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PHARM ACTUEL Janvier - Février - Mars 2016 Volume 49 Numéro 1 www.pharmactuel.com Éditorial Au-delà des outils d’évaluation de la prescription en gériatrie Lettre au rédacteur Rôles et retombées de l’activité pharmaceutique : profil de la phase II du site et du blogue Impact Pharmacie Évaluation critique de la documentation scientifique Double thérapie antiplaquettaire d’une durée de 12 ou 30 mois après la pose de tuteurs pharmacoactifs Utilisation cumulative de médicaments ayant une charge anticholinergique élevée et fréquence de la démence en gériatrie Le pembrolizumab contre l’ipilimumab dans le traitement du mélanome à un stade avancé Comparaison entre l’énalapril et un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine pour le traitement de l’insuffisance cardiaque Recherhe Gestion des risques liés au circuit du médicament dans les établissements médico-sociaux du canton de Fribourg (Suisse) – État des lieux 2012-2014 et nouvelle responsabilité des pharmaciens Votre expérience avec… Primo-prescription de fluoroquinolones dans les services de neurologie et réévaluation à 48-72 heures : une expérience du Centre hospitalier universitaire de Toulouse Gestion Médicaments en possession des patients : état des lieux, audits et changements de pratique Risques, qualité, sécurité La nouvelle version des critères STOPP/START adaptée en français Au centre de l'information Quelle place prend l’immunothérapie par voie sous-cutanée ou sublinguale dans le traitement de l’asthme et de la rhinite allergique? La revue internationale francophone de la pratique pharmaceutique en établissement de santé Journal officiel de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.).

PHARM ACTUEL

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PH ARM ACTUELJanvier - Février - Mars 2016 Volume 49Numéro 1

www.pharmactuel.com

ÉditorialAu-delà des outils d’évaluation de la

prescription en gériatrie

Lettre au rédacteurRôles et retombées de l’activité pharmaceutique :

profil de la phase II du site et du blogue Impact Pharmacie

Évaluation critique de la documentation scientifique

Double thérapie antiplaquettaire d’une durée de 12 ou 30 mois après la pose de tuteurs pharmacoactifs

Utilisation cumulative de médicaments ayant une charge anticholinergique élevée et fréquence de la démence

en gériatrie

Le pembrolizumab contre l’ipilimumab dans le traitement du mélanome à un stade avancé

Comparaison entre l’énalapril et un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine pour le traitement de

l’insuffisance cardiaque

RecherheGestion des risques liés au circuit du médicament dans les

établissements médico-sociaux du canton de Fribourg (Suisse) – État des lieux 2012-2014 et nouvelle responsabilité des pharmaciens

Votre expérience avec…Primo-prescription de fluoroquinolones dans les services de neurologie

et réévaluation à 48-72 heures : une expérience du Centre hospitalier universitaire

de Toulouse

GestionMédicaments en possession des patients : état des lieux, audits et changements de

pratique

Risques, qualité, sécuritéLa nouvelle version des critères STOPP/START adaptée en français

Au centre de l'informationQuelle place prend l’immunothérapie par voie sous-cutanée ou sublinguale dans le traitement

de l’asthme et de la rhinite allergique?

La revue internationale francophone de la pratique pharmaceutique en établissement de santé

Journal officiel de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.).

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© APES tous droits réservés Pharmactuel 2016;49(1) 1

PHARMACTUELL a r e v u e i n t e r n a t i o n a l e f r a n c o p h o n e d e l a p r a t i q u e p h a r m a c e u t i q u e e n é t a b l i s s e m e n t d e s a n t é

Réviseurs pour le volume 48 – Année 2015Remerciements aux réviseurs et aux membres du comité de rédaction pour 2015 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

ÉditorialAu-delà des outils d’évaluation de la prescription en gériatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Lettre au rédacteurRôles et retombées de l’activité pharmaceutique : profil de la phase II du site et du blogue Impact Pharmacie . . . . . . . . . 8

Évaluation critique de la documentation scientifiqueDouble thérapie antiplaquettaire d’une durée de 12 ou 30 mois après la pose de tuteurs pharmacoactifs . . . . . . . . . . . . 12

Utilisation cumulative de médicaments ayant une charge anticholinergique élevée et fréquence de la démence en gériatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

Le pembrolizumab contre l’ipilimumab dans le traitement du mélanome à un stade avancé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Comparaison entre l’énalapril et un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine pour le traitement de l’insuffisance cardiaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

RechercheGestion des risques liés au circuit du médicament dans les établissements médico-sociaux du canton de Fribourg (Suisse) – État des lieux 2012-2014 et nouvelle responsabilité des pharmaciens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Votre expérience avec…Primo-prescription de fluoroquinolones dans les services de neurologie et réévaluation à 48-72 heures : une expérience du Centre hospitalier universitaire de Toulouse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

GestionMédicaments en possession des patients : état des lieux, audits et changements de pratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Risques, qualité, sécuritéLa nouvelle version des critères STOPP/START adaptée en français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

Au centre de l'informationQuelle place prend l’immunothérapie par voie sous-cutanée ou sublinguale dans le traitement de l’asthme et de la rhinite allergique? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

SOMMAIRE

Toute reproduction de cette revue, en tout ou en partie, est interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Les opinions exprimées n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des rédacteurs ou des membres du conseil d’administration de l’A.P.E.S. La publication d’annonces publicitaires ne signifie pas l’approbation ou l’endossement par l’A.P.E.S. des produits ou services annoncés.

Dépôt légalBibliothèque nationale du CanadaISSN 2291-3025

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2 Pharmactuel 2016;49(1) © APES tous droits réservés

La revue internationale francophone de la pratique pharmaceutique en établissement de santéLa revue Pharmactuel a pour mission de publier en langue française des œuvres originales et novatrices destinées à la pratique pharmaceutique en établissement de santé. Revue francophone, jouissant d’une tribune internationale, Pharmactuel s’adresse aux pharmaciens, aux professionnels de la santé et aux décideurs intéressés par la pratique pharmaceutique en établissement de santé dans la francophonie.

L'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.) publie en ligne quatre numéros par année. Pharmactuel comporte quatre chroniques révisées par les pairs, portant sur l’évaluation critique de la documentation scientifique, la recherche, la pharmacothérapie, la présentation de cas cliniques ainsi que quatre autres chroniques de nature clinique ou administrative. Pharmactuel jouit d’une tribune internationale par l’intermédiaire de son indexation dans l’International Pharmaceutical Abstract.

COMITÉ DE RÉDACTION

Rédactrice en chefChroniques : Éditorial et lettre au rédacteurJulie Méthot, B .Pharm ., Ph .D .Pharmacienne, Institut universitaire de cardiologie et pneumologie de Québec;Professeure adjointe, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec, CanadaCourriel : [email protected]

Rédactrice adjointeChronique : Risques, qualité, sécuritéLouise Mallet, B .Sc .Pharm ., Pharm .D ., FESCPPharmacienne, Centre universitaire de santé McGill; Professeure titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal, Canada

Rédacteur associéChronique : Évaluation critique de la documentation scientifique Vincent Leclerc, B .Pharm ., M .Sc .Pharmacien, Institut universitaire de cardiologie et pneumologie de Québec, Québec, Canada

Rédacteur associéChronique : GestionJean-François Bussières, B .Pharm ., M .Sc . Pharmacien, Chef du Département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine; Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal, Canada

ÉQUIPE ÉDITORIALE

Coordonnatrice de la formation et des publications Anne BouchardA.P.E.S. 4050, rue Molson, bureau 320 Montréal (Québec) H1Y 3N1, CanadaCourriel : [email protected]

Adjoint professionnel à la direction générale François E. Lalonde, B.Pharm., M.Sc. A.P.E.S. Pharmacien, Clinicien associé, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal, Canada

Rédactrice adjointeChroniques : Pharmacothérapie Au centre de l’information, Cas clinique en direct de l'unitéChristine Hamel, B .Pharm ., M .Sc .Pharmacienne, CIUSSS de l'Estrie-CHUS, Installation La Pommeraie, Cowansville; Clinicienne associée, Faculté de pharmacie, Université de Montréal; Chargée d'enseignement clinique, Université Laval, Québec, Canada

Rédacteur associéChronique : RechercheChristian Rochefort, inf ., Ph .D .Chercheur-boursier Junior 1 (FRQ-S) Professeur adjoint Faculté de Médecine, École des sciences infirmières Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Canada

Rédacteur associéChronique : Votre expérience avec Jean-Philippe Boucher, B .Pharm ., M .Sc .Pharmacien, Hôpital Sainte-Croix (CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec), Drummondville, Canada

Révision des textesMultimed Inc.

Traduction Mark Wickens Ph.D., trad. a.

InfographieDominic Blais, Graphiste

Représentant publicitaireKeith Communications inc.

Page 5: PHARM ACTUEL

© APES tous droits réservés Pharmactuel 2016;49(1) 3

COMITÉ ÉDITORIAL INTERNATIONAL

Benoit Allenet, Pharm.D., Ph.D.Maître de Conférences des Universités - Praticien hospitalier, Université J Fourier, Grenoble, France

Pr Pascal BonnabryPharmacien-chef, Pharmacie des HUG, Université de Genève, Université de Lausanne, Genève, Suisse

Bruno Charpiat, D.Pharm.Pharmacien hospitalier, Hôpital de la Croix-Rousse, Hospices civils de Lyon, Lyon, France

Bertrand Guignard, Ph.D.Pharmacien hospitalier et pharmacien clinicien FPH, Hôpitaux universitaires de Genève, Genève, Suisse

Jean Lefebvre, B.Pharm., Ph.D.Doyen, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada

Felicia Loghin, Pharm.D., Ph.D.Vice-présidente pour les affaires scientifiques, Université de médecine et pharmacie, Cluj-Napoca, Roumanie

Pierre Moreau, B.Pharm., Ph.D.Doyen, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Mounir Rhalimi, D.Pharm.Pharmacien-chef, Centre hospitalier Bertinot Juël, Chaumont en Vexin, France

Anne Spinewine, M.Pharm., Ph.D.Faculté de pharmacie et des sciences biomédicales, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique

Jacques Turgeon, B.Pharm., Ph.D.Chef de la direction scientifiqueTabula Rasa HealthCare, Inc., Moorestown, États-Unis

Françoise Van Bambeke, Pharm.D., Ph.D.Pharmacologie cellulaire et moléculaire, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique

Pr Yahya BensoudaCentre de recherche sur le médicament, Faculté de médecine et de pharmacie, Rabat, Maroc

Olivier Bugnon, Pharm.D., Ph.D.Pharmacien-chef, Policlinique médicale universitaire, Université de Genève, Université de Lausanne, Lausanne, Suisse

Chantal Csajka, Ph.D.Pharmacie hospitalière et clinique, Université de Genève, Université de Lausanne, Lausanne, Suisse

Lyne Lalonde, B.Pharm., Ph.D. Doyenne, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Linda Lévesque, B.Sc.Phm., M.Sc., Ph.D.Département de santé communautaire et d’épidémiologie, Université Queen, Kingston (Ontario) Canada

Claude Mailhot, B.Pharm., DPH, Pharm.D. Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Paul Poirier, MD, Ph.D., FRCPC, FACC, FAHAFaculté de pharmacie, Université Laval, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Québec (Québec) Canada

Pr Dolla Karam SarkisDoyen, Faculté de pharmacie, Université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban

Pr Christian SwineChef de service, Gériatrie, Institut de recherche santé et société, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique

Régis Vaillancourt, OMM, CD, B.Pharm., Pharm.D. Directeur de la pharmacie, Hôpital pour enfant de l’Est de l’Ontario, Ottawa (Ontario) Canada

Page 6: PHARM ACTUEL

Membre, Médicamentsnovateurs Canada

† Dans le traitement des infections intra-abdominales compliquées, ZERBAXA™ doit être utilisé en association avec le métronidazole pour assurer une couverture adéquate contre les microorganismes anaérobies.

Référence : 1. Monographie de ZERBAXA™. Merck Canada Inc., 30 septembre 2015.

Pr ZERBAXATM Un nouvel allié dans votre combat contre les infections intra-abdominales compliquées et les infections urinaires compliquées1

ZERBAXA™ est indiqué chez les patients de 18 ans et plus pour le traitement des infections suivantes causées par les souches sensibles à ZERBAXA™ des microorganismes désignés1 :

• Infections intra-abdominales compliquées causées par les microorganismes à Gram négatif et à Gram positif suivants : Enterobacter cloacae, Escherichia coli, Klebsiella oxytoca, Klebsiella pneumoniae, Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa, Bacteroides fragilis, Streptococcus anginosus, Streptococcus constellatus et Streptococcus salivarius†.

• Infections urinaires compliquées, y compris la pyélonéphrite, causées par les microorganismes à Gram négatif suivants : Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Proteus mirabilis et Pseudomonas aeruginosa.

Pour réduire l’apparition de bactéries pharmacorésistantes et pour maintenir l’efficacité de ZERBAXA™ et d’autres antibactériens, ZERBAXA™ doit être utilisé uniquement pour traiter les infections pour lesquelles il est démontré ou fortement présumé que des bactéries sensibles en sont la cause. Consultez la monographie du produit sur le site à l’adresse http://www.merck.ca/assets/fr/pdf/products/ZERBAXA-PM_F.pdf pour obtenir les renseignements importants suivants :• l’encadré « Mises en garde et précautions importantes »

qui concerne le risque de réactions d’hypersensibilité (réactions anaphylactiques) chez les patients traités avec des antibactériens de la classe des bêta-lactamines.

• d’autres mises en garde et précautions pertinentes qui concernent la maladie associée à Clostridium difficile, la sensibilité et/ou la résistance ainsi que l’utilisation chez les femmes enceintes ou qui allaitent, chez les patients de 65 ans et plus et chez les patients atteints d’insuffisance rénale.

• les conditions d’usage clinique, les effets indésirables, les interactions médicamenteuses et les renseignements sur la posologie.

Vous pouvez aussi obtenir la monographie du produit en téléphonant notre Centre d’information médicale, au 1-800-567-2594.

V O I C I

™ Calixa Therapeutics, Inc., utilisée sous licence. © 2016 Merck Canada Inc. Tous droits réservés. AINF-1166598-0001 DE 2016

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© APES tous droits réservés Pharmactuel 2016;49(1) 5

RÉVISEURS POUR LE VOLUME 48 - ANNÉE 2015

Remerciements aux réviseurs et aux membres du comité de rédaction pour 2015

Pharmactuel désire souligner le travail remarquable effectué par les réviseurs et le comité de rédaction au cours de l’année 2015. En effet, tous les articles ont fait l’objet d’une révision éditoriale et linguistique. De plus, les articles de quatre chroniques du Pharmactuel, soit Cas clinique en direct de l’unité, Évaluation critique de la documentation scientifique, Pharmacothérapie et Recherche ont bénéficié de la révision de deux pairs. Quant aux chroniques de nature clinique (Au centre de l’information; Gestion; Risques, qualité, sécurité; Votre expérience avec), elles ont fait l’objet de révision lorsque cela s’avérait nécessaire. L’expertise des réviseurs et le temps consacré aux révisions ont permis d’améliorer la qualité et le contenu des articles avant leur publication. Nous tenons également à remercier les auteurs qui ont effectué les changements demandés et ont répondu aux commentaires, parfois nombreux, des réviseurs. Leurs efforts ont été récompensés par la publication de leur article. Merci aux membres du comité de rédaction et du comité éditorial international qui s’investissent pour faire du Pharmactuel une revue de qualité.

Marie-France Beauchemin

Sarah Bilodeau

Maude Blanchet

Anne Bouchard

Jean-Philippe Boucher

Jean-François Bussières

Sylvie Carle

Olivia Dalleur

Pascale de Montigny

Chantal Duquet

Gracia El-Gebeiley

Gabrielle Girard

Christine Hamel

Éric Himaya

François Huynh

Vincent Leclerc

Louise Mallet

Julie Méthot

Aude Motulsky

Marie-Ève Moreau-Rancourt

Andrée Néron

Mélissa Ratelle

Nushin Sadeghi

Christian Swine

Comité éditorial international

Benoit Allenet, Pharm.D., Ph.D. France

Pr Yahya Bensouda Maroc

Pr Pascal Bonnabry Suisse

Olivier Bugnon, Pharm.D., Ph.D. Suisse

Bruno Charpiat, D.Pharm. France

Chantal Csajka, Ph.D. Suisse

Bertrand Guignard, Ph.D. Suisse

Lyne Lalonde, B.Pharm., Ph.D. Canada

Jean Lefebvre, B.Pharm., Ph.D. Canada

Linda Lévesque, B.Sc.Phm., M.Sc., Ph.D. Canada

Felicia Loghin, Pharm.D., Ph.D. Roumanie

Claude Mailhot, B.Pharm., DPH, Pharm.D. Canada

Pierre Moreau, B.Pharm., Ph.D. Koweït

Paul Poirier, MD, Ph.D., FRCPC, FACC, FAHA Canada

Mounir Rhalimi, D.Pharm. France

Pr Dolla Karam Sarkis Liban

Anne Spinewine, M.Pharm., Ph.D. Belgique

Pr Christian Swine Belgique

Jacques Turgeon, B.Pharm., Ph.D. États-Unis

Régis Vaillancourt, OMM, CD, B.Pharm., Pharm.D. Canada

Françoise Van Bambeke, Pharm.D., Ph.D. Belgique

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6 Pharmactuel 2016;49(1) © APES tous droits réservés

ÉDITORIAL

Pour toute correspondance : Louise Mallet, Centre universitaire de santé McGill, site Glen, 1001, boulevard Décarie, Montréal (Québec) H4A 3J1, CANADA; Téléphone : 514 343-7002; Télécopieur : 514 343-6120; Courriel : [email protected]

Au-delà des outils d’évaluation de la prescription en gériatrie

Louise Mallet1-3, B.Sc.Pharm., Pharm.D., CGP, FESCP 1Professeure titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;2Pharmacienne, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;3Rédactrice adjointe, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 7 février 2016; Accepté après révision le 8 février 2016

Différents outils pour l’évaluation de la prescription inappropriée en gériatrie ont été développés et validés1-4. Les plus connus sont les critères de Beers, le Medication Appropriate Index (MAI), l’Inappropriate Prescribing in the Elderly (IPET) et les critères Screening Tool of Older Person’s Prescriptions (STOPP) et Screening Tool to Alert doctors to Right Treatment (START)1-4. La nouvelle version des critères STOPP/START date de 2015; elle a été validée par un panel d’experts en pharmacie, en pharmacothérapie, en médecine interne et en gériatrie5. Un groupe d’experts français, belges, suisses et canadiens en ont effectué l’adaptation française6.

Dans ce numéro de Pharmactuel, Dalleur et Boland nous présentent la nouvelle version des critères STOPP/START adaptée et validée en français7. Cette version comporte plusieurs sections : indication de prescription, systèmes physiologiques, syndrome gériatrique (chutes), fonction rénale et prescriptions, charge anticholinergique, antalgiques et vaccination. Cette nouvelle version présente un total de 115 critères, dont 43 nouveaux critères par rapport à la première version7.

Comment utiliser ces outils en pratique clinique?

La prévalence d’une prescription inappropriée varie de 12 à 80 % selon les critères utilisés pour la définir ainsi que les différentes populations étudiées8,9. Une telle prévalence est d’autant plus élevée que le nombre de médicaments pris par les patients augmente. La prévalence d’une prescription médicamenteuse inappropriée augmente également le risque d’effets néfastes chez les patients10. Quels outils doit-on utiliser en pratique clinique pour optimiser les prescriptions des personnes âgées et éviter les syndromes gériatriques, les effets indésirables et les hospitalisations?

Au Québec, l’entrée en vigueur de la Loi 41 permet aux pharmaciens d’effectuer les tâches suivantes11 :

• Prolonger l’ordonnance d’un médecin.

• Ajuster l’ordonnance d’un médecin en modifiant la forme, la dose, la quantité ou la posologie d’un médicament prescrit.

• Substituer au médicament prescrit, en cas de rupture d’approvisionnement complète au Québec, un autre médicament de même sous-classe thérapeutique.

• Administrer un médicament par voie orale, topique, sous-cutanée, intradermique ou intramusculaire, ou par inhalation, afin d’en démontrer l’usage approprié.

• Pour un pharmacien exerçant dans un établissement de santé, prescrire et interpréter des analyses de laboratoire aux fins du suivi de la thérapie médicamenteuse.

• Prescrire certaines analyses de laboratoire en pharmacie communautaire pour des fins de surveillance.

• Prescrire un médicament lorsqu’aucun diagnostic n’est requis, notamment à des fins préventives.

• Prescrire des médicaments pour certaines conditions mineures dont le diagnostic et le traitement sont déjà connus.

Selon le Gouvernement du Québec, l’accès au Dossier Santé Québec (DSQ) « permet aux […] professionnels de la santé d’avoir accès à des renseignements jugés essentiels pour intervenir rapidement et assurer un suivi de qualité auprès de leurs patients »12. Les nouveaux actes de la Loi 41 et l’accès au DSQ facilitent le travail du pharmacien, particulièrement en ce qui concerne la surveillance de la thérapie ou l’optimisation du traitement pharmaceutique aussi bien pour les personnes âgées que pour l’ensemble de la population. Les pharmaciens n’ont plus d’excuses pour ne pas intervenir auprès des personnes âgées.

L’évaluation de la médication d’une personne âgée est complexe. Y aurait-il moins de conséquences néfastes pour la personne âgée si cette évaluation était réalisée de façon proactive? J’en suis convaincue. À quel moment faut-il faire cette évaluation? Au cours des rencontres avec le patient, c’est-à-dire à l’occasion de la réception d’une nouvelle prescription, de la validation des « piluliers », d’un renouvellement de prescription. Est-ce que vous vous enquérez du poids de vos patients et estimez la clairance de la créatinine pour évaluer la pertinence des posologies? Demandez-vous à vos patients âgés s’ils ont fait une chute dans les derniers mois13? Savez-vous quels médicaments sont inappropriés en gériatrie, connaissez-vous la charge anticholinergique14? Quels sont les objectifs d’un traitement pour la tension artérielle d’une patiente de 95 ans qui fait des chutes à répétition?

Page 9: PHARM ACTUEL

© APES tous droits réservés Pharmactuel 2016;49(1) 7

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par l’auteur.

Conflits d’intérêts

L’auteur a rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiels. L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Quels outils utiliser? Tous les outils disponibles peuvent être utilisés. Il faut seulement savoir comment utiliser les informations recueillies et s’assurer d’intervenir auprès des différents intervenants pour éviter des catastrophes pour nos patients âgés.

Les pharmaciens qui prennent en charge un patient âgé doivent effectuer une évaluation globale du patient. L’évaluation de la prescription inappropriée en gériatrie est facilitée par l’utilisation des outils disponibles, notamment la nouvelle version des critères STOPP/START7.

1. American Geriatrics Society 2015 Beers criteria update expert panel. American Geriatrics So-ciety 2015 updated Beers criteria for potentially inappropriate medication use in older adults. J Am Geriatr Soc 2015:63;2227-46.

2. Hanlon JT, Schmader KE, Samsa GP, Weinberger M, Uttech KM, Lewis IK et coll. A method for assessing drug therapy appropriateness. J Clin Epidemiol 1992;45:1045-51.

3. Naugler CT, Brymer C, Stolee P, Arcese ZA. De-velopment and validation of an improving pre-scribing in the elderly tool. Can J Clin Pharmacol 2000;7:103-7.

4. Gallagher P, Ryan C, Byrne S, Kennedy J, O’Ma-hony D. STOPP (Screening Tool of Older Person’s Prescriptions) and START (Screening Tool to Alert doctors to Right Treatment). consensus valida-tion. Int J Clin Pharmacol Ther 2008;46:72-83.

5. O’Mahony D, O’Sullivan D, Byrne S, O’Connor MN, Ryan C, Gallagher P. STOPP/START criteria

for potentially inappropriate prescribing in older people: version 2. Age Ageing 2015;44:213-8.

6. Lang PO, Dramé M, Guignard B, Mahmoudi R, Payot I, Latour J et coll. Les critères STOPP/START.v2 : adaptation en langue française. NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie 2015; 15:323-6.

7. Dalleur O, Boland B. La nouvelle version des cri-tères STOPP/START adaptée en français. Phar-mactuel 2016;49:61-64.

8. Hill-Taylor B, Sketris I, Hayden J, Byrne S, O’Sullivan D, Christie R. Application of the STOPP/START criteria: a systematic review of the prevalence of potentially inappropriate pre-scribint in older adults, and evidence of clinical, humanistic and economic impact. J Clin Pharm Ther 2013;38:360-72.

9. Wallace J, Paauw DS. Appropriate prescribing and important drug interactions in older adults. Med Clin North Am 2015;99:295-310.

Références

10. Walsh KA, O’Riordan D, Kearney PM, Timmons S, Byrne S. Improving the appropriateness of prescribing in older patients: a systematic review and meta-analysis of pharmacists’ interventions in secondary care. Age Ageing 2016; [diffusion en ligne avant l’impression].

11. Ordre des pharmaciens du Québec. Applica-tion de la Loi 41. [en ligne] http://www.opq.org/ fr-CA/pharmaciens/application-de-la-loi-41/nouvelles-activites/ (site visité le 7 février 2016).

12. Gouvernement du Québec. Dossier santé Qué-bec. [en ligne] http://www.dossierdesante.gouv.qc.ca/ (site visité le 7 février 2016).

13. Bergeron J, Mallet L, Papillon-Ferland L. Prin-cipes d’évaluation de la pharmacothérapie en gériatrie : illustration à l’aide d’un cas de patient. Pharmactuel 2008;41(suppl.1):11-25.

14. Boily MJ, Mallet L. Comment évaluer la charge an-ticholinergique? Pharmactuel 2008;41(suppl.1): 32-6.

Page 10: PHARM ACTUEL

8 Pharmactuel 2016;49(1) © APES tous droits réservés

LETTRE AU RÉDACTEUR

Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5 CANADA; Téléphone : 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : [email protected]

Rôles et retombées de l’activité pharmaceutique : profil de la phase II du site et du blogue Impact Pharmacie

Mylène Breton1,2, Émile Demers1,3, Émilie Mégrourèche1,3, Dorine Fournier1,4, Maxime Bergeron1,3, Denis Lebel5, B. Pharm., M.Sc., FCSHP, Jean-François Bussières6,7 B. Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP 1Assistant(e) de recherche, Unité de Recherche en Pratique Pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, (Québec) Canada;2Candidate au D.Pharm., Université de Tours, France;3Candidat(e) au Pharm.D., Faculté de Pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;4Candidate au D.Pharm., Université Paris Descartes, France;5 Pharmacien, Département de pharmacie et Unité de Recherche en Pratique Pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (Québec) Canada;

6 Pharmacien, Chef du département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;

7Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 15 octobre 2015; Accepté après révision le 7 janvier 2016

L’année 2015 marque une réorganisation importante du réseau de santé québécois. Le projet de loi no 28 permet d’améliorer l’exercice de la pharmacie en y ajoutant plusieurs activités réservées1. Le projet de loi no 20 propose de nouvelles modalités qui visent à favoriser l’accès aux médecins de famille et qui auront également des répercussions sur l’organisation des soins et les activités professionnelles2. Enfin, le projet de loi no 10 apporte des changements importants à la gouvernance et à l’organisation du réseau de santé en entérinant la refonte administrative des 184 établissements de santé du Québec en 34 établissements de santé régionaux dotés d’une mission élargie (dont 4 centres hospitaliers universitaires, 9 centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux, 13 centres intégrés de santé et de services sociaux)3. Ces changements se traduisent par la redéfinition de 34 départements de pharmacie et la réorganisation hiérarchique de ces départements (nomination de nouveaux chefs et de nouvelles équipes de gestion). De plus, en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux4, les comités régionaux sur les services pharmaceutiques doivent choisir parmi leurs membres les pharmaciens qui seront proposés pour siéger aux nouveaux conseils d’administration des divers établissements de santé de leur région. En outre, le président-directeur général de chaque établissement et son conseil d’administration sont tenus de désigner un pharmacien régional pour garantir l’accès aux soins et aux services pharmaceutiques dans chaque région. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a notamment confié à la Direction des affaires pharmaceutiques et du médicament le mandat d’assurer l’accès aux soins et aux services pharmaceutiques de manière à répondre aux besoins de la population sur l’ensemble de la province, et de revoir la gouvernance pharmaco-administrative5,6. Tous ces changements obligent les pharmaciens à revoir leurs pratiques.

Toutefois, l’essentiel de la formation universitaire de pharmacien porte sur des connaissances et des compétences

dans le domaine de la pharmacothérapie et des interventions non pharmacologiques utilisées pour le traitement des patients. Une telle refonte du réseau de santé ne peut se faire sans tenir compte des modèles de pratique et des meilleures données disponibles sur les rôles des pharmaciens et les retombées de leurs activités.

Le site Impact Pharmacie, lancé en octobre 2013, et son blogue, lancé en mars 2014, s’inscrivent dans cette réflexion. L’Unité de recherche en pratique pharmaceutique du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine a lancé cette initiative originale afin de répondre à ce besoin de partager avec les pharmaciens et l’ensemble des parties prenantes les données relatives aux rôles du pharmacien et de ses collaborateurs et aux retombées de leurs activités. Ce site de portée internationale regroupe un nombre important d’études évaluant les rôles du pharmacien et rapportant les résultats (positifs, neutres ou négatifs) correspondants. La phase I du projet s’est achevée en octobre 20147. Cette phase a permis d’établir une méthode de travail et un mode opératoire normalisé, de créer un site Web et un blogue, de recenser les thématiques pertinentes, d’effectuer une première sélection d’articles et de mettre en ligne ces contenus. À ce jour, les travaux de recherche menés sur ce site ont conduit à la présentation d’une trentaine d’affiches et de communications orales au Canada et ailleurs dans le monde8. Lors des échanges occasionnés par ces travaux, les utilisateurs du site ont émis quelques suggestions. Par exemple, ils ont proposé d’améliorer la navigation afin de faciliter et d’optimiser la consultation de toutes les données disponibles et de rendre l’affichage plus clair. Ces suggestions nous ont amenés à réfléchir aux forces et aux faiblesses du site (phase II du projet).

Nous profitons du séminaire administratif de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.) pour faire le point sur les changements apportés au projet dans le cadre de cette phase II, menée entre le

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site est maintenant utilisé à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, dans le cadre des enseignements du Doctorat de premier cycle en pharmacie (Pharm. D.) et de la Maîtrise en pharmacothérapie avancée. Depuis l’automne 2015, le site est également utilisé dans le cadre de stages à thématique optionnelle en 4e année du premier cycle, et le projet a déjà accueilli sept étudiants dans le cadre de cette exposition à la recherche évaluative sur les modèles de pratique pharmaceutique.

Au cours des prochains mois, des activités d’expertise seront proposées à des pharmaciens exerçant dans le domaine de certaines thématiques du site. Ces pharmaciens constitueront ainsi des panels d’experts qui pourront évaluer la pertinence des données présentées et discuter des stratégies d’appropriation de ces données dans la pratique. Des travaux de recherche se poursuivent auprès de cohortes de pharmaciens et de résidents en pharmacie au Canada, en France, en Belgique et en Suisse afin de partager toutes ces connaissances et de discuter de leur utilisation en tenant compte des contextes et des enjeux à l’échelle locale.

Avec l’entrée en vigueur de nouvelles activités réservées aux pharmaciens québécois dans le cadre de la Loi 4112, il apparaît plus pertinent que jamais pour les pharmaciens d’inclure à leur veille électronique ou à leur bibliothèque idéale la documentation scientifique à l’appui des rôles des pharmaciens et des retombées de leurs activités. Nous pensons que la plateforme Impact Pharmacie constitue un bon outil pour atteindre ces objectifs.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Émile Demers a reçu une bourse des Instituts de Recherche en Santé du Canada pour financer son travail d’assistant de recherche au sein de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique durant l’été 2015. Les autres auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

1er novembre 2014 et le 30 octobre 2015. Ainsi, une nouvelle équipe de recherche a été mise en place, avec une nouvelle coordonnatrice, trois assistants de recherche en pharmacie et un étudiant en pharmacie programmeur chargé d’améliorer le site Web.

Les pages synthèses des thèmes ont été mises à jour avec l’ajout de nombreux articles. La base de données a été améliorée afin d’améliorer la codification et l’enregistrement des informations des articles. Les pages synthèses, auparavant écrites manuellement et entièrement en code HTML (hypertext markup language), se créent automatiquement à partir de la base de données. Les programmes, affections ou activités décrits dans l’étude déterminent automatiquement les thèmes de rattachement de l’article dans le site. Ces modifications ont engendré plusieurs conséquences : le site contient plus de thèmes et le profil quantitatif des indicateurs par thème ainsi que la hiérarchie des données ont changé (p. ex. l’insuffisance cardiaque est passée du 2e au 16e rang, l’anticoagulothérapie du 3e au 15e rang). La mise en forme du site a également évolué avec notamment une refonte esthétique. Dans la phase I, seules certaines pages comportaient une traduction en anglais, sous la version française. Désormais, les pages en français (y compris les pages synthèses) ont une page correspondante et indépendante en anglais. Les pages synthèses comportent un menu déroulant. Le guide de la méthode de saisie uniformisée a été révisé.

Les outils de recherche ont été améliorés. La recherche d’un article et de sa fiche correspondante à partir de l’icône « Consulter les données par indication » (anciennement onglet DONNEES) et de la liste alphabétique des thèmes, à partir des menus déroulants à droite, est toujours possible. Le site contient maintenant un moteur de recherche simple (par PMID ou en texte libre avec recherche dans le titre de tous les articles de la base de données) ainsi qu’un moteur de recherche avancée comprenant plusieurs filtres. Le tableau I détaille le profil évolutif du projet entre les phases I et II.

Ainsi, le site permet d’analyser gratuitement près de 2 000 références pertinentes sur les rôles des pharmaciens et les retombées de leurs activités de 1990 à aujourd’hui. Dans le cadre de la phase I, l’équipe du projet a publié trois articles afin d’appuyer les décideurs en santé, les chefs de départements de pharmacie et les pharmaciens en formation dans leur réflexion. Ces articles décrivent différentes stratégies d’utilisation du site et du blogue9-11. De plus, le

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Tableau I. Profil évolutif du site et du blogue entre les phases I et II

Phase I (au 17/07/2014) Phase II (au 11/09/2015)

Articles inclus (n) 1 442 1 959Ajout par rapport à la phase I NA 543

Suppression par rapport à la phase I (p. ex. doublons) NA 123

Analyse complète des études Non Oui

Profil des articles inclus Articles qualifiés de pivots 80 Aucun (en cours)Indicateurs de retombées (n) 1 432 3 593

positives (%) 56 % 57 %neutres (%) 42 % 43 %négatives (%) 2 % 1 %

Indicateurs descriptifs (n) 931 5 004

Codification dans la base de donnéesPartie descriptive Oui Oui

Titre Oui Oui

Auteurs Oui OuiRéférence Oui OuiDevis et temps de l’étude Oui OuiMarqueur de l’activitéa Oui NonRésumé Oui OuiThèmeb Oui Oui

Partie analytique Oui OuiObjectifs Oui OuiCritères d’inclusion et d’exclusion Oui OuiInterventions pharmaceutiques Oui OuiIndicateurs et résultats avec :

Traduction en anglais Non OuiMarqueur de l’activité par indicateur Non OuiIndicateur de structure ou processus ou de résultat Non Oui

Indicateur descriptif ou retombées Non OuiRetombée positive, neutre, négative Non Oui

Limites Oui OuiNombre de thèmes (N) 70 104

Affections, % (n/N) 27 % (19/70) 30 % (31/104)Programmes de soins, % (n/N) 40 % (28/70) 29 % (30/104)Activités pharmaceutiques, % (n/N) 33 % (23/70) 40 % (42/104)Thèmes regroupant le plus d’indicateurs de retombées (n = nombre d’indicateurs de retombées dans le thème/N = nombre total d’indicateurs de retombées)

Gériatrie (228/1 432) Évaluation de la pharmacothérapie (2 104/3 593)

Insuffisance cardiaque (170/1 432 Conseil aux patients – individuels (2 078/3 593)

Anticoagulothérapie (117/1 432 Surveillance de la pharmacothérapie (999/3 593)

Hypertension artérielle (99/1 432 Cardiologie (819/3 593)

Diabète (78/1 432) Éducation thérapeutique (786/3 593)

Éducation thérapeutique (69/1 432 Diabète (573/3 593)

Publications (liées au projet)

Communications orales 7 Plus d’une douzaine d’articles et affiches rédigés, soumis ou à soumettre en vue d’une publicationCommunications affichées 41

Communications écrites 12

Membres de l’équipe

Pharmaciens 2 2

Coordinatrice de recherche 1 1Assistants de recherche 17

Statistiques Web du site : du 17/08 au 16/09, 2014 contre 2015 652 connexions, 473 utilisateurs, 2 783 pages consultées

1 065 connexions, 824 utilisateurs, 4 901 pages consultées

Blogues rédigés (n) 40 49

Collaborateurs ayant participé (n) 10 6

Portée (n) < 1 000 personnes Plusieurs milliers de personnes

Statistiques Web du blogue : 2014 contre 2015 (jusqu’au 21/09) 1 375 visiteurs, 3 560 visites 1 637 visiteurs, 3 800 visites

a Coût, erreur médicamenteuse, événement indésirable, observance, morbidité, mortalité, satisfaction, autresb Programmes de soins, affections, activités pharmaceutiquesAbréviation : NA : non applicable

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1. Assemblée nationale. Loi concernant principale-ment la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre en 2015-2016. [en ligne] http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/ dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file= 2015C8F.PDF (site visité le 14 septembre 2015).

2. Assemblée nationale. Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispo-sitions législatives en matière de procréation assis-tée. [en ligne] http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-20-41-1.html (site visité le 14 septembre 2015).

3. Assemblée nationale. Loi modifiant l’organisa-tion et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales. [en ligne] http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamic Search/telecharge.php?type=5&file=2015C1F.PDF (site visité le 14 septembre 2015).

4. Santé et service sociaux Québec. Loi et docu-mentation. [en ligne] http://www2.publications duquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/tele charge.php?type=2&file=/S_4_2/S4_2.html (site visité le 4 février 2016).

5. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Accès aux soins et services pharmaceutiques afin de répondre aux besoins de la population sur le territoire. Fiche 20-DGPPQ. 2015 p. 25.

6. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Gouvernance pharmaco-administrative. Fiche 21-DGPPQ. 2015 p. 26.

7. Guérin A, Tanguay C, Lebel D, Bussières JF. Recensement et analyse des preuves sur le rôle et sur les retombées de l’activité pharmaceu-tique : développement d’un outil sur Internet. Ann Pharm Fr 2015;73:229-38.

8. Impact Pharmacie. Publications. [en ligne] http://impactpharmacie.org/References.asp (site visité le 14 septembre 2015).

9. Guérin A, Lebel D, Ferreira E, Bédard P, Bussières JF. Projet Impact Pharmacie : utilisation par les pharmaciens. Annales de l’unité de recherche

Références

en pratique pharmaceutique 28 août 2014;1-4. [en ligne] http://indicible.ca/urpp/20140828_ IMPACTPHARMACIE9_Annales.pdf (site visité le 14 septembre 2015).

10. Guérin A, Lebel D, Ferreira E, Bédard P, Bus-sières JF. Projet Impact Pharmacie : utilisation en pédagogie pharmaceutique. Annales de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique 28 août 2014;1-5. [en ligne] http://indicible.ca/urpp/20140828_IMPACTPHARMACIE11_ Annales.pdf (site visité le 14 septembre 2015).

11. Guérin A, Lebel D, Ferreira E, Bédard P, Bus-sières JF. Projet Impact Pharmacie : utilisation par les décideurs en santé. Annales de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique 28 août 2014;1-6. [en ligne] http://indicible.ca/urpp/20140828_IMPACTPHARMACIE10_ Annales.pdf (site visité le 14 septembre 2015).

12. Ordre des pharmaciens du Québec. Application de la Loi 41. [en ligne] http://www.opq.org/fr-CA/pharmaciens/application-de-la-loi-41/ (site visité le 14 septembre 2015).

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ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE

Pour toute correspondance : Sarah Asselin Frigon, Centre de santé et de services sociaux de Rouyn-Noranda, 4, 9e Rue, Rouyn-Noranda (Québec) J9X 2B2, CANADA; Téléphone : 819 764-5131, poste 42064; Télécopieur : 819 764-2904; Courriel : [email protected]

Double thérapie antiplaquettaire d’une durée de 12 ou 30 mois après la pose de tuteurs pharmacoactifs

Sarah Asselin Frigon1,2,3, Pharm.D., M.Sc., Emmy Bernier1,4,5, Pharm.D., M.Sc. 1 Candidate à la maitrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;

2Résidente en pharmacie au moment de la rédaction de l’article, Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec) Canada;3Pharmacienne, Centre de santé et de services sociaux de Rouyn-Noranda, Rouyn-Noranda (Québec) Canada;4Résidente en pharmacie au moment de la rédaction de l’article, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;5Pharmacienne, Hôpital Anna-Laberge, Châteauguay (Québec) Canada

Reçu le 19 août 2015; Accepté après révision par les pairs le 29 octobre 2015

Titre : Twelve or 30 months of dual antiplatelet therapy after drug-eluting stents. N Engl J Med 2014;371:2155-661.

Auteurs : Mauri L, Kereiakes DJ, Yeh RW, Driscoll-Shempp P, Cutlip DE, Steg PG et coll. pour le groupe d’étude DAPT.

Commanditaires : L’étude a été financée par un consortium de huit compagnies pharmaceutiques produisant médicaments et tuteurs, soit Abbott, Boston Scientific, Cordis, Medtronic, Bristol-Myers Squibb, Sanofi Pharmaceuticals, Eli Lilly et Daiichi Sankyo. Le Department of Health and Human Services des États-Unis a également accordé une subvention. Les compagnies ont participé à l’élaboration du protocole de recherche, à la collecte des données et à la relecture du manuscrit, sans pouvoir y apporter de modifications.

Cadre de l’étude : L’étude DAPT (dual anti-platelet therapy) sur la double thérapie antiplaquettaire émane d’une demande de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, qui considérait qu’il était prioritaire pour la prise en charge des patients de déterminer la durée optimale d’antiplaquettaires après la pose d’un tuteur pharmacoactif2. Les lignes directrices actuelles recommandent un traitement avec une thiénopyridine et de l’acide acétylsalicylique (AAS) pendant six à 12 mois après la pose, puis un traitement par AAS seul3-4. Toutefois, un risque résiduel de thrombose de tuteur persiste même après 12 mois de traitement5. Quelques études laissent entendre que l’utilisation d’une double thérapie antiplaquettaire pendant plus d’un an réduirait ce risque, mais augmenterait toutefois les saignements6-9. L’étude DAPT constitue la première étude à grande échelle abordant ces questionnements.

Protocole de recherche : Il s’agit d’une étude multicentrique à répartition aléatoire, contrôlée avec placebo. Un total de 452 sites internationaux ont recruté les participants à l’étude entre août 2009 et juillet 2011. Les sujets étaient stratifiés en fonction du type de tuteur posé, du centre hospitalier dans lequel la procédure a été effectuée, du type de thiénopyridine reçue et de la présence de facteurs de risques de thrombose de tuteur, comme une insuffisance rénale, une fraction d’éjection ventriculaire inférieure à 30 %, une lésion de plus de 30 mm ou contenant un thrombus, ou plus de deux lésions dans un même vaisseau. Pour faciliter le recrutement, cinq sous-études équivalentes ont été incorporées pour former l’étude DAPT : une sous-étude menée par le Harvard Clinical Research Institute et quatre sous-études après la commercialisation. Le comité d’éthique de chaque site a fourni son approbation.

Patients : L’étude comportait deux séries de critères d’inclusion et d’exclusion. Premièrement, au moment du recrutement – dans les 72 heures après la pose d’un tuteur pharmacoactif à base de paclitaxel, d’évérolimus, de sirolimus ou de zotarolimus – les patients étaient admissibles à un essai thérapeutique ouvert de 12 mois par double antiplaquettaire s’ils avaient plus de 18 ans et s’ils ne présentaient aucune contre-indication à une double thérapie antiplaquettaire d’une durée minimale de 30 mois. Les patients étaient exclus s’ils faisaient partie d’une autre étude pouvant influencer les objectifs de l’étude DAPT ou s’ils prenaient de la warfarine ou un autre anticoagulant similaire pendant une durée prévue qui allait au-delà de la date de la répartition aléatoire de l’étude.

Deuxièmement, après la période d’essai thérapeutique ouvert de 12 mois par double thérapie antiplaquettaire, les patients demeuraient admissibles à la répartition aléatoire s’ils n’avaient pas subi d’infarctus du myocarde (IM), d’accident vasculaire cérébral (AVC), de thrombose de tuteur, d’intervention coronarienne percutanée (ICP) ou de saignement grave ou modéré (classification de GUSTO – Global Utilization of Streptokinase and Tissue Plasminogen Activator for Occluded Coronary Arteries) au cours des 12 mois précédents. Ils devaient également avoir utilisé entre 80 et 120 % des doses de thiénopyridine prescrite dans les 12 mois précédents sans avoir arrêté le traitement pendant plus de 14 jours. L’étude excluait les patients qui avaient changé de thiénopyridine ou qui avaient eu un ajustement de dose dans les six mois précédents et ceux qui prenaient de la warfarine ou un autre anticoagulant similaire.

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Par ailleurs, pour les 33 mois de la durée de l’étude, les patients étaient exclus s’ils devaient subir une chirurgie nécessitant l’arrêt de la prise des antiplaquettaires pendant plus de 14 jours, s’ils avaient une espérance de vie inférieure à trois ans ou s’ils présentaient une hypersensibilité ou une allergie à l’un des médicaments oraux ou contenus dans les tuteurs utilisés. L’étude excluait également les femmes enceintes. Tous les participants devaient donner leur consentement éclairé pour pouvoir prendre part à l’étude.

Interventions : Après l’insertion d’un tuteur pharmacoactif, les sujets recevaient tous une double protection antiplaquettaire pour les 12 mois suivants (période d’essai ouvert sans groupe placebo). Cette double thérapie était composée d’AAS (75 à 162 mg une fois par jour) et d’un inhibiteur du récepteur P2Y12 de type thiénopyridine, soit le clopidogrel (75 mg une fois par jour) ou le prasugrel (10 mg une fois par jour ou 5 mg si moins de 60 kg). Après cet essai ouvert de 12 mois, les sujets toujours admissibles à l’étude étaient répartis de façon aléatoire en deux groupes. Les sujets du premier groupe continuaient à recevoir la thiénopyridine reçue précédemment, et ceux du deuxième groupe recevaient un placebo pendant 18 mois supplémentaires, soit les mois 12 à 30 après le recrutement. L’AAS était poursuivi indéfiniment. Les suivis étaient planifiés selon un horaire prédéfini à 6, 12, 15, 24, 30 et 33 mois après le recrutement. Les chercheurs ont recueilli des informations sur les effets indésirables, les changements de médication, l’adhésion thérapeutique, et l’occurrence d’événements coronariens. L’étude définissait l’adhésion thérapeutique comme la prise de 80 % à 120 % des doses de thiénopyridine prévues, sans aucune interruption de plus de 14 jours. Les chercheurs ont suivi les sujets pendant trois mois supplémentaires après l’arrêt de la prise du clopidogrel ou du prasugrel (mois 30 à 33), pour évaluer les répercussions supplémentaires de l’arrêt de la prise de thiénopyridine sur les objectifs de l’étude.

Points évalués : Les auteurs ont évalué des objectifs d’efficacité et d’innocuité sur les 12 à 30 mois après la pose du tuteur. L’étude a utilisé les critères de l’Academic Research Consortium pour mesurer l’incidence cumulative de thrombose de tuteur, ainsi qu’un critère d’évaluation combiné incluant décès, IM ou AVC pour déterminer l’incidence d’événements cardiovasculaires ou cérébrovasculaires10. L’étude a également mesuré l’incidence cumulative de saignements modérés à graves et de saignements de type 1 à 5, définis respectivement par les critères GUSTO et BARC (Bleeding Academic Research Consortium)11,12. Un panel d’experts ne connaissant pas le traitement reçu par les patients a confirmé ces événements.

Résultats : Des 22 866 patients ayant reçu un tuteur pharmacoactif, 9 961 (43,6 %) ont été répartis de façon aléatoire : 5 020 sujets ont reçu l’AAS et la thiénopyridine, et 4 941 ont reçu l’AAS et un placebo. Au moment du suivi à 30 mois, les données étaient disponibles pour 95,3 % des patients ayant reçu la thiénopyridine et pour 95,4 % de ceux ayant reçu le placebo. Les taux de pertes au suivi et de retraits de l’étude étaient semblables entre les deux groupes, de même que les caractéristiques d’intérêt des patients (voir tableau I).

L’incidence cumulative de thrombose de tuteur était inférieure dans le groupe thiénopyridine (0,4 % contre 1,4 % pour le placebo; rapport des risques instantanés [RR] : 0,29; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 0,17-0,48; p<0,001). L’incidence d’événements cardiovasculaires et cérébrovasculaires graves était également inférieure dans le groupe thiénopyridine (4,3 % contre 5,9 %;RR:0,71;IC 95 %:0,59-0,85;p<0,001). Cependant, pour chaque composante prise en considération individuellement, seule l’incidence d’IM était moindre dans le groupe thiénopyridine (2,1 % contre 4,1 %;RR:0,47;IC 95 %:0,37-0,61;p<0,001); l’incidence d’AVC ischémiques et hémorragiques ne différait pas entre les groupes (0,8 % contre 0,9 %;RR:0,8;IC 95 %:0,51-1,25;p=0,32). Enfin, la mortalité non cardiovasculaire était plus élevée dans le groupe thiénopyridine que dans le groupe placebo (1,0 % contre 0,5 %;RR:2,23;IC 95 %:1,32-3,78;p=0,002), alors que la mortalité due à des événements cardiaques ou vasculaires était semblable dans les deux groupes (cause cardiaque : 0,9 % contre 1,0 %;RR:1,9;IC 95 %:0,66-1,52;p=0,98; cause vasculaire : 0,1 % contre 0,1 %;RR:0,98;IC 95 %:0,28-3,39;p=0,98). Un tel résultat pourrait s’expliquer en partie par le fait que plus de patients du groupe thiénopyridine présentaient des antécédents de cancer au moment du recrutement. Les résultats sont illustrés dans le tableau II.

L’incidence de saignements selon les critères GUSTO était plus grande dans le groupe thiénopyridine que dans le groupe placebo (2,5 % contre 1,6 %, différence d’incidence : 1,0 %;IC 95 %:0,4-1,5;p=0,001). Par contre, seuls les saignements modérés contribuaient à cette différence, l’incidence de saignements graves étant similaire dans les deux groupes (0,8 % contre 0,6 %, différence : 0,2 %;IC 95 %:-0,1 à 0,6;p=0,15). Les résultats selon les critères BARC conduisaient à des conclusions similaires. Les résultats sont disponibles dans le tableau III.

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Tableau I. Caractéristiques d’intérêt des sujets ayant été répartis de façon aléatoirea

Caractéristiques AAS et thiénopyridine (N = 5 020) AAS et placebo (N = 4 941)

Âge (années) ± écart-type 61,8 ± 10,2 61,6 ± 10,1

Sexe féminin, n (%) 1 242 (24,7) 1 284 (26,0)

Race autre que caucasienne, n (%) 438/4 918 (8,9) 419/4 847 (8,6)

IMC (kg/m2) ± écart-type 30,5 ± 5,8 30,6 ± 5,8

Diabète, n (%) 1 556/5 006 (31,1) 1 481/4 927 (30,1)

Hypertension, n (%) 3 796/5 006 (75,8) 3 649/4 934 (74,0)

Tabagisme actif ou cessé dans l’année, n (%) 1 222/4 965 (24,6) 1 210/4 893 (24,7)

Antécédent d’AVC ou d’AIT, n (%) 155/5 006 (3,1) 169/4 931 (3,4)

Antécédent d’ICP, n (%) 1 518/4 995 (30,4) 1 529/4 928 (31,0)

Antécédent de PAC, n (%) 568/5 012 (11,3) 581/4 930 (11,8)

Antécédent d’IM, n (%) 1 092/4 953 (22,0) 1 026/4 870 (21,1)

Indication pour l’ICP, n (%)

STEMI 534 (10,6) 511 (10,3)

NSTEMI 776 (15,5) 767 (15,5)

Angine de poitrine instable 838 (16,7) 825 (16,7)

Angine de poitrine stable 1 882 (37,5) 1 870 (37,8)

Autre 990 (19,7) 968 (19,6)

Au moins un facteur de risque de thrombose de tuteur, n (%) 2 410/4 751 (50,7) 2 389/4 685 (51,0)

Thiénopyridine utilisée, n (%)

Clopidogrel 3 275 (65,2) 3 230 (65,4)

Prasugrel 1 745 (34,8) 1 711 (34,6)

Type de tuteur pharmacoactif, n (%)

Évérolimus 2 345 (46,7) 2 358 (47,7)

Paclitaxel 1 350 (26,9) 1 316 (26,6)

Zotarolimus 642 (12,8) 622 (12,6)

Sirolimus 577 (11,5) 541 (10,9)

a L’autorisation de reproduire ce tableau avec modifications a été obtenue de L. Mauri1

Abréviations : AAS : acide acétylsalicylique; AIT : accident ischémique transitoire; AVC : accident vasculaire cérébral; ICP : intervention coronarienne percutanée; IM : infarctus du myocarde; IMC : indice de masse corporelle; NSTEMI : infarctus aigu du myocarde sans élévation du segment ST; PAC : pontage aorto-coronarien; STEMI : infarctus aigu du myocarde avec une élévation du segment ST

Tableau II. Principaux résultats d’efficacité de l’étude DAPTa

Issue AAS et thiénopyridine (N = 5 020)b

Nombre d’événements (%)AAS et placebo (N = 4 941)b

Nombre d’événements (%)RR associé

(IC 95 %)p

Thrombose de tuteur 19 (0,4) 65 (1,4) 0,29 (0,17 – 0,48) < 0,001

Certaine 15 (0,3) 58 (1,2) 0,26 (0,14 – 0,45) < 0,001

Probable 5 (0,1) 7 (0,1) 0,71 (0,22 – 2,23) 0,55

Événements CV et cérébrovasculaires 211 (4,3) 285 (5,9) 0,71 (0,59 – 0,85) < 0,001

Décès 98 (2,0) 74 (1,5) 1,36 (1,00 – 1,85) 0,05

Cardiaque 45 (0,9) 47 (1,0) 1,00 (0,66 – 1,52) 0,98

Vasculaire 5 (0,1) 5 (0,1) 0,98 (0,28 – 3,39) 0,98

Non CV 48 (1,0) 22 (0,5) 2,23 (1,32 – 3,78) 0,002

IM 99 (2,1) 198 (4,1) 0,47 (0,37 – 0,61) < 0,001

AVC 37 (0,8) 43 (0,9) 0,80 (0,51 – 1,25) 0,32

Ischémique 24 (0,5) 34 (0,7) 0,68 (0,40 – 1,17) 0,16

Hémorragique 13 (0,3) 9 (0,2) 1,20 (0,50 – 2,91) 0,68

a L’autorisation de reproduire ce tableau avec modifications a été obtenue de L. Mauri1b Nombre de sujets inclus dans l’analyse en intention de traiter pour les issues d’efficacitéAbréviations : AAS : acide acétylsalicylique; AVC : accident vasculaire cérébral; CV : cardiovasculaire; DAPT : double thérapie antiplaquettaire; IC : intervalle de confiance; IM : infarctus du myocarde; RR : rapport de risques instantanés

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Grille d’évaluation critique

LES RÉSULTATS SONT-ILS VALABLES?

Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire aux groupes de traitement? OUI. Une répartition aléatoire centrale a permis de répartir les sujets, tel que décrit précédemment.

Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de tous les patients ayant participé à l’étude? Le suivi des patients a-t-il été mené à terme? OUI. L’analyse des objectifs primaires, qui prenait en compte la dernière information de suivi disponible, incluait tous les patients. Seuls 4,7 % des patients du groupe thiénopyridine et 4,6 % du groupe placebo n’avaient pas participé au suivi permettant d’obtenir les données finales. Le nombre et la nature des données manquantes sont inconnus.

Les patients ont-ils été évalués dans le groupe dans lequel ils avaient été répartis de façon aléatoire (intention de traiter)? OUI. Il n’y a pas eu de changement de groupe de traitement. Une analyse en intention de traiter a été faite pour les objectifs d’efficacité et une analyse par protocole a été réalisée pour les objectifs d’innocuité, évaluant l’équivalence.

Les traitements ont-ils été faits à « l’insu » des patients, des médecins et du personnel concerné? OUI. Bien que les 12 premiers mois de l’étude se déroulaient de façon ouverte, après la répartition aléatoire, les patients, les cliniciens et les experts évaluant les objectifs ne connaissaient pas le traitement reçu par les patients.

Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude? OUI. Par contre, il a été découvert a posteriori que le groupe thiénopyridine contenait un plus grand nombre de personnes qui avaient des antécédents de cancer avant la répartition aléatoire, ce qui a influé sur la mortalité non cardiovasculaire.

Les groupes ont-ils été traités de manière égale à l’extérieur du cadre de recherche? OUI et NON. Aucune information n’est disponible sur les traitements pris pour d’autres comorbidités, ni sur l’intensité de la prise en charge associée. Plusieurs participants présentaient des comorbidités ou des antécédents qui constituaient des facteurs de risque d’événements cardiovasculaires. Une différence de prise en charge pourrait moduler le risque de subir des événements faisant partie des objectifs évalués dans cette étude.

QUELS SONT LES RÉSULTATS?

Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement? Les avantages du traitement prolongé sont de faible ampleur : diminution de 1 % du nombre de thromboses de tuteur (0,4 % pour le groupe thiénopyridine comparativement à 1,4 % pour le groupe placebo) et de 1,6 % du taux combiné d’IM, d’AVC et de décès (4,3 % comparativement à 5,9 %). Cependant, seule une diminution de 2 % du nombre d’IM (2,1 % comparativement à 4,1 %) était observée lorsque les données étaient prises en considération individuellement. Les résultats ont montré une faible augmentation (0,9 %) des saignements avec le traitement prolongé (2,5 % comparativement à 1,6 %). Les résultats obtenus représentent une diminution du risque relatif de 71 % pour les thromboses de tuteur et de 53 % pour les IM.

Quelle est la précision de l’effet évalué? La diminution du risque de thrombose varie entre 52 % et 83 % et celle du risque d’événements cardiovasculaires et cérébrovasculaires varie entre 15 % et 41 %. La faible incidence de ces événements crée des intervalles de confiance larges, qui rendent difficile l’évaluation de l’amplitude réelle de l’effet.

LES RÉSULTATS VONT-ILS M’ÊTRE UTILES DANS LE CADRE DE MES SOINS PHARMACEUTIQUES?

Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à mes patients?OUI et NON. La généralisation des résultats de l’étude est difficile. Seuls 43 % des sujets évalués ont été répartis de façon aléatoire. Les critères d’inclusion et d’exclusion étaient exhaustifs. Ils contribuaient à sélectionner des participants n’ayant pas manifesté d’événements indésirables dans les 12 premiers mois de traitement, soit des patients qui courraient probablement un risque moins élevé de souffrir de saignements ou d’événements cardiovasculaires ou cérébrovasculaires que les patients exclus de l’étude.

Est-ce que tous les résultats ou « impacts » cliniques ont été pris en considération?OUI. Les risques de thrombose de tuteur, d’IM, d’AVC, de décès et de saignements liés au double traitement antiplaquettaire représentent les finalités cliniques d’intérêt pour la prise en charge des patients.

Tableau III. Présentation des principaux résultats d’innocuité de l’étude DAPTa

Classification des saignements AAS et thiénopyridine (N = 4 710)b

Nombre d’événements (%)AAS et placebo (N = 4 649)b

Nombre d’événements (%)Différence en %

(IC 95 %)p

GUSTO (grave et modéré) 119 (2,5) 73 (1,6) 1,0 (0,4 – 1,5) 0,001

Grave seulc 38 (0,8) 26 (0,6) 0,2 (-0,1 – 0,6) 0,15

Modéré seuld 81 (1,7) 48 (1,0) 0,7 (0,2 – 1,2) 0,004

BARC (types 2, 3 et 5) 263 (5,6) 137 (2,9) 2,6 (1,8 – 3,5) < 0,001

Type 2 seule 145 (3,1) 72 (1,5) 1,5 (0,9 – 2,1) < 0,001

Type 3 seulf 122 (2,6) 68 (1,5) 1,1 (0,6 – 1,7) < 0,001

Type 5 seulg 7 (0,1) 4 (0,1) 0,1 (-0,1 – 0,2) 0,38

a L’autorisation de reproduire ce tableau avec modifications a été obtenue de L. Mauri1b Nombre de sujets inclus dans l’analyse par protocole pour les issues d’innocuité c Un saignement grave est défini comme une hémorragie intracrânienne ou un saignement provoquant un déséquilibre hémodynamique et nécessitant une intervention médicaled Un saignement modéré est défini comme un saignement ne provoquant pas de déséquilibre hémodynamique, mais nécessitant une transfusion sanguinee Un saignement de type 2 correspond à un saignement important nécessitant une évaluation médicale ou une intensification des soinsf Un saignement de type 3 correspond à un saignement plus grave nécessitant des interventions chirurgicales pour le maîtriser ou des transfusionsg Un saignement de type 5 correspond à un saignement mortelAbréviations : AAS : acide acétylsalicylique; BARC : Bleeding American Research Consortium; DAPT : double thérapie antiplaquettaire; GUSTO : Global utilization of streptokinase and tissue plasminogen activator for occluded coronary arteries; IC : intervalle de confiance

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Discussion

L’étude DAPT semble montrer la supériorité de la double thérapie à base d’AAS et de thiénopyridine comparativement à l’AAS seule pour la prévention des thromboses de tuteur et des événements cardiovasculaires et cérébrovasculaires dans le cadre d’une thérapie de plus de 12 mois après la pose d’un tuteur pharmacoactif. Les résultats de l’étude semblent également indiquer une augmentation légère du risque de saignements modérés avec ce double schéma thérapeutique. Par ailleurs, d’autres études avec une répartition aléatoire et contrôlées de façon similaire par placebo ont été menées précédemment et évaluaient une double thérapie antiplaquettaire prolongée en fonction des mêmes objectifs d’efficacité et d’innocuité. Les études REAL-LATE et ZEST-LATE, regroupées pour l’analyse, et DES-LATE n’ont pas démontré de diminution des risques thrombotiques, cardiovasculaires et cérébrovasculaires avec une double thérapie par AAS et clopidogrel comparativement à une thérapie simple par AAS, dans le cadre d’un traitement d’une durée égale ou supérieure à 24 mois7,13. L’incidence des saignements était également similaire dans les deux groupes thérapeutiques. L’étude PRODIGY, qui comparait six et 24 mois de thérapie avec l’AAS et le clopidogrel, a démontré de manière similaire l’absence de différence entre les deux durées de traitement en ce qui concerne les mêmes objectifs d’efficacité, mais a mis en lumière un risque important d’hémorragie associé à la thérapie prolongée4. Pour chacune de ces études, les auteurs soulèvent la possibilité d’une puissance statistique insuffisante pour démontrer des différences d’efficacité, étant donné la faible incidence des événements étudiés. Ainsi, avant l’étude DAPT, aucune autre étude n’avait démontré la supériorité de la double thérapie antiplaquettaire prolongée14. Deux méta-analyses récentes, qui comparaient l’utilisation d’une double thérapie antiplaquettaire sur une durée prolongée (supérieure à 12 mois) par rapport à la durée de référence actuelle (12 mois) se sont attardées sur ces mêmes objectifs cliniques. La méta-analyse de Navarese et coll.15 comportait trois études et celle d’Udell et coll.16, six études, dont les études DAPT et DES-LATE. La méta-analyse de Navarese et coll. illustrait des résultats similaires à ceux de l’étude DAPT, possiblement en raison du fait que les données de DAPT représentaient environ 80 % du poids de chaque objectif analysé15. La méta-analyse d’Udell et coll. démontrait des résultats similaires. La double thérapie antiplaquettaire prolongée entrainait notamment une diminution significative de 30 % des IM, de 19 % des AVC et de 50 % des thromboses de tuteur, mais une augmentation significative de 73 % des saignements graves non fatals16. La mise en commun de ces différentes études apporte des données probantes supplémentaires intéressantes sur les avantages et les risques associés à la double thérapie antiplaquettaire prolongée. Il implique néanmoins de se demander si les avantages l’emportent ou non sur les risques encourus.

Est-ce que les avantages obtenus sont cliniquement significatifs?OUI et NON. Il faudrait traiter 100 sujets avec une double thérapie antiplaquettaire prolongée pour prévenir une thrombose de tuteur (nombre nécessaire à traiter [NNT]), 63 sujets pour prévenir un événement cardiovasculaire ou cérébrovasculaire majeur (NNT), et 50 sujets pour prévenir un infarctus du myocarde. En contrepartie, il faudrait traiter 111 sujets pour observer un saignement modéré ou grave selon l’échelle de GUSTO (nombre nécessaire à nuire [NNH]) sans augmentation significative de saignement grave avec le traitement prolongé. Étant donné la similarité entre les NNT et les NNH, cela signifie que la prévention d’une thrombose de tuteur et de deux infarctus du myocarde coûterait environ un saignement modéré.

Fait intéressant, les chercheurs de l’étude DAPT ont également observé les sujets pour les mêmes issues entre les mois 30 à 33, lorsque les patients qui avaient reçu la double thérapie cessaient de prendre la thiénopyridine pour ne continuer à prendre que l’AAS. Ces observations mettent en lumière des résultats supplémentaires intéressants pour la prise en charge des patients. L’incidence de thrombose de tuteur augmentait après l’arrêt de la double thérapie, d’une façon similaire à ce qui avait été observé pour le groupe placebo entre les mois 12 à 15, au moment où ces patients passaient d’une double thérapie à une simple thérapie par AAS. Il semble donc que, quelle que soit la durée d’utilisation de la double thérapie antiplaquettaire, à partir du moment où cette dernière sera cessée, les patients courront à nouveau un plus grand risque de thrombose. Il semble que la prolongation du traitement ne fait que reporter ce risque, sans nécessairement le diminuer à long terme après l’arrêt du traitement.

Par ailleurs, bien que l’étude ne soit pas conçue pour déterminer si une thiénopyridine ou un type de tuteur s’avérait supérieur à un autre en matière d’efficacité, certains résultats peu abordés par les auteurs sont potentiellement intéressants. Ainsi, la diminution des thromboses de tuteur après une thérapie antiplaquettaire prolongée pourrait être observée plus spécifiquement avec les tuteurs à base de paclitaxel et d’évérolimus, pour lesquels l’analyse de sous-groupe démontrait une diminution significative respective de 75 % et de 62 %, contrairement aux tuteurs à base de sirolimus et de zotarolimus pour lesquels la différence n’était pas significative. La diminution des événements cardiovasculaires majeurs pourrait quant à elle être associée plus spécifiquement aux tuteurs à base de sirolimus et de paclitaxel, les seuls qui étaient associés à une différence significative respective d’environ 46 % et 48 %. Ces résultats mettent en évidence à quel point les interactions possibles entre les différentes composantes du traitement sont complexes et peuvent avoir une répercussion directe sur le devenir à long terme des patients. En pratique, les principaux tuteurs utilisés sont les pharmacoactifs de troisième génération (zotarolimus). La généralisabilité des résultats s’en trouve affectée.

Parmi les points forts de cette étude, on trouve le protocole à double insu, qui diminue le risque de biais d’évaluation. De plus, le nombre de patients recrutés fournissait à l’étude la puissance nécessaire pour démontrer des résultats statistiquement significatifs, malgré la faible incidence des événements d’intérêt dans l’échantillon à l’étude. Le critère d’adhésion thérapeutique (la prise de 80 % à 120 % des doses d’antiplaquettaires prescrites) permettait également à l’étude de mieux simuler les conditions de la vie quotidienne, ce qui était un point positif pour la possibilité de généraliser les résultats hors du contexte strict d’étude clinique.

Parmi les limites de l’étude, un aspect potentiellement problématique concerne la tenue d’une phase ouverte avant

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diminution du risque d’IM était statistiquement significative lorsque les objectifs étaient observés individuellement.

Conclusion

L’étude DAPT visait à quantifier les risques et les avantages d’une thérapie antiplaquettaire à base d’AAS et de thiénopyridine de longue durée, comparativement à une thérapie de six à 12 mois. Elle a démontré la supériorité de la double thérapie par rapport à l’AAS seul pour la prévention au-delà de 12 mois des thromboses de tuteurs et des infarctus du myocarde fatals, sans toutefois démontrer d’avantages sur l’incidence d’AVC et de décès cardiovasculaires. Néanmoins, cet avantage est contrebalancé par une augmentation presque équivalente du nombre de saignements modérés à graves, si on compare le nombre nécessaire à traiter et le nombre nécessaire à nuire. L’utilisation d’une double thérapie prolongée devra donc encore être soigneusement individualisée en fonction des caractéristiques des patients et de leur risque d’événements thrombotiques et hémorragiques.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Remerciements

Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Communication scientifique de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Les auteurs en remercient les responsables. Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes.

la répartition aléatoire. Le choix initial de la thiénopyridine employée, clopidogrel ou prasugrel, dépendait du clinicien. Cette sélection était probablement motivée par l’évaluation des risques et des avantages pour chaque patient, puisque leurs facteurs de risque respectifs pouvaient varier. Par contre, en stratifiant selon le type de thiénopyridine, ces différents risques se répartissaient aléatoirement entre les groupes, ce qui pouvait atténuer les répercussions de ce premier choix. De plus, les résultats ont pu être influencés par le plus grand nombre d’antécédents de cancer dans le groupe thiénopyridine que dans le groupe placebo après la répartition aléatoire. Étant donné que le cancer augmente le risque thrombotique, les répercussions observées de la thiénopyridine sur la diminution du risque de thrombose de tuteur ont peut-être été réduites, ce qui modulerait les conclusions de l’étude.

Certains aspects pourraient nuire à la généralisabilité des résultats, notamment la sélection des participants à l’étude. Les critères d’exclusion de l’étude ont entraîné la disqualification de près de 57 % des sujets évalués avant la répartition aléatoire. Les sujets inclus dans l’étude pouvaient donc potentiellement présenter des caractéristiques différentes des sujets disqualifiés. De plus, les participants sélectionnés n’avaient pas présenté de thromboses, de saignements et d’événements vasculaires pendant les 12 mois précédant la répartition aléatoire, ce qui signifie qu’ils couraient donc potentiellement moins de risque de présenter les événements faisant partie des objectifs étudiés.

L’absence de ticagrelor dans l’étude, une thiénopyridine de plus en plus utilisée, limite davantage la généralisabilité des résultats au contexte actuel de soins. Néanmoins, l’étude PEGASUS récemment publiée partageait le même questionnement concernant la durée optimale d’une double thérapie antiplaquettaire par ticagrelor et AAS17. Cette étude a obtenu des résultats similaires à ceux de l’étude DAPT, à savoir une diminution du risque combiné de mortalité cardiovasculaire, d’IM ou d’AVC, et une augmentation du risque de saignement grave. À noter qu’en ce qui concerne l’objectif primaire d’efficacité de l’étude PEGASUS, seule la

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ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE

Pour toute correspondance : Vincent Dagenais-Beaulé, Hôpital général juif CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal, 3755, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1E2, CANADA; Téléphone : 514 340-8217; Télécopieur : 514 340-8201; Courriel : [email protected]

Utilisation cumulative de médicaments ayant une charge anticholinergique élevée et fréquence de la démence en gériatrie

Vincent Dagenais-Beaulé1,2,3, Pharm.D., M.Sc., Alice Mathieu-Bégin1,4,5, Pharm.D., M.Sc. 1 Candidat à la maitrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;

2Résident en pharmacie au moment de la rédaction de l’article, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;3Pharmacien, Hôpital Général Juif, CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal (Québec) Canada;4Résidente en pharmacie au moment de la rédaction de l’article, Centre hospitalier de l'Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;5Pharmacienne, Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 23 août 2015; Accepté après révision par les pairs le 18 octobre 2015

Titre : Cumulative use of strong anticholinergics and incident dementia: a prospective cohort study. JAMA Intern Med 2015;175:401-71.

Auteurs : Gray SL, Anderson ML, Dublin S, Hanlon JT, Hubbard R, Walker R et coll.

Commanditaires : L’étude a reçu des fonds de recherche du National Institute on Aging et de la fondation Branta. Les commanditaires n’ont pas eu de rôle actif dans l’étude.

Cadre de l’étude : Le taux d’utilisation des médicaments au potentiel anticholinergique élevé varie entre 8 et 37 % dans la population âgée, malgré la présence d’effets indésirables importants comme une somnolence, une rétention urinaire, des chutes, un délirium, une constipation, une xérostomie et une tachycardie1-3. Le délirium pourrait augmenter le risque de démence, d’institutionnalisation et de mortalité; il est donc lourd de conséquences4. De plus, le trouble cognitif – qui peut donc être un effet indésirable de cette thérapie – est un des syndromes gériatriques problématiques et il diminue la survie du patient5. Au Canada, on estime que le fardeau économique des démences s’élève à 15 milliards de dollars en 2008, avec notamment un fardeau financier pour les aidants naturels devant renoncer à leur salaire qui s’élève à environ cinq milliards de dollars6. Ces facteurs peuvent donc avoir des effets importants sur la qualité de vie des personnes âgées, ainsi que sur l’entourage de ces personnes et la société.

De plus, les changements pharmacodynamiques et pharmacocinétiques qui affectent les personnes âgées les rendent plus susceptibles de manifester des effets indésirables des médicaments ayant un potentiel anticholinergique7,8. Une diminution de l’activité neuronale cholinergique chez les personnes âgées peut contribuer à cette augmentation du risque9. De plus, l’augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique chez ces personnes accroît l’exposition du système nerveux central (SNC) à des médicaments comme l’amitriptyline, la diphenhydramine, la prochlorpérazine et aggrave donc les effets néfastes de ces médicaments sur le SNC7,9,10. De la même manière, une réduction de la clairance rénale, une diminution de certaines voies métaboliques, ainsi que l’excrétion des médicaments, peuvent également augmenter l’exposition globale de l’organisme aux médicaments ayant un potentiel anticholinergique élevé11.

Plusieurs échelles ou listes ont été élaborées pour mieux cibler les médicaments ayant un potentiel anticholinergique élevé et dont l’usage par les personnes âgées est à éviter ou à surveiller, afin de prévenir les effets indésirables pour cette population. Les outils les plus utilisés sont les critères de Beers, ainsi que les échelles Anticholinergic Drug Scale et Anticholinergic Risk Scale2,12,13. Des scores élevés indiquent une activité anticholinergique plus élevée qu’un score nul2,13. Bien que ces listes et ces scores aient été validés, il n’existe pas pour le moment de liste faisant consensus. En effet, selon les échelles, certains médicaments (comme l’alprazolam) avaient un potentiel anticholinergique élevé ou nul. Plus récemment, Durán et coll. ont établi une liste plus uniforme après avoir passé en revue la documentation scientifique portant sur les différents scores existant14.

Cependant, il existe peu de données sur les risques neurologiques à long terme d’une utilisation cumulative de médicaments ayant un potentiel anticholinergique élevé, comme le risque de contracter une démence ou la maladie d’Alzheimer15,16.

Protocole de recherche : Il s’agit d’une étude de cohorte ouverte prospective, qui porte sur une population provenant de l’étude Adult Changes in Thought Study menée à Seattle, aux États-Unis. L’exposition cumulative à des médicaments à potentiel anticholinergique élevé était mesurée avant l’entrée des participants dans l’étude, pendant les 10 ans précédant l’inclusion. Une fois sélectionnées, les personnes étaient suivies afin de détecter si elles contractaient une démence.

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Patients : Les participants inclus devaient être des adultes d’un âge égal ou supérieur à 65 ans. Ils devaient être membres de Group Health, un fournisseur de soins de santé. Ce critère permettait aux auteurs de l’étude de recenser les prescriptions des participants et donc d’évaluer leur exposition aux médicaments. En effet, Group Health permet l’accès aux bases de données contenant les prescriptions remplies par les patients dans les 10 ans avant leur entrée dans l’étude. Les patients atteints de démence étaient exclus. Le recrutement s’est déroulé entre 1994 et 1996, puis entre 2000 et 2003 et a permis de sélectionner 3 434 patients. De plus, les personnes devaient avoir reçu au moins une visite de suivi pour être incluses dans l’analyse. Les suivis consistaient en des visites médicales bisannuelles y compris une évaluation de la fonction cognitive.

Interventions : L’exposition cumulative des participants à des médicaments ayant un potentiel anticholinergique était mesurée par l’analyse des dossiers informatiques des 10 années précédentes, qui contenaient donc les médicaments qui avaient été prescrits et distribués aux participants. La liste des médicaments anticholinergiques utilisée par les auteurs reposait sur les critères de Beers, mais comprenait aussi d’autres médicaments qui ne sont plus sur le marché (comme la cycrimine), mais qui l’étaient encore pendant la période d’inclusion12. Les médicaments en vente libre n’étaient pas comptabilisés.

L’utilisation de médicaments à potentiel anticholinergique élevé était évaluée par un score correspondant à la somme des doses quotidiennes standardisées (SDQS). D’abord, pour chaque médicament ayant un potentiel anticholinergique élevé, un score était calculé en fonction de la dose de médicament prescrite et de la dose minimale efficace par jour recommandée pour les personnes âgées selon le Geriatric Dosage Handbook17. Par exemple, les doses quotidiennes recommandées par cet ouvrage de référence sont de 50 mg pour la diphenhydramine, de 10 mg pour l’amitriptyline et de 200 mg pour le dimenhydrinate. Ensuite, la somme des scores pour chaque médicament permettait d’obtenir le score total, à savoir la SDQS. Une journée de prise de médicament à dose minimale correspond donc à une SDQS égale à 1 (voir un exemple dans le tableau I). Ce score a déjà été utilisé, mais n’a jamais été validé en pratique18,19.

L’exposition cumulative a été divisée en catégories selon la durée et la dose des médicaments choisis. Ces catégories sont les suivantes : SDQS nulle, 1 à 90, 91 à 365, 366 à 1 095 et supérieure à 1 095. Les auteurs ont déterminé les bornes de chaque catégorie selon des critères d’interprétation clinique et la distribution des scores obtenus. Une SDQS de 1 095 représente trois ans d’exposition d’un médicament à la dose minimale efficace, comme l’utilisation d’une dose d’oxybutynine par voie orale de 5 mg par jour.

Points évalués : L’objectif primaire de l’étude était d’évaluer le risque de démence associé à une utilisation cumulative de médicaments anticholinergiques sur une période de 10 ans. La démence était évaluée à l’entrée de l’étude et lors des visites bisannuelles à l’aide de l’outil Cognitive Abilities Screening Instrument20. Cet outil permettait de dépister la démence et les participants correspondants étaient évalués par la suite par un médecin qui posait un diagnostic, établi selon les critères prédéfinis (voir tableau II)21,22.

Cette étude évaluait les covariables suivantes : âge à l’entrée de l’étude, sexe, race, niveau d’éducation, indice de masse corporelle, statut tabagique, pratique d’une activité physique régulière, perception de l’état de santé, hypertension, diabète, antécédents d’accident vasculaire cérébral (AVC), maladie coronarienne, maladie de Parkinson, symptômes dépressifs, utilisation de benzodiazépines et génotype de l’apolipoprotéine ε4.

Tableau I. Exemple de calcul de la SDQS

Étape Exemple

1re Évaluation de l’ordonnance Oxybutynine : 10 mg à prendre par voie orale deux fois par jour, renouvelée six fois

2e Trouver la dose minimale efficace quotidienne recommandée pour la personne âgée Pour l’oxybutynine : 5 mg17

3e Calculer le nombre total de mg à administrer par jour 10 mg x deux fois par jour = 20 mg par jour

4e Calculer la DQS Troisième étape ÷ Deuxième étape 20 mg par jour ÷ 5 mg = 4 DQS

5e Multiplier la DQS par le nombre total de jours d’utilisation SDQS = 4 DQS x 30 jours x six mois = 720

Abréviations : DQS : dose quotidienne standardisée; SDQS : somme des doses quotidiennes standardisées

Tableau II. Évaluation réalisée lors des visites de suivi bisannuelles

Étape Action prise

1re Évaluation au moyen de l’outil CASI20

2e

Si score CASI ≤ 85Évaluation diagnostique à la recherche d’une démence

1) Évaluation physique et neurologique par un neurologue, un gériatre ou un interniste2) Batterie de tests neuropsychologiques

3e Révision du cas en conférence multidisciplinaire avec des critères diagnostiques prédéfinis21,22

4e Visite annuelle supplémentaire pour confirmer le diagnostic

Abréviation : CASI : Cognitive Abilities Screening Instrument

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© APES tous droits réservés Pharmactuel 2016;49(1) 21

Résultats : Parmi les 3 434 patients inclus dans l’étude, 78,3 % ont rempli au moins une prescription pour un médicament à potentiel anticholinergique élevé dans les 10 ans précédant leur entrée dans l’étude. Les classes médicamenteuses les plus souvent prescrites étaient les antidépresseurs (principalement la doxépine), les antihistaminiques (principalement la chlorphéniramine) et les antimuscariniques utilisées pour traiter l’incontinence urinaire (principalement l’oxybutynine). Les caractéristiques des patients inclus dans l’étude sont présentées dans le tableau III.

Pendant le suivi moyen de 7,3 ans, 797 sujets (23,2 % des participants) ont contracté une démence. La démence la plus fréquente était celle d’Alzheimer, présente chez 637 participants (79,9 % des cas de démence).

Le rapport de risque a été calculé pour chaque catégorie de SDQS et a été ajusté selon les covariables. Les participants ayant une SDQS nulle (n’ayant pris aucun médicament ayant un potentiel anticholinergique élevé) représentaient le rapport de risque de référence, c’est-à-dire un risque de 1. Seul le groupe avec une SDQS supérieure à 1 095 présente une augmentation statistiquement significative du risque de démence (rapport de risque [RR] : 1,54; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 1,21-1,96; p < 0,001) (voir tableau IV).

Les auteurs ont également mesuré les liens entre l’utilisation de médicaments ayant un potentiel anticholinergique élevé et l’apparition de la démence de type Alzheimer. Ces rapports de risque calculés ont été ajustés selon les mêmes covariables. De la même façon, en ce qui concerne l’apparition de la démence de type Alzheimer, seul le groupe avec la SDQS la plus élevée (supérieure à 1 095) obtient une augmentation statistiquement significative du rapport de risque de présenter ce type de démence (RR:1,63;IC 95 %:1,24-2,14; p<0,001). Le nombre nécessaire pour nuire – c’est-à-dire le nombre de patients qu’il est nécessaire de traiter avec des médicaments à potentiel anticholinergique pour qu’un patient contracte une démence, lorsqu’on compare les patients ayant la SDQS la plus élevée (supérieure à 1 095) à ceux ayant une SDQS nulle – est de sept.

Le risque accru de démence reste le même, que l’usage des médicaments à potentiel anticholinergique élevé soit récent ou plus ancien. Le risque accru de démence n’est pas influencé par le caractère continu ou intermittent de l’usage des médicaments à potentiel anticholinergique élevé pour le groupe ayant une SDQS supérieure à 1 095.

Tableau III. Caractéristiques des différents groupesa

SDQS Nul 1 à 90 91 à 365 366 à 1 095 Plus de 1 095 Toutes valeurs

Nombre de sujets 745 1 083 701 347 558 3 434

Caractéristiques sociodémographiques

Âge médian (écart interquartile) (années) 73,0 (69-78)

74,7 (71-80)

74,5 (70-80)

75,1 (70-80)

74,7 (70-80)

74,4 (70-80)

Origine caucasienne (%) 92,1 90,8 91,7 91,7 92,8 91,4

Sexe masculin (%) 51,5 43,8 38,7 33,4 25,5 40,4

Niveau d’étude universitaire (%) 73,0 63,3 65,4 65,7 65,1 66,4

Antécédents médicaux

Obésité (%) 21,9 23,8 25,8 26,8 32,0 25,4

Perception de l’état de santé faible ou passable (%) 8,8 12,6 18,1 19,0 24,8 15,5

Diabète traité (%) 6,3 7,1 9,0 9,5 9,3 7,9

Hypertension traitée (%) 39,2 46,3 52,4 51,0 58,2 48,8

Antécédent d’AVC (%) 4,6 3,9 7,3 8,9 11,3 6,4

Maladie coronarienne (%) 12,6 18,9 19,3 25,1 20,1 18,4

Symptômes dépressifs graves (%) 4,0 7,5 11,4 16,8 16,5 10,0

Génotype de l’apolipoprotéine ε4 (%) 24,6 24,7 26,0 29,6 26,2 25,7

Habitudes

Utilisation de benzodiazépines (%) 0,1 1,9 2,7 4,6 7,2 2,8

Tabagisme (%) 4,7 5,6 3,2 5,5 6,6 5,1

Exercice régulier (%) 75,9 74,1 71,1 67,7 64,0 71,6

aAdapté de Gray SL, Anderson ML, Dublin S, Hanlon JT, Hubbard R, Walker R et coll. Cumulative use of strong anticholinergic medications and incident dementia. JAMA Intern Med 2015;175:401-71

Abréviations : AVC : accident vasculaire cérébral; SDQS : somme des doses quotidiennes standardisées

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Grille d’évaluation critique

LES RÉSULTATS SONT-ILS VALABLES?

Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire aux groupes de traitement? NON. Il s’agit d’une étude de cohorte et les patients ont été répartis dans les groupes selon leur exposition aux médicaments, mesurée par la SDQS et divisée en cinq catégories.

Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de tous les patients ayant participé à l’étude? OUI, bien qu’il s’agisse d’une cohorte ouverte et que seuls les patients ayant eu au moins une visite de suivi ont été inclus dans l’étude. De plus, les patients décédés ou qui se sont retirés de l’étude ont été remplacés lorsque l’étude a été soumise, permettant de garder le même nombre de personnes à l’étude dans le temps.

Le suivi des patients a-t-il été mené à terme? OUI, les auteurs voulaient évaluer le risque cumulatif à long terme. Les participants devaient avoir reçu au moins une visite de suivi après leur entrée dans l’étude. Le suivi moyen a été de 7,3 ans.

Les patients ont-ils été évalués dans le groupe dans lequel ils avaient été répartis de façon aléatoire (intention de traiter)? Ne s’applique pas, puisqu’il n’y a pas de répartition aléatoire.

Les traitements ont-ils été faits à « l’insu » des patients, des médecins et du personnel concerné? NON, il s’agit d’une étude ouverte.

Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude? NON. Si l’on observe la population de l’étude, on remarque que les caractéristiques ne sont pas distribuées de façon similaire entre les différents groupes. D’abord, la proportion de femmes varie considérablement. Il y a une proportion deux fois moins élevée de femmes dans le groupe avec une SDQS nulle, comparativement au groupe avec une SDQS supérieure à 1 095. D’autres caractéristiques étaient également distribuées différemment entre les groupes : l’obésité, l’exercice régulier, la perception de l’état de santé, un traitement pour l’hypertension, une maladie coronarienne athérosclérotique, un antécédent d’AVC, l’utilisation de benzodiazépines, des symptômes dépressifs graves. On sait que la prévalence de la démence est plus élevée pour les personnes de sexe féminin que de sexe masculin23. De plus, les antécédents d’AVC sont également un facteur de risque, tandis que le traitement de l’hypertension pourrait être un facteur protecteur6,24,25. Quant aux symptômes de dépression, ils font partie du prodrome de la démence. Ainsi, le risque de présenter une démence est différent entre les groupes au début l’étude, ce qui peut limiter l’interprétation des résultats.

Les groupes ont-ils été traités de manière égale à l’extérieur du cadre de recherche? INCERTAIN. Les patients ont reçu les soins usuels par leurs professionnels de la santé, sans restriction particulière. Par contre, ces soins n’ont pas été encadrés par le protocole.

QUELS SONT LES RÉSULTATS?

Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement? Les patients avec une SDQS supérieure à 1 095 ont un RR de 1,54 de présenter une démence (IC 95 %:1,21-1,96;p<0,001), comparativement aux patients avec une SDQS nulle. Ces mêmes patients ont un RR de 1,63 de contracter la maladie d’Alzheimer (IC 95 %:1,24-2,14;p<0,001), comparativement aux patients avec une SDQS nulle.

Quelle est la précision de l’effet évalué? Les résultats présentés ont un intervalle de confiance à 95 %. Les intervalles sont relativement étroits et précis. Par contre, la plupart des intervalles ne sont pas significatifs et incluent la valeur nulle.

LES RÉSULTATS VONT-ILS M’ÊTRE UTILES DANS LE CADRE DE MES SOINS PHARMACEUTIQUES

Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à mes patients? OUI. La population à l’étude est similaire à une partie de celle rencontrée en clinique. Certaines caractéristiques sont cependant différentes de celles de la population en général, comme le niveau d’éducation et l’usage de benzodiazépines. Certains médicaments recensés dans l’étude ne sont plus sur le marché, puisque l’étude a débuté en 1984. Par contre, l’oxybutynine figure parmi les trois médicaments les plus souvent prescrits lors de l’étude et cette molécule reste fréquemment utilisée. Malgré quelques disparités entre la population à l’étude et celle rencontrée en clinique, les résultats de l’étude sont pertinents pour les patients rencontrés en clinique.

Est-ce que tous les résultats ou « impacts » cliniques ont été pris en considération? OUI. Le résultat primaire est l’apparition de la maladie, un objectif important sur le plan clinique.

Est-ce que les avantages obtenus sont cliniquement significatifs? OUI. Les résultats pointent vers une augmentation du risque de démence. Par contre, une étude de cohorte ne peut démontrer qu’une corrélation. Il faut attendre les résultats d’un essai contrôlé à répartition aléatoire avant de statuer sur la relation de cause à effet entre la prise de médicaments à potentiel anticholinergique et l’apparition de la démence.

Tableau IV. Association entre l’usage cumulatif, sur une période de 10 ans, de médicament ayant un potentiel anticholinergique et la fréquence des cas de démence et de démence de type Alzheimera

SDQS Démence de tout type Rapport de risque ajusté (intervalle de confiance à 95 %)

Démence de type Alzheimer Rapport de risque ajusté (intervalle de confiance à 95 %)

0 1 (Référence) 1 (Référence)

1 à 90 0,92 (0,74-1,16) 0,95 (0,74-1,23)

91 à 365 1,19 (0,94-1,51) 1,15 (0,88-1,51)

366 à 1 095 1,23 (0,94-1,62) 1,30 (0,96-1,76)

Plus de 1 095 1,54 (1,21-1,96) 1,63 (1,24-2,14)

a Adapté de Gray SL, Anderson ML, Dublin S, Hanlon JT, Hubbard R, Walker R et coll. Cumulative use of strong anticholinergic medications and incident dementia. JAMA Intern Med 2015;175:401-71 Abréviation : SDQS : somme des doses quotidiennes standardisées

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la même valeur de SDQS. Le degré d’exposition, mesuré selon la SDQS, ne correspondrait donc pas à des effets anticholinergiques équivalents.

Bien que l’étude présentée soit observationnelle, les auteurs ont diminué certains biais. En effet, certains des médicaments à potentiel anticholinergique peuvent être utilisés pour traiter des symptômes précurseurs de la démence, tels que la dépression et l’anxiété : il pourrait donc y avoir un biais de causalité inverse avec certains médicaments27. Ces médicaments, comme les antidépresseurs tricycliques, n’auraient pas causé la démence, mais celle-ci aurait mené à l’utilisation de ces médicaments. Afin de limiter ce biais, les auteurs n’ont pas comptabilisé les prescriptions servies dans l’année précédant l’inclusion des patients dans la cohorte. Une période de latence d’un an permet en effet de limiter ce biais, car les symptômes précurseurs se présentent entre 10 mois et deux ans avant le diagnostic de démence 27.

La définition de la démence utilisée est une force de l’étude, puisqu’elle est doublement mesurée de façon rigoureuse à l’aide d’un outil validé et du diagnostic posé par un médecin. La sensibilité de l’outil Cognitive Abilities Screening Instrument est forte (96,5 %), ce qui est nécessaire lors d’un dépistage21,24. Les autres forces de l’étude comprennent la taille de la cohorte et la durée du suivi moyen de sept ans, ce qui en fait une des plus grosses études sur le sujet. De plus, les auteurs ont corrigé les résultats selon plusieurs covariables pour les rendre plus justes.

La principale faiblesse de cette étude est la mesure de la SDQS, puisqu’il n’existe pas d’outil de mesure validé correspondant. La qualité de cette mesure n’a pas été précédemment établie. La SDQS a été conçue par les auteurs de l’étude lors de recherches précédentes18,19. Il est donc difficile de comparer les résultats de cette étude, basés sur la SDQS, avec ceux d’autres études. De plus, les intervalles de SDQS sont déterminés d’une façon qui n’est pas validée. L’augmentation du risque de démence pourrait apparaitre à une période autre que celles prédéterminées, à savoir avant ou après ce qui est rapporté dans l’étude. L’exposition aux médicaments a été évaluée en fonction des prescriptions achetées par les participants. La consommation médicamenteuse réelle ne peut donc être précisément établie, puisque la mesure est l’achat et non la prise des médicaments. Par contre, on évite ainsi un biais de mémoire, ce qui est nécessaire lors d’une aussi longue période d’exposition mesurée a posteriori. En outre, certaines molécules disponibles en vente libre, comme certains antihistaminiques, ne sont pas comptabilisées dans l’étude alors qu’elles ont une charge anticholinergique non négligeable. Aucun consensus n’existe sur la liste idéale de médicaments à potentiel anticholinergique élevé. La liste choisie provient d’un consensus d’experts respectés, ayant développé les critères de Beers12. Le choix de cette liste peut être débattu, et une autre liste basée sur des critères objectifs ou sur une revue de la documentation scientifique aurait pu être préférée.

Une autre faiblesse de l’étude en est sa validité externe; il est effectivement difficile d’extrapoler les données obtenues à l’ensemble de la population observée en clinique. Cette limite s’explique par l’utilisation d’une mesure non validée (la SDQS), mais aussi par la population à l’étude, qui semble différer de celle rencontrée en clinique. En effet, 66,4 % de la population à l’étude a reçu une éducation postsecondaire,

Discussion

Bien qu’il soit généralement accepté que les médicaments ayant un potentiel anticholinergique élevé entraînent des effets sur la cognition, le lien entre la prise de ces médicaments et une démence est moins bien établi9. Plusieurs raisons expliquent ce manque de données probantes. D’abord, la démence se développe sur le long terme, et les études sont souvent limitées par un suivi de courte durée. Afin de contourner cette limite, les études évaluent des objectifs intermédiaires, comme le trouble cognitif léger. De plus, la plupart des recherches étant observationnelles, rétrospectives et menées auprès d’une petite population, la puissance de l’étude est souvent insuffisante pour démontrer clairement et de façon convaincante une association ou l’absence de celle-ci15,16. Enfin, à l’heure actuelle, il ne semble pas y avoir de méthode consensuelle pour calculer la charge anticholinergique ni de seuil déterminé au-delà duquel le risque serait plus inquiétant. Les définitions sont donc différentes d’une étude à l’autre, ce qui limite la possibilité de pouvoir regrouper ces études pour en augmenter la puissance.

Récemment, deux études de cohorte prospectives ont fait ressortir un lien entre l’utilisation de médicaments ayant un potentiel anticholinergique et l’apparition d’une démence ou de troubles cognitifs légers. Ces études ont rapporté une augmentation du risque de démence de l’ordre de 1,5 à 2 fois pour les personnes prenant des médicaments anticholinergiques, par rapport aux personnes qui ne prenaient pas ces médicaments23,26. Dans l’étude de Carrière et coll., seuls les patients qui faisaient un usage continu de médicaments à potentiel anticholinergique élevé présentaient une augmentation statistiquement significative du risque, contrairement aux patients qui ont cessé de prendre ces médicaments en cours d’étude26. Les propriétés anticholinergiques des médicaments inclus dans l’étude étaient déterminées selon des bases de données pharmacologiques françaises. Il ne s’agit donc pas d’une liste validée et explicitée.

Une autre étude, celle de Jessen et coll., a mesuré l’effet des médicaments selon l’intensité de leur charge anticholinergique. Cette étude longitudinale de 54 mois portait sur la fréquence d’apparition de la démence chez les patients d’un âge égal ou supérieur à 75 ans23. Cette étude a montré que le risque de présenter une démence augmentait avec l’usage d’un médicament à potentiel anticholinergique.

L’étude de Gray et coll. a également démontré que les patients âgés de plus de 65 ans utilisant des médicaments ayant un potentiel anticholinergique élevé présentent un risque de contracter une démence1. Bien que la plupart des rapports de risque ne soient pas significatifs, les patients du groupe ayant une SDQS supérieure à 1 095 sont toutefois plus susceptibles de contracter tout type de démence ainsi qu’une démence de type Alzheimer (augmentation respective du risque de 54 % et de 63 %). Cette valeur de SDQS équivaut à l’utilisation d’un médicament à potentiel anticholinergique élevé à la dose minimale efficace durant au moins trois ans. La valeur utilisée pour la dose minimale efficace est parfois sujette à caution. Par exemple, la dose minimale efficace utilisée dans cette étude est de 50 mg pour la diphenhydramine, mais de 200 mg pour le dimenhydrinate. Les effets anticholinergiques de ces deux molécules ne semblent pas équivalents pour

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alors que cette proportion est de 36,1 % dans la population générale selon le recensement canadien de 200628. Une telle différence est pertinente à noter, puisqu’un faible niveau d’éducation peut augmenter le risque de démence29. De plus, la fréquence d’utilisation de benzodiazépines semble plutôt faible dans l’étude (2,8 %), comparativement à ce que l’on rencontre dans la population des patients de plus de 65 ans au Québec (25,4 %)30. Des études ont récemment fait ressortir le lien possible entre l’utilisation des benzodiazépines et la démence31,32. Ainsi, le risque de contracter une démence pourrait être différent pour la population à l’étude que pour la population générale.

Conclusion

Bien que les résultats récents sur l’existence d’un lien entre la prise de médicaments à potentiel anticholinergique élevé et la démence semblent se multiplier, les études sont de nature observationnelle, ce qui limite la qualité des résultats. L’étude présentée amène toutefois des données probantes supplémentaires en faveur d’un tel lien. Ce risque potentiel devrait être pris en compte lors de la prescription de telles molécules à la personne âgée. En clinique, ces résultats devraient donc nous porter à limiter le nombre de médicaments prescrits ayant un potentiel anticholinergique élevé, la dose de ceux-ci, ainsi que leur durée d’utilisation, afin de réduire le risque potentiel de démence. Par contre, il n’existe aucune mesure consensuelle pour calculer la charge anticholinergique, ni pour déterminer un seuil d’exposition anticholinergique maximal. Ce seuil n’est pas mis en lumière

de façon précise dans cette étude et pourrait se situer avant ou après la période de trois ans proposée dans l’article et basée sur l’usage quotidien d’un médicament à la dose minimale efficace.

Une étude à répartition aléatoire contrôlée cherchant à répondre à cette question de recherche est actuellement en période de recrutement. Les résultats d’une telle étude permettront de confirmer ou d’infirmer l’existence d’un tel lien ainsi que les résultats obtenus précédemment33.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Remerciements

Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Communication scientifique (PHA62102) de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Les auteurs en remercient les responsables. Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes.

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ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE

Pour toute correspondance : Jordane St-Hilaire Dupuis, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Hôpital de Chicoutimi, 305, rue Saint-Vallier, Chicoutimi (Québec), G7H 5H6, CANADA; Téléphone : 418 541-1234; Télécopieur : 418 541-1177; Courriel : [email protected]

Le pembrolizumab contre l’ipilimumab dans le traitement du mélanome à un stade avancé

Thiéry Clinchamps-Lortie1,2, B.Pharm., M.Sc., Jordane St-Hilaire Dupuis1,2,3, B.Pharm., M.Sc. 1 Candidat à la Maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;

2Chargé d’enseignement clinique, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada; 3 Pharmacien, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Hôpital de Chicoutimi, Chicoutimi (Québec) Canada

Reçu le 4 septembre 2015; Accepté après révision par les pairs le 10 décembre 2015

Titre de l’article : Pembrolizumab versus ipilimumab in advanced melanoma. N Engl J Med 2015;372:2521-321.

Auteurs : Robert C, Schachter J, Long GV, Arance A, Grob JJ, Mortier L et coll. pour les chercheurs de KEYNOTE-006.

Commanditaire : Merck Sharp & Dohme a conçu l’étude, a analysé et interprété les données en collaboration avec les auteurs, puis a participé à l’élaboration de l’article. Un comité indépendant externe de surveillance des données était responsable de s’assurer de la sécurité des patients et de l’intégrité éthique de l’étude.

Cadre de l’étude : En 2015, le mélanome représentait environ 3,4 % des nouveaux cas de cancer au Canada2. Parmi ceux-ci, entre 2 et 5 % sont métastatiques au diagnostic3. Selon les statistiques internationales de 2009, le mélanome métastatique avait un mauvais pronostic avec une survie globale (SG) respective à un an de 62, 52 et 33 % pour les stades M1a, M1b et M1c4.

En l’absence de mutation du gène BRAF V600, la seule chimiothérapie officiellement indiquée lors de métastases non résécables est la dacarbazine. Les taux de réponse à la dacarbazine ou à d’autres chimiothérapies comme le témozolomide, le paclitaxel en association ou non avec la carboplatine et le paclitaxel en nanoparticules sont inférieurs à 26 %3. Le témozolomide et le paclitaxel en nanoparticules ne sont pas remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ)5.

En présence de mutation BRAF V600, les thérapies ciblées suivantes sont recommandées par le National Comprehensive Cancer Network (NCCN) : dabrafénib en monothérapie ou en association avec le tramétinib ou encore le vémurafénib en monothérapie ou en association avec le cobimétinib. Ce dernier médicament n’est pas commercialisé au Canada3. Les monothérapies de dabrafénib et vémurafénib entraînent des taux de réponse respectifs d’environ 53 et 48 % et représentent des médicaments d’exception à la RAMQ3,6. L’association de dabrafénib et de tramétinib augmente le taux de réponse et diminue les effets indésirables, mais cette association n’est pas remboursée par la RAMQ5,6.

L’interleukine-2 à haute dose a été la première immunothérapie qui a été reconnue pour le traitement du mélanome métastatique3. Seuls quelques hôpitaux au Québec administrent cette thérapie, puisqu’elle peut engendrer des effets indésirables importants nécessitant un accès rapide aux soins intensifs en cas de besoin (hypotension, syndrome de fuite capillaire, œdème pulmonaire, arythmie, etc.)6,7. Bien que l’interleukine-2 entraîne parfois des réponses prolongées, la vaste majorité des patients ne répondent pas au traitement6,7.

L’ipilimumab, mis sur le marché en 2012 au Canada, est un anticorps monoclonal recombinant entièrement humanisé qui présente un mécanisme d’action novateur : en inhibant le cytotoxic T-lymphocyte-associated antigen 4 (CTLA-4), il permet l’activation des lymphocytes T et de leur activité antitumorale. Par rapport au vaccin peptidique gp100, l’ipilimumab augmente le taux de réponse à 10,9 % (comparativement à 1,5 %) et la SG médiane à 10,1 mois (comparativement à 6,4 mois) pour les patients atteints d’un mélanome métastatique ou non résécable qui n’avaient pas répondu à une chimiothérapie systémique8. C’est dans cette indication que l’ipilimumab est remboursé par la RAMQ5. Toutefois, l’ipilimumab est également un choix de première ligne en association avec le nivolumab selon les dernières recommandations du NCCN pour le traitement du mélanome métastatique ou non résécable3.

Le pembrolizumab est un anticorps monoclonal recombinant entièrement humanisé qui inhibe de façon sélective le récepteur programmed cell death-1 (PD-1) sur les lymphocytes T, ce qui bloque l’accès des ligands programmed death-ligand 1 (PD-L1) et programmed death-ligand 2 (PD-L2) à ce récepteur et empêche l’inhibition de l’activité antitumorale par les cellules cancéreuses. Des études de phase I ont comparé différentes posologies de pembrolizumab pour traiter les patients atteints d’un mélanome et qui n’ont pas répondu à l’ipilimumab9. Les résultats d’une première étude ont montré que les posologies de 2 et de 10 mg/kg toutes les trois semaines et de 10 mg/kg toutes les deux semaines sont considérées équivalentes et entraînent

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une réponse pour respectivement 28 et 40 % des patients ayant reçu ou non l’ipilimumab en traitement de première ligne10. Ces résultats ont été reproduits dans deux autres études de phase I menées respectivement auprès de 135 et 173 patients, ainsi que dans une étude de phase II menée auprès de 540 patients9,11,12. C’est dans ce contexte que le pembrolizumab a été commercialisé le 1er juin 2015 au Canada pour le traitement du mélanome non résécable ou métastatique ayant évolué sous ipilimumab ou sous un inhibiteur de BRAF ou de MEK, en présence d’une mutation BRAF V600.

Protocole de recherche : L’étude KEYNOTE-006 est une étude de phase III multicentrique, ouverte, avec répartition aléatoire, contrôlée par traitement actif, à trois bras de traitements, sans possibilité de chevauchement. L’étude a été réalisée en intention de traiter. La sélection des participants s’est effectuée dans 16 pays, y compris le Canada.

Patients : Les patients d’un âge égal ou supérieur à 18 ans pouvaient participer à l’étude s’ils avaient un diagnostic confirmé histologiquement de mélanome non résécable de stade III ou IV et s’ils avaient reçu au maximum une ligne de traitement antérieure pour un mélanome à un stade avancé ou métastatique. Les autres critères d’inclusions étaient un statut BRAF V600 connu (les patients avec un BRAF V600 muté ou sauvage pouvaient être inclus dans l’étude), un score Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) de 0 ou de 1, et l’accès à un échantillon tumoral pour tester l’expression du PD-L1. En l’absence de symptômes liés au cancer, d’une maladie à évolution rapide ou d’une élévation des taux de lactates déshydrogénases (LDH), un traitement antérieur par un inhibiteur du BRAF V600 n’était pas obligatoire pour l’inclusion des patients ayant cette mutation dans l’étude. De plus, pour être admissibles, les patients ne devaient pas présenter de fortes anomalies de la formule sanguine ou du bilan hépatique, ni de troubles graves de la fonction rénale. Les patients devaient avoir au moins une lésion mesurable selon les critères de la ligne directrice Response Evaluation Criteria In Solid Tumor (RECIST)13.

L’étude excluait les patients qui avaient déjà reçu un inhibiteur du CTLA-4, du PD-1, du PD-L1 ou du PD-L2. Les mélanomes uvéaux ou oculaires, la présence de métastases cérébrales et un diagnostic de méningite carcinomateuse faisaient partie des critères d’exclusion. L’étude excluait également les patients qui avaient reçu une chimiothérapie dans les quatre dernières semaines ou qui avaient été traités pour un autre cancer dans les cinq dernières années avant le début de l’étude, ainsi que ceux qui étaient atteints d’une maladie auto-immune, du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), de l’hépatite B ou C, ou d’une infection nécessitant un traitement systémique.

Interventions : Les patients étaient répartis de façon aléatoire dans chaque bras de traitement selon un ratio 1:1:1. Les trois bras thérapeutiques correspondaient respectivement à de l’ipilimumab 3 mg/kg toutes les trois semaines pour quatre cycles maximum, à du pembrolizumab 10 mg/kg toutes les deux semaines ou à du pembrolizumab 10 mg/kg toutes les trois semaines. Les patients répartis dans les bras pembrolizumab recevaient leur traitement jusqu’à l’un des évènements suivants : 1) progression de la maladie, 2) apparition d’une intolérance obligeant le patient à se retirer de l’étude, 3) retrait volontaire du patient ou décidé par le chercheur, 4) réponse complète après au moins six mois de traitement avec un minimum de deux doses supplémentaires après l’objectivation de la réponse complète, 5) 24 mois de traitement. La répartition aléatoire était stratifiée selon le score ECOG, la ligne de traitement et l’expression du PD-L1.

Points évalués : L’objectif primaire de l’étude était d’évaluer la survie sans progression (SSP) et la SG. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer l’innocuité, le profil de tolérance et les effets indésirables des traitements. De plus, l’étude évaluait le taux et le temps de réponse, la SSP et la SG dans certains sous-groupes.

Les auteurs avaient prévu trois analyses intérimaires, mais seulement deux ont été effectuées. La deuxième analyse avait lieu après 290 décès tous groupes confondus et un suivi minimal de neuf mois, ou après 12 mois de suivi quel que soit le nombre de décès. Les auteurs ont arrêté l’étude à ce moment, car la SG était significativement supérieure avec le pembrolizumab comparativement à l’ipilimumab. L’analyse finale de la SG (objectif primaire d’efficacité) n’a pas encore été réalisée. Les auteurs effectueront cette analyse après la survenue d’au moins 435 décès tous groupes confondus ou après que chaque patient ait été suivi pendant au moins 21 mois. Étant donné que l’étude a recruté les patients du 18 septembre 2013 au 3 mars 2014, ce délai de 21 mois devait arriver à échéance en décembre 2015.

Résultats : Les auteurs ont dépassé leur objectif de recrutement de 645 sujets, avec 834 patients répartis de façon aléatoire. Dans le bras ipilimumab, 22 patients ont retiré leur consentement. Le tableau I présente la population à l’étude. Il n’y avait aucune différence statistiquement significative quant aux caractéristiques des patients entre les trois bras. Environ 65 % des patients avaient un diagnostic de mélanome métastatique de stade M1c et environ 32 % avaient des taux de LDH élevés, c’est-à-dire des facteurs de mauvais pronostic.

Les principaux résultats de l’étude sont présentés dans le tableau II. Toutefois, les résultats finaux concernant la SG ne sont pas encore disponibles, puisque la médiane n’avait pas encore été atteinte lors de la publication des résultats de KEYNOTE-006. Le rapport de risques (RR) de la SSP à six mois comparativement à l’ipilimumab est de 0,58 (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %]:0,46-0,72;p<0,001) pour le pembrolizumab toutes les deux semaines et de 0,58 (IC 95 %:0,47-0,72;p<0,001) pour le pembrolizumab toutes les trois semaines, ce qui correspond respectivement à un nombre nécessaire de sujets à traiter (NNT) de 5 et de 6. Le RR de la SG à un an comparativement à l’ipilimumab était respectivement de 0,63 (IC 95 %:0,47-0,83;p<0,0005) et de 0,69 (IC 95 %:0,52-0,90;p=0,0036) pour ces deux traitements, ce qui correspond à un NNT respectif de 7 et de 10. Ces avantages thérapeutiques étaient constants dans presque tous les sous-groupes analysés (analyses selon le sexe, l’âge, la race, l’ECOG et le nombre de lignes de traitements reçues). Toutefois, ces avantages n’étaient pas significatifs si la tumeur n’exprimait pas le PD-L1 ou si elle présentait une mutation BRAF.

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En ce qui concerne l’innocuité, le pembrolizumab toutes les deux à trois semaines était mieux toléré que l’ipilimumab et entraînait moins d’effets indésirables de grade 3 à 5 (respectivement 13,3 et 10,1 %, comparativement à 19,9 %), malgré une durée d’exposition trois fois plus importante dans les groupes pembrolizumab. Le taux d’arrêt permanent des traitements était inférieur dans les groupes pembrolizumab toutes les deux à trois semaines (respectivement 4,0 et 6,0 %) comparativement à celui du groupe ipilimumab (9,4 %). Les effets indésirables les plus fréquemment observés avec le pembrolizumab, tous grades confondus, étaient la fatigue, les diarrhées, les éruptions cutanées et le prurit. Le tableau III présente les effets indésirables les plus fréquents ainsi que les effets indésirables de nature immunitaire du pembrolizumab et de l’ipilimumab.

Tableau I. Caractéristiques des patients inclus dans l’étude KEYNOTE-006a

Caractéristiques Pembrolizumab10 mg/kg q 2 sem

(n = 279)

Pembrolizumab10 mg/kg q 3 sem

(n = 277)

Ipilimumab3 mg/kg q 3 sem x 4

(n = 278)

Âge médian – années (écart) 61 (18 – 89) 63 (22 – 89) 62 (18 – 88)

Sexe masculin – n (%) 161 (57,7) 174 (62,8) 162 (58,3)

ECOG – n (%)

0 196 (70,3) 189 (68,2) 188 (67,6)

1 83 (29,7) 88 (31,8) 90 (32,4)

Taux élevés de LDH – n (%) 81 (29,0) 98 (35,4) 91 (32,7)

Stade métastatique – n (%)b

M0 9 (3,2) 9 (3,2) 14 (5,0)

M1c 6 (2,2) 4 (1,4) 5 (1,8)

M1a 21 (7,5) 34 (12,3) 30 (10,8)

M1b 64 (22,9) 41 (14,8) 52 (18,7)

M1c 179 (64,2) 189 (68,2) 177 (63,7)

Tumeur PD-L1 positive – n (%) 225 (80,6) 221 (79,8) 225 (80,9)

Mutation BRAF V600 – n (%) 98 (35,1) 97 (35,0) 107 (38,5)

Métastases cérébrales – n (%) 23 (8,2) 27 (9,7) 28 (10,1)

Traitement antérieur reçu – n (%)d

0 183 (65,6) 185 (66,8) 181 (65,1)

1 96 (34,4) 91 (32,9) 97 (34,9)

Traitement antérieur – n (%)e

Chimiothérapie 36 (12,9) 41 (14,8) 29 (10,4)

Immunothérapie 8 (2,9) 7 (2,5) 12 (4,3)

Inhibiteur de BRAF ou de MEK, ou les deux 50 (17,9) 45 (16,2) 56 (20,1)

a Il n’y avait aucune différence significative entre les différents groupes.b Les détails concernant les stades métastatiques sont disponibles dans le tableau S3 des annexes supplémentaires.c Les auteurs ne fournissaient pas d’autres renseignements sur la classification du stade métastatique.d Un patient (0,4 %) du groupe pembrolizumab toutes les 3 semaines a reçu deux traitements systémiques antérieurs.e N’incluait que les traitements reçus pour une maladie avancée ou métastatique.Abréviations : ECOG : Eastern Cooperative Oncology Group; LDH : lactate déshydrogénase; PD-L1 : programmed death-ligand 1; q 2 sem : toutes les deux semaines; q 3 sem : toutes les trois semaines

Tableau II. Principaux résultats d’efficacité et d’innocuité observés dans les groupes pembrolizumab et ipilimumab de l’étude KEYNOTE-006

Pembrolizumab10 mg/kg q 2 sem

Pembrolizumab10 mg/kg q 3 sem

Ipilimumab3 mg/kg q 3 sem x 4

Taux de réponse (%) 33,7 (p < 0,001) 32,9 (p < 0,001) 11,9

SSP à 6 mois (%) 47,3 (p < 0,0001) 46,4 (p < 0,0001) 26,5

SSP médiane (mois) 5,5 (IC 95 % : 3,4 – 6,9) 4,1 (IC 95 % : 2,9 – 6,9) 2,8 (IC 95 % : 2,8 – 2,9)

SG à 12 mois (%) 74,1 (p = 0,0005) 68,4 (p = 0,0036) 58,2

Effets indésirables de grade 3 à 5 (%) 13,3 10,1 19,9

Arrêt dû aux effets indésirables (%) 4,0 6,9 9,4

Abréviations : IC 95 % : indice de confiance à 95 % ; q 2 sem : toutes les deux semaines; q 3 sem : toutes les trois semaines; SG : survie globale; SSP : survie sans progression

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Grille d’évaluation critique

Les résultats sont-ils valables?

Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire aux groupes de traitement? OUI. De plus, la répartition aléatoire était stratifiée selon le score ECOG, la ligne de traitement et l’expression du PD-L1.

Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de tous les patients ayant participé à l’étude? Le suivi des patients a-t-il été mené à terme? OUI. L’analyse de l’objectif primaire d’efficacité a inclus les résultats des 834 patients. L’analyse de l’objectif secondaire de sécurité a inclus les résultats de 811 patients, puisque 23 patients ont retiré leur consentement (22 patients dans le groupe ipilimumab). NON. L’analyse finale de l’objectif primaire d’efficacité concernant la SG devait être réalisée après la survenue d’un total de 435 décès tous groupes confondus à l’étude ou en décembre 2015, en fonction de l’évènement qui survenait en premier. Cette analyse finale devrait donc paraître sous peu.

Les patients ont-ils été évalués dans le groupe dans lequel ils avaient été répartis de façon aléatoire (intention de traiter)? OUI. C’était une étude en intention de traiter.

Les traitements ont-ils été faits à « l’insu » des patients, des médecins et du personnel concerné? NON. KEYNOTE-006 était une étude ouverte, comme la plupart des études réalisées en hémato-oncologie. Étant donné les variations de posologie des trois bras thérapeutiques et le profil d’effets indésirables des médicaments étudiés dans le cadre de cette étude, il aurait été excessivement difficile pour les chercheurs de cacher la nature du traitement.

Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude? OUI. Il n’y avait aucune différence statistiquement significative entre les groupes à l’étude.

Les groupes ont-ils été traités de manière égale à l’extérieur du cadre de recherche? Aucune information n’est disponible à ce sujet.

Quels sont les résultats?

Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement? L’analyse de l’objectif primaire démontre une SSP respective à 6 mois de 47,3 % et de 46,4 % pour le pembrolizumab toutes les deux ou trois semaines, comparativement à 26,5 % pour l’ipilimumab. Ceci représente une diminution du risque d’évolution de la maladie d’environ 42 % pour les deux groupes de pembrolizumab. La SG à 12 mois était respectivement de 74,1, 68,4 et 58,2 % pour ces trois bras de traitement. Les valeurs p sont toutes inférieures à 0,005 pour les résultats de SSP et de SG. Ceci représente une diminution du risque de décès de 31 à 37 %. Ces résultats sont tous significatifs. En ce qui concerne la SSP à six mois, le NNT était respectivement de 5 et de 6 pour le pembrolizumab toutes les deux et toutes les trois semaines. En ce qui concerne la SG à un an, le NNT était de 7 et de 10 pour ces mêmes groupes.

Tableau III. Principaux effets indésirables du pembrolizumab et de l’ipilimumab observés dans l’étude KEYNOTE-006a

Effet indésirable Pembrolizumab10 mg/kg q 2 sem

(n = 278)

Pembrolizumab10 mg/kg q 3 sem

(n = 277)

Ipilimumab3 mg/kg q 3 sem x 4

(n = 256)

n (%)

Tout grade Grade 3 – 5 Tout grade Grade 3 – 5 Tout grade Grade 3 – 5

Reliés aux traitements

Tous effets indésirables confondus 221 (79,5) 37 (13,3) 202 (72,9) 28 (10,1) 187 (73,0) 51 (19,9)

Survenant chez au moins10 % des sujets à l’étude

Fatigue 58 (20,9) 0 53 (19,1) 1 (0,4) 39 (15,2) 3 (1,2)

Diarrhée 47 (16,9) 7 (2,5) 40 (14,4) 3 (1,1) 58 (22,7) 8 (3,1)

Éruptions cutanées 41 (14,7) 0 37 (13,4) 0 37 (14,5) 2 (0,8)

Prurit 40 (14,4) 0 39 (14,1) 0 65 (25,4) 1 (0,4)

Asthénie 32 (11,5) 1 (0,4) 31 (11,2) 0 16 (6,3) 2 (0,8)

Nausées 28 (10,1) 0 31 (11,2) 1 (0,4) 22 (8,6) 1 (0,4)

Arthralgies 26 (9,4) 0 32 (11,6) 1 (0,4) 13 (5,1) 2 (0,8)

Vitiligo 25 (9,0) 0 31 (11,2) 0 4 (1,6) 0

Effets indésirables d’intérêt (d’ordre immunologique)b

Hypothyroïdisme 28 (10,1) 1 (0,4) 24 (8,7) 0 5 (2,0) 0

Hyperthyroïdisme 18 (6,5) 0 9 (3,2) 0 6 (2,3) 1 (0,4)

Colite 5 (1,8) 4 (1,4) 10 (3,6) 7 (2,5) 21 (8,2) 18 (7,0)

Hépatite 3 (1,1) 3 (1,1) 5 (1,8) 5 (1,8) 3 (1,2) 1 (0,4)

Hypophysite 1 (0,4) 1 (0,4) 2 (0,7) 1 (0,4) 6 (2,3) 4 (1,6)

Pneumonite 1 (0,4) 0 5 (1,8) 1 (0,4) 1 (0,4) 1 (0,4)

Diabète de type 1 1 (0,4) 1 (0,4) 1 (0,4) 1 (0,4) 0 0

Uvéite 1 (0,4) 0 3 (1,1) 0 0 0

Myosite 0 0 2 (0,7) 0 1 (0,4) 0

Néphrite 0 0 1 (0,4) 0 1 (0,4) 1 (0,4)

a Les chercheurs établissaient la relation entre un effet indésirable et le traitement à l’étude. b Les effets indésirables d’intérêt comprennent des termes connexes et sont répertoriés sans égard à l’attribution d’un médicament à l’étude. Les effets indésirables sont rapportés en ordre décroissant

pour le groupe pembrolizumab 10 mg/kg q 2 sem. Abréviations : q 2 sem : toutes les deux semaines; q 3 sem : toutes les trois semaines

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Quelle est la précision de l’effet évalué? Les avantages étaient clairs avec des valeurs p toutes inférieures à 0,005 pour les objectifs primaires. Les intervalles de confiance étaient relativement étroits.

Les résultats vont-ils m’être utiles dans le cadre de mes soins pharmaceutiques?

Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à mes patients? OUI. L’étude multicentrique concernait 16 pays et incluait quatre hôpitaux canadiens, dont un de Montréal. Une telle représentativité indique une bonne validité externe des résultats. Toutefois, l’indication thérapeutique officielle canadienne du pembrolizumab ne concerne que le mélanome métastatique non résécable résistant à l’ipilimumab, et l’évaluation de ce médicament pour un remboursement par la RAMQ est en cours. À l’heure actuelle, l’ipilimumab n’est remboursé qu’en deuxième ligne de traitement, et le pembrolizumab n’est indiqué qu'après une évolution de la maladie à la suite d’un traitement avec l’ipilimumab et, en présence d’une mutation V600 du gène BRAF, à la suite d’un traitement avec un inhibiteur du gène BRAF ou de la protéine MEK (donc en troisième ligne)14,17. Pourtant, KEYNOTE-006 apporte des données solides pour l’utilisation du pembrolizumab aussi bien en première ligne qu’en deuxième ligne. Le coût du pembrolizumab et ses conditions de remboursements par la RAMQ empêcheront son utilisation en première ligne de traitement. Les patients québécois atteints d’un mélanome métastatique ou non résécable ne pourraient alors pas bénéficier des avantages du pembrolizumab utilisé en première intention.

Est-ce que tous les résultats ou « impacts » cliniques ont été pris en considération? OUI et NON. Les auteurs ont évalué les résultats d’efficacité habituels ainsi que le profil d’effets indésirables de chaque traitement. Les résultats concernant la durée de réponse seront disponibles ultérieurement, lorsque la médiane aura été atteinte. Les retombées des traitements sur la qualité de vie faisaient partie des objectifs exploratoires, mais n’ont pas été discutées. Les conséquences économiques du traitement par pembrolizumab n’ont pas non plus été abordées. Le coût de l’ipilimumab pour un patient de 75 kg est d’environ 29 000 $ canadiens par dose, soit environ 116 000 $ canadiens pour les quatre doses autorisées par la RAMQ. Pour le même patient, le coût du pembrolizumab à une dose de 2 mg/kg s’élèverait à environ 6 600 $ canadiens par dose. Il est toutefois difficile de comparer les coûts de ces deux traitements, puisque selon l’autorisation de Santé Canada, le pembrolizumab peut être administré sur une plus longue période que l’ipilimumab. Les coûts du pembrolizumab dépasseront ceux de l’ipilimumab au bout d’une année de traitement. Comme le démontrent les résultats de KEYNOTE-006, l’utilisation du pembrolizumab au-delà d’une année est tout à fait possible, ce qui engendrerait alors des coûts importants.

Est-ce que les avantages obtenus sont cliniquement significatifs? OUI. Les différences de SSP et de SG entre les groupes pembrolizumab et ipilimumab sont statistiquement et cliniquement très significatives. Les NNT calculés sont peu élevés, ce qui démontre que peu de patients doivent recevoir un traitement par pembrolizumab pour obtenir des avantages supérieurs comparativement à un traitement par ipilimumab.

Discussion

La mise en œuvre d’une étude d’oncologie multicentrique de cette envergure, avec répartition aléatoire, contrôlée par traitement actif et analysée en intention de traiter sont des points forts de KEYNOTE-006. De plus, l’ipilimumab était un bon choix de comparateur puisqu’il s’agissait au moment de l’étude KEYNOTE-006 d’un bon traitement de première intention ayant démontré sa supériorité comparativement aux chimiothérapies traditionnelles3,8,15. Dans cette étude, le taux de réponse à l’ipilimumab est de 11,9 %, similaire au taux de 10,1 % observé dans l’étude de Hodil et coll., qui présentait une population recevant l’ipilimumab en deuxième ligne de traitement8. Ceci semble montrer que le bras ipilimumab de l’étude KEYNOTE-006 était valide8. De plus, la dose d’ipilimumab utilisée dans l’étude KEYNOTE-006 correspond à celle recommandée dans la monographie du produit, soit 3 mg/kg toutes les trois semaines, pour un total de quatre doses16. Étant donné la toxicité importante de cet agent, il serait difficile de poursuivre le traitement au-delà de ces quatre doses recommandées. À l’opposé, le pembrolizumab entraîne moins d’effets indésirables et il est donc possible de poursuivre le traitement jusqu’à l’évolution du cancer, comme il a été fait dans cette étude17. Dans l’étude KEYNOTE-006, l’exposition des patients au pembrolizumab a été trois fois supérieure à celle des patients sous ipilimumab, ce qui représente un avantage inhérent à la faible toxicité du pembrolizumab.

Les populations étudiées dans les trois bras thérapeutiques étaient semblables, sans différences statistiquement significatives. De plus, la population étudiée était assez âgée et une majorité des participants avait des facteurs de mauvais pronostic, comme un mélanome de stade M1c et des taux élevés de LDH. Malgré cela, le pembrolizumab a démontré des avantages importants par rapport à l’ipilimumab qui étaient constants dans les différents sous-groupes évalués, avec un RR pour la SSP à six mois de 0,58 pour les deux régimes de pembrolizumab, comparativement à l’ipilimumab. Le RR

pour la SG à un an était respectivement de 0,63 et de 0,69 pour le pembrolizumab toutes les deux et toutes les trois semaines. Concrètement, il faudrait traiter 7 patients avec du pembrolizumab toutes les deux semaines ou 10 patients avec du pembrolizumab toutes les trois semaines pour obtenir un survivant de plus après un an de traitement. Pour ce qui est de la SSP, il faudrait traiter 5 patients avec du pembrolizumab toutes les deux semaines ou 6 patients avec du pembrolizumab toutes les trois semaines pendant six mois pour éviter une évolution de la maladie. En plus de ces avantages importants, les effets indésirables de grade 3 à 5 étaient près de deux fois moins fréquents avec le pembrolizumab qu’avec l’ipilimumab et ils se manifestaient plus tard. De plus, les taux de réponse d’environ 33 % obtenus dans l’étude KEYNOTE-006 étaient cohérents avec ceux observés dans les études de phase I et II9-12.

Dans les cas de mélanomes métastatiques ou non résécables en l’absence d’une mutation de BRAF V600, le NCCN recommande comme traitement de première intention le nivolumab, l’ipilimumab en association avec le nivolumab, ou le pembrolizumab3. Pendant le déroulement de l’étude KEYNOTE-006, l’ipilimumab en monothérapie était considéré comme une première ligne de traitement, ce qui en faisait un bon comparateur pour le pembrolizumab. L’interleukine-2 n’est administrée que par quelques hôpitaux au Québec; elle possède un profil d’effets indésirables important et n’entraîne une évolution favorable de la maladie que pour un nombre négligeable de patients6,7. L’étude de phase II KEYNOTE-002 comparait deux doses de pembrolizumab (2 et 10 mg/kg toutes les trois semaines) à une chimiothérapie (paclitaxel et carboplatine seuls ou en association, dacarbazine ou témozolomide, au choix du chercheur) pour le traitement du mélanome métastatique ou non résécable ayant évolué sous ipilimumab ou sous un inhibiteur de BRAF ou de MEK. Cette étude démontrait une SSP à six mois de 34 % pour le pembrolizumab 2 mg/kg, de 38 % pour le pembrolizumab 10 mg/kg et de 16 % pour la chimiothérapie au choix. Les valeurs de p pour la SSP étaient toutes inférieures à 0,0001.

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du PD-L1 au cours du temps sont autant de points qui limitent l’interprétation de ces résultats20.

Pour ce qui est des autres limites de cette étude, mentionnons la conception ouverte de l’étude et l’exclusion de certains patients que les cliniciens sont susceptibles de rencontrer au quotidien : patients ayant un ECOG supérieur à 1 ou une mutation de BRAF avec une maladie à évolution rapide. Merck a participé à tous les processus de l’étude, de la conception du protocole à l’écriture de l’article scientifique, en passant par l’analyse des données. Une telle participation implique un fort potentiel de conflit d’intérêts. Sur le plan éthique, l’étude ne permettait pas de chevauchement des bras à l’étude. Une telle restriction permet de préserver la signification des tests statistiques, mais a pu être délétère pour les patients du bras ipilimumab qui ont dû attendre la fin de l’étude pour recevoir le traitement le plus efficace. La dose indiquée de pembrolizumab pour le traitement du mélanome métastatique ou non résécable est de 2 mg/kg toutes les trois semaines, ce qui est largement inférieur aux doses de 10 mg/kg utilisées dans l’étude KEYNOTE-006. Cette différence peut s’expliquer par le fait que les résultats d’études de phase I démontrant l’équivalence des doses de 2 mg/kg et de 10 mg/kg en matière d’efficacité ont été publiés pendant le déroulement de l’étude KEYNOTE-0069,10. Bien qu’il soit impossible d’extrapoler directement les résultats de KEYNOTE-006 à la dose de 2 mg/kg, il est rassurant de voir que le taux de réponse associé à ces deux doses différentes était de 26 % (p=0,96) dans l’étude KEYNOTE-0019. De plus, une autre étude de phase I menée auprès de 411 patients a démontré des résultats très semblables à ceux de KEYNOTE-006 en ce qui concerne le taux de réponse, la SSP à six mois ainsi que la SG à 12 mois10. On a observé ces résultats aussi bien avec les doses de 10 mg/kg toutes les deux ou trois semaines qu’avec la dose de 2 mg/kg toutes les trois semaines10. Une troisième étude publiée en août 2015, l’étude KEYNOTE-002, a également démontré que les doses de pembrolizumab de 2 et 10 mg/kg toutes les trois semaines étaient équivalentes et entraînaient un taux de réponse respectif de 21 et 25 % (p=0,21)12. Ces études semblent s’accorder sur le fait que les doses de pembrolizumab de 2 et 10 mg/kg toutes les trois semaines sont équivalentes. Cependant ces études n’avaient probablement pas la puissance statistique pour distinguer une différence d’efficacité entre ces deux doses. Santé Canada a autorisé la mise en marché du pembrolizumab sur la base des données de l’étude de phase Ib KEYNOTE-001, dans le cadre de laquelle on a étudié les doses de 2 mg/kg et de 10 mg/kg de pembrolizumab toutes les trois semaines pour le traitement du mélanome non résécable ou métastatique9. La population à l’étude était semblable à celle de KEYNOTE-006, à la différence que 73 % (n = 126) des patients de KEYNOTE-001 avaient reçu au moins deux traitements antérieurs, et que tous les patients avaient au moins reçu l’ipilimumab9. Les résultats de KEYNOTE-001 n’ont démontré aucune différence significative d’efficacité entre les deux doses étudiées9. Avec ce recul, il est cohérent que Santé Canada ait approuvé la plus petite dose efficace, soit 2 mg/kg toutes les trois semaines.

Le pembrolizumab a été évalué de manière prioritaire par l’INESSS, qui a rendu un avis au ministre en février 2016, mais cet avis n’est pas disponible pour consultation par le public. Santé Canada place le pembrolizumab comme choix de traitement après un échec à l’ipilimumab. De son côté,

Les effets indésirables de grade 3 ou 4 étaient environ deux fois moins fréquents dans les groupes pembrolizumab que dans le groupe chimiothérapie au choix12. Le nivolumab, un inhibiteur du PD-1 comme le pembrolizumab, a été développé par Bristol-Myers SquibbMD et a récemment été commercialisé au Canada pour le traitement du mélanome non résécable ou métastatique avec un gène BRAF V600 de type sauvage, pour les patients n’ayant jamais reçu de traitement. Dans l’étude de phase III CheckMate 037, le nivolumab a été comparé à une chimiothérapie au choix du chercheur après une évolution du mélanome à un stade avancé sous ipilimumab : le taux de réponse était de 31,7 % dans le groupe nivolumab comparativement à 10,6 % dans le groupe chimiothérapie18. Le nivolumab a également été étudié en traitement de première intention pour le mélanome à un stade avancé sans mutation BRAF, comparativement à la dacarbazine19. À un an, le taux de SG était de 72,9 % pour le nivolumab et de 42,1 % pour la dacarbazine (p<0,001)19. Le taux de réponse était de 40,0 % pour le nivolumab et de 13,9 % pour la dacarbazine (p<0,001)19. La SSP médiane était de 5,1 mois pour le nivolumab et de 2,2 mois pour la dacarbazine (p<0,001)19. L’association du nivolumab à l’ipilimumab a été étudiée dans une étude de phase III3. La SSP de cette association était améliorée comparativement à chaque agent en monothérapie, au prix de toxicités significatives3. Depuis une mise à jour des recommandations d’experts du NCCN de 2015, l’ipilimumab, l’interleukine-2 à haute dose et les chimiothérapies traditionnelles sont passées de première ligne de traitement à des choix de deuxième ligne3. Ces changements de recommandations d’experts ont probablement été motivés par des études comme KEYNOTE-006.

Dans les cas de mélanomes métastatiques ou non résécables avec une mutation de BRAF V600, le NCCN recommande les traitements de première intention suivants : pembrolizumab, nivolumab ou ipilimumab en association avec le nivolumab3. Il recommande également le vémurafénib en monothérapie ou en association au cobimétinib ou encore le dabrafénib en monothérapie ou en association avec le tramétinib3. Ces derniers traitements sont très intéressants si une réponse rapide est désirée et c’est probablement la raison pour laquelle les auteurs de la présente étude ont exclu les patients qui pouvaient recevoir ce traitement et qui avaient des lésions évoluant rapidement, des taux élevés de LDH ou des symptômes liés à leur cancer.

L’étude KEYNOTE-006 était intéressante en raison de son inclusion de patients ayant déjà montré un échec à une autre ligne de traitement ou de patients présentant une mutation BRAF. En effet, KEYNOTE-006 a démontré que le pembrolizumab était un choix intéressant aussi bien en première qu’en deuxième ligne de traitement. L’étude a également démontré que le pembrolizumab est un choix intéressant dans les cas de mutation BRAF, si le mélanome n’évolue pas rapidement. Le pembrolizumab ne démontrait pas d’avantages par rapport à l’ipilimumab pour les patients de ce sous-groupe ni pour les patients qui n’exprimaient pas le PD-L1. Ces sous-groupes étaient sous-représentés dans l’étude, ce qui pourrait expliquer ces résultats non significatifs. De plus, il existe beaucoup de controverses concernant l’expression du PD-L1. Le seuil de détection à utiliser, la méthode de coloration, l’hétérogénéité de l’expression intratumorale et le changement de l’expression

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la RAMQ ne rembourse l’ipilimumab qu’à la suite de l’échec d’un traitement antérieur, ce qui mettrait le pembrolizumab en troisième ligne de traitement advenant son acceptation par l’INESSS. Paradoxalement, le NCCN recommande le pembrolizumab en première ligne et l’ipilimumab en monothérapie en deuxième ligne de traitement3.

Conclusion

L’étude KEYNOTE-006 présente des résultats prometteurs pour le pembrolizumab pour le traitement du mélanome métastatique non résécable, comparativement à l’ipilimumab. Ces résultats de SSP et de SG, tous significatifs, démontrent des avantages importants, sans nécessité de traiter un large nombre de patients. KEYNOTE-006 fournit également des données rassurantes en ce qui concerne l’innocuité du pembrolizumab, qui entraînerait près de deux fois moins de toxicités que l’ipilimumab. Toutefois, l’utilisation de cet agent pourrait être freinée par son prix et par son évaluation par les organismes gouvernementaux.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Remerciements

L’article a été fait dans le cadre du cours Information sur les médicaments basée sur la preuve (PHA-6074) de la maîtrise en pharmacothérapie avancée de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval. Les auteurs tiennent à remercier Julie Méthot pour son soutien à la publication de cet article.

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2. Comité consultatif de la Société canadienne du cancer : statistiques canadiennes sur le cancer 2015. Toronto (Ontario) : Société canadienne du cancer. 160 p.

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9. Robert C, Ribas A, Wolchok JD, Hodi FS, Hamid O, Kefford R et coll. Anti-programmed-death- receptor-1 treatment with pembrolizumab in ipilimumab-refractory advanced melanoma: a randomised dose-comparison cohort of a phase 1 trial. Lancet 2014;384:1109-17.

10. Ribas A, Wolchok JD, Robert C, Kefford K, Hamid O, Daud A et coll. Updated clinical efficacy of the anti-PD-1 monoclonal antibody pembrolizumab in 411 patients with melanoma [abstract]. Soc Melanoma Res (Meeting Abstracts) 2015.

11. Hamid O, Robert C, Daud A, Hodi FS, Hwu WJ, Kefford R et coll. Safety and tumor responses with lambrolizumab (anti-PD-1) in melanoma. N Engl J Med 2013;369:134-44.

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17. Merck. Monographie du pembrolizumab (Keytru-da). Kirkland, Québec. Octobre 2015.

18. Weber JS, D’Angelo SP, Minor D, Hodi FS, Gutzmer R, Neyns B et coll. Nivolumab versus chemotherapy in patients with advanced me-lanoma who progressed after anti-CTLA-4 treat-ment (CheckMate 037): a randomised, control-led, open-label, phase 3 trial. Lancet Oncol 2015;16:375-84.

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ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE

Pour toute correspondance : Valérie Couillard-Montminy, Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches – site Montmagny, 350, boulevard Taché Ouest, Montmagny (Québec) G5V 3R8, CANADA; Téléphone : 418 248-0630, poste 2275; Télécopieur : 418 248-5530; Courriel : [email protected]

Comparaison entre l’énalapril et un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine pour le traitement de l’insuffisance cardiaque

Julie Bédard1,2,3, B.Pharm., M.Sc., Valérie Couillard-Montminy1,4,5, B.Pharm., M.Sc., Stéphanie Lefebvre1,2,6, B.Pharm., M.Sc.1 Candidate à la Maîtrise en pharmacothérapie avancée, au moment de la rédaction de cet article, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;

2 Résidente en pharmacie, au moment de la rédaction de cet article, Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches – site Hôtel-Dieu de Lévis, Lévis (Québec) Canada;

3 Pharmacienne, Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James – Centre de santé de Chibougamau, Chibougamau (Québec) Canada;

4 Résidente en pharmacie, au moment de la rédaction de cet article, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Québec (Québec) Canada;

5Pharmacienne, Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches – site Montmagny, Montmagny (Québec) Canada;6Pharmacienne, Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais – site Hôpital de Gatineau, Gatineau (Québec) Canada

Reçu le 9 septembre 2015; Accepté après révision le 23 décembre 2015

Titre : Angiotensin-neprilysin inhibition versus enalapril in heart failure. N Engl J Med 2014;371:993-10041.

Auteurs : McMurray JJV, Packer M, Desai AS, Gong J, Lefkowitz MP, Rizkala AR et coll. pour les investigateurs de PARADIGM-HF.

Commanditaires : L’étude PARADIGM-HF a été financée et appuyée (collaboration à l’élaboration du déroulement de l’étude et de l’analyse des données) par les laboratoires Novartis (Novartis Pharmaceuticals, East Hanover, NJ [JG, MPL, ARR, VCS]).

Cadre de l’étude : L’utilisation d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) fait actuellement partie du traitement de référence de l’insuffisance cardiaque (IC). Cette pratique permet de diminuer le risque de décès à long terme des patients. Les études CONSENSUS et SOLVD ont révélé des résultats positifs en faveur de l’énalapril avec une diminution significative des décès toutes causes confondues de 27 % et de 16 % respectivement. Ainsi, les IECA se retrouvent au premier rang du traitement de l’IC pour les patients présentant une baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG)2,3.

D’autres molécules associées aux IECA ont démontré des avantages supplémentaires sur la survie. En effet, les résultats de plusieurs études ont montré une réduction du nombre de décès et d’hospitalisations avec les bêta-bloquants (BB) et les antagonistes de l’aldostérone4-6. Les avantages cliniques des BB ne sont plus à prouver. L’étude COPERNICUS a notamment montré une diminution d’environ 35 % de la mortalité globale par le carvédilol4. Les antagonistes de l’aldostérone ont également fait leurs preuves. En effet, les études RALES et EMPHASIS-HF ont établi l’efficacité de la spironolactone et de l’éplérérone pour diminuer le taux de mortalité des patients atteints d’IC5,6. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA), quant à eux, demeurent une option thérapeutique en présence d’intolérance aux IECA. Le candésartan et le valsartan ont tous deux fait preuve d’une non-infériorité par rapport aux IECA7,8.

La néprilysine est une enzyme permettant de dégrader plusieurs peptides endogènes, dont la bradykinine, les peptides natriurétiques et l’adrénomédulline. L’inhibition de l’enzyme permet d’augmenter les taux de ces peptides et de limiter la suractivation neuro-hormonale, la vasoconstriction, la rétention hydrosodée, la fibrose et l’hypertrophie cardiaque1,9. Par ailleurs, des études expérimentales semblent démontrer que l’inhibition concomitante du système rénine-angiotensine et de la néprilysine amènerait de plus grands avantages en matière de survie que chacun des traitements en monothérapie10,11. Cependant, l’omapatrilat, une molécule combinant à la fois un IECA, un inhibiteur de la néprilysine et un inhibiteur de l’aminopeptidase P, était associé à un taux élevé d’angio-œdème grave, ce qui a provoqué son retrait du marché12,13. Le LCZ696, une nouvelle molécule combinant un ARA (valsartan) et un inhibiteur de la néprilysine (sacubitril), a été mis au point dans le but de diminuer ce risque d’effet indésirable grave. L’étude PARADIGM-HF compare les effets du LCZ696 et de l’énalapril sur la mortalité et la morbidité pour le traitement de patients présentant une IC avec une baisse de la FEVG1.

Protocole de recherche : Il s’agit d’une étude clinique prospective et multicentrique de phase III, avec répartition aléatoire et à double insu. Elle vise à évaluer l’efficacité et l’innocuité du LCZ696 (200 mg deux fois par jour) comparativement à l’énalapril (10 mg deux fois par jour) pour des patients atteints d’IC chronique avec une baisse de la FEVG.

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Patients : Entre décembre 2009 et novembre 2012, 10 521 sujets ont été sollicités dans 1 043 centres répartis dans 47 pays. Pour être inclus dans l’étude, les patients devaient être âgés d’au moins 18 ans et être atteints d’IC de stade II, III ou IV selon la classification de la New York Heart Association (NYHA). Les patients devaient présenter une FEVG ≤ 40 %, ce critère s’étant abaissé à ≤ 35 % après un amendement du protocole. Les patients devaient également présenter un taux sanguin du peptide natriurétique de type B (BNP) ≥ 150 ρg/ml ou un taux sanguin du fragment N-terminal inactif du BNP (NT-proBNP) ≥ 600 ρg/ml. Pour être inclus dans l’étude, les patients hospitalisés pour une IC décompensée au cours des 12 mois précédant l’étude devaient avoir des taux respectifs de BNP et de NT-proBNP ≥ 100 ρg/ml et ≥ 400 ρg/ml. Enfin, le traitement médicamenteux des patients devait inclure un BB ainsi qu’un IECA ou un ARA correspondant à une dose équivalente ≥ 10 mg/jour d’énalapril (tableau I). Les doses de BB et d’IECA ou d’ARA devaient être stables pendant au moins quatre semaines avant l’inclusion des patients dans l’étude.

L’étude excluait les patients qui présentaient une hypotension symptomatique et une pression systolique < 100 mmHg au moment de la sélection ou < 95 mmHg au moment de la répartition aléatoire. Elle excluait également les patients qui avaient un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) < 30 ml/min/1,73 m2 ou une diminution du DFGe > 25 % entre le moment du recrutement et celui de la répartition aléatoire. Enfin, l’étude excluait également les patients présentant une kaliémie > 5,2 mmol/L au moment du recrutement ou une kaliémie > 5,4 mmol/L au moment de la répartition aléatoire et un antécédent d’angio-œdème ou d’intolérance à un IECA ou un ARA.

Interventions : Tout d’abord, une phase de vérification de la tolérance en simple aveugle a été effectuée. Les patients admissibles devaient remplacer l’IECA ou l’ARA qu’ils recevaient avant le recrutement par de l’énalapril 10 mg deux fois par jour pendant deux semaines. En l’absence d’intolérance, le LCZ696 était alors administré durant quatre à six semaines. La dose initiale de LCZ696 était de 100 mg deux fois par jour avant d’être augmentée à 200 mg deux fois par jour dans un délai d’une à quatre semaines en fonction de la tolérance du patient. Toutefois, afin de diminuer le risque d’angio-œdème associé à la prise simultanée des molécules, le protocole exigeait des patients d’arrêter de prendre l’énalapril pendant une journée avant de commencer le traitement par LCZ696 et appliquait le même principe de précaution en regard du LCZ696 avant la répartition aléatoire. Si la tolérance des patients était acceptable, il y avait une répartition de ces derniers de façon aléatoire et à double insu dans chacun des groupes, selon un ratio 1:1. Le groupe énalapril recevait 10 mg de ce médicament deux fois par jour tandis que le groupe LCZ696 recevait 200 mg de cette molécule deux fois par jour. Après la répartition aléatoire, un suivi des patients était effectué toutes les deux à huit semaines pendant les quatre premiers mois, puis tous les quatre mois.

Points évalués : L’objectif primaire reflétant l’efficacité du traitement était le décès de cause cardiovasculaire ou une première hospitalisation en raison de l’IC. Les objectifs secondaires étaient le décès toutes causes confondues et un changement du score clinique du Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ) après huit mois par rapport à ce score au début de l’étude. Le score clinique du KCCQ évalue les symptômes et les limitations causés par l’IC14. Le délai avant l’apparition d’un nouvel épisode de fibrillation auriculaire (FA) faisait également partie des objectifs secondaires.

Le seul objectif secondaire mesurant l’innocuité du traitement était établi par le temps avant la survenue d’un premier déclin de la fonction rénale. Ce déclin était défini comme la survenue d’une maladie rénale au stade terminal, une diminution de 50 % du DFGe ou une diminution du DFGe > 30 ml/min/1,73 m2 depuis la répartition aléatoire jusqu’à une valeur < 60 ml/min/1,73 m2.

Résultats : Au total, 10 513 sujets ont participé à la phase de vérification de la tolérance et 8 442 patients ont été répartis de façon aléatoire. Après la répartition aléatoire, le groupe LCZ696 comportait 4 187 patients et le groupe énalapril, 4 212 patients. Le suivi médian a été de 27 mois.

Tableau I. Doses équivalentes d’IECA et d’ARA utilisées dans l’étude

IECA Dose minimale (mg/jour) ARA Dose minimale (mg/jour)

Énalapril 10 Candésartan 16

Captopril 100 Éprosartan 400

Cilazapril 2,5 Irbésartan 150

Fosinopril 20 Losartan 50

Lisinopril 10 Olmésartan 10

Moexipril 7,5 Telmisartan 40

Périndopril 4 Valsartan 160

Quinapril 20

Ramipril 5

Trandolapril 2

Zofénopril 30

Abréviations : ARA : antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II; IECA : inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine

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Les caractéristiques de la population dans les deux groupes de traitement étaient similaires et sont présentées dans le tableau II. L’âge moyen était de 63,8 ans, et 66 % des patients étaient de race blanche. Les patients avaient une tension artérielle systolique moyenne de 122 mmHg et la majorité (76 %) faisait partie de la classe fonctionnelle NYHA II.

Les résultats de l’étude concernant l’objectif primaire démontrent un avantage du LCZ696 comparativement à l’énalapril. Les avantages visés pour les décès de cause cardiovasculaire et pour l’objectif primaire dans sa globalité ont été atteints prématurément dans le groupe LCZ696, ce qui a justifié l’arrêt précoce de l’étude. En effet, de façon générale, un décès de cause cardiovasculaire ou une hospitalisation pour détérioration de l’IC ont affecté 21,8 % des patients du groupe LCZ696 comparativement à 26,5 % des patients du groupe énalapril (rapport de risque [RR] = 0,80; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] = 0,73-0,87; p < 0,001; nombre nécessaire de patients à traiter [NNT] = 21) (tableau III). Plus spécifiquement, les décès de cause cardiovasculaire représentent 13,3 % des décès dans le groupe LCZ696 comparativement à 16,5 % dans le groupe énalapril (RR=0,80;IC 95 %=0,71-0,89;p<0,001;NNT=32) (tableau III). Les premières hospitalisations pour détérioration de l’IC sont survenues dans une proportion de 12,8 % pour les patients recevant le LCZ696 et de 15,6 %

Tableau II. Caractéristiques de base des patients inclus dans l’étude

Groupe LCZ696 (N = 4 187) Groupe énalapril (N = 4 212)

Caractéristiques générales

Âge moyen (années) ± écart-type 63,8 ± 11,5 63,8 ± 11,3

Femme (%) 21,0 22,6

Race blanche (%) 66,0 66,0

Région démographique nord-américaine (%) 7,4 6,9

Tension artérielle systolique (mmHg) ± écart-type 122 ± 15 121 ± 15

Fréquence cardiaque (batt./min) ± écart-type 72 ± 2 73 ± 12

IMC (kg/m2) ± écart-type 28,1 ± 5,5 28,2 ± 5,5

Créatinine sérique (µmol/L) ± écart-type 99,4 ± 26,4 98,6 ± 26,4

Caractéristiques cliniques d’insuffisance cardiaque

Cardiomyopathie ischémique (%) 59,9 60,1

FEVG (%) ± écart-type 29,6 ± 6,1 29,4 ± 6,3

BNP, taux médian (ρg/ml) (EI) 255 (155 – 474) 251 (153 – 465)

NT-proBNP, taux médian (ρg/ml) (EI) 1 631 (885 – 3 154) 1 594 (886 – 3 305)

Classe fonctionnelle NYHA (%)

I 4,3 5,0

II 71,6 69,3

III 23,1 24,9

IV 0,8 0,6

Données manquantes 0,2 0,1

Antécédents médicaux (%)

Hypertension 70,9 70,5

Diabète 34,7 34,6

Fibrillation auriculaire 36,2 37,4

Hospitalisation pour IC 62,3 63,3

Infarctus du myocarde 43,4 43,1

Accident vasculaire cérébral 8,5 8,8

Traitement par IECA avant l’étude 78,0 77,5

Traitement par ARA avant l’étude 22,2 22,9

Traitement au moment de la répartition aléatoire (%)

Diurétique 80,3 80,1

Digoxine 29,2 31,2

Bêta-bloquant 93,1 92,9

Antagoniste de l’aldostérone 54,2 57,0

Défibrillateur automatique implantable 14,9 14,7

Resynchronisation cardiaque 7,0 6,7

Abréviations : ARA : antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II; batt./min : battements par minute; BNP : peptide natriurétique de type B; EI : écart interquartile; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche; IC : insuffisance cardiaque; IECA : inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine; IMC : indice de masse corporelle; N : nombre de patients; NT-proBNP : fragment N-terminal inactif du BNP; NYHA : New York Heart Association.

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pour ceux recevant l’énalapril (RR=0,79;IC 95 %=0,71-0,89;p<0,001;NNT=35) (tableau III). La supériorité du LCZ696 persiste dans les analyses de sous-groupes de patients effectuées pour les décès et les hospitalisations combinés ainsi que pour les décès de cause cardiovasculaire.

Les résultats concernant les objectifs secondaires montrent qu’un décès toutes causes confondues touche 17,0 % des patients du groupe LCZ696 comparativement à 19,8 % de ceux du groupe énalapril (RR=0,84;IC 95 %=0,76-0,93;p<0,001) (tableau III). Le changement du score clinique du KCCQ après 8 mois a été statistiquement significatif, avec une diminution moyenne du score de 2,99 ± 0,36 pour les patients du groupe LCZ696 comparativement à 4,63 ± 0,36 pour ceux du groupe énalapril (différence de risque = 1,64;IC 95 %=0,63-2,65;p=0,001) (tableau III). Par ailleurs, les résultats de l’étude n’ont démontré aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes de traitement en ce qui concerne les objectifs secondaires d’un nouvel épisode de FA ou d’une détérioration de la fonction rénale.

Du point de vue de l’innocuité, le LCZ696 a entraîné plus d’hypotension symptomatique que l’énalapril (14,0 % comparativement à 9,2 %; p < 0,001). Cependant, l’énalapril a causé davantage d’élévation de la créatinine sérique (≥ 221 mmol/l) (4,5 % comparativement à 3,3 % avec le LCZ696; p = 0,007). On note aussi plus d’hyperkaliémie dans le groupe énalapril, avec une kaliémie ≥ 6,0 mmol/l chez 5,6 % des patients de ce groupe comparativement à 4,3 % des patients du groupe LCZ696 (p = 0,007). La toux a également été plus fréquente chez les patients du groupe énalapril comparativement aux patients du groupe LCZ696 (proportions respectives de 14,3 % et de 11,3 %; p < 0,001). Par ailleurs, aucune différence significative n’a été démontrée pour le taux d’angio-œdème rapporté entre les deux molécules (p = 0,13). Enfin, le taux d’arrêt de la médication en raison d’effets indésirables a été de 10,7 % dans le groupe LCZ696 et de 12,3 % avec l’énalapril (p = 0,03).

Les auteurs concluent leur article sur l’importance de l’étude PARADIGM-HF. Celle-ci démontre que l’inhibition des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine avec le LCZ696 réduit le risque de décès de cause cardiovasculaire, le nombre d’hospitalisations liées à l’IC et le risque de décès toutes causes confondues, comparativement à un IECA. Une réduction des symptômes et des limitations physiques associées à l’IC a également été démontrée. Les avantages obtenus avec le LCZ696 en matière de mortalité laissent penser que l’inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) apportée par la combinaison d’un ARA et d’un inhibiteur de la néprilysine est supérieure à l’inhibition provoquée par une monothérapie avec un IECA.

Tableau III. Principaux résultats de l’étude

Groupe LCZ696 (N = 4 187)

Nombre de patients affectés (%)

Groupe énalapril (N = 4 212)

Nombre de patients affectés (%)

Rapport de risques ou différence

(IC 95 %)

p

Résultats primaires

Décès de cause cardiovasculaire ou hospitalisation pour détérioration de l’IC 914 (21,8 %) 1 117 (26,5 %) 0,80 (0,73 – 0,87) < 0,001

Décès de cause cardiovasculaire 558 (13,3 %) 693 (16,5 %) 0,80 (0,71-0,89) < 0,001

Hospitalisation pour détérioration de l’IC 537 (12,8 %) 658 (15,6 %) 0,79 (0,71-0,89) < 0,001

Résultats secondaires

Décès toutes causes confondues 711 (17 %) 835 (19,8 %) 0,84 (0,76-0,93) < 0,001

Changement du score clinique du KCCQ après 8 mois -2,99 ± 0,36 -4,63 ± 0,36 1,64 (0,63 – 2,65) 0,001

Nouvel épisode de FAa 84 (3,1 %) 83 (3,1 %) 0,97 (0,72-1,31) 0,83

Détérioration de la fonction rénale 94 (2,2 %) 108 (2,6 %) 0,86 (0,65-1,13) 0,28

a Au total, 2 670 patients du groupe LCZ696 et 2 638 patients du groupe énalapril, qui n’avaient pas de fibrillation auriculaire (FA) au moment de la répartition aléatoire, ont reçu un diagnostic de nouvel épisode de FA au cours de l’étude.

Abréviations : FA : fibrillation auriculaire; IC : insuffisance cardiaque; IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %; KCCQ : Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire; N : nombre de patients

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Grille d’évaluation critique

LES RÉSULTATS SONT-ILS VALABLES?

Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire aux groupes de traitement? OUI, les patients ont été assignés de façon aléatoire au groupe de traitement LCZ696 (200 mg deux fois par jour) ou énalapril (10 mg deux fois par jour) grâce à un logiciel informatique, avec un schéma de répartition aléatoire 1:1.

Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de tous les patients ayant participé à l’étude? OUI et NON. Les analyses en intention de traiter concernent une population de 8 399 patients sur les 8 442 inclus dans la répartition aléatoire (99,5 %). L’exclusion des 43 patients a eu lieu en raison d’une violation des bonnes pratiques cliniques et d’une répartition aléatoire invalide. Les données des quelques patients perdus de vue (20 patients) ont été prises en compte jusqu’à ce qu’il soit impossible de les collecter. Cependant, il faut tenir compte du fait que 10 513 patients ont été recrutés au tout début de l’étude et que 12 % d’entre eux ont été exclus en raison d’effets indésirables après la phase de vérification de la tolérance. D’autres raisons mineures ont également justifié des exclusions.

Le suivi des patients a-t-il été mené à terme? OUI, un suivi des patients a été effectué toutes les deux à huit semaines pendant les quatre premiers mois, puis tous les quatre mois, jusqu’à ce qu’ils arrêtent de prendre le médicament qui leur avait été attribué. Aucun patient n’a cessé prématurément l’étude après la répartition aléatoire il y a eu une perte de seulement 20 patients au suivi. Cependant, il faut noter que l’étude a été arrêtée précocement après un suivi médian de 27 mois.

Les patients ont-ils été évalués dans le groupe dans lequel ils avaient été répartis de façon aléatoire (intention de traiter)? OUI, tous les patients ont été évalués en respectant le principe d’analyse en intention de traiter. C’est une force de l’étude qui en augmente la validité externe, car une telle analyse reflète plus fidèlement l’efficacité des traitements étudiés dans la réalité quotidienne.

Les traitements ont-ils été faits à « l’insu » des patients, des médecins et du personnel concerné? OUI, l’étude a été réalisée à double insu. Le protocole de l’étude démontre que tout semble avoir été mis en œuvre afin de préserver le double insu en tout temps. La phase de la vérification de la tolérance de l’énalapril et du LCZ696 a été effectuée en simple aveugle, ce qui n’a toutefois pas eu de répercussion sur les résultats.

Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude? OUI, les caractéristiques de base des patients démontraient peu de différences significatives, sauf en ce qui concerne l’utilisation de la digoxine et des antagonistes de l’aldostérone. Un pourcentage plus élevé de patients recevait ces deux médicaments dans le groupe énalapril. Il n’y a cependant pas eu d’ajustement effectué puisque les répercussions d’une telle différence semblaient minimes.

Les groupes ont-ils été traités de manière égale à l’extérieur du cadre de recherche? OUI et NON. Les doses reçues n’étaient pas identiques pour tous les patients. En effet, les patients recevaient la dose tolérée du médicament attribué, donc une moyenne de 375 mg par jour pour le LCZ696 et de 18,9 mg par jour pour l’énalapril. Sinon, les patients semblent avoir été traités de façon équitable puisque les investigateurs s’assuraient qu’ils recevaient le traitement médicamenteux recommandé en fonction de leur degré d’insuffisance cardiaque. En effet, leur traitement comprenait un BB (environ 93 % des patients), un diurétique (environ 80 %), un antagoniste de l’aldostérone (environ 55 %), de la digoxine (environ 30 %), un défibrillateur implantable (environ 15 %) ou une thérapie de resynchronisation cardiaque (environ 7 %). Les ajouts, les ajustements ou les retraits de ces traitements pendant le déroulement de l’étude ne sont cependant pas mentionnés et il en est de même pour les traitements des autres comorbidités des patients.

QUELS SONT LES RÉSULTATS?

Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement? Par rapport à l’énalapril, le LCZ696 réduit les décès de cause cardiovasculaire ainsi que les hospitalisations pour décompensation cardiaque pour les patients atteints d’IC ayant une FEVG abaissée et une pharmacothérapie recommandée (NNT = 21). Cela correspond à un risque absolu (RA) de 21,8 % et à une réduction du risque absolu (RRA) de 4,7 %. En considérant les évènements séparément, les patients du groupe LCZ696 ont présenté une diminution du risque de décès de cause cardiovasculaire (NNT=32;RA=13,3 %;RRA=3,2 %) comparativement aux patients du groupe énalapril. Le nombre de premières hospitalisations pour IC décompensée a diminué de façon significative dans le groupe LCZ696 (NNT=35;RA=12,8 %;RRA=2,8 %).

Quelle est la précision de l’effet évalué? L’intervalle de confiance à 95 % peut être considéré comme précis puisqu’il y a eu une répartition de façon aléatoire d’un grand nombre de patients. Par exemple, pour les décès de cause cardiovasculaire (objectif primaire), l’intervalle de 0,71 à 0,89 avec un intervalle de confiance à 95 % démontre bien cette précision.

LES RÉSULTATS VONT-ILS M’ÊTRE UTILES DANS LE CADRE DE MES SOINS PHARMACEUTIQUES?

Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à mes patients? OUI et NON. L’étude a recruté des patients de plusieurs centres dans de nombreux pays. Or, seulement 7 % des patients provenaient d’Amérique du Nord, tandis que 34 % provenaient d’Europe centrale et 18 % d’Asie. Les divergences génétiques et environnementales de ces populations influencent possiblement la validité externe des résultats. De plus, la représentativité des femmes, des patients de classes fonctionnelles NYHA I et IV, des patients ayant un défibrillateur implantable ou des patients recevant une thérapie de resynchronisation cardiaque est plutôt faible. Il ne faut pas oublier que les patients ayant une FEVG préservée ou présentant une hypotension en plus de leur IC n’étaient pas représentés dans l’étude.

Est-ce que tous les résultats ou « impacts » cliniques ont été pris en considération? OUI et NON. Les résultats présentés étaient les principaux à considérer et correspondaient à ceux étudiés dans l’étude CHARM qui traitait des décès de cause cardiovasculaire et des hospitalisations7. Cependant, ils étaient quelque peu différents de ceux des études CONSENSUS et SOLVD qui abordaient respectivement les décès toutes causes confondues et l’amélioration des symptômes ou les hospitalisations2,3. Un objectif secondaire correspondant à la diminution de la tension artérielle associée au LCZ696 aurait pu être pertinent, bien que non indispensable puisque ce point a tout de même été abordé dans l’évaluation de l’innocuité du LCZ696.

Est-ce que les avantages obtenus sont cliniquement significatifs? OUI, car, comparativement à l’énalapril, le LCZ696 permet de diminuer de 21,8 % (NNT = 21) les décès de cause cardiovasculaire et les hospitalisations, sur une période médiane de 27 mois, pour les patients atteints d’IC avec FEVG abaissée. L’étude a permis de prouver une efficacité supérieure du LCZ696 par rapport au traitement médicamenteux usuel et d’écarter les craintes en matière d’innocuité. Des données supplémentaires semblent cependant nécessaires pour clarifier et positionner l’utilisation de cette molécule dans la pratique actuelle.

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Discussion

Cette étude clinique démontre que la molécule LCZ696 est supérieure à l’énalapril pour réduire les décès de cause cardiovasculaire ainsi que les premières hospitalisations pour IC.

Le choix des chercheurs de l’étude d’utiliser l’énalapril 10 mg deux fois par jour comme molécule de comparaison est un point positif, puisque cet IECA a été la molécule la plus étudiée pour le traitement de l’IC2,3. À une telle dose cible, une réduction de la mortalité a pu être démontrée2,3. Dans cette étude, la dose moyenne d’énalapril était de 18,9 mg par jour, ce qui demeure une dose plus élevée que celle utilisée dans les études CONSENSUS (16,6 mg) et SOLVD (18,4 mg)2,3. Bien que cette molécule soit peu utilisée dans la pratique actuelle, le choix d’opter pour cet agent avec une prise biquotidienne est judicieux, car il facilite la titration des doses et le maintien du double aveugle.

Le fait que les patients recevaient au préalable une pharmacothérapie recommandée et stable augmente les répercussions des avantages obtenus avec le LCZ696. Toutefois, les patients atteints d’IC reçoivent rarement des doses aussi élevées d’IECA que celle demandée pour l’inclusion à l’étude, ce qui signifie que la population à l’étude est peu représentative de la pratique actuelle. La validité externe des résultats peut donc en être affectée. Par ailleurs, la dose quotidienne utilisée de LCZ696 (200 mg deux fois par jour, contenant l’équivalent de 160 mg deux fois par jour de valsartan, ce qui correspond à une dose moyenne de 300 mg/jour de valsartan) demeure un point en faveur de l’étude, puisque cette dose correspond à la dose cible visée et étudiée pour les patients atteints d’IC8. Cependant, les doses moyennes de valsartan utilisées dans les études antérieures étaient légèrement inférieures. L’étude Val-HeFT et l’étude VALIANT ont utilisé une dose moyenne respective de 254 mg/jour et de 247 mg/jour8,15. Il est néanmoins impossible de déterminer les répercussions de cette dose plus élevée de valsartan utilisée dans l’étude PARADIGM-HF sur les avantages obtenus avec le LCZ696. Pour continuer, la phase de vérification de la tolérance avant la répartition aléatoire est un élément important à souligner. L’objectif de cette phase était d’assurer la tolérance préalable aux doses étudiées d’énalapril et de LCZ696. Une telle méthodologie permet une comparaison de doses équivalentes entre les deux molécules étudiées et entraîne une mesure plus fiable de leur efficacité respective. Par contre, l’innocuité des agents est difficilement interprétable, puisque la prévalence des effets indésirables n’est pas représentative de la réalité. Encore une fois, la validité externe des résultats peut en être affectée.

Les caractéristiques de base de la population étaient similaires dans les deux groupes, sauf pour le taux de patients prenant de la digoxine et un antagoniste de l’aldostérone, qui était significativement plus élevé dans le groupe énalapril. Dans les deux groupes de traitement, les patients de classe fonctionnelle NYHA I ou II sont représentés à environ 75 %, tandis que ceux de classe fonctionnelle NYHA III ou IV sont plutôt sous représentés à environ 25 %. Cela témoigne du fait que l’IC des patients à l’étude est moins avancée. Sous un autre angle, les patients de classes fonctionnelles NYHA I et IV sont beaucoup moins représentés dans les deux groupes

(environ 5 % de patients de classe fonctionnelle NYHA I et moins de 1 % de patients de classe fonctionnelle NYHA IV, comparativement à près de 95 % de patients de classes fonctionnelles NYHA II ou III). D’autres caractéristiques des patients, notamment la représentativité des femmes (environ 22 %) et des Nord-Américains (environ 7 %), amènent certaines interrogations sur l’applicabilité des résultats.

Les analyses de sous-groupes mettent en évidence des différences significatives entre certains sous-groupes, notamment entre les patients de classes fonctionnelles NYHA I ou II et ceux de classes fonctionnelles NYHA III ou IV. En ce qui concerne l’objectif primaire, ces derniers auraient moins bénéficié du LCZ696. Le LCZ696 semblait également moins avantageux pour les patients d’un âge ≥ 75 ans ou ceux ayant une FEVG > 35 %. Il est probable que l’absence de résultats significatifs s’explique par une sous-représentativité d’une telle population dans l’étude.

Le LCZ696 a un bon profil de tolérabilité. En effet, la molécule amène moins d’augmentation de la kaliémie et de toux. Cependant, il faut noter que le groupe LCZ696 a présenté davantage d’hypotension symptomatique que le groupe énalapril, sans entraîner plus d’arrêt prématuré du traitement. Cette constatation est en accord avec les effets observés dans l’étude OVERTURE, qui comparait l’omapatrilat à l’énalapril13. Le LCZ696 a été associé à plus de cas d’angio-œdème grave que l’énalapril, mais la différence n’est pas statistiquement significative. Toutefois, il faut demeurer prudent lors de l’interprétation de ce résultat, puisque la population à l’étude a été d’abord soumise à la phase de vérification de la tolérance et que l’angio-œdème est une réaction indésirable rare. Il faut aussi préciser qu’il y avait un bref arrêt des médicaments entre les différentes phases de l’étude, afin d’éviter la prise simultanée des deux molécules et de diminuer le risque d’angio-œdème. De façon générale, le LCZ696 a entraîné moins d’arrêts liés aux effets indésirables.

Les résultats relatifs au score clinique du KCCQ sont à considérer avec une certaine prudence. En effet, les chercheurs de l’étude ont attribué un score de zéro aux patients décédés, ce qui influence légèrement les résultats. Il faut également noter qu’un changement de 2 au score du KCCQ n’est pas cliniquement significatif. Toutefois, l’utilisation de ce score est pertinente puisque le KCCQ est un outil valide.

Malgré les avantages supplémentaires du LCZ696 en matière de survie et d’hospitalisations, observés après un suivi médian de 27 mois, des données à plus long terme sont nécessaires pour démontrer une efficacité soutenue et obtenir un profil d’innocuité plus complet.

D’un point de vue plus technique, il faut souligner que cette étude a été commanditée par une compagnie pharmaceutique, Novartis Pharmaceuticals, ce qui peut entraîner un biais de publication.

Comparaison avec la documentation scientifique

Les recherches dans la documentation scientifique actuelle permettent de relever quelques études préalablement mentionnées qui ont évalué les IECA et les ARA pour la prise en charge de l’IC. Premièrement, l’énalapril a démontré des avantages supérieurs à ceux d’un placebo

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le traitement médicamenteux actuel de l’IC. Des études pharmacoéconomiques seront donc nécessaires. Étant donné le vieillissement de la population et le fait que l’IC représente l’une des principales causes d’hospitalisation pour les personnes d’un âge ≥ 65 ans au Canada, il est possible de penser que cette molécule pourrait avoir des retombées non négligeables sur les coûts des soins de santé associés à l’IC.

Pour l’instant, les lignes directrices de la Société canadienne de cardiologie stipulent que le LCZ696 peut être envisagé en remplacement des IECA et des ARA. Les patients visés ont une FEVG < 40 %, une classe fonctionnelle NYHA II, III ou IV et des symptômes persistants malgré une triple thérapie (IECA/ARA, BB et antagoniste de l’aldostérone)20.

Santé Canada a tout récemment approuvé l’utilisation du LCZ696, sous le nom d’EntrestoMC. Les formulations disponibles contiennent différentes doses possibles de sacubitril et de valsartan (24-26 mg, 49-51 mg et 97-103 mg). Il est à noter que la molécule a été approuvée spécifiquement pour les patients de classe fonctionnelle NYHA II ou III21.

Conclusion

L’étude PARADIGM-HF a établi l’efficacité supérieure d’une molécule possédant un nouveau mécanisme d’action pour traiter l’IC. Cette molécule a entraîné une diminution significative des décès de cause cardiovasculaire et des hospitalisations pour l’IC et a fait preuve d’une innocuité satisfaisante. Les résultats de l’étude semblent indiquer que cette classe de médicament entraînera des modifications de la pratique actuelle concernant le traitement de l’IC, puisque l’étude comportait peu de limites. Toutefois, des données additionnelles seront nécessaires pour cibler les patients qui profiteraient le plus d’une telle thérapie.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Remerciements

Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Information sur les médicaments basée sur la preuve (PHA-6074) de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval de Québec. Les auteures remercient la responsable du cours ainsi que Louis-Étienne Marchand, pharmacien au Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches – site Hôtel-Dieu de Lévis, qui a assuré la supervision de leur travail. Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes.

dans les études CONSENSUS (classe fonctionnelle NYHA IV) et SOLVD (FEVG < 35 %). En effet, ces études ont rapporté une réduction respective du nombre de décès toutes causes confondues de 27 % et de 16 %2,3. L’étude Val-HeFT, quant à elle, a apporté des données sur les avantages du valsartan pour les patients de classes fonctionnelles NYHA II, III ou IV, avec une réduction de 13,2 % de la mortalité et de la morbidité combinées8.

L’omapatrilat, une molécule ayant un mécanisme d’action semblable à celui du LCZ696, a été comparé à l’énalapril 10 mg deux fois par jour. L’étude OVERTURE, une étude de non-infériorité, ciblait les patients souffrant d’IC de classes fonctionnelles NYHA II à IV. Les résultats de l’étude ont montré que l’omapatrilat entraînait des effets indésirables, comme l’angio œdème. La dose d’omapatrilat étudiée était de 40 mg une fois par jour, une dose prouvée efficace contre l’hypertension, tandis que, dans la présente étude, le LCZ696 a été administré deux fois par jour afin d’assurer une couverture quotidienne complète nécessaire en présence d’une IC13.

De façon plus générale, il est possible de comparer chacune des classes de médicaments utilisées pour le traitement de l’IC sur le plan des avantages apportés pour la réduction de la mortalité. Les antagonistes de l’aldostérone, les BB et les IECA amènent une réduction respective du nombre de décès d’environ 25 à 30 %, d’environ 30 % et d’environ 15 %5,16,17. Le LCZ696 ajoute des avantages supplémentaires à ces chiffres, d’où son intérêt1.

Retombées cliniques

Le LCZ696 apparaît comme un traitement innovateur pour les patients atteints d’IC. Certains points demeurent toutefois à éclaircir. En effet, la faible représentativité dans l’étude de certaines catégories de patients préalablement mentionnées amène un doute sur l’applicabilité des résultats pour ces populations. Il en va de même pour les patients nouvellement atteints d’IC, atteints d’IC de classe fonctionnelle IV ou instables. Par ailleurs, les patients ayant un défibrillateur implantable ou un resynchronisateur cardiaque devront faire l’objet d’études supplémentaires afin que le LCZ696 puisse être envisagé avec ces dispositifs à n’importe quel moment dans les algorithmes de traitement. De plus, puisque l’étude excluait les patients présentant une IC avec FEVG préservée, il serait pertinent de pouvoir davantage étudier une telle population, sachant que, à ce jour, peu de traitements ont démontré des avantages considérables pour ce type d’IC18. L’étude PARAGON-HF, qui compare le LCZ696 et le valsartan pour les patients atteints d’IC avec FEVG préservée, est actuellement en cours et ses résultats devraient être publiés en mai 201919. Finalement, les patients présentant une hypotension plus sévère mériteraient une analyse supplémentaire, puisque la tension artérielle systolique moyenne des patients de l’étude PARADIGM-HF était de 122 ± 15 mmHg. Les patients traités pour une IC sont généralement plus hypotendus.

Les coûts engendrés par la thérapie seront également à considérer avant de pouvoir positionner le LCZ696 dans

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1. McMurray JJ, Packer M, Desai AS, Gong J, Lefkowitz MP, Rizkala AR et coll. Angiotensin- neprilysin inhibition versus enalapril in heart failure. N Engl J Med 2014;371:993-1004.

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13. Packer M, Califf RM, Konstam MA, Krum H, McMurray JJ, Rouleau JL et coll. Comparison of omapatrilat and enalapril in patients with chronic heart failure: the omapatrilat versus enalapril ran-domized trial of utility in reducing events (OVER-TURE). Circulation 2002;106:920-6.

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Références

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19. Novartis Pharmaceuticals. Efficacy and safety of LCZ696 compared to valsartan, on morbidity and mortality in heart failure patients with pre-served ejection fraction (PARAGON-HF). Dans : ClinicalTrials.gov. National Library of Medicine (US). [en ligne] https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01920711?term=PARAGON-HF&rank=1 (site visité le 10 novembre 2015).

20. Howlett JG, Chan M, Ezekowitz JA, Harkness K, Heckman GA, Kouz S et coll. The Canadian cardiovascular society heart failure companion: bridging guidelines to your practice. Can J Car-diol 2015;1-15.

21. Novartis Pharma Canada Inc. Monographie du produit : Entresto. [en ligne] http://www.ask. novar t ispharma.ca/download.htm?res= entresto_scrip_f.pdf&resTitleId=1137 (site visité le 11 février 2016).

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RECHERCHE

Pour toute correspondance : Prof. Olivier Bugnon, Pharmacie de la Policlinique médicale universitaire, Rue du Bugnon 44, 1011 Lausanne, SUISSE; Téléphone : 41 21 314 4843; Courriel : [email protected]

Gestion des risques liés au circuit du médicament dans les établissements médico-sociaux du canton de Fribourg (Suisse) – État des lieux 2012-2014 et nouvelle responsabilité des pharmaciens

Isabelle Anguish1,2, Pharm.D., Jean-François Locca2, Pharm.D., Ph.D., Talia Malka2, Pharm.D., Olivier Bugnon1,2,3, Pharm.D., Ph.D. 1Pharmacien, Pharmacie de la Policlinique Médicale Universitaire (PMU), CH-1011 Lausanne (Suisse);2Pharmacien, chercheur, Section des sciences pharmaceutiques, Pharmacie communautaire, Université de Lausanne, Université de Genève (Suisse);3Professeur, Section des sciences pharmaceutiques, Pharmacie communautaire, Université de Lausanne, Université de Genève (Suisse)

Reçu le 6 juillet 2015; Accepté après révision par les pairs le 9 octobre 2015

Résumé

Objectif : Les établissements médico-sociaux sont des lieux associés à un haut risque d’erreurs dans le circuit du médicament. Dans ce contexte, l’étude vise à décrire l’état des lieux en 2012 des systèmes de gestion des risques des 42 établissements médico-sociaux (2 473 résidents) du canton de Fribourg (Suisse), estimer la fréquence des erreurs documentées et finalement proposer dès 2014 une approche méthodique favorisant la sécurité des résidents.

Méthodologie : Étude rétrospective dont les données ont été recueillies à partir des dossiers patients ou des registres des erreurs de l’établissement. Les erreurs ont été classifiées selon la taxonomie du National Coordinating Council for Medication Error Reporting and Prevention, puis analysées selon un processus d’amélioration continue (identification des risques, déclaration puis documentation des erreurs, analyse systémique).

Résultats : De tous les établissements médico-sociaux contactés, 91 % ont participé à l’état des lieux et 81 % ont pu documenter les erreurs. Sur les 39 établissements participants en 2012, 37 (95 %) mentionnaient un système de gestion des risques associés au circuit du médicament. Sur les 35 établissements ayant documenté les erreurs en 2013, 21 (60 %) (1 496 résidents) en ont documenté la fréquence : 30 % étaient avérées, 60 % n’avaient pas atteint le patient, 32 % n’avaient provoqué aucun dommage, 5 % ont conduit à une surveillance particulière et un cas a nécessité un allongement du séjour hospitalier et entraîné un préjudice pour le patient. Les erreurs surviennent le plus souvent à la délivrance (43 %) et à l’administration (43 %) des médicaments. Les problèmes de conditionnement ou de conception (62 %), ou ceux dus à un facteur humain (23 %) sont les plus fréquents.

Conclusion : Les conditions de base pour une gestion du risque médicamenteux sont présentes, mais l’amélioration doit porter sur une plus grande homogénéité et une meilleure normalisation des pratiques. Pour la première fois en Suisse, le pharmacien est appelé à coordonner la démarche interdisciplinaire sur ce thème dans les établissements médico-sociaux.

Mots clés : collaboration interprofessionnelle, erreur médicamenteuse, établissements médico-sociaux, évaluation des pratiques professionnelles, gériatrie, gestion des risques, iatrogénie médicamenteuse

Introduction

La prescription de médicaments aux personnes âgées est un domaine complexe, compte tenu des facteurs de polymorbidité et de polymédication qui touchent cette population1-4. Une revue systématique d’interventions destinées à optimiser la prescription médicamenteuse aux personnes âgées en établissement médico-social (EMS), menée dans six pays différents (Australie, Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas, États-Unis et Canada) et auprès de 7 653 résidents, a révélé qu’en moyenne, ces personnes consomment quotidiennement huit

médicaments5. Les données probantes qui démontrent que le nombre de médicaments corrèle avec la fréquence des problèmes médicamenteux, des risques d’effets indésirables et d’erreurs médicamenteuses sont solides5,6. La sécurité des patients très âgés, qui reçoivent généralement une polymédication, est donc une priorité évidente en EMS. Dans ce contexte gériatrique à haut risque, il faut prévenir activement les problèmes supplémentaires amenés par des erreurs dans la gestion du circuit médicamenteux. Une erreur médicamenteuse peut se définir comme « un écart par rapport à ce qui aurait dû être fait au cours de la

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ainsi que les outils proposés pour favoriser une culture positive de l’erreur et, finalement, la sécurité des résidents.

Méthodologie

La recherche repose sur deux enquêtes réalisées successivement en 2012 et en 2013. Les chercheurs ont recueilli des données de façon rétrospective auprès de tous les pharmaciens-conseils (n = 24) de l’ensemble des EMS (n = 43) du canton de Fribourg, dans le cadre du mandat de monitorage et de formation confié au groupe de recherche du Centre de pharmacie communautaire de la Policlinique Médicale Universitaire de Lausanne.

État des lieux des systèmes de gestion des risques liés au circuit du médicament

En 2012, les pharmaciens-conseils ont étoffé leurs rapports annuels d’assistance pharmaceutique à l’aide d’une description générale du système d’assurance de la qualité en place pour sécuriser le circuit du médicament10. Les informations collectées ont été classées selon les quatre étapes du processus itératif suivant proposé par les investigateurs comme approche méthodique à l’échelle cantonale :

1. Détermination des risques potentiels liés au circuit du médicament et de leur criticité : analyse de la criticité du processus avec une estimation de la fréquence de survenue du risque, de la gravité des conséquences et de la détectabilité du problème.

2. Déclaration des incidents ou des accidents médicamenteux survenus : détection des cas, collecte des données décrivant l’événement survenu, description des mesures correctives immédiates et des mesures préventives qui ont été prises.

3. Documentation des cas déclarés et suivi de leur traitement : mode de classification des cas, statistiques, suivi des tâches, des responsabilités et des délais pour les mesures correctives ou préventives décidées.

4. Amélioration continue de la sécurité du circuit du médicament : analyse systémique des cas recensés, définition des priorités d’amélioration (formation, investissements, etc.).

Analyse des erreurs médicamenteuses en 2013

En 2013, les pharmaciens-conseils ont utilisé les dossiers patients (informatisés ou non) ou d’éventuels registres des erreurs créés spécifiquement pour recueillir les données concernant les erreurs médicamenteuses documentées par le personnel de l’EMS. En l’absence de système officiel uniforme, ces informations ont été transmises aux chercheurs sous la forme de documents électroniques (Word ou Excel, au choix des pharmaciens) reprenant, pour la classification des événements, la taxonomie du National Coordinating Council for Medication Error Reporting and Prevention (NCC-MERP)12. Cette taxonomie, établie par un groupe indépendant composé de 27 organisations nationales (groupes de médecins, société de gériatrie, association d’infirmières et de pharmaciens, etc.) dont l’objectif est de promouvoir une utilisation des médicaments en toute sécurité, a été traduite

prise en charge thérapeutique médicamenteuse du patient. L’erreur médicamenteuse est l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte relatif à un médicament, qui peut être à l’origine d’un risque ou d’un événement indésirable pour le patient. […] L’erreur médicamenteuse peut concerner une ou plusieurs étapes du circuit du médicament […] mais aussi ses interfaces, telles que les transmissions ou les transcriptions7 ».

Une étude menée auprès de 294 EMS (représentant en moyenne 121 lits par EMS) entre 2006 et 2008 aux États-Unis, a relevé que 37,3 % des erreurs étaient répétées une ou plusieurs fois et que les erreurs les plus fréquemment répétées étaient celles de dosage (65,1 %) et d’administration (10,2 %)8. Une autre étude américaine menée dans quatre EMS (150 lits chacun) a relevé que les erreurs étaient plus fréquentes pour les personnes âgées de plus de 75 ans et que ces erreurs occasionnaient des préjudices (temporaires ou non, avec transfert aux urgences ou intervention d’urgence) dans 1,2 % des cas9. L’étude montrait également que la documentation des erreurs était une étape clé du processus de gestion du risque9. En effet, le manque d’outils et de procédures spécifiques pour rapporter les erreurs, ainsi que le manque de communication entre les membres de l’équipe par rapport à l’erreur survenue, constituaient les principales barrières à la mise en place d’un tel processus9.

Depuis 2002, la modification de la Loi sur la santé du canton de Fribourg (Suisse) a conduit à la mise en place obligatoire d’une démarche interdisciplinaire d’assistance pharmaceutique originale en EMS10. Les pharmaciens gardent une responsabilité dans l’organisation de l’approvisionnement en médicaments, mais la rémunération forfaitaire introduite leur donne une indépendance professionnelle quant aux choix des marques et des fournisseurs. L’innovation professionnelle a consisté à confier aux pharmaciens-conseils des prestations visant l’optimisation thérapeutique et économique des prescriptions médicales : élaboration annuelle d’un rapport d’assistance pharmaceutique par EMS, qui décrit et commente la consommation des médicaments; animation de séances de cercles de qualité avec les médecins et les infirmières-chefs de chaque institution dans l’objectif d’établir des consensus de prescriptions. L’AFIPA (association faîtière des institutions pour personnes âgées), santésuisse (association nationale des assureurs-maladie) et la Société des pharmaciens du canton de Fribourg sont signataires d’une convention réglant la gouvernance de la démarche, tandis que l’État de Fribourg assure le respect du cadre législatif et sanitaire. Le Centre de pharmacie communautaire de la Policlinique Médicale Universitaire de Lausanne (Université de Genève, Université de Lausanne, Suisse) est responsable de l’évaluation scientifique et de la formation continue.

Depuis 2013, une nouvelle responsabilité complète le cahier des charges des pharmaciens-conseils des EMS du canton de Fribourg11 : il s’agit de la coordination de la démarche institutionnelle de maîtrise des risques liés au circuit du médicament. Le présent article présente le suivi de la mise en œuvre de cette prestation, notamment les questions de recherche concernent l’état des lieux en 2012 des systèmes d’assurance de la qualité, puis l’estimation de la fréquence des erreurs médicamenteuses recensées sur une base volontaire en 2013. L’article décrit l’approche méthodique

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dans le dictionnaire français de l’erreur médicamenteuse de la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC)7. Cet instrument permet de manière simple et systématique de décrire les divers types d’erreurs médicamenteuses selon les cinq dimensions suivantes : 1) degré de réalisation de l’erreur médicamenteuse; 2) gravité des conséquences cliniques pour le patient; 3) types d’erreurs; 4) étapes du circuit du médicament concernées; 5) causes de l’erreur.

Approche méthodique enseignée et outil disséminé à l’échelle cantonale

Chaque année, le groupe de recherche organise une séance de formation de deux heures pour présenter les résultats de l’année précédente et les priorités d’action pour l’année suivante. Les instructions pour les enquêtes de 2012 et de 2013 ont donc été diffusées à ces occasions. En octobre 2014, une formation continue d’une demi-journée a été proposée aux pharmaciens-conseils pour qu’ils puissent mettre en œuvre, d’ici 2017 et dans tous les EMS du canton, l’approche méthodique uniforme décrite plus haut, un formulaire officiel de documentation des erreurs médicamenteuses sur la base de la taxonomie NCC-MERP (figure 1) et une culture positive de l’erreur médicamenteuse en EMS.

Considérations éthiques, analyse des données et statistiques

L’évaluation de données rétrospectives et anonymisées pour une démarche de qualité des soins ne nécessite pas en Suisse de soumission à une commission d’éthique. Les associations partenaires et le service de la santé publique du canton ont néanmoins validé la démarche interdisciplinaire de l’étude. L’analyse descriptive des données a été réalisée à l’aide du logiciel Microsoft Office Excel 2007MD.

Résultats

État des lieux des systèmes de gestion des risques liés au circuit du médicament

En 2012, 24 (100 %) pharmaciens-conseils responsables de l’assistance pharmaceutique ont participé à l’enquête pour 39 EMS (91 %) du canton de Fribourg (représentant 2 245 résidents [91 %]). Parmi les EMS participant à l’enquête, 37 (95 %) déclaraient avoir un système de gestion des risques liés au circuit du médicament. Toutefois, aucun système ne traitait encore l’ensemble des quatre étapes de la démarche d’assurance de la qualité proposée depuis lors à l’échelle cantonale (tableau I).

Pour chaque erreur rencontrée, la majorité des EMS (43 %) ont recours à un entretien systématique avec l’équipe de soins ou le collaborateur concerné par l’erreur. À l’opposé, seulement 7 % des EMS ne procèdent à aucune rétroaction. Les autres EMS ayant répondu à cette question traitent à une ou plusieurs occasions les cas d’erreurs, lors de colloques interdisciplinaires.

Fréquence des erreurs médicamenteuses documentées en 2013 dans les EMS fribourgeois

En 2013, 35 des 43 EMS (81 %) du canton de Fribourg (représentant 1 807 résidents [72 %]) ont participé à

Figure 1. Formulaire proposé pour faciliter la mise en œuvre d’une pratique homogène de déclaration, de documentation et de gestion des risques liés au circuit du médicament dans les EMS du canton de Fribourg.

1    

Figure 1. Formulaire proposé pour faciliter la mise en œuvre d’une pratique homogène de déclaration, de documentation et de gestion des risques liés au circuit du médicament dans les EMS du canton de Fribourg.

2    

 

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l’enquête. Des données décrivant la fréquence annuelle des erreurs médicamenteuses documentées étaient disponibles pour 21 des EMS (60 %) participants (représentant 1 496 résidents) (tableau II).

Lorsque les EMS ont décrit le degré de réalisation de leurs erreurs, l’analyse a montré que 30 % de ces erreurs étaient avérées (« une erreur médicamenteuse qui s’est effectivement produite et est parvenue jusqu’au patient sans avoir été interceptée7 »). Parmi les erreurs recensées, 3 % correspondaient à des événements susceptibles de provoquer une erreur (catégorie A), 60 % n’avaient pas atteint le patient (catégorie B), 32 % n’avaient provoqué aucun dommage (catégorie C), 5 % ont conduit à une surveillance particulière (catégorie D) et 0,3 % (un seul cas) a nécessité un

allongement du séjour hospitalier et entraîné un préjudice pour le patient (catégorie F). Aucune erreur de la catégorie E ou ayant des conséquences plus graves (catégories G, H, I) n’a été rapportée.

Seulement deux EMS ont décrit quelles étapes du circuit du médicament étaient concernées par les erreurs documentées, ainsi que les causes supposées des erreurs. Dans ces établissements, les erreurs surviennent le plus souvent au moment de la délivrance (43 %) et de l’administration (43 %) des médicaments. Les causes mentionnées concernent des problèmes de conditionnement ou de conception (62 %) ainsi que des problèmes dus à des facteurs humains (23 %).

Tableau I. État des lieux en 2012 des systèmes en place dans les EMS fribourgeois pour la gestion des risques liés au circuit du médicament.

Étapes de la démarche d’assurance de la qualitéa

Nombre d’EMS ayant répondu

Réponses collectées Nombre d’EMS (pourcentage du total des EMS ayant répondu)

1. Détermination des risques potentiels liés au circuit du médicament et de leur criticité

0 Aucune mention d’une analyse préalable de la criticité

2. Déclaration des incidents ou des accidents médicamenteux survenus

• Fonction des personnes qui déclarent les cas 27 11 (41) Infirmières diplômées

10 (37) Tous les collaborateurs de l’EMS

6 (22) Soignants (infirmières diplômées et autres)

3. Documentation des cas déclarés et suivi de leur traitement

• Fonction des personnes qui documentent les cas

24 19 (79) Infirmières diplômées

5 (21) Soignants (infirmières diplômées et autres)

• Supports utilisés 37 18 (48) Système de gestion électronique des soins (SIEMSMD 13 pour 15 EMS; autre système pour 3 EMS)

11 (30) Format papier

7 (19) Format papier, puis retranscription sur format électronique dans les dossiers patients

1 (3) Pas de documentation écrite des cas détectés

• Systèmes utilisés pour la classification des incidents ou des accidents médicamenteux

28 17 (60) Classification NCC-MERP

8 (28) Distinction entre erreurs avérées ou potentielles

1 (4) Classification selon le type et les conséquences des erreurs

1 (4) Classification selon l’étape du circuit du médicament concernée

1 (4) Distinction entre nécessité ou non d’une consultation médicale

• Suivi des mesures correctives ou préventives prises

28 12 (43) Entretien systématique à chaque erreur avec les collaborateurs concernés

11 (39) Rétroaction régulière (plusieurs fois par an) aux équipes de soins complètes

3 (11) Rétroaction annuelle aux équipes de soins complètes

2 (7) Pas de rétroaction

4. Amélioration continue de la sécurité du circuit du médicament

0 Aucune mention d’une analyse interdisciplinaire systémique et régulière des cas survenus

• Implication du pharmacien dans la démarche d’assurance de la qualité

37 30 (81) Pas de mention du pharmacien dans la description de la démarche

7 (19) Participations diverses du pharmacien (p. ex. examens de médication, création de documents de référence, retranscription des cas documentés dans le système de gestion informatique de l’établissement)

aLe tableau ci-dessus catégorise les résultats selon les quatre étapes de la démarche d’assurance de la qualité proposée par les chercheurs. Abréviations : EMS : établissement médico-social; NCC-MERP: National Coordinating Councilfor Medication Error Reporting and Prevention

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risques liés au circuit du médicament et un haut niveau de « culture positive de l’erreur ». En l’absence d’obligation légale, les craintes du personnel soignant à se sentir jugé ou celles des institutions à être « classées » constituent en effet des barrières majeures à faire tomber. Une enquête menée auprès d’une équipe soignante de 105 personnes dans un hôpital de l’Oregon (États-Unis) a mis en évidence cinq dimensions susceptibles d’améliorer cette « culture de l’erreur » : 1) le leadership (créer un environnement de sécurité où le personnel soignant peut envisager de placer sa propre famille); 2) la culture de formation continue de l’établissement; 3) l’amélioration continue de la qualité (la perception de l’équipe soignante d’être dans un processus d’amélioration); 4) le médecin responsable (chargé de développer une attitude positive basée sur la réflexion quant aux processus de pratique); 5) la sécurité doit être vue par tous les membres de l’équipe comme une priorité (p. ex. avec la création de documents de référence)16.

Avant le lancement de la présente démarche en 2012, le pharmacien-conseil responsable de l’assistance pharmaceutique était peu impliqué dans la mission de sécurité des résidents en EMS. Son cahier des charges, étoffé en 2015 par le Service de la santé publique du canton de Fribourg, officialise une fonction de coordination et d’animation de la démarche interdisciplinaire à ce sujet1.

Formation et outils favorisant la réduction des risques liés au circuit du médicament en EMS

Les résultats des deux enquêtes ont montré que la sécurité des patients était bel et bien une priorité des professionnels des soins de santé, mais que la mise en œuvre d’une approche plus systématique était nécessaire, d’où l’objectif convenu de manière volontaire par les partenaires pour l’année 2017. La formation continue d’une demi-journée (voir Méthodologie), dispensée en octobre 2014, s’inscrivait ainsi dans cette stratégie interdisciplinaire de renforcer une « culture positive de l’erreur médicamenteuse ». Toutefois, les chercheurs mesureront les progrès de la démarche à la lumière du contenu des nouveaux chapitres consacrés au thème de la sécurité des résidents, exigés dans les rapports annuels d’assistance pharmaceutique des EMS.

Près de la moitié des EMS fribourgeois utilisent des systèmes informatisés de gestion des soins, ce qui facilite l’annonce, la documentation et l’analyse statistique des cas d’erreurs. C’est pour l’autre moitié des institutions que l’usage d’un formulaire structuré, élaboré par les chercheurs, a été enseigné (figure 1). Le formulaire proposé précise ainsi les rôles de chacun. L’ensemble des collaborateurs et des partenaires de l’EMS, ainsi que tous les résidents et leurs proches, sont invités à signaler les erreurs médicamenteuses dont ils ont connaissance auprès d’un responsable des soins. Celui-ci est chargé de documenter la situation (dans le dossier patient informatisé ou à l’aide d’un formulaire ad hoc) ainsi que les mesures prises, préventives ou correctives. Une copie de ce « message qualité » est ensuite transmise au pharmacien-conseil, qui enregistre les éléments clés du cas dans un tableau de données informatisées (dont le format a été défini par les chercheurs). Au moins une fois par an, le pharmacien-conseil vérifie le respect des délais mentionnés sur le « message qualité » et en informe la direction de l’EMS, présente aux responsables médicaux, infirmiers et administratifs le bilan statistique des erreurs

Discussion

Globalement, le présent travail a montré que les professionnels de santé des EMS du canton de Fribourg ont compris l’importance d’optimiser la sécurité du circuit du médicament dans l’intérêt des résidents de ces établissements. L’état des lieux a montré en effet que plus de 90 % des EMS ont intégré cette dimension de l’assurance de la qualité, bien qu’il ne s’agisse pas encore d’une démarche obligatoire. Cet objectif de sécurité se retrouve d’ailleurs dans le système de management de la qualité QUAFIPA mis en place par l’Association Fribourgeoise des Institutions pour Personnes Agées pour répondre aux exigences légales et entrepreneuriales14. Néanmoins les résultats de cette étude ont montré le besoin de mettre en œuvre une démarche interdisciplinaire plus complète et méthodique, comme celle proposée par les chercheurs et qui repose sur les principes généraux de la sécurité des patients, sur la taxonomie NCC-MERP et sur l’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité (AMDEC)14,15.

Les résultats ont montré dans quels domaines des efforts particuliers devront être faits en priorité : aucun EMS n’a en effet traité les étapes qui visent la prévention des risques et l’amélioration continue de la sécurité. Une analyse de type AMDEC permettra en amont de reconnaître et de hiérarchiser les risques médicamenteux, tout en cherchant les possibilités de les prévenir et de les détecter au plus vite. Une telle analyse a l’avantage de rassembler les expériences interdisciplinaires actives sur le terrain autour du même objectif.

Tout en aval de la méthode proposée par les chercheurs, la revue annuelle des cas documentés donnera une vision générale de la sécurité des résidents au sein de chaque EMS, ainsi que l’occasion de définir d’éventuelles mesures d’amélioration continue.

En 2013, 60 % des EMS utilisaient la taxonomie NCC-MERP, à des niveaux de détails néanmoins très divers. Ces résultats confirment que la taxonomie NCC-MERP est un outil de documentation pragmatique adapté aux EMS. Toutefois, la diversité d’application observée indique qu’une stratégie de mise en œuvre et des recommandations d’usage claires restent nécessaires.

Un consensus a été trouvé avec les pharmaciens-conseils pour viser dès 2015 la documentation minimale des trois premiers chapitres de la taxonomie, à savoir le degré de réalisation de l’erreur, la gravité des conséquences cliniques pour le patient et le type d’erreur. À noter que l’usage du dossier patient informatisé par 48 % des EMS est un élément satisfaisant, puisqu’il facilite la documentation des erreurs médicamenteuses et leur traitement statistique.

L’objectif à l’échelle cantonale n’est pas de comparer les EMS, car les différences observées dans les relevés statistiques sont difficilement interprétables; celles-ci reflètent en effet non seulement des variations de compétences humaines et d’organisation du travail, mais également la diversité des seuils de détection des erreurs, de leur documentation et de leur résolution. Pourtant, l’objectif visé par les associations centrales des EMS et des pharmaciens-conseils est d’atteindre en 2017 une homogénéité satisfaisante des pratiques de gestion des

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Tableau II. Classification des erreurs médicamenteuses documentées en 2013 dans 21 EMS du canton de Fribourg, selon les cinq dimensions de la

taxonomie NCC-MERP

Description des erreurs médicamenteuses Nombre d’erreurs documentées

Pourcentage du total des cas documentés

1. Selon le degré de réalisation

Nombre d’EMS ayant documenté des erreurs selon ce niveau de détails : 21 (100 %)

Erreurs potentielles 779 70

Erreurs avérées 329 30

Total 1 108 100

2. Selon la gravité des conséquences cliniques pour le patienta

Nombre d’EMS ayant documenté des erreurs selon ce niveau de détails : 11 (52 %)

Catégorie B 171 60

Catégorie C 91 32

Catégorie D 15 5

Catégorie A 8 3

Catégorie F 1 0,3

Catégorie E, G, H, I 0 0

Total 286 100b

3. Selon le type d’erreur

Nombre d’EMS ayant documenté des erreurs selon ce niveau de détails : 12 (57 %)

Omission 116 33

Dose 83 23

Mauvais médicament délivré 59 17

Erreur de patient 33 9

Technique d’administration 22 6

Moment d’administration 18 5

Posologie ou concentration 12 3

Suivi thérapeutique et clinique 8 2

Débit/voie/durée d’administration 3 1

Forme galénique 1 0,3

Médicament périmé ou détérioré 0 0

Total 355 100b

4. Selon l’étape du circuit du médicament concernée

Nombre d’EMS ayant documenté des erreurs selon ce niveau de détails : 2 (9 %)

Délivrance 6 43

Administration 6 43

Transcription 1 7

Information du patient 1 7

Prescription, analyse pharmaceutique, préparation galénique, suivi thérapeutique 0 0

Total 14 100

5. Selon les causes

Nombre d’EMS ayant documenté des erreurs selon ce niveau de détails : 2 (9 %)

Problème de conditionnement ou de conception 8 62

Facteur humain 3 23

Problème de communication 2 15

Confusion de dénominations, problème d’étiquetage ou d’information 0 0

Total 13 100

a Les catégories de gravité des conséquences cliniques des erreurs médicamenteuses sont définies comme suit : A (circonstance ou événement susceptible de provoquer une erreur); B (une erreur s’est produite, mais le médicament n’est pas parvenu jusqu’au patient); C (une erreur s’est produite jusqu’au patient, sans dommage pour le patient); D (une erreur s’est produite et a provoqué une surveillance accrue pour le patient, mais sans dommage pour le patient); E (une erreur s’est produite et a motivé un traitement ou une intervention en provoquant un préjudice temporaire au patient); F (une erreur s’est produite en entraînant ou en allongeant un séjour hospitalier et en provoquant un préjudice temporaire au patient); G (une erreur s’est produite et a provoqué un préjudice permanent au patient); H (une erreur s’est produite et a provoqué un accident mettant en jeu le pronostic vital du patient); I (une erreur s’est produite et a provoqué le décès du patient)

bLe total des pourcentages n’atteint pas exactement 100 % mais un nombre très proche (par exemple 99 % ou 101 %), les chiffres ayant été arrondis à l’unité.Abréviation : EMS : établissement médico-social

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l’élaboration d’un formulaire standardisé de recensement des erreurs médicamenteuses, à la diffusion d’un enseignement spécifique et à l’exigence d’un nouveau chapitre sur le thème dans les rapports d’assistance pharmaceutique de chaque établissement. Il s’agira d’évaluer d’ici 2017 comment la mise en œuvre de la démarche proposée par les chercheurs se déroule et déploie ses effets.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

médicamenteuses documentées, et anime la recherche de consensus sur les mesures d’amélioration continue à prendre. Ce bilan statistique et le consensus font l’objet d’un chapitre du rapport annuel d’assistance pharmaceutique.

Conclusion

Pour la première fois en Suisse, les pharmaciens assument officiellement une prestation visant la sécurité de la médication des résidents d’EMS. La majorité des pharmaciens-conseils participant à l’enquête ont mentionné l’utilisation d’un système de gestion du risque lié au circuit médicamenteux et aucune erreur ayant de graves conséquences n’a été relevée. L’analyse de ces résultats a montré que la sécurité des résidents dans les EMS fribourgeois est une priorité pour l’ensemble des professionnels, soutenus par les autorités sanitaires et les associations centrales. L’amélioration doit porter en priorité sur une plus grande homogénéité et une meilleure normalisation des pratiques de gestion des risques liés au circuit du médicament. Cette réflexion a conduit à

1. Parsons C, Lapane K, Kerse N, Hughes C. Prescribing for older people in nursing homes: a review of the key issues. Int J Older People Nurs 2011;6:45-54.

2. Runganga M, Peel NM, Hubbard RE. Multiple medication use in older patients in post-acute transitional care: a prospective cohort study. Clin Interv Aging 2014;9:1453-62.

3. Scott IA, Gray LC, Martin JH, Mitchell CA. Mini-mizing inappropriate medications in older popu-lations: a 10-step conceptual framework. Am J Med 2012;125:529-37.e4.

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8. Crespin DJ, Modi AV, Wei D, Williams CE, Greene SB, Pierson S et coll. Repeat medication errors in nursing homes: contributing factors and their association with patient harm. Am J Geriatr Pharmacother 2010;8:258-70.

9. Handler SM, Perera S, Olshansky EF, Studenski SA, Nace DA, Fridsma DB et coll. Identifying modifiable barriers to medication error reporting in the nursing home setting. J Am Med Dir Assoc 2007;8:568-74.

10. Bugnon O, Anguish I, Egenberger M, Michie-lan E, Burgy I, Repond C. Incitation à la perfor-mance. Financement et monitoring innovants de l’assistance pharmaceutique des EMS fribour-geois. Care Management 2012;5(5):1-5.

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12. National Coordinating Council for Medication Error Reporting and Prevention (NCC MERP). Recommendations/Statements. 2016. [en ligne]

Références

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14. AFIPA/VFA Association Fribourgeoise des Insti-tutions pour Personnes Agées. QUAFIPA la dé-marche qualité des EMS fribourgeois. [en ligne] http://www.afipa-vfa.ch/projets/qualite.html (site visité le 17 avril 2015).

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Abstract

Objectives: The risk of errors in the drug distribution system in nursing homes is high. The purpose of this study was to review the risk management systems of the 42 nursing homes (2,473 residents) in the township of Fribourg, Switzerland, in 2012, estimate the incidence of documented errors, and propose an approach to promote patient safety as of 2014.

Method: This was a retrospective study using data collected from patient charts and registers of nursing home errors. Errors were classified according to the taxonomy of the National Coordinating Council for Medication Error Reporting and Prevention and were then analyzed according to a continuous improvement process (risk identification, error reporting and subsequent documentation, and a system analysis).

Results: Ninety-one percent of the nursing homes participated in the review, of which 81% documented errors. Of the 39 participating establishments in 2012, 37 (95%) mentioned a drug distribution risk management system. Of the 35 facilities that documented errors in 2013, 21 (60%, 1,496 residents) documented their incidence as follows: 30% were substantiated, 60% had not reached the patient, 32% had not caused any harm, 5% had led to special monitoring, and one case required an extension of the hospital stay and caused the patient harm. Errors usually occur when medications are dispensed (43%) and administered (43%). Packaging and design problems (62%) and those associated with human error (23%) are the most common.

Conclusion: The basic conditions for medication risk management are in place, but improvements should target greater homogeneity and standardization of practice. For the first time in Switzerland, pharmacists are being called upon to coordinate an interdisciplinary approach to this matter in nursing homes.

Keywords: Evaluation of professional practices, geriatrics, iatrogenesis, interprofessional collaboration, medication error, nursing homes, risk management.

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VOTRE EXPÉRIENCE AVEC…

Pour toute correspondance : Pauline Calvet, Centre hospitalier universitaire de Toulouse, Hôpital Paule de Viguier, 330, avenue de Grande-Bretagne, TSA 70034, 31059 Toulouse cedex 9, FRANCE; Téléphone : 05 67 77 10 55; Télécopieur : 05 67 77 10 72; Courriel : [email protected]

Primo-prescription de fluoroquinolones dans les services de neurologie et réévaluation à 48-72 heures : une expérience du Centre hospitalier universitaire de Toulouse

Pauline Calvet1, D.Pharm., Charlotte Rouzaud-Laborde1,2,3, D.Pharm., Ph.D.1Pharmacienne, Pôle de pharmacie clinique, Centre hospitalier universitaire Purpan, Toulouse, France;2Assistant hospitalo-universitaire, Faculté de pharmacie, Université Paul Sabatier, Toulouse, France;3Assistant hospitalo-universitaire, INSERM I2MC, unité 1048, équipe 6, Toulouse, France

Reçu le 12 août 2015; Accepté après révision le 6 octobre 2015

Résumé

Objectif : L’objectif de l’étude est de connaitre les pratiques de prescriptions des fluoroquinolones dans des services de neurologie en France, en évaluant la réévaluation à 48-72 heures de la mise en place d’une telle antibiothérapie.

Mise en contexte : Les fluoroquinolones sont des antibiotiques largement prescrits. De nombreuses démarches permettent d’améliorer la qualité de la prescription des antibiotiques, notamment la réévaluation de l’antibiothérapie à 48-72 heures.

Résultats : Cette étude descriptive et prospective, portant sur le recueil des prescriptions informatisées de fluoroquinolones, a été réalisée dans les services de neurologie pendant une période de trois mois. En tout, 23 prescriptions de fluoroquinolones ont été sélectionnées. Dix-neuf (83 %) des infections traitées étaient nosocomiales et 16 (70 %) étaient probabilistes (ou empiriques). La médiane des valeurs de la protéine C-réactive était de 23,8 mg/ml (intervalle : 0,7 à 69,8 mg/ml) et celle des taux de leucocytes était de 9,6 g/l (intervalle de 7,3 à 19,7 g/l). La durée moyenne d’antibiothérapie était de six jours. La réévaluation de l’antibiothérapie à 48-72 heures était mentionnée dans le dossier du patient dans 39 % des cas.

Conclusion : Il convient de réserver l’usage des fluoroquinolones à des infections documentées pour diminuer le risque de résistance envers cette classe d’antibiotiques. La création de protocoles de prise en charge probabiliste (ou empirique) d’infections nosocomiales peut être envisagée. La réévaluation de l’antibiothérapie à 48-72 heures est primordiale et doit être généralisée. L’informatisation de ces étapes peut aider à y parvenir.

Mots Clés : Fluoroquinolones, réévaluation à 48-72 heures, utilisation appropriée

Introduction

Les fluoroquinolones sont largement prescrites en médecine, en raison de leur excellente biodisponibilité et de leur large spectre antimicrobien. De nombreux autres facteurs sont également à l’origine de cette forte utilisation, notamment la multiplicité des prescripteurs et les habitudes de ces derniers, la complexité des situations cliniques rencontrées, la facilité de prescription, ainsi qu’une prescription souvent trop large résultant de la crainte du praticien face à l’échec thérapeutique. La surconsommation des fluoroquinolones a entrainé l’apparition de certaines résistances bactériennes à cette famille d’antibiotiques, dont l’utilisation favorise la colonisation par des bactéries multirésistantes et ainsi l’apparition d’infections correspondantes. Dans certains cas, cette résistance croissante pourrait mener à une impasse thérapeutique, car les fluoroquinolones constituent une option de traitement encore très précieuse de nos jours… mais pour combien de temps?

En France, un certain nombre d’organismes, dont la Direction générale de l’offre de soins et la Direction générale de la santé, ont entrepris des actions pour améliorer la qualité de la prescription des antibiotiques1. Cependant, entre 20 et 50 % des prescriptions d’antibiotiques dans les hôpitaux ne seraient toujours pas adaptées. Cette circulaire de 2002 indique les orientations à mettre en œuvre pour une utilisation appropriée des antibiotiques dans les établissements de santé.

Un rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS) publié en 2014 précise les trois antibiotiques (ou familles d’antibiotiques) particulièrement générateurs de résistances bactériennes, dont font partie les fluoroquinolones2. À la suite de ce rapport, une fiche mémo a été créée afin d’éviter la prescription inappropriée des antibiotiques3. Le plan national d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016 vise l’utilisation à bon escient des antibiotiques4. Il a pour objectif de lutter contre le développement des résistances aux

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services de neurologie inflammatoire et vasculaire (soit un total de 46 lits) sur une période de trois mois. Tous les patients hospitalisés dans ces services qui avaient une prescription de fluoroquinolones (ofloxacine, ciprofloxacine, lévofloxacine, loméfloxacine, péfloxacine, moxifloxacine, norfloxacine) ont été inclus. Étaient exclus les patients de moins de 18 ans ainsi que les patients admis dans le service avec un traitement par fluoroquinolones commencé en ambulatoire ou dans un autre établissement de soins.

Déroulement de l’étude

Recueil des données

Une grille de recueil en deux parties a été élaborée. La première partie reprend des informations concernant les données du patient et les renseignements cliniques et biologiques sur l’infection (site d’infection traité, dosage de la protéine C-réactive [CRP], taux de leucocytes sanguins, types de bactéries retrouvés), ainsi que des informations sur l’antibiothérapie prescrite (choix de la molécule, voie intraveineuse ou orale, posologie, durée du traitement). La prescription d’une antibiothérapie par fluoroquinolones durant les trois (infections respiratoires) à six mois (infections urinaires) précédant le traitement mis en place dans le service a été systématiquement recherchée.

La seconde partie traite de l’évaluation de l’antibiothérapie à 48-72 heures, selon les critères de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF):

• Le diagnostic d’une infection présumée bactérienne est-il noté dans le dossier du service initiateur de la prescription ou ses transmissions médicales ou infirmières?

• Un prélèvement à visée bactériologique a-t-il été réalisé avant la mise sous antibiotique?

• Une évaluation de l’antibiothérapie est-elle mentionnée dans le dossier clinique entre 48 et 72 heures après le début de l’antibiothérapie?

• La décision d’arrêt ou de poursuite du traitement à la suite de cette évaluation est-elle consignée dans le dossier?

• Les résultats d’examens microbiologiques spécifiques de l’infection étaient-ils disponibles dans le dossier à 72 heures?

• Un ajustement de l’antibiothérapie à l’antibiogramme a-t-il été réalisé?

• Un relais oral était-il possible et a-t-il été réalisé?

• Dans le cas d’une prise de décision de poursuivre l’antibiothérapie, la durée prévisionnelle de celle-ci est-elle précisée?

• Une association de plusieurs antibiotiques est-elle maintenue plus de trois jours avec une justification dans le dossier?

Saisie et analyse des données

Un masque de saisie a été élaboré avec le logiciel Microsoft Office ExcelMD. La saisie a été effectuée durant la période de

antibiotiques et contre un nombre croissant de situations d’impasses thérapeutiques.

Depuis 2008, la réévaluation de l’antibiothérapie à 48-72 heures est un critère de qualité faisant partie des recommandations de la HAS pour un usage adéquat des antibiotiques. La HAS précise en effet que « la réévaluation entre la 24e heure et la 72e heure permet d’apprécier l’évolution clinique, d’obtenir les données microbiologiques, de s’assurer de la preuve ou non d’une infection et de sa nature bactérienne. Cette réévaluation est essentielle au bon usage, en particulier dans le cadre des antibiothérapies probabilistes »5. Elle s’inscrit dans le plan stratégique 2009-2013 de lutte contre les infections nosocomiales6.

Ce critère de qualité est appuyé d’abord par l’indice composite du bon usage des antibiotiques (ICATB), puis par la version numéro 2 de cet indicateur de qualité (ICATB.2)7. Cette deuxième version définit de nouveaux objectifs permettant d’améliorer la prise en charge des patients et de prévenir les résistances bactériennes aux antibiotiques, notamment : intégration du bon usage dans la politique de l’établissement; accès pour chaque prescripteur à un conseil diagnostique et thérapeutique; collaboration formalisée entre les différents acteurs; définition d’une procédure d’alerte pour une réévaluation de l’antibiothérapie; informatisation des prescriptions; création d’un référent compétent; formation des nouveaux prescripteurs; définition de protocoles d’antibiothérapie de première intention7.

La certification V2010 (procédure d’évaluation externe des établissements de santé, réalisée par des experts de la HAS), revisitée à la suite de l’arrêté du 6 avril 2011, et poursuivie dans la V2014, incite les établissements de santé à surveiller deux indicateurs : la maitrise des résistances bactériennes et le bon usage des antibiotiques8. Elle précise également que la réévaluation de l’antibiothérapie entre la 24e heure et la 72e heure doit être inscrite dans le dossier du patient9. Cette réévaluation permet aux professionnels de la santé de prendre en compte les résultats bactériologiques pour adapter les traitements empiriques, afin d’optimiser l’antibiothérapie tout en limitant une pression antibiotique inutile sur la flore commensale bactérienne du patient ou écologique de l’établissement. Elle leur offre également l’occasion d’arrêter une antibiothérapie inutile, qui pourrait entrainer une augmentation des dépenses, ou de dépister un échec thérapeutique le plus précocement possible.

L’objectif principal de cette étude est de connaitre les pratiques de prescription des fluoroquinolones dans les services de neurologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, forts consommateurs de fluoroquinolones en 2014. L’objectif secondaire est l’appréciation de la réévaluation du traitement par fluoroquinolones à 48-72 heures.

Méthode

Type et durée de l’étude

Il s’agit d’une étude prospective et descriptive portant sur le recueil des prescriptions informatisées (grâce au logiciel OrbisMD de la société AGFA) de fluoroquinolones dans les

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l’étude. Le masque de saisie a permis l’analyse ultérieure des données. Les calculs de distribution ont été réalisés avec le logiciel PrismMD version 6. Les valeurs quantitatives sont exprimées en moyenne ± écart type.

Résultats

Caractéristiques de la population étudiée

De février à avril 2014 (période de collecte de données), on compte un total de 731 admissions pour les trois services de neurologie. Parmi ces patients, 25 ont fait l’objet d’une prescription de fluoroquinolones. Sur ces 25 patients, 23 ont été inclus dans l’étude (92 % des patients) et 2 ont été exclus, car ils avaient commencé le traitement par fluoroquinolones en ambulatoire.

Parmi ces 23 patients, nous retrouvons 16 femmes (70 % de la population étudiée). L’âge moyen des patients sélectionnés est de 64 ± 17 ans (intervalle : 42 à 87 ans). La clairance à la créatinine des patients a été calculée selon la formule de Cockcroft-Gault. Selon cette formule, la clairance moyenne est de 89 ± 37 ml/min. Aucun patient ne présentait d’allergie aux antibiotiques. Aucune donnée concernant la prise antérieure de fluoroquinolones n’a été retrouvée dans les dossiers médicaux des patients.

Répartition des prescriptions d’antibiotiques par service et par degré hiérarchique

Le recueil de données a été réalisé auprès de trois services de soins neurologiques. Plus de la moitié (57 %) des prescriptions de fluoroquinolones provient du service d’hospitalisation de neurologie vasculaire. Parmi ces 23 dossiers, 15 antibiothérapies ont été prescrites par un interne en médecine et huit antibiothérapies l’ont été par un praticien hospitalier.

Données sur l’infection

Pour les 23 patients, les sites d’infections traités sont les suivants : 18 sites urinaires, deux sites pulmonaires, deux sites prostatiques et un site digestif. La majorité (83 %) des infections traitées n’étaient pas présentes à l’admission et s’étaient déclarées au minimum 48 heures après l’hospitalisation; elles sont donc considérées comme liées aux soins.

Tous les patients ayant une infection urinaire soupçonnée ont fait l’objet d’une analyse d’urine par bandelette urinaire et d’un examen cytobactériologique des urines (culture d’urine) avant la mise sous antibiotiques. La bandelette urinaire s’est avérée positive dans tous les cas d’infections urinaires soupçonnées. Parmi les 18 patients traités pour une infection urinaire, quatre étaient traités pour une infection urinaire communautaire soupçonnée et 14 pour une infection liée aux soins (10 de façon probabiliste, quatre après analyse des données de l’antibiogramme) (tableau I).

La figure 1 présente les résultats des dosages de la CRP avant le début de l’antibiothérapie. Une augmentation de la CRP était retrouvée dans 65 % des cas. La médiane de ces valeurs était de 23,8 mg/ml, alors que la normale est inférieure à 5 mg/ml. La figure 2 présente les résultats des dosages des leucocytes sanguins avant le début de l’antibiothérapie. La

médiane de ces valeurs était de 9,6 g/l, alors que la normale est considérée comme étant entre 4 et 10 g/l.

Données sur l’antibiothérapie

L’antibiothérapie par fluoroquinolones est débutée le plus souvent de façon probabiliste ou empirique (70 % des cas). L’ofloxacine est la molécule la plus largement prescrite (96 % des cas), les autres prescriptions étant pour la ciprofloxacine. Nous ne retrouvons pas de prescription d’autres fluoroquinolones dans notre échantillon.

La durée moyenne de l’antibiothérapie prescrite, tous patients confondus, était de six jours (intervalle : 1 à 21 jours). Lorsque l’infection avait été acquise dans la communauté, la durée moyenne était de trois jours (intervalle : 1 à 7 jours). Pour les infections liées aux soins, la durée moyenne était de sept jours (intervalle : 2 à 21 jours). Parmi les 23 prescriptions, trois (13 %) correspondaient à une association avec un antibiotique d’une autre classe pharmacologique (amoxicilline-acide clavulanique, pipéracilline-tazobactam et amikacine), notamment pour le traitement d’une prostatite à Pseudomonas aeruginosa et d’une infection pulmonaire soupçonnée.

Résultats des examens cytobactériologiques des urines et des antibiogrammes

Les analyses des prélèvements bactériologiques réalisés pour 18 des 23 patients étudiés (78 %) ont permis de retrouver au moins une bactérie. Escherichia coli (dont une souche possédant une bêta-lactamase à spectre étendu) correspondait à 60 % des bactéries rencontrées. On retrouvait également des Klebsiella spp., des Proteus mirabilis, des Citrobacter spp. et un Pseudomonas aeruginosa. L’analyse des résultats de l’antibiogramme a révélé que 85 % des bactéries retrouvées étaient sensibles aux fluoroquinolones.

Tableau I. Données détaillées des 23 patients ayant été traités par une fluoroquinolone

Oui n (%)

Non n (%)

ND n (%)

Origine de l’infection

Communautaire 4 (17,4) 0 0

Après 48 heures d’hospitalisation 19 (82,6) 0 0

Signe clinique ou biologique

Hyperthermie 12 (52,2) 11 (47,8) 0

Tachycardie 4 (17,4) 18 (78,3) 1 (4,3)

Augmentation de la CRP 15 (65,2) 5 (21,8) 3 (13,0)

Augmentation du taux des globules blancs 9 (39,1) 8 (34,8) 6 (26,1)

Sonde urinaire 11 (47,8) 12 (52,2) 0

Antibiothérapie

Documentée 7 (30,4) 0 0

Probabiliste 16 (69,6) 0 0

Abréviation : CRP : protéine C-réactive; ND : non documenté

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Données sur la réévaluation de l’antibiothérapie à 48-72 heures

Le tableau II présente les résultats de l’évaluation des dossiers des patients en fonction des différents critères regroupés de la SPILF. La justification d’une première prescription d’antibiotique n’est pas systématiquement notée dans le dossier du patient. Le diagnostic d’une infection présumée bactérienne n’est ainsi retrouvé que dans 61 % des dossiers de patients ayant une infection présumée. Un prélèvement à visée bactériologique est systématiquement réalisé (100 % des cas). L’évaluation de l’antibiothérapie à 72 heures n’est mentionnée que dans 39 % des dossiers médicaux. La durée prévisionnelle de l’antibiothérapie est mentionnée dans le dossier médical ou dans le système informatisé de prescription OrbisMD pour environ 40 % des dossiers. Les résultats des examens microbiologiques sont retrouvés de façon systématique dans le serveur intranet. Cependant le type de bactérie retrouvée dans les prélèvements bactériologiques est consigné de façon plus rare (35 %) dans le dossier médical du patient. La voie orale a été systématiquement respectée (100 % des traitements par fluoroquinolones prescrits par voie orale).

Discussion

Pour préserver l’ensemble des avantages des f luoroquinolones, il est nécessaire de ne pas utiliser cette classe d’antibiotique de façon empirique, sauf dans quelques situations à bas risque définies au préalable. La consommation des fluoroquinolones doit être étroitement liée à leur bon usage. Les établissements hospitaliers se doivent de cibler les indications thérapeutiques de cette famille d’antibiotiques, d’où le rôle important que jouent la commission des anti-infectieux (qui regroupe des infectiologues, des pharmaciens et des anesthésistes et qui décide du référencement des anti-infectieux), les infectiologues, les microbiologistes et les pharmaciens au regard de l’écologie bactérienne de l’établissement.

Dans cette étude, la prescription de fluoroquinolones est réalisée le plus souvent de façon probabiliste (70 %). L’enjeu étant de protéger cette classe thérapeutique d’antibiotique, une étude de pertinence pourrait permettre de déterminer si la prescription réalisée avant que ne soient connues la nature ou la sensibilité du microorganisme responsable de l’infection est justifiée. En effet, il existe des indications pour lesquelles les fluoroquinolones peuvent être le traitement de choix, comme les pyélonéphrites aigües simples ou les prostatites aigües. Néanmoins, parmi les nombreuses indications que possède cette classe d’antibiotique, très peu n’offrent aucune autre option thérapeutique11.

En 2015, la SPILF a publié de nouvelles recommandations sur le traitement des infections urinaires acquises de façon communautaire10. Dans notre étude, quatre jeunes patients ont débuté une antibiothérapie par fluoroquinolones après avoir eu une bandelette urinaire positive, sans présenter de signes biologiques d’infection ni d’hyperthermie. Dans une telle situation, les recommandations de la SPILF conseillent un traitement court. La question de disposer au CHU d’un

Figure 1. Distribution de la CRP des patients traités avec des fluoroquinolones, avant le début de l’antibiothérapieAbréviation : CRP : protéine C-réactive

Figure 2. Distribution du taux des leucocytes sanguins des patients traités avec des fluoroquinolones, avant le début de l’antibiothérapieAbréviation : G/L : milliards de cellules par litre

Tableau II. Répartition des 23 dossiers retenus selon les critères de réévaluation de l’antibiothérapie de la SPILF

Oui n (%)

Non n (%)

NA n (%)

Diagnostic noté dans le DP 14 (60,9) 9 (39,1) 0

Prélèvements réalisés 23 (100) 0 0

Évaluation à 48-72 heures mentionnée dans le DP 9 (39,1) 12 (52,2) 2 (8,7)

Arrêt ou poursuite du traitement après l’évaluation 14 (60,9) 7 (30,4) 2 (8,7)

Résultats des examens microbiologiques notés dans le DP

15 (65,2) 0 8 (34,8)

Ajustement à l’antibiogramme 10 (43,5) 2 (8,7) 11 (47,8)

Relais oral 0 0 23 (100)

Durée prévisionnelle de l’antibiothérapie précisée 9 (39,1) 10 (43,5) 4 (17,4)

Association de plusieurs antibiotiques maintenue plus de 3 jours

0 2 (8,7) 21 (91,3)

Abréviations : DP : dossier patient; NA : non applicable; SPILF : Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française

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En effet, le bon usage des antibiotiques doit tenir compte de la qualité des prescriptions d’antibiotiques. La réévaluation de l’antibiothérapie fait partie intégrante de cette qualité. Cette réévaluation est essentielle, car elle peut permettre de diminuer la consommation d’antibiotiques et donc la pression de sélection et la prévalence des bactéries multirésistantes19.

La réévaluation à 48-72 heures de l’antibiothérapie par fluoroquinolones est mentionnée dans 39 % des dossiers des patients de notre étude. Certaines publications font mention de cette réévaluation à des taux plus élevés que ceux observés dans notre étude (65 à 74 %)20-22. Ce taux plus élevé peut s’expliquer par le fait que l’une des études a été réalisée au sein d’une unité de réanimation, dans laquelle les médecins portent une attention plus grande à la réévaluation de l’antibiothérapie, en raison notamment des problèmes que posent les bactéries multirésistantes au quotidien23. Pour les deux autres études, la réévaluation de l’antibiothérapie a été considérée comme réalisée sur la base des résultats microbiologiques, de l’efficacité clinique, des effets indésirables rencontrés et de l’adaptation du traitement aux recommandations officielles20,21. Dans notre étude, la réévaluation a été jugée conforme quand elle était notée dans le dossier du patient. La réalisation systématique d’un examen bactériologique avant la mise sous antibiothérapie a probablement favorisé cette réévaluation. Cependant les résultats de cet examen n’ont pas toujours été consignés dans le dossier du patient comme le demandent les critères de la SPILF.

Le principal problème relevé durant cette enquête est le manque de données dans le dossier du patient (format papier), notamment celles liées aux critères de la SPILF. En effet, bien que ces derniers soient souvent connus des médecins, les données correspondantes ne sont pas consignées de façon systématique dans le dossier du patient. Avec la prescription informatique, il conviendrait de créer un formulaire que le médecin devrait remplir après 72 heures de traitement par antibiotique. Ce formulaire reprendrait les critères de la SPILF et serait archivé directement dans le dossier du patient.

La principale limite de cette étude vient de la petite taille de l’échantillon. En effet, la courte durée d’inclusion n’a pas permis d’obtenir un échantillon assez important. Le recrutement dans les services de neurologie en est certainement la cause, puisque les fluoroquinolones sont connues pour leur effet pro-convulsivant.

Conclusion

Cette étude reflète l’utilisation de fluoroquinolones dans les services de soins neurologiques de notre CHU. L’utilisation de cette classe d’antibiotique est mal connue, mais nous pouvons y remédier en se posant quelques questions : quel est le site à traiter? Le patient présente-t-il des critères biologiques et cliniques d’infection? Quelles sont les dernières recommandations officielles en ce qui concerne l’antibiothérapie de choix? La réévaluation de l’antibiothérapie, bien qu’elle soit le plus souvent réalisée, n’est pas toujours consignée dans le dossier de soins du patient. Une étude de la pertinence des prescriptions de fluoroquinolones permettrait d’évaluer les pratiques

traitement antibiotique dit « minute » ou ne nécessitant qu’une seule prise médicamenteuse (autre qu’une fluoroquinolone) de la cystite aigüe peut se poser pour les infections communautaires se révélant dans les 48 heures après l’hospitalisation. Lorsqu’on soupçonne une infection urinaire liée aux soins avec un risque de complications, un traitement par fluoroquinolones doit être raisonné afin de contrôler l’émergence de résistances bactériennes, malgré l’efficacité de cette famille d’antibiotiques sur les bactéries à Gram négatif12. Il serait intéressant de travailler sur la création de protocoles informatisés pour la prise en charge empirique d’infections communautaires ou liées aux soins. Ces protocoles pourraient servir aux services d’hospitalisation traditionnelle et généraliser ainsi le bon usage de l’antibiothérapie.

Par ailleurs, il faut éviter de prescrire des fluoroquinolones lorsque cette classe thérapeutique a déjà été utilisée dans les six mois précédents. En effet, la réutilisation de fluoroquinolones durant cette période accroit le risque d’infections urinaires ou pulmonaires à entérobactérie résistante aux fluoroquinolones13. Les professionnels de la santé ignorent souvent cette information et, dans notre étude, aucune notion d’antécédents d’antibiothérapie n’était mentionnée dans le dossier du patient. La création d’un mémo pour le prescripteur – reprenant les règles de prescription d’un antibiotique en fonction du lieu d’infection – ou encore la désignation dans chaque service d’un médecin référent en infectiologie pourraient servir de relais aux équipes spécialistes d’infectiologie. Le mémo pourrait également mentionner la recherche systématique de différents critères cliniques et biologiques (hyperthermie, augmentation de la CRP, augmentation du taux des leucocytes sanguins) pour faciliter la prise de décision quant à la prescription d’une antibiothérapie. Il permettrait également de rappeler la biodisponibilité de ces molécules et ainsi de favoriser la voie orale par rapport à la voie intraveineuse. Dans notre étude, 100 % des fluoroquinolones ont été prescrites par voie orale, ce qui favorise très certainement une diminution des coûts de santé et des complications infectieuses14.

L’hyperthermie est un signe clinique capital pour le clinicien, car elle témoigne d’un processus pathologique responsable d’une réaction inflammatoire générale de l’organisme. Cependant, l’hyperthermie n’est pas systématiquement synonyme d’infection et encore moins d’une infection d’origine bactérienne. Le diagnostic d’infection bactérienne doit intégrer des éléments cliniques et biologiques, le plus souvent une numération de la formule sanguine et un résultat de la CRP. L’étude rapporte une médiane des dosages de la CRP à 23,8 mg/ml. Outre le fait que cette dernière soit peu élevée, elle manque également de spécificité (66 à 85 %)15,16. Cependant ce dosage est encore largement utilisé, malgré la publication d’études qui prouvent qu’il possède une faible valeur prédictive positive et qu’il est d’une faible utilité pour le suivi du patient sous traitement antibiotique17,18. Le dosage de la CRP devrait être considéré comme un des éléments d’un faisceau d’arguments et non de manière isolée. Ces différents critères cliniques et biologiques permettent d’apprécier la prise en charge thérapeutique et donc la qualité de la prescription d’une antibiothérapie.

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professionnelles de divers services hospitaliers. Des protocoles informatisés de prise en charge empirique d’infections communautaires et nosocomiales permettraient d’étendre le champ d’action à tous les antibiotiques. Il convient également de trouver un moyen d’avoir une réévaluation à 48-72 heures du début d’une antibiothérapie, par exemple sous la forme d’une alerte au sein du logiciel informatique. Enfin, la désignation pour chaque pôle d’un médecin référent en antibiothérapie, qui serait en étroite collaboration avec un infectiologue, pourrait être un bon moyen de promouvoir les bonnes pratiques de prescriptions des anti-infectieux.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

1. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Circulaire DHOS/E 2 - DGS/SD5A n° 2002-272 du 2 mai 2002 relative au bon usage des antibiotiques dans les établissements de santé et à la mise en place à titre expérimental de centres de conseil en antibiothérapie pour les médecins libéraux. [en ligne] http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/ 2002/02-21/a0212060.htm (site visité le 25 juin 2015).

2. Haute Autorité de Santé. Décision n° 2014.0018/DC/SBPP du 5 février 2014 du collège de la Haute Autorité de santé adoptant la fiche mémo « Principes généraux et conseils de prescription des antibiotiques en premier recours ». [en ligne] h t tp : / /www.has -san te . f r / po r t a i l / j cms / c_1725438/en/decision-n2014-0018/dc/sbpp-du-5-fevrier-2014-du-college-de-la-haute- autorite-de-sante-portant-adoption-de-la-fiche-memo-principes-generaux-et-conseils-de- prescription-des-antibiotiques-en-premier- recours (site visité le 25 juin 2015).

3. Haute Autorité de Santé. Fiche mémo « Principes généraux et conseils de prescription des antibio-tiques en premier recours ». [en ligne] http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1723138/fr/principes-generaux-et-conseils-de-prescription-des-anti biotiques-en-premier-recours (site visité le 25 juin 2015).

4. Ministère du travail, de l’emploi et de la santé. Plan national d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016. [en ligne] http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_antibiotiques_2011-2016_.pdf. (site vi-sité le 25 juin 2015).

5. Haute Autorité de Santé. Stratégie d’antibiothé-rapie et prévention des résistances bactériennes en établissement de santé. [en ligne] http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/bon_usage_des_antibiotiques_rapport_complet.pdf (site visité le 25 juin 2015).

6. Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Circulaire interministérielle n° DGS/DHOS/DGAS/2009/264 du 19 août 2009 relative à la mise en œuvre du plan stratégique

national 2009-2013 de prévention des infections associées aux soins. [en ligne] http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/circulaire_264_190809.pdf (site visité le 25 juin 2015).

7. Ministère des affaires sociales et de la santé. Ins-truction n° 103 du 15 mars 2013 relative au bilan des activités de lutte contre les infections no-socomiales dans les établissements de santé pour l’année 2012 (ICATB2). [en ligne] http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2013/13-04/ste_20130004_0100_0051.pdf (site visité le 25 juin 2015).

8. Haute Autorité de Santé. Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé. [en ligne] http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1085389/fr/cadre-reglementaire-de-la-prise-en-charge- medicamenteuse-en-etablissement-de-sante -evolutions-recentes (site visité le 25 juin 2015).

9. Haute Autorité de Santé. Manuel V2010 de cer-tification des établissements de santé, avril 2011. Manuel V2014, janvier 2014

10. Société de pathologie infectieuse de langue fran-çaise. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bactériennes communautaires de l’adulte. [en ligne] http://www.infectiologie.com/UserFiles/File/spilf/recos/infections-urinaires-spilf.pdf (site visité le 18 janvier 2016).

11. Agence française de sécurité sanitaire des pro-duits de santé. Indications essentielles des fluo-roquinolones et alternatives thérapeutiques. [en ligne] http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/ original/application/9a8517d58f9b3613c4b be589c36e6545.pdf (site visité le 25 juin 2015).

12. Conférence de consensus co-organisée par la société de pathologie infectieuse de langue fran-çaise et l’association française d’urologie, 2002. Infections urinaires nosocomiales de l’adulte. [en ligne] http://www.infectiologie.com/site/medias/_ documents/consensus/iun-02.pdf (site visité le 25 juin 2015).

Références

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15. Póvoa P. C-reactive protein: a valuable marker of sepsis. Intensive Care Med 2002;28:235-43.

16. Simon L, Gauvin F, Amre DK, Saint-Louis P, Lacroix J. Serum procalcitonin and C-reactive protein levels as markers of bacterial infection: a systematic review and meta-analysis. Clin Infect Dis 2004; 39:206-17.

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20. Piednoir E, Borderan G-C, Krug E, Verger P, Le Dinh T. Évaluation de l’utilisation des antibiotiques dans un centre hospitalier général. Hygiènes 2007;15:150-7.

21. Mechkour S, Vinat A, Yilmaz M, Faure K, Grand-bastien B. Quality of antibiotic (fluoroquinolones, aminosids and amoxicillin-clavulanic acid) pres-cription in a French teaching hospital. Pathol Biol (Paris) 2011;59:9-15.

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Abstract

Objective: The objective of this study was to explore fluoroquinolone prescribing practices in neurology departments in France, with a focus on the reassessment at 48 to 72 hours after initiation of the antibiotic therapy.

Background: Fluoroquinolones are widely prescribed antibiotics. There are many approaches for improving the quality of antibiotic prescribing. One of them is a reassessment of the antibiotic therapy at 48 to 72 hours.

Results: This descriptive, prospective study based on a compilation of computerized prescriptions for fluoroquinolones was carried out in neurology departments over a 3-month period. Twenty-three fluoroquinolone prescriptions were selected. Nineteen (83%) of the treated infections were nosocomial, and 16 (70%) were empirical. The median C-reactive protein level was 23.8 mg/mL (range: 0.7 to 69.8 mg/mL), and the median leucocyte count was 9.6 g/l (range: 7.3 to 19.7 g/l). The mean duration of antibiotic therapy was six days. A reassessment of the antibiotic therapy at 48 to 72 hours was mentioned in the patient’s chart in 39% of the cases.

Conclusion: The use of fluoroquinolones should be reserved for targeted infections to reduce the risk of resistance to this class of antibiotics. Consideration might be given to creating protocols for the empirical management of nosocomial infections. Reassessing antibiotic therapy at 48 to 72 hours is essential and should be generalized. Computerizing these steps could help achieve this.

Keywords: Appropriate use, fluoroquinolones, reassessment at 48 to 72 hours.

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GESTION

Pour toute correspondance : Hugo Schérer, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5 CANADA; Téléphone : 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : [email protected]

Médicaments en possession des patients : état des lieux, audits et changements de pratique

Hugo Schérer1,2, Pharm.D., M.Sc., Guillaume Duchesne-Côté1,3, B.Sc, M.Sc., Pharm.D., Maxime Thibault2, B.Pharm., M.Sc., Suzanne Atkinson4, B.Pharm., M.Sc., Jean-François Bussières5,6, B.Pharm., M.Sc., FCSHP 1 Candidat à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;

2Pharmacien, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 3Pharmacien, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Chicoutimi (Québec) Canada; 4 Pharmacienne, Adjointe aux services pharmaceutiques, à l’enseignement et la recherche, Département de pharmacie et Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;

5 Pharmacien, Chef du département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;

6Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 26 novembre 2015; Accepté après révision le 6 janvier 2016

Résumé

Objectif : L’objectif de cet article est de réévaluer la pratique entourant la gestion des médicaments personnels des patients hospitalisés au Centre hospitalier universitaire SainteJustine.

Description de la problématique : Dans notre établissement, les médicaments personnels des patients sont utilisés sur une base exceptionnelle, en accord avec le cadre juridique et normatif. Toutefois, l’équipe pharmacie ne vérifie pas la correspondance contenant-contenu des médicaments personnels et d’autres éléments pourraient être améliorés.

Résolution de la problématique : Après avoir effectué une revue documentaire et quatre audits de pratique, nous avons revu la politique et procédure entourant la gestion des médicaments personnels de patients et portant sur 12 éléments différents. La révision de la politique a permis de clarifier les situations d’exception qui autorisent le recours aux médicaments personnels et d’exiger qu’un pharmacien effectue une vérification contenant-contenu des médicaments personnels.

Conclusion : Cette étude descriptive met en évidence une démarche structurée de révision de la pratique entourant la gestion des médicaments personnels de patients en établissement de santé.

Mots clés : Agrément, audit, médicaments personnels, possession

Introduction

Au Canada, plus de 47 000 produits de santé figurent dans la Base de données sur les produits pharmaceutiques de Santé Canada1. Pourtant, le chef d’un département de pharmacie d’un établissement de santé québécois ne sélectionne généralement que quelques milliers de produits pour sa liste locale, afin d’assurer une gestion optimale de ces ressources2. Il est donc raisonnable de penser qu’une proportion importante de patients utilisent à domicile d’autres médicaments que ceux inscrits à la liste locale de l’établissement où ils seront hospitalisés. Les pharmaciens hospitaliers sont confrontés quotidiennement à cette situation et procèdent à des substitutions avec l’équipe

traitante. Dans certains cas, il faut toutefois recourir de façon exceptionnelle aux médicaments en possession des patients au moment de leur admission pour pouvoir assurer la continuité de leur traitement3-5.

Une étude canadienne menée en 2004 par Lummis et coll. rapporte que 98 % des 86 hôpitaux sondés avaient recours aux médicaments personnels des patients dans certaines situations5. Plusieurs motifs sont évoqués pour justifier une telle approche, comme d’offrir une continuité des soins, d’éviter les délais d’administration des doses médicamenteuses et de réduire les pertes au minimum. Les patients qui apportent leurs médicaments au moment de leur admission à l’hôpital peuvent participer plus activement à l’établissement du meilleur schéma

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Règlement d’application de la Loi sur l’assurance-hospitalisation ne limite pas la fourniture des médicaments au seul motif de l’hospitalisation. Il vise aussi d’autres circonstances où des clientèles ambulatoires (personnes inscrites) doivent avoir accès à des services assurés fournis par le centre hospitalier. Si ce service comprend l’administration d’un traitement médicamenteux, le médicament est indissociable d’un tel service assuré. […] Quant à l’utilisation de la médication personnelle de l’usager admis, celle-ci doit demeurer l’exception. Dans ce cas, l’usager doit être informé et donner son consentement. Les anovulants pris à des fins contraceptives pourraient faire l’objet d’une telle exception, comme les médicaments en étude clinique ou du programme d’accès spécial de Santé Canada, qui sont obtenus d’un autre établissement11. »

Enfin, en vertu des normes sur la gestion des médicaments, Agrément Canada exige au critère 2.13 :

« [que le] comité interdisciplinaire élabore un processus pour s’occuper des médicaments apportés dans l’organisme par les usagers et les familles. Le processus précise que les médicaments apportés par les usagers et les familles sont soumis aux processus de gestion des médicaments de l’organisme, ainsi qu’aux règlements applicables. De plus, le processus permet de savoir quand et comment de tels médicaments peuvent être utilisés, porte sur l’inspection visuelle des médicaments, sur l’interdiction d’utiliser des médicaments qui ne peuvent facilement être identifiés, le rangement ou l’élimination appropriés des médicaments, et sur la remise des médicaments aux usagers et aux familles à la fin des services ou au transfert, s’il y a lieu12. »

Situation au CHU Sainte-Justine

Au CHU Sainte-Justine, le recours aux médicaments personnels est globalement interdit, et l’établissement respecte le cadre juridique et normatif en vigueur. Toutefois, dans certaines situations, l’établissement a recours aux médicaments personnels, notamment aux anovulants en cours de traitement, à certaines formes médicamenteuses topiques multi-doses non inscrites à la liste (comme des crèmes topiques) lors de court séjour à l’hôpital, ainsi qu’à des médicaments de recherche clinique dispensés dans le cadre d’un protocole. Exceptionnellement, le centre a parfois également recours aux médicaments personnels pour des médicaments par voie orale non inscrits à la liste locale lorsqu’une substitution n’est pas possible et que l’obtention du produit comporte des risques, et pour l’administration de certaines doses ambulatoires lorsqu’aucune autre ressource n’accepte d’administrer le médicament au patient. L’utilisation d’un médicament personnel survient souvent en soirée ou les fins de semaine. L’utilisation d’un médicament personnel sans codification usuelle dans les systèmes d’information contourne les outils pointus de détection en place et pourrait entrainer des erreurs. En effet, le médicament est saisi en texte libre et aucun système expert n’est en mesure de détecter une duplication, une interaction, une allergie, une dose aberrante, etc. En vertu de la règle locale d’émission des ordonnances, le médecin doit prescrire ces médicaments personnels en ajoutant la

thérapeutique possible. De plus, l’étude a révélé que 73 % des établissements sondés disposaient d’une politique encadrant cette pratique5. Les auteurs ont cerné six domaines associés à des enjeux relatifs à l’utilisation de médicaments personnels : la législation, les ressources humaines, le circuit du médicament, l’observance des patients, la communication entre professionnels et la communication aux patients. Si le recours aux médicaments personnels apparaît inévitable dans certains cas, cette pratique n’est pas sans risque. Le personnel infirmier n’est souvent pas en mesure d’identifier le médicament apporté; de plus, des médicaments étiquetés d’une façon différente de celle utilisée à l’hôpital augmente les risques d’erreurs, puisque l’information n’est pas forcément présentée de la même façon6.

L’objectif de cet article est de réévaluer la pratique entourant la gestion des médicaments personnels des patients hospitalisés au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine.

Description de la problématique

Afin de bien cerner le problème, nous avons d’abord revu le cadre juridique et normatif québécois sur ce point.

Cadre juridique et normatif

En vertu des articles 2 et 3 du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance-hospitalisation, un établissement de santé est tenu de fournir gratuitement les médicaments prescrits « à la condition qu’ils soient nécessaires suivant l’avis d’un médecin et qu’ils soient administrés dans le centre hospitalier »7. En vertu de l’article 77 du Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements, le chef de département de pharmacie doit notamment « [sélectionner], après consultation du comité de pharmacologie, les médicaments pour l’utilisation courante dans le centre hospitalier à partir de la liste visée à l’article 150 de la Loi et en fonction de leur dénomination commune, de leur teneur et de leur forme pharmaceutique »8. En vertu de l’article 84, il doit également, entre autres, « contrôler l’utilisation des médicaments dans le centre » et « élaborer les règles d’utilisation des médicaments et les modalités régissant l’émission et l’exécution des ordonnances dans le centre »8. En vertu de l’article 116 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, un établissement doit fournir des médicaments inscrits à la Liste des médicaments – Établissements dressée par le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec; il peut toutefois fournir des médicaments qui ne sont pas inscrits sur cette liste en cas de nécessité médicale particulière9. En 1997, l’Ordre des pharmaciens a émis un énoncé de position sur le sujet10.

En vertu de la circulaire administrative 2000-033, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec rappelle les points suivants :

« L’établissement a l’obligation de fournir les médicaments prescrits par le médecin et nécessaires au maintien ou à l’amélioration de la santé d’une personne admise (hébergée au sens de ce règlement), à même les ressources qui lui sont consenties. Le

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mention « En possession du patient ». Cette mention est indiquée sur la feuille d’administration des médicaments (FADM), ce qui permet à l’infirmière de confirmer la validité de l’ordonnance. Toutefois, il revient actuellement à l’infirmière de confirmer l’identité du produit en comparant la FADM à l’étiquette du produit dispensé en pharmacie d’officine et remis par le patient durant son séjour. Ces médicaments « en possession du patient » sont conservés dans le chariot de médicaments, compte tenu que la majorité des patients sont âgés de moins de 18 ans. Dès que le produit est requis à moyen terme et disponible localement, il est dispensé par la pharmacie de l’hôpital.

Résolution de la problématique

En préparation à la visite d’agrément et en partant du principe que la pratique actuelle pourrait être améliorée, nous avons mené quatre audits. Dans un premier temps, nous avons tenté de quantifier le recours aux médicaments personnels. À partir du dossier pharmacologique informatisé (GesPhaRxMD, [email protected] Inc., Québec, Canada), nous avons extrait toutes les ordonnances datées du 1er janvier 1999 au 31 mars 2015 et qui comportaient la mention « possession » en texte libre dans l’une des sept lignes de texte par ordonnance. Au total, 953 ordonnances ont été repérées avec un nombre moyen de 58 ± 54 ordonnances par année (min : 1; max : 169). Ces ordonnances proviennent des secteurs de pratique suivants : hémato-oncologie (38,7 %), obstétrique (17,7 %), pédiatrie (13,2 %), multispécialité (10,0 %), chirurgie (6,5 %), soins intensifs (1,8 %) ou néonatalogie (1,1 %), clinique externe (3,0 %), centre de réadaptation (2,2 %), service des urgences (1,0 %), autre (5,3 %). En ce qui concerne la voie d’administration, ces ordonnances se répartissent comme suit : voie orale (72,1 %), voie injectable (13 %), voie inhalée (8,7 %), voie topique (2,8 %), autre (3,4 %).

Les dix médicaments les plus fréquemment prescrits sur ces ordonnances sont les suivants : mercaptopurine, isotrétinoïne, calcium, fer, insuline, facteur stimulant les colonies de granulocytes (G-CSF), méthylphénidate, lévétiracétam, salbutamol et dasatinib. Étant donné qu’une mise à jour de la liste locale avait lieu, certains de ces médicaments personnels ont été ajoutés à la liste en cours de route.

Dans un second temps, nous avons tenté de quantifier les incidents et les accidents liés à l’utilisation des médicaments personnels. Nous avons extrait du registre local des incidents et des accidents (GesRiskMD, Optimum Conseil, St-Hyacinthe, Canada) tous les événements qui comportaient les termes « possession, domicile, maison, apport » entre le 1er avril 2004 et le 31 décembre 2014. Chaque saisie d’événement comportant ces termes a fait l’objet d’une évaluation afin d’en confirmer la pertinence. Au total, 44 événements semblent liés à l’utilisation des médicaments personnels des patients, ce qui représente 0,21 % (44/20 203) de l’ensemble des événements liés à la médication. En ce qui concerne leur gravité, ces événements sont des incidents (type A : 1, type B : 7) ou des accidents (type C : 27, type D : 8, type F : 1). En ce qui concerne le secteur de pratique, ces événements surviennent dans les services de chirurgie (n = 12; 27,2 %), de pédiatrie (n = 9; 20,5 %), de multispécialité (n = 8; 18,2 %), d’hémato-oncologie

(n = 7; 15,9 %), d’obstétrique-gynécologie (n = 2; 4,5 %) ou dans d’autres services (n = 6; 13,6 %). Trente-six de ces événements constituent des accidents au sens de la loi. Ces événements ont notamment eu pour conséquence un délai d’administration ou un écart d’horaire (n = 15; 34,1 %), une omission d’administration (n = 7; 15,9 %), une erreur de dose (n = 5; 11,4 %), une erreur de médicament administré (n = 4; 9,1 %) ou d’autres répercussions (n = 5; 11,4 %).

Dans un troisième temps, nous avons sondé le personnel soignant afin de cerner leurs perceptions vis-à-vis les médicaments personnels. Nous avons élaboré un questionnaire de 21 questions dont nous avons fait l’essai auprès de deux sujets potentiels afin d’en vérifier la clarté et l’applicabilité. Nous avons publié une version papier et une version électronique (SurveyMonkeyMD, Palo Alto, États-Unis) de ce questionnaire. L’ensemble des médecins (n = 400) et des pharmaciens (n = 36) du CHU Sainte-Justine ont été rejoints par courriel. Les chefs d’unités et les cadres conseils ont remis la version papier du questionnaire à 253 infirmières. Le sondage a été réalisé du 3 juin au 24 août 2015. Le sondage informait les participants que les résultats anonymes seraient publiés.

Au total, 281 personnes (122 en ligne, 159 par écrit) ont répondu au sondage (taux de réponse de 41 %). Les enquêtés étaient des infirmières (79,6 %), des médecins (17,5 %) et des pharmaciens (3,2 %). Seulement 8,8 % des personnes qui ont répondu au sondage (23/260) ont été exposées dans leur pratique à une erreur liée aux médicaments personnels. Les réponses obtenues, qui figurent dans le tableau I, confirment la nécessité de clarifier la politique et procédure entourant l’utilisation des médicaments personnels au CHU Sainte-Justine.

Dans un quatrième temps, nous avons contacté par courriel les ordres professionnels de pharmaciens au Canada afin de confirmer l’encadrement juridique de l’utilisation des médicaments personnels. Seuls trois ordres (Québec, Manitoba et Nouveau-Brunswick) ont fourni des réponses; il n’existe pas d’encadrement normatif.

Notre revue documentaire et nos quatre audits de pratique nous ont permis de revoir la politique et procédure entourant la gestion des médicaments personnels de patients et portant sur les 12 éléments suivants : situation d’util isation, entreposage, prescription, validation, identif ication, vérif ication de l’intégrité, étiquetage, administration, documentation, consentement, reservice et situations particulières. Une nouvelle politique a été conçue, pour permettre notamment de clarif ier les situations d’exception autorisant le recours aux médicaments personnels, d’exiger qu’un pharmacien de l’étage ou de la pharmacie centrale effectue une vérification contenant-contenu des médicaments personnels, d’assurer une documentation de cette validation à la FADM et de mettre à jour la politique et procédure. Une phase pilote de 14 jours a permis de vérifier la faisabilité de cette nouvelle politique et la compréhension du personnel, suivie de la mise en œuvre définitive de la politique. Une formation en ligne a été ajoutée à l’intranet de la pharmacie à l’intention du personnel soignant. Enfin, les fruits de cette démarche ont été présentés au comité de pharmacologie pour une adoption et une diffusion à l’échelle de l’établissement.

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Conclusion

Cette étude descriptive présente une démarche structurée de révision de la pratique entourant la gestion des médicaments personnels de patients en établissement de santé. Nous avons quantifié le recours à ces médicaments à l’aide d’un audit du système informatique et nous avons dénombré les incidents et les accidents liés à cette utilisation. De plus, nous avons évalué la perception du personnel soignant à l’aide d’un sondage et contacté les ordres professionnels de pharmaciens. Cette étude nous a permis de revoir la politique et procédure de notre établissement concernant l’utilisation des médicaments personnels, de créer une formation en ligne sur le sujet et de présenter les modifications de la politique et procédure au comité de pharmacologie.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d'intérêts en relation avec le présent article.

Tableau I. Avis agrégés du personnel soignant (infirmières, médecins, pharmaciens) envers les médicaments en possession des patients.

Énoncés Nombre d’enquêtés

Toujours/ souvent (%)

Parfois/ jamais (%)

Ne sait pas (%)

Toute dose de médicament « en possession du patient » est prescrite par un médecin au dossier médical. 256 67,6 25,0 7,4

Toute ordonnance d’un médicament « en possession du patient » est réévaluée par le médecin pour sa pertinence avant d’être prescrite au CHU Sainte-Justine.

254 65,4 19,3 15,4

L’accord du patient est toujours demandé avant de décider d’utiliser des médicaments provenant de son stock personnel.

256 65,2 20,3 14,5

Toute ordonnance de médicament est télécopiée à la pharmacie même si elle est « en possession du patient ». 251 67,3 16,7 15,9

Toute dose de médicament « en possession du patient » est administrée par une infirmière (c.-à-d. que le patient ne prend pas lui-même ce médicament sans surveillance).

251 47,0 42,2 10,8

Toute dose de médicament « en possession du patient » est inspectée par un pharmacien pour confirmer son identité et son intégrité.

253 19,0 41,5 39,5

Toute dose de médicament « en possession du patient » est inscrite sur la FADM si elle est donnée par l’infirmière.

254 79,1 9,4 11,4

Toute dose de médicament « en possession du patient » est inscrite sur la FADM si le patient la prend par lui-même.

252 67,9 15,1 17,1

Les médicaments personnels non requis sont rapportés à la maison par un proche dès que possible. 254 40,6 29,5 29,9

Il est possible d’avoir recours aux médicaments provenant du stock personnel d’un patient. 252 21,0 68,7 10,3

Il est sécuritaire d’avoir recours aux médicaments provenant du stock personnel d’un patient. 253 23,9 68,5 7,6

Un médecin ne devrait prescrire que des médicaments inscrits à la liste locale du CHU Sainte-Justine pour assurer des soins sécuritaires.

253 48,6 32,0 19,4

Abréviations : CHU : Centre hospitalier universitaire; FADM : feuille d’administration des médicaments

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Abstract

Objective: The objective of this article is to reevaluate practices concerning the management of personal medications of inpatients at the Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

Problem description: In our facility, patients' own medications are used on an exceptional basis in accordance with the legal and normative framework. However, containers of personal medications do not undergo container-contents verification by the pharmacy team. Other aspects could be improved as well.

Problem resolution: Based on a literature review and four audits of current practice, we revised the policy and procedure dealing with the management of patients’ own medications. The revised version contains 12 items. Revising the policy enabled us to clarify the exceptional situations where the use of personal medications is allowed and to require container-contents verification of personal medications by a pharmacist.

Conclusion: This descriptive study presents a structured approach to revising practices involving the management of patients’ personal medications in health-care facilities.

Keywords: Accreditation, audit, personal medications, possession.

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RISQUES, QUALITÉ, SÉCURITÉ

Pour toute correspondance : Olivia Dalleur, Louvain Drug Research Institute, Université catholique de Louvain, Avenue E Mounier, 72 Bte B1.72.02, Be-1200 Bruxelles, BELGIQUE; Téléphone : 00 32 2 764729; Télécopieur : 00 32 2 2764.7373; Courriel : [email protected]

La nouvelle version des critères STOPP/START adaptée en français

Olivia Dalleur1,2, M.Pharm., Ph.D., Pierre Olivier Lang3,4, MD, MPH, Ph.D., PD, Benoit Boland5,6, MD, Ph.D. 1Chercheur, Clinical Pharmacy Research Group, Louvain Drug Research Institute, Université catholique de Louvain, Belgique;2Pharmacienne, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique;3Gériatre, Service de gériatrie et de réhabilitation gériatrique, Département de Médecine, Centre hospitalier universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse;4Professeur agrégé, Health and Wellbeing Academy, Anglia Ruskin University, Cambridge, Royaume-Uni;5Gériatre, Service de Gériatrie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique;6Chercheur, Institut de Recherche Santé et Société, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique

Reçu le 17 novembre 2015; Accepté après révision le 19 novembre 2015

Résumé

Objectif : Cet article présente la nouvelle version en anglais des critères STOPP/START ainsi que son adaptation en français. Les critères STOPP/START forment un outil de détection des prescriptions potentiellement inappropriées.

Description de la problématique : Les prescriptions médicamenteuses inappropriées entraînent un risque élevé d’effets indésirables, notamment pour les personnes âgées. Leur détection doit être une priorité pour les pharmaciens et les soignants médico-infirmiers.

Résolution de la problématique : Plusieurs projets de recherche et de pratique clinique ont présenté l’utilisation de critères explicites pour détecter les prescriptions potentiellement inappropriées, comme la première version des critères STOPP/START, ainsi que les répercussions de l’utilisation de tels critères. La nouvelle version anglaise des critères STOPP/START.v2, publiée en 2015, a pris en considération les dernières recommandations ainsi que l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments. Un panel international d’experts francophones en a réalisé l’adaptation française. L’outil STOPP/START.v2 fera l’objet de futures études.

Conclusion : La version 2 de l’outil STOPP/START, logique et d’utilisation facile, peut facilement s’intégrer au processus de révision des prescriptions médicamenteuses dans la pratique quotidienne.

Mots clés : Personnes âgées, prescription potentiellement inappropriée, révision des médicaments, STOPP/START

Introduction

L’optimisation des traitements médicamenteux est un aspect fondamental de la prise en charge thérapeutique des patients âgés ou vulnérables. Étant donné la susceptibilité des patients âgés aux effets indésirables, leur régime médicamenteux ne peut être similaire à celui des adultes. Les effets indésirables médicamenteux représentent un problème majeur pour la population âgée, en particulier en présence de fragilité et de comorbidités multiples. De plus, la polymédication – plus de 5 médicaments par jour – et les prescriptions inappropriées favorisent ces effets indésirables1.

Description de la problématique

La détection des prescriptions potentiellement inappropriées doit donc être une préoccupation constante du pharmacien et des autres soignants au cours de la prise en charge de ces patients. La revue systématique des ordonnances est un moyen simple et efficace de diminuer le taux de prescriptions non souhaitables2.

Plusieurs outils permettent d’aider le clinicien au quotidien dans sa tâche de détection des prescriptions inappropriées. Certains, dits explicites, comprennent une série de critères qui permettent de passer en revue le traitement médicamenteux de façon structurée; le plus connu de ces outils est la liste de Beers. Depuis sa première publication en 1991, plusieurs mises à jour ont été proposées3-7. L’utilisation de cette liste pour améliorer la qualité de la prescription pour les patients a fait l’objet de nombreuses publications.

En 2008, une liste de critères qui établit un lien systématique entre un médicament (ou une classe thérapeutique) et une condition médicale a été élaborée sous l’acronyme STOPP/START (Screening Tool of Older Person’s Prescription/Screening Tool to Alert to Right Treatment)8. Cet outil de 87 critères est composé de deux parties distinctes. D’une part, les critères STOPP permettent de détecter les prescriptions inappropriées en raison d’une surutilisation ou d’une mauvaise utilisation médicamenteuse, qui augmenteraient les risques du traitement au détriment de ses avantages. D’autre part, les critères START aident à reconnaître des

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agissent sur plusieurs systèmes physiologiques, ce qui peut parfois compliquer la tâche de l’utilisateur. Une présentation future des critères STOPP par classe médicamenteuse plutôt que par système physiologique pourrait s’avérer plus pratique.

START

Dans sa version 2, la liste START comprend :

1. deux nouveaux appareils et un nouveau système (appareils reproducteur et urinaire; système visuel);

2. une indication de vaccination (annuelle antigrippale; antipneumococcique);

3. des indications médicamenteuses spécifiques en cas de douleur, de goutte, de glaucome, d’hypertrophie prostatique obstructive, d’atrophie vaginale, de syndrome des jambes sans repos, de démence modérée à sévère.

Certains critères concernent des médicaments qui sont eux-mêmes des indications de prescription (méthotrexate et supplémentation en acide folique; corticothérapie orale prolongée et bisphosphonates plus supplémentation en calcium et en vitamine D; traitement opiacé prolongé et laxatif). La portée de 3 critères a été élargie (β-bloquants et insuffisance cardiaque systolique compensée; antidépresseurs de type inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) en cas d’anxiété sévère; vitamine D en cas de chutes, d’ostéopénie ou de vie confinée à l’intérieur). Au total, la liste START est passée de 22 à 34 critères (+ 55 %).

L’adaptation en français

La version française (annexe 1) tient compte des modifications, des clarifications ou des illustrations de certains critères en anglais. Neuf évaluateurs francophones ont participé à cette adaptation10. Les 115 critères de la version française sont identiques par leur classification à ceux de la version anglo-saxonne. Cependant, certains critères ont été adaptés dans leur présentation ou leur formulation. Cette adaptation en français a été validée d’une part par une traduction inverse montrant le respect du sens clinique de la version originale, et d’autre part par le haut niveau de concordance dans l’évaluation de dix vignettes cliniques par les neuf évaluateurs, tant pour STOPP (coefficient de corrélation interclasse [CCI] : 0,849) que pour START (CCI : 0,921).

Les adaptations concernent l’ajout d’exemples fréquents en pratique clinique. Deux critères START ont été précisés :

• A1 : la notion de fibrillation auriculaire paroxystique a été ajoutée.

• D1 : le caractère sévère du reflux gastro-œsophagien a été ajouté, pour éviter une surprescription des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP).

Une explication concise du caractère inapproprié de l’omission a été également ajoutée (cela était déjà précisé dans la version anglaise pour les critères STOPP) et, contrairement à la version anglaise, la version française présente les critères en commençant par la situation médicale, suivie de la question de prescription, ce qui correspond mieux à la logique de la pratique clinique.

situations où un médicament est sous-utilisé ou manquant, bien qu’il s’avère nécessaire. Chaque partie de l’outil est organisée par systèmes physiologiques. Cependant, sept ans après la publication de l’outil, une actualisation de cette liste de critères devenait nécessaire.

Résolution de la problématique

En 2015, les critères STOPP/START ont fait l’objet d’une mise à jour9. Nous présentons ici les particularités de cette deuxième version, ainsi que son adaptation en langue française (annexe 1)10. Les motivations justifiant la mise à jour étaient simples. Premièrement, depuis la publication de l’outil en 2008, sont apparues sur le marché de nouvelles classes thérapeutiques importantes dont la prescription doit être adaptée aux particularités des personnes âgées sous peine de risque iatrogène (p. ex. les anticoagulants oraux directs). Deuxièmement, certains critères devenaient obsolètes au vu des dernières recommandations ou jugés de faible pertinence clinique. Pour cette seconde version, 19 experts internationaux ayant une expertise en pharmacie, en pharmacothérapie, en médecine interne, en médecine générale ou en médecine gériatrique ont participé à la validation de l’outil par la méthode Delphi. Une fois validée, la version 2, publiée en anglais9, a été adaptée en langue française10.

Les mises à jour

La version 2 comprend 115 critères, dont 43 ne faisaient pas partie de la première version. Les nouveaux critères illustrent des résultats récents d’essais cliniques et de revues systématiques, ainsi que des suggestions d’experts. Treize critères de la première version ont été abandonnés.

STOPP

Les principales nouveautés de la liste STOPP concernent :

1. un critère général sur les médicaments sans indication clinique;

2. trois nouvelles catégories de critères (hémostase; altération de la filtration glomérulaire; médicaments anticholinergiques);

3. des critères relatifs à certains médicaments à toujours remettre en question (benzodiazépines et Z-drugs, neuroleptiques, antihistaminiques de 1re génération, fer oral à dose élevée, ticlopidine);

4. des critères portant sur la chronologie du choix médicamenteux (six médicaments à questionner s’ils sont utilisés en première intention dans des situations peu sévères: amiodarone, diurétique de l’anse, antihypertenseur à action centrale, opiacé, antidépresseur tricyclique, fluoxétine);

5. divers autres critères (digoxine et insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée; diurétique de l’anse et œdèmes liés à une insuffisance veineuse ou lymphatique; diurétique thiazidique et troubles ioniques; inhibiteur de l’acétylcholinestérase et bradycardie ou trouble de la conduction).

Au total, la nouvelle liste STOPP est passée de 65 à 81 critères (+ 25 %). Comme dans la version 1, divers médicaments

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Un tableau de synthèse en français reprenant l’ensemble des critères STOPP/START.v2 – présentés par médicaments pour STOPP et par maladies pour START – est disponible en libre accès sur le site de la revue Louvain Médical (www.louvainmedical.be)11.

Discussion

Depuis leur première publication en 2008, les critères STOPP/START ont attiré l’intérêt croissant des chercheurs et des cliniciens. Ces critères ont démontré, pour différentes populations (patients vivant à domicile, en milieu hospitalier, en institutions pour personnes âgées), qu’ils permettaient de déceler le risque de survenue d’effets indésirables12 et d’hospitalisations non-programmées13. L’utilisation systématique de l’outil améliore significativement la qualité des prescriptions14. Utilisés en milieu hospitalier dans les 72 h qui suivent une admission, les critères STOPP/START permettent de réduire le risque d’effets indésirables et la durée d’hospitalisation15,16. L’outil STOPP/START est considéré comme mieux structuré, plus sensible et d’utilisation plus facile que d’autres outils ayant le même objectif17. Une étude australienne a comparé les problèmes détectés par STOPP/START et d’autres outils, dont les critères de Beers 2012, aux problèmes reliés à la pharmacothérapie relevés par des pharmaciens. Cette étude montre que les prescriptions inappropriées détectées par STOPP/START corrèlent le plus aux problèmes relevés par des pharmaciens, tant sur le plan du nombre que de la portée18.

Les répercussions de la seconde version sur la fréquence des effets indésirables restent à déterminer. Deux projets multicentriques européens (SENATOR et OPERAM) visant à répondre à cette question sont en cours. L’intégration des critères aux supports technologiques, comme les aides à la décision dans la prescription informatisée, représente l’un des défis de demain. L’informatisation permettra probablement de favoriser et de faciliter l’utilisation de ces critères et donc d’optimiser la pharmacothérapie du patient âgé.

En pratique courante, l’utilisation de STOPP/START dans le processus de révision des traitements médicamenteux permet de détecter les prescriptions potentiellement inappropriées et d’optimiser le traitement. Les prescriptions potentiellement inappropriées détectées sont alors à analyser en fonction des données individuelles du patient de façon à réviser la médication d’une façon personnalisée et optimale. Le tableau I résume les avantages découlant de l’utilisation de STOPP/START dans la pratique courante.

Conclusion

La version 2 de STOPP/START constitue un outil simple, validé et facile à utiliser, dont une adaptation en langue française est dorénavant disponible et consultable en annexe de cet article. Cet outil permet de passer en revue et d’optimiser les traitements médicamenteux des patients âgés.

Annexe

Cet article comporte une annexe; elle est disponible sur le site de Pharmactuel (www.pharmactuel.com).

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble des experts francophones qui ont collaboré à cette adaptation en français et sans qui ce travail n’aurait pas été possible : Thierry Pepersack (Bruxelles, Belgique), Judith Latour et Isabelle Payot (Montréal, Canada), Moustapha Dramé et Rachi Mahmoudi (Reims, France), Elise Schmitt (Strasbourg, France), Bertrand Guignard et Nicolle Vogt-Ferrier (Genève, Suisse), et Yasmine Hasso (Genolier, Suisse). Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes.

Tableau I. Messages clés pour la révision du traitement médicamenteux d’un patient d’un âge égal ou supérieur à 65 ans en utilisant l’outil STOPP/START.v2

Outil simple et rapide, basé sur des preuves scientifiques et des expériences cliniques.

Démarche systématique, grâce à l’utilisation de cet outil comme liste de vérification.

Avantages démontrés pour la qualité du traitement médicamenteux.

Domaine important de la prise en charge globale du patient âgé.

Dialogue et réflexion sur les traitements médicamenteux à entamer avec le patient.

Réflexion régulière sur la pertinence des traitements médicamenteux chroniques, par exemple lors d’une consultation annuelle consacrée à la révision de ces traitements.

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Abstract

Objective: This article presents the new English version of the criteria in STOPP/START, a tool for detecting potentially inappropriate prescriptions, and its French adaptation.

Problem description: Inappropriate drug prescriptions pose a significant risk of adverse effects, especially in elderly patients. Detecting them should be a priority for pharmacists, physicians and nurses.

Problem resolution: Several clinical research and practice projects, such as the STOPP/START tool, published in 2012, present explicit criteria to be used for detecting potentially inappropriate prescriptions and discuss their impact. A new version of STOPP/START (v2) was published in 2015, in English, taking into consideration the latest guidelines and the arrival of new drugs on the market. A French adaptation was developed by an international panel of French-speaking experts. STOPP/START version 2 will be the subject of future studies.

Conclusion: Version 2 of the STOPP/START tool is logical and easy to use and can be easily incorporated into the drug prescription review process in daily practice.

Keywords: Drug review, elderly patients, potentially inappropriate prescription, STOPP/START.

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AU CENTRE DE L’INFORMATION

Pour toute correspondance : Julie Grenier, Pharmacie Laurier Lavoie et associés, 2905, rue De Celles, Québec (Québec) G2C 1W7, CANADA; Téléphone : 418 667-5499, poste 1313; Télécopieur : 418 780-3894; Courriel : [email protected]

Quelle place prend l’immunothérapie par voie sous-cutanée ou sublinguale dans le traitement de l’asthme et de la rhinite allergique?

Julie Grenier1, B.Pharm., M.Sc. 1Pharmacienne, Groupe Lavoie Pharmacies, Québec (Québec) Canada

Reçu le 17 septembre 2015; Accepté après révision le 4 janvier 2016

Exposé de la question

L’immunothérapie est pertinente lorsque l’arsenal habituel de médicaments ne permet pas d’obtenir une maîtrise acceptable et suffisante des symptômes d’asthme et de rhinite allergique. C’est également une option lorsque l’évitement de l’allergène est impossible ou ne donne pas les résultats attendus1-4. Les allergies affectent actuellement le quart de la population mondiale1,5. Cet article a pour objectif de répondre à la question suivante : « Quelle est la position de l’immunothérapie ciblée par rapport aux standards thérapeutiques pour l’asthme et la rhinite allergique, en monothérapie ou en combinaison? »

Réponse à la question

Environ 300 millions de personnes dans le monde souffrent d’asthme1,6. L’étiologie est allergique dans approximativement 50 % des cas. Jusqu’à 80 % des enfants et adultes atteints d’asthme sont touchés par la rhinite allergique5,7. Pour ces personnes, les études épidémiologiques rapportent que deux tiers présentent au moins un symptôme suffisamment grave pour nuire à la qualité du sommeil, à la productivité ou au bien-être psycho-social6,7. En 2015, Calderón et coll. ont publié un survol des options thérapeutiques disponibles pour les personnes aux prises avec des allergies respiratoires aux acariens7. L’évitement de l’allergène est fortement recommandé. Bien qu’elle soit variable, l’efficacité des antihistaminiques de deuxième génération, des corticostéroïdes intranasaux et des antagonistes des leucotriènes est bien documentée pour la rhinite. Celle des corticostéroïdes inhalés, des bronchodilatateurs à longue durée d’action, des antagonistes des leucotriènes et des anticorps monoclonaux anti-immunoglobuline E (anti-IgE) est bien documentée pour l’asthme allergique, mais cette efficacité ne se prolonge pas au-delà de la durée du traitement8,9. L’immunothérapie ciblée avec des allergènes précis, sans être appuyée par plusieurs données probantes, fait toutefois preuve, quant au soulagement des symptômes, d’une certaine efficacité qui perdure même une fois les traitements terminés, puisqu’un tel traitement modifie la réponse du système immunitaire8,9. Dans le consensus international sur l’immunothérapie en allergie de 2015,

Jutel et coll. rapportent que l’immunothérapie n’est utilisée que par 10 % des personnes atteintes d’asthme ou de rhinite allergique, alors qu’il s’agit du seul traitement documenté qui peut modifier le cours de ces maladies, en modifiant la réponse immunitaire5.

En 1911, les chercheurs Leonard Noon et John Freeman furent les premiers à décrire l’efficacité de l’immunothérapie4,5,7,10. Depuis ce temps, la procédure de désensibilisation est utilisée pour traiter l’hyperactivité des réactions lors d’un contact avec un allergène spécifique d’un anticorps IgE4. En exposant le corps régulièrement à des quantités croissantes d’allergène, une modification du système immunitaire peut être observée et une tolérance à l’allergène se développe graduellement, ce qui entraîne une diminution des symptômes d’allergie6. Les allergènes de la flore diffèrent selon les saisons : au printemps, le pollen des arbres est très présent dans l’air, mais au début de l’été, c’est celui des graminées qui prédomine, lui-même succédé par une abondance de pollen d’herbe à poux. Pour ces allergènes, l’immunothérapie sera présaisonnière dans le cas de monosensibilisation, mais les protocoles annuels sont également suggérés dans les cas de polysensibilisations. Pour les autres allergènes (animaux, acariens ou substances liées au travail), l’immunothérapie sera annuelle6.

Discussion

L’immunothérapie avec des allergènes ciblés est la seule option thérapeutique basée sur l’étiologie de l’asthme et de la rhinite allergique qui permet à l’heure actuelle de modifier l’évolution de ces maladies1,3,5,6,8,9,11. Il a été démontré qu’elle prévient également la survenue de nouvelles allergies et de l’asthme1,12. Son efficacité a pu être démontrée dans des études menées aussi bien auprès d’enfants que d’adultes1,5,13. Le mécanisme de désensibilisation n’est pas complètement défini11. Les modes d’action proposés comprennent l’introduction d’une désensibilisation rapide et de longue durée, une tolérance immunitaire propre aux allergènes ciblés et la suppression de l’inflammation des tissus atteints1,9. Les symptômes et l’utilisation de médicament diminuent et la qualité de vie des personnes s’améliore1,3,9. Afin de cibler les allergènes, le médecin spécialiste procède

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de pollen des graminées, un extrait d’allergène standardisé de petite herbe à poux ou un extrait allergénique standardisé de fléole des prés.

Bien que peu d’études comparatives existent permettant une comparaison directe entre l’ITSC et l’ITSL, les conclusions des auteurs d’études de comparaisons indirectes tendent à démontrer l’efficacité non inférieure de la voie sublinguale par rapport à la voie sous-cutanée, ainsi qu’une innocuité comparable des deux approches thérapeutiques3,9,15. En 2012, Bahceciler a comparé les voies sous-cutanée et sublinguale en utilisant les données disponibles les plus récentes. Il a conclu que l’amélioration clinique survenait plus rapidement avec l’immunothérapie par voie sous-cutanée que par voie orale en raison d’une légère différence dans le blocage des IgE, mais que les deux voies étaient efficaces pour traiter les maladies respiratoires allergiques15. Objectivement, les deux voies d’administration entraînent une augmentation du taux des lymphocytes T1, des lymphocytes T régulateurs et des immunoglobulines G4, ainsi qu’une diminution du taux des IgE8. Yukselen et coll. ont passé en revue quatre essais contrôlés à répartition aléatoire qui comparent directement l’ITSC et l’ITSL pour les asthmatiques. Leurs analyses tendent à démontrer que l’ITSC posséderait une efficacité supérieure, qui se manifesterait en outre plus rapidement16.

L’ITSL avec l’extrait allergénique de pollen des graminées est indiquée pour le traitement des symptômes de la rhinite allergique saisonnière modérée à grave associée au pollen de graminées17. Elle est indiquée pour les personnes de 5 à 50 ans qui ont un test cutané positif au pollen de poacées et qui ont eu une réponse insatisfaisante à la pharmacothérapie conventionnelle deux années consécutives pendant la saison des allergies. Chaque comprimé contient les extraits de pollen lyophilisé de cinq graminées. Le traitement devrait démarrer quatre mois avant le début de la saison des allergies et continuer tout le long de celle-ci. En l’absence d’amélioration après trois saisons, il faut envisager l’interruption du traitement pour les adultes. Pour les enfants, l’expérience avec le produit est seulement d’une saison. Pour tous, l’administration de la première dose doit s’effectuer sous supervision médicale et être suivie d’une période d’observation. Le protocole thérapeutique dure trois jours et consiste en un comprimé par jour en dose croissante, soit 100 IR (indice de réactivité) au jour un, 200 IR au jour deux, la dose d’entretien de 300 IR étant maintenue par la suite. Il est important que les utilisateurs soient capables de reconnaître les réactions indésirables possibles et leur gravité17.

L’ITSL avec l’extrait d’allergène standardisé de petite herbe à poux est indiquée pour les personnes de 18 à 65 ans présentant une allergie à l’herbe à poux et qui ont un test cutané positif pour Ambrosia artemisiifolia. La première dose doit être administrée sous supervision médicale et la personne doit demeurer en observation. Les doses subséquentes peuvent être prises à la maison18.

Enfin, l’ITSL avec l’extrait d’allergène standardisé de fléole des prés est indiquée pour le traitement des signes et des symptômes de l’allergie aux graminées chez les adultes et les enfants d’un âge égal ou supérieur à cinq ans qui ont reçu un diagnostic confirmé de rhinite allergique depuis deux saisons polliniques et qui ont obtenu un test cutané positif pour Phleum pratense19. Les études comparant directement

à une série de tests cutanés et compare leurs résultats aux antécédents de la personne. Ainsi, pour un allergène donné, il faut à la fois un test cutané positif et une corrélation avec les antécédents de la personne par rapport à cet allergène pour commencer l’immunothérapie sous-cutanée ou sublinguale (tableau I)5,6,13,14.

Immunothérapie sous-cutanée

C’est en répétant l’administration de préparations d’allergènes qu’une tolérance immunologique et clinique envers les allergènes ciblés apparaît1,5,6,8. Il existe d’abord une phase d’induction, suivie d’une phase de maintien. La personne peut ensuite être exposée à l’allergène de façon naturelle tout en présentant une diminution des symptômes, voire même, dans 25 % des cas, sans manifester de symptômes d’asthme ou de rhinite7. La préparation d’allergènes est administrée par voie sous-cutanée, puis la réaction locale est mesurée et la rougeur évaluée. Chaque fois que le diamètre de l’induration est inférieur à 50 mm, la dose peut être augmentée11. L'immunothérapie sous-cutanée (ITSC) utilise une dose progressive une ou deux fois par semaine avec deux jours d’intervalle, pour arriver à une dose d’entretien administrée une fois par mois6.

La durée optimale de la désensibilisation sous-cutanée est de trois à cinq ans1,6,10. Par ailleurs, selon plusieurs études, la thérapie semble devenir cliniquement efficace après une période de deux à quatre mois7. Dans le cas où aucune amélioration clinique n’est perçue après une année, il faut réévaluer la pertinence du traitement10. L’effet de la désensibilisation semble persister jusqu’à 12 ans après la fin du traitement11. Les traitements de désensibilisation en mode continu ou en période présaisonnière ont tous les deux été associés à une diminution des symptômes et des recours à la médication pour maîtriser les symptômes d’asthme et de rhinite1. Un traitement de désensibilisation permettrait d’économiser jusqu’à 80 % des coûts des médicaments permettant de soulager les symptômes d’allergie1,3,9.

Immunothérapie sublinguale

En 1998, l’Organisation mondiale de la Santé a accepté l'immunothérapie sublinguale (ITSL) comme choix acceptable en remplacement de l’ITSC13. L’ITSL utilise des comprimés qui contiennent des allergènes lyophilisés. Il existe différents produits pour l’ITSL sur le marché, notamment les comprimés contenant un extrait allergénique

Tableau I. Recommandations de l’AAIQ : consignes avant de passer les tests d’allergie cutanés14

Cessez de prendre tout médicament qui contient des antihistaminiques cinq jours avant le rendez-vous; si vous ne pouvez cesser de les prendre, n’oubliez pas d’en discuter avec l’allergologue. N’hésitez pas à en parler à votre pharmacien.

• P. ex. : desloratadine, hydroxyzine, diphénhydramine, loratadine, cétirizine, kétotifen

Continuez de prendre les médicaments pour soulager les symptômes d’asthme, les crèmes pour traiter l’eczéma, les médicaments inhalés pour le nez et tout autre médicament pris pour traiter une condition médicale autre que les allergies.

Apportez votre profil pharmacologique complet et à jour.

Les tests d’allergie cutanés sont effectués en égratignant la peau. Ils sont inoffensifs et se font en quelques minutes.

Abréviation : AAIQ : Association des Allergologues et Immunologues du Québec

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l’efficacité et l’innocuité de l’ITSC et de l’ITSL sont peu nombreuses et la pratique actuelle repose davantage sur la comparaison indirecte de certains paramètres tels que la maîtrise des symptômes de rhinite allergique ainsi que la diminution de l’utilisation de corticostéroïdes inhalés ou du nombre de réactions systémiques8.

Anticorps anti-IgE

L’omalizumab est un anticorps humanisé recombinant qui se lie spécifiquement aux IgE libres, les empêchant ainsi de s’attacher aux récepteurs présents sur les mastocytes et les basophiles et d’entraîner la libération de médiateurs de la réaction allergique12,20. En 2004, Normansell et coll. ont effectué une revue de la documentation scientifique afin d’évaluer l’efficacité de l’omalizumab par rapport au placebo et aux autres thérapies conventionnelles pour le traitement de l’asthme pour les adultes et les enfants de plus de six ans12. Des 25 études revues, 19 examinaient l’efficacité de l’omalizumab en association avec les corticostéroïdes inhalés. Aucune des études n’a directement comparé l’omalizumab et l’immunothérapie. Un nombre significativement supérieur de personnes recevant l’omalizumab ont pu diminuer ou même cesser l’utilisation de corticostéroïdes inhalés par rapport aux personnes prenant le placebo12. L’omalizumab est une solution de rechange à l’immunothérapie pour les sujets présentant un asthme allergique grave, pour lesquels la sensibilisation à au moins un allergène a été démontrée et qui ne voient pas leurs symptômes maîtrisés avec la thérapie conventionnelle12. Cet anticorps peut servir de prétraitement avant que le patient entreprenne une désensibilisation rapide par immunothérapie afin de réduire le risque de réactions anaphylactiques et d’effets indésirables4,9. Kopp et coll. ont tenté de vérifier les répercussions d’un traitement sur 18 semaines par omalizumab concomitant à une immunothérapie ciblée pour les personnes asthmatiques ou atteintes de rhinites allergiques. Ils n’ont cependant pas pu démontrer d’avantages supplémentaires en matière d’efficacité à long terme découlant de l’ajout de la thérapie anti-IgE, mis à part une diminution des symptômes pendant la période de désensibilisation20.

Limites et contre-indications

Au moment de se tourner vers l’immunothérapie, le médecin et son patient doivent prendre plusieurs facteurs en considération : la disponibilité des allergènes, les facteurs géographiques, le coût du traitement ainsi que les caractéristiques et les préférences de la personne à traiter et du médecin1,11. Dans une revue d’articles publiée en 2011 et soulignant le 10e anniversaire de l’immunothérapie utilisant des allergènes recombinants, les auteurs soulignent le travail important à venir des compagnies pharmaceutiques afin de mettre au point des allergènes à l’aide de matériel recombinant. Ceux-ci seront idéalement plus standardisés afin d’améliorer la qualité des traitements d’immunothérapie sur le marché4. Un asthme grave ou incontrôlé représente une contre-indication potentielle à l’immunothérapie, en raison de la survenue possible d’effets indésirables graves1. D’autres contre-indications à l’immunothérapie comprennent une maladie cardiaque grave, des troubles de la fonction pulmonaire, une angine instable, un évènement cardiovasculaire récent, une fibrillation auriculaire, une

hypertension non contrôlée ou la prise de bêta-bloquants13. Les femmes enceintes peuvent poursuivre un traitement en phase d’entretien, mais il n’est pas recommandé qu’elles commencent un traitement13. Habituellement, les enfants d’un âge égal ou supérieur à cinq ans coopèrent suffisamment bien pour être capables de recevoir l’immunothérapie13. Les effets indésirables peuvent être locaux ou généraux. Les réactions locales surviennent dans environ 0,1 % des injections10,11. La majorité des réactions générales surviennent habituellement dans les 30 minutes suivant l’administration de la préparation d’allergènes10,11. Pour cette raison, les personnes qui reçoivent une injection d’allergènes doivent demeurer sous surveillance étroite pour une période de 30 à 45 minutes après l’injection1,10. L’adhésion thérapeutique est un facteur qui limite l’utilisation de l’ITSC, puisque les personnes doivent recevoir en tout jusqu’à 80 injections, à raison d’une injection une à trois fois par semaine au début (période de traitement), puis toutes les deux à quatre semaines pour une période de trois à cinq années (période de maintien)2,6,11. Sur ce plan, l’ITSL est intéressante, car elle permet d’éviter les visites régulières au cabinet du médecin.

Le coût annuel de l’ITSC pour les patients s’élève à environ 200 à 400 $ avant le remboursement par la Régie d’Assurance Maladie du Québec (RAMQ) ou les assureurs privés. Comme l’ITSL possède le statut de médicament d’exception à la RAMQ, le médecin doit faire une demande d’autorisation de paiement pour que la personne soit remboursée. L’ITSL coûte 684 $ pour une période de six mois. Le coût annuel de la thérapie anti-IgE peut atteindre plusieurs milliers de dollars. Pour que le patient puisse obtenir un remboursement de la part de la RAMQ, il doit avoir le statut de patient d’exception et le médecin doit également remplir une demande d’autorisation de paiement.

Recommandations

Le nombre de cas d’allergies est en croissance constante1,2. Bien que les lignes directrices pour la prise en charge de l’asthme et de la rhinite allergiques recommandent l’utilisation de l’immunothérapie, les médecins ont rarement recours à cette option thérapeutique7. En effet, moins de 10 % des personnes atteintes de rhinite ou d’asthme allergique se voient proposer ce choix de traitement2. Puisque l’immunothérapie permet de modifier l’évolution de la maladie et qu’elle fait preuve d’innocuité et d’efficacité, elle devrait devenir plus populaire à mesure que de nouvelles voies d’administration sont mises au point2,7,9. À l’heure actuelle, l’immunothérapie ciblée à l’aide d’extraits d’allergènes n’est pas utilisée pour traiter les allergies alimentaires10.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par l’auteur.

Conflits d’intérêts

L’auteur a rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

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