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PEINTURES MURALES DE L'ÉGLISE DE JUMIGNY CANTON DE CRAONNE (AISNE) Author(s): Ed. Fleury Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 2 (Juillet à Décembre 1860), pp. 383-389 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41734009 . Accessed: 21/05/2014 08:44 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.65 on Wed, 21 May 2014 08:44:38 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

PEINTURES MURALES DE L'ÉGLISE DE JUMIGNY CANTON DE CRAONNE (AISNE)

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PEINTURES MURALES DE L'ÉGLISE DE JUMIGNY CANTON DE CRAONNE (AISNE)Author(s): Ed. FleurySource: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 2 (Juillet à Décembre 1860), pp. 383-389Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41734009 .

Accessed: 21/05/2014 08:44

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PEINTURES MURALES

DB

L'ÉGLISE DE JUMIGNY

CANTON DE CRAONNE (AISNE).

L'église de Jumigny est un de ces monuments dont la fin du douzième siècle a peuplé le Laonnois; il les a fails à l'imitation plus ou moins grossière, plus ou moins complète, de la récente cathédrale de Laon, et l'ogive y est indécise. Chaque côté long de l'église est ouvert dans le haut de cinq fenêtres dont chacune correspond à une arcade ménagée entre deux piliers massifs et plats. Le portail a deux fenêtres. C'est dans les entre-deux des fenêtres des murs latéraux et du portail que les peintures ont été apposées. Elles consistent d'abord en une frise qui décore, ou plutôt, bientôt j'expliquerai la pensée qui m'a fait modifier le temps de ce verbe, qui décorait la partie supérieure de la muraille touchant à la voûte ; en dessous est un panneau plas haut que large, séparé de la frise par une bor- dure d'encadrement; en troisième lieu un autre panneau à person- nages, et enfin une archivolte ornementée qui règne autour de chaque arcade. La frise, le premier panneau et l'archivolte appar- tiennent à la fin du douzième siècle ou au treizième, tandis que le deuxième panneau est beaucoup plus jeune.

Voici ce qu'est la frise : Elle comportait, entre les dix fenêtres des côtés, huit tableaux et trois

dans le portail. Cet ensemble de peintures se montrait, au momentoù il fut découvert, singulièrement détérioré, car cinq tableaux seule- ment étaient apparents, trois sur la travée de droite et deux sur celle de gauche. Si plusieurs dessins encore apparents des latéraux étaient bien conservés et d'un excellent état, on pouvait au contraire à peine distinguer ceux du portail. L'humidité du mur de gauche, au nord, contre lequel s'appuie une épaisse terrasse, explique facile-

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384 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. ment sa plus complète détérioration. Chaque panneau comprend toujours deux personnages, hommes ou animaux. Ces personnages sont en lutte évidente. Leur hostilité àvait uh tens symbolique, - ces siècles cachaient toujours un mystère dans l'expression écrite ou peinte de leur génie; - l'hostilité, dis-je, de ces personnages est exprimée symboliquement d'abord par leur attitude : ils sont tou- jours affrontés, l'un avance, l'autre recule; l'un menace, l'autre est effrayé ; ensaitè par leurs couleuřs 5 l'un est Mint en jaufte, l'autre e& ròufcé. C'est la lutte de l'esprit dù bien et du mat, tette lutte qûe toutes les religions ont représentée sur leurs monuments et diverse- ment personnifiée, cette lutte qai tte tfadttit ¿ans le christianisme par la légende des péchés capitaux et des vertus contraires.

Le premier panneau de la frise de Jumigny met en scène deux personnages que nous n'osons dire à figures et à formes humaines. Les deux tètes ont été détruites par le débadigeonnage. Le premier Marche K grands pas sur lé second. Att baá des téitts il est poutru «d'an ïnasqôè contre lequel est appuyé un sabre, où carquois, ûtt flambeau, objet indéfinissable que tient ùn bras dont la couleur et

les lignes ont à peu près dispara. Le secoed personnage, à la tète de profil, au corps de face, fait des deux mains un feste de Crainte et de désespoir; la direction de ses pieds, tournés eh sens «outoit*, est destinée, ce me semble, à peindre l'indécision et la traiate. Ce serait l'âme chrétienne menacée par l'esprit du mal. Elle hésite et tremble. Elle voudrait fuir et ne sait s'y déterminer.

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l'église de jumigny. 385

Dans le second tableau, la Luxure est représentée par une belle femme nue, dont le corps se termine en queue de poisson. C'est ainsi que presque toutes les théogonies ont symbolisé la volupté. De la main droite, celte femme tient un poisson; de la gauche, elle montre sa gorge nue. C'est la tentation de la chair. Un animal fantastique, qui rappelle les grands colosses assyriens par sa coiffure, par le type de sa figure, par ses traits purement accentués, par sa longue barbe, par son air grave et doux, par ses ailes, par ses pieds de bœuf, serait le chrétien résistant à la séduction. L'œil regarde au ciel ; la figure est calme; un des pieds se rejette en arrière.

La Colère parait être le sujet du troisième panneau de droite. Un ani- mal difforme, hideux, aux oreilles redressées et menaçantes, à l'œil

grandi démesurément, à 1 énorme bouche qui montre une double

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rangée de défenses, au pied levé, marche sur un autre animal plus fantastique encore, qui recule de peur. Celui-là possède trois têtes, l'une d'oiseau sur un long cou, la seconde humaine à la place de la poitrine, la troisième sur le dos. Ce tricéphale s'appelle Orpi, ce nom est parfaitement conservé; l'autre s'appelait Bald.

Le quatrième panneau de droite est effacé, ainsi que le premier et le quatrième de gauche.

Le deuxième de gauche me semble symboliser la Gourmandise. Au centre, un vase à deux anses. Un moine à cou et à tête d'oiseau pompe la liqueur du vase à l'aide d'un long bec, ou y vomit le résul- tat de son intempérance. Un personnage à tête et à oreilles d'âne, dont la poitrine et les bras sont d'un homme, dont le ventre est remplacé par la tête d'un monstre, et enfin qui se bifurque, à sa partie inférieure, en deux queues de poisson, tient une des anses du vase, dont la seconde anse est dans la main du moine. On sait que le moyen âge prenait souvent un moine comme type de la glouton- nerie. L'âne est, au contraire, un symbole admis de tempérance et de sobriété. Le proverbe : Faire un dieu de son ventre, doit avoir

existé de tout temps; c'est ce qu'indique probablement la tête mons- trueuse mise à la place de l'abdomen du second personnage, salire vivante dont je ne comprends pas la continuation dans la double queue du poisson, à moins qu'on n'imagine que là le poisson exprime une idée de jeûne, le poisson étant une nourriture prin-

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L'ÉGLISE DR JUMIGNY. 387

cipalement de carême et de mortification. On sait que certains solitaires ne mangeaient de chair que celle du poisson. Chaque ani- mal tient d'une main un phylactère ou ruban dont les caractères légendaires ont complètement disparu.

L'Orgueil serait, à mon sens, parfaitement représenté par l'ani- mal à la tête arrogante, à l'estomac gonflé, à la queue de coq rele- vée en panache, qui figure sur le troisième panneau du côté gauche, comme la Timidité l'est par la biche effrayée, dont les oreilles sont couchées en arrière, dont les yeux sont dilatés et arrondis par la

peur, dont la queue se serre entre les jambes, dont les quatre pattes reculent à la fois.

Chacun de ces tableaux est entouré d'une guirlande de feuillages ou rinceaux dans le style de l'ornementation courante de la cathédrale de Laon, c'est-à-dire du douzième siècle. Je puis dire que cette épopée est parlante, sans croire abuser de ce mot; les caractères du mot Orpi ont leur date que précisela science diplomatique; c'est une onciale de fantaisie. Les peintures sont probablement contemporaines du monu- ment lui-même. Elles sont, à mon avis , l'œuvre d'un artiste qui assista à l'une des dernières croisades, rapporta en France le sou- venir et l'influence, sans intermédiaire, sans transition, des arts de l'Asie, et introduisit dans une peinture chrétienne les symboles a les formes et peut-être la couleur soit des sculptures, soit des tableaux que les hasards de la guerre et du voyage lui avaient permis d'étu- dier, de comprendre et d'admirer. L'ancienneté de la peinture est

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prouvée par la régularité des faces humaines de la femme et de l'homme qui figurent dans le second panneau de droite. Les siècles suivants ne feront plus aussi bien ; souvent en dessinant une figure ils tomberont même dans le grotesque. Les souvenirs d'Asie sont démontrés par la ressemblance frappante de l'homme fantastique du second panneau avec les grandes cariatides qui nous sont récem- ment arrivées d'Assyrie, par l'œil de face sur la figure de profil de l'animal à trois tôles dans le troisième panneau de droite.

C'est au même artiste, cela se prouve par l'unité de style dans l'agencement de l'entourage, c'est au même artiste que l'on doit évidemment les tableaux du second étage des peintures de Jumigny. Il n'en restait que deux sur huit. Cette fois, le peintre a dessiné des légendes de saints. On ne reconnaît bien que l'histoire de saint Martin partageant son manteau avec un pauvre. Sur le second pan- neau, deux personnages nimbés, l'un assis, l'autre droit, tiennent chacun d'une main les bouts opposés d'un bâton. Le saint assis a la main gauche sur sa poitrine et la droite élevée en l'air ; le saint qui est debout montre un vase en forme d'ampoule , ou peut-être un fruit; je n'ai pas le mot de l'énigme.

Le peintre n'a pas craint de donner à ses animaux et personnages symboliques de la frise des types empruntés à l'art païen; mais à Constantinople , dans tout l'empire grec , il avait étudié des formes plus nobles, d'un mysticisme et d'un calme mieux en rapport avec la noblesse sublime de la religion chrétienne. C'est donc dans le style byzantin qu'il a trailé ses figures de saints, comme il avait traité de même celle du Christ à nimbe crucifère , qui , escorté de deux anges aux ailes ouvertes, présidait, dans les tympans intérieurs du portail , à la lutte des deux principes et siégeait en attitude de juge. Rien n'est plus pur et plus tranquille que la tête du saint assis; rien n'est plus paternel que le visage de saint Martin. Le cheval est largement dessiné, campé vigoureusement. Les détails de harnache- ment sont très-curieux. Rien que la large épée avec laquelle saint Martin partage son manteau prouve le douzième siècle, passé lequel ces armes larges et courtes disparaîtront bientôt.

L'archivolte des arcades est d'ornementation nombreuse et variée ; le trois-feuilles de la cathédrale de Laon y apparaît comme motif principal.

Telles sont, ou plutôt telles étaient les peintures murales de l'église de Jumigny; j'espère avoir été assez heureux pour faire apprécier tout ce qu'elles avaient d'inattendu et de curieux. A plu-

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l'église de JUM1GNY. 389

sieurs reprises, pendant quatre voyages que j'ai faits à Jumigny, soit seul , soit accompagné d'archéologues que la découverte inté- ressait, j'avais vivement recommandé qu'on prît le plus grand soin de ces peintures; j'avais ajouté qu'il y avait là un monument peut-être unique, précieux à plus d'un titre, et dont la réappari- tion donnait une grande valeur archéologique à l'église insigni- fiante de Jumigny. Eh bien! sachant ce que l'on allait faire, averti de ce que l'on allait détruire, on s'est hâté de couvrir d'un nouveau badigeon ces peintures murales, qui n'ont revécu que pour mourir de nouveau. Plus coupable qu'un curé du dix-septième siècle ignorant le prix de ce qu'il possédait, le curé de Jumigny a fait disparaître ce que les maçons avaient su retrouver sous la chaux ancienne. On a plâtré tout l'intérieur de l'édifice. Il n'y a pas de mots pour peindre ce vandalisme systématique et de parti pris, qui a été averti et ne tient pas compte des avis. Le fait est hardi au moment où, d'un commun et louable accord, on s'entend pour rechercher et retrouver, pour consolider, restaurer et perpétuer les débris précieux d'âges dont l'initiative , la richesse et la fécondité d'imagination n'ont d'équivalents peut-être à aucune époque artistique.

Ed. Fleury.

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