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Pt~RIODES ET COURANTS 223 pal points is that the writing of history is, within certain bounda- ries, predictive: that to present, for example, the achievement of Marot in 1533 solely from the viewpoint of an "eye-witness", of a critic or reader living in 1533-as /f one ignored what Ronsard and Du Bellay went on to accomplish-would make historical knowledge (and periodization) completely impossible. A confrontation between Marot and Rov.sard is implicit not only in the delineation of certain currents and movements but in the critical response to either of the two. The critic living in 1533, reading ever so freshly L'Adolescenee Cldmentine, possessed a wealth of contemporary experience which we shall never be in a position to recapture: but this is counterbalanced precisely by the sort of information which makes literary history viable, such as our knowledge of Ronsard and of certain historical developments that embrace both poets. "Narrative sentences"-Danto states-"refer to at least two time-sepa- rated events, and describe the earlier event. ''17 It might be fruitful, on another occasion, to identify the role of such sen- tences in some of the better histories that we have and thus be able to recognize in literary historiography, to a greater or lesser extent, a specific kind of narrative. ALEXANDRE DIMA PI~RIODES ET COURANTS LITTI~RAIRES 1. I1 va sans dire que l'analyse des concepts fondamentaux avec lesquels travaille la litt~rature universelle, autant que la litt&ature compar6e, constitue une entreprise d'une importance primordiale. Une telle analyse int6resse d'ailleurs, non seule- ment les disciplines dont nous venons de parler, naais aussi tout le domaine de la science litt6raire, et surtout l'histoire et la th6orie litt6raire ainsi que toutes les sciences n6ologiques et sociales, en g6n6ral. On peut m~me affirmer qu'une de leurs 17 Danto, A.: Analytical Philosophy of History. Cambridge, Eng., 1965, p. 159.

Périodes et courants littéraires

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pal points is that the writing of history is, within certain bounda- ries, predictive: that to present, for example, the achievement of Marot in 1533 solely from the viewpoint of an "eye-witness", of a critic or reader living in 1533-as /f one ignored what Ronsard and Du Bellay went on to accomplish-would make historical knowledge (and periodization) completely impossible. A confrontation between Marot and Rov.sard is implicit not only in the delineation of certain currents and movements but in the critical response to either of the two. The critic living in 1533, reading ever so freshly L'Adolescenee Cldmentine, possessed a wealth of contemporary experience which we shall never be in a position to recapture: but this is counterbalanced precisely by the sort of information which makes literary history viable, such as our knowledge of Ronsard and of certain historical developments that embrace both poets. "Narrative sentences"-Danto s ta tes-"refer to at least two time-sepa- rated events, and describe the earlier event. ''17 It might be fruitful, on another occasion, to identify the role of such sen- tences in some of the better histories that we have and thus be able to recognize in literary historiography, to a greater or lesser extent, a specific kind of narrative.

ALEXANDRE DIMA

PI~RIODES ET COURANTS LITTI~RAIRES

1. I1 va sans dire que l'analyse des concepts fondamentaux avec lesquels travaille la litt~rature universelle, autant que la litt&ature compar6e, constitue une entreprise d'une importance primordiale. Une telle analyse int6resse d'ailleurs, non seule- ment les disciplines dont nous venons de parler, naais aussi tout le domaine de la science litt6raire, et surtout l'histoire et la th6orie litt6raire ainsi que toutes les sciences n6ologiques et sociales, en g6n6ral. On peut m~me affirmer qu'une de leurs

17 Danto , A.: Analytical Philosophy of History. Cambridge, Eng., 1965, p. 159.

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caract6ristiques r~side justement dans l'incertitude, et l'oscilla- tion du contenu des concepts avec lesquels nous op~rons. Elles constituent - pour quelques-uns - un sympt6me de la crise des sciences n6ologiques et - en l'esp~c e - du comparatisme contemporain m~me.

Cela ne nous autorise cependant pas ~ exag6rer dans cette direction sceptique et agnostique.

En fait, ce que nous nous proposons ici, ~ ce colloque, n'est qu'une op6ration scientifique pr6alable - nous dirions m~me normale - qui, ~ l'exempte des m6ditations cart6sien- nes - en d6butant par une attitude de doute m6thodologique naturel - ~de omnibus rebus dubitandum~ - a pour but de pr6parer le chemin des futures recherches d'ensemble des th~mes majeurs ou mineurs en les plagant sur de solides pyl6nes de sout~nement, sur des fondements durables. Loin d'atre un sympt6me de crise du comparatisme, notre discussion doit ~tre consid6rde, tout au contraire, un d6passement vers un ddve- loppement de notre discipline sur des bases certaines.

2. Le probl~me des p~riodes et des courants repr6sente une prdoccupation fondamentale de l'historiographie litt6raire, autant que de la th6orie litt~raire comme syst6matisation pr6- alable et n6cessaire, et marne de la critique litt6raire dans ce sens qu'il faudrait inclure dans la recherche, la raise en valeur historique et esth6tique.

L'id6e de ~p6riode ~) est apparue dans le cadre de la conception 6volutionniste de l'histoire litt6raire. On peut m~me dire que jusqu'~ Hegel, on croyait ~t un d6veloppement continuel et en quelque sorte unitaire, de l'histoire litt6raire et que les diff6- rentes p~riodes n'6taient que de larges mouvements d'une 6vo- lution plusieurs fois s6culaire, situ6s sur une ligne finaliste ascendante. Hegel a apport6 une nouvelle conception, diff6rente de la pr6c6dente. A la place de la ~continuit6~), apparait la ~dialectique~) moyennant laquelle, le processus historique - en g6ndral - et celui de l'histoire de l 'art et de la litt6rature - en par t icul ier- sont consid6r6s d'un point de rue plus r6aliste, plus pros de la v6rit~, comme un conttit dramatique de con-

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traires, une tendance vers le progr~s, par le d6passement des antith6ses vers des syntheses, vers des unit6s sup6rieures aux moments pr61iminaires. Taine aussi s'est p6n6tr6 - comme on le sait d'ailleurs - par l'esprit h6g61ien, mais par rapport

celui-ci, il a apporf6 - en g6n&al - une application plus r6aliste; c'est-/t-dire qu'il a situ6 d 'une mani~re plus pr6cise, le processus dialectique dans le cadre immanent de l'6volution sociale. Ce que Taine d6nommait <~moment~> apparaR en com- paraison h d'autres moments ant6rieurS, e t caract6ris6 darts les perspectives historique et sociale.

La conception de Taine a 6t6 donc salutaire parce qu'elle a d6pass6 une stricte division interne en p&iodes de la litt6rature. Les tendances bergsoniennes et celles de Croce du d6but de notre si~cle, de dissoudre n'importe quels concepts unitaires de genre, de style, de p6riode ayant pour but l'unicit6 des ~euvres qui ne pourraient atre inclues darts aucune des categories g6n6- rales doivent ~tre consid6r6es comme ayant subi u n 6chec, et la dissolution de l'histoire litt6raire en essai et monographie, comme une erreur essentielle. D'autant plus une conception comme celle de T. S. Eliot qui proclame <de caract&e anhisto- rique de la litt6rature~> considdrant que toutes les eeuvres de Hombre jusqu'~t nos jours sont en fair simultan6es.

Nous sommes d'accord avec Ren6 Wellek d'apr~s lequel, le concept de p6riode litt6raire n'est ni d'essence m6taphysique ni une simple formule nominaliste. Car la p6riode existe ob- jectivement comme un fragment du temps historique et spiri- tuel, et on ne peut gubre s'en passer en plongeant l'histoire litt6raire darts un unique courant de plusieurs sibcles de l'anti- quit6 jusqu'~t' nos jours.

On se demande, cependant, si les p6riodes litt6raires peuvent ~tre consid&6es exclusivement des unit6s esth6tiques, autono- rues par devers des conditions historiques-sociales des 6poques ou bien si elles doivent en ~tre inclues ? Dans le premier des cas, nous nous situerions devant une conception manifestement esth6tisante, dans le second devant une tendance excessivement sociologique. Nous ne pouvons opter pour aucune des deux.

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On ne peut dissocier artificiellement la litt6rature de la scbne sociale et historique sur laquelle elle se d6ploie, ni l'enm~ler dans un amalgame social d6muni de sp6cificit6.

Quelle serait alors la solution recommandable et appliquable /~ n'importe quel travail d'histoire litt6raire nationale ou uni- verselle? Assur6ment ce serait une solution de synthbse, dans le sens de l'utilisation autant du crit~re sociologique que du crit~re esth~tique. Le crit~re sociologique m~ne ~t l'emplace- ment de la litt6rature entre les conditions historiques-sociales, dans le cadre desquelles elle apparaR comme un aspect de l'es- prit collectif, joint k celui-ci et d6t6rmin6 par les autres aspects, par les autres arts, par la philosophie, par la politique et par leur fondement 6conomique qui se refl~te indirectement sur le ph6nom6ne littdraire. Le crit~re esth6tique ayant sa base dans la critique litt6raire, c'est ~ dire dans la mise en vateur, situe la litt6rature dans un ensemble de normes artistiques qui sont celles du temps respectif.

La pdriode littdraire doit donc embrasser le total des oeuvres de valeur esth6tique qui refl6tent les ph6nombnes spirituels et sociaaux de l'6poque respective, ayant tendance au moins vers leur unit6 relative. I1 est donc ndcessaire, nous le r@6tons, que les p6riodes litt6raires ne soient differenci6es radicalement de celles des autres arts, de la philosophie ou de la science de l'6poque, se situant par devers celles-ci dans un rapport de totale indiff6rence, ce qui ne serait gu~re conforme au processus r6el de l'histoire et priverait les ph6nom~nes litt6raires d'ex- plications extra-esth6tiques d6terminantes.

3. - En ce qui concerne l'extension des pdriodes litt6rai- res - leur dur6e dans le temps - , il est difficile, ce qui est d'ailleurs bien connu, de les renfermer dans des dates histori- ques pr6cises et cela ne se pr6sente aucunement d'une mani~re uniforme dans les diff6rentes litt6ratures nationales. Nous allons mentionner seulement l'exemple du classicisme fran~ais du XVII e si~cle par rapport au classicisme aUemand de la fin du XVIII e si~cle et du commencement du XIX ~.

Une division g6n6rale en p6riodes de l'histoire litt6raire

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universelle constitue donc une op6ration des plus difficiles et nous sommes d'avis qu'il est pr6f6rable une division en p6riodes historiques-sociales par de grandes 6poques et dans leur cadre par &apes. En nous rapportant, par exemple, ~t l'histoire litt6- raire du moyen-fige, nous pouvons faire une distinction entre les diff6rentes phases de la f6odalit6 (la phase de d6but, celle d&elopp6e, celle stagnante, la phase d&adente) et leur incorpo- rer les ph6nombnes litt6raires tout en leur conservant, bien entendu, la valeur esth6tique par rapport au temps.

Concernant le contenu des p6riodes litt6raires m~me - rap- pelant les diff6rents critbres qui se sont affirm6s au cours de l'historiographie litt6raire, tels que Ia division en p6riodes purement chronologiques, celle qui se lie aux personnalit6s (l'6poque de Hombre, de Periclbs, celle de Louis XIV etc.), celle li6e ~t l'id~e de g6n6ration (comme chez Julius Petersen ou Albert Thibaudet), celle qui r6sulte de l'agglom6ration 6- clectique de critbres (chronologies, aspects sociaux, culturels, genres litt6raires etc.) - , nous remarquons qu'aucun ne peut r&ister ~t la Critique. Le critbre chronologique, cetui qui se rapporte aux personnalit~s, insuffisant puisque, celles-ci, malgr6 leurs caractbres repr&entatifs, ne peuvent exprimer int6gralement une 6poque; le critbre des g6n6rations qui entre en contradiction avec le fait qu'il y a de nombreux cas d'&ri- vains des g6n6rations diff6rentes qui collaborent dans le cadre d'une p6riode et luttent pour des id6es communes, enfin l'6- clectisme-entretiennent une atmosphbre de confusions qui e s t loin d'etre scientifique.

I1 ne resterait donc qu'5. remplir les p6riodes avec les diff6- rents courants qui se sont succ6d6s dans l'histoire litt6raire, ce qu'on a m6me souvent essay6 et ce qui constitue l'une des prd- occupations fondamentales de notre colloque.

Les grands courants, en commengant par la Renaissance, l 'humanisme de cette 6poque, le baroque, le classicisme, l'6po- que des lumibres, le pr6romantisme et le romantisme, le r6a- lisme, etc. se sont effectivement succ6d6s du XV ~ si~cle jusqu'~t nos jours et elles ont englob6 presque toutes les litt6-

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ratures nationales, mais leus d6buts, leurs 6volutions et leurs finales sont loin de coincider avec la sph6re europ6enne toute enti~re, se diff6renciant comme dur6e et capacit6 d'influence, nous emp~cbant d'obtenir leur application syst6matique ~ la litt6rature de notre continent, pour ne plus parler des autres. Nous ajoutons encore un argument et il nous parait le plus fort. Les courants litt6raires de certaines litt6ratures nationales, et notamment de celles du centre et de l'est de l 'Europe, ne se succbdent gu~re clairement par p6riodes relativement distinctes comme en Occident. A part la structure g6n6raie de ces courants, qui s'opposent quelquefois ~t ceux qui les pr6c~dent et anticipent, ceux qui s'ensuivront dans la zone dont nous venons de par- ler - il se passe le ph6nom~ne bien connu de la superposition des courants litt6raires ou de leur apparition concomitente dans la m~me 6poque, un ph6nom6ne de coexistence des plus int6- ressants. Le fait s'explique ais6ment par le manque de synchro- nisme des courants de l 'Orient avec ceux de l'Occident, par l'influence tardive de ceux-ci - en comptant par si~cles ou au moins par d6c6nnies - par les sollicitations de l'esprit r6- ceptif de ces litt~ratures nationales retardataires, et qui sont p6n6tr6es de la n6cessit6 d'assimiler certaines modalitds et styles que les conditions historiques n 'ont pu solliciter ~t l'6po- que de leur apparition en Occident. L'histoire de la litt6rature roumaine repr6sente un tel cas et nous dirions m~me, presque pendant toutes ses 6poques, mais d'une mani~re plus 6vidente au XIX e si~cle et notamment dans sa premibre moiti6. Les historiens litt6raires roumains ont d6montr6 derni6rement que, dans la p6riode citde, l es plus repr6sentatifs 6crivains du temps - Nicolae et Iancu V~c~rescu, Costache Conachi, Heliade R~dulescu, Gr. Alexandrescu et d'autres - ont 6t6 d6chir6s par des contradictions ou au moins par des opposi- tions. Leurs ceuvres ont des aspects n6oclassiques grecques, p6trarquistes, bucoliques, populaires, mani6ristes, pr6romanti= ques et romantiques, 6galement. Mais, darts son ensemble aussi, la litt6rature de cette 6poque prouve une 6vidente h6t6rog6n6it6, explicable par les origines sociales diffdrentes des 6crivains,

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par l'6volution de la soci6t6 de ses formes patriarcales aux for- rues occidentales, ce qui a conduit / t u n glissement vers des influences correspondantes des plus diff6rentes. Toutes ces influences n'ont certes gu6re abouti au sacrifice de l'originalit6 nationale, mais aprbs une p6riode d'assimilation, on les a s6- lectionn6 conform6ment aux nfcessit6s sociales et esth6tiques de l'6poque.

Ce qu'on peut affirmer, avec certitude, c'est que la p6riode litt6raire dont nous nous occupons, ne peut &re caract6ris6e uniquement par l 'un des courants mentionn6s et que le fait d'une coexistence de courants oppos6s, sans que Fun soit domin6 par l'autre, la prive totalement d'homog6n6it6. On ne peut m~me parler d'une homog~n6it6 relative.

Ce fair ne se rapportant gu6re seulement 5. Ia litt6ra- ture roumaine, mais aussi h d'autres litt6ratures nationales de la zone cit6e, nous incite ~ n e pas opter pour une iden- tification g6n6rale sur route la sphbre europ6enne du concept de ~ pdriode litt~raire ~) avec celui de ~courant litt6raire ~). On ne peut d'ailleurs gu~re parler d'une homog6n6it6 cons6quente des courants litt6raires dans le cadre des m~mes p6riodes en Occident non p/us. On a d6montr~ souvent qu'un m~me cou- rant litt6raire, tel que celui de l'6poque des lumi~res, le ro- mantisme ou le r6alisme est loin d'etre unitaire, 6tant d6membr6 par de nombreux aspects contradict0ires, des antinomies quel- quefois violentes qui ne peuvent que desservir l'unit6 m~me relative des p6riodes litt6raires.

Nous pouvons conclure donc que la division en p6riodes de la litt~rature europ6enne, et d 'autant plus de la litt6rature mon- dime, ne peut ~tre op6r6e exclusivement sur le erit~re des cou- rants litt6raires, mais qu'elle dolt varlet selon les zones ou les r6gions et qu'il est pr6fdrable - pratiquement - d'encadrer les ph6nom~nes litt6raires dans les p6riodes historiques g6n6- tales, tout en leur gardant naturellement le caract~re sp6ci- fiquement artistique.