3
PEUPLE : Retour sur une distinction majeure : Peuple "ethnos" et peuple "demos". De quoi parle-t-on lorsque l'on parle de peuple ? L'usage en est varié. Une certaine perception le rattache au petit peuple, aux couches populaires. Mais c'est déjà un choix de signification qui cache la complexité d'une signification riche . On le distingue ordinairement en France de la Nation pour lui donner une épaisseur plus concrète. Mais pour aller plus loin une vielle distinction adoptée par la science politique est mise en avant : l'ethnos se distingue du demos. I - Le peuple ETHNOS Il est celui qui partage une culture commune issue de l’histoire. Il a des variantes une éthnique, l’autre religieuse. Mais l’histoire avec ses évènements, ses bouleversements - guerres, migrations, révolutions, etc . - a introduit de la conflictualité dans la culture commune. Du moins en France. Autrement dit ce qui est partagé ne l’est pas nécessairement en toute harmonie. En France il est assez aisé de repérer, même pour un étranger, quelques conflits "identitaires" majeurs . Ainsi pourra-t-on voir un conflit entre la volonté forte d’unité et d’indivisibilité de la Nation et la survivance de quelques cultures "régionales" encore fortes. L’autre exemple à noter est celui de la survivance d’une subculture chrétienne face à une forte culture laïque. La France est un pays marqué tout à la fois - et contradictoirement - 1) par l’esprit de la Révolution de 1789 qui a donné lieu à la perspective d’une révolution non terminée et à tous les courants de transformation de la société (anarchistes, socialistes, communistes,etc.) et 2) par le maintien d’un fil historique pré-révolutionnaire que l’on retrouve dans l’appel à la terre de Méline ou dans le Travail, Famille, Patrie de Pétain ou dans le gout récurrent pour l’aventure coloniale et postcoloniale (discours de Dakar du Président Sarkozy) ou guerrière (Afghanistan) . * Ethnos d’émancipation ? Le peuple "ethnos" n’est pas uniquement celui ancré sur les structures autoritaires faisant tout à la fois appel à un conducator et à la religion sous ses formes les plus réactionnaires. Mais avec la crise, la "montée de l’identité" peut prendre la forme réactionnaire déjà présente tant dans les espaces régionaux (extrême-droite en Bretagne) que dans les replis communautaires religieux ou pour la communauté nationale dans les tentatives de la droite sarkozienne d’instrumentaliser par en-haut l’identité nationale comme d’autres instrumentalisent les pratiques religieuses archaïques aux fins de critique de l’intégration républicaine. L’ethnos peut se marier à une logique émancipatrice, sociale et citoyenne comme le "demos", en revendiquant une France pluriculturelle voire plurinationale pour les cultures ou les peuples dominés - Bretons, Corses, Kanaks, Martiniquais, .... Une perspective sociale et même socialiste peut se couler dans une République faisant sienne le "carré républicain" Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité mais en aménageant le volet "une et indivisible" et en réalisant la formule démocratique quasiment utopique du "gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple". Hypothèse d’école pour l’heure... * Ethnos des dominés : victimes ethniques ou sociales et de genre ?

Peuple Ethnos Et Peuple Demos

Embed Size (px)

DESCRIPTION

culture

Citation preview

PEUPLE : Retour sur une distinction majeure : Peuple "ethnos" et peuple "demos".

De quoi parle-t-on lorsque l'on parle de peuple ? L'usage en est vari. Une certaine perception le rattache au petit peuple, aux couches populaires. Mais c'est dj un choix de signification qui cache la complexit d'une signification riche . On le distingue ordinairement en France de la Nation pour lui donner une paisseur plus concrte. Mais pour aller plus loin une vielle distinction adopte par la science politique est mise en avant : l'ethnos se distingue du demos.

I - Le peuple ETHNOSIl est celui qui partage une culture commune issue de lhistoire. Il a des variantes une thnique, lautre religieuse. Mais lhistoire avec ses vnements, ses bouleversements - guerres, migrations, rvolutions, etc . - a introduit de la conflictualit dans la culture commune. Du moins en France. Autrement dit ce qui est partag ne lest pas ncessairement en toute harmonie.

En France il est assez ais de reprer, mme pour un tranger, quelques conflits "identitaires" majeurs . Ainsi pourra-t-on voir un conflit entre la volont forte dunit et dindivisibilit de la Nation et la survivance de quelques cultures "rgionales" encore fortes. Lautre exemple noter est celui de la survivance dune subculture chrtienne face une forte culture laque. La France est un pays marqu tout la fois - et contradictoirement - 1) par lesprit de la Rvolution de 1789 qui a donn lieu la perspective dune rvolution non termine et tous les courants de transformation de la socit (anarchistes, socialistes, communistes,etc.) et 2) par le maintien dun fil historique pr-rvolutionnaire que lon retrouve dans lappel la terre de Mline ou dans le Travail, Famille, Patrie de Ptain ou dans le gout rcurrent pour laventure coloniale et postcoloniale (discours de Dakar du Prsident Sarkozy) ou guerrire (Afghanistan) .

*Ethnos dmancipation ?Le peuple "ethnos" nest pas uniquement celui ancr sur les structures autoritaires faisant tout la fois appel un conducator et la religion sous ses formes les plus ractionnaires. Mais avec la crise, la "monte de lidentit" peut prendre la forme ractionnaire dj prsente tant dans les espaces rgionaux (extrme-droite en Bretagne) que dans les replis communautaires religieux ou pour la communaut nationale dans les tentatives de la droite sarkozienne dinstrumentaliser par en-haut lidentit nationale comme dautres instrumentalisent les pratiques religieuses archaques aux fins de critique de lintgration rpublicaine. Lethnos peut se marier une logique mancipatrice, sociale et citoyenne comme le "demos", en revendiquant une France pluriculturelle voire plurinationale pour les cultures ou les peuples domins - Bretons, Corses, Kanaks, Martiniquais, .... Une perspective sociale et mme socialiste peut se couler dans une Rpublique faisant sienne le "carr rpublicain" Libert, Egalit, Fraternit, Lacit mais en amnageant le volet "une et indivisible" et en ralisant la formule dmocratique quasiment utopique du "gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple". Hypothse dcole pour lheure...

*Ethnos des domins : victimes ethniques ou sociales et de genre ?Il faudrait ici distinguer un ethnos dominant dun ethnos domin. Mais cest l une problmatique qui ne se rgle pas en quelques lignes. Pour faire court, disons quun ethnos domin mais actif subjectivement et sur un mode dmocratique et social ("de gauche") tiendrait une lgitimit lautodtermination de la dite communaut. Renvoyons ici au dbat sur les minorits nationales.

A propos de la burqa, il semble avr que la constitution de la commission dite Grin suffisait amplement pour sinterroger sur ce phnomne religieux mineur - soumission passive ou affirmation identitaire religieuse ? - et que le lancement dun "grand dbat" sur lidentit nationale avec le voile intgral pour toile de fond est dmesur et dangereux ; dangereux pour deux raisons : il vient den-haut (instrumentalisation forte) et il porte une forte logique dexclusion. Si des mesures particulires sont prendre, nul besoin de mobiliser la Marseillaise, la cocarde et encore moins "la terre" faon Mline.

II - Le peuple DEMOSIl est celui qui a relativement lch ses pesanteurs archaques du pass au profit dune double orientations : le dmos social et le dmos dmocratique. Risquons une version sujective et militante en distinguant le demos des urnes (citoyen) et le dmos de la rue (social) !

*Le dmos SOCIALIl nest pas que "la rue" cest dire la mobilisation et la lutte de ceux-den-bas hors des procdures formelles de la dmocratie reprsentative ou participative . Le demos social cest aussi ltat des droits et des garanties protgeant les proltaires, ceux qui puisent leur salaire dans le mois ou qui npargnent que des sommes modestes en fin de mois (moins de 3000 euros par mois en Europe de lOuest). Le demos social existe enfin au titre de reprsentation du monde servant laction . A ce titre il pose une division verticale du peuple toute diffrente de la division horizontale et territoriale des ethnos et des communautarismes pour qui lautre est " ct"( lautre dpartement que le 93) ou "dehors" (lautre communaut). Il se pense soit en terme de couches sociales (vision stratificationniste) soit en terme de lutte de classes sociales antagonistes. Ainsi, la subdivision du peuple entre un peuple-classe et une bourgeoisie nationale relve dune apprhension du peuple comme dmos versus social.

En France la dynamique populaire sest manifest sur les deux derniers sicles en terme de conqutes sociales et dmocratiques, en terme de libration, dgalit, de fraternit et de laicit, le tout constitutif du "carr rpublicain". Il a donn lieu peu peu et dans le conflit une comprhension particulire de la Rpublique comme chose commune ("res communis"), comme comme gestion publique du bien public . Un comprhension qui a gagn du terrain face la proprit prive du Code civil de 1804 mais qui bute aujourdhui la reprivatisation du monde par le nolibralisme.

*Le dmos DEMOCRATIQUEIl est celui qui met laccent sur la volont de participer au dbat et de dcider.

Le dmos dmocratique se comprend dans un cadre national mais aussi dans un cadre post-national (perspective europenne) bien que les rflexions sur ce cadre soient plus complexes. Lire ici Des appartenances aux identits : vers une citoyennet politique europenne de Margarita Sanchez-Mazas et Raphal Gly. Voir aussi la table ronde Citoyennet et institution europennes de Mouvements 2007 (texte payant sur internet)

Le demos dmocratique donne lieu deux autres variantes, lune citoyenne avec lection de reprsentants du peuple, lautre autogestionnaire ou le peuple sapproprie les outils et la gestion des affaires soit dans lentreprise, soit dans la socit. Le demos democratique est en France le fait historique des forces sociales des diffrentes composantes de la gauches. Cest contre la vision restrictive des libraux que la dmocratisation sest effectue. Ce processus est aujourdhui bloqu par le nolibralisme.

Christian Delarue