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Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

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Art, culture et création de Reims et d'ailleurs.

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Page 1: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015
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Page 3: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

eel signifie en anglais « éplucher ». Pour nous, ce terme correspond à l’explo-

ration et au partage des aspects les plus divers et insolites de la culture au sens

large et de la créativité en particulier. Ce nom rappelle par ailleurs l’avant-gar-

disme, comme un clin d’œil acidulé à Madame Peel, qui déjà durant les 60’s bous-

culait les frontières de la pensée collective… Tellement pop ! Nous vous parlons

ici d’avant-gardisme et de curiosité, au XXIe siècle désormais, mais il ne s’agit

pas de vous proposer des choses conceptuelles qui n’auraient en réalité pas grand-

chose à dire, sauf provoquer, parfois, la nausée, à défaut de compréhension. Bien

sûr, vous découvrirez dans notre magazine, des œuvres qui pourraient sembler à

certains provocantes ou entrainer dans un concept nébuleux, mais toujours avec

un regard distancié préférant les étoiles au trou noir, avec un quatrième degré,

un humour sérieux que ne renieraient pas The Avengers (pour en revenir encore

à Emma Peel). Surtout, PEEL est un magazine rémois, conçu et produit à Reims

qui va vous offrir gratuitement tous les deux mois, une découverte, une flânerie,

un partage de ce que nous aimons, c’est-à-dire une culture exigeante mais ouverte

à tous, qu’elle soit « savante » ou « populaire », qu’il s’agisse d’architecture, de de-

sign, de musique, de photo, d’art « contemporain » ou d’art « modeste », présent

dans de grandes institutions, des galeries ou au détour d’une rue, de jour comme

de nuit, sur le territoire rémois, à Paris (c’est si proche) ou ailleurs. Toujours chic,

parfois gouailleur, mais jamais vulgaire. Des gestes, des œuvres, des livres, des

disques, des lieux, des bistrots, des bulles, des gens, vous, nous, voilà PEEL !

COFONDATEURS

Benoit PelletierAlexis Jama Bieri

Julien Jacquot

DIRECTEUR DE PUBLICATION

Benoît Pelletier

RÉDACTEUR EN CHEF ARTS / MUSIQUE / ÉDITO

Alexis Jama-Bieri

RÉDACTEUR EN CHEF ARCHITECTURE / DESIGN / LIFESTYLE

Julien Jacquot

DIRECTEUR CRÉATIF

Benoît Pelletier

RÉALISATION GRAPHIQUE

www.pelletier-diabolus.com

Le magazine Peel est édité par Diabolus SARL. Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle est interdite, sans autorisation. Le magazine Peel décline toute responsabilité pour les documents remis. Les textes, illustrations et photographies publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs et leur présence dans le magazine implique leur libre publication.

Le magazine Peel est dis-ponible gratuitement dans plus de 100 points de dépot à Reims.

Magazine à parution bimestrielle. Prochain numéro en mars 2015.

POUR DEVENIR ANNONCEUR, DIFFUSEUR OU PARTENAIRE, CONTACTEZ NOUS ICI :

03 26 36 29 [email protected]

14 PLACE DU CHAPITREBP 2146 51081 REIMS CEDEX

WWW.MAGAZINEPEEL.COM

Page 4: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

05 / FEEL PEEL PLAYLIST / PEEL EAT / OBJET DU MOIS / PEELBOARD

09 / RONE

10 / RUDY RICCIOTTI

18 / SOUS LES PAVÉS… PAR YVONNE DEBEAUMARCHÉ

21 / GIRLS IN HAWAÏ

22 / DO YOU STILL LOVE ME ? PAR CYRILLE PLANSON

27 / ATOMIC MOOG

28 / MAISON JAUNE

30 / PAUL BALDESARE

36 / À PROPOS DE CHRISTOPH MARTHALER PAR OLIVIER CADIOT

38 / COLLEC DE COLLECS LES MACHINES À LAVER DE BERTRAND DIDIER

40 / FÉLIX SCHRAMM

48 / PAGES & IMAGES

50 / UN CONNU DU MOIS AUGUSTE, LA MASCOTTE DU STADE DE REIMS

CONTRIBUTEURS

ALEXISJAMA-BIERIdirigeant culturelReims

JULIENJACQUOTarchitecteParis & Reims

BENOÎT PELLETIERdirecteur créatifphotographeReims

OLIVIERCADIOTauteurParis

PRIEURDE LA MARNEtendresse & musiqueReims

YVONNEDEBEAUMARCHÉauteur-réalisatriceReims

CYRILLEPLANSONRedac-chef La ScèneLe PiccoloThéâtre(s) magNantes

Page 5: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

The Married Monk

LOVE COMMANDER

René Char featuring FR David

WORDS(Prieur de la Marne Edit)

Silk Rhodes

PAINS

Tony Allen & Damon Albarn

GO BACK

Emma Tricca

ALL PRETTY FLOWERS

Eurythmics

I SAVED THE WORLD TODAY

À l’école élémentaire, j’étais

voisin d’un gaucher contrarié.

Les contingences de la vie

ont fait de moi un romantique

contrarié… Contrarié comme

je l’étais en entendant pour

la première fois cette chanson.

Seul au volant sur les hauteurs

d’une route de Balagne.

Seul au lever du jour de retour

de fête, ou simplement seul dans

un train… Je ne me souviens plus.

QUOIBULULU AREPARA

TYPEStreet Food Vénézuélien

OÙ20 rue de la Fontaine du But 75018 Paris.

PLATAREPA LOLITA

INGREDIENTSGalette de Maïs Blanc « P.A.N » à la Plancha garnie de Poulet, carottes, oignons vert, petit pois, ananas cuit au Rhum. Sauce Basilic.

BOISSONGUARAPO CALIENTEServie Chaud avec du sucre de cannes, citron vert pressé, mélange d’epices de piment, cannelle et badiane.

PRIX 10,50 €

: Une tuerie !

La déclaration, en matière

d’entreprise amoureuse, est

toujours plus facile à envisager

avec les mots d’un autre… J’ai

décidé, de manière totalement

arbitraire, qu’il serait désormais

de bon goût de s’approprier les

mots de deux artistes plutôt

qu’un seul pour une déclaration

d’une sincérité irréprochable

(ce troublant édit retraçant le

cheminement quasi exact de

ma pensée et reflétant assez

fidèlement mon intérêt pour

l’être désiré). En revanche,

cette technique ne garantit en

rien un succès immédiat. Mais

j’encourage tous les lecteurs de

Peel à s’en inspirer et à me faire

part de leurs observations…

La postérité retiendra de 2014

la débâcle du Brésil face

à l’Allemagne, ou le « Happy »

de Pharrell Williams…

Prieur de la Marne retiendra

ce merveilleux titre.

Damon Albarn et Tony Allen

ont réinventé une couleur et un

taux d’humidité. Une sensation

entre l’engouement et le malaise

amoureux. Cette sensation ne

peut être ressentie intensément

qu’au cours des 5 minutes

38 secondes de l’écoute intégrale

de cette chanson…

Qu’on soit amoureux ou non.

Qui n’a pas un jour rêvé de

pouvoir remonter le temps ?

Que ce soit pour tuer Hitler,

faire partie des Rolling Stones,

nous avons tous secrètement

fantasmé la même chose.

Croire un bref instant et en

toute modestie, que nous aurions

pu sauver le monde sans en tirer

une quelconque gloire…

Cette ritournelle, pourtant très

mal produite, est ma chanson

honteuse de l’hiver.

Chaque être humain devrait

avoir la chance d’entendre

cette chanson dans n’importe

quel ascenseur du monde, nez

à nez avec un(e) parfait(e)

inconnu(e). Il n’en demeure pas

moins que face à son supérieur

hiérarchique ou son vieux voisin

de palier, aigri et acariâtre,

ce slow éructif perd de son

pouvoir de séduction… Mais il

anoblira cette journée, du sceau

de la convoitise, même la plus

improbable…

Puisque le désespoir et la torpeur

ne sont plus de ce monde, voici

venu le temps de la plus belle

folk song de l’année écoulée.

Sans tambour ni trombone,

la belle Emma Tricca annonçait

un très bel automne… Une saison

durant laquelle il serait permis

tous les matins, d’envoyer comme

un papillon à une étoile quelques

mots d’amour, d’envoyer nos

images, d’envoyer notre décor et

nos plus belles victoires sur l’iro-

nie du sort. Mais par définition,

une saison ne dure qu’un temps.

© S

ylvè

re H

.

LE ROMANTIQUE CONTRARIÉUne playlist suggérée par

PRIEUR DE LA MARNE

Prieur de la Marne,un nom étrange mais évocateur en hommage à Pierre-Louis Prieur, député de la Marne à l’Assemblée Constituante de 1789. Acteur majeur de la Révolu-tion Française, il fut surnommé “ Crieur de la Marne ” grâce à son éloquence et à son charisme uniques, ses origines marnaises et ses études à Reims.Aujourd’hui, Prieur de la Marne s’approprie des trésors pop plus ou moins cachés pour en faire des édits et des reworks aussi char-mants qu’improbables.Ce fils de Pop a rejoint le label Alpage Records pour entamer une romance pleine de tendresse et de mélancolie, en messages personnels couchés sur vinyl translucide. Pour PEEL, Prieur de la Marne livre un message sous forme de playlist déambula-toire. Pop et romantique !

soundcloud.com/prieurdelamarne

Page 6: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

LA MAQUETTE DES

HALLES DU BOULINGRIN EN LÉGODE STEEVE GRANDSIRE

D’autres spots architecturaux rémois en légo à venir en 2015 :

coquilles de la fac de Croix-Rouge, médiathèque Falala, centre

culturel St Exupéry et le stade de Reims... www.grand-sire.tumblr.com

Page 7: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

QUOI « REIMS 2034 »

QUAND 18 FÉV.

OÙ Manège de Reims.

: À la suite du spectacle « Wagons libres », projec-tion de « Reims 2034 »,

d’Yvonne Debeaumarché et Sandra Iché, un essai filmique sur Reims,

inspiré du protocole d’entretien des archives du futur.

www.manegedereims.comwww.futurearchive.org

QUOI JOKE MTP

QUAND 19 FÉV.

OÙ La Cartonnerie, Reims.

: Concert de la jeune star montante du hip

hop français. Les rémois le connaissent pour son titre Louis xiv produit

par G.Vump.

www.cartonnerie.fr

QUOI MAISON & OBJET

QUAND 23-25 JAN.

OÙ Parc des Expositions, Paris Nord Villepinte.

: Le grand salon dédié à l’architecture intérieure et au design

fête cette année son 20ème Anniversaire,

où l’on retrouve quelques designers

diplômés de l’ESAD.

www.maison-objet.com

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ean

Ch

arle

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QUOI LEONI’S DELI

QUAND 22 JAN.

OÙ 67 rue d’argout 75002 Paris.

: Le nouveau restaurant créé par des rémois,

organise les soirées « Bulles Dog » mêlant

Hotdog & Champagne.

www.leonisdeli.com

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QUOI LA BARAQUE

QUAND 6 -12 JAN.

OÙ L’Atelier de la Comédie de Reims,

dans le cadre de Reims Scènes d’Europe.

: Un petit atelier clan-destin se transforme peu

à peu en une entreprise terroriste… florissante et respectable.

Une comédie de l’absurde ! D’Ayet Fayez. m.e.s. Ludovic Lagarde

Rés. : 03 26 48 49 00

www.comediedereims.fr © F

otol

ia

QUOI LA FRISQUETTE

QUAND 31 JAN.

OÙ Le Mont Nüba, 36 Quai d’Austerlitz, Terrasse sur les toits

de la Cité de la mode et du design de Paris.

: Soirée hivernale où l’on danse en combi-naison et moonboots

comme au pied des pistes.

QUOI GAVIN MEIDHU

QUAND 6 FÉV.

OÙ Le Carreau, Halles du Boulingrin, Reims.

: L’association Velours organise une soirée pour la sortie du 1er Ep du

rappeur rémois Gavin Meidhu.

www.carreaudeshalles.com

8 ÉVÈNEMENTS À NE PAS RATER EN JANVIER - FÉVRIER

QUOI DOCUMENTAIRE

« À TAMBOURS BATTANTS »

QUAND 10 JAN. 15h20

OÙ France 3 Champagne-Ardenne

: « À tambours battants » ou comment

la machine à laver a contribué - un peu -

à l’émancipation des femmes. Un film de

Caroline Behague et Marie-Noëlle Dumay.

www.france3.fr

Page 8: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

LA CARTONNERIE FÊTE SES 10 ANS

E N 2 0 1 5

MUSIQUES & CULTURES ACTUELLES I REIMS84 RUE DU DR. LEMOINE 51100 REIMS I T. 03 26 36 72 40

W W W . C A R T O N N E R I E . F R

S C A N N E Z C E S C O D E S

P O U R T É L É C H A R G E R

L’APPLICATION MOBILE

D E L A C A R T O N N E R I E

Page 9: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Quand as-tu commencé à faire

de la musique ?

J’ai commencé à faire de la musique très

tôt, et concrètement à bricoler des sons

vers l’âge de 14 ans. J’ai eu des platines,

puis j’ai fait du saxophone, puis un peu

de piano. Très vite, j’ai compris que

j’aimais la musique.

Quelles écoutes t’ont donné envie

de faire de la musique ?

Il y a des musiciens qui m’ont donné

envie de faire ça, mais c’est tellement

vaste. Je pense à des choses que ma

mère mélomane écoutait quand j’étais

enfant et qui m’ont complètement

éveillé musicalement comme Chopin.

Plus tard, ma sœur qui a 2 ans de plus

que moi m’a fait découvrir le punk. Donc,

comme je te le disais, c’est très vaste.

Quelles sont les musiques qui t’in-

fluencent ?

J’ai du mal à parler d’influences ou

du moins à les cibler. C’est évident

qu’en musique électronique il y a des

noms qui ont compté pour moi à

leur manière comme Aphex Twin ou

comme Laurent Garnier.

Comment décrirais-tu ta musique ?

Je fais de la musique expérimentale,

contrastée et évolutive.

Comment travailles-tu sur tes compo-

sitions ?

J’ai un studio rempli de machines, avec

des synthétiseurs vintage, des boites

à rythme et des instruments. Lorsque

je me réveille le matin, et avant même

de prendre un café ou une douche, je

vais dans mon studio et je commence à

faire de la musique sans penser à rien,

en essayant de faire en sorte que ce soit

le plus instinctif possible, sans réfléchir

à ce que je pourrais faire ou à ce qui

pourrait plaire aux gens. Le but est de

laisser s’exprimer les machines et faire

quelque chose qui me touche et qui me

donne des frissons. Si j’ai l’impression

de tenir quelque chose, j’insiste alors

pour aller au bout de mon idée.

Quelles machines utilises-tu ?

Mon studio, c’est un peu un mélange de

vieilleries, de vieux synthés analogiques

et de logiciels hyper récents (je suis

un peu à l’affut de ce qui sort dans ce

domaine). De plus, quand j’ai envie

qu’il y ait, par exemple, une orchestra-

tion avec des violoncelles, je fais venir

des amis qui jouent du violoncelle au

lieu de chercher un synthétiseur qui

aurait un son similaire.

Pour toi c’est quoi un live réussi ?

C’est un live qui passe très vite et

dans lequel je ne pense à rien, dans

lequel tout glisse tout seul et se fait

sans anicroche, et où il y a un échange

d’énergie entre le public et moi. Un live

réussi c’est quand on est sur la même

longueur d’ondes, que j’ai l’impression

d’être avec des potes et qu’on fait une

grosse fête tous ensemble. Un Live

réussi, c’est quand à la fin on a l’impres-

sion de se connaître tous et d’avoir vécu

un moment un peu intime, même si on

est très nombreux.

Quel est le club ou le lieu où tu as pré-

féré jouer ?

Pour le club, c’est le Panorama bar du

Berghain à Berlin. Concernant le lieu,

j’ai plein de bons souvenirs, comme

à Calvi on the Rocks sur la plage, à

Chamonix au Black week-end en dou-

doune en pleine montagne, ou devant

la cathédrale à Reims pour le festival

Elektricity. En fait, j’aime les lieux un

peu atypiques !

Erwan Castex

alias Rone (en fait

R One est un jeu de

mots avec son pré-

nom), est un musicien

et producteur de

musiques électro-

niques. Rone a grandi

dans le sud-ouest

parisien, a débuté son

projet musical à Paris,

puis a vécu 3 ans à

Berlin avant de revenir

en France pour retrou-

ver un environnement

plus calme. Rone s’est

déjà produit à Reims,

en septembre 2013

lors du XIe festival

Elektricity.

En décembre dernier,

il a créé son nouveau

Live à la Cartonnerie,

Live qu’il a joué à

Rennes quelques jours

après en tête d’affiche

des transmusicales.

Son 3ème album, intitulé

Créatures, sort le 9

février 2015. Rone sera

en Live à la Carton-

nerie le vendredi 20

février. Rencontre de

milieu d’après-midi,

sur les marches d’un

monument du XVIIe

siècle, écrin idoine

pour parler électro.

Tim

oth

y S

accen

ti

ELECTRO

Page 10: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

_Rudy Ricciotti © Rene Habermacher

RUDY RICCIOTTI

« JE NE VEUX PAS FAIRE DES BÂTIMENTS COMME ON FAIT DE LA MALBOUFFE DE FAST-FOOD »

1010

ARCH ITECTURE

Page 11: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Rudy Ricciotti figure

parmi les plus grands

architectes français

actuels. Défenseur d’une

architecture contempo-

raine, intervenant sur

le béton et les maté-

riaux à la manière d’un

plasticien, il conçoit

des architectures dans

lesquelles le rôle de

la main d’œuvre et de

l’artisanat est capital.

On lui doit notam-

ment la réalisation de

l’architecture du stade

Jean Bouin à Paris, du

MUCEM à Marseille et

du Département des

arts de l’Islam du musée

du Louvre. À Reims

Rudy Ricciotti réalise

l’architecture du siège

social de Redeim dont

la pose de la première

pierre est prévue en

2015. Rencontre en

lettres capitales pour

le magazine PEEL.

uelles sont vos influences ?

Toutes les architectures jusqu’en 1939.

Quelle est votre philosophie de l’architecture ?

L’abstraction ne trouve sa finalité que dans la figure.

Quelle serait pour vous la cité idéale ?

Une ville qui ressemble aux villes du 19e siècle et toutes les villes

imaginaires d’Italo Calvino.

Quels sont vos matériaux de prédilection ?

Le pain et le vin, sinon : Je travaille avec le béton, c’est une

affaire de croyance, au sens politique et esthétique. Lorsque

l’architecte fait son métier, l’intérêt du béton est sa liberté,

pas forcément dans la technologie mais dans l’« ouvragerie ».

Cela signifie que le béton appelle de gros besoins de main

d’œuvre, fabriquant de mémoire du travail non délocalisable.

Ce qui me fascine, c’est faire des bâtiments sur lesquels l’in-

tervention de la main-d’œuvre est capitale. Et non l’inverse.

On a atteint aujourd’hui un niveau incroyable d’accélération

du déclin de perte de savoir-faire par le biais hégémonique du

minimalisme pour lequel j’ai du mépris, non comme phéno-

mène de style mais comme moteur-accélérateur de la perte des

mémoires. Je pense que nous, les architectes, avons très large-

ment contribué à la destruction des métiers et à la destruction

de la mémoire du travail car, en collaborant à cette extase mini-

maliste, l’on participe aussi, à notre petit niveau de prédateur,

à la délocalisation des savoirs. Bientôt il n’y aura plus de me-

nuisiers. Aujourd’hui, un vrai menuisier qui sait faire de bons

châssis, des fixes, des ouvrants assemblés à noix et à gueule de

loup, de beaux détails, du bel ouvrage, relève de l’exception !

Je ne veux pas faire des bâtiments comme on fait de la malbouffe

de fast-food. Je veux faire des bâtiments complexes à réaliser,

activant un gain en termes de recherche et développement.

_Musée Jean Cocteau, Menton © Eric Dulière

1010ARCH ITECTURE

Page 12: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

_Espace Aimé Césaire, Gennevilliers © Olivier Amsellem 12

ARCH ITECTURE

Page 13: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Dans vos créations, quel dialogue instaurez-vous avec l’environ-

nement (naturel, urbain, patrimonial, humain…) ?

Chaque ouvrage se nourrit du contexte. J’essaie tout simple-

ment de ne pas réduire la richesse présente naturellement sur

les lieux. Mais lisez donc mon dernier pamphlet « L’architecture

est un sport de combat »* vous trouverez les réponses à cette

question. C’est un livre politique qui n’est pas réservé aux archi-

tectes mais à celui qui aime encore son époque et s’attarde sur le

rire pour échapper au cynisme.

Vous avez conçu des lieux pour des publics et des usages diffé-

rents : des habitations, des bureaux, des lieux consacrés aux arts

(Département des Arts de l’islam au Louvre, MuCEM à Marseille,

musée Cocteau à Menton, Palais des festivals à Venise…) ou à la

musique et la danse (Nikolaisaal à Postdam, Centre Chorégra-

phique National d’Aix-en-Provence…). Quel impact pensez-vous

que peut avoir une forme architecturale sur la perception et les

usages de l’utilisateur ? Comment valorisez-vous le contenu par

le contenant, notamment en ce qui concerne les lieux consacrés

aux arts (visuels, musique…) ?

Chaque ouvrage, chaque fragment interroge l’architecte qui

doit évaluer les enjeux afin d’établir la plus juste réponse.

La mémoire des métiers et des savoirs est l’essentiel à trans-

mettre aux utilisateurs. Le contenant valorise le contenu en

exprimant des valeurs qui font appel à la sensibilité, la beauté et

l’effort du travail. J’écoute le site et le programme pour pouvoir

le faire parler et ainsi reconstruire un récit.

Quelle doit être, selon-vous, la place du geste et de l’esthétisme

en architecture ?

En pratiquant la rupture avec les discours de rupture. Si je

conçois comme Sartre que « l’art n’existe qu’en situation »,

il convient de reconnaître que la névrose situationniste a pro-

duit des nécroses. Considérer l’esthétique, le signe et le décor

comme l’attribut de la scène bourgeoise fut à l’origine de l’exil

de la beauté.

Quel regard portez-vous sur le développement architectural des

grandes villes aujourd’hui ?

Il faut participer à la nécessaire densité urbaine, dessiner

le visage de la verticalité, lutter pour quelques matériaux nobles,

croire au principe de beauté… La ville de demain doit se nour-

rir des valeurs de la vieille ville européenne.

_Pont de la République, Montpellier © Lisa Ricciotti

12ARCH ITECTURE

Page 14: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

_MuCEM, Marseille © Lisa Ricciotti 14

ARCH ITECTURE

Page 15: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

14ARCH ITECTURE

Page 16: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Quels sont les projets qui vous ont apporté le plus de satisfac-

tion?

Le MuCEM, par son immense succès populaire.

Quels sont les projets que vous rêveriez de réaliser ?

Je ne rêve pas, je construis ce que l’on me donne et le fais avec

passion…

Quelle est l’architecture que vous auriez voulu avoir dessiné ?

Le sanctuaire de Notre Dame du Laus dans les Alpes de Haute-

Provence ; c’était l’engagement humaniste le plus aboutit.

Archaïque dans ses matériaux et son écriture, savant dans son

raisonnement scientifique. Je le regretterai toujours.

Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

J’ai achevé ces derniers temps l’espace culturel et social Aimé

Césaire à Gennevilliers, le nouveau département du Louvre

(l’aile muséale des Arts de l’Islam), le Stade Jean Bouin à Paris,

le MuCEM à Marseille, le Musée Jean Cocteau à Menton et suis

en train de réaliser le Musée d’art contemporain de Liège en

Belgique, la Grande Salle de Spectacle de Bordeaux, les loge-

ments étudiants du campus universitaire de Bordeaux-Pessac,

la Philharmonie de Gstaad, le Fonds Régional d’Art Contempo-

rain de Caen, un petit centre de congrès en Auvergne et divers

logements sociaux en France.

Sinon, je travaille aussi sur mon corps gastronomique, car je

suis très exigeant sur ce que je mange… Sur ce sujet je suis aux

antipodes des névroses conceptuelles et minimalistes de l’art

contemporain !

* L’Architecture est un sport de combat de Rudy Ricciotti. Éditons Textuel - 2013.

_Musée du Louvre, Paris © Antoine Mongodin

W W W . R U DY R I C C I O T T I . C O M

ARCH ITECTURE

Page 17: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015
Page 18: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

18

Il fait froid. Le ciel est blanc, et bas. On se sent un peu à l’étroit dans la boule à neige rémoise. Il faudrait

pouvoir convier des visions d’or et d’azur, imaginer nos peaux dorées comme les fleurs de lys au som-

met de la Cathédrale, visualiser des flots d’un bleu royal sur le parvis. Convoquer l’été et la mer, là, tout

de suite, sans attendre, sans même avoir à partir. Allez, s’il te plait, encore un ressac et reviens-nous, tu

connais le chemin ; il y a quelques dizaines de millions d’années, tes eaux salées recouvraient la région.

Il doit bien rester quelque chose de ce passé océanique dans notre psyché collective. Quelque chose de toi.

Oui, ici, à Reims : sous les pavés, le souvenir de la plage, et dans une coupe de champagne, l’écho des vagues.

J’ai laissé filer les métaphores, cette langue trop aisément accostable, et bravant le vent glacial, bien réel, je

suis partie à ta recherche dans les rues désertes, dans des recoins oubliés de la ville. Au bord de la Vesle,

près du pont Huon, je suis tombée sur des vestiges insolites au milieu desquels avec un peu d’imagination

l’on peut encore entendre des cris d’enfants qui se jettent joyeusement à l’eau, des rires ensoleillés et les

splashs retentissants quand les corps plongent. Au bord de la Vesle, près du pont Huon, croyez-le ou pas,

il y a des cabines de plage. Fut un temps où elles étaient peintes en vert d’eau, couleur lagon, mais ce temps

a passé et le bois est désormais à vif. À vif, comme les souvenirs de Josette Labbe qui habite la maison

jouxtant les cabines. Josette, accueillante et volubile, dont la famille dirigeait autrefois ce lieu désormais à

l’abandon, méconnu, là où des milliers de rémois apprirent à nager : les Bains des Trois-Rivières, soit un

bassin aménagé en 1882 sur un bras de Vesle, une plage de gazon, un Eden champêtre créé à l’initiative de

la municipalité et de la Compagnie des Sauveteurs de Reims dans le but de pourvoir aux classes populaires

un endroit sécurisé où découvrir les délices de la nage.

L’Eden a fermé ses portes en 1965, « deux ans avant l’ouverture de la Piscine Olympique du Nautilud »

m’apprend Josette, et en arpentant avec elle la pelouse où s’étendaient jadis les baigneurs, l’on se prend à

rêver que les ruines de ces bains froids, ces cabines qui sont comme une apparition soient davantage mis

en valeur afin que le promeneur puisse s’abandonner à leur contemplation quand survient la nostalgie des

vacances et des jeux aquatiques en plein air. C’est important de susciter les visions d’un ailleurs, particuliè-

rement dans une ville qui ne dispose guère d’atouts naturels notables, guère de points de vue d’où scruter

l’horizon du voyage. Cela met du baume au cœur pour passer l’hiver… J’ai laissé la famille Labbe à ces sou-

venirs fluviatiles (oui, ce mot existe, du latin fluviatilis : « qui habite la rivière ») et j’ai poussé la navigation

jusqu’à la rue de Courcelles, jusqu’aux Tropiques, les vrais, palmiers, océan et sable fin.

C’est encore une femme qui m’accueille, une dame sans âge, émigrée espagnole, la voix chantante, très

douce, avec de jolis traits. Ici, dans son café, les habitués l’appellent Maria bien que ce ne soit pas son

vrai prénom. À ce propos, elle ne m’en dit pas plus, un brin circonspecte. L’endroit est simple, dépouillé,

SOUS LES PAVÉS…

UN TEXTE D’YVONNE DEBEAUMARCHÉ,POUR LE MAGAZINE PEEL .

BELLES LET TRES

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un bistrot à l’ancienne, deux grandes tablées, un bar sixties, un porte-manteau vintage, et au mur, en guise

d’unique décoration, un poster géant, l’un de ces papiers-peints paysage un peu kitsch représentant une

plage des Tropiques. Maria l’a collé elle-même, et elle l’a déjà changé trois fois ; sous la grisaille locale, les

couleurs ont vite fait de se délaver, la Vierge prend soin de son coin de paradis. À l’ombre de ces cocotiers,

on joue à la belotte, et l’on rencontre des gens originaires de terres radieuses. Ce jour-là, j’y croise le sourire

de l’Algérie - un vieux monsieur nommé Sassi - ainsi que Gérard avec qui j’engage une conversation sur

sa Martinique natale que je connais bien. On évoque les plus belles plages de son île sous le poster mira-

culeux. Avec un peu d’imagination, encore, on s’y croirait presque. Pourtant, au bar du Stand, certaines

existences n’ont rien d’un songe d’une nuit d’été.

Au dessus du café, un refuge modeste : Maria loue parfois

des chambres à des êtres au parcours cabossé, une chambre

en guise de logement provisoire, en attendant que la roue

tourne. Et le soir, après le dîner, elle écoute leurs confi-

dences, elle fait comme avec le poster, elle prend soin

d’eux. Eux, les naufragés échoués sur son atoll chaleureux.

Au moment où je m’apprête à quitter cette drôle de plage,

Maria accepte de me révéler son vrai prénom. Elle s’appelle

Amparo, un nom espagnol qui signifie « refuge, abri, pro-

tection ». « Amparo, c’est la Vierge des malheureux » me dit-

elle. Elle, Maria-Amparo, Sainte protectrice des oubliés de

l’hiver rémois. Un soleil qui n’a rien d’imaginaire. Un rivage

d’humanité.

H T T P : // C A R G O C O L L E C T I V E . C O M / Y D B M

© Y

von

ne

Deb

eau

mar

ché

BELLES LET TRES

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Comment est né Girls in Hawaii ?

Lionel et Antoine se sont rencontrés au

cours de leur scolarité et ont très vite

compris qu’ils allaient avoir beaucoup

de choses en commun, notamment en

musique. Plus tard, ils se sont mis à en-

registrer des chansons chez eux et ont

envoyé une centaine d’exemplaires de

leur démo aux maisons de disques, sans

espoir particulier. Mais très vite ils ont

eu une proposition pour jouer dans

un festival et ont recruté les petits frères,

les amis pour constituer un groupe.

Le groupe est vraiment né en 2001.

[Girls in Hawaii est composé d’Antoine Wielemans (chant-guitare), Lionel Van-cauwenberghe (chant-guitare), Brice Van-cauwenberghe (guitare électrique-lapsteel), Daniel Offermann (basse), François Gustin (guitare électrique-claviers) et Boris Gronemberger (batterie)].

Et tout s’est vite emballé pour vous ?

Oui, tout s’est mis rapidement à bien

marcher, et on a dû très vite arrêter nos

études pour nous consacrer unique-

ment à la musique (Daniel étudiait

la communication, Lionel la photo,

Antoine le graphisme…).

[Très rapidement, Girls in Hawaï a mul-tiplié les scènes. Après la sortie de son 3ème album « Everest » le groupe a renoué avec le live pour une tournée européenne de plus de 120 dates]

Quelles sont vos influences ?

Nos influences sont plutôt variées et

viennent de la pop anglaise et améri-

caine, du jazz, de la folk, du hip hop,

de l’électro.

Comment qualifieriez-vous votre style ?

C’est une pop-rock soignée et mélo-

dique, qui peut aussi devenir puissante

et débordante d’énergie sur scène.

Quels sont vos rôles respectifs dans

la composition de vos morceaux ?

Pour notre dernier album studio

« Everest », le cas était un peu particu-

lier car le groupe ne s’était quasiment

pas réuni durant 2 ans. Antoine et

Lionel avaient réalisé, chacun de leur

côté, plusieurs démos qui n’avaient

pas été composées dans l’idée de faire

ce disque en particulier. Mais, en

rapprochant et mêlant une sélection

de leurs idées respectives, un album

est né. Quand on est rentrés en studio,

on n’avait jamais joué les morceaux

ensemble, mais chacun s’est vite appro-

prié sa partie.

Vos noms d’album studio (From Here

to There, Plan your Escape, Everest)

font plutôt référence au voyage, est-ce

voulu ?

Le voyage est un peu l’idée du groupe

au départ, d’où son nom, un nom qui

ne nous ressemble pas forcément, afin

d’imaginer des ailleurs avec la musique.

Certains de vos morceaux ont été repris

par le cinéma indé. Quel est votre rap-

port à cet art ?

C’est chouette d’avoir un morceau

choisi pour un film. Mais on ne nous

a jamais demandé de créer de toutes

pièces une bande originale pour un

film, et c’est quelque chose qu’on aime-

rait bien faire, ne serait-ce que parce

qu’il y a une filiation avec les centres

d’intérêts que nous avons (photo,

image…).

En Live, vous allez au-delà de vos pro-

ductions studio, vous vous éloignez de

la simple retranscription, sur scène, de

vos albums…

En live, nous jouons des sets assez

longs car on a beaucoup de matière.

On pioche évidemment dans le réper-

toire de nos 3 albums, mais nous allons

au-delà, en piochant dans des chutes de

studio qui n’ont pas encore été dévoilées

jusque-là. Et nous y apportons tous

notre propre sensibilité musicale.

J’ai découvert Girls

in Hawai lors d’un

concert au Splendid

à Lille en 2004.

Déjà, la musique

du groupe belge, pop

rock mélodique et

décomplexée, avait

durablement marqué

ma mémoire. Ce n’est

qu’en 2014 que j’ai pu

les revoir en live, à la

Cartonnerie à Reims,

ce Live confirmant ma

bonne impression

de départ. Pour clore

leur dernière tournée,

Girls in Hawaï vient de

sortir en fin d’année un

album live, intitulé Hel-

lo Strange. Rencontre

de fin d’après-midi.

Olivie

r D

on

net

W W W . G I R L S I N H AWA I I . B E

POP ROCK

Page 22: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

L’IMPROBABLE RENCONTREDU FOOT ET DU THÉÂTRE

Pour Reims Scènes d’Europe,

l’artiste Sanja Mitrovic est partie

à la rencontre des supporters

du Stade de Reims.

Ensemble, ils créeront

un spectacle croisant

leurs passions pour les planches

et le ballon rond.

23

THÉÂTRE

Page 23: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

ui a dit que le sport et la culture étaient deux

univers a priori étrangers l’un à l’autre et irrécon-

ciliables ? À Reims, celles et ceux qui savent apprécier les

beaux textes de théâtre sur le sport se souviennent en-

core d’avoir vu sur la scène de la Comédie, il y a une di-

zaine d’années, Monsieur Armand dit Garrincha de Serge

Valetti, hommage au personnage fantasque mais central

de l’historiographie du foot argentin. Et la centaine de

personnes présentes dans la salle de spectacle de « feu »

Le Kraft garde sans nul doute un souvenir ému de la

prestation du comédien Jacques Bonaffé, ahanant dans

son effort de comédien-cycliste, en coursier de fond de

classement, pour nous livrer le passionnant 54 x 13 de

Jean-Bernard Pouy. C’est cette même aventure, en plus

grand, que tente cette année le festival Reims Scènes

d’Europe. Do you still love me ? sera créé à cette occa-

sion par la jeune metteure en scène d’origine serbe, Sanja

Mitrovic. Pour ce projet, elle tente d’établir un parallèle

entre la passion d’un comédien pour la scène et l’amour

d’un supporter pour son club. Sont-elles si différentes ?

À Reims, elle s’est lancée dans un défi un peu fou : réunir

sur scène des comédiens professionnels et des supporters

de foot pour un échange inattendu sur la passion dévo-

rante qui les réunit.

- DU THÉÂTRE AUX ULTRAS… -

Le Stade de Reims avec son histoire et ses différents grou-

pements de supporters se prêtait parfaitement à cette

expérience de longue haleine. « Tout a commencé dès

juin », explique Quentin Carrissimo-Betola, chargé de

projet du festival et aux côtés de Sanja Mitrovic pour par-

tir à la rencontre des supporters rémois. « Et nous nous

sommes vite rendus compte qu’il n’était pas si simple de

les rencontrer », glisse-t-il dans un sourire. Quentin et

Sanja sont donc partis directement à la rencontre des

trois groupes de supporters : le Groupement officiel des

23THÉÂTRE

Page 24: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

supporters du Stade de Reims, le KMR (Kop mythique

rémois) et Ultrem, qui fédère les ultras rémois. De son

côté, Sanja Mitrovic avait très envie de travailler à Reims,

de rencontrer les supporters d’un club historique qui a

connu ses grandes heures dans le années 1950 autour de

Raymond Kopa et René Jonquet. Les rencontres entre

l’artiste et les « footeux » se multiplient assez naturelle-

ment. Sanja Mitrovic interroge, note, écoute et consigne

tout ce que lui racontent les supporters. Les anecdotes

se succèdent, la passion affleure à chaque rendez-vous.

Comme celle de ce supporter intarissable, un homme

de 78 ans ayant assisté à son premier match à l’âge de…

5 ans.

- DES SUPPORTERS SUR SCÈNE -

Do you still love me ? croisera paroles de supporters et

témoignages de comédiens. « Au début, le projet partait

sur la participation de onze supporters réunis sur scène

pour un match de 90 minutes, rappelle Quentin Carrissi-

mo-Bertola. Les arbitres auraient été des comédiens pro-

fessionnels. Mais le projet a évolué vers un format plus

proche du miroir, avec quatre supporters et quatre co-

médiens professionnels. « Les anecdotes des supporters

sont parfois cocasses, parfois émouvantes. L’une des plus

marquantes pour moi est celle de ce supporter un peu

fétichiste et superstitieux. Pour chaque match du Stade,

il porte son slip porte-bonheur aux couleurs du club.

Il ne peut pas imaginer aller au stade sans son slip fétiche.

C’est son rituel ». Des histoires de ce type, Sanja et Quen-

tin en ont collecté des dizaines, à l’image de l’histoire de

cet homme qui s’est éclipsé lors du mariage de son fils

pour aller voir le match du Stade à la télévision. « Nous

avons aussi découvert que certaines mères ou femmes

de supporters ont un rapport parfois glamour au club et

au foot. Et puis, on croise aussi ces familles impliquées

dans le foot de génération en génération. L’une d’entre

elles réunit dans cette même ferveur la mère, le fils et la

grand-mère ».

- COMPLICITÉS NAISSANTES -

Actuellement, Reims Scènes d’Europe a réuni un groupe

de quinze supporters que Sanja souhaite revoir. Quatre

d’entre eux devraient se retrouver sur scène pour le spec-

tacle. « Sanja leur a bien expliqué qu’elle ne souhaitait

pas en faire des acteurs, mais qu’elle voulait juste qu’ils

soient eux-mêmes, avec leur histoire, leurs mots, sur le

plateau du théâtre », témoigne Quentin. Entre gens de

théâtre et fans de foot, la méconnaissance est mutuelle

et, de fait, tous se retrouvent sur un pied d’égalité et com-

plices. « Sanja est venue pour le match opposant Reims à

Bastia, se souvient Quentin. À l’issue du match, les sup-

porters sont allés à la boutique du club acheter le CD de

l’hymne officiel du Stade de Reims pour l’offrir à Sanja ».

La curiosité est mutuelle. Les supporters monteront sur

la scène de la Comédie, un lieu dont souvent ils n’ont ja-

mais poussé la porte. Et même si l’un d’entre eux se sou-

vient d’y être entré, à l’époque de la Maison de la Culture.

Il faut reconnaître qu’il avait une bonne raison pour cela :

cette année-là, on y délivrait les abonnements au Stade

de Reims. Les supporters des Rouge et Blanc monteront

donc sur les planches. Mais, attention, ils ont posé leurs

conditions : ce ne sera pas un soir de match ! Quentin,

lui, scrute avec un peu d’inquiétude les parutions, tou-

jours tardives, des calendriers de match de Ligue 1. Il ne

faudrait pas que le Stade joue un vendredi…

2424

THÉÂTRE

Page 25: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Pourquoi avoir choisi cette année

le thème de la guerre et des conflits,

anciens ou contemporains ?

Cette thématique s’est imposée à nous

comme une nécessité dans le cadre

de la commémoration nationale de la

Grande Guerre. Nous pouvions notam-

ment voir, à travers cette thématique,

ce que la guerre produit sur les artistes

et sur l’oeuvre. La Grande guerre est

notre point de départ et, si le festival

n’est pas uniquement composé de

projets autour de la guerre, ce sera

notre fil rouge. Nous pouvions aussi

nous intéresser à des formes de conflits

plus modernes, au terrorisme, sans

perdre de vue la recherche de la paix,

les espoirs et les idéaux véhiculés dans

les oeuvres.

Quels sont vos conseils, vos coups

de coeur sur cette nouvelle édition

de Reims Scènes d’Europe ?

Je dirais qu’il leur faut être curieux.

Ne manquez pas le début du festival,

vous pourrez ainsi vivre une expérience

et pourquoi pas la prolonger avec

d’autres spectacles. C’est possible car

le festival dure une quinzaine de jours.

Le projet autour de TERRORisms est

important dans le festival C’est là que

Ludovic Lagarde, le directeur de la

Comédie, va créer La Baraque, sur un

texte qu’il a commandé à Aiat Fayez.

Nous serons ici dans un registre plutôt

burlesque. Cette création aura son

pendant avec God watts at the station,

le projet de l’israélien Shay Pitowsky.

Je l’ai vu à Tel-Aviv, c’est un très beau

projet qui interroge les déterminismes

qui alimentent les conflits et ne carica-

ture pas les Palestiniens.

Et puis, j’aimerais aussi parler de Front,

qui donne la parole aux hommes des

tranchées en réunissant des textes de

l’Allemand Erich Maria Remarque (À

l’Ouest, rien de nouveau) et du Français

Henri Barbusse (Le Feu), tous deux sur

le front en 1914-18.

Vous avez lancé depuis plusieurs années

YPAL, un réseau international de jeunes

spectateurs. Que proposera-t-il cette

année ?

Avec Ypal, nous voulions construire

un dialogue productif avec de jeunes

spectateurs. Ils s’interrogent et nous

interrogent sur la relation à l’art et aux

artistes. Pendant le festival, ces jeunes

venus de toute l’Europe organisent des

ateliers pour les spectateurs, des ren-

contres avec les artistes. Cette année,

nous avons un partenariat avec RJR,

Radio Jeunes Reims, et L’Hebdo du

vendredi. Ils nous livreront des chro-

niques de spectacles. C’est nouveau,

ils seront plus présents sur tout le festi-

val et non sur un temps fort.

Propos recueillis par Cyrille Planson

DO YOU STILL LOVE ME ?

Conception, chorégraphie

et mise en scène Sanja Mitrovic

Jeudi 19 et vendredi 20 février

La Comédie - 21 h

Anne Goalard

Déléguée générale du festival Reims

Scènes d’Europe

2424THÉÂTRE

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Page 27: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Atomic Moog est un duo rémois

et parisien de dj et producteurs

de musique électronique composé

de Charles Lecca et Cédric Beaude.

À l’automne 2014, ils se sont

produits lors du before du festival

Elektricity. Atomic Moog vient de

signer avec un label allemand et

sortira son 1er EP au printemps 2015.

Comment est né Atomic Moog ?

Cédric : Charles, qui est mon cousin

par alliance, mixait déjà de son côté et

a voulu faire de la production. Comme

j’en faisais déjà depuis une quinzaine

d’années, il est venu me demander

conseil. On avait de nombreux atomes

crochus en matière de son et je me suis

pris au projet de Charles jusqu’à en faire

partie intégrante. Je faisais auparavant

de l’électro soul avec de vrais instru-

mentistes, mais je n’avais jamais réussi

à faire ce genre de musique frontale

et club car je n’avais jamais trouvé

quelqu’un qui avait exactement les

mêmes aspirations que moi. Et je l’ai

trouvé chez un mec de vingt piges qui

m’a bousculé dans ce que je savais faire

et qui m’a conduit à me réinventer.

Charles : Par exemple, Cédric m’a

apporté la technique de la MAO et je

lui ai apporté mon savoir possible en

matière de transcription de tracks piste

par piste.

Quand est officiellement né votre duo ?

Charles : on a décidé, en février dernier,

de donner un nom à notre projet qui

avait alors quelques semaines. Cédric

a cherché l’inspiration dans sa vieille

bibliothèque de disques et s’est arrêté

sur un morceau de Coldcut intitulé

Atomic Moog 2000. On a décidé de

prendre ce nom (sans le 2000 trop

marqué XXe siècle) qui correspondait

parfaitement à notre projet.

Comment travaillez-vous ensemble pour

concevoir un morceau ?

Charles : j’habite à Reims et Cédric à

Paris. On ne peut évidemment pas se

permettre de se voir 5 fois par semaine

et on travaille à distance, sans règles

particulières. Soit Cédric débute

un morceau et me l’envoie pour que

je travaille dessus de mon côté, soit

c’est l’inverse. À la base il y a beau-

coup de brainstorming et d’écoute de

musique. On parle de nos ressentis sur

des morceaux. Par conséquent, chacun

sait ce qui plait à l’autre et va essayer

de l’impressionner. C’est comme une

sorte de compétition, mais dans

la même équipe.

Cédric : le but c’est de donner envie

à l’autre. On se renvoie un même

morceau plusieurs fois, et au bout

d’un moment, quand on pense être

arrivés au bout du projet, on se voit et

on le peaufine ensemble à Reims ou à

Paris. Nous pouvons aller vite quand

on a envie de créer un morceau grâce

à la conjonction entre mes connais-

sances techniques engrangées depuis

des années et la fraicheur, la rigueur

de control freak » de Charles qui sait

exactement comment une chose doit

sonner et ne lache rien.

Pouvez-vous parler de votre EP ?

Charles : nous avions près de 20 mor-

ceaux non finalisés et 5 morceaux prêts

à être édités sur un 1er EP. Mais Cédric

m’a fait écouter un nouveau morceau

qu’il venait de créer et j’ai tout de suite

su que c’était une tête d’EP, alors qu’on

avait déjà sélectionné nos morceaux.

Finalement nous avons retenu, en plus

de ce morceau, les 2 meilleurs des 5 ini-

tialement prévus auxquels nous avons

ajouté nos 2 dernières créations.

Sous cette forme, l’EP s’est constitué

spontanément en 15 jours, parce qu’on

avait bien défini au préalable la ligne

directrice que nous souhaitions.

Cédric : musicalement, on voulait

quelque chose de frontal avec un esprit

rock, loin de la disco filtrée qu’on peut

souvent entendre aujourd’hui. Notre

musique est à l’image de notre façon

de mixer qui est explosive et où ça part

dans tous les sens. Troopers me disait

récemment qu’on avait une façon de

mixer, avec des cuts, proche de ce qui

se fait dans le rap. Notre musique est

constituée d’une énergie techno avec

une structure et des impulsions plutôt

hip hop. On ne veut pas seulement

faire danser les gens, on veut les faire

transpirer !

Charles : d’ailleurs, en ce qui concerne

notre proximité avec l’univers

de la culture hip hop qui est pour nous

une source d’inspiration, nous avons

sorti le 16 décembre dernier un remix

techno du morceau

« Allo ? » du groupe

de hip hop de Reims

Black industrie.

Avec qui avez-vous travaillé pour réali-

ser sa couverture?

Charles : lors du dernier festival

Elektricity, j’ai rencontré Jean André

qui est graphiste pour Ed Banger et

qui a également réalisé le visuel de cet

Elektricity. En discutant lors d’une

pause cigarette, j’ouvre mon Iphone

dans lequel j’avais mis en fond d’écran

une production d’une artiste parisienne

du nom d’Inès Longevial. Jean, qui col-

labore avec Inès a alors pris une photo

de mon écran qu’il lui a envoyé. 1 mois

après je l’ai contactée par email pour

lui dire que j’étais fan de son travail et

pour lui demander si elle accepterait de

réaliser l’illustration de notre EP. Après

écoute de l’EP elle a accepté !

Quelle est la date de sortie de ce 1er EP ?

Charles : la sortie est prévue au prin-

temps 2015, avec une release party de

lancement à Paris.

ATOMIC MOOG

Sab

rin

a G

od

frin

ELECTRO

Page 28: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

29Élodie et Julien Régnier vivent à Reims, se baladent

un peu partout en Europe pour ensuite partager

leurs trouvailles aux Marchés aux Puces de St Ouen.

Le nom de leur studio « Maison Jaune » est dû à leur

étonnante et singulière maisonnette Jaune, que l’on

aperçoit au loin en entrant dans le Marché Paul Bert.

On y découvre sur trois étages une

sélection subtile de mobiliers signés,

allant d’un bureau Pierre Paulin, aux

chaises Saarinen, tout en proposant

des pièces plus atypiques telles que

les tables de bistrot tout droit sorties

du Futuroscope. En 2013, ils réalisent le Bar Éphémère du

Centre Culturel de Saint Exupéry de Reims. Les visiteurs

pouvaient s’y installer le temps d’un café dans cet univers

qu’ils définiront de « simple et confort ». Dernièrement, ils

viennent d’investir l’intérieur du restaurant Les Halles 1929, en

y ajoutant quelques éléments de décoration, en suivant cette

volonté de produire un certain « Design convivial ».

aisonaune

DES IGN

Page 29: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

2929Comment en êtes-vous arrivés à faire

ce métier ?

Nous avons toujours été passionnés

par les objets et l’architecture d’inté-

rieur. Nous nous sommes vite aperçus

que nous pouvions travailler ensemble.

Cette passion nous en avons fait notre

métier. Nos parcours sont différents,

mais nous avons créé Maisonjaune avec

ces différences et une belle connivence

créative. Maisonjaune est avant tout

l’histoire d’une rencontre.

Paris et Saint-Ouen étaient une évi-

dence, tout en restant à Reims pour

élever nos enfants.

Comment procédez-vous pour

la recherche de vos mobiliers ?

Nous parcourons les capitales euro-

péennes afn de trouver des idées.

Nous aimons faire des rencontres et

être surpris par une émotion. Notre

quête d’objets insolites ne connait pas

de limites. (si ce n’est financière…).

Comment travaillez-vous ensemble ?

Avez-vous des profils complémentaires ?

Comme évoqué auparavant c’est une

histoire d’amour (pour les objets bien

sur…). C’est une entreprise familiale où

nous pouvons nous exprimer ensemble

en respectant nos deux personnalités.

Quelle est la spécificité de la Maison-

jaune ?

Notre travail se concentre sur le design

du XXème siècle. Nous regardons les

objets pour ce qu’ils dégagent, pour

l’atmosphère qu’ils créent. Nos clients

sont très exigents. Nous leur présentons

des pièces sensibles. L’idée est de créer

une émotion forte entre un objet et une

personne, une rencontre.

Quel est votre avis sur les copies

de meubles ?

Nous revendiquons la création, alors

les copies sont pour nous une forme

de pollution.

Faut-il avoir bon goût dans votre

métier ?

L’excentricité peut-être une forme

de mauvais goût et avoir beaucoup

de succès. Donc nous ne pouvons pas

répondre à cette question, sans un peu

d’ironie.

Maisonjaune a la chance de travailler

avec quelques grandes maisons de luxe

qui représentent pour nous une cer-

taine définition du bon goût. D’ailleurs

nos clients interprètent parfois mieux

que nous nos propres choix.

Quels sont vos objets fétiches ?

Pas d’objet fétiche. Nous ne sommes

pas collectionneurs. Mais nous aimons

associer des objets, des couleurs et des

formes afn de créer une atmosphère

érudite et chaleureuse. C’est intéressant

de rendre visible un objet, de le faire

restaurer et de le proposer pour un

autre lieu, afin de le mettre en lumière.

Que faudrait-il pour que les Halles

du Boulingrin deviennent le marché Paul

Bert ?

Il serait diffcile d’imaginer cette activité

dans une ville comme Reims, car

le marché des puces de Saint-Ouen est

le plus grand rassemblement d’anti-

quaires au monde. Les Halles sont avant

tout notre marché, un lieu de rencontre.

Le quartier du Boulingrin est devenu

un endroit magique, très convivial entre

commerces de bouche et restaurateurs.

Quelle est la question la plus courante

posée par les professionnels ?

Les professionnels nous demandent

toujours comment fait-on pour trouver

nos objets, … mais il faut garder une

part de mystère.

Et par les badauds ?

« C’est où la Cocotte ? » Notre boutique

se trouve proche du nouveau restaurant

de Philippe Starck « La Cocotte ».

Tous les nouveaux venus au marché aux

puces nous posent cette question.

Quel est le plus diffcile dans votre

métier, l’art des affaires ou l’affaire

des arts ?

Nous créons des atmosphères qui

peuvent rencontrer des accueils

différents. Mais nous avons la chance

de pouvoir nous exprimer. Le monde

des affaires et le monde des arts sont

aujourd’hui très liés, ce qui crée de

nouvelles rencontres .

Quelle est la pièce que vous regrettez

le plus d’avoir vendu ?

Sortir un objet de son contexte pour

le placer dans une scénographie est

toujours un défi et un acte engagé, donc

pas de regret mais plutôt le souvenir

de belles rencontres.

_Maison Jaune © Alexandre Isard _Mobiliers © Julien Régnier

DES IGN

Page 30: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

PAULBALDESARE

Paul Baldesare est un photographe

anglais qui travaille et vit à Londres.

La capitale britannique - sa rue, son

métro - est son terrain de jeu favori.

Il y capture dans son objectif des

instants de la vie londonienne et les

travers de sa population, rappelant

parfois le regard de Martin Paar

sur la société contemporaine.

Page 31: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

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PHOTOGRAPH I E

Page 32: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous exprimer par la pho-

tographie ?

Je suis allé en école d’art au début des 70’s, et j’y ai découvert le

travail de deux photographes qui y enseignaient – l’un d’eux,

John Benton Harris, est d’ailleurs devenu un bon ami. Ses

photographies documentaires en n&b étaient d’une qualité de

définition que je n’avais encore jamais vue, et un de ses projets

qui m’avait particulièrement saisi concernait les « Anglais ». Il y

avait inclus de nombreuses images, prises dans la rue à Londres

lors d’événements, qui représentaient un intérêt particulier.

Quelles sont vos influences ?

Mes influences vont d’Henri Cartier-Bresson à Garry Wino-

grand. Le travail de Larry Fink m’a toujours intrigué. Mais en

général de nombreuses influences peuvent me provenir d’une

seule image ou d’un simple projet. J’aime en effet découvrir de

nouveaux travaux qui ne sont pas encore publics.

Lors de mes 20 ans, je suis tombé sur un livre de Tony Ray

Jones publié à titre posthume intitulé « A Day Off ». Je feuil-

lette encore régulièrement ce livre et je pense qu’une citation

de l’auteur dans l’introduction a certainement influencé mon

travail : « Mon but est de communiquer quelque chose de l’esprit

et de la mentalité des Anglais, leurs habitudes et leur mode de

vie, les ironies qui existent dans la façon dont ils font les choses,

en partie grâce à la tradition et en partie par la nature de leur

environnement et de leur mentalité ».

Quel a été votre premier appareil photo ?

Mon premier appareil photo « sérieux » fut un Leica CL équipé

d’un objectif de 40mm. Le travail que je produisais avec cet

appareil est toujours parmi mes préférés et j’effectue actuelle-

ment la numérisation des négatifs pris avec ce Leica au début

des 80’s. C’est une honte qu’il n’y ait pas aujourd’hui d’équivalent

numérique au CL !

Quel appareil utilisez-vous aujourd’hui ?

J’utilise un Nikon pour mon travail commercial et un Leica M9

pour mes projets personnels avec un objectif de 28mm, plus

un objectif de 35 et un de 21mm, même si j’utilise rarement ce

dernier.

Vous utilisez à la fois le noir & blanc et la couleur dans vos séries

de photos. Qu’est-ce qui détermine ce choix ?

Entre le n&b et la couleur, la couleur sera toujours mon pre-

mier choix. Quand j’ai débuté la photo dans les 80’s, le choix

du n&b a été dicté par sa polyvalence. Vous pouviez le traiter

et l’imprimer à faible coût, à la différence de la couleur qui était

alors tirée sur diapositive ou film transparent pour une meil-

leure qualité. C’était encore plus cher à imprimer qu’à partir

d’un négatif. Mon 2e grand projet « Down the Tube » devait être

photographié à l’origine sur film négatif couleur, mais ce pro-

cédé aurait été trop coûteux, j’ai donc opté pour le n&b.

Pour le type de photos que je prends, je me sens tellement plus à

l’aise avec la couleur. Heureusement, aujourd’hui avec les appa-

reils numériques, la couleur est devenue tellement plus facile

à photographier et à imprimer. Je suis un grand fan de cette

nouvelle technologie !

Retravaillez-vous vos photographies sur ordinateur ?

Je ne modifie pas mes photographies que ce soit avec Photos-

hop ou tout autre procédé informatique. J’utilise simplement

l’informatique pour son aspect pratique pour organiser les fi-

chiers photo, mais mon système de classement est plutôt ad hoc,

même si j’ai essayé d’améliorer les choses ces derniers temps.

J’ai toujours produit de petits tirages sur papier des images qui

m’intéressaient au premier abord en y écrivant la date et le lieu

du cliché et je continue à le faire aujourd’hui.

Vos photos sont un témoignage, presque scientifique de la civi-

lisation occidentale, spécialement anglaise. Vous voyez-vous

comme une sorte d’anthropologue visuel ?

Oui, beaucoup de mes projets m’ont fait me sentir comme

un anthropologue visuel. Depuis de nombreuses années, je

photographie dans Oxford Street dans le centre de Londres.

Une des raisons qui m’ont amené à le faire, c’est que très peu

de photographes ont semblé s’intéresser à cet aspect de la vie

londonienne. C’est alors devenu pour moi une sorte d’étude

anthropologique de l’espèce humaine, où lors de mes prises

de vues, je reste toujours discret afin de ne pas influencer une

situation.

Comment réagissent vos sujets ?

Je me suis souvent senti plus à la maison en voyageant à l’étran-

ger que dans mon propre pays et ma propre ville. En Italie, par

exemple, les gens semblent être attirés par l’appareil photo, alors

qu’à Londres ils résistent ou se détournent. Mais Londres n’est

pas comme le reste de l’Angleterre, et lorsque vous allez dans les

petites villes et les villages, vous trouverez un état d’esprit très

différent et un rapport particulier à la vie privée et à l’espace

personnel. Quand je photographiais pour mon projet « Carna-

32

PHOTOGRAPH I E

Page 33: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

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« J’AI TOUJOURS AIMÉ LA SATIRE, EN PARTICULIER LA CRITIQUE SUBTILE QUI ATTIRE L’ATTENTION SUR DES QUESTIONS SOCIALES PLUS SÉRIEUSES ».

PHOTOGRAPH I E

32

Page 34: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

H T T P : // B A L D E S A R E PA U L . C O M /

val », j’ai souvent été surpris par le mélange de chaleur et de

suspicion dont les gens faisaient preuve. Je n’ai jamais su, en

allant d’un endroit à l’autre, quelle serait la façon dont les parti-

cipants réagiraient. Si vous êtes déguisés, c’est plutôt étrange de

s’opposer à ce qu’on vous photographie, en particulier si vous ne

pouvez pas être identifié…

Avez-vous des thématiques de prédilection ?

Un thème qui m’intéresse particulièrement, c’est l’attrait du

shopping. Pour ceux qui font du shopping, c’est un peu comme

se saouler, c’est agréable sur le moment, mais avec une gueule

de bois prévisible par la suite. Mais si le shopping est si agréable,

pourquoi ont-ils l’air si misérable ? Quand je marche dans une

rue commerçante animée, je suis toujours frappé par l’absence

de visages souriants, sauf pour les vitrines, les affiches aux ar-

rêts de bus et les panneaux publicitaires qui vendent un style

de vie que la plupart ne peuvent pas se permettre. Il est devenu

évident, après un court instant d’observation, que le shopping

est une affaire très sérieuse, qui s’exerce en communion, dans le

même état d’esprit que la pratique d’une religion.

L’humour (noir) tient-il une place importante dans vos photogra-

phies ?

J’ai toujours aimé la satire, en particulier la critique subtile

qui attire l’attention sur des questions sociales plus sérieuses.

Par exemple, j’ai pris dans le centre de Londres, au début des

années 2000, une photographie qui montre un étalagiste qui

semble être accroché sous un mannequin dans une vitrine.

Cette image est pour moi une métaphore de l’accro au shop-

ping. Je pourrais aussi prendre pour exemple les touristes qui se

photographient ou se font photographier devant le Parlement,

à la recherche de leur propre morceau de Londres, à la manière

des pèlerins médiévaux qui jadis souhaitaient emporter de pe-

tits morceaux de pierre d’un monument.

Pourtant, je ne vais pas particulièrement à la recherche de situa-

tions comiques, mais je suis toujours heureux quand une scène

de rue s’exprime spontanément devant mon objectif, parmi une

mosaïque complexe d’individus.

J’aime découvrir à ma façon « Le cœur battant de la ville ».

C’est pour ce chaos complexe de la rue et l’excitation ressentie

au moment où se révèlent de subtils instants que le photographe

de rue passe tellement de temps à chercher le bon shoot !

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PHOTOGRAPH I E

Page 35: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015
Page 36: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

BELLES LET TRES

Pour rencontrer Christoph Marthaler, j’avais dû prendre une longue série de trains à crémaillère dans la

montagne. Nous avions rendez-vous à Sils-Maria, à l’hôtel Waldhaus. Tout un programme. Au bout de

ce voyage vertical, on tombait sur un bâtiment au milieu de nulle part, comme si l’on avait construit un

building au milieu de la forêt. C’était le centenaire de ce palace, construit en 1908 ; le petit fils du créateur

de ce lieu, Jürg Kienberger, est un des fidèles de la petite troupe de musiciens-chanteurs-comédiens — par-

ticulièrement doué pour jouer du Mozart ou du Webern sur un assortiment de verres en cristal. Par amitié

pour cet étonnant camarade, Martahler avait élaboré une sorte d’installation qui se déroulait pendant une

longue soirée. Vu les riches habitués de ce lieu, on aurait pu s’attendre à un spectacle élégant et convention-

nel. Là, c’est comme si une troupe de dadaïstes avait envahi l’hôtel.

Les spectateurs-clients dînaient dans la grande salle à manger, une chanteuse interprétait des mélodies

françaises ennuyeuses. On se demandait bien ce que l’on faisait là. Mais pendant ce temps, l’équipe avait

littéralement emballé l’hôtel comme pour un déménagement ou en prévision d’un bombardement : les

couloirs étaient recouverts de plastique; les fauteuils, les tables et les assiettes étaient emballés dans des

cartons. Stupéfaction. Les gens arpentaient les couloirs, comme saisis par une catastrophe. Il emmenait

ensuite les « spectateurs » dans les combles où l’on avait reconstitué de vieux bureaux RDA. On descendait

ensuite en file indienne dans les parkings ; il fallait se coller aux vitres d’un mini bus pour écouter un qua-

tuor fredonnant à la bougie. Au final, des acteurs, à plat ventre sur le court de tennis intérieur, chantaient

du Wagner.

En voyant travailler Marthaler par la suite, j’ai compris que cette « performance » me donnait quelques

clés pour comprendre sa méthode de travail si particulière. On s’installe dans un lieu : un tribunal, une

institution religieuse, un musée désaffecté ; et si l’on est dans un théâtre, on reconstruit sur scène un dé-

cor complet. Un habitat étrange : un hôpital-salon, une salle de conférence-sauna, un trois-pièces-usine.

On verra plus tard comment habiter là.

Pendant ce temps, on réunit sa troupe, on chante, on déchiffre des morceaux de musique en famille autour

du piano. Du Satie, du Monterverdi ou du Sacha Distel. On apprend à chanter ensemble et puis un jour

on installe ce petit monde sur scène et on les place dans des positions impossibles ; l’un enfermé derrière

une porte de garage, l’autre dans une cage de verre. C’est cette opération qui rend les acteurs de Marthaler

sur scène si unis et si terriblement seuls. Ce sont des boules d’énergie pures. Ils sont au bord de crier ;

et c’est là où le texte arrive, à la fin seulement. Quand il faut enfin parler. Et ça parle, Labiche sera là ou

Henri Michaux ou un discours politique ou une blague suisse allemande ou Goethe. Tout ce qui sera

nécessaire pour faire vivre cette fantasmagorie. Le projet se retourne comme un gant. Le corps prend texte.

C’est lumineux. C’est du théâtre à l’envers.

À PROPOS DE CHRISTOPH MARTHALER

UN TEXTE D’OLIVIER CADIOT,POUR LE MAGAZINE PEEL .

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Page 37: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

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BELLES LET TRES

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Page 38: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

CULTURE POPU LAI RE

Page 39: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

Un Labiche débridé !UNE ÎLE FLOTTANTE(DAS WEISSE VOM EI)d’après Eugène Labichemise en scène Christoph Marthaler

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www.lacomediedereims.frSpectacle bilingue français/allemand, surtitré en allemand/français

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Page 40: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

SCHRAMM Félix Schramm est un artiste

allemand né en 1970 qui vit et

travaille à Düsseldorf. Il a suivi

un cursus d’études à l’École

des Beaux-Arts de Düsseldorf

de 1993 à 1997 et effectué

plusieurs résidences d’artistes

en Europe, le menant d’Italie

en Allemagne, et en orient au

Japon. Félix Schramm reçoit

en 2006 le prestigieux prix

Piepenbrock récompensant un

artiste contemporain allemand

pour ses sculptures.

Son travail est régulièrement

exposé dans de grandes

institutions, telles que le Palais

de Tokyo à Paris. Par son

travail, il compose l’illusion

d’une architecture qui serait

la conséquence d’un acci-

dent survenu à l’intérieur du

lieu d’exposition, laissant la

vision du spectateur imaginer

un potentiel effondrement

mettant en cause la sérénité

immaculée du « white cube ».

FÉLIX

ART CONTEMPORAIN

Page 41: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

_ACCUMULATOR 5, Kunsthaus Baselland, Schweiz

Placoplatre, bois, mastic, Plexiglas, cire, terre, metal texturé,

laiton, polyurethane

274 x 802 x 415 und 150 x 130 x 150 cm (2-parties), 2014 © DR

_COLLIDER, San Francisco, Museum of Modern Art

Placoplatre, bois, couleur, papier peint

6,5 x 8 x 13 m, 2007 © DR

ART CONTEMPORAIN

Page 42: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

_SAVAGE SALVAGE, De Vleeshal, Middelburg, Holland

Placoplatre, bois, métal, métal texturé, couleur

7 x 9 x 35 m, 2008 © DR 42

ART CONTEMPORAIN

Page 43: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

uel fut pour vous le déclic qui vous a donné envie de créer

de l’art ?

J’ai eu très tôt une attirance pour l’art. Depuis mon jeune âge,

j’adorais modeler ou bien construire toutes sortes de choses.

Le besoin de savoir créer avec des formes tridimensionnelles

m’a poussé à faire des études d’art.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Vous avez étudié

aux Beaux-Arts de Düsseldorf. Étiez-vous déjà particulièrement

attiré par le médium « sculpture »?

J’ai commencé à étudier en Italie, à Florence. Après un séjour de

2 ans, je me suis décidé à poursuivre mes études de « sculpture »

à Düsseldorf. Par la suite, j’ai séjourné à Tokyo. En général, mes

séjours de longue durée à l’étranger ont été particulièrement

importants pour mon développement personnel.

Travaillez-vous avec une galerie en particulier ?

Je travaille conjointement avec la galerie « Max Mayer » à Düs-

seldorf et la galerie « Thomas Flor » à Berlin.

Comment en êtes-vous venu à réaliser vos sculptures ?

Je suis fasciné par l’observation des formes tridimension-

nelles. On peut percevoir qu’une forme, avec sa surface, avec

ses contours, avec ses arêtes, constitue une frontière avec son

environnement. Ainsi, pour appréhender visuellement une

sculpture, vous devez vous déplacer. De ce fait, vous modifiez

les perspectives de l’observation qui vous font entrer dans une

scène toujours différente autour de la même forme. C’est une

contemplation dynamique, et cette manière de voir l’œuvre est

très importante lorsque je réalise mes sculptures.

Quelles sont vos influences ?

Finnegans Wake de James Joyce (œuvre littéraire publiée à

Londres en 1939, ndlr).

Quel est votre processus de création d’une sculpture et comment

choisissez-vous les matériaux utilisés ?

Mon travail implique des processus très différents. Par exemple,

mes œuvres intitulées « Spatial Intersections », qui provoquent

une subsidence et décrivent en même temps une brèche dans

l’espace, doivent être réalisées avec une équipe plutôt consé-

quente. Avant la mise en place de l’œuvre, j’opère donc par pré-

planification. Au cours de cette phase, je travaille principale-

ment avec des modèles réduits, c’est-à-dire avec des esquisses

en trois dimensions que je crée avec des matériaux issus du dé-

42ART CONTEMPORAIN

Page 44: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

_IMACON, De Vleeshal, Middelburg, Holland

Placoplatre, bois, couleur

2008 © DR

_OMISSION, Palais De Tokyo, Paris, France

Placoplatre, bois, couleur

5,56 x 12,9 x 25,9 m, 2009 © DR 44

ART CONTEMPORAIN

Page 45: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

montage d’anciens travaux. J’opère ainsi car je conçois toujours

une œuvre basée sur des points de vue différents qui s’entre-

mêlent. Mes modèles réduits me permettent alors de visualiser

le projet avec mon assistant au fur et à mesure de son évolution.

Grâce au travail avec ces modèles facilement manipulables, je

peux imaginer quelles seront les différentes manières d’opérer

et les options d’installation, alors qu’il est évidemment extrê-

mement difficile de faire tourner une œuvre monumentale

qui pèse 4 tonnes... Et je peux laisser une certaine latitude au

hasard.

Dans votre processus, envisagez-vous votre sculpture comme

un objet autonome, ou comme un complément, permettant de

révéler l’espace où elle est installée, de dialoguer avec le lieu

d’exposition ?

Pour moi il n’existe pas de sculpture autonome, car elle est tou-

jours dépendante de l’espace. Chaque sculpture doit en effet

dialoguer avec son environnement par sa propre subsidence.

La salle d’exposition se déforme, se transforme par la simple

présence de la sculpture et cette dernière agit différemment,

selon l’espace, sur le spectateur.

Peut-on dire que vos créations constituent quelque part une

réflexion sur le white cube pensé comme une architecture dans

l’architecture, un lieu qui se révèle par ses faiblesses, celles que

l’on ne voit pas ou que l’on ignore par aveuglement ?

Le « white cube » constitue un espace scénique qui est bien en-

tendu nécessaire pour l’art. Par conséquent, l’art est en même

temps toujours une mise en scène. La perturbation de l’espace

est comme une fissure. Cette fissure rappelle au spectateur qu’il

s’agit bien d’une scène et c’est cela qui, je pense, importe.

Envisagez-vous vos créations comme un « écorché » de l’espace,

une mise en design de la déstructuration des structures de

constructions architecturales ?

Si je prends encore pour exemple ma série « Spatial Intersec-

tions » j’y utilise des structures architecturales de base dans le

but de les déstructurer, à partir de matériaux qui n’ont pas de

réelle valeur architecturale, comme le Placoplatre. Je dirais que

c’est une forme de dissolution des structures existantes. J’essaie

alors de leur faire atteindre d’autres niveaux, pour les faire arri-

ver rapidement à un état que je pourrais qualifier de géologique.

44ART CONTEMPORAIN

Page 46: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

_COLLIDER, San Francisco, Museum of Modern Art, USA

Placoplatre, bois, couleur, papier peint

6,5 x 8 x 13 m, 2007 © DR

En fait, votre art va au-delà du simple regard du spectateur.

Il est une expérience sensitive qui se vit…

La perception du spectateur en face de l’œuvre, est pour moi

d’une importance fondamentale. Elle varie en fonction du posi-

tionnement de l’œuvre dans son environnement. Notre champ

de vision essaie plus de saisir la position des objets dans l’espace

que d’en déterminer les caractéristiques objectives. Chaque

infime déplacement de l’observateur conduit par conséquent à

une modification de sa perception. Non seulement il voit de

nouvelles choses, mais les choses qu’il a déjà vues se modifient

dans sa perception elle-même.

Par leur force, par leur mise en œuvre presque titanesque, vos

œuvres ne se rapprochent elles pas de la performance ?

Bien sûr, mais il s’agit plus d’une performance intime, à huis

clos.

Quelles sont vos expositions récentes?

J’ai réalisé deux expositions personnelles en fin d’année 2014

d’une part, au Frac Alsace, d’autre part, au musée Lothar Fis-

cher de Neumarkt, en Allemagne.

W W W . F E L I X S C H R A M M . N E T

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ART CONTEMPORAIN

Page 47: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

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Page 48: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

© Benoit Pelletier

MANCHESTER MUSIC CITYJOHN ROBBéd. Rivages Rouges, 2009--> L’histoire de la scène mancunienne par ceux qui l’ont faite.

FALSE FLATAARON BETSKY WITH ADAM EEUWENSéd. Phaidon, 2004

--> Pourquoi et comment le design néerlandais contemporain est si bon.

L’ARCHITECTURE EST UN SPORT DE COMBATRUDY RICCIOTTIéd. Textuel, 2013--> Coup de gueule passionné de l’architecte critiquant avec amour et violence, les aberrations souvent constatées dans ce métier.

WA, THE ESSENCE OF JAPANESE DESIGNROSSELLA MENEGAZZOSTEFANIA PIOTTIéd. Phaidon, 2014

--> L’inspiration historique du design japonais sous toutes ses formes. Un très bel objet façonné selon les techniques traditionnelles japonaises.

49 CITIESWORKACéd. Storefront--> Analyse urbaine inédite des architectes new-yorkais WorkAC, comparant sur les mêmes critères, les 49 projets de villes utopiques les plus marquantes.

L’OEIL INVISIBLEW.M. HUNTéd. Actes Sud, 2011

--> Entre noir et démence, un aperçu de la collection ultra-sensible de W.M. Hunt.

POLAROIDSGUY BOURDINéd. Xavier Barral, 2009

--> Un recueil d’instantanés de Guy Bourdin. Mythique.

PAGES & IMAGES

Page 49: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

PAGES & IMAGES

Page 50: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

NOMSébastien CANARD

PROFESSIONFacteur

DEPUISC’est ma troisième saison.

COMMENTLe Stade de Reims cherchaitune mascotte, et je me suis tout

simplement présenté.

PLUS BELLE RENCONTREMon premier match pour la montée

en ligue 1, contre Lens.

PLUS BEAU SOUVENIRLe premier match en Ligue 1,

contre Marseille.

DES PROJETS POUR AUGUSTE ? Avoir une Femme et pourquoi pas un petit Lionceau.

AUTRE SPORT FAVORILa course à Pied.

À QUEL POSTE AUGUSTE POURRAIT-IL JOUER ?

Avant Centre.

AUGUSTE LA MASCOTTE DU STADE DE REIMS

UN CONNU

Page 51: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015
Page 52: Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

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