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Pourquoi n'agit-on pas (suffisamment) ? Peter Sturm et Emmanuel Prados Séance du 4 avril 2019

Peter Sturm et Emmanuel Prados Séance du 4 avril …...2019/04/05  · George Marshall,Don't even think about it – why our brains are wired to ignore climate change, Bloomsbury,

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Pourquoi n'agit-on pas (suffisamment) ?

Peter Sturm et Emmanuel Prados

Séance du 4 avril 2019

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Discussion initiale

Renversons la question :Mais, pourquoi agirait-on (plus) ?

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Discussion initiale

Renversons la question :Mais, pourquoi agirait-on (plus) ?

Pas de réponse unique, beaucoup de positions sont possibles, e.g. :● Je veux préserver un bon niveau de PIB● Je veux assurer un « bon avenir » (notion à définir)...

● à mes enfants / à moi-même / à ...● à mes compatriotes● aux membres de ma couche sociale / ...● à l'ensemble de l'humanité

● quelle équité ?● Je veux préserver des acquis culturels● Je veux protéger « la Nature », la biodiversité, etc.● ...

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Discussion initiale

Revenons à la question initiale :Pourquoi n'agit-on pas ?

Il y a trois éléments dans cette phrase :● agir : quelle forme d'action, quels objectifs

→ ce n'est pas le sujet de cette session mais est évidemment important● on : ça peut être des individus, des groupes sociaux, des nations,

des institutions publiques, des entreprises, des associations,des institutions supra-nationales, …

→ nous partirons de l'individu, pour aller vers des groupes ou institutionsplus larges (sans exhaustivité)

● pourquoi pas : c'est le vif du sujet ;-)

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Références

Principales références utilisées :● Sébastien Bohler, Le bug humain - pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire

la planète et comment l'en empêcher, Robert Laffont, 2019● George Marshall, Don't even think about it – why our brains are wired to ignore

climate change, Bloomsbury, 2014 (version française : Le syndrome de l'autruche)● Per Espen Stoknes, What we think about when we try not to think about global

warming, Chelsea Green, 2015

Quelques autres références :● Daniel Kahneman, Thinking – Fast and slow, Penguin, 2012● Christian Morel, Les décision absurdes (deux volumes), Gallimard, 2013● Naomi Oreskes et Erik M. Conway, Merchants of doubt: how a handful of

scientists obscured the truth on issues from tobacco smoke to global warming,Bloomsbury, 2011

● Jean-Luc Roques et Corinne Berger, Le paradoxe environnemental, E.M.E., 2015● John Manoogian III et Buster Benson, Cognitive Bias Cheat Sheet,

https://betterhumans.coach.me/cognitive-bias-cheat-sheet-55a472476b18(version française : https://www.penser-critique.be/wp-content/uploads/2018/02/codex-biais-cognitifs.pdf)

● Robert Gifford, The Dragons of Inaction – Psychological Barriers That LimitClimate Change Mitigation and Adaptation, American Psychologist, 66(4):290–302, 2011

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Plan de la session

1) Discussion initiale2) Biologie3) Cognition, psychologie4) Institutions, idéologies, dogmes, croyances

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Biologie

Il existe des raisons biologiques (en particulier, neurologiques) qui fontqu'il est difficile à :● Percevoir les enjeux environnementaux● Accepter les enjeux environnementaux● Se projeter dans les solutions requises● Agir

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Biologie

Cortex : siège de l'intelligence – parler,imaginer ce que pense autrui, fabriquerdes outils, mémoire, planification, etc.

Amygdale : émotions (peur, tristesse, colère)

Hypothalamus : régule la faim, la température, les désirs sexuels

Striatum : composé du noyau accumbens, du noyau caudé etdu putamen. Connecté à la plupart des zones du cortex.

Aire tegmentale ventrale : plus bas que le striatum, à la limite de la moelle épinière(qui régule nos réflexes primaires et certaines fonctions végétatives telle que larespiration) ; petit groupe de neurones, fabrication de la dopamine, « livraison » austriatum

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Biologie

Circuit de la récompense : Lorsqu'uneaction motrice aboutit à un résultat positif(manger, copuler, etc.), le striatum libèrede la dopamine

→ procure un sentiment de plaisir→ renforce les circuits de commande

neuronaux ayant contrôlé l'action(une forme d'apprentissage donc)

Il ne provoque pas que du plaisir mais aussi du désir (il s'activependant la phase d'anticipation d'un plaisir à venir).→ Outre la récompense, le striatum incite à l'action (un striatum

endommagé peut enlever la capacité de désirer quoi que ce soit).

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Biologie

Le cerveau humain est programmé pour poursuivre quelques objectifsessentiels, basiques, liés à sa survie à brève échéance :● Se nourrir● Se reproduire, donc trouver un partenaire sexuel● Acquérir du pouvoir, un statut social● Glaner un maximum d'informations sur son environnement● Faire tout ça avec un minimum d'efforts

Le striatum ne connaît pas de limites (il récompense tout ce qu'on« lui donne »).Cela a pu être utile dans notre évolution, mais à une époque où lesbesoins voire désirs sont « faciles » à satisfaire, cela peut poserproblème...

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Biologie

Se nourrir :● Autrefois, la nourriture était difficile à obtenir (chasse et cueillette).

L'évolution a favorisé les êtres capables de « manger le plus »,même au-delà de leur faim (pour combler la rareté des proies, ladifficulté d'en faire).

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Biologie

Acquérir du pouvoir, un statut social :● Autrefois : les meilleurs chasseurs jouissaient de portions

alimentaires plus importantes, d'un meilleur accès à des partenairessexuels et donc de meilleures chances de se reproduire

● Importance même passive : on aime regarder d'autres s'affronter.Voir quelqu'un gagner dans une compétition produit une stimulationpositive dans le cerveau et incite à redoubler d'attention

→ Probablement, savoir repérer les leaders de la bande a étéune condition de survie (formation d'alliances)

● Pulsion de comparaison sociale● Ça vaut aussi pour des jeux : gagner un jeu vidéo contre une

personne active le striatum, contrairement à une victoire contre unemachine !

→ Importance de la comparaison sociale● Des études anthropologiques suggèrent que l'envie de dominer a

constitué un avantage reproductif(1 personne sur 200 aujourd'hui serait un descendant direct de Gengis Khan;-))

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Biologie

Acquérir du pouvoir, un statut social :● Importance de la comparaison sociale : le salaire relatif (à celui de

collègues) est plus important que le salaire absolu.Idem pour sa maison, sa voiture, …

● Le désir d'afficher un statut social élevé peut prendre le dessus surd'autres pré-occupations (« environnementales » typiquement)

→ l'industrialisation, la production de masse et bien sûr lemarketing ont alimenté ce désir

● Charles Kettering (VP General Motors dans les années 1920) :« La clé de la prospérité économique, c'est la création d'uneinsatisfaction organisée. »

● Extrait d'un rapport de 1929 commandité par Herbert Hoover (président. US) :● « L'enquête démontre de façon sûre ce qu'on avait longtemps tenu pour vrai

en théorie, à savoir que les désirs sont insatiables ; qu'un désir satisfait ouvrela voie à un autre. Pour conclure, nous dirons qu'au plan économique unchamp sans limites s'offre à nous ; de nouveaux besoins ouvriront sans cessela voie à d'autres plus nouveaux encore, dès que les premiers serontsatisfaits. […] La publicité et autres moyens promotionnels […] ont attelé laproduction à une puissance motrice quantifiable […] Il semble que nouspouvons continuer à augmenter l'activité […] Notre situation est heureuse,notre élan extraordinaire. »

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Biologie

Acquérir du pouvoir, un statut social :● De la « pub » pour macaques : une expérience récente soumettait

des singes à des logos de marques et diverses autres images. Leslogos n'attiraient pas particulièrement leur attention. Après les avoirassociés à des images de membres de bon standing de leurcommunauté (des célébrités en quelque sorte ;-)), les singes ontcommencé à les rechercher prioritairement.

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Biologie

Glaner un maximum d'informations sur son environnement● Notre cerveau analyse en continu des informations (des stimuli)

dans notre environnement→ infobésité→ « guerre de l'attention » (médias, jeux, publicité)

● On n'a plus le temps de penser :● Connectivité continue : syndrome FOMO (fear of missing out), la

peur de rater quelque chose● Comparaison sociale continue (nombre de likes et d'amis sur

Facebook, etc.)● Possibilité continue de se distraire

● Jeux de hasard : une expérience a montré qu'au début, le striatumlibère de la dopamine quand on gagne, mais qu'au fur et à mesure,cette activité est maximale en situation d'incertitude maximale sur lerésultat du jeu... (une source pour l'addiction aux jeux)

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Biologie

Toujours plus :● Le circuit de la récompense est un moteur pour l'apprentissage :

lorsqu'une activité fournit un résultat positif, récompense (dopamine).● Toutefois : lorsqu'on répète l'activité, l'activation du circuit a lieu dès

l'anticipation du résultat final.● Si le résultat n'est pas comme attendu, l'activation devient négative

(et on va changer de comportement)● S'il est comme attendu, activation normale mais sans plus● S'il dépasse l'attente, activation forte

→ « mon cerveau me récompense si j'obtiens plus quela dernière fois »

→ on s'habitue vite à : une promotion au travail, une nouvellevoiture chouette, etc. et on se met à vouloir plus (unenouvelle promotion, une voiture plus belle encore, etc.)

→ en même temps, nous ne supportons pas de perdre leposte et la voiture, une fois acquis et nous y accrochons(aversion aux pertes) : une explication pourquoi ons'accroche au pouvoir ;-)

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Biologie

Préférence pour l'immédiateté :● Dévalorisation temporelle : plus un avantage est éloigné dans le

temps, moins il a de la valeur pour notre cerveau.L'anticipation d'un plaisir active le circuit de la récompense. La forcede cette activation est corrélée avec le délai entre l'annonce de larécompense et sa survenue effective.

● Pourquoi tout ça ? A priori parce que, quand l'avenir est incertain,mieux vaut se saisir de ce qui se présente à nous, tant que nous enavons l'opportunité (avantage en termes de survie)

● Expériences « chamallow » de Walter Mischel dans les années 1950● « Lutte » entre le striatum et le cortex frontal● Le pouvoir inhibiteur du cortex (ou plutôt, de valoriser des

récompenses futures) est lié à l'éducation et au milieu socio-culturel(processus de myélinisation, faisceau frontostriatal)

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Biologie

Préférence pour l'immédiateté :● La possibilité accrue d'avoir « tout » « tout de suite » (nourriture,

argent-crédit, sexe, etc.) semble diminuer notre capacité d'attente,de patience

● Nombreux effets : valoriser le temps court au détriment du tempslong, le temps au détriment de l'impact écologique, le fast-food,etc.

● Les solutions les plus rapides (portail de fournisseur sur internet,transport, etc.) gagnent économiquement.Incitation à une économie en flux tendu.

● Idem pour l'accès à l'information : priorité aux messages courts,poignants, de moins en moins de place pour une recherched'information approfondie, etc.

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Biologie

Récapitulatif● Le striatum pousse donc à la consommation, a priori sans limites,

sauf qu'il essaie quand même de le faire en dépensant le moinsd'effort possible...Cela limite la consommation et d'autres penchants, mais encourageégalement l'acceptation de nouvelles technologies permettant defaire plus de choses avec moins d'effort...

● Tensions entre :● Il faut travailler (le travail conditionne en partie le statut social)● Naturellement, on veut faire le moins d'effort possible● On voudrait manger le plus possible, avoir plus qu'autrui, etc.● → Ces tensions sont régulées par des normes sociales etc.

● Pas de déterminisme biologique donc : les « penchants naturels »sont régulés par des normes sociales, l'éducation, etc.

● Mais : il existe des causes biologiques qui biaisent notre capacité àpercevoir les enjeux environnementaux, à agir

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Plan de la session

1) Discussion initiale2) Biologie3) Cognition, psychologie4) Institutions, idéologies, dogmes, croyances

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Perception

Les problèmes environnementaux sont difficiles à percevoir par nossens :● Ils sont inodores, n'ont pas de couleur, etc.● Ils sont distants dans le temps et dans l'espace● Quoique : est-ce vraiment le cas ?

● Peut-être plus important que la distance dans le temps est lavitesse apparente des changements :

● Points de référence glissants : les habitants de l'île dePacques ont certainement vu s'éroder la taille de leur forêts,mais peut-être de l'ordre de quelques pour-cent pargénération. Quand les anciens parlent des forêts d'antan, est-ce que ça touche véritablement ?

● Le cerveau humain ne comprendrait pas l'exponentielle...● De plus : pour voir la perte de la biodiversité, il faudrait

habiter à la campagne (et encore).De plus en plus de gens habitent en ville et/ou loin de l'endroitoù ils ont grandi → difficile de voir les évolutions à long terme

● Autre glissement : on s'habitue aux mauvaises nouvelles, destornades intenses et fréquentes deviennent vite la règle

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Perception

La présentation des enjeux environnementaux rend difficile leurperception :● Quelles sont les images typiques associées aux changements

climatiques ?● Des ours polaires en détresse, la banquise qui fond, etc.

→ c'est vraiment très loin de nous...

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Perception

La présentation des enjeux environnementaux rend difficile leurperception :● Quelles sont les images typiques associées aux changements

climatiques ?● Des ours polaires en détresse, la banquise qui fond, etc.

→ c'est vraiment très loin de nous...

● Quelles sont les unités utilisées dans la présentation des enjeux ?● Les fameux 2 degrés :

● Ce n'est pas percutant, ça paraît au final assez clément● Ce chiffre cache qu'il s'agit d'une moyenne, qu'il y a des

régions où cela représente 6° ou plus, parfois là où il fait déjàtrès chaud (là, on commence à mieux ressentir la signification du chiffre)

● Les émissions de CO2 sont mesurées en kg :● Mais, ça représente quoi, un kilo de gaz, pour nos sens ?● Ça ne nous touche pas, ce n'est pas une notion que nous

avons l'habitude de manipuler

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Perception

1 tonne de CO2 représente :● un volume de 534m3 à 15°● une piscine carrée de 8,12 mètres de côté● un volume plus important qu’un bus à 2 étages

[https://www.consoglobe.com/represente-tonne-c02-4127-cg]

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Perception

Pour émettre 1 tonne de CO2, il faut :• environ deux semaines à un Américain,• un peu plus d’un mois à un Européen,• une année à un Indien.

L’impact en CO2 de notre nourriture – pour produire 1 tonne de CO2,il faut :• 4700 kilos de pommes de terre• 1200 kilos de pain• 100 kilos de viande bovine

[https://www.consoglobe.com/represente-tonne-c02-4127-cg]

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Perception

L'importance des mots :● Environnement : ce qui nous entoure, mais pas « nous »● Nature : idem, l'imaginaire occidental moderne ne nous voit pas

comme faisant partie de la Nature● Changements climatiques : c'est le climat, pas « nous »● Changements climatiques vs. réchauffement climatique● Low-tech● Smart, propre, durable● Incertitude● …

Globalement, même en connaissant les faits scientifiques, il sembledifficile de ressentir les enjeux environnementaux (par manque demeilleur mot) « dans les tripes »

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Perception

On donne souvent l'exemple de la mobilisation des Américains aucours de la 2ème guerre mondiale, pour inciter une mobilisationsimilaire pour l'environnement.Mais :● Il n'y a pas d'ennemi précis, personnifié● La mobilisation des Américains était renforcée par des valeurs

partagées (Hitler et les nazis symbolisaient pratiquement « le Mal »)→ une mobilisation similaire nécessiterait un large partage de

valeurs adéquates (voir intro et prochaine partie)

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Biais de raisonnement

La psychologie expérimentale a mis en évidence de nombreux biaisdans le raisonnement humain, dans la prise de décisions (voir aussi labranche de l'économie comportementale) :● Utilisation biaisée de connaissances (au sens Bayésien) :

● On n'appliquerait pas naturellement un raisonnement Bayésien (quoique celasemble faire encore débat), e.g. biais d'optimisme

● Principe de précaution : on l'applique naturellement par réflexe. Par exemple,il est mieux pour la survie dans la nature de supposer a priori qu'un animalqu'on voit bouger peut nous manger que l'inverse. Cela est une base pour lesstéréotypes...

● On s'accommode souvent de la 1ère explication/solution/référence trouvée● Généralement, on raisonne plus par analogie, par saillance, par récits, que

par « calcul probabiliste »● Un récit qui interpelle contient un mobile, un acteur, un effet. Comparons :

« Les données disponibles amènent la plupart des scientifiques à suggérerque nos émissions peuvent heurter le climat. » versus« Des scientifiques crapuleux conspirent à produire des donnéesaberrantes afin d'obtenir plus de financements pour leurs recherches. »

● Stalin : « La mort d'un homme est une tragédie. La mort d'un milliond'hommes est une statistique. »

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Biais de raisonnement

La psychologie expérimentale a mis en évidence de nombreux biaisdans le raisonnement humain, dans la prise de décisions (voir aussi labranche de l'économie comportementale) :● Biais de confirmation : On donne plus de poids à des arguments qui

confirment ce que nous pensons déjà→ bulles, effet micro-trottoir...

● Aversion aux pertes : le sentiment lorsqu'on perd un objet, un statutsocial etc. serait deux fois plus fort que celui éprouvé lors du gainéquivalent

→ cela rend difficile l'acceptation de discours évoquant unedécroissance, la nécessité de faire des « sacrifices », dechanger des habitudes, de consommer moins, etc.

→ encore plus si les « gains » sont situés dans un avenir lointain

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Psychologie évolutionniste

La psychologie évolutionniste parle de cinq forces ancestrales quidictent nos comportements :● Intérêt personnel● Statut● Imitation sociale, mimétisme

● Il est efficace et confortable de suivre la majorité● Les implications actuelles pour les enjeux environnementaux

sont évidentes● Court-termisme● Vivacité d'un risque : tendance de surévaluer des risques immédiats,

spectaculaires, nouveaux, etc. Aussi, un accident qui arrive à unproche est beaucoup plus saillant que des statistiques d'accidents.

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Psychologie sociale

Une attitude consiste de trois composantes principales :● Une composante affective : quel sentiment est connecté à un objet,

une personne, un événement ? (j'aime bien les oranges)● Une composante comportementale : quel type d'action ou quel

potentiel de comportement est « contenu » dans l'attitude ?(boire un verre de jus d'orange tous les jours)

● Une composante cognitive : quelles pensées, connaissances etcroyances sont évoquées par l'objet, l'évènement ? (vitamine C)

Une attitude est forte et cohérente si les trois composantes sontalignées (j'aime les oranges et en mange quotidiennement parce qu'elles

contiennent de la vitamine C)

Une attitude peut être explicite ou implicite (consciente ouinconsciente). Dans les deux cas, elle influence par exemple à quelsfaits ou experts nous prêtons de l'attention.

Une attitude peut être apprise ou adoptée rapidement, mais estgénéralement difficile à changer après.

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Psychologie sociale

Leiserowitz et al. ont identifié 6 attitudes face aux changementsclimatiques :

La communication visant à convaincre les personnes au milieu afavorisé la composante cognitive (données scientifiques), au détrimentdes autres composantes (affective et comportementale) : difficile dechanger d'attitude.

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Psychologie sociale

Dissonances cognitives : les trois composantes d'une attitude sont enconflit.

Une issue fréquente : plutôt que de changer mon comportement, ilpeut être plus facile de changer ma manière de penser, de l'accorderavec ce que je fais déjà.

Plusieurs stratégies :● Je me convaincs que mon empreinte écologique n'est pas si grande

que ça, par exemple en me comparant à un Américain, à quelqu'unroulant en 4x4, etc.

● En fait, les preuves que les émissions de CO2 causent leschangements climatiques, ne sont pas si sures que ça, non ?L'hiver passé il a fait vraiment très froid. Ils exagèrent finalement.

● J'ai remplacé toutes mes ampoules par des LEDs, je me sens bienet je peux partir en vacances aux Maldives.

● Le déni complet : Le besoin d'être innocent face à unesituation/connaissance troublante.

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Psychologie sociale

Le plus souvent, les comportements déterminent les attitudes, pas lesattitudes les comportements...

Relations sociales :● D'un côté, nous essayons d'avoir des attitudes cohérentes● De l'autre, nous essayons d'avoir des attitudes similaires à celles de

nos amis (et différentes de celles de nos adversaires)→ une source supplémentaire de dissonances

● De plus : plus nous supposons que des amis ou d'autres personnesde référence ont une certaine attitude ou simplement desinformations sur un sujet, plus nous avons tendance à nouscomporter comme eux (y compris ne rien faire...)

● Clive Hamilton : « Denial is due to a surplus of culture rather than adeficit of information. »

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Psychologie de l'identité

L'identité sociale/culturelle influence ce qui est perçu comme faits etrisques.

Biais de confirmation (voir plus haut) :● Encore plus fort s'il concerne des valeurs ou l'identité● On attribue (beaucoup) plus de poids à des experts qui ont des

attitudes ou valeurs similaires aux nôtres● Des faits contraires communiqués par d'autres experts peuvent

même renforcer ma position (e.g. en développant une théorie ducomplot)

● En ce qui concerne la science des changements climatiques, il amême été observé que plus une personne climatosceptique estde formation scientifique, plus elle résiste aux faits !

● Cela a été observé empiriquement dans des entreprises : plusles gens sont diplômés, plus ils ont tendance à persister dansl'erreur ;-)

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Psychologie de l'identité

Biais de confirmation :● Non seulement on attribue beaucoup de poids à des experts qui ont

des attitudes ou valeurs similaires aux nôtres● Aussi, on se méfie des opinions/faits émis par des personnes qui ont

quelques attitudes différentes des nôtres

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Impuissance

Même si on comprend et accepte l'existence des enjeuxenvironnementaux, on peut se sentir démuni :● Même si on agissait rapidement, les effets bénéfiques n'auraient lieu

que beaucoup plus tard● Et il n'est même pas sûr qu'on peut encore sauver les meubles● On ne se sent pas en contrôle de la situation (« c'est d'autres qui ont

le pouvoir de changer des choses, de toute façon, mon action nechangerait rien », etc.)

● On est pris dans divers engrenages qui rendent l'action difficile, voirla prochaine partie