Petit Manuel d’Humanité Cahier 12-Ombres et Lumières

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    1/42

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    2/42

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    3/42

    Ombres et Lumires

    183

    offres dargent, grains, tourtes, graisses, soit sanglants avec des immo-lations animales.

    Du Sang sur les Autels.

    Les animaux sauvages ne sont pas sacrifiables et il sagit donc tou-jours danimaux domestiques, pigeons, colombes, poulets, chiens,chvres, moutons, porcs, veaux, boeufs, parfois chevaux (dans derares occasions). Les plus beaux sont choisis, consacrs, puis rituelle-ment gorgs, souvent par un sacrificateur spcialis. Le sang est en-suite rpandu en libation sur le sol ou sur un autel. Les corps sontconsums par le feu mais, le plus souvent, une partie seulement dusacrifice est brle. Les prtres et lassistance se partagent les restes.Dans les grandes occasions, la consumation est totale. Il sagit alorsdun holocauste.

    Lescalade croit cependant en importance. Comme lon offre souventdes esclaves aux princes, on en arrive logiquement offrir au dieu deslments humains. On commence par sacrifier seulement quelquesorganes corporels non vitaux mais symboliques, (souvent lis lareproduction, circoncision des garons ou excision des filles). Onsacrifie ensuite des fonctions existentielles plus larges, par exemple envouant la dure de la vie entire au service de la divinit, ou enconfondant la puret sacerdotale et la virginit perptuelle, (commeles Vestales antiques, les druidesses gauloises, et les prtres clibatai-res modernes). Cette progression dchelle, invitablement, conduit un

    jour aux sacrifices humains, parfois mme massifs. Nous avons vu queles Hbreux sacrifiaient YHWH la plupart des villes conquises ettout ce qui y vivait. A cet gard, la lecture de la Bible est absolumentpouvantable. Sachez que cette pratique tait frquente chez les peu-

    ples smites, mais aussi dans dautres civilisations telles celles desEgyptiens, des Grecs, (souvenez-vous dIphignie), ou des Celtes. Elleexistait galement ailleurs dans le monde, et lon peut ici donnerlexemple des terrifiantes coutumes des Aztques.

    Les Mso-amricains croyaient en un grand dieu de la foudre et de lapluie qui portait diffrents noms selon les peuples, Tlaloc, Aksin, Tza-hui, Cocijo, Nohotsyumchac. Toute eau provenait de la mer divine.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    4/42

    LArgile et lme.

    184

    Souvent identifie la Lune, Chalchihuitlicue, leau tait un symbolede vie, de mort, et de rsurrection. Elle tait place sous la protectionde divinits fminines auxquelles des jeunes filles vierges et des jeu-

    nes enfants taient offerts en sacrifice. Ici, la terre est la fois un lieude gense et de dissolution qui dispense les aliments et mange lescadavres. Il unit ainsi les contraires en son sein et fusionne la mort etla vie.

    Chez les Aztques, la cration originelle fut marque par des pisodesviolents qui ont amen la destruction de quatre soleils successifs. No-tre monde reste instable sous le cinquime, marqu par lunion de lavie et de la mort. Lhomme est compos de cinq lments, le principevital, le mouvement, lme prexistante qui survit aussi la mort,lesprit de connaissance, et lombre animale. Cest au creux de la terreque Quetzalcoatl, le Serpent Plumes, le dieu civilisateur aztque, est

    all chercher les ossements partir desquels furent crs les hommes,en les arrosant du sang des dieux.

    La cration de lhumanit est prcisment due ce sacrifice collectifdes dieux qui en demandent la juste rtribution. Il est donc ncessairede les prier et de leur offrir des offrandes. Mais il faut surtout les nour-rir de leau prcieuse, le sang des innombrables victimes que les Az-tques devaient verser sans retenue pour empcher la menaantedestruction de lunivers. Chaque matin, le Soleil sortait affaibli delempire des morts et il devait tre revitalis par un sacrifice sanglant.Dans les temps anciens, les fidles extrayaient eux-mmes une partiede leur propre sang avec des aiguilles. Ce ntait pas suffisant et, par

    la suite, dhorribles sacrifices humains trs sanglants furent pratiqusen nombre considrable, (vingt-cinq mille victimes en un seul jourselon les conqurants espagnols). Le sang tait llment sacr essen-tiel et les repoussants sacrificateurs aztques ntaient jamais autoriss laver les traces de ses affreux jaillissements.

    Chez les Incas, au 15me sicle, Inti, le Soleil, tait le dieu majeur, lefondateur dynastique dont les despotiques empereurs taient les fils.De nombreux temples lui taient consacrs. Ils contenaient de fabu-leuses richesses et disposaient dun personnel important, prtres, de-

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    5/42

    Ombres et Lumires

    185

    vins, serviteurs, et les nombreuses vierges du Soleil, chastes vestaleschoisies pour leur beaut. Elles taient parfois voues au harem delInca, lempereur, ou donnes en prsent ses invits, mais elles

    taient frquemment sacrifies au cours des grandes crmonies rituel-les.

    Accorde la vie et la prosprit mes enfants, mes serviteurs.

    Fais se multiplier et crotre ceuxqui ont pour devoir de talimenter et dassurer ta survie,

    ceux qui tinvoquent sur les chemins,dans les champs, au bord des rivires,

    lombre des arbres (...).(Prire au Coeur du ciel - Popol Vuh).

    Vous constatez que ces pratiques effroyables ne semblaient par rel-lement gner la ferveur des fidles qui priaient les dieux avec dtache-ment. On voit cependant que lon trouve pourtant dans leurs priresles traces dun questionnement inconscient, dun dbut imprcis deculpabilit, dmarche qui les pousse voquer laccomplissementdun devoir sacr.

    Chez les Grecs, laction sacrificielle parat galement lie un symbo-lisme cosmogonique. Elle peut tre associe la lgende de Prom-the. Au temps mythique de lge dor, les dieux et les hommesvivaient encore ensemble. Ils partageaient un repas commun lorsquilsdcidrent de se sparer. Ils chargrent Promthe de leur partager le

    monde. Pour accomplir sa tche, le Titan abattit un boeuf, fondantainsi le sacrifice sanglant comme mode relationnel entre les hommeset les dieux. Il en fit deux parts, toutes deux truques, lune agrable-ment apprte camouflant les seuls os dnuds, lautre cachant la chaircomestible sous un aspect repoussant. Zeus feignit de se tromper. Ilchoisit les os, laissant la viande aux hommes. En consquence, ceux-cidemeureront toujours des cratures avides, affames de cadavres, tan-dis que les dieux, nourris de fumes et de parfums, resteront jamais,

    jeunes, immortels et incorruptibles.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    6/42

    LArgile et lme.

    186

    Zeus punit cependant la fraude en enlevant aux hommes le feu clesteet les grains dabondance, deux biens dont ils disposaient librement.Ils ne peuvent pas cuire leur viande et cultiveront devront la terre pour

    se nourrir. Mais Promthe drobe un jour aux dieux une semence dufeu. Il la porte sur la Terre et les hommes retrouvent la possessiondune flamme prcaire quil faudra bien entretenir. Parmi toutes lescratures terrestres, ils ne mangeront plus que des aliments cuits, seuls

    propres la consommation. Zeus vengera aussi cette nouvelle offense,le vol du feu. Pour la punir, il inventera la Femme, Pandora (le dondes dieux), un redoutable pige destin aux hommes. Elle alapparence, la grce et la sduction dune desse immortelle, maisHerms a cach lintrieur mille horribles dfauts (qui me font sou-rire mais que je ne dcrirai pas pour pargner les sensibilits fmini-nes). Sur lordre de Zeus, (belle excuse), Pandora, (la tratresse),ouvrira la jarre qui contient tous les Maux. Ils se rpandront jamais

    sur le Monde en se mlant tellement aux Biens quon ne pourra plusjamais les distinguer.

    Accomplir les rites sacrificiels grecs, cest tablir un contact avec lesdieux par une double commmoration, celle de la tche accomplie parle Titan protecteur, et celle de la leon donne par Zeus, que les hom-mes affirment avoir comprise. En laccomplissant, les hommes signi-fient quils acceptent maintenant la place alloue par Zeus, les situantentre les btes et les dieux. Le rite, ainsi que le repas collectif quilaccompagne, rappellent que les hommes et les dieux sont au-

    jourdhui spars, quils ne vivent ni ne mangent plus ensemble. Onne peut tromper Zeus ni tenter de sgaler aux dieux sans devoir en

    payer le prix. Celui-ci est lloignement du divin et lobligation devivre sur cette terre o rien ne sobtient sans effort, et o se mlenttoujours le bonheur et le malheur, la joie et la peine, le Bien et le Mal.

    Le sacrifice grec est un contact sacramentel avec les dieux.

    Il y a, par ailleurs, dautres lgendes explicatives ou justificatives,comme vous le voudrez. Voici celle de Spatros. Au commencement,les hommes noffraient aux dieux que des vgtaux et des crales. Un

    boeuf revenant des champs sapprocha dun autel et dvora les offran-

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    7/42

    Ombres et Lumires

    187

    des. Horrifi par le sacrilge, son bouvier, Spatros, labattit surplace, polluant leau du sacrifice et ajoutant un second et grave sacri-lge au premier. Impur, car souill par le sang de lanimal, il senfuit

    en Crte, laissant ses compagnons le soin de rsoudre le problme.Incapables de mettre un terme la maldiction qui desschait le pays,les hommes consultrent la Pythie dApollon Delphes. La rponsefut que le meurtrier devait tre chti. Le chtiment consistait dans lerenouvellement du meurtre sacrilge du boeuf sur lautel, et les hom-mes devaient consommer solidairement toute la chair de la victime.

    Nourri du grain destin aux dieux, le boeuf devenait lui-mme la nour-riture des hommes. Ceux-ci ne pouvaient cependant sacrifier un autre

    boeuf sans ramorcer la chane sacrilge. Spratos laurait pu car iltait dj meurtrier, mais il tait en fuite. On le fit citoyen de la Citafin dtablir la solidarit des hommes dans cette preuve. Et cestfinalement linstrument du meurtre, le couteau, lgorgeoir, qui fut

    dclar lauteur effectif de lacte coupable. Il fut rituellement jet dansles profondeurs marines.

    Lexistence de ces justifications montre bien que la mise mort desanimaux sacrificiels ne laissait pas tous les Grecs indiffrents. Parmieux, certains refusaient la violence faite aux btes et ne participaient

    pas aux repas rituels. Cette attitude marginale tait cependant consid-re comme impie, mettant en cause tout ldifice social de la cit.Mais les disciples de Pythagore, et surtout les fidles vgtariensdOrphe, adorateurs pacifiques dApollon, se tenaient lcart des

    pratiques sacrificielles meurtrires. Ils dsiraient se rapprocher desdieux par lasctisme, en ne salimentant que de nourritures incorrup-

    tibles.

    Dans cette religion solaire, Orphe, le fils de Calliope la Belle Voix,muse de lloquence et de la posie pique, a deux pres. Le premierest terrestre, le roi Oeagrus, le second est cleste, Apollon, le dieu dela lumire et le protecteur des muses. Cest lui qui initia Orphe lamusique. Ici, le hros nest pas mort dchir par les Mnades pour lesavoir ddaignes et exclues de ses Mystres. Il fut foudroy par Zeus

    pour avoir rvl, aux fidles, les secrets dcouverts lors de sa visiteau royaume des morts. Remarquez-vous que lon commence dcou-

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    8/42

    LArgile et lme.

    188

    vrir une caractristique remarquable des pratiques sacrificielles, laprsentation dune excuse justificative devant les ractions motivesde rejet.

    Les pratiques sacrificielles associent devoirs et remords.

    Le vrai sacrifice se traduit toujours par une douleur. Or, cest la valeurmme de cette souffrance, ne de limportance de la privation, quimesurerait le mrite rel du donateur. A limportance de la souffrancesupporte correspondrait un degr de la vertu.

    - Les offrandes de libations, nourriture, argent ou petits biens person-nels sont du faible mrite car aisment remplaables. Les immolationsdanimaux montent sensiblement dun degr et prparent le suivant.- Cependant, au premier niveau du sacrifice humain, les victimes sont

    prises chez les ennemis capturs, ou chez les esclaves. Ils reprsententencore des biens remplaables. Leur valeur mritoire reste relative-ment modre.- Le mrite progresse fortement avec le sacrifice dtres chers, tout fait irremplaables, tels les premiers ns des familles comme Car-thage, ou celui des Vierges du Soleil et des tout petits enfants chez lesAztques.- A partir de cette progressive monte en valeur, on peut concevoircomment la mort dtres humains ordinaires, quels quen soit le nom-

    bre ou la qualit, puisse tre considre comme insuffisante si lacontre-valeur dchange consiste dans le salut de tout le genre humain.Le sacrifice rclame alors un niveau supplmentaire impliquant lamise mort dun hros ou dun dieu. Cest bien ce que nous avonstrouv dans toutes les mystrieuses religions de salut passes en revuedans les prcdents chapitres.- Le sommet est atteint dans le Christianisme, o le fils unique duDieu Suprme lui-mme est sacrifi. Pour comprendre la significationet lorigine du signe, il faut revenir la Bible. Souvenons-nous que lesHbreux, comme tous les peuples antiques, tendaient garantir pardes gages prcieux les alliances contractes avec les puissants. Tradi-tionnellement, pour gager la conclusion dune alliance entre chacundes patriarches et son trs puissant dieu, une antique coutume, assez

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    9/42

    Ombres et Lumires

    189

    rpandue chez les divers Smites, rendait obligatoire le sacrifice dutrs prcieux fils premier-n. (Abraham et Isaac). Voici quelques ex-traits bibliques.

    Tu apporteras la maison de lEternel, ton Dieu,les prmices des premiers fruits de la terre (..).(Exode 34/26).

    Tu ne diffreras point de moffrir les prmicesde ta moisson et de ta vendange.

    Tu me donneras le premier-n de tes fils.(Exode 22/29).

    Tu me donneras aussi le premier-nde ta vache et de ta brebis.

    Il restera sept jours avec sa mre.

    Le huitime jour, tu me le donneras.(Exode 22/30).

    Tout mle premier-n mappartient,mme tout mle premier-n dans les troupeaux

    de gros et de menu btail.(Exode 34/17).

    Tu rachteras avec un agneau le premier-n de lne,et si tu ne le rachtes pas, tu lui briseras la nuque.

    Tu rachteras tout premier-n de tes fils,et lon ne se prsentera point vide devant ma face.

    (Exode 34/20).

    LEternel dit Mose. Ecris ces paroles,car cest conformment ces paroles

    que je traite alliance avec toi et avec Isral.(Exode 34/27).

    On constate que la coutume est intgre la Loi et quelle constituebien le gage de la premire alliance contracte entre YHWH dunepart, Mose et Isral dautre part. Elle simpose donc tous les

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    10/42

    LArgile et lme.

    190

    contractants, mme si le rachat de la vie du fils a t finalement autori-s, (aprs dailleurs celui du premier-n de lne). Lapparition decette notion dun sacrifice humain gageant une alliance contracte

    entre Dieu et les hommes est trs importante. Elle est lorigine duconcept chrtien de la conclusion dune nouvelle alliance, contractepour le rachat dabord des juifs, puis de lhumanit. Etablie surlinitiative du Dieu des Juifs, elle est gage par la mort effective deson Fils, laquelle il consent. Mais celui-ci est aussi le fils delHomme, et quand son meurtre est perptr par ces hommes qui sontses pres dans la nature terrestre, le rituel fondateur, tabli originelle-ment par YHWH, est de nouveau accompli. Lalliance est alors rta-

    blie. La confirmation de ce point de vue est lvidence donne par laformulation de ces paroles sacramentelles de la conscration que lonrapprochera utilement des versets bibliques. (Notez que les vangilesdisent et pour dautres, non pas multitude).

    Prenez et mangez, car ceci est mon corps, livr pour vous.Prenez et buvez car ceci est mon sang,

    le sang de la nouvelle et ternelle alliance,qui sera vers pour vous et pour la multitude,

    en rmission des pchs.

    Dans la marche progressive vers davantage de spiritualit, cette notionde sacrifice contractuel, ou dun autosacrifice, mme si on lappliqueseulement des fragments de la personnalit, me parat constituer uneerreur. Dun point de vue personnel, je pense que toute amputation deltre total et unique quest chacun de nous est une dgradation quand

    elle est ralise par la seule mise en oeuvre de la volont. Si quelquechose doit tre transform dans un homme, qui est seul juge de ce

    besoin, la volont nest pas concerne. Seul le face--face avec le Dieuintrieur dont chaque homme est la fois limage et lenfant, peutrvler ltat actuel dinsuffisance de son tre. Le sacrifice impos na

    pas de sens. La prise de conscience de limperfection et de la ncessitde la dpasser, oprera, sil y a lieu, par elle-mme, la transformation.Cela se traduira par un changement naturel, non pas impos. La volon-t ne se confond pas avec la conscience de soi. Il me semble bien que

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    11/42

    Ombres et Lumires

    191

    lautomutilation volontaire, mme si elle concerne seulement les plai-sirs simples et la joie de vivre, na rien faire ici.Le prcdent chapitre a expos les ides syncrtiques des coles et des

    philosophies issues des traditions assyriennes, gyptiennes, noplato-nicienne et grco-romaine. Lessor du Christianisme a touff pro-gressivement dautres importants courants de pense que nous allonssurvoler maintenant. Ils exprimaient le dsir de prserver les convic-tions religieuses traditionnelles ou le refus des concepts imposs parles nouveaux mentors. Selon quils apparaissaient au-dedans ou au-dehors du Christianisme, leurs tenants furent considrs comme deshrtiques ou des paens, les deux catgories tant identiquementvoues la destruction en ce monde et la damnation ternelle, danslautre.

    Le Gnosticisme.La Gnose dit Henri-Charles Puech, sefforce de

    rpondre plusieurs questions fondamentales.

    Sil y a un Dieu , pourquoi tant de mal dans lunivers ?Pourquoi tant de religions sur Terre au lieu dune seule ?

    Les Gnostiques rpondent quavoir la Gnose, la connaissance, cestconnatre ce que nous sommes, do nous venons, o nous allons, ce

    par quoi nous sommes sauvs, quelle est notre naissance et quelle estnotre renaissance.

    La Gnose nest pas une hrsie ne du Christianisme.

    Cest un systme de pense indpendant, probablement issu du V-dnta, enracin dans la tradition antique, sexprimant conscutivement une rvlation. Il cohabite avec diffrentes coles, lHermtisme, oule No-Platonicisme de Plotin, puis le Christianisme. Malgr la paren-t iranienne indniable qui rapproche les sources essniennes duChristianisme et les racines indiennes de la Gnose, les deux courants

    professent des ides diffrentes concernant le Monde et lHomme. Lesystme gnostique concurrence donc les cultes et mythes spcifique-ment chrtiens. Cependant, il influence parfois la nouvelle religion

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    12/42

    LArgile et lme.

    192

    chrtienne, ou lui emprunte un certain nombre dimages, symboles, oudonnes.Les Gnostiques enseignent que le Monde Originel, (le Royaume de

    Dieu), et le Monde Naturel, (celui o nous vivons), sont de deux natu-res parfaitement distinctes. Ce thme des deux natures est tellementfondamental dans le Gnosticisme, quil est suffisant pour caractri-ser une religion de type gnostique.

    Le Monde Originel nest sujet ni au temps ni la transformation. Ilprogresse continment de magnificence en magnificence, perfection-nant sans cesse sa nature de Royaume Divin. Les agents de cette pro-gression sont les sizygies dons. Ce sont des vagues de vie, desgroupes dentits spirituelles charges de la puissance divine. Ellescrent, dans la ralit, lexpression du plan idal divin. La complexitde lunivers saccrot, et de nouveaux ons, plus clairs et plus sages,

    apparaissent successivement pour administrer son dveloppement. Lacollectivit de ces travailleurs divins est appele Plrme, et la vaguede vie de lHomme Originel est lAdam, le dernier modle paru, le

    plus achev de ces ons.

    Les esprits adamiques qui en font partie sont aussi les plus autonomes.Certains usent imprudemment de la libert nouvelle dont ils sont do-ts. Alors que ladministration du monde matriel leur est confie, ilsappliquent leurs facults neuves leur propre dveloppement. Ce d-sordre, cette erreur, cette chute dAdam, dsorganise le Plrme qui,

    pour rtablir son harmonie essentielle, isole les imprudents, (et toutesles forces oniques dont ils sont issus), dans un nouvel univers, un

    ailleurs de secours suscit hors du Monde Originel. Cest dans ce fauxmonde, changeant et disharmonieux, domaine de la lutte des opposs,cr par les ons coups du Plrme et de la pense divine, les fauxdieux crateurs, que sont tombs les esprits adamiques maladroits.Presque anantis mais ternellement vivants de par leur nature divine,ces tincelles divines habitent aujourdhui les corps animaux tempo-raires de cratures imparfaites, conscientes mais prissables, ceux deshommes naturels que nous sommes.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    13/42

    Ombres et Lumires

    193

    On relve ici un groupe de plusieurs lments spcifiquement gnosti-ques. La splendeur de lHomme Adamique qui est originellement dotdes meilleurs dons de Dieu. La chute desAdam qui est due au retour-

    nement de leurs facults cratrices vers leur propre dveloppement. Larorganisation de lharmonie du Plrme qui fait apparatre une se-conde nature et la cration conscutive dun faux monde par de fauxdieux.Ce second thme globalis est galement trs caractristiquedu Gnosticisme.

    Mais Dieu nabandonne pas ses cratures sans les secourir. Il appelle lui les esprits adamiques dans lhomme, cet ordre de secours imagin

    pour leur salut. Il claire de sa lumire spirituelle la conscience desmortels pour leur donner une connaissance surnaturelle, la Gnosis.Celle-ci leur permet de comprendre le vritable tat du Monde afinquils commencent travailler la ncessaire reconstruction du divin

    corps originel qui ouvre aux gars, par la Transfiguration, le chemindu retour au Royaume.La Gnose, cest cette totale connaissance parlillumination intrieure, la dcouverte de lappel de lEsprit, lacomprhension de la situation relle du monde, et cet engagementdans le travail de Transfiguration, tout la fois.

    On note habituellement, dans le dveloppement de cette pense gnos-tique, plusieurs priodes distinctes. Un mouvement pr-chrtien, issu de lcole dAlexandrie, en liai-

    son avec le No-Platonisme et lHermtisme. Une rencontre en comptition militante avec le Catholicisme. Un renouveau plus moderne, plus diversifi et plus modr partir

    du 16me sicle.

    En effet, ds son dbut, la Gnose sest dveloppe dans plusieursorientations. Certaines sont orientales, dualistes, antrieures et ext-rieures au Christianisme. Dautres sont plus tardives, occidentales,unitaristes, lui sont relies dune certaine faon puisque condamnescomme hrsies. Dans le courant dualiste, inspir par la pense ira-nienne, le Zoroastrisme, le monde matriel o nous vivons est mau-vais, (seulement considr du point de vue strictement humain). Il ne

    peut avoir t spcialement cr pour nous, par le Dieu-Pre auquel se

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    14/42

    LArgile et lme.

    194

    rfrent les hommes pris de bont, de justice, de vrit de lumire etdamour. Plusieurs doctrines structurantes apparaissent, associes des traditions sotriques issues du paganisme, soigneusement prser-

    ves. Elles se reconnaissent cependant toutes partir des principesfondamentaux tablis ci-dessus, qui sont la base de la pense gnosti-que.

    - Jsus a dit. Si vous ne jenez pas du Monde,vous ne trouverez pas le Royaume (...). (Thomas - Logia 27).

    - Jsus a dit. Soyez passants. (Thomas - Logia 42)

    - Jsus a dit. Pourquoi lavez-vous lextrieur de la coupe ?Ne comprenez-vous pas que celui qui a fait lintrieur

    est aussi celui qui a fait lextrieur ? (Thomas - Logia 89).

    - Chacun parlera du lieu do il est venu et il retourneraen hte dans la rgion o il a reu son tre essentiel,(...).

    Et son lieu de repos est le Plrme.Ainsi, toutes les manations du Pre sont des Plrmes,

    toutes les manations qui ont leurs racines en Celuiqui les a fait crotre en Lui.

    (Finale - Evangile de Vrit)

    - Un paen ne meurt pascar il na jamais vcu pour quil puisse mourir.

    Celui qui a cru en la vrit a vcu,

    et celui-ci court le danger de mourir car il vit. (Philippe/4)- Ceux qui disent que le Seigneur est mort dabord

    puis quil est ressuscit ensuite, se trompent,car il est ressuscit dabord,

    et puis il est mort.Si lun nacquiert pas la rsurrection dabord,

    il ne mourra pas,car, aussi vrai que Dieu est vivant,

    lui est dj mort. (Phil/21)

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    15/42

    Ombres et Lumires

    195

    - Qui possde la Gnose de Vrit est libre (..). (Phil/110).On trouve des traces gnostiques videntes dans les premiers ensei-

    gnements chrtiens, chez Paul comme dans les douze manuscritsgnostiques retrouvs Nag Hamadi, en Haute Egypte en 1945, tels lesvangiles de Thomas, de Vrit, ou de Philippe dont viennent les ex-traits ci-dessus. Lorsquelle est entre en relation avec le Christia-nisme primitif, vers le 2me sicle, la Gnose a tent de lintgrer danssa dmarche globale, car le Palo-Christianisme sotrique lui parais-sait tre enracin dans les Cultes Mystres auxquels elle stait asso-cie. Nous verrons plus loin comment elle interprte les mytheschrtiens. De leur cot, certains Chrtiens ont tent une synthse entreleur foi en un dieu unique et les ides gnostiques et no-

    platoniciennes. Les Chrtiens ont appel Gnose orthodoxe cette se-conde Gnose en lopposant la Gnose dualiste quils combattaient,

    mais ils en firent quand mme une hrsie.

    Aprs la fin du paganisme, les Esotristes et les Gnostiques tentrentencore vainement de se rapprocher du Christianisme. Mais la Gnose,tourne vers lEsprit, reprsente un danger extrme pour le Christia-nisme en raison de la richesse spirituelle quelle porte. Issu dIsral, leCatholicisme, mesure que ses dogmes se font de plus en plus radi-caux et contraignants, devient une religion conqurante dont les fid-les reprennent de plus en plus fanatiquement leur compte la vieillemission sacre dont le peuple lu se croyait charg, faire de leur pro-

    pre Dieu, le Dieu unique et absolu, le seul Dieu universel.

    Le militantisme chrtien touche peu les Gnostiques, car ceux-ci met-tent sur un pied dgalit toutes les religions quils considrent commedes cultes errons sadressant aux ons, faux dieux crateurs du fauxmonde. Prcdemment, la pense gnostique circulait librement, defaon diffuse dans les mentalits religieuses. Se sentant menacs, lesPr-gnostiques informels tendent constituer des communauts reli-gieuses autonomes et identifiables. La Gnose rivale apparat alors fortdangereuse et devient lennemie. Dans sa dmarche de conqute dumonde, le Catholicisme combat donc farouchement la Gnose et brle

    bientt les infidles et les hrtiques. Tous les Gnostiques, mme int-

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    16/42

    LArgile et lme.

    196

    rieurs au Christianisme, sont dtruits, ainsi que leurs travaux et leurscrits. Pourtant, les Gnostiques ne combattent pas les Chrtiens. Leur

    propre religion nest ni militante ni conqurante mais intrieure, seu-

    lement tourne vers lappel de lEsprit et le travail de Transfiguration accomplir. Ils cdent progressivement le terrain devant les agres-sions et seffacent de la scne en attendant des temps plus propices ausauvetage des Adamites ternels.

    L o sarrte la conscience, sarrte aussi la libert.(Michel Aguilar).

    A la fin du 15me sicle, les Esotristes tentent une autre rconciliation,cette fois avec le Judasme. Ils sappuient sur la Kabbale juive r-cemment dcouverte. Elle veut tre la tradition laisse par lAdam

    primordial, (Adam Kadmon), avant sa chute. Aprs 1530, ils

    tablissent le concept plus moderne dephilosophie occulte. Cest sousce nom que ces traditions antiques nous sont souvent transmises. Anotre poque, nous largissons nouveau le concept de Gnose. Quelleque soit lpoque de leur manifestation, nous rattachons auxGnostiques tous les groupes sotriques qui ont tent dtablir unetradition conservatoire pour sauver la foi, les ides et les thmes desdiverses coles et des religions antrieures, y compris les disciplesdHerms. Cest peut-tre parce que nous avons maintenant prisconscience que ces courants taient tellement proches les uns desautres queux-mmes ne les distinguaient pas formellement et quilsles traitaient comme un fond culturel commun et trs prcieux.

    Autour des principes fondamentaux qui la fondent, la souplesse et lescaractres syncrtiques de la pense gnostique expliquent la multipli-cit de ses formulations. Dans chaque temps et chaque culture, chaque

    philosophe ou penseur conscient a pu librement dvelopper sa propreinterprtation dans son propre langage, en retravaillant les thmestraditionnels la lumire spirituelle de la Gnose, sa rvlation int-rieure et personnelle de la Vrit. De lextrieur, les diffrents cou-rants peuvent apparatre assez diffrents. A lintrieur, sous deshabillages diversifis, les gnostiques retrouvent leurs principes, leursmythes traditionnels, et les rvlations initiatiques qui leur sont trans-

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    17/42

    Ombres et Lumires

    197

    mises du plus haut des Cieux. Voyez ci-aprs quelques exemplesconnus dessais de synthse entre les thmes gnostiques et chrtiens.

    Valentin. (Alexandrin vivant Rome - 135/160). Le Dieu-Pre, lePropatr damour, ou Bythos, (lAbme), avec sa pardre Sig, (leSilence), forme de sa Pense une chane compose dune successiondmanations de ralits ternelles, les ons. Leur hirarchie constituele Plrme, ou Plnitude. Il est compos, de haut en bas, de syzygies,ou couples dons dcrits comme masculins et fminins. (Entits m-taphysiques, il convient de les considrer comme des complmentai-res, droits et gauches, la faon symbolique de lArbre des Sphirothdes Kabbalistes dont les Gnostiques sont proches). Du fminin vient lasubstance, du masculin la forme. Les premiers sont Nos et Althia,(Intellect et Vrit). Ils engendrent Logos et Zo, (Verbe et Vie). Sui-vent Antropos et Ekklesia, Homme et Eglise, (engendrant Parakletos

    et Pistis, Dfenseur et Foi), puis toutes les autres puissances du Pl-rme. Les derniers ons sont Thlptos, le Vouloir, et Sophia, la Sa-

    pience. Mais celle-ci dsire crer seule. Pour cela, elle cherche comprendre la nature du Pre, troublant ainsi le Plrme au sein du-quel apparaissent le Mal et les Passions.

    Pour rtablir lharmonie, Sophia est exclue du Plrme avec les l-ments du dsquilibre quelle a foment. Ils forment ensemble leMonde den-bas, le mauvais monde qui retient prisonniers quelqueslments divins entrans dans la chute. Pour soulager Sophia, Logoset Zo mettent une nouvelle syzygie, Christos et Pneuma, (Christ etSaint-Esprit). Lorsque le Plrme est enfin reconstitu, les ons dci-dent dmettre ensemble un nouvel on, Jsus. Ils lenvoient dans lechaos du monde comme un sauveur intemporel. A partir de la Sophiadgrade, Jsus intemporel suscite un petit dieu crateur mais ignorantde la ralit du Plrme, le Dmiurge, le Dieu des Juifs et de la Bible.Cest lui qui organise la matire informe et en tire le monde sensible,rgi par le Cosmocrator, et les hommes. Certains dentre-eux renfer-ment toujours en eux les semences divines prisonnires. Pour les lib-rer, le sauveur Jsus descend, en son temps, dans le monde den-bas,dissimul dans un corps dhomme. Sa prdication et celle de ses suc-cesseurs visent rvler aux gars divins leur origine vritable, ainsi

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    18/42

    LArgile et lme.

    198

    que la possibilit du retour au Pre. Lorsque tous les lments perdusauront regagn le Plrme, ce monde temporaire sera dtruit.

    Marcion. (Pontique vivant Rome - 85/160). Il fonda une gliseschismatique trs importante dans lhistoire du Christianisme. Il affir-ma que lAncien Testament tait abrog pour les Chrtiens. Puis,adoptant le courant gnostique, il enseigna quil existait deux dieuxdistincts, celui de la Bible et celui des Evangiles.- Le premier rgne sur la nature matrielle quil na pas cre. Il nestni omniscient ni tout puissant. Cest un dieu svre, exigeant uneobissance totale. Il asservit lhumanit la dure Loi de Mose, punis-sant durement les carts et empchant lhomme de devenir vrita-

    blement bon.- Le second est un dieu suprieur inconnu. Essentiellement bon, il

    prend lhumanit en piti et lui envoie son fils, sous lapparence vir-

    tuelle de Jsus-Christ, pour rvler son existence et son amour. Lepremier dieu sirrite et le fait prir.- La mort gratuite de Jsus accomplit la rdemption de lhumanit.Celle-ci reste cependant soumise la domination de son Crateur ori-ginel et ne peut lui chapper que par diverses privations et mortifica-tions.- Mais la fin, le dieu austre et exigeant disparatra, et le dieu bontablira son royaume au bnfice de ses fidles, abandonnant les au-tres hommes la destruction.Le Marcionisme ntait pas rellement gnostique mais navement dua-liste. Ici, lHomme nest pas originellement suprieur ses formateurs,ce qui est loppos de la pense gnostique. Cette glise connut ce-

    pendant un succs considrable pendant plusieurs sicles, en raison desa simplicit et de lutilisation adroite de Livres Saints spcifiquementadapts la doctrine.

    Origne.Origne nat en 185, Alexandrie o il reste jusquen 230avant de se fixer Csare, en Palestine On sait quil se castra lui-mme. Il meurt Tyr, en 254, la suite des tortures subies sous la

    perscution de Decius. On retrouve bien des ides gnostiques et no-platoniciennes dans les thories dOrigne qui se rclame des ensei-gnements dAmmonius Saccas, un Alexandrin no-platonicien, matre

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    19/42

    Ombres et Lumires

    199

    de Plotin. Elles nous ont surtout t transmises par les crits de Gr-goire le Thaumaturge, car certaines parties furent condamnes par leconcile de Constantinople et dtruites.

    Origne interprte la Bible littralement, moralement, et mystique-ment. Il propose un systme nouveau et complet du Christianisme,intgrant les sources bibliques et les ides no-platoniciennes. Il repr-sente bien ce que lon a appel la Gnose orthodoxe, (en oppositionavec lautre Gnose, celle que les Chrtiens dclarent ennemie et quilsappellent la Gnose paenne). Les thses dOrigne connaissent ungrand succs. On y trouve les notions dun Dieu Tout-Autre, ternel etcrateur. Il est le Pre qui engendre ternellement le Fils, ou Logos,lequel reoit le rle de mdiateur entre Dieu et le Monde, aussi biendans la cration universelle que dans la rvlation.

    Toutes les cratures doues de raison participent la lumire divine etjouissent du libre arbitre. Elles peuvent se tourner vers Dieu ou vers lenant. En faisant ce second choix, elles chutent vers lanimalit qui estdj bien visible chez lhomme. Lme humaine peut cependant re-monter vers le royaume de lesprit si elle soriente volontairement etactivement vers le bien. Dieu ne veut pas la contraindre, nous dit Ori-gne, et il recourt seulement lducation par le Logos dont les agentssont les philosophes, les prophtes, et surtout Jsus. Lme de Jsus aservi de lien entre son corps et le Logos. Au jour de la Rsurrection, lecorps physique ayant disparu, elle sest runie au Logos.

    Chaque Chrtien est appel suivre la mme voie. Le vritable idal

    religieux est la connaissance complte du divin, la Gnose, que lesfidles peuvent atteindre en se dtachant totalement de la matire.Cette connaissance totale, cette Gnose, embrasse tous les mystres deMonde et de Dieu. Finalement, lhistoire du salut sachvera dans lasoumission de toutes les mes Dieu, par le rtablissement universelde ce monde et des autres, dans ce cycle et les autres, avec des suc-cessions constamment renouveles de chutes et de retours des cratu-res Dieu.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    20/42

    LArgile et lme.

    200

    La religion Mandenne. Dorigine incertaine, elle apparat entre le1er et le 3me sicle. Elle semble en partie lie aux Nasorens dIsralqui se seraient temporairement rfugis en Mdie (Iran). Sa cosmogo-

    nie est marque par le dualisme gnostique oriental qui oppose unMonde lumineux un Monde tnbreux.- Le Monde de la Lumire est dirig par un dieu inconnu, le Seigneurde Vie, le Mn, Roi de Lumire, qui est entour dun nombre infinidtres lumineux habitant dinnombrables mondes galement faits delumire. Tout nat de ltre suprme, par manations successives, dansune cration progressive.- Le Monde des Tnbres est de mme structure. Il est form partirdu Chaos, leau tnbreuse qui existait lorigine de toutes choses. LeSeigneur des Tnbres provient de lEsprit dchu. Il produit ses pro-

    pres mondes peupls de dmons et de cratures malfaisantes. Les septplantes et les douze constellations du Zodiaque sont galement dans

    son domaine.- La Lumire et les Tnbres entrent en conflit. Un dieu crateur hy-

    bride, le dmiurge Ptahil, organise lexistence du Monde terrestre aveclaide des puissances obscures. Lopposition de la Lumire naboutitqu lenchanement momentan du Seigneur des Tnbres et lacondamnation du Dmiurge.- Mais lhybride Ptahil a cr le corps extrieur et visible dAdam dontlme intrieure et invisible vient de la Lumire, et lhomme est dou-

    ble et participe aux deux natures.- Les Adam terrestres sont des copies ou des reflets des Adam clesteset ils ont, dans chacun des deux mondes, des pouses, (Eve et Nuagede Lumire), et des fils parmi lesquels Abel, Seth, Enos, qui sont desmessagers de lumire. Les messagers instruisent les croyants pourlibrer leurs mes.- Aprs la chute de lAdam cleste dans la matire, Mabd dHaiy, laGnose de Vie, la connaissance libratrice, le visite et vient lclairer

    pour laider parvenir la libration et au retour vers sa source.

    Opprims par le Christianisme et lIslam, les fidles mandens se sontrfugis dans des rgions marcageuses du Sud de lIrak o ils demeu-rent encore aujourdhui. Au dbut du 3me sicle, une communaut

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    21/42

    Ombres et Lumires

    201

    mandenne avait en charge un jeune enfant qui y prparait sa propreillumination. Il sappelait Mani.

    Le Manichisme.Le Manichisme est fondamentalement une reli-gion gnostique qui affirme un dualisme radical. Quoique intgrantdiverses mythologies antiques, on y retrouve tous les principes gnosti-ques fondamentaux, la thorie des deux natures, la chute de lhommeoriginel, et la participation ardente et dsintresse des fidles au salutdes parcelles de lumire spirituelle perdues.Mani, n Babylone en 216, fut lev dans une communaut man-denne. Il a dabord prch sa doctrine en Perse. En 241, il reut son appel, lorsque lesprit Divin lui apparut pour lui rvler La doc-trine des trois temps , le dbut, le milieu, et la fin du Monde.A lorigine, la cration est double, tout la fois Lumire bonne etTnbres mauvaises. Les deux principes prcdent lexistence du

    Monde et saffrontent. Au cours du combat, le Procanthrope, (Hommedivin primordial), tombe dans les Tnbres. Il est sauv par lEspritmais abandonne des tincelles de Lumire dans les corps dAdam etdEve, (parents de tous les hommes naturels et mortels), qui ont tcrs sur cette terre. Les Manichens doivent participer au retour decette Lumire au Royaume. Entre les deux empires, il y a donc unconflit compliqu que je vais essayer de simplifier.

    Le Pre de Grandeur rgne sur les cinq demeures du Pays de Lu-mire, (Intelligence, Raison, Pense, Rflexion, Volont).

    Le Roi des Tnbres habite les cinq Mondes Tnbreux, (Fume,Feu, Vent, Eaux, Obscurit).

    Convoitant lclat du Pays de Lumire, le Roi des Tnbres veut leconqurir. Le Pre de Grandeur le combat, dabord en voquant laMre des Vivants qui voque son tour le Procanthrope, lHomme

    primordial, et ses cinq fils, (les Elmentaux), mais ils sont tous en-gloutis. Le Pre procde une seconde cration et voque lEsprit-Vivant et ses cinq fils. Ils sont vainqueurs des Tnbres et, avec laMre des Vivants, crent ensemble lUnivers pour sparer les deuxdomaines. Ils utilisent pour cela les corps des ennemis capturs. De lamatire des dmons tnbreux, ils forment le ciel et la terre, et des

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    22/42

    LArgile et lme.

    202

    parcelles de lumire quils leur font rgurgiter, ils fabriquent les astreset les toiles. Le troisime fils, le Messager, habitant le Soleil, rgleleur course. LEsprit-Vivant appelle lHomme Primordial qui lui r-

    pond. Le tirant des Tnbres par la main, lEsprit le libre. Comme lesMithriastes, en tmoignage de ce sauvetage manuelpar lEsprit, et ensigne de reconnaissance, les Manichens se saluent en se serrant lamain droite. Nous avons conserv le signe.

    Les Manichens se saluaient en se serrant la main droite.

    Mais le Procanthrope perd des parcelles de Lumire qui sont rcup-res par Ashaqloun, fils du Roi des Tnbres. Sunissant sa femme

    Namral, il engendre Adam et Eve, y enfermant ces semences lumi-neuses pour les dissimuler. La mission des Fils de lEsprit est difficilecar ils doivent rcuprer toutes les tincelles perdues. Le systme cos-

    mique est lappareil destin ce travail. Le Soleil et la Lune sont desvaisseaux rservoirs aliments par dimmenses norias ou roues cosmi-ques qui remontent aux cieux la lumire et dversent dans labme lesdbris des vaincus.

    Nous voyons ici que, contrairement la religion gnostique tradition-nelle, la vision cosmogonique manichenne est dlibrment pessi-miste. Le monde est entirement mauvais car il est cr partir de lasubstance tnbreuse, provenant des cadavres des puissances du

    Mal (Jonas). Il en est de mme pour la race des hommes naturels, lesdescendants dAdam et Eve. Entendre lappel du Messager de Lu-mire est leur seule chance de salut. Aucun homme nest bon, maiscertains appels peuvent prendre conscience dtre tombs dans ltatinsupportable du corps matriel. Se ressouvenant de leur origine, ilscherchent se librer en expulsant deux-mmes les tnbres, et tra-vaillent se connatre mieux, reconnaissant dans leur tre cette partieconsubstantielle Dieu, leur me de lumire immortelle.

    Le Manichisme est une religion toute intrieure, avec une moraleleve et un culte dpouill. Les fidles recherchent une grande puret

    par la pratique des cinq vertus, amour, foi, perfection, patience (ouendurance), et sagesse. Ils instituent la confession des pchs,

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    23/42

    Ombres et Lumires

    203

    labsolution mutuelle et la pnitence. Ils pratiquent la prire, le jene,laumne, et la continence, ne tuent aucun animal, sabstiennent deviande et de vin, renoncent mme la proprit individuelle et au

    mariage. Les Elus appliquent strictement ces rgles, jusqu renoncer rompre eux-mmes leur pain. Elles sont plus souples pour les Audi-teurs qui les servent. Pour aider les appels dans leur qute de salut,Dieu leur envoie des prophtes comme Zoroastre, Bouddha, Jsus, etmaintenant Mani qui est leur successeur. Celui-ci considre que satche prophtique est daccorder leurs dogmes. Pour propager la reli-gion, les Manichens envoient des missionnaires, hommes et femmes,dans des rgions parfois fort loignes des pays dorigine. Cette vo-lont missionnaire est spcifique du Manichisme, car les autresGnostiques se contentaient gnralement de constituer des lites rela-tivement limites dinitis.

    Le destin des missionnaires manichens fut souvent tragique. Manilui-mme, contest par les mages persans, est emprisonn sur les or-dres du roi Bahrm 1er, et charg dnormes chanes. Il meurtdpuisement, (ou crucifi), vers 275. Son cadavre est corch, et sa

    peau empaille est suspendue aux remparts de Gundshpuhr pourdcourager les fidles. Ses successeurs sont aussi priodiquement

    perscuts par toutes les religions influentes, tant cette poque quauMoyen-ge, en ces lieux autant quailleurs. Malgr cela, le Mani-chisme se rpand trs largement, en Chine, en Occident, et en Afri-que du Nord. Il persiste jusquau 14me sicle et trouve des

    prolongements divers. (Mazkadites iraniens, Zandaqa musulmans,Pauliciens byzantins, Bogomiles bulgares, Patarins rhnans, et Catha-

    res italiens et occitans franais).

    Les Bogomiles et les Cathares. Vers la fin du 4me sicle, divers cou-rants asctiques, plus ou moins dualistes, se font jour au sein delEglise occidentale qui les condamne et les combat frocement. Ci-tons les Messaliens, les Pricillianistes, et les Pauliciens. Les Bogomi-les sont reprs ds le 10me sicle, en Asie Mineure. Le courant desPatarins existe Byzance, o leur chef, le pieux Basile, est captur et

    brl au 11me. A ce moment, en raction contre le laxisme du clergcatholique, et bien avant la Rforme protestante du 16me, les Cathares

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    24/42

    LArgile et lme.

    204

    apparaissent en Italie du Nord et dans le Midi de la France mais aussien Flandre, en Angleterre, et en Allemagne. Les Bogomiles et les Pa-tarins semblent tre lorigine des deux courants du Catharisme qui

    compte trois glises, en Italie, la mme poque. On compte alorsenviron quatre mille parfaits pour lensemble de lEurope dont deuxmille pour la seule Italie, (et seulement deux cents dans le Midi de laFrance).

    - Les Cathares bogomiles de lEst de lEurope adaptent les enseigne-ments dualistes manichens leur culture nouvelle. Il y a deux dieux,lun est bon et lumineux, lautre mauvais et tnbreux. Le Diable a faitle corps de lHomme en y emprisonnant de force un ange de lumire.Le procration est un acte condamnable car son rsultat est la perp-tuation de la dmoniaque race humaine. Le Christ est un ange de Dieu.Le corps de Jsus tait un phantasme immatriel. Jsus na pas souf-

    fert, nest pas mort ni ressuscit. Le jugement dernier a dj eu lieu,Ce monde-ci est lenfer de punition et il ny en a pas dautre.- La doctrine des Cathares patarins du Sud, les Albanenses, les Albi-genses ou Albigeois, drive de celle dOrigne. Ils croient en un seulDieu crateur de la matire, des lments et les anges. Le fils des T-nbres est lintendant du Monde et y a cr toutes choses. Le librearbitre a caus la dchance de Lucifer qui a sduit dautres anges. Ilest le Dieu de la Bible et lartisan qui organise le monde visible.Le dualisme de Cathares, leur volont de puret, leur encratisme, leurvgtarisme, leur rejet de la Bible, de lEucharistie et du la Croix pro-voquent la fureur de lEglise. De nombreux Cathares sont brls Cologne en 1163. Une terrible croisade est lance contre les Albi-

    geois. Ils sont pratiquement anantis avec toute la brillante civilisationoccitane qui les avait si chaleureusement accueillis. Malgr les effortsde lInquisition, le Catharisme survcut encore un certain temps, trsdifficilement en Languedoc, un peu mieux en Italie, jusquau 15mesicle.

    Nous verrons plus tard comment la Gnose interprte aujourdhui leChristianisme. Dans notre socit occidentale actuelle, elle adapte sonmessage en se rfrant aux traditions chrtiennes. Cest une GnoseChristique qui veut montrer toute la richesse des mythes du Christia-

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    25/42

    Ombres et Lumires

    205

    nisme originel, (comme celui de la fuite en Egypte qui le relie auxtraditions gyptiennes), en dvoilant leur vritable signification ca-che. Se dgageant de toute discussion concernant lhistoricit des

    fondements chrtiens, elle prsente les personnages et les vnementsvangliques comme des reprsentations mythiques du chemin quiconduit lHomme son salut. Cette vision de dcryptage des mythesamne trs videmment relier le Christianisme originel aux Cultes Mystres dont il est contemporain. Il en prsente les caractristiquestelles que dfinies au prcdent chapitre. On y retrouve les conceptsdimmortalit de lme, de salut et de rsurrection. Le culte voque la

    passion dun dieu. Les pratiques comportent des prires, des priva-tions, des motions violentes et des rites pnitentiels. Les liturgiesconduisent au salut dans un autre monde.

    LHermtisme. A lre grco-romaine, les pharaons Lagides ont vou-

    lu sintgrer dans la tradition gyptienne. Ils ont fait natre des cultesqui synthtisaient les dieux grecs et les quivalents gyptiens. Thot, ledieu intellectuel, fut identifi la fois Mercure et Herms sous lenom dHerms Trismgiste. Une figure mythique remarquable rsultede cette runion de lHerms grec, psychopompe et messager desdieux, et du Thot gyptien, seigneur des sages, matre de la magie etdes savoirs, conducteur des mes vers le tribunal infernal.

    On attribue au Trismgiste le Corpus Hermticum. Cest un ouvragesotrique rvl en 1463 par le Florentin Marsilio Ficino. Il contient

    plusieurs livres reprs depuis le 5me sicle. Trs clbre, cest unrecueil qui rassemble des traits assez divers, dune spiritualit trsleve mais sans relle unit doctrinale. Leur origine tait incertaine.La surprise fut den retrouver certaines parties dans les grottes de NagHammani. Cette trouvaille confirmait la haute antiquit de lensemblede loeuvre.

    Ce qui est en toi, regarde et entend, cest le Verbe du Seigneur, et tonNos est le Dieu-Pre. Ils ne sont pas spars lun de lautre,car cestleur union qui est la vie. (...). (Pomandres).(...)Tu as vu dans le Nos la forme archtype, le pr-principe ant-rieur au commencement sans fin. Les lments de la Nature ont surgi

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    26/42

    LArgile et lme.

    206

    de la volont de Dieu qui, ayant reu en elle le Verbe et ayant vu lebeau monde archtype, limita, faonne quelle fut en un monde or-donn, selon ses propres lments et ses propres produits, les mes.

    (...). (Pomandres).(...)Or, le Nos, tant mle et femelle, existant comme vie et lumire,enfanta dune parole un second Nos, dmiurge qui, tant dieu du feuet du souffle, faonna les Gouverneurs, sept en nombre, lesquels enve-loppent dans leurs cercles le Monde sensible, et leur Gouvernement senomme la Destine. (...). (idem).

    Le fragment Pomandres nous rvle une cosmogonie grandiose, bi-polarise, mystique, trs intellectuelle, assez proche de celle des No-platoniciens. Les Gouverneurs sont les esprits des sept plantes quiinfluencent notre univers. Autour de la Terre, il y a sept cieux enve-

    lopps par la huitime sphre, le ciel des toiles fixes. Lensembleconstitue lOgdoade des huit principes divins. Au-del commence ledomaine de la Divinit suprme.

    Les Egyptiens appelaient galement dieux toutes les puissances invi-sibles situes au-dessous du Dieu Suprme, le Dieu-Pre, y comprisles humains distingus pour leurs qualits exceptionnelles. LeursDmons taient les forces qui vivent de et dans linconscient humain.

    Notre monde chrtien aussi est peupl de nombreux saints et tresinvisibles, anges ou archanges, bnfiques ou malfiques. Ici, lemonothisme est surtout une question de vocabulaire.DansPomandres, on a encore le rcit de la chute de lHomme, lequel

    est un tre admirable et divin, fait limage du Pre dont il a reu tousles dons. Adolescent, il tombe amoureux de sa propre image refltedans la merveilleuse nature, sunit elle et chute dans la matire ter-restre. Mais lHomme, dit Herms, peut retrouver son immortalit etsa place dans le royaume originel sil russit la transmutation de soncorps mortel. Le pouvoir du Dmiurge sefface. Il cde la premire

    place lHomme primordial. Je voudrais ici que vous preniez la peinede revoir la citation qui ouvre le chapitre sur lEgypte ainsi que le trs

    joli pome qui le termine.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    27/42

    Ombres et Lumires

    207

    Lumire et vie, voil ce quest le Dieu et Pre.(...).(...)Voil pourquoi, seul de tous les tres,

    lHomme est double, mortel de par le corps,

    immortel de par lHomme essentiel(...).LHermtisme jette sur le Monde un regard rsolument positif. Dieuest la Vie mme, intellect et amour actif. Un dmiurge distinct a cons-truit lunivers et son peuplement, autant que les sphres du zodiaquequi fixent le destin. Voici deux citations de Pomandres, suivisdextraits dun autre fragment,Asclpius.

    Bien quil soit immortel et quil ait pouvoir sur toutes choses,lHomme subit la condition des mortels, soumis quil est la desti-ne.(...). (Pomandres).

    (...)Quant lHomme, de vie et de lumire quil tait, il se changea enme et en intellect, la vie se changeant en me, la lumire se chan-geant en intellect, (...). (Pomandres).

    (...)Parmi tous les genres dtres, ceux qui sont pourvus dune meont des racines qui parviennent jusqu eux de haut en bas. En revan-che, les genres des tres sans me panouissent leurs rameaux par-tir dune racine qui pousse de bas en haut. Certains tres senourrissent daliments de deux sortes, dautres, daliments dune

    seule sorte. Il y a deux sortes daliments, ceux de lme et ceux ducorps, les deux parties dont se compose le vivant.(...). (Asclpius).

    LHomme qui se connat, connat aussi le monde,(...) Il rvre limagede Dieu, sans oublier quil en est la seconde image, car Dieu a deuximages, le monde et lhomme.(...). (Asclpius).

    Au commencement, il y eut Dieu et Hyl, (la matire). Le souffle,(Pneuma-lEsprit), tait (...) dans la matire mais non pas de la mme

    faon (...) qutaient en Dieu les principes dont le Monde a tir sonorigine. (...) Dieu qui est toujours, Dieu ternel, ne peut tre engen-dr, ni na pu ltre. Telle est donc la nature de Dieu, qui toute entireest issue delle mme. (...). Quant Hyl (la nature matrielle), et au

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    28/42

    LArgile et lme.

    208

    souffle, bien quils soient manifestement inengendrs, ils ont en eux lepouvoir et la facult naturelle de natre et dengendrer. (...). Voicidonc en quoi se rsume toute la qualit de la matire, elle est capable

    dengendrer bien quelle soit elle mme inengendre. Or, sil est de lanature de la matire dtre capable denfanter, il en rsulte que cettematire est tout aussi capable denfanter le Mal.

    Cependant, le Dieu suprme a pris davance ses prcautions contre leMal, de la faon la plus rationnelle qui se pt, quand il a daign gra-tifier les mes humaines dintellect, de science, et dentendement. Eneffet, cest par ces facults, (...) et par elles seules, que nous pouvonschapper aux piges, aux ruses, et aux corruptions du mal. (...) cartoute science humaine a son fondement dans la souveraine bont de

    Dieu. (...). Quant au souffle, cest lui qui procure et entretient la viedans tous les tres du monde, lequel obit comme un organe ou un

    instrument, la volont du Dieu suprme. (...). Cest du souffle queDieu remplit toutes choses, linsufflant en chacune dentre elles selonla mesure de sa capacit naturelle. (Asclpius).

    On peut mditer longuement sur ces tonnantes rflexions concernantla cration du Monde et lorigine du Mal. Par ailleurs, dans son dis-cours secret sur la montagne , Herms Trismgiste rvle les myst-res du Verbe. Il y a douze vices qui enchanent lme humaine, et dix

    puissances qui permettent de la dlivrer. Le salut, dit Herms, ne d-pend donc que de la matrise de soi. La premire puissance est la joiede la connaissance. Les pchs sont dus linfluence des trente-six Dcans qui sont des intelligences invisibles se tenant dans le

    monde astral (accessible lme). Lies aux signes du Zodiaque, ellesproduisent des Dmons, agents actifs, bons, mauvais, ou ambivalents.Ils pntrent dans les hommes la naissance, et cherchent faonneret exciter les mes humaines, et ils en tirent avantage pour leur intrt

    propre. Cependant, ds que lhomme reoit en son me la connais-sance intrieure rvle, la Gnose, la Lumire divine rduit limpuissance dieux et dmons, bons ou mauvais.

    LApocalypse des Egyptiens. Les religieux fervents qui ont crit tousces textes supportaient difficilement la prsence des trangers sur leur

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    29/42

    Ombres et Lumires

    209

    sol, en particulier celle des Grecs quils accusaient de superficialit.Leur souffrance inquite sexprime dans ce passage o elle apparat

    particulirement aigu et mouvante.

    Un temps viendra, Asclpius, o il semblera que les Egyptiens ont envain ador leurs dieux, dans la pit de leurs coeurs. (...). Les Dieux,quittant la terre, regagneront le ciel. Ils abandonneront lEgypte. Destrangers rempliront ce pays. Non seulement on aura plus souci desobservances religieuses, mais il sera statu par de prtendues lois,

    sous peine des chtiments prescrits, de sabstenir de toute pratique, detout acte de pit ou de tout culte envers les dieux. Alors, cette terre

    sainte, patrie des sanctuaires et des temples, sera couverte de spul-cres et de morts. Egypte, Egypte! Il ne restera de tes cultes que des

    fables, et tes enfants, plus tard, ny croiront mme pas. Rien ne survi-vra que des mots gravs sur les pierres qui racontent tes pieux ex-

    ploits. (...). Car voici que la Dit remonte au ciel. Les hommes,

    abandonns, mourront tous, et alors, sans dieux et sans hommes,lEgypte ne sera plus quun dsert.Pourquoi pleurer, Asclpius? LEgypte elle mme se laissera entra-ner bien plus que cela et bien pire. Elle sera souille de crimesbien plus graves. (...). Car les tnbres seront prfres la lumire.On jugera plus utile de mourir que de vivre. Nul ne lvera plus sesregards vers le ciel. Lhomme pieux sera tenu pour fou, limpie pour

    sage. Le frntique passera pour un brave, le pire criminel pour unhomme de bien. (...). Et mme, croyez-moi, ce sera un crime capital,aux termes de la loi, que de stre adonn la religion de lesprit.(...). Voici donc ce que sera la vieillesse du Monde, irreligion, dsor-dre, et confusion de tous les biens.

    Quand toutes ces choses auront t accomplies, Asclpius ! (...), leDieu Premier, aprs avoir considr ces moeurs et ces crimes volon-taires, aprs avoir essay (...) de redresser lerreur, anantira toute lamalice, (...), puis il ramnera le Monde sa beaut premire (...). Carla volont de Dieu na pas eu de commencement, elle est toujours lamme, et ce quelle est aujourdhui, elle le demeure ternellement.

    DansKor Kosmou, la Fille du monde, le rcit de la Cration est pro-che de celui de la Gense qui doit lavoir inspir.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    30/42

    LArgile et lme.

    210

    Que le ciel soit rempli de toutes choses et lair ainsi que lther!Dieu dit et cela fut.

    Isis et Herms enseignent Horus les secrets des origines. Au com-mencement, la poursuite de la cration est confie aux mes mais cel-les-ci deviennent curieuses et turbulentes. Elles cherchent percer le

    pouvoir du Pre et essayent de comprendre la mixture dont le Mondeest compos, sortant ainsi des tches qui leur sont assignes. Le Presen irrite et se rsout les chtier. Il fabrique les hommes commelieux de punition, puis appelle les dieux seconds afin de dcider desdestines quils vont fournir. Le Soleil dcide de resplendir encore

    plus. La Lune le suivra dans sa course, enfantant la terreur, le silence,le sommeil, et la mmoire. Kronos accorde la justice et la ncessit.Zeus procure la fortune, lesprance et la paix. Ars envoie la lutte, laquerelle et la colre. Aphrodite y ajoute le dsir, la volupt et le rire,

    pour attnuer le chtiment ce qui satisfait particulirement le Pre.Sunissant Invention, Herms apporte la sagesse, la temprance, la

    persuasion, et la vrit. Cest lui qui cre finalement la nature terrestreet mortelle des hommes. Il reprend le rsidu sec de la mixture origi-nelle, le dissout dans leau et en modle les corps biologiques. Aumoment dtre incorpores, les mes se lamentent et dsesprent,

    pleurant la lumire dont elles vont tre prives. Le Monarque, le grandDieu suprme, prend place sur le Trne de Vrit : Cest lAmour,

    mes, et la Ncessit qui rgneront sur vous. Pour autant que vousservez mon pouvoir royal qui ne vieillit point, sachez bien que, tantque vous continuez dtre sans pch, vous habiterez les rgions duCiel... Mais si vous commettez de plus grandes fautes, loin dobtenir

    la fin qui vous convient une fois sorties du corps, vous ne logerez plusau Ciel, ni non plus en des corps humains, mais dsormais vous necesserez plus derrer dun corps danimal dans un autre .Lorsque les mes sont incorpores, il devient ncessaire de crer lemonde que vont habiter les hommes. L aussi, on a des accents admi-rables dont je ne puis, hlas, citer ici quun court extrait.

    Lors donc, aprs quil eut empli ses mains,(...) de ce qui existe dans la nature,et tenant tout enclos en ses poings.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    31/42

    Ombres et Lumires

    211

    Prends, dit-il, terre sainte, toute honorable, prends,toi qui vas devenir la gnitrice de toutes choses,prends donc, et ne sois plus seconde en rien .

    Et Dieu, ouvrant alors ses mains propices,en rpandit le contenudans la grande fabrique du Monde

    Quoique repre vers le second sicle de notre re, il se pourrait que lalittrature voque puisse remonter au ~2me sicle avant J.C. Elle mleles approches philosophiques et mystiques, mais elle aborde aussidautres aspects. Solve et coagule. Herms reprend le rsidu sec de lamixture divine originelle puis le dissout dans leau, la faon dunalchimiste. Ceci nous amne la Table dEmeraude, un autre ouvragetrs clbre attribu au Trismgiste. Elle contient les secrets de la

    science hermtique, Al chemia , la future Alchimie. Rdige en

    grec, elle fut traduite en de nombreuses langues dont larabe, en diverstemps. Voici un extrait de la Vulgate latine, ouvrage alchimique leplus connu, qui est une traduction tardive date du 14me sicle.

    Il est vrai sans mensonge, certain et trs vritable.Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut,

    et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas,pour faire des miracles dune seule chose.

    Et comme toutes choses ont t et sont venues dUn,par la mditation dun, ainsi toutes les choses sont nes

    de cette chose unique, par adaptation.Le Soleil en est le pre, la Lune est sa mre,

    le Vent la port dans son ventre,la Terre est sa nourrice.

    Le Pre de tout le telesme de tout le monde est ici.Sa force ou puissance est entire,

    si elle est convertie en terre.Tu spareras la terre du feu, le subtil de lpais,

    doucement et avec une grande industrie.Il monte de la terre au ciel et derechef il descend en terre,

    et il reoit la force des choses suprieures et infrieures.Tu auras par ce moyen la gloire de tout le monde,

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    32/42

    LArgile et lme.

    212

    et pour cela toute obscurit senfuira de toi.Cest la force forte de toute force,car elle vaincra toute chose subtile

    et pntrera toute chose solide.Ainsi le monde a-t-il t cr.De ceci seront et sortiront dadmirables adaptations,

    desquelles le moyen en est ici.Cest pourquoi jai t appel Herms Trismgiste,

    ayant les trois parties de la philosophie de tout le monde.Ce que jai dit de lopration du Soleil est accompli

    et parachev.

    Lalchimie est une invention gnostique. Au 3me sicle, les fragmentsdes oeuvres du gnostique Zosime qui nous sont parvenus contiennentdes descriptions prcises des appareils de distillation et de sublima-

    tion. Les Grecs prirent la suite, puis Pelagios et Jamblique rattachrentcet art royal aux mystres gyptiens. La Table dEmeraude, qui appa-rat pour la premire fois dans un texte attribu au Grec Apollonios deThyane, au 1er sicle, semble donc bien tre un texte alchimique. Elleconstituerait un lien entre lsotrisme antique, les mystiques duMoyen Age et les alchimistes occidentaux. Mille annes tranges s-

    parent les poques o furent rdiges loriginal suppos et sa traduc-tion latine. Pendant tout ce long millnaire, nous savons quunesituation extraordinaire rgne en occident. Toute libert de pense yest interdite dexpression ou rduite au silence. Cette contrainte se meten place progressivement et de faon diffrente selon les lieux. Puiselle atteint de tels sommets que vient un temps o un simple soupon

    dhrsie ou dindpendance envoie le penseur la torture et la mortatroce sur un bcher. Dinnombrables pauvres gens sont morts ainsi. Ilfaut enfin prendre conscience de cette ralit douloureuse, cruelle etsanglante, aussi dsagrable que cela puisse tre pour ceux dont la

    propre foi est concerne. Il est indispensable daccepter la confronta-tion avec la nature relle des glises qui ont tabli cette effroyablesituation. Leurs fondements intimes demeurent mme si, chez nous,les comportements sont actuellement moins meurtriers.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    33/42

    Ombres et Lumires

    213

    Les responsables de cette extrme intolrance sont, divers degrs, lesreligions dites du Livre, cest--dire celles qui font rfrence la Bi-

    ble, en adoptent les dispositions et obligations rigoureuses, et veulent

    imposer leur s croyances aux autres par tous les moyens. Disposant dupouvoir, ces glises, qui parlent constamment damour, condamnentau silence ou la mort la libre expression de lEsprit. Au Moyen-ge,confronts ces mortels dangers, les Hermtistes se rfugient danslanonymat et le silence. Leurs traces demeurent dans les contreslointaines o ils trouvent un abri temporaire. La Chine puis lIslamnaissant leur accordent des lieux dasile et des temps de rpit. Cestdans les enseignements de leurs philosophes que lon retrouve lesalchimistes et leurs al-ambics. La traduction arabe du livredApollonius de Thyane,Le livre du secret de la cration, est date du6me. Dautres versions arabes sont dates du 8me, et le Secret des se-crets, du pseudo Aristote nous arrive du 12me sicle.

    En Europe, au 13me sicle, on perscute encore les alchimistes. Lemoine Roger Bacon, qui traduit et commente le Secret des secrets, estemprisonn et exil. En 1380, le roi Charles V les fait rechercher parsa police, tandis que des souverains plus modrs leur demandentseulement de remplir dor leurs coffres. Les trs pieux alchimistes sontattaqus par lInquisition tout autant que les sorciers et les hrtiques.LEglise leur reproche de vouloir galer Dieu en crant la pierre phi-losophale, (ou pierre adamique), partir du limon. Pourtant lesalchimistes sont surtout des mtaphysiciens. Pour eux, lor est lammoire du plomb originel. Ils voient dans la ralisation du Grand-Oeuvre, (la transmutation dun vulgaire mtal en or), le symbole de la

    conversion de lme humaine, limage de leur propre transfiguration etde la rsurrection de la figure divine originelle. A partir du 16mesicle, les ouvrages alchimiques se rpandent progressivement danstoute lEurope, souvent illustrs dimages mystrieuses, (comme le

    Mutus Liber qui ne contient que des estampes). Au 17me, le secret dessecrets est nouveau traduit par Michal Maer, qui prend dailleursparti en faveur de la Fraternit des Rose-Croix dont la doctrine semanifeste alors, en particulier dans les crits du religieux protestantValentin Andreae.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    34/42

    LArgile et lme.

    214

    Aprs la Rvolution franaise, lalchimie reprend vie sous la forme delhylozosme, une approche gnostique moniste enseignant que la ma-tire, lme, la vie, et lnergie ne font quun. Les alchimistes rejoi-

    gnent les occultistes modernes, tels Fulcanelli, et amalgament lesdiffrents courants de la libre pense. La Thosophie est annonce. Lepsychologue suisse C.G. Jung tente ensuite son grand oeuvre person-nel, lidentification de la psychanalyse et de lalchimie. Il compare larecherche de la pierre philosophale une projection mentale reprsen-tant la rvlation intuitive dun lan inconscient, lappel intrieur duChrist.

    La Kabbale. La naissance de la Kabbale, (cest dire la Tradition, cequi ne fait pas partie des codes de la Loi), se produit dans le Midi dela France en mme temps quy apparaissent les Cathares. Au fil dutemps, la Kabbale devient une forme de mysticisme mtaphysique trs

    loigne de la pure doctrine judaque. Isaac laveugle, le Pre de laKabbale, habite Beaucaire en Provence, vers 1260, et y enseigne Lestrente-deux voies de la Sagesse. On trouve des foyers Rome, en Al-lemagne, et en Espagne. Concurrente de la Gnose, la Kabbale est unemthode dinterprtation de la Bible. Elle propose une explicationvisant la comprhension de lorigine de lunivers et du rle quelhomme est appel y jouer. Les Gnostiques partaient de la connais-sance rvle et voulaient raliser une synthse des religions. Issue duJudasme, la Kabbale dsire alors fondamentalement en assurer lasuprmatie. Partant de la Tradition hbraque, elle veut dmontrer queses dogmes contiennent la seule vrit rvle concernant les originesdu Monde et de lHumanit.

    La Gnose voulait aboutir une religion universelle.Ce nest absolument pas le projet de la Kabbale.

    Il y a cependant des analogies trs tonnantes entre ces deux courantsopposs de pense. Comme la Gnose, la Kabbale fonde sa doctrine surun Dieu primordial tranger au Monde, inconnaissable, inaccessible etlointain, lEn-Sof, ou lInfini. Elle ne le nomme jamais, le dsignant

    par les quatre lettres IHWE. LEn-Sof se manifeste lhumanit par laSchehkina, la Prsence de Dieu unie sa Partie Fminine. Cette entitcre le Monde et sen occupe comme une mre de son enfant. Dans le

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    35/42

    Ombres et Lumires

    215

    Zohar, dat du 13me sicle, lEn-Sof dsigne le principe de lAmourMme dont lblouissement ne peut tre contempl directement. Pourapprocher le Monde, lEn-Sof sentoure de cinq enveloppes, graduel-

    lement paissies, afin dobscurcir sa lumire, (le Grand Visage, lePre, la Mre, le Petit Visage, et lEpouse du petit Visage). Dans leMonde de la Cration, les deux Protoplastes, parfaitement unis enHaut, dans le Mi, descendent et occupent la Terre, dans le Ma. Il im-

    porte de savoir que dans le Mi, le nom cach du Pre cest Jhovah, etle nom cach de la mre cest Elohim. Le nom complet de Dieu dansle Mi, (lessence), cest Jehovah-Elohim, qui unit les deux principes,et dans le Ma, (lexistence), cest Adam, mle et femelle.

    La thorie des Sphiroth de la Kabbale correspond la hirarchie desEons de la Gnose. Les deux principes sont insparables tant danslunit archtypielle non manifeste, le monde den haut, le Mi,

    lEssence, que dans la ralit manifeste, le monde den bas, le Ma,lExistence. Ils se rencontrent dans lHomme conscient, la fois mi-crocosmos, petit monde, etmicrothos, petit dieu. La tradition repr-sente lInconnaissable, dans sa manifestation humaine, sous formedun schma symbolique, larbre des Sephiroth, compos de troistriangles superposs. Ils correspondent la trilogie me-Esprit-Corps.Le triangle suprieur est particulier. Il a la pointe en haut, car il sym-

    bolise la partie spirituelle de la manifestation divine. Il est form de laCouronne, (La Tte), de la Sagesse, (Pre divin, paule droite), et delIntelligence, (Mre divine, paule gauche). Le mdian a la pointe en

    bas et comprend la Beaut, ou lEpoux, (La Poitrine), la Misricorde,(Bras droit), et la Rigueur, (Bras gauche). La Victoire, (Jambe droite),

    la Gloire, (Jambe gauche), et la Base, (Organe sexuel), forment letriangle infrieur, la pointe tourne vers le bas. Le Rgne,(lEpouse), est la dixime Sephira, qui reprsente lHomme complet.On voit bien que tout le cot droit figure le principe mle. Le cotgauche est le principe femelle, et le milieu, (la colonne vertbrale),symbolise la descente gnratrice de lEsprit dans le corps delHomme.

    La Kabbale sonde la Bible pour en extraire les noms secrets de Dieu,et ceux des anges et des dmons qui foisonnent dans sa cosmologie

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    36/42

    LArgile et lme.

    216

    astrale. Cette connaissance doit donner aux adeptes le contrle delunivers. Les mots kabbalistiques sont gnralement des abrviationsde versets bibliques. Ils ont tous un sens secret et un contenu mystique

    puissant, et il en est de mme des noms propres. Les peuples anciensne connaissaient pas les chiffres et utilisaient des lettres pour dsignerles nombres. Celles qui constituent les alphabets grec et hbreu ontdonc des valeurs numrales partir desquelles on fait beaucoup decalculs et de supputations.

    Les Kabbalistes divisent lhomme en trois parties. Lme globalecomprend lesprit vital, lintellect, et lme divine. Ils rsident dansdes rgions distinctes et connaissent des sorts diffrents. La thorie dela transmigration des mes comprend une possibilit nouvelle extraor-dinaire, le Gilgoul, lassociation familiale entre lme intellectuelledun dfunt et celle dun vivant. Ainsi, une me repentante peut

    sassocier un vivant vertueux, et une sainte me peut aider un procheparent sil est un pcheur en difficult.

    On distingue deux poques et deux aspects diffrents dans lhistoirede la Kabbale. Nous avons dj abord le premier, le principal,laspect religieux intgriste li au mysticisme juif et lexaltation dela religion dIsral. Le second aspect est philosophique. Certains oc-cultistes utilisent la Kabbale comme une voie conduisant une nou-velle connaissance du monde. Ils la rinventent et en largissent lasignification. Cette autre Kabbale cherche des vrits universellesdans lexpression des traditions et les crits sacrs. Au 15me sicle, Picde la Mirandole est lun des premiers philosophes se pencher sur la

    Kabbale. Accus dhrsie, il est emprisonn mais Laurent de Mdicisse porte garant pour lui devant le Pape. Il est suivi par lAllemandJohann Reuchlin, vite mis en cause par lInquisition. Dfendu par la

    population de Souabe, Reuchlin dplace ltude de la Kabbale du planreligieux vers le plan philosophique. Il devient le matre kabbaliste dela Renaissance, suivi de Guillaume Postel et Jacques Gaffarel. Au19me sicle, citons Wronski, Fabre dOlivet, et Eliphas Lvi, labbConstant, qui produit de nombreux crits sotriques dont Victor Hu-go sinspire dans la Fin de Satan. Ensuite apparat Stanislas de Guaita

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    37/42

    Ombres et Lumires

    217

    qui refonde en 1887, Paris, et sur ces bases philosophiques et sot-riques, lOrdre Kabbalistique de la Rose-Croix.

    La Rose-Croix. LOrdre fond par Guaita mle lapproche sotriquescientifique et loeuvre littraire. Il se propose de combattre la sorcel-lerie et runit un groupe actif dhommes trs connus, dont Papus. Mal-gr le srieux du travail effectu, lOrdre clate rapidement. En 1890,Pladan cre le Tiers Ordre intellectuel de la Rose-Croix, une sectionmondaine qui rassemble cent soixante-dix artistes clbres. Il organisedes salons qui ont un succs fou, rassemblant jusqu vingt-deux millevisiteurs. On est bien loin de la retenue et de la discrtion qui caract-risent la tradition des vritables Rose-Croix auxquels nous allonsmaintenant revenir.

    Selon Papus, trois courants caractrisaient la recherche sotrique

    moderne, le Gnosticisme, (Cathares, Vaudois, et Templiers dont dri-vent les Maons), les moines catholiques, et enfin les divers initis(Hermtistes, Alchimistes, Kabbalistes). Le courant rosi-crucien rsul-terait de la synthse de fait ralise entre les trois traditions. On re-marque cependant dj, dans la Divine Comdie de Dante, (vers1320), que le huitime ciel du paradis est dcrit comme le ciel toildes Rose-Croix. Il se pourrait aussi que la fondation de lOrdre impli-que Paracelse, mdecin et alchimiste, n en Suisse vers 1493. Il utiliseles symboles de la rose et de la double croix dite lorraine , ds 1536,et prdit la venue dElias-Artista, lEsprit radiant, ambassadeur duParaclet et personnification future de lOrdre. (La thorie mdicale de

    Paracelse innovait en tablissant des correspondances alchimiquesentre les diffrentes parties du corps humain, le Microcosme, et cellesde lunivers considr dans sa totalit, le Macrocosme) .

    Nanmoins, lorigine de la Fraternit prestigieuse des Rose-Croixreste mystrieuse. Au 16me sicle, les armes de Luther portent unecroix encadre de quatre roses. A lpoque, en Occident, les sourcesde lsotrisme rassemblent diverses traditions, gnostiques, hermtis-tes, mazdistes, alchimistes, ou kabbalistes, des traditions manichen-nes ou autochtones comme celle du Graal, celles des docteurs delEglise Catholique, et un courant transmis par les Druzes arabes. La

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    38/42

    LArgile et lme.

    218

    Fraternit des Rose-Croix semble avoir ralis une large synthse deces multiples traditions inspires, partir de lanne 1600.

    Un religieux protestant, Valentin Andreae, publie deux manifestes en1614. Il sagit de la Gloire de la Fraternit, (la fameuse Fama Frater-nitatis, et de la Confession des Frres Rose-Croix). Ils exposent ladoctrine de la Fraternit des Rose-Croix qui prconise une rformegnrale de lHumanit. Valentin Andreae publie ensuite de nombreu-ses autres oeuvres dont les plus importantes sont Christianopolis etsurtout les Noces Chymiques de Christian Rosencreutz.

    Dans ce rcit, le fondateur lgendaire de la Rose-Croix, Christian,invit aux noces de Sponsus et de Sponsa, (lpoux et lpouse), rvequil est enferm au fond dun puits ou dune tour dont il sort laidedune corde lance de lextrieur. Il se met ensuite en route et traverse

    une fort. Il doit choisir entre quatre routes dangereuses dont lune estmortelle. Cherchant aider une colombe combattue par un corbeau, ilest guid vers le chteau royal. Les invits doivent y tre pess poursavoir sils sont dignes dtre prsents au roi. Beaucoup sont rejetset condamns. Christian est assez lourd pour quilibrer les poids sur la

    balance. Il est accept et poursuit sa qute initiatique.

    Les descriptions contenues dans le rcit ont pu tre interprtescomme des indications prcieuses pour la ralisation du Grand-Oeuvrealchimique. Mais nous savons que les alchimistes taient fondamenta-lement des mtaphysiciens sotristes. La poursuite du Grand-Oeuvretait seulement pour eux le symbole du chemin ncessaire la ralisa-

    tion de lindispensable transfiguration de lme, prlude la rsurrec-tion de lHomme vritable, la figure divine originelle.L est le sens cach et vritable des Noces Alchymiques de ChristianRose-Croix, ouvrage qui rpte sous une forme diffrente le messagemdival de la Qute du Graal par Perceval le Gallois. Les vritablescoles spiritualistes rosicruciennes poursuivent aujourdhui encoredans le Monde loeuvre initiatique qui conduit cette connaissance.Leur enseignement tmoigne toujours dune inspiration rosicrucienneauthentique et vivante. Elles adaptent leur message sotrique perma-nent aux temps et aux lieux o il est prononc. Dans notre civilisation,

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    39/42

    Ombres et Lumires

    219

    elle va sappuyer sur les traditions chrtiennes tout en expliquant lesens cach des mythes et des critures.

    Pour illustrer plaisamment cette constante flexibilit du message gnos-tique rosicrucien, je vous prie de regarder un instant les deux imagessuivantes qui montrent visuellement comment lexpos dun mmecontenupeut adopter les contraintes de divers moules extrieurs impo-ss. Le texte est ici arbitrairement rdig par moi-mme pour cetusage. Quoique variant dans la forme, il est constant dans la lettre etdans lesprit tout en restant galement lisible plusieurs autres ni-veaux moins vidents.

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    40/42

    LArgile et lme.

    220

    La Coupe du Graal

    Dans lUnicit rayonnante de lEternit vritable,Croyez-vous, que les Esprits parfaits, ou les lumineux Anges,

    puissent aussi pleurer sur la simple beaut dune rose ?Je crois quen notre larme jamais ncessaire

    le poids de la Matire et la spendeur des Cieux.se rencontrent au fond du coeur,

    car la Lumire nous a confi,en jardinage,

    lorigine,maintenant,et toujours,

    lEsprit de libert,mais aussi lArgile et lme.

    ( Eden - Pomes pour lAn 2000)

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    41/42

    Ombres et Lumires

    221

    La Rose et la Croix

    Dans lUnicitrayonnantede lEternit

    vritable,croyez-vous,

    que les Esprits parfaits, ou les lumineux Anges,puissent aussi pleurer sur la simple beaut

    dune rose ?Parce quen notre larme jamais ncessaire

    le poids de la Matire et la splendeur des Cieux.

    se rencontrentau fond du coeur,

    je crois quela Lumirea confi,

    en jardinage, lorigine,maintenant,et toujours,

    lEspritde libert,mais aussi,

    lArgile et lme.

    (Eden - Pomes pour lAn 2000)

  • 7/28/2019 Petit Manuel dHumanit Cahier 12-Ombres et Lumires

    42/42

    LArgile et lme.

    222