Les unités auxiliaires de l'armée romaine en Afrique proconsulaire
et Numidie sous le Haut-EmpirePhotographie de Couverture : Le Camp
de Ksar-Rhilane Cliché de Pol TROUSSET
LES UNITES AUXILIAIRES DE L'ARMEE ROMAINE
ÉTUDES D'ANTIQUITÉS AFRICAINES
Yann LE BOHEC
en Afrique Proconsulaire et Numidie
sous le Haut Empire
A. CHASTAGNOL, J. DESANGES, M. EUZENNAT, L. GALAND, A.
LARONDE,
C. LEPELLEY, G. PICARD, S. SEMPERE, G. SOUVILLE
Directeur : Georges SOUVILLE
Rédacteur en chef : Sylvie SEMPERE
EDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 15, quai
Anatole-France - 75700 PARIS
1989
PROVENCE, ALPES, COTE D'AZUR, CORSE
Cet ouvrage a été réalisé par le Centre Régional
de Publication de Marseille
@ C.N.R.S. 1989 ISBN 2-222-04239-9
Le sujet et ses limites
Sous le Haut-Empire, l 'Afrique était défendue par une armée dont
la pièce maîtresse s'appelait la Troisième Légion Auguste. Cette
unité vient d'être étudiéel. Elle se trouvait sous les ordres du
proconsul depuis l 'époque d'Auguste jusqu 'à celle de Caligula qui
la confia à des légats impériaux propréteurs : ces généraux se
constituèrent très vite une pro- vince de fait, avant que, sous
Septime Sévère, celle-ci fût de droit et prî t le nom de Numidie.
La légion séjourna à Haïdra (Ammaedara) depuis Auguste jusqu 'à
Vespasien, à Tébessa (Theueste) jusque vers 115-120, et à Lambèse
(Lambaesis) ensuite, et elle joua un rôle si important que son
histoire s'identifie au moins en partie à celle de la région où
elle s'illustra.
Il ne faudrait cependant pas négliger les corps auxiliaires2 qui
ont contribué à la défense de ces mêmes territoires 3. C'est eux
que nous voudrions maintenant étudier, et le présent travail se
propose donc de servir de complément à celui qui vient d'être
consacré à la Troisième Légion Auguste. Les mêmes limites
chronologiques et géographiques seront res- pectées, c'est-à-dire
que seules seront prises en considération les unités qui se
trouvaient en Afrique et Numidie aux trois premiers siècles de
notre ère. En sera donc exclu tout ce qui concerne les Maurétanies4
et le Bas-Empire5.
Ce choix impose également de ne pas tenir compte des unités
constituées de manière provisoire, comme les uexillationes6 et les
numeri collati que nous leur avons assimilés. Mais ce sont surtout
les « milices municipales et provinciales » auxquelles il faut
faire un sort. Deux auteurs8 en ont dressé des listes
impressionnantes... et fausses ! C'est ainsi qu'ils ont mis en tête
de leurs catalogues les hastiferi qui sont en réalité les membres
d'associations religieuses9 ; de même, ils ont cru trouver des
officiers dans
les irénarques et dans les préfets de vigiles d'Orient, dans les
préfets de gentes10 attestés en Occident, alors qu'il s'agit de
charges s ' intégrant à l organisation municipale, où il faut aussi
insérer les iuuenesn, jeunes gens qui se constituent en « clubs »
où les exercices physiques et la religion les
occupent plus que la guerre. A l'opposé, les praefecti orae
maritimae12 et les tribuni militum a populo13 appartiennent bien,
eux, à l'armée régulière, tout comme les uexillationes et les
numeri14, ainsi que la cohors VIII F i d a Et, bien sûr,
l'épigraphie africaine n 'a jamais révélé la moindre trace des
fameux limitanei de l'Histoire Auguste16 ; il n'est pourtant pas
impossible que nous ayons relevé un indice révélant l'existence
d'une sorte de milice locale : une inscription de 24617, trouvée à
Gasr Duib, poste situé à 40 km au Sud-Est de Zintan, en
Tripolitaine, nous dit qu 'un tout petit poste, un centenarium, a
été construit, sur ordre du légat sénatorial et du praepo- situs
limitis équestre, par un tribun qui, remplissant une tâche si
modeste, pourrait difficilement être assimilé à un laticlave ou à
un angusticlave, et serait donc un responsable d'assez bas niveau.
De toute façon, même si ce type d'unité a bien existé, il n 'a
certainement pas joué un grand rôle dans l'histoire des provinces
d'Afrique et de Numidie, pas plus que les quelques forces de police
dont disposaient les magistrats municipaux qui sont, elles, les
seules vraies « milices locales » ayant existé dans l 'Empire
romain.
La problématique
Là réside d'ailleurs le principal intérêt du sujet : voir ce que
ces unités ont apporté aux territoires où elles ont été en
garnison. Cette problématique amène à poser de nombreuses
questions, qu'il est possible de regrouper sous quatre rubriques
principales.
Tout d 'abord, il convient de faire la liste des corps auxiliaires
qui ont constitué l 'armée d'Afrique. Cette enquête préalable est
moins simple qu'il n 'y paraît : de nombreuses ailes et cohortes ne
sont en effet mention- nées que dans des textes peu nombreux et
guère probants. Il faut suivre l'exemple de G. Alfoldy qui,
étudiant la situation en Dalmatie18 et en Germanie Inférieure19,
s'était montré fort critique à l'égard de ses devan- ciers. Pour
établir en toute certitude que tel ou tel corps a appartenu à l
'armée d'Afrique-Numidie, il convient de chercher des preuves
indiscu- tables. En l'absence de « diplômes militaires » concernant
cette région, on utilisera donc les rares indications fournies par
les sources littéraires20, les textes des discours prononcés par
Hadrien en 12821 et les inscriptions qui mentionnent une aile ou
une cohorte qui a servi inAfrica ou in Numidia 22. La difficulté
surgit avec une particulière acuité quand une unité n'est connue
que par quelques épitaphes ou quelques dédicaces ; dans ce cas, on
ne tranchera qu 'au coup par coup, et avec prudence.
De plus, il existe une différence entre une unité qui fait partie
intégrante de l 'armée d'une province, et une autre unité qui ne
fait que passer par ce territoire où elle vient en renfort, et de
manière provisoire : des distinctions s'imposent. Ainsi, la
présence de briques ou de tuiles estampillées23 au nom de tel ou
tel corps prouve seulement que ce dernier est venu à un moment
donné sur le site pour y effectuer un travail précis ; on ne
saurait en déduire le caractère permanent du séjour. De la même
manière, quand une inscription nous montre un préfet ou un tribun
agissant ès qualités, ou quand elle émane de l'ensemble des soldats
d 'une même cohorte ou d'une même aile, il est seulement possible
de déduire que l'unité a bien été présente sur le lieu en question
à un moment donné. La situation la plus délicate à cet égard se
présente quand une nécropole a livré deux ou trois épitaphes
gravées à la demande de compagnons d 'armes : ici, il convient de
ne s'avancer qu'avec modération et au vu de chaque dossier. Le
lecteur trouvera plus loin non seulement les unités qui ont fait
partie des armées d'Afrique et de Numidie, mais encore celles qui
n'y ont fait qu 'un séjour plus ou moins bref.
Une fois cette liste établie, et eu égard au sujet étudié, il
faudra poser un certain nombre de problèmes qui intéressent
l'histoire militaire. Et tout d 'abord quels sont les rapports de
ces auxiliaires avec la Troisième Légion Auguste ? On devra
également indiquer quels ont été les postes occupés ; dans les deux
études déjà évoquées, G. Alfoldy24 a montré l'importance et l
'intérêt que présente l'examen de cette dispersion straté- gique :
elle seule permet de bien comprendre la géographie historique de la
région. En outre, on s'efforcera de donner le plus grand nombre
possible de renseignements sur chaque unité, pour pouvoir répondre
à une série de questions que le lecteur ne manquera pas de se poser
: différents spécialis- tes ont en effet noté que les Berbères
étaient des nomades ou des semi- nomades très mobiles et organisés
en tribus peu nombreuses25 ; de la sorte, les auxiliaires africains
auraient été dispersés en petits groupes26, et une large place
aurait été réservée, dans leurs rangs, à la cavalerie, en
particulier à la cavalerie légère27.
Mais l'historien du XXe siècle utilisera ces renseignements pour
mieux voir ce qu'ils peuvent apporter à la connaissance de la
société qui a vécu dans l'actuel Maghreb sous le Haut-Empire
romain. L'armée joue un rôle économique important dans la région
qu'elle protège28. Elle représente aussi un milieu particulier
qu'il est possible de connaître à travers l 'étude du recrutement,
ethnique et juridique. K. Kraft, dans un ouvrage devenu classique
2', avait montré que, dans ce domaine, il n'existait pas de règle
rigide : en général, les unités auxiliaires étaient levées dans la
région dont
elles portaient le nom ethnique (une aile de Thraces aura donc été
consti- tuée en Thrace, etc), et, très vite, avant le milieu du Ier
siècle, les autorités militaires faisaient appel aux jeunes gens de
la région de garnison. Quant au statut juridique des recrues, le
savant suisse avait souligné qu'il s'agissait presque exclusivement
de pérégrins jusqu'aux Flaviens, époque où des citoyens romains
commencèrent à s'introduire dans cette arme ; et, comme K. Kraft l
'a prouvé, un relatif équilibre s'établit à partir d'Ha- drien
entre les deux composantes30.
Quelques études de détails ont bien montré d'ailleurs qu'en ce
domaine la première règle était qu'il n 'y avait pas de règle : en
Maurétanie Césarienne31, on a fait appel pendant longtemps à des
étrangers à la province, et, si des indigènes sont entrés très tôt
dans les rangs des auxiliaires, ils n 'y ont occupé une place
importante que très tard. Et, par ailleurs, alors que G.
Cantacuzène32 remarquait que les unités d'archers syriens étaient
toujours recrutées en Syrie, parce qu'il s'agissait de soldats
ayant une spécialité recherchée, S. Lambrino33 insistait sur un
exemple allant en sens contraire.
En outre, on devra essayer de voir quelle était la durée du service
militaire ; G. A l fö ldy a proposé un schéma à ce propos : elle
était souvent supérieure à vingt-cinq ans sous les Julio-claudiens,
en principe égale à cette durée de Vespasien à Trajan ; pour la
suite, elle variait, avec 60% de cas correspondant au quart de
siècle.
La question du recrutement n'est pas sans liens, il s'en faut de
beaucoup, avec un vaste débat qui a partagé les historiens. H.T.
Rowell35 avait insisté sur le caractère barbare des numeri ; il
avait été critiqué par F. Vittinghoff36 et par M. Speidel37, qui
soutenaient que les ailes, les cohortes, et même les légions,
avaient leur part dans l'abaissement du niveau de romanisation qui
avait selon eux caractérisé l'armée. Mais J.C. Mann38 et H.
Callies39 avaient pris la défense de H.T. Rowell. Que peut apporter
au débat l 'étude des numeri qui ont servi en Afrique ? Et celle
des autres auxiliaires ?
D'ailleurs, il ne faudrait pas limiter l'enquête au seul domaine de
la culture « laïque ». Les militaires ont joué un rôle dans la vie
religieuse de leur temps, mais, ici aussi, les chercheurs ont campé
sur des positions opposées, et les théories se sont révélées
inconciliables. Pour les uns, en effet, les soldats auraient honoré
de préférence les divinités de la province de garnison, ce fait
s'expliquant par la pratique du recrutement régional. Pour d'autres
(et parfois pour les mêmes, qui ne craignent pas de se contredire),
les dieux orientaux auraient mieux répondu aux aspirations
spirituelles des militaires. Une étude consacrée à la Troisième
Légion
Auguste40 renvoie dos à dos les deux écoles : ses soldats se sont
montrés étonnamment fidèles aux cultes romains les plus
traditionnels. Mais en allait-il de même pour les auxiliaires ? Il
conviendra donc de voir ce que l 'armée de Numidie en particulier
peut apporter à ce sujet.
Ainsi, quand on aura rappelé que cette recherche doit analyser le
rôle militaire des auxiliaires qui ont été en garnison en Afrique
et en Numidie, doit aussi déterminer leur place dans la société et
leurs attitudes culturelles et religieuses, on aura justifié l
'intérêt du projet pa r son ambition et par l 'ampleur de la
problématique.
Les sources et la datation des inscriptions
Pour essayer de répondre à ces questions, nous disposons d 'un
certain nombre de documents. Les sources littéraires apportent ici
peu de choses41. Il faut donc d 'abord recourir à l'épigraphie. Les
inscriptions africaines concernant l 'armée romaine ont déjà été
étudiées42 ; il suffit de rappeler ici les principaux acquis de
cette recherche.
Les pierres inscrites nous font d 'abord connaître des noms. Or l '
o n o m a s t i q u e technique à la mode et en cours
d'élaboration, peut apporter des renseignements dans trois domaines
; elle permet dans certai- nes conditions de déterminer l'origine
géographique, le milieu social et la chronologie. Les tr ia nomina
(praenomen, gentilice et cognomen : pa r exemple, Caius Iulius
Hispanus) caractérisent les citoyens romains du Ier et du IIe
siècle. L'absence du cognomen nous renvoie à l 'époque des Julio-
claudiens, celle du praenomen à la fin du IP ou au I I I siècle, et
l 'abrévia- tion du gentilice ne saurait être antérieure à la fin
du IIe siècle ; de plus, la mention de la filiation, de la tribu et
de l'origo ne se trouve plus guère après le milieu du I I siècle.
Certains cognomina, rares il est vrai (Baricio, Mucatralis, etc),
indiquent des origines géographiques précises (respecti- vement
africaine et thrace dans les exemples choisis) ; mais les soldats,
dans leur majorité, se font connaître par une nomenclature latine,
sans utilité à cet égard. De plus, les noms multiples ne se
rencontrent guère que chez les nobles et aussi chez les « bourgeois
gentilshommes », alors que la désignation par un unique cognomen
renvoie à des milieux populaires, aux pérégrins. Les cognomina
grecs, pour finir, ont divisé les savants ; ils peuvent avoir trois
significations différentes : ils traduisent une origine servile, ou
orientale, ou une mode (en particulier à l 'époque d
'Hadrien).
Le nom n'est cependant qu'une partie de l'inscription. L'essentiel
du texte est constitué par un formulaire, dans lequel on
distinguera
d ' a b o r d des éléments civils, communs à toutes les inscr ipt
ions, et ensuite des éléments mil i taires.
Assurément , q u a n d les indicat ions disponibles offrent assez
de
précis ions , il convient de r e c o u r i r en p remie r lieu au
contexte, archéologi- que et h is tor ique . La fo rme des let tres
peu t également a p p o r t e r des précisions44. O n a pu m o n t
r e r , dans ce domaine , que les l igatures, présen- tes dans l '
ép ig raph ie afr icaine dès l ' époque des Jul io-claudiens , ne
se r e n c o n t r e n t en g r a n d n o m b r e q u ' à p a r t i
r du milieu du IIe siècle. De même, le mot sestert ius est abrégé
en H S au IIe siècle et S S au IIIe siècle. Mais les fo rmula i r e
s funé ra i r e s , p a r b o n h e u r t rès n o m b r e u x , ont
été étudiés p a r
dif férents savants , qui se sont a t tachés t an tô t à des
régions t an tô t à des types d ' un i t é s ; et leurs observat
ions , en général , concorden t , en sor te qu ' i l p a r a î t
suff isant de donne r ici un tab leau résumé de leurs pr incipales
conclusions45.
Les formulaires funéraires
Ces éléments de datation doivent être confrontés aux
expressions
et termes militaires qui entrent dans le formulaire. Tout d 'abord,
il faut voir que l 'on sait placer dans le temps les épithètes
honorifiques portées pa r les auxiliaires de la Troisième Légion
Auguste46.
Surnoms et épithètes d'honneur
Antoninianus Numerus Hemesenorum 211-217 Seueriana Ala Flauia
222-235 Seuerianùs Numerus Palmyrenorum 222-235 Gordiana Ala /
Pannoniorum 238-244 Gordiana Cohors / Syrorum 238-244 Philippiana
Ala Flauia 248
L'épigraphie des corps auxiliaires présente d 'autres particulari-
tés. On peut en général dater de l'époque julio-claudienne des
inscriptions qui entrent dans plusieurs cas connus : le numéro de l
'unité est omis ou renvoyé après le nom ethnique (ala Pannoniorum
ou ala Pannoniorum I), le nom du corps est mis à l 'ablatif précédé
ou non de prépositions comme ex ou in (miles cohorte..., ou in
cohorte..., ou encore ex cohorte.. .) , l'indication de la nation
est omise au profit de termes généraux (equites, sagittarii ou
auxiliarii). En revanche, la mention de titres honorifiques, comme
felix, torquata, etc, renvoie à une époque postérieure à la crise
de 68-69.
Les inscriptions qui concernent des officiers présentent, elles
aussi, des traits originaux. Les chevaliers, qui encadrent en
principe les auxiliaires, ne servent encore que dans les légions à
l 'époque d'Auguste ; sous Claude, ils passent des cohortes aux
ailes puis aux légions ; on ne trouve l 'ordre classique,
cohorte-légion-aile, qu 'à par t i r de Vespasien. Une quatrième
milice est offerte aux volontaires à part ir des années 161- 169
(ou dès Hadrien ?), alors même que le commandement de cohorte cesse
d'être obligatoire. Enfin, avec Septime Sévère, le passage par une
légion devient facultatif, et l 'habitude se prend de résumer une
carrière pa r l'expression a militiis, a mil(itiis). Quelques
autres détails peuvent aider à situer une inscription : la mention
de la centurie à laquelle appartient le militaire renvoie plutôt au
Ier siècle ; l'indication de la durée du service se fait de
préférence par le verbe militauit au I siècle, par le substantif
stipendiorum au IP siècle ; à l 'époque de Caracalla, on perd l
'habitude de faire graver les dona militaria sur la pierre ; enfin,
c'est surtout au IIIe siècle que les simples soldats indiquent les
différents postes qu'ils ont occupés, et qui constituent une sorte
de « carrière militaire » subalterne.
L'idéal pour un historien est de pouvoir confronter l'épigraphie à
l'archéologie ; mais il faut ici pénétrer dans un autre domaine, où
l'on distingue ce qui est funéraire de ce qui est proprement
militaire. S'agissant de l'ancienne Afrique, il a paru possible
d'observer dans les nécropoles, outre les mausolées, trois types de
monuments (fig. 1) : la simple dalle correspond au Ier siècle,
l'autel au IIe et la cupule ou caisson au I I I approximativement
s'entend. Certaines de ces sépultures sont décorées par des reliefs
: celles qui portent des bustes ne paraissent pas correspon- dre à
une époque particulière, et les personnages en pied sont trop peu
nombreux pour que l 'on puisse tirer des conclusions ; en revanche,
les représentations de cavaliers sont particulièrement fréquentes
au Ier siècle et chez les auxiliaires.
Fig. 1 - Monuments funéraires : typologie.
Monuments funéraires d'auxiliaires
M 1 (dalle) : C.I.L., VIII, 6309=19296. M II (autel) : - M III
(cupule) : -
Reliefs funéraires d'auxiliaires
R 1 (buste) : C.R.A.I., 1932, p. 265 (fin IP-début HIe siècle)
C.I.S., II, 3, 3908 bis (215-216)
R II (défunt en pied) : I.L. Tun., 1257 (Julio-claudiens) R III
(cavalier) : C.I.L., VIII, 2504 (Hadrien-milieu IIIe siècle)
C.I.L., VIII, 6309=19296 (milieu Ier siècle) I.L.Alg., I, 2197
(Flaviens) A.E., 1930, 132 (milieu Ier siècle) A.E., 1930, 133
(milieu Ier siècle) J. et P. Alquier, Le Chettaba, 1929, p. 95, n°
79 (milieu Ier siècle) Ann. Soc. arch. Constantine, IV, 1858-1859,
pl. IV (mi- lieu Ier siècle)
Reliefs divers : C.I.L., VIII, 3917=18202 (149-150) R.E.A., LXVII,
1965, pp. 353-367=A.E., 1965, 274 (fin ne siècle).
L'étude des constructions militaires ne va pas elle non plus sans
difficultés. C'est le vocabulaire latin qui oppose le premier
obstacle aux investigations, car les termes employés se retrouvent
parfois dans la langue administrative civile, où ils sont appliqués
à des communautés de paysans ou de semi-citadins, en particulier
castellum et burgus. Pour résumer l'essentiel, on notera d 'abord
que castra désigne soit un grand camp soit toute sorte de camp, et
que castellum est un diminutif de cas t ra en son premier sens,
mais sans que cette appellation soit réservée à un fort abritant
des auxiliaires, comme on l 'a dit. Quant au burgus, πργoς en grec,
c'est simplement une tour ou un petit castellum. On ne parle de
centena- rium que pour désigner un poste de dimensions modestes et
à par t i r de Philippe l 'Arabe. Le mot praesidium, « garnison » à
l'origine, est à peu près synonyme de castra en son deuxième sens
sous le Haut-Empire, de castellum ensuite, et le terme de statio
est en principe réservé aux postes de police.
On aimerait bien savoir à quelle superficie correspond chacune de
ces appellations ; il est difficile de répondre à cette
interrogation, d'autant qu 'une évolution semble s'être faite dans
ce domaine. Les chercheurs, déçus, ont essayé alors de voir quelle
surface était assignée à chaque type d'unités. Pour une légion, ils
se sont accordés sur le chiffre tout à fait acceptable de 20 ha
environ. Mais l'affaire se gâte quand on passe aux auxiliaires ; en
raison des différences relevées entre les spécialistes, il a paru
préférable de livrer les principales hypothèses avancées sans vrai-
ment prendre parti.
Les dimensions des camps d'auxiliaires47 (en ha)
Ces rappels de données établies ailleurs devraient maintenant per-
mettre de mieux cerner l'histoire et la composition des unités
auxiliaires qui ont servi dans les provinces d'Afrique et de
Numidie.
Notes
1. Y. Le Bohec, La Troisième Légion Auguste, 1989 (édit. CNRS,
Coll. Etudes d'Antiquités Africaines), résumé dans Recherches sur
l'armée romaine d'Afrique, I.H., 1985,pp. 133-135 ;voirM. Reddé,
R.H., 547,1983, pp. 246-249.
2. L'étude des auxiliaires est particulièrement difficile à faire,
car la bibliographie et les sources sont dispersées. On utilisera
C. Cichorius, s.u. Ala, R.E. , 1, 1, 1894, col. 1224-1270, et s.u.
Cohors, R.E., IV, 1, 1900, col. 231-356 ; G.L. Cheesman, The
Auxilia of the Roman Imperial Army, 1914, 192 p. ; H.T. Rowell,
s.u. Numerus, R.E., XVII, 2, 1937, col. 2537-2554; C.I.L., XVI et
Suppl. ; M. Roxan, Roman military Diplomas, 1978 et 1985, 118 p. et
231 p. ; A.E., depuis 1985 pour les « diplômes ».
3. Les auxiliaires d'Afrique-Numidie ont été étudiés, mais
partiellement et mal ou dans des ouvrages dépassés : R. Cagnat,
L'armée romaine d'Afrique, 1913, 2e édit., en particulier pp.
107-109 et 194-215 ; M.G. Manna, Leformazio- ni ausiliarie di
guarnigione nella provincia di Numidia d a Augusto a Gallieno,
1970, 87 p. ; Y. Le Bohec, Les auxiliaires de la I I I Auguste,
B.C.T.H. , 1976, pp. 109-122, et Les Syriens dans l 'Afrique
romaine, Karthago, XXI, 1987, pp. 81-92 ; D. Mattingly, Libyan
Studies, XVI, 1985, pp. 70-75 (avec nos remar- ques sur ce travail
dans l 'art . cité « Les Syriens... »).
4. Les auxiliaires de Maurétanie Césarienne viennent d 'être
étudiés p a r
N. Benseddik, Les troupes auxiliaires de l 'armée romaine en
Maurétanie Césa- rienne sous le Haut-Empire, 1982, 285 p. , avec
nos remarques dans Epigraphica, XLIV, 1982, pp. 261-267.
5. D. Hoffmann, Die Heeresorganisation des römischen Afrika im IV.
Jh. n. Chr., Afrika und Rom in der Antike, 1968, pp. 237-244, et
Das spätrömische Bewegungsheer und die Notitia Dignitatum, Epigr.
Stud., VII, 1, 1969, 531 p., et VII, 2, 1970, 327 p.
6. R. Saxer, Untersuchungen zu den Vexiüationen des römische
Kaiser- heeres von Augustus bis Diokletian, Epigr. Stud., I, 1967,
147 p.
7. Y. Le Bohec, Un nouveau type d 'unité connu p a r l 'épigraphie
africaine, XIIe Congrès du limes, 1980, pp. 945-955, et Encore les
numeri coUati, IIIe Congrès sur l'Afrique romaine (Sassari, 1985),
1986, pp. 233-241.
8. R. Cagnat, De municipalibus et prouincialibus militiis in
Imperio romano, 1880, 98 p. ; A. Stapfers, Les milices locales de l
'Empire romain, M.B., VII, 1903, pp. 198-246 et IX, 1905, pp.
50-79.
9. F. Cumont, C.R.A.I. , 1918, pp. 312-323, et 1919, pp. 256-260, a
reconnu son erreur.
10. J. Desanges, Un princeps gentis à Sétif, B.C.T.H. , 1976-1978,
pp. 123-129, a bien analysé cette institution.
11. H.-I. Marrou, Histoire de l 'éducation dans l'Antiquité, 1965,
pp. 431- 434 et 609, n. 1-2 (bibliographie) ; M. Jaczynowska, Les
associations de la jeu- nesse romaine sous le Haut-Empire, 1978,
123 p.
12. P. Le Roux, L 'armée romaine et l 'organisation des provinces
ibéri- ques, 1982, pp. 153-157.
13. CI. Nicolet, Tribuni militum a populo, M.E.F.R. , LXXIX, 1967,
pp. 29-76.
14. Th. Mommsen, Die römischen Provinzialmilizen, Hermes, XXII,
1887, pp. 547-558, appliquait cette denomination aux numeri!
15. S. Gsell, M.E.F.R. , XV, 1895, p. 325, considérait que la
Huitième Cohorte Fida d 'une pa r t était une partie de la
Troisième Légion Auguste restée fidèle aux Gordiens en 238, et d
'autre pa r t qu'elle était une sorte de milice locale.
16. S.H.A., Seu. Al., LVIII, 4 (qui pourra calculer combien d
'encre a fait couler ce passage unique d 'un auteur douteux
!).
17. I .R.T. , 880 (voir ouvr. cité n. 1).
18. G. Alföldy, Die Auxiliartruppen der Provinz Dalmatien, A. Arch.
Hung., XIV, 1962, p. 260 et suivantes.
19. G. Alföldy, Die Hilfstruppen der römischen Provinz Germania
Infe- rior, Epigr. Stud., VI, 1968, p. 6 et suivantes.
20. Tacite, H., I, 70, et II, 17 (ala Siliana). 21. M. Le Glay, Les
discours d 'Hadrien à Lambèse, XIe Congrès du limes,
1978, pp. 545-558, annonce une nouvelle publication de ce texte
avec commen- taire.
22. H.-G. Pflaum, Une inscription de castellum Arsacalitanum,
L'Afri- que romaine, 1978, pp. 124-149.
23. Y. Le Bohec, Epigraphica, XLIII, 1981, pp. 148-149, n° 127-133.
24. G. Alfoldy, A. Arch. Hung., XIV, 1962, p. 282 et suivantes, et
Epigr.
St., VI, 1968, p. 136 et suivantes. 25. P. Romanelli, Riv. Trip.,
III, 1927, pp. 7-23 ; R. Thouvenot, Mél.
J. Carcopino, 1966, p. 905 ; voir ouvr. cité n. 1. 26. A. Balil,
Ier Congrès arch. Maroc esp., 1954, p. 391 ; Y. Garlan, La
guerre dans l'Antiquité, 1972, p. 101. 27. A. Balil, pass. cité ; J
.W. Eadie, J .R.S., LVII, 1967, pp. 161-173. 28. Voir ouvr. cité n.
1.
29. K. Kraft, Zur Rekrutierung der Alen und Kohorten an Rhein und
Donau, 1951,200 p. (voir A. E., 1954, p. 74). Nous présenterons
aussi les officiers qui ont commandé les auxiliaires
d'Afrique-Numidie, sauf le Cornelianus men- tionné pa r Hadrien
(C.I.L., VIII, 2532=18042, Db, 3) : il a été placé, avec titre de
préfet, à la tête d 'une cohorte equitata non identifiée (H.
Devijver, Prosopogra- phia , I, 1976, C, 281, pense à la Sixième
Cohorte de Commagéniens).
30. G. Alfoldy, Historia, XVII, 2, 1968, pp. 215-227, souligne
l'impor- tance des citoyens romains à par t i r du début du IIe
siècle.
31. Y. Le Bohec, Epigraphica, XLIV, 1982, p. 265, à part ir de N.
Benseddik, ouvr. cité n. 4.
32. G. Cantacuzène, Le recrutement de quelques cohortes syriennes,
M.B., XXXI, 1927, pp. 157-172 ; voir note suivante.
33. S. Lambrino, Observations sur la cohors milliaria Hemesenorum,
R.I .R. , 11, 1932, pp. 262-266 ; Y. Le Bohec, Les Syriens dans
l'Afrique romaine, Karthago, XXI, 1987, pp. 81-92.
34. G. Alfoldy, art. cité n. 30. 35. H.T. Rowell, s.u. Numerus,
R.E., XVII, 2,1937, col. 1328 et suivan-
tes, et Y. Cl. S., VI, 1939, pp. 71-108. 36. F. Vittinghoff,
Historia, 1, 1950, pp. 389-407. 37. M. Speidel, A.N.R.W., II, 3,
1975, pp. 202-231. 38. J.C. Mann, Hermes, LXXXII, 1954, pp.
501-506. 39. H. Callies, Die Fremdentruppen im romischen Heer des
Prinzipats
und die sogenannten nationalen numeri, B.R.C.K., XLV, 1964, pp.
130-227. 40. Ouvr. cité n. 1.
41. Voir n. 20.
42. Ouvr. cité n. 1 ; nous renvoyons à cette publication pour les
pages qui vont suivre : dans le souci d'alléger le présent travail,
nous ne donnerons ici que le moins possible de références.
43. Y. Le Bohec, L'onomastique du Haut-Empire et l 'Afrique
romaine, Ant. Afr. à paraître.
44. On utilisera en particulier les tableaux de J.-M. Lassère,
Recherches sur la chronologie des épitaphes païennes de VAfrica,
Ant. Afr., VII, 1973, pp. 35, 42, 46, 48, 55, 68, 76, 84, 88, 91,
94,111, 115 et 118.
45. J .-J . Hatt, La tombe gallo-romaine, 1986, 2e édit., 425 p. ;
K. Kraft , Rekrutierung, 1951, pp. 18-19 ; M. Clauss, Zur Datierung
stadtrômischer Inschriften, Epigraphica, XXXV, 1973, pp. 55-95 ;
J.-M. Lassère, Ant. Afr., VII, 1973, pp. 7-151 ; D.B. Saddington,
Towards the dating of early Inscriptions recording Roman auxiliary
Regiments, VIe Congrès d 'épigraphie, 1973, pp. 538- 540 (voir
A.N.R.W., II, 3, 1975, pp. 176-201).
46. Y. Le Bohec, Epigraphica, XLIII, 1981, en particulier pp.
130-131. 47. C.-Ch. Picard, Dimmidi, 1947, p. 87 ; G.C. Boon,
Segontiacum,
1963, p. 15 ; R. Rebuffat, Thamusida, I, 1965, p. 185 ; C. Webster,
Roman Impérial Army, 1974, 2e édit., p. 206 ; M. Reddé, Gallia,
XLIII, 1965, pp. 72 et 76 ; voir ouvr. cité n. 1.
Couverture
La problématique
Monuments funéraires d'auxiliaires
Reliefs funéraires d'auxiliaires