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Peu de gens savent

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Durant deux années, chaque soir, Manu Larcenet a noirci et noirci des carnets sans autre but que de provoquer des accidents de dessin. De ces centaines de dessins, certains restaient dans la tête de l’auteur, comme des repères, mais aussi des instants précieux à travers lesquels, il avait enrichi son travail en bande dessinée. Rassemblés, ils n’apportaient rien, et cela aurait donné un mauvais recueil. C’est en travaillant l’écriture que les dessins ont pris leur forme définitive. Comme si les mots venaient les illustrer, leur donner enfin un sens, petit à petit, sans pression, ni ambition. L’ultime pari de cette aventure était la conception du livre, et il ne restait plus qu’à accomplir un vieux rêve, proposer un dos toilé pour la première fois à Manu Larcenet, pour rendre définitivement classieuse sa première encyclopédie.

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Peu de gens savent que l’Art brut naquit des expériences du peintre Jean Dubuffet.Ce terme désigne les productions sans prétentions culturelles de non-profession-nels de l’art, principalement des internés psychiatriques. C’est ainsi que Dubuffetacheta pour sa collection la sculpture monumentale du psychotique Jean-LouisTignasson, intitulée La Porte de Charlie Chaplin en crottes de nez, déjections humaines et fluidescorporels, qu’il avait mis quarante-deux ans à fignoler. L’œuvre est maintenant exposéeau British Museum of Crazy Arts. Les autorités gouvernementales britanniquesde santé publique recommandent cependant de ne pas l’approcher à moins de centcinquante mètres.

- Figure 52 -

- Figure 55 -

Peu de gens savent que Jean-François Frétillon s’est récemment marié avec unpetit poussin. Il comprit son erreur lors de la nuit de noces, mais il était trop tard.Il enterra le corps de sa récente épouse le lendemain matin, au fond de son jardin.La brigade criminelle réussira à le localiser deux ans plus tard, caché dans un hôtelde la région de Limoges, grâce à son empreinte ADN. Lors de son arrestation, onle trouva au lit en compagnie de sa nouvelle conquête, un campagnol des champs.

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- Figure 57 -

Peu de gens savent que le concept d’inconscient utilisé par Sigmund Freud dans sa théorie psychanalytique basée en partie sur l’étude des rêves est une vastefumisterie ! Si j’avais un inconscient, je le saurais !

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- Figure 60 -

Peu de gens savent que fumer des cigarettes tue. En même temps, je ne vois pasbien ce qu’on peut en faire d’autre… On ne va pas les manger ou se les glisser dansle rectum, tout de même.

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Peu de gens savent que le frère jumeau de Wilbur John Willinger est un chinchilla.

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- Figure 61 -

- Figure 65 -

Peu de gens savent que les otaries roses des Antilles sont fréquemment atteintesd’érotomanie. Cette maladie du groupe des psychoses, construite autour de laconviction délirante que l’on est aimé par une personne, entraîne l’otarie rose desAntilles à investir en masse, lors de sa migration annuelle, les tournages de filmspornographiques de toute la côte est des États-Unis, provoquant de profondesblessures chez les acteurs, mais aussi chez toutes les catégories de techniciens. Ainsi,l’année passée, le secteur de la vidéo pornographique amateur aux États-Unis aconnu une chute spectaculaire de sa production, explosant le taux de chômage dela profession tout entière. Le Syndicat américain des réalisateurs de films de boulesa récemment déclaré que, pour éviter tout débordement, il engagerait des bandesd’orques-épaulards (Orcinus orca) pour assurer la sécurité des plateaux de tournage.

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Peu de gens savent que Jean-Gaston Tripoulet est à ce jour le seul témoin duniveau de civilisation extraordinaire atteint par les hermines. En chassant le sanglierdans la campagne bretonne, il tomba au sortir d’un chemin creux sur un spectacleà couper le souffle. Une hermine entassait des cailloux avec une étonnante agilité.Il eut la chance d’observer le manège du mustélidé pendant de longues minutes etcomprit qu’il assistait là à une prouesse extraordinaire. L’animal assemblait en effetles pierres avec une minutie invraisemblable et la forme qui naissait sous ses petitespattes griffues ne laissait plus guère de doute dans l’esprit de Jean-Gaston Tripoulet.La ligne typique d’une arche en encorbellement, des arcs-boutants solides maisélancés, une voûte d’ogive pleine et l’élévation à trois niveaux avec un triforiumaveugle indiquaient très clairement que le petit carnivore était bel et bien affairé àla construction d’une cathédrale gothique de style flamboyant. Jean-GastonTripoulet, admiratif de la belle ouvrage, ne put retenir un sifflement d’admira-tion, effrayant ainsi malencontreusement l’hermine, par nature si craintive, qui pritimmédiatement la fuite. Surpris par l’extrême rapidité de l’animal et encore chan-celant sous le coup de son extraordinaire découverte, l’homme ne put réprimer ungeste instinctif. En une fraction de seconde, il épaula son fusil et tira. Pulvérisépar la chevrotine à sangliers, le petit animal retomba mollement au sol en un menutas rougeâtre et gluant. Depuis, il faut croire que les hermines se sont donné lemot, car personne ne les vit plus construire quoi que ce fût de flamboyant.

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- Figure 69 -

- Figure 73 -

Peu de gens savent que le berger des Shetland à l’intestin grêle externe est unerace de chien qui ne connut que très peu de succès, notamment à cause de la couleurinhabituelle de son pelage bleu.

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Peu de gens savent que Jean-Didier Cloutier, dit Dédé la Science, fut un des philo-sophes de comptoir les plus importants du XXe siècle.

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- Figure 74 -

Peu de gens savent que le fameux mollah fondamentaliste Ibn-Al-Fharaouiz,fondateur de l’école coranique Morale et Lapidation, leader fondateur de la fraction armé Meurs, chien occidental et coauteur avec l’ayatollah Wakbar dubrûlot J’égorgerai vos enfants était en fait Mère Teresa avec une fausse barbe en poilsde chameau.

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- Figure 75 -

Peu de gens savent que Louis XIII, le fameux Roi-Soleil, aimait tellementBonaparte, son cheval blanc, qui avait aussi appartenu à Henri IV, qu’à sa mort il le fit empailler puis monter en lampe de chevet. Ainsi, toutes les nuits, au lieuque de chambouler Marie-Antoinette et la comtesse de Ségur dans le lit conjugalcomme la bienséance l’eût exigé, il préférait étudier douillettement Kierkegaard etles philosophes existentialistes à la douce lumière de son cheval. Notons d’ailleursque, pour l’époque, c’était là une véritable prouesse technique puisque l’électricitén’avait pas encore été inventée.

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- Figure 79 -

- Figure 82 -

Peu de gens savent que Jean-Bernard Dutruchet se sentait angoissé et écrasé parsa femme. C’est du moins ainsi qu’il présenta sa souffrance au psychiatre Jean-Robert Feuillantin, qui entreprit immédiatement de le soumettre à une thérapiecognitive comportementale. Malgré une assiduité et une bonne volonté exemplairesainsi qu’un traitement médicamenteux lourd, Jean-Bernard Dutruchet ne fit aucunprogrès pendant dix-sept ans. Jusqu’au jour où il amena sa femme en consultation. Marie-Ange Dutruchet faisait six mètres de haut pour sept cent quarante kilos.

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- Figure 86 -

Peu de gens savent que, après avoir passé leur jeunesse dans la lutte armée puisen prison, les terroristes Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon, cofondateursdu fameux groupe Action directe, en ont eu un peu marre du marxisme-léninismeet ont décidé de se trouver un job en usine et de mettre de l’argent de côté sur unlivret A afin de pouvoir enfin se payer le petit pavillon de leurs rêves, à Voisin-le-Bretonneux (Yvelines).

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- Figure 93 -

Peu de gens savent que les femelles dauphin des îles Galápagos subissent, à lapériode des amours, des transformations hormonales importantes des plus surpre-nantes qui pourraient bien expliquer la légende des sirènes.

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Peu de gens savent que le célèbre biophysicien allemand Wolfgang Reichmeisterse délassait en étudiant sur son temps libre et sous les quolibets des élites scien-tifiques la structure atomique submoléculaire de Kermit la grenouille.

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- Figure 94 -

Peu de gens savent que Jean-Philippe Dumelon n’est sans doute pas le fils d’ElvisPresley. On ne compte plus les enfants illégitimes imputés au chanteur de rock’nroll américain, mais Jean-Philippe Dumelon est le seul Européen à revendiquerune telle paternité, et ce contre toute évidence, dans la mesure où Elvis Presley n’ajamais mis le pied sur le sol français, ni son appareil génital dans une seule Française.L’autre raison principale de la méfiance des autorités américaines envers cetterequête en paternité est la date de naissance de Jean-Philippe Dumelon : 1988. Lamort du King remontant à 1977, on comprend mal comment une gestationhumaine, généralement parachevée en neuf mois, aurait pris plus de onze ans dansle cas qui nous occupe. Interrogée par le FBI en 2006, Marie-Thérèse Dumelonapporta quelques précisions susceptibles d’éclairer les dernières zones d’ombre decette histoire. Elle déclara qu’elle avait été abordée dans une boîte de nuit tropé-zienne à l’été 1987, par un Elvis Presley visiblement alcoolisé. Ayant fait part àl’homme des doutes légitimes qu’elle nourrissait quant à son identité, celui-cirépondit qu’il n’était pas mort en 1977, comme l’affirmait la thèse officielle, maisqu’il avait organisé sa disparition pour fuir le rythme infernal de la vie de rockstar. N’ayant plus de raison de douter de la sincérité du chanteur, et rassurée parl’embonpoint de ce dernier, proche de celui qu’elle connaissait au King des dernièresannées, elle passa la nuit en sa compagnie. Elle se souvient même que, au momentprécis de la conception son fils Jean-Philippe, Elvis Presley aurait fredonné unede ses plus jolies chansons à son oreille.« Love Me Tender ? demanda l’officier du FBI.– Non, Big Bisou », répondit Marie-Thérèse Dumelon.

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- Figure 95 -

- Figure 104 -

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Peu de gens savent que l’artiste allemand Hans Angermüller fait partie de l’avant-garde la plus radicale de l’art conceptuel. Lors de son exposition Konzepzion àHambourg en 1972, il entreprit de ne rien présenter et de ne pas venir. Cettedémarche tendait à démontrer la radicalité de l’acte-par l’acte-pour l’acte. La problé-matique artistique ainsi posée nous invite à repenser la question de la tradition-nelle mise en scène de l’objet artistique qui nous plonge à l’essence même de larelation entre la nature du questionnement et la finalité des choses. Poser la ques-tion du lien qui se fait (ou non) entre l’artiste et l’objet artistique confirme sonexistence, grâce au doute. Le vide exhibé par l’artiste et revendiqué en tant queposition raisonnable sur l’objet-matière tend à induire l’existence d’une argumen-tation méthodique existant (ou pas) du simple fait qu’il ait originé dans l’espritdu spectateur. Bien sûr, personne n’est venu.

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Peu de gens savent que les enfants merles ont beaucoup de mal à se réinsérer dansla société et peuvent, pour certains, devenir des menaces pour la société. C’est ainsique, récemment, un enfant merle a picoré à mort un enfant ver de terre.

- Figure 109 -

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Peu de gens savent ce que fait tata Annick pendant son temps libre.

- Figure 111 -

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Peu de gens savent qu’un nouveaucréneau porteur sur le marché du cinémapornographique est en train de naître. LePorno Hardcore’ch Bigouden semble eneffet acquérir de plus en plus de parts demarché sur le secteur de la pornographierégionale. Sans doute l’extrême raffine-ment de la sexualité bigoudène, l’authen-ticité des actrices, exclusivement desBretonnes du sud-ouest de Quimper, l’in-ventivité et l’originalité de leurs positionsérotiques comme « la mouette qui picorel’oursin dans la baie de Cromlech », « lepêcheur qui décharge sa cale à l’entrée duport de Penmarc’h-Ar-Brizh » ou encore« la langoustine de Ker-Rovern’ch quifrétille devant l’huître grande ouverte dela pointe du Brezhoneg » ne sont-ellespas étrangères à cette nouvelle mode.

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Peu de gens savent que l’on fabrique les ballons de rugby dans des têtes de chiens.On coupe les oreilles, on rabote une truffe par-ci, des dents par-là, et le tour est joué.

- Figure 132 -

- Figure 137 -

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Peu de gens savent faire un bon résumé des Trois Mousquetaires. Venant d’unecommune du nord de la France sinistrée par le chômage, le jeune d’Artagnan monteà Paris pour faire carrière dans la mousqueterie. Là, il devient copain avec les mous-quetaires d’Henri IV. Mais il se retrouve piégé dans des histoires politico-finan-cières et finit par demander le cardinal Mazarin en duel, pour éclaircir les choses.Afin de récupérer les ferrets et l’honneur de sa maîtresse, la reine Marie-Antoinette,le jeune d’Artagnan se bat comme un lion, mais il est bientôt désarmé par lecardinal, qui a une botte secrète, et l’épée que lui avait confiée le roi Arthur rouleà terre, hors de sa portée. Le cardinal est prêt à plonger sa lame dans le cœur ded’Artagnan quand celui-ci se souvient des cours de kung-fu que lui avait prodi-gués Lao-Tseu, lors de son voyage en Afrique avec Marco Polo et… Bon, OK, jel’ai pas lu, Les Trois Mousquetaires ! Ça va ! En plus, j’ai jamais trop aimé Victor Hugo.

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Peu de gens savent que la célèbre ballerine Svetlana Belogolovtseva était unedanseuse engagée. Elle apporta, dans les années 1980, une ouverture sur le grandpublic jusqu’ici inédite dans la danse moderne. C’est dans cette optique qu’elleproposa en l’enceinte même du fameux Théâtre du Bolchoï de Moscou une ambi-tieuse adaptation de la Danse des canards, le 21 septembre 1974. Elle fut déportéele lendemain et termina ses jours dans le camp de travail d’Arkhangelsk, en Sibérieorientale.

- Figure 144 -

- Figure 147 -

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Peu de gens savent que, lorsque le cabinet d’avocats Kauffbrown & Mann engageaJohn Billingsley, personne ne remarqua que c’était un chat. Bien sûr, Billingsleys’était déguisé en avocat d’affaires, avec un costume de couturier, une cravate

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de marque et une chaîne en or et il avait pris soin de teindre ses moustaches, maison peut légitimement se poser la question de savoir comment il avait pu duper lecomité de recrutement quant à ses connaissances en droit. L’enquête a démontrépar la suite qu’il avait arrêté ses études à Harvard en troisième année pour, disait-il, « trouver son moi profond ». Il avait ainsi parcouru les États-Unis d’est enouest, dans sa vieille Buick, dormant dehors la plupart du temps et se nourrissantde petits rongeurs ou de lapins. Parfois, une vieille dame esseulée lui offrait unenuit de tranquillité sur un fauteuil fatigué, au coin de la cheminée, et une gamellede croquettes. Puis il repartait au matin, en silence, comme poussé par un ventcapricieux. L’horizon au bout de la route comme seul point de fuite. Puis, un soirde février, il avait été capturé par la fourrière communale de Huntsville, dans leMissouri alors qu’il dormait sous un pont. À la prison de haute sécurité Douglas-G.-Boozard, il fut placé directement dans le couloir de la mort, dans une cellulevide sans même un peu de litière, ou il attendit son exécution, cherchant vaine-ment à convaincre ses geôliers que le cinquième amendement de la Constitutionlui donnait droit à un procès équitable. Quand ils vinrent le chercher pour l’injec-tion létale, John Billingsley griffa profondément le visage de l’officier BradWestwood, mordit sauvagement les officiers Jerry Montgomery et Jeff Thornfishet prit la fuite par la minuscule fenêtre des toilettes. Il déclarera que cette expérience avait modifié sa façon de penser, qu’il avait mûri et qu’il voulait mettreses talents au service des plus humbles en devenant avocat, pour que ce qui lui étaitarrivé dans le Missouri ne puisse plus jamais arriver à personne. Il assura sa propredéfense au procès que l’État intenta contre lui pour « exercice illégal de la profession d’avocat », et malgré une plaidoirie pleine de talent et de passion, lesjurés le condamnèrent à la peine de mort. John Billingsley fut exécuté le 2 juin2009 à la prison de Johnsville, Tennessee. Comme c’est la tradition aux États-Unis, on lui demanda de choisir le menu de son dernier repas. Il répondit qu’ildésirait une gamelle de croquettes bon marché et un bol de lait frais, comme sesfrères du monde entier, ni plus, ni moins.

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Peu de gens savent que le western est un des genres cinématographiques les plusstupides au monde. Imaginez trente secondes qu’on transpose ici, en France, plusprécisément dans la Mayenne, à Chémeré-le-Roi, l’histoire de Règlement de compte àOK Corral, de John Sturges (1957), voici ce que ça donnerait : « Sur la piste d’undénommé Dédé Chambon, bandit notoire, braconnier et distilleur de cidre frelaté,Jean-Louis Grompierres, brigadier-chef de la gendarmerie de Chémeré-le-Roi,débarque à Soulgé-sur-Ouette, petite bourgade de l’ouest du département de laMayenne. Il se met sous l’autorité de l’un de ses anciens copains d’Algérie, le lieu-tenant de gendarmerie Jojo Boulchot. Il s’aperçoit que son ami a tourné le dos àla république en laissant Dédé Chambon s’échapper de la centrale de Saint-Jean-sur-Erve. Pour retrouver sa trace, le brigadier-chef s’adresse à une figure rougeauderégionale, le célèbre joueur de pétanque Jean-Paul Bouteloup, triple champion desPays de la Loire. Mais ce dernier, fin saoul, lui dit qu’il peut aller se faire foutre.La nuit venue, Jean-Paul Bouteloup, qui vient de commencer une bagarre généralelors du bal du 14-Juillet, doit faire face aux villageois qui n’en peuvent plus de sesconneries qui troublent l’ordre publique. Le brigadier-chef de gendarmerie Jean-Louis Grompierres l’aide à fuir Soulgé-sur-Ouette sur le dos d’une vache puis s’enretourne à Chémeré-le-Roi sous la pluie. D’autres emmerdes dues aux quotas agri-coles l’attendent, mais il prend le temps de cacher Jojo Boulchot dans sa cave à vin,ce qui comporte des risques. Dédé Chambon se décidera-t-il à montrer le bout deson nez rubicond ? » Bel exemple de la fameuse « exception culturelle » française.