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EHESS "Philosopher en langage des dieux". La poésie d'idées en France au siècle de Louis XIV by Philippe Chométy Review by: Daniel Vidal Archives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 142 (Apr. - Jun., 2008), pp. 223-226 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30116937 . Accessed: 12/06/2014 15:47 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.44 on Thu, 12 Jun 2014 15:47:45 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

"Philosopher en langage des dieux". La poésie d'idées en France au siècle de Louis XIVby Philippe Chométy

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EHESS

"Philosopher en langage des dieux". La poésie d'idées en France au siècle de Louis XIV byPhilippe ChométyReview by: Daniel VidalArchives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 142 (Apr. - Jun., 2008), pp. 223-226Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116937 .

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atmosphire oii la tendresse devenait la plus grande vertu de l'educateur. Jean Bosco n'a d'ailleurs pas cree de spiritualite originale et il a finalise tres librement son action educa- tive a partir d'idees ignaciennes ou salesiennes, d'emprunts a Alphonse de Liguori ou Philippe Neri. Le choix qu'il a opere entre le rigorisme de sa formation clricale et le salesianisme de sa vocation personnelle l'a conduit a un mariage heureux entre ecclsiologie theorique et ecclsiologie v&cue. Jean Bosco s'inspira de pedagogues qui voyaient dans la religion une garantie morale et il resta etranger au devoir d'education de l'Itat conduisant a la laicisa- tion de l'instruction; mais Giorgio Chiosso montre que l'insertion de sa pedagogie dans un systeme religieux n'en altera pas les effets progressistes grice a l'influence du courant anti-rigoriste qui avait trouve un terrain d'elec- tion au Piemont.

L'ouvrage de Giorgio Chiosso se nourrit d'archives peu connues et d'une analyse minu- tieuse des textes. II allie la stirete de la documen- tation a la rigueur de la methode dans une demonstration qui apparait comme une contri- bution essentielle a l'histoire du Piemont. Le

r61e de l'cole dans l'eveil national et la prise de conscience du sentiment unitaire ont fait I'objet de travaux recents. Giorgio Chiosso en d6cle les premices dans le mouvement pie- montais pour l'education du peuple. Le rap- prochement d'un lib&ralisme mod&r et d'un anti-rigorisme religieux conduit a la loi sco- laire Bon Compagni et appelle a des connubi ulterieurs. La thise neo guelfe d'un catholi- cisme conciliateur d'inspiration rosminienne et salsienne s'en trouve confortee. Elle ne manquera pas de susciter les critiques histo- riques des tenants du jacobinisme et de l'illu- minisme piemontais qui contestent ce r61e de

l'lglise dans le Risorgimento.

Michel Ostenc

142-16 Philippe CHOMITY

,, Philosopher en langage des dieux ,,. La poisie d'idies en France au siicle de Louis XIV Paris, Honori Champion, 2006, 547 p.

Si la poesie (re)apparait au xvIIe siecle comme par excellence le ( langage des dieux >, elle se dote aussit6t d'un coefficient de < verit

,, et de < sagesse > - science et ethique -, qui surpasse par principe toute &criture a propre- ment parler < prosaique >. La podsie d'idees

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE - 223

procede de la capacite a se tenir sur le terrain mime d'une philosophie ou d'un ensemble de savoirs non encore entierement autonomises, et a les

, dire > en toutes leurs resonances et

leurs effets de connaissance. Philippe Chom&ty definit des lors un champ tres large de compe- tences po&tiques ( classiques >, a partir d'un regard volontairement contemporain. Ainsi sont convoques, loin de tout anachronisme, mais en forme d'affirmation d'une legitimite p&renne: Hugo, selon qui les pontes sont des < savants au croisement de la science, de la religion et de la philosophie > ; Rimbaud, qui < voit >> en tout poete la figure du < supreme savant > ; Claudel, assimilant la poesie a la ( philosophie de l'Etre > ; Ponge, enfin, le poete des ( choses >, et leur parti pris. Si le xxe siacle s'est interroge sur ( l'essence philosophique de la poesie <>, il fut en cela h&ritier d'un ques- tionnement rigoureux au cours du siecle de Louis XIV. La ( poesie d'idees > emerge plei- nement dans les annies 1650, en liaison avec la < diffusion et la vulgarisation >> des id6es et decouvertes - philosophiques (Descartes, Gassendi), scientifiques (astronomie, sciences naturelles, etc.) - pour connaitre en 1716, son accomplissement exemplaire avec la publica- tion, par C.C. Genest (1639-1719), des Prin- cipes de philosophie, ou Preuves naturelles de

l'existence de Dieu et de l'immortalite de l'dme, exposition versifice de la physique cartesienne.

La possibilite mime d'une poesie d'idees ne fait pas immediatement sens, et I'auteur explore les arguments qui furent mobilises pour en denoncer la pr6tention. Pour le philo- sophe, la langue po&tique installe un ( doute >,

une approximation, qui ( fragilise tout sys- teme constitue >. Pour le chr~tien, lier poesie et philosophie revient I des&quilibrer le rap- port entre raison et foi, celle-ci ( s'humiliant devant la philosophie >>. Sans doute l'objet de la poesie n'est-il pas la ( recherche d'une verit6 scientifique et objective >>. Au mieux le poete peut ( se faire une ide >>, ou ( donner une idee >, de l'objet qu'il entend < etudier >, mais sans jamais le < penser >. Le dilemme est clair: il n'est de poesie ( philosophique >> qu'au prix de la poesie elle-mime, ce que l'auteur nom- mera plus loin la < poeticite > - et il n'est de poesie qu'au prix de la pensee philosophique. Vers et rimes < degradent le sens > : ainsi disent les theoriciens des Lettres. Dire la < verit6 > ne relive pas de l'ordre po&tique, la prose seule constituant 1'( instrument de pen- see > adequat au dessein de science ou de

, meditation >>. Les jeux semblent faits, mais

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Ph. Chomity en r&cuse avec force la rigle et les consequences. Une premiere issue eut td d'largir le champ de la < poesie d'id~es ) au territoire de la spiritualite : le xvIIe si&cle n'est tant < sibcle des saints )> que d'8tre tissu de poesie mystique. Hopil, Labadie, Malaval, Martial de Brives, parmi tant d'autres, de plus ou moins somptueuse ecriture, forment ce ( ple chr~tien > qu'6voque briavement l'auteur: mais cette attestation de < pr6sence divine ) forme une categorie trop singuliere, outrepassant la conception mame des ( idles , et l'espace de significations qu'elles difinis- sent, pour valoir reponse au paradoxe d'une impossible poesie < philosophique ), et cepen- dant possible. Plus encore : n&cessaire A la phi- losophie et aux sciences naturelles. Aussi bien l'auteur prend-il ce paradoxe a bras le corps, et, d&construisant le dilemme, en vient-il & en disperser les raisons comme autant de chances pour une poetique des ( idees ).

Nul porte, en ce siicle d'absolutisme, ne se pr&end philosophe, et nul homme de science, porte. Mais differences n'impliquent pas diff&- rends. Les uns et les autres habitent malgr6 tout des ( terres adjacentes >, assez proches pour souvent se confondre. Si le ( langage des dieux ) se veut en accord avec la raison de science, tout ( dessein po~tique > n'est pas etranger aux gens de < raison ). Au reste, les salons sont lieux d'6changes, de connivences. Chez Mme de La Sablibre, La Fontaine - qui implore la muse, dans le Po~me du Quinquina, de l'aider & < philosopher ) en langage divin -, c6toie Bernier, disciple de Gassendi et fin connaisseur de Descartes. Saint-Amant ren- contre Galilee, Campanella, Peiresc. Genest, figure emblkmatique de la < podsie d'id~es ), est familier des partisans de

1', &cole cart&- sienne ) : Lamy, Malkzieu, etc., mais aussi Malebranche, Polignac et son Anti-Lucrice, ( d'autant plus philosophe, note Ph. Chomity, qu'il est aussi porte ). De ces rencontres et voisinages, il ne d&coule pas que tel po~te- philosophe soit sp&cialiste de philosophie. Trop simple, et riducteur, serait alors le rapport de l'&criture i la ( raison ). Mais de partager les m~mes ( espaces de vie intellec- tuelle >, les po&tes ( d'id~es >, sans former r6seaux ni &coles, attestent qu'au xvIIe siicle, il n'est pas de s6paration ( objective ,> entre

po6sie et d6marche philosophique. Les << dieux ) sont convoqubs pour tresser des iloges aux savants, A leurs dicouvertes, en une progres- sion qui se d6ploie jusqu'd la

, cel6bration de le figure du prince irudit ). Duval-Grigneuse

exalte le d&tachement stoicien et chretien en son Sinkque mourant, Vion-Dalibray applau- dit a Pascal, et Descartes est objet de veri- table < devotion ). Victoire de la science des Modernes sur les Anciens.

A cet instant de l'analyse, la po6sie ne serait-elle qu'< un moyen, une maniere, un agent, une circonstance de la philosophie ) ? Le < langage des dieux ) ne serait-il que langue soumise g plus autorise ? Tant s'en faut. L'auteur rappelle aussit6t cette affir- mation de Manage: << les poetes ont etL les premiers thbologiens et les premiers l6gisla- teurs ), et si Virgile, < universellement savant >,

selon A. Baillet, est un < moddle d'anticipation po~tique des valeurs philosophiques ,,, au

xvIIe siicle Colletet note que cela vaut encore - ( qui dit vray Poete dit vray Philosophe >>.

L'( acte de penser ,

supposant la combinaison de l'imagination et de l'entendement, la po~sie occupe de ce fait une position centrale ( par rapport a la vbritb et aux idles

,>. Un renver-

sement s'ophre ainsi, d'un langage ( servant ) ou ( illustratif

,, a une &riture cr&atrice.

( Mettre des idees en image >, sans doute; mais infiniment plus : cette poesie-la cr~e A son tour des < images intellectuelles >, des images- idles ( transparentes, qui satisfont I'entende- ment >. Le pobte d'id~es est avant tout pas- sionni de savoir, et se heurte alors A l'hostilitr6 janseniste envers toute << curiosite >, vaine par d6finition. P. Le Moyne s'insurge contre cette ( censure ,,, Boileau invite le poite a (< chanter les sujets les plus relev~s >>. C'est dire que la podsie d'idbes ne peut connaitre de frontieres. A la fois < sp&culative ) et < memorielle >, elle acquiert fonction p~dagogique, mais ne s'y resume pas. La v&rite, le ( vrai >, ne relivent pas d'un desir d'illustration de thises et thbmes ailleurs dlabords, mais participe d'une &criture qui fonde, par sa < beaut6 >, la possi- bilit6 d'un acte cr~ateur. Si Giordano Bruno fut livrb au bicher, c'est moins, &crit C. Sorel, parce qu'il fut ( scripteur

,, que parce qu'il

fut (,

auteur de ses pens~es >. Auteur: sujet mame de son &criture, car il voulut, selon la formule de Ph. Chom~ty, ( philosopher en vers, plut6t que versifier en philosophe >.

Rien de ce qui est de ( nature ) n'est 6tranger B la po~sie d'idies. < Podsie naturelle >,

ecrit Colletet; po~sie concrite, propose l'au- teur, (< attentive aux 8tres et aux choses plus qu'aux doctrines > mime si leurs d~bats ne lui sont pas m&connus. Bref, une po~sie qui ( fait de toute r&alite terrestre un objet de connais- sance ). Po~sie didactique, A coup sfir. Mais

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qui, par I'extension illimitre du domaine poe- tique, fait sourdre des

<, objets > dont la phi-

losophie, ou la science du temps, auront rendre compte en un temps autre. Science uni- verselle en vers heroiques, ecrit Jean Magnon, arc-bout6e sur la maitrise de la langue fran- gaise, seule, dit-on, capable de ( faire briller la verite - de l'instituer en tous ses &clats. Ici, fond et forme entrent en rapport necessaire, qui fait loi.

, Poeme-monde >, qui exige que ce

monde, dans ce poeme, soit deja. Ph. Chomty : ( La forme du poeme est deja en puissance dans l'idee que les poetes se font du monde >.

Un monde en toute sa complexite, sa pluralite, son d&centrement. Son ( secret >. Un monde en tout son < poeme >. Desmarets de Saint- Sorlin assigne a la poesie la fonction de ( per- cer les veritez et les choses obscures >. Si elle ne se rapproche pas pour autant de l'&criture mystique, du moins prend-elle sans exception son monde : ( J'entreprens d'expliquer/la secrete tissure/Des Ouvrages de la Nature >, plaide Genest. Ainsi se cree la verite des choses, en la poetique de leur accomplissement. De Ia une premiere conclusion de l'auteur: ( L'acte poetique est d'essence finalement plus "reelle" que la vellkite du philosophe >. <Vellkit&

": entendons rhetorique en elle-mime close. Mais la f&condit6 de la poesie d'idees tient a sa capa- cite heuristique: ( connaitre les choses telles qu'elles sont >, y compris dans leur caractere ( cache > - alors le secret est I'objet mime de cette po~sie. Oil l'on retrouve la sollicita- tion mystique. Et sans doute est-il difficile a

l'ige classique, de < penser sans Dieu >, mais, remarque Ph. Chomey, ( c'est moins Dieu que l'id&e de Dieu qui est primordiale >. Dieu partout parce que partout s'identifie a Dieu la ( nature naissante >. Si l'on ne peut parler de < derive > pantheiste, du moins nature et ( surnature > composent-elles un paysage poe- tique audacieusement singulier.

Au centre de l'acte po&tique, le d~fi du < devoilement > de la signification du monde.

La < poesie d'idees > serait-elle alors une < science de l'interpretation > des textes phi- losophiques ? L'auteur en fait I'hypothese: peut-on penser sans mots ? Et penser n'est-il pas acte de connaissance, tout autant que de competence ? Aussi bien n'a-t-on pas affaire ici a une ( versification paraphrastique >, mais a un d&chiffrement du monde, a partir de cate- gories et d'arguments philosophiques, tres vite les debordant. II en va en effet de la poesie comme interprete de la philosophie, ainsi qu'il en fut, a la mime epoque (1666), de la pole-

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE - 225

mique ouverte par l'ouvrage de Louis Meyer La philosophie interprete de l'Ecriture Sainte, qui mit le feu aux chapelles religieuses concen- tr6es en Provinces-Unies: interpriter est deja se situer en position de surplomb, et rapatrier l'lcriture en l'ordre d'une ( raison > dont elle ne (se) releverait pas. La poesie d'idees n'interprite tant la philosophie qu'en rendant ( transparent ( son langage, et l'affectant d'un coefficient supplementaire d'intelligibilite. Ainsi Ph. Chomity analyse-t-il les relations entre Genest et la philosophie cartesienne : non pas ( rectification >, mais demonstration du carac- tere < artificiel > et < force > du doute, ce qui revient a ( ajouter du sens sous forme d'un commentaire . De mime Charles Perrault, < interpretant un ouvrage du botaniste La Quintinie transforme-t-il < un trait& d'horti- culture en prose, en pokme de la physiologie v6g~tale >, oiu l'on peut admirer < les principes cachez de tout ce qui respire/Les atomes subtils, dont les corps sont formez >. Mise en scene des < idees >, qui les projette en un espace public, creditees des lors d'une puis- sance cognitive multipli~e.

Seul un travail sur la < matibre verbale >

peut rendre compte de cette nouvelle efficacite du savoir potique. Ni syllogismes, ni mita- phores : contre les < fausses seductions du lan- gage >, des comparaisons valant raisons, des poemes dialogues, et I'exigence de ( nommer proprement les choses >. Un < art du lan- gage > s'61abore, qui entremble abstraction et logique, avec analogie et attestation d'exp&- rience sensible. ( Plaisir du texte (, propose l'auteur. Mais convoquer Barthes est aussi dvoquer Ponge, aux prises avec ses ( choses >

et leur saveur, et leur savoir. Pour autant, la < poesie d'id~es > n'a pas cre < un ( style ni < un ( genre. Un seul argument relie les pobtes

engages dans cette 6criture ,

savante > : il n'est de poesie qu'adress6e a un lecteur, et cette adresse exige adaptation. Il est alors 16gi- time d'user de merveilleux 4pique, de miler vrai et vraisemblable, de solliciter pathetique et pitii, humour et rire, et quelque soupqon d'erotisme. La poesie d'idees? ( Un souffle nouveau au vieux scheme p&trarquiste >, &crit M. Fumaroli, quand ( amour > et ( savoir >

vont de pair. Ce ( souffle > vient du profond du poeme, qui s'organise autour de quelques < philosophemes > communs, aussitrt transfi-

gures en ( langage des dieux > : principe de circularit6, de tourbillon - ( clef hermineu- tique universelle >, commente l'auteur -; flui- dite, mutabilitY, m~tamorphose, figures de

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Protie, < instinct de la Nature ) ; lumibre, infini; miroir, jeux de reflets et d'anamor- phoses... Pokme et philosophie < se confon- dent ). Mais prisbance est donn&e au pokme, en soi riche de rimes, et de raison. Poesie baroque, propose a juste titre Ph. Chom&ty. < Les po&tes font apparaitre et disparaitre loisir les ph~nomines ). De l'artifice vient le plaisir. Retour au principe de l'ouvrage : reve- lant le passe du monde et son avenir, le po&te est < comme Dieu ) : omniscient, omnivoyant. Penser avec des mots, tel est sans doute le < langage des dieux ) ainsi conjuguant la chose et son verbe.

Daniel Vidal

142-17 Dominique de COURCELLES, (textes r6unis par)

Les enjeux philosophiques de la mystique Grenoble, Editions Jerime Millon, 2007, 261 p,

Peut-on penser la mystique comme dis- cours et exp&ience assez impbratifs pour ouvrir un debat au coeur de la philosophie ? De la raison philosophique a la raison mys- tique, quels regards se croisent, s'&changent, se combinent - et peuvent-ils aller jusqu'a definir, en leur marge ou au plein de leurs ope- rations, une ( vision ) neuve du monde de la sagesse et de la spiritualite ? Le colloque accueilli en avril 2006 par le College interna- tional de philosophie, sous la double rf&rence & Michel de Certeau, historien de la mystique, et & Stanislas Breton, philosophe, et dont les Actes sont aujourd'hui publibs, avait pour objectif de confronter ces deux disciplines de sens. Deux interrogations centrales: en quoi la mystique peut-elle entrer dans le jeu de la philosophie au risque d'en d6concerter l'argu- ment ? La mystique definirait-elle un tiers lieu trop ext&rieur aux frontibres de la philosophie pour s'inscrire dans un mime r~gime de signi- fications ? Risquons une troisibme hypothbse, vers laquelle semblent s'orienter plusieurs inter- venants: la mystique repr~senterait-elle la fin de la philosophie, I la fois son point d'ache- vement et le sens mime de ses op&rations? II convient, souligne D. de Courcelles, de < penser la mystique ) comme < tiche philo- sophique >, en son travail de

, d&voilement de

quelque chose plut6t que rien >, c'est-a-dire d'une

- verit ~> que l'on ne tient pour < origi-

nelle ) que pour autant qu'elle relve de la subjectivite la plus singulire : < La perception mystique rejoint la chose telle qu'elle est en

soi et elle saisit cette chose a travers les &tats mystiques du sujet >. Mais cette tiche ne peut s'effectuer que si cette

- chose ) est, en quelque

fagon, objectiv~e > :M. de Certeau d~finis- sait le discours mystique par ses < manibres de dires >, inseparables de son contenu > ; et si D. de Courcelles rappelle que, pour les auteurs du Moyen Age, < l'Etre a besoin de paraitre sur le mode sensible, dans un lieu, afin de demeurer transcendant et invisible >, c'est pour bien marquer que, par cette <media- tion > seule, la relation de la mystique a la phi- losophie est pensable. < On ne saurait avancer dans la pens&e sans avancer dans la raison po6tique >, entendue en son sens profond de < toute oeuvre mediatrice de quelque chose >,

par quoi visible et invisible entrent en rapport d'intelligibilite. Parlant de la

- vocation m&ta-

physique ) de la po~sie et de la mystique, S. Breton ne disait rien d'autre.

Si 1'" ineffable > n'est tel que de sans cesse se < dire >>, si 1'< irrepresentable >> ne peut se penser que sous condition de figura- tion >>, 6criture poetique, peinture, installa- tions visuelles, bref, toute oeuvre vouee I dire le dieu mystique est passage par quoi transi- tent rationaliti philosophique et mystique en sa raison mime. Il est un moment capital, en cette transition vers l'Intransitif, quand l'&cri- ture sur la mystique s'approche au plus pros de la mystique comme ecriture. Claude Louis- Combet ouvre le debat en traitant de la < solli- citation mystique >, qui enchisse parole de I'autre et parole de soi, jusqu'au point oiu l'une et I'autre ne peuvent s'entendre que comme voix unique, en sa douleur - parole de ) deux ,,, parole de deuil, oiu se

-douloir > est bien,

ainsi que chez Apollinaire, cette souffrance

, d'itre tout seul >. De la, ainsi, en son oeuvre,

les doubles: Tse-Tse, Marinus et Marina, Beatabeata... On connait l'&criture de Louis- Combet, et, par toute blessure intime, cette capacit6 a forger des vies de saints, partie fic- tions partie fragments d'histoire - mytho- biographies disant les experiences-limites, et puisant en leur < surrealit6 > une ecriture de passion. Rencontre d'histoires peu ou prou legendaires et de < l'homme du texte ), unis en quelque sorte par une experience int~rieure de commun partage, associant ce qui relive, chez le saint, de la quite de l'absolu >, et, chez l'&crivant >, de < la propre quite du d6passement de soi >. L'oeuvre < m~diatrice > est d'emble portee a son exces, oi s'opere la fusion du sujet de l'&criture et du sujet de la < sagesse >, emportis par une meme deposses-

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