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Philologie Du Bouddhisme Chinois

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Philologie Du Bouddhisme Chinois

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Liying Kuo

Philologie du bouddhisme chinoisIn: École pratique des hautes études. Section des sciences historiques et philologiques. Livret-Annuaire 17. 2001-2002. 2003. pp. 421-423.

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Kuo Liying. Philologie du bouddhisme chinois. In: École pratique des hautes études. Section des sciences historiques etphilologiques. Livret-Annuaire 17. 2001-2002. 2003. pp. 421-423.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0001_2001_num_17_1_11094

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PHILOLOGIE DU BOUDDHISME CHINOIS

Chargée de conférences : Mme Liying KUO, membre de l'EFEO

Programme de l'année 2001-2002 : Étude critique du sûtra apocryphe : Sûtra du samâdhi pour obtenir le pur salut (V siècle), les lundis de 14 h30 à 16 h.

Comme l'apocryphe Sûtra traitant de la pratique de pureté que nous avons examiné l'an passé, le Sûtra [traitant du] samâdhi [pour obtenir] le pur salut {Jingdu sanmeijing) est aussi connu par des citations dans les encyclopédies et commentaires bouddhiques, notamment ceux des Six Dynasties et des Tang, surtout du vie au xie siècle. Contrairement au Sûtra traitant de la pratique de pureté, le Sûtra du samâdhi est un très long texte, sept fois plus étendu que ce dernier. Il était en au moins trois rouleaux, certains bibliographes disent même quatre. Reconnu comme une fabrication chinoise dès la fin du vie siècle, le sûtra fut exclu du canon officiel chinois et il cessa d'être reproduit. Plusieurs longs fragments manuscrits en ont été retrouvés dans un monastère japonais de Nara, le Hôryûji, à Dunhuang et récemment dans la bibliothèque du monastère Nanatsudera, situé près de Nagoya au Japon.

Le sûtra est cité pour la première fois dans un ouvrage bibliographique composé vers 515 dans la Chine du Sud, à l'époque des Six Dynasties, quand la Chine était politiquement et géographiquement divisée en deux parties, le Nord et le Sud. Dans une chronique bouddhique rédigée en 597, quelques années après la réunification de la Chine sous un seul pouvoir politique, il est indiqué que ce sûtra aurait été « traduit » dans la Chine du Nord en 462 sous la responsabilité d'un moine nommé Tanyao. Tanyao fut un personnage très important dans l'histoire institutionnelle du bouddhisme tant dans le contexte politique que dans l'aspect économique. Il était à la tête de l'administration monacale (shamen tong) à l'époque où l'empereur Wencheng des Wei (r. 453- 465) lança une campagne de rénovation du bouddhisme que son grand-père, l'empereur Taiwu, en 444-446 avait interdit.

On doit à Tanyao les grottes de Yungang à Datong dans la province de Shanxi. Durant l'ère heping (460-465), il fit creuser cinq grottes ornées d'images bouddhiques dans ce site situé à l'ouest de la capitale de l'époque, Ping- cheng (actuel Datong). Cinq statues géantes du Buddha, reproduisant les traits des cinq premiers empereurs de la Dynastie des Wei, y furent sculptées. Ces sculptures correspondent à une thèse formulée par le clergé bouddhique après la restauration du bouddhisme dans le royaume des Wei du Nord afin de sauvegarder la communauté des moines et éviter que l'État ne la supprime

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à nouveau. Selon cette thèse, pas du tout conforme à la doctrine bouddhique, « empereur et tathâgata ne font qu'un » (houangdiji ridai). L'empereur, étant ta- thâgata, a par là-même le devoir de protéger le bouddhisme.

En 454, un décret impérial avait ordonné aux grands monastères du cinquième rang d'installer cinq statues du Buddha Sâkyamuni pour commémorer les cinq empereurs fondateurs de la dynastie. Le savant japonais Tsu- kamoto Zenryû voit dans l'initiative de Tanyao deux intentions, religieuse et politique. Le clergé bouddhique manifestait ainsi sa grande compassion et accordait son pardon à l'empereur Taiwu, pourtant responsable de la dispersion du clergé bouddhique de 444 à 446, puisque Taiwu est représenté par l'une de ces statues. D'autre part, en faisant représenter les empereurs de la dynastie sous l'apparence du Buddha, Tanyao exprimait son espoir que les souverains futurs ne détruiraient pas les statues du Buddha, images de leurs ancêtres (Shina bukkyôshi kenkyû : Hokugi hen [Histoire du bouddhisme chinois, chapitre sur les Wei du Nord], Tokyo, 1942, p. 219-224) et donc continueraient à protéger le bouddhisme.

Tanyao fut aussi étroitement lié à l'établissement d'un système de taxation appliqué aux familles données comme esclaves au clergé bouddhique. Il a ainsi permis d'assurer des ressources fixes aux communautés et de donner une solide implantation au bouddhisme (J. Gernet, Aspects économiques du bouddhisme dans la société chinoise du Ve au yf siècle, Paris, EFEO, 1956, p. 96). Toutefois l'application de ce système, accepté par la cour impériale, ne fut pas sans conséquences négatives dans les années qui suivirent. Les familles esclaves dites « familles de la communauté bouddhique » (sengzhi hu) et « familles du Buddha » (fotu hu), souvent des familles de prisonniers et de grands criminels, durent en bien des cas payer des taxes trop lourdes et des intérêts de prêt trop élevés. Le résultat fut de nombreux cas de suicide de la famille entière, notamment durant les années de disette, et, jusqu'au début du vie siècle, une dizaine de révoltes que les historiens appellent « les révoltes de brigands bouddhistes » (fojiaofei). Ces révoltes contribuèrent à la division du royaume en 534 et entraînèrent finalement sa disparition en 557.

Après avoir rappelé ces faits liés à l'auteur prétendu du Sûtra du samâdhi, nous avons consacré la première partie du séminaire proprement dit à la lecture de textes canoniques et d'ouvrages non canoniques, notamment ceux rédigés par les historiographes. La deuxième partie du cours porta sur le contenu du Sûtra du samâdhi. Bien que le mot sanskrit samâdhi (« concentration », « méditation ») figure dans le titre du sûtra, le texte ne traite pas du tout de concentration. Il incite les fidèles à pratiquer les bonnes actions afin de trouver le pur salut. Les points marquants du sutra sont : 1) l'exhortation à pratiquer le bien et observer les défenses durant les six jours de jeûne ou huit jours de changement de saisons; 2) la description du système bureaucratique des enfers. Les notions liées à ces deux points sont d'origine indienne, mais dans ce sûtra elles sont reprises et développées par les bouddhistes chinois qui les mêlent à des concepts autochtones voisins.

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Les jours fixés pour jeûner et pratiquer les bonnes actions sont déjà indiqués par les textes anciens du bouddhisme indien, traduits en chinois dès la fin du 111e siècle. Ces textes racontent que durant ces jours déterminés les divinités descendent dans le monde des hommes pour inspecter leur conduite et en faire rapport au chef des divinités résidant dans les cieux. Un court sûtra considéré comme apocryphe décrit les quatre Rois-dieux (devarâja) descendant dans le monde ici-bas et y inspectant la conduite des hommes. Ce texte est en fait un fragment d'Âgatna retravaillé. Le Sûtra du samâdhi prescrit plus de jours de jeûne que les jours fixés par les Indiens. Ce point fut traité par M. Michel Soymié dans un séminaire de 1969-1970 (EPHE, IVe Section, Annuaire 1969-1970, p. 673-677; Contribution aux études sur Touen-houang, Genève-Paris, 1979, p. 135-159; BEFEO 69 (1981) : 209-229).

Les noms des trente enfers et de leurs chefs indiqués dans le Sûtra du samâdhi ne sont pas connus par ailleurs. Les noms de cinq fonctionnaires censés punir les hommes commettant les cinq péchés majeurs définis dans le canon bouddhique sont un emprunt au système chinois des cinq éléments des cinq points cardinaux. L'amalgame de divers courants de croyances et de pratiques est l'une des caractéristiques de sûtra apocryphes chinois. Le Sûtra du samâdhi en est un bon exemple-

Élèves et auditeurs : Mlle Chen Xi-lin, M. Philippe Dugrenier, Mlle Hsu Ling-ya, Mme Sylvie Hureau, M. Ito Masayuki, Mlle Kim Eunha, M. Lu Peng- zhi, Mlle Julie Pavesi, MM. François Piel et Patrick Sigwalt et Mlle Zhang Chi.

Activités et publications de la chargée de conférences

— Conférence pour les cours du dea EPHE 2001-2002 (11 février 2002) : « Les apocryphes à Dunhuang : aspects rituels ».

— Habilitation à diriger des recherches en lettres et sciences humaines : le 21 décembre 2001 à l'université Paris- VII. Sujet de thèse : « Bouddhisme sino- japonais : Adaptation et assimilation ».

— Mission en Chine : du 11 septembre au 1er octobre 2001, visite des sites bouddhiques et archéologiques et des instituts de recherches et d'archéologie, notamment à Pékin, à Dunhuang, à Yulin, à Turfan et à Urumqi.

— Fonction administrative : Membre du Conseil de l'Institut des Hautes Études Chinoises du Collège de France.

— Publications : Quatre comptes rendus dans la Revue bibliographique de sinologie, 2001 : 23-24; 24-25; 433 et 432-433.