage étant donné à la finance.Deuxièmement, la voix des peuples n’a pas été écoutée, ladémocratie a été laissée sur le bord du chemin. Face à ceconstat, si l’on veut un projet européen qui répond auxattentes des travailleurs, celui-ci doit s’articuler autour duprogrès social qui doit en être le pivot et s’appuyer sur unevéritable démocratie non délégataire y compris sur les lieuxde travail.

Dans ce cadre, la réponse aux besoins des peuples et laplace du travail deviendra centrale. Elle doit être revalori-sée. Cela passe par plusieurs points, notamment :

• la question des salaires et, en particulier, la mise en placede salaires minima partout en Europe ;• le contenu de l’emploi et la lutte contre la précarité ;• l’égalité dans le monde du travail (égalité homme/femme,place des migrants) ;• le droit de regard des travailleurs sur les grandes orienta-tions des entreprises.Il doit y avoir une place importante pour le syndicalismedans les projets européens mais cela implique plus de tra-vail commun entre les partis politiques et les syndicats,ceux-ci ne pouvant pas, ne devant pas être apolitiques.

Sur la question de l’euro, il s’agit d’un exemple typique del’enjeu de classe. Ne pas l’aborder ainsi conduirait à deserreurs. Il a été bâti contre les intérêts des travailleurs.Cependant, en sortir pour construire une monnaie natio-nale comme une arme économique se ferait nécessaire-ment au détriment des travailleurs et au bénéfice du capi-tal. La nature des rapports sociaux de production est unfacteur clef en ce qui concerne l’euro. Si les conditions de

production ne sont pas changées, cela se fera à nouveau audétriment des travailleurs. Pour ce qui les concerne, lemaintien ou la sortie de l’euro n’est pas la vraie lutte.

Concernant la mutation technologique, la segmentationdes systèmes productifs fait, qu’aujourd’hui, on peut fabri-quer tout partout. Le schéma dans lequel la « recherche etdéveloppement  » se ferait dans les pays développés et laproduction dans les pays en voie de développement est demoins en moins vrai. On peut, à ce titre, citer l’exemple del’Inde où des entreprises de haute technologie jouxtent desbidonvilles. Mais demeure toujours une segmentation quiprofite au capital et met les travailleurs en concurrence. Ilconvient donc de bâtir un nouveau mode de développe-ment qui réponde aux besoins des peuples et donc changerradicalement de paradigme. Il faut mettre en place desactions complémentaires qui ne soient plus uniquement aubénéfice d’une minorité de privilégiés. Le codéveloppe-ment ne peut que favoriser l’emploi partout dans le monde.

Les travailleurs ont, plus que jamais, des intérêts communs,la mondialisation ne met pas fin à la solidarité. De cette soli-darité dépendent l’emploi et la protection sociale. À titred’exemple, ce n’est pas la Chine qui cause des suppressionsd’emplois mais bien les patrons, les actionnaires. La solida-rité internationale des travailleurs est compliquée mais lessyndicats européens peuvent y contribuer car ils créentdes possibilités d’échanges qui sont souvent très produc-tives. On note des avancées importantes notamment dufait des comités de groupes, de la présence des syndicatsdans les multinationales.

Les peuples doivent affirmer leurs droits dans toutes lesinstances qui doivent pourvoir à leurs besoins, matériels etimmatériels (éducation, santé, services publics). Ces consi-dérations mettent en lumière trois enjeux :

• l’insuffisance de la production de biens et de services pourla satisfaction des besoins des populations d’où le besoinde croissance matérielle et immatérielle ;• la production ne respecte ni les travailleurs, ni l’environne-ment ;• la mauvaise répartition des richesses et des biens pro-duits.Tout ceci impose de faire sauter des verrous, le premierétant celui du poids de l’idéologie libérale qui fait des autresdes ennemis. Il faut expliquer que les travailleurs du mondeentier ont des intérêts communs. D’où l’utilité d’engagerune bataille sur le coût du capital et de lutter contre l’idéereçue selon laquelle le travail serait un coût et non un atoutà valoriser. La concurrence implique toujours la baisse desnormes sociales et environnementales. La hausse de lacompétitivité l’est toujours au profit des actionnaires alorsqu’au contraire, il faut plus de partage ou une concurrencepar la baisse du coût du capital. Le besoin est urgent d’unepolitique industrielle européenne qui réponde aux attentesdes populations ce qui implique donc de nouveaux droitspour les salariés, des politiques énergétiques de rechercheet développement différentes et de poser radicalement laquestion du financement.

*Nasser Mansouri-Guilaniest économiste.

Audition de Nasser Mansouri*

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La gauche ferait fausse route en proposant plus de fédéra-lisme au sein de l’Union européenne. Elle irait ainsi à contre-courant de ce que souhaitent les Européens qui veulent leretour des États- nations et ne plus se voir dicter leurs poli-tiques par Bruxelles. Malgré 50 ans de construction euro-péenne, les pays demeurent très différents. Le fédéralismen’est pas souhaitable en ceci qu’il imposerait aux 28 paysmembres un modèle unique et une uniformisation desmodes de vie alors que les différences font la richesse del’Europe.Il n’est pas souhaitable pour autant de sortir de l’UE car celaentraînerait une montée de la guerre économique entre lespays même si l’Europe des droits est très faible, même sielle est essentiellement orientée d’un point de vue écono-mique.Il faudra rompre avec cette Europe car elle est antidémo-cratique, parce que son fonctionnement est opaque, tech-nocratique. Cette Europe est hyperfédéraliste – du moné-taire au budgétaire. Il faudrait envisager une importantetransformation vers une Europe démocratique.Il faut un bon équilibre entre instances communes et natio-nales, une forme de fédéralisme de substituabilité :Un parlement européen avec plus de pouvoirs (domainesd’intervention, initiative législative…).Une seconde chambre haute, une chambre des États avecdes représentants des parlements nationaux avec pouvoirsd’amendements, de veto suspensif voire absolu quand despays considéreraient que leurs intérêts nationaux seraientgravement remis en cause et ce avec minorité qualifiée.Un gouvernement européen qui serait le Conseil des 28chefs d’Ètat qui présenterait un programme aux deux

chambres et devrait obtenir leur confiance. La possibilitéde défiance serait ouverte. Ce gouvernement devrait déli-bérer de manière publique.La commission serait une administration qui appliquerait leprogramme du gouvernement.Sur les compétences, quatre points :• Des services publics hors des compétences de l’UE maisde celle des États.• Les aides d’État, aujourd’hui très restreintes au nom de laconcurrence, doivent redevenir possibles sans être pourautant discriminatoires.• Retrouver le contrôle des investissements directs étran-gers. Même si c’est théoriquement interdit aujourd’hui,l’Allemagne a néanmoins voté une loi en ce sens en 2008(loi Volkswagen).• Maîtrise budgétaire : les États doivent retrouver une partiede leur souveraineté budgétaire notamment au sens desinvestissements d’avenir qui seraient du ressort desbanques centrales nationales qui les financeront, induisantainsi de la croissance.Tout ceci permettrait, notamment, de résoudre les pro-blèmes de dumping fiscal et social et de sortir de la situa-tion néocoloniale qui laisse aux « petits » pays le tourisme etla sous-traitance.Il faudra également fortement renforcer le budget euro-péen pour avoir de véritables transferts pour l’harmonisa-tion fiscale et sociale.

*Tony Andreani est professeur émérite de sciences politiques à l’université Paris-VIII.

Audition de Tony Andreani*

Audition de Katerina Stenou*

La convention de protection et de promotion de la diversitéculturelle a fait de la culture une exception en la mettanthors du champ de l’Organisation mondiale du commerce.Face aux États-Unis, elle a été fortement appuyée parl’Union européenne, rejointe par de nombreux pays émer-gents. À l’époque, l’Unesco avait estimé que ce texte restaitrelativement défensif en ce qu’il érigeait plus un rempartcontre la marchandisation qu’il n’était réellement offensif.

Aujourd’hui, il convient de prendre en considération la placede l’Internet, monde sans foi, ni loi. Cela pose de véritablesproblèmes. C’est un soft power qui pourrait être considérécomme un cheval de Troie.

En matière culturelle, on constate malheureusement quedans de plus en plus d’endroits, le religieux s’érige commeidentifiant unique de la civilisation alors qu’il s’agit dequelque chose d’évidemment beaucoup plus riche. Pourl’Unesco, la culture peut se définir comme ce qui fait liant,ce qui fait lien, ce qui fait le vivre ensemble. La diversité cul-turelle implique donc nécessairement le besoin d’un dia-logue interculturel sans quoi la diversité pourrait être instru-mentalisée. La convention n’a pas bien pris en compte ladiversité car elle touchait à l’humain et pas uniquement auxbiens et services, pas uniquement à de quelconques mar-chandises car la diversité est justement porteuse d’identitéet de sens.

Bien des pays libéraux ont eu des réserves sur cetteconvention dont ils craignaient qu’elle ne mette des bar-rages entre l’Europe et l’Amérique du Nord. On a vu se met-tre en place des plans de promotion de toutes les identitésculturelles au sein d’un pays ou de différents pays. Cetteconvention fait toujours débat  : promotion et protectionsont deux éléments centraux. La promotion, c’est mettreen valeur le moi, le patrimoine. La protection, elle, doit s’en-tendre différemment du protectionnisme. C’est le soinapporté à ce qui est vulnérable, fragile. C’est la reconnais-sance d’affiliations, de parentés culturelles et aussi la priseen compte du fait que chacun peut se revendiquer de plu-sieurs identités culturelles.

La Convention de l’UNESCO sur le patrimoine a été signéepar 133 pays sur 195, même si on peut déplorer un manquede signataires dans certaines zones géographiques, en par-ticulier l’Asie. Elle peut s’articuler autour de cinq mots-clefs :

• la création qui doit être équitablement répartie dans le monde ;

• la production de bien culturels ;• la distribution : pour qui, pourquoi et comment ;• l’accès linguistique et technologique ;• la jouissance ou le bonheur d’avoir accès à un bien

symbolique.

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Tout cela met en exergue de nouveaux marchés, de nou-velles règles, de nouvelles solidarités. Le patrimoine estconsubstantiel de ce qui fait l’image de marque de l’Europe.On commence à voir se développer dans le monde unesorte de compétition quasi commerciale. Les critères sontdatés et ne conviennent pas toujours aux critères despopulations locales. Par exemple, la prédominance des édi-fices coloniaux dans les bâtiments classés en Amérique duSud. Pour équilibrer ces critères, on prend maintenant encompte des « biens mixtes » comme les paysages.

En 2003 a été réditée la Convention du patrimoine immaté-riel qui vise à classer ce qui fait que les gens font société,forment une communauté. Elle vise à préserver certains deces aspects, comme le dîner gastronomique à la française.Cela présente toutefois 3 écueils :

• la folklorisation de la culture ;• des manipulations à des fins partisanes ou politiciennes

visant à donner le sentiment que certains symbolesseraient supérieurs à d’autres. Cela impose de trouver unlien entre esthétique et humanisme face à une logiquesouvent comptable ;

• une forme de momification de la culture quand on sauvedes choses en les élevant au rang de classiques. Gare tou-

tefois à ne pas laisser le « classicisme » aux seules mainsde l’extrême droite.

La promotion de la diversité culturelle c’est avoir la capacitéà être autoréflexif, à s’autoriser l’autocritique. La capacitéaussi d’imaginer qu’existent des points de vue différents,une culture seule ne pouvant décrire le monde entier.Capacité, enfin, à évoluer, à s’ouvrir à des horizons diffé-rents.La culture mérite également d’avoir un monde à elle tout enépousant les autres secteurs de politiques publiques : édu-cation, jeunesse, santé, urbanisme, environnement... Elle abesoin de son foyer, pas pour se figer mais, au contraire,pour ouvrir des lieux de dialogue privilégié. La culture euro-péenne s’est vue nourrir par bien d’autres, on ne seconstruit pas par parthénogenèse. La solidarité intellec-tuelle et morale de l’Europe, qui s’est fait tant de mal du faitde ses guerres, doit pouvoir inventer une culture de solida-rité, de partage. Cela passe, notamment, par la reconnais-sance des cultures sud-méditerranéennes.

*Katerina Stenou est directrice de la plateforme intersectorielle pour la culture de la paix

et de la non-violence à l’UNESCO.

Audition de Géraldine Lapp*

La crise a fortement changé le mode de gouvernementeuropéen. Les équilibres démocratiques ont été très per-turbés. Le système mériterait plus de légitimité démocra-tique. Il faut réformer les institutions, les révolutionnerserait très compliqué. Une telle approche permettrait des’attaquer aux noyaux durs des politiques, à la non démo-cratie.

Qu’on le veuille ou pas, l’Union européenne est une énormemachine institutionnelle qui fonctionne efficacement.Difficile de l’imaginer autrement, de penser un autre sys-tème qui respecterait les intérêts des États, un contrôleparlementaire différent, le tout à 28.

L’UE produit le pire comme le meilleur  : une «  gouver-nance » économique mais aussi des choses utiles pour lescitoyens (normes...). Les populations veulent des résultatsmais, parfois, ils les subissent. Il faut rendre publiques lesdifférentes étapes d’élaboration d’une directive euro-péenne.

Pour influencer cette «  machine  », le premier défi est deconstruire des majorités. La gauche européenne est mino-ritaire comme force politique et la France l’est comme pays.Il convient donc de faire des alliances et de trouver descompromis crédibles et lisibles. C’est une bataille politiquepermanente face à la majorité PSE(socialiste)-PPE(droite).La France, elle, a des traditions spécifiques où elle est mino-ritaire et son influence a décru avec l’élargissement.

Le principe de la majorité qualifiée est en application. Il fau-drait l’accord des 28 pour le changer, c’est très peu réaliste.Il existe toutefois des marges pour agir :

Négocier en amont des traités  : clauses d’opt-out (optionde retrait) par exemple.

Sur les politiques d’austérité, on a sous-estimé le rôle et lepoids du parlement national qui peut adopter des résolu-tions pour donner un appui au chef d’État. La France le faitpeu, l’Allemagne oui.

La France pratique assez peu aussi le contrôle du parle-ment national sur le gouvernement.

Construire des alliances entre pays, la France doit se trou-ver des alliés.

User de la possibilité d’appliquer les lois nationales, pour lessalariés par exemple.

Il faut se donner des priorités face à des points durs :

Le traité fige les politiques économiques. Le traité existe etil faut l’unanimité pour le changer. Il y a toutefois des contra-dictions sur lesquelles on peut jouer, des alliances sont pos-sibles.

La BCE est omnipotente. Elle est indépendante, certes,mais on peut renforcer le contrôle parlementaire.

La commission joue un rôle majeur. Il faut supprimer l’exclu-sivité du pouvoir d’initiative politique d’autant plus que lecontrôle budgétaire est inouï car opaque et non démocra-tique, sans parler de la non neutralité politique des commis-saires.

Le conseil décide beaucoup mais est peu contrôlé. Il estomnipotent et a pris des décisions hors traité sans aucuncontrôle parlementaire. Ce n’est pas démocratique et nedoit pas demeurer possible.

Il faut également rééquilibrer le poids économique des 18de la zone euro sur les 10 autres pays. Il importe essentielle-ment d’agir sur la « gouvernance » économique.

*Géraldine Lapp est administratrice de la fonctionpublique européenne.

COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS RÉALISÉS PAR YANN HENZEL

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Pierre LaurentSecrétaire national du PCF Responsable national du projet

Isabelle De Almeida Responsable nationale adjointe du projet

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AGRICULTURE, PÊCHE, FORÊT

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CULTURE

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DROITS ET LIBERTÉS

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ÉCONOMIE ET FINANCES

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SPORT

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SANTÉ, PROTECTION SOCIALE

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