Phyto et Medicaments - 2003-29-167

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Interactions entre phytothrapie et mdicamentsKarin Fattingera, Andre Meier-AbtbLes parties de plantes utilises en phytothrapie contiennent diverses substances actives et annexes. Dans notre organisme existent plusieurs systmes de protection contre les toxiques que nous absorbons avec la nourriture, dont dune part les systmes enzymatiques dgradant les toxiques et les mdicaments dans le foie et lintestin, comme les isoenzymes du cytochrome P450, que nous connaissons surtout du mtabolisme des mdicaments (fig. 1). Dautre part, les transporteurs de mdicaments dans lintestin et le foie font que de nombreuses substances trangres sont expulses des cellules pithliales de lintestin dans la lumire intestinale, ou des cellules hpatiques dans la bile, substances qui seront ensuite limines dans les selles [1]. Le transporteur de mdicaments le mieux examin lheure actuelle est la glycoprotine P, ou Multidrug Resistance Protein MDR1, faisant partie de la superfamille des protines vectrices ABC (ATP-Binding Cassette), qui transportent sous la dpendance de ladnosine-triphosphate (ATP) plusieurs xnobiotiques, comme la cyclosporine A, la dexamthasone, la digoxine, la doxorubicine, ltoposide, livermectine, londanstron, le paclitaxel et la vinblastine [25]. Les constituants des spcialits phytomdicinales peuvent modifier la fonction et/ou lexpression de tels systmes de dtoxication. Ce qui peut par consquent provoquer des interactions avec des mdicaments pris en parallle. Une inhibition, ou une expression attnue des isoenzymes du cytochrome P450 et/ou de la glycoprotine P au niveau de lintestin et du foie, donne pour certains mdicaments une plus grande biodisponibilit (c.--d. quune plus grande proportion du principe actif atteint la circulation systmique), et une diminution de leur excrtion, ce qui peut donner lieu un effet mdicamenteux plus marqu (fig. 1, au milieu). Mais les substances trangres lorganisme peuvent galement donner une production accrue (induction) de ces systmes de dfense et augmenter par l lexcrtion prsystmique des mdicaments administrs en parallle, diminuer leur biodisponibilit et/ou augmenter leur excrtion systmique, attnuant ainsi leur effet (fig. 1, en bas). Il est galement possible que les phytothrapeutiques et les mdicaments conventionnels sinfluencent mutuellement dans leur pharmacodynamique (c.--d. directement leur site daction), comme dans le cas dune sdation accrue lors de la prise dun phytomdicament tranquillisant et dun somnifre conventionnel. Ci-dessous quelques exemples dinteractions mdicamenteuses avec les phytomdicaments. Il faut savoir ce propos que les conditions dadmission des phytomdicaments sont nettement moins strictes que celles des mdicaments conventionnels. En consquence, lors de lintroduction de ces phytomdicaments, les donnes sur leur potentiel dinteractions sont souvent absentes, ou insuffisantes. Cest pourquoi de nombreuses interactions discutes ci-dessous ne se basent que sur des cas rapports. Les mcanismes qui en sont lorigine sont souvent mal tudis et ne peuvent donc qutre suspects.

Millepertuis (Hypericum perforatum, herbe mille trous, St. Johns wort)Le millepertuis est utilis comme antidpresseur lger depuis bientt 200 ans. Le millepertuis a t enregistr en Suisse en 1931 dj comme th des dames Knzle. Le millepertuis est pratiquement tomb dans loubli avec lapparition des psychotropes modernes. Il a t redcouvert ces dernires annes et cest actuellement lun des phytomdicaments les plus vendus. Les spcialits dextraits secs en vente dans le commerce contiennent diffrentes proportions dhypericine, de pseudohypericine, dhyperforine, de mme que plusieurs flavonodes [6]. Au cours de ces dernires annes, plusieurs tudes ont t publies sur les interactions avec lextrait de millepertuis et les mcanismes qui sont en cause, ce qui na pas t le cas pour de nombreux autres phytomdicaments. Aprs la prise dextrait de millepertuis la dose thrapeutique habituelle, lexpression du cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) et de la glycoprotine P dans lintestin augmente chez ltre humain, et le CYP3A4 augmente denv. 4050% dans le foie [7]. Cette induction du CYP3A4 et

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Division de Pharmacologie et Toxicologie clinique, Dpartement de Mdecine interne, Hpital universitaire Zurich Centre Suisse dinformation toxicologique, Zurich Correspondance: PD Dr Karin Fattinger Division de Pharmacologie et Toxicologie clinique Dpartement de Mdecine interne Hpital universitaire Zurich CH-8091 Zurich [email protected]

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Foie CYP CYP PGP PGP Bile

Concentration srique

Figure 1. Systmes de protection contre les substances trangres dans le foie et lintestin: influence de leur inhibition ou induction sur la pharmacocintique. CYP: cytochrome P4503A4; PGP: glycoprotine P ou Multidrug Resistance Protein MDR1.

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de la glycoprotine P dans lintestin et le foie est transmise par le rcepteur nuclaire pregnane-X (PXR). Ce rcepteur PXR contrle galement lexpression du CYP2B6, qui assure par exemple llimination du bupropion, mdicament destin la dsaccoutumance au tabac [6, 8]. Linduction du CYP3A4 et de la glycoprotine P explique lattnuation de lexposition et/ou de leffet de lindinavir, de la nvirapine, de la cyclosporine A, du tacrolimus, de lamitriptyline, du midazolam, de lirinotcan, de la digoxine et de la fxofnadine observe dans des cas et/ou tudes cliniques (tableau 1) [913]. Il y a galement une interaction entre la simvastatine, inhibiteur de lHMG-CoA-rductase, et le millepertuis, ce qui nest pas le cas pour la pravas-

tatine [14]. Linduction du CYP3A4 peut galement expliquer pourquoi certaines femmes ont prsent un spotting ou aient t enceintes malgr le fait quelles aient t sous contraceptifs oraux. Ladministration simultane de millepertuis diminue de 15% lexposition lanticoagulant phenprocoumone [12], ce qui est probablement aussi d linduction du CYP3A4. Comme environ 60% de tous les mdicaments sont mtaboliss, en partie tout au moins, par le CYP3A4, et comme de nombreux substrats du CYP3A4 sont en outre galement ceux de la glycoprotine P, il faut sattendre ce que le millepertuis interagisse avec de nombreux autres mdicaments [6]. Comme pour le CYP3A4, un traitement de 4 semaines par un extrait de millepertuis a fait

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Tableau 1. Phytomdicaments, mdicaments concerns et effets.Phytomdicament Millepertuis (Hypericum perforatum) Mdicaments concerns indinavir nvirapine cyclosporine tacrolimus simvastatine contraceptifs oraux amitriptyline midazolam irinotcan digoxine fexofnadine phenprocoumone paroxtine sertraline trazodone nfazodone saquinavir chlorzoxazone anticoagulants inhibiteurs de ladhsivit plaquettaire flodipine cyclosporine lithium carbamazpine alprazolam benzodiazpines, sdatifs immunosuppresseurs sympaticomimtiques halothane, cyclopropane et glucosides cardiotoniques anticoagulants hparine acide actylsalicylique anti-inflammatoires non strodiens clopidogrel warfarine furosmide phnelzine spironolactone prednisolone hydrocortisone Effets exposition 57% exposition 35% exposition 40%, effet 444 exposition 60% exposition 60% spotting, grossesse exposition 20% biodisponibilit 40% exposition au mtabolite actif 42% exposition 25% exposition 46% exposition 15% syndrome srotoninergique syndrome srotoninergique syndrome srotoninergique syndrome srotoninergique exposition 51% mtabolisme par CYP 2E1 4 INR 2 (cas rapports) effet 2 (hypothse) exposition +70% exposition +100% (chez lanimal) exposition 4 (cas rapport) exposition 4 effet additif (cas rapport) effet 2 (cas rapports) effet 4 (hypothse) effet 2 effet arythmogne 2 risque de complications hmorragiques 2 (cas rapports)

Ail (Allium sativum)

Huile de menthe (Mentha piperita) Psyllium, graines de puce (Plantago sp.) Kava-kava (Piper methysticum) Valriane (Valeriana officinalis) Echinacea (Echinacea purpurea) Ephedra, Ma Huang (Ephedra sinica et autres espces) Ginkgo biloba

Ginseng (Panax ginseng)

effet 4 (cas rapport) effet 4 (cas rapport) manie (cas rapport) effet 44 concentration plasmatique 2 concentration plasmatique 2

Bois doux, rglisse (Glycyrrhiza glabra)

Figure 2. Millepertuis (Hypericum perforatum).

augmenter le mtabolisme de la chlorzoxazone, dpendant du CYP2E1, de 110% [15]. Le CYP2E1 joue un rle important dans lactivation mtabolique de nombreux carcinognes, de nombreuses toxines et de quelques mdicaments [16]. Ce qui fait supposer que la prise long terme de spcialits de millepertuis prdispose certains patients une toxicit mdicamenteuse plus marque (par ex. paractamol) ou certaines formes de cancer. Contrairement cela, le millepertuis ninfluence pas la pharmacocintique de la cafine, du

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tolbutamide et du dextromthorphane, ce qui montre que les cytochromes CYP1A2, CYP2C9 et CYP2D6 ne sont pas influencs de manire significative par le millepertuis [6]. En plus de ces tudes cintiques, il y a galement des rapports de cas tmoignant dune interaction pharmacodynamique potentialisante, dans le sens dun syndrome srotoninergique entre extraits de millepertuis et inhibiteurs de la recapture de srotonine. Les symptmes dcrits ont t tremor, nause, cphales, agitation, sudation, myalgies, ralentissement et tats confusionnels [6]. En rsum, le millepertuis a surtout des interactions pharmacocintiques avec les substrats du CYP3A4 et de la glycoprotine P (effet 4) et des interactions pharmacodynamiques avec dautres antidpresseurs (syndrome srotoninergique).

Ail (Allium sativum)Les spcialits contenant de la poudre ou de lextrait dail sont utilises contre les hyperlipidmies, lartriosclrose et les infections. Une interaction pharmacocintique a rcemment t dcrite entre lail et le saquinavir, substrat du CYP3A4 et de la glycoprotine P. Aprs la prise de capsules dail 2 fois par jour pendant 3 semaines, lexposition au saquinavir a diminu de 51% [17]. Ladministration dextrait dail pendant 4 jours seulement a diminu lexposition au ritonavir, un autre inhibiteur des protases, mais pas de manire statistiquement significative; il ny a eu quune lgre diminution de lexposition, de 17%, avec un intervalle de confiance 95% allant de 0 31% [18]. La prise dhuile dail pendant 28 jours na par contre occasionn aucune modification du mtabolisme du midazolam, de la cafine ni de la dbrisoquine, ce qui parle contre un effet notable sur les CYP3A4, CYP2E1 et CYP2D6 [15]; alors que le mtabolisme de la chlorzoxazone a t diminu, ce qui tmoigne dune inhibition du CYP2E1. Ces rsultats contradictoires sur linduction du CYP3A4 pourraient ventuellement rsulter des diffrentes dures dadministration dail, et/ou de diffrencesFigure 3. Ail (Allium sativum).

entre les spcialits utilises: les constituants de lail ragissent de manire trs sensible aux ractions enzymatiques et thermiques, raison pour laquelle laged garlic, qui a perdu son odeur par fermentation contrle, est peut-tre trs peu actif pharmacologiquement. Et lhuile dail obtenue par distillation la vapeur deau ne contient plus tous les principes actifs de la plante, et ce sont les produits de dgradation de la substance active principale, lalliine, qui dominent. Des tudes chez le rat ont clairement montr quun traitement de 6 semaines par huile dail fait augmenter lexpression et lactivit du CYP3A4 et du systme du CYP6B au niveau hpatique [19]. Il a en outre t dmontr que cest surtout le diallylsulfite de lail qui est responsable de cette induction, et ceci par une augmentation de la transcription [19, 20]. Il serait donc imaginable que les constituants de lail provoquent des interactions mdicamenteuses par les mmes mcanismes que le millepertuis. Le diallylsulfite, et son parent le diallyldisulfite ont augment chez le rat lactivit dautres enzymes mtabolisant les mdicaments, dont le CYP1A2 et la glutathion-transfrase [21]. Par contre, lhuile dail a fait diminuer lactivit et la concentration de protines du CYP2E1, en analogie ltude ci-dessus chez lhomme [19]. Contrairement la baisse de lefficacit du saquinavir, certains patients anticoaguls peuvent voir monter leur INR en prenant de lail, c.--d. que leur anticoagulation est plus marque [22]. Certaines substances contenues dans lail ont une influence sur la fonction des thrombocytes, ce qui pourrait entraner des complications lors dun traitement en parallle par anticoagulants ou inhibiteurs de ladhsivit plaquettaire [22].

Huile de menthe (Mentha piperita)Lhuile de menthe, obtenue par distillation la vapeur deau de feuilles de menthe, contient comme lment principal du menthol, qui a des proprits spasmolytiques sur le clon. Elle est donc souvent utilise dans le traitement du clon irritable, et ceci non sans succs. Elle prvient les spasmes lors dexamens endoscopiques [23]. Tout comme le jus de pamplemousse, lhuile de menthe inhibe probablement le CYP3A4 intestinal et fait augmenter la biodisponibilit de certains mdicaments. Seule la flodipine, antagoniste du calcium, a t tudie jusquici chez ltre humain; la prise simultane dhuile de menthe a augment lexposition 170%. Chez le rat, lhuile de menthe a doubl lexposition la cyclosporine [25]. Par analogie avec le jus de pamplemousse, on peut

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imaginer que lhuile de menthe ait un effet sur dautres mdicaments mtaboliss par le CYP3A4.

[27, 28]. Le psyllium et dautres spcialits mucilagineuses ne doivent donc pas tre pris simultanment avec dautres mdicaments, par mesure de prcaution.

Psyllium (Plantago sp., herbe aux puces)Les graines de puce (Semen psyllii) sont les graines mres de plusieurs espces de plantain. Cest surtout la gousse qui contient des polysaccharides complexes gonflant au contact de leau. Le psyllium a un effet rgulateur des selles, et peut galement tre utilis pour attnuer les effets gastro-intestinaux indsirables de linhibiteur de la lipase orlistat [26]. Les graines de puce peuvent aussi rduire les taux plasmatique du lithium et de la carbamazpine

Kava-kava (Piper methysticum, poivre enivrant)Les extraits de kava sont surtout utiliss comme anxiolytiques [29]. Leur mode daction est probablement une influence allostrique du complexe du rcepteur GABA-A par les kavapyrones, qui ont un effet myorelaxant et anticonvulsivant central. In vitro, ils inhibent la mono-amino-oxydase B. La scurit de ces spcialits a t remise en question ces derniers temps en raison de graves lsions hpatiques [30]. Et un cas de tableau clinique semi-comateux sous traitement parallle par kava et alprazolam a t rapport, ce qui tmoigne dun effet additif avec les benzodiazpines [31].

Figure 4. Herbe aux puces (Psyllii semen).

Valriane (Valeriana officinalis) et autres sdatifs vgtauxLa racine de valriane sadministre gnralement sous forme dextraits secs aqueuxalcooliques en cas de troubles du sommeil ou comme sdatif [32]. Son mcanisme daction serait une modulation de la fonction du rcepteur du GABA [32, 33]. La valriane peut ainsi potentialiser leffet sdatif des benzodiazpines et dautres sdatifs [32]. Dautres tudes parlent dune affinit des lignanes de la valriane pour le rcepteur de la 5-HT1A [34]. Malgr des tudes trs pousses, il na jusquici pas t possible didentifier les constituants de lextrait de valriane responsables de son effet sdatif. Une potentialisation de leffet des benzodiazpines est galement discute pour dautres sdatifs vgtaux, dont la fleur de la passion, la lavande, la mlisse et le houblon.

Figure 5. Valriane (Valeriana officinalis).

Figure 6. Raisin de mer (Ephedra distachya).

Echinace (Echinacea purpurea, rudbeckie)Lexprimentation animale et des tudes in vitro tmoignent dun certain effet immunomodulateur des extraits de rudbeckie. Il est donc dconseill de manire gnrale de prendre des spcialits de rudbeckie en mme temps que des mdicaments immunosuppresseurs, de mme quen cas de maladies autoimmunes [32].

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Ephedra (Ma Huang, raisin de mer)Lphdra se trouve souvent dans des produits amaigrissants ou excitants, parfois illgaux, et drogues de party telles que Herbal Ecstasy, souvent avec de hautes doses de cafine. Lphdra contient comme principaux principes actifs de lphdrine, de la pseudophdrine et de la norphdrine [32]. Ses interactions sont donc les mmes que celles de lphdrine standard: la prise dphdra en mme temps que dautres sympathicomimtiques en potentialise les effets. Lphdra peut en outre potentialiser leffet arythmogne de lhalothane, du cyclopropane et des glucosides cardiotoniques. Si de lphdra est pris en mme temps que des inhibiteurs de la mono-amino-oxydase, cela peut provoquer une augmentation de la tension artrielle, une hyperpyrexie et un coma.

Ginkgo bilobaLes extraits de feuilles du Ginkgo biloba se prennent chez nous pour augmenter les performances mnsiques [29]. Dans le pays dorigine du ginkgo, en Asie orientale, ses extraits taient utiliss surtout dans lasthme. Les extraits du Ginkgo biloba inhibent le facteur activateur des plaquettes (PAF) et peuvent ainsi prolonger le temps de saignement, ce qui explique les cas dhmatomes sous-duraux et dhmorragies spontanes signals sous ginkgo [29]. Dautres cas montrent en outre quil faut craindre une frquence accrue de complications hmorragiques sous association de ginkgo et danticoagulants, dhparine, dacide actylsalicylique, de clopidogrel ou danti-inflammatoires non strodiens [29]. Le ginkgo ne semble par contre avoir aucune influence sur les CYP [15].

Ginseng (Panax ginseng)Tout comme le ginkgo, le ginseng se trouve dans plusieurs spcialits en vente libre pour augmenter les performances crbrales. Plusieurs interactions entre ginseng et mdicaments sont suspectes sur la base de cas rapports. Chez un patient anticoagul par warfarine, lINR a chut sous ginseng, ce qui veut dire que leffet de lanticoagulant a t attnu [35]. Une diminution de leffet des diurtiques de lanse, comme le furosmide, a galement t dcrite [36]. Deux cas dinsomnie, tremor, cphales et agitation ont t dcrits sous prise parallle de ginseng et de phnelzine, un inhibiteur non slectif de la mono-amino-oxydase [29]. Il ny a aucune donne sur lassociation de ginseng et dinhibiteurs de la mono-amino-oxydase de type A et dautres antidpresseurs utiliss de nos jours. Tout comme pour le ginkgo, aucune influence du ginseng na t dmontre sur lactivit ni sur la quantit des diffrents CYP [15].

Figure 7. Ginkgo (Ginkgo biloba).

Figure 8. Racine de ginseng (Ginseng radix).

Rglisse (Glycyrrhiza glabra)La rglisse contient, en plus de diffrents flavonodes, de la glycyrrhizine. Elle devrait avoir un effet antiphlogistique dans les gastrites et les maladies ulcreuses. Mais hautes doses, la glycyrrhizine peut avoir un effet de type minralocorticode (hyperaldostronisme secondaire), et attnuer leffet de la spironolactone, antagoniste de laldostrone [22]. Il a en outre t dmontr que ladministration de glycyrrhizine par voie orale diminue llimination de la prednisolone et de lhydrocortisone, et fait donc augmenter leurs concentrations plasmatiques [37]. Les extraits de rglisse se retrouvent souvent aussi dans les sirops et pastilles contre la toux, ou sutilisent pour la

Figure 9. Racine de rglisse (Liquiritiae radix).

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dsaccoutumance au tabac; mais le mode daction est inconnu. Pour la scurit des patients, il serait certainement prfrable dutiliser des spcialits pauvres en glycyrrhizine.

ConclusionDes interactions mdicamenteuses cliniquement importantes peuvent se produire non seulement avec les mdicaments conventionnels, mais aussi avec des spcialits alternatives telles que les phytothrapeutiques. Lexemple du millepertuis, pour lequel des interactions srieuses nont t dcouvertes et explicites quaprs une utilisation durant de nombreuses annes et large chelle, montre quel point il est important, en cas deffets indsirables inhabituels ou de cessation subite et imprvisible de lefficacit dun mdicament, de demander au patient non seulement sil a modifi sa comdication par mdicaments conventionnels, mais aussi sil a ventuellement pris des spcialits alternatives. Certains produits dagrment tels que lalcool, la cafine, la cigarette, certains aliments tels que le jus de pamplemousse et le cresson, ou des drogues illgales et des stimulants tels que le khat et la yohimbine, peuvent galement provoquer des interactions importantes en pratique [6, 38, 39]. Il serait souhaitable qu lavenir, avant ladmission de spcialits alternatives, davantage dtudes sur leur potentiel dinteraction soient exiges pour garantir la scurit de ces spcialits, notamment pour les personnes devant prendre des mdicaments en raison de maladies graves. (Traduction Dr Georges-Andr Berger)

Quintessence Par phytomdicament, il faut entendre des mdicaments finis contenantcomme constituants mdicalement actifs uniquement des prparations vgtales. Il sagit de systmes de plusieurs substances dont la composition est complexe. En plus des principaux principes actifs, qui dterminent leffet principal, ils contiennent dautres substances capables de modifier cet effet principal, de mme que de nombreuses substances accessoires pouvant navoir aucun effet, ou avoir des effets indsirables.

A partir de la mme plante, en fonction de la technique dextraction, de lapartie de la plante utilise et de son sous-type, il est possible dobtenir des prparations ayant diffrentes qualits deffet. Lorganisme humain a toujours t confront ces substances trangres travers lalimentation, et a dvelopp plusieurs systmes de protection dont les isoenzymes du cytochrome P450 et le transporteur de mdicaments quest la glycoprotine P, dans lintestin et le foie, qui contrlent galement la rsorption et lexcrtion des mdicaments.

Les constituants des phytomdicaments, des produits dagrment et desaliments peuvent modifier la fonction et/ou lexpression de ces systmes de dsintoxication, et avoir de ce fait des interactions avec des mdicaments. Lextrait de millepertuis, par exemple, fait augmenter lexpression de la glycoprotine P et du CYP3A4, et peut ainsi attnuer leffet dautres mdicaments. Il existe des arguments selon lesquels les extraits dail diminuent leffet de certains substrats du CYP3A4.

Le fait que certaines interactions graves nont t dcouvertes quaprs uneutilisation large chelle et sur plusieurs annes, dit bien quel point il est important, en cas deffets indsirables inhabituels, ou de diminution imprvue de lefficacit dun mdicament, dinterroger les patients non seulement sur les changements dans la comdication avec leurs mdicaments conventionnels, mais aussi au sujet de lingestion ventuelle de mdicaments alternatifs.

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