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Pièce ( ) montée Les dossiers pédagogiques « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau SCÉRÉN en partenariat avec l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Une collection coordonnée par le CRDP de l’académie de Paris. Édito Comment dire le conte au théâtre, comment dire le conte en classe ? D'après Olivier Py, L'Eau de la vie et La Jeune Fille, le Diable et le moulin ne sont pas des « adaptations » des contes de Grimm. L'auteur, le metteur en scène, s'empare ici des récits, des trames narratives, de leurs vérités inébranlables et de leur génie dramatique, pour y projeter son propre style, écrire et mettre en scène des œuvres qui lui sont totalement propres. Les deux spectacles sont joués en alternance par la même équipe de comédiens dans une scénographie identique. Ce nouvel opus de Pièce (dé)montée a donc pris le parti de traiter dans un même ensemble les deux pièces en proposant un va-et-vient permanent entre les contes originaux de Grimm et les textes et mises en scène d'Olivier Py. L'objet est ainsi d'étudier le conte, le texte théâtral, et leurs représentations. Les professeurs des écoles et professeurs de lettres de collège, à qui s'adresse en priorité le dossier, y trouveront donc des outils pour préparer la venue de leurs élèves au théâtre, puis des pistes d'exploitations pédagogiques. L'ensemble est rédigé par Isabelle Courties et Danielle Mesguich, enseignantes du premier et second degré. Simple conseil d'utilisation enfin, si certaines des approches d’Olivier Py peuvent déranger les adultes, si ne pas tout comprendre les vexe parfois et provoque leur appréhension face au texte, l'enfant dispose sans doute d'une faculté de questionnement et d'interrogations plus développée. Ses réponses sont celles de la poésie et de l’imaginaire. Il serait dommage de ne pas les mettre à profit ici… Retrouvez sur4http://crdp.ac-paris.fr l'ensemble des dossiers « Pièce (dé)montée ». La collection Pièce (dé)montée continue d’accompagner Olivier Py dans son travail autour des contes des frères Grimm. Le numéro 68, réalisé en partenariat avec le théâtre de l’Odéon, offre ainsi de nombreuses pistes d’activités sur La Vraie fiancée, créée en 2008. © Alain Fonteray Avant de voir le spectacle : la représentation en appétit ! Portrait des frères Grimm [voir page 3] Résumés des contes et des pièces [voir page 4] Conte et pièce de théâtre, différences et points communs [voir page 8] Éléments symboliques récurrents [voir page 12] Olivier Py, biographie et entretien [voir page 15] Après la représentation : pistes de travail u Une adaptation ? [voir page 20] u Scénographie et personnages [voir page 20] u De la mise en scène d'Olivier Py aux traits majeurs des contes [voir page 22] 12 avril 2006 d’après Grimm, de et mis en scène par Olivier PY L’Eau de la vie La Jeune Fille, le Diable et le moulin aux ateliers Berthier du Théâtre de l’Odéon-Théâtre de l’Europe du 23 décembre 2008 au 18 janvier 2009

Pièce dé montée - Paris

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Page 1: Pièce dé montée - Paris

Pièce (dé)montéeLes dossiers pédagogiques « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau SCÉRÉN en partenariat avec l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Une collection coordonnée par le CRDP de l’académie de Paris.

éditoComment dire le conte au théâtre, comment dire le conte en classe ?D'après Olivier Py, L'Eau de la vie et La Jeune Fille, le Diable et le moulin ne sont pas des « adaptations » des contes de Grimm. L'auteur, le metteur en scène, s'empare ici des récits, des trames narratives, de leurs vérités inébranlables et de leur génie dramatique, pour y projeter son propre style, écrire et mettre en scène des œuvres qui lui sont totalement propres.Les deux spectacles sont joués en alternance par la même équipe de comédiens dans une scénographie identique. Ce nouvel opus de Pièce (dé)montée a donc pris le parti de traiter dans un même ensemble les deux pièces en proposant un va-et-vient permanent entre les contes originaux de Grimm et les textes et mises en scène d'Olivier Py. L'objet est ainsi d'étudier le conte, le texte théâtral, et leurs représentations.Les professeurs des écoles et professeurs de lettres de collège, à qui s'adresse en priorité le dossier, y trouveront donc des outils pour préparer la venue de leurs élèves au théâtre, puis des pistes d'exploitations pédagogiques. L'ensemble est rédigé par Isabelle Courties et Danielle Mesguich, enseignantes du premier et second degré.Simple conseil d'utilisation enfin, si certaines des approches d’Olivier Py peuvent déranger les adultes, si ne pas tout comprendre les vexe parfois et provoque leur appréhension face au texte, l'enfant dispose sans doute d'une faculté de questionnement et d'interrogations plus développée. Ses réponses sont celles de la poésie et de l’imaginaire. Il serait dommage de ne pas les mettre à profit ici…

Retrouvez sur4http://crdp.ac-paris.fr l'ensemble des dossiers « Pièce (dé)montée ».

La collection Pièce (dé)montée continue d’accompagner Olivier Py dans son travail autour des contes des frères Grimm. Le numéro 68, réalisé en partenariat avec le théâtre de l’Odéon, offre ainsi de nombreuses pistes d’activités sur La Vraie fiancée, créée en 2008.

© Alain Fonteray

Avant de voir le spectacle :

la représentation en appétit !

Portrait des frères Grimm [voir page 3]

Résumés des contes

et des pièces [voir page 4]

Conte et pièce de théâtre,

différences et points communs [voir page 8]

Éléments symboliques

récurrents [voir page 12]

Olivier Py, biographie

et entretien [voir page 15]

Après la représentation : pistes de travail

u Une adaptation ? [voir page 20]

u Scénographie

et personnages [voir page 20]

u De la mise en scène d'Olivier Py

aux traits majeurs des contes [voir page 22]

n° 12 avril 2006

d’après Grimm, de et mis en scène par

Olivier Py

L’Eau de la vie

La Jeune Fille, le Diable et le moulin

aux ateliers Berthier

du Théâtre de l’Odéon-Théâtre de l’Europe

du 23 décembre 2008 au 18 janvier 2009

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Avant de voir le spectacle

La représentation en appétit !

b Préparer la venue au spectacle.

b Faciliter la compréhension des contes de Grimm et des pièces d’Olivier Py.

b Mettre en évidence les modifications apportées par Olivier Py.

2

L'origine orale et populaire des contes en faisait des récits souvent émaillés d'actions brutales, dedescriptions réalistes -des besoins du corps par exemple- et parfois même d'allusions érotiques.Cependant, leurs diverses transcriptions écrites eurent pour conséquence de les « lisser » progres-sivement afin de les adapter dans le même temps aux règles de la stylistique et à l'évolution deleur lectorat.Les contes de Grimm échappent d'autant moins à cette convention que leur éditeur souhaita dèsle début les destiner aussi au public enfantin. Wilhem s'attacha donc à les expurger de ce qui neconvenait pas plus aux enfants qu'à son puritanisme protestant. Les frères n'y introduisirent paspour autant d'évocations religieuses mais développèrent leur caractère illustratif, en y ajoutant dediscrètes réflexions morales ou encore des sentences. Néanmoins, les Grimm avaient pour principeet volonté de rester fidèles le plus possible aux récits qu'ils avaient recueillis. Ils en conservèrentla majeure partie, y compris leur côté naïf mais aussi les scènes les plus violentes.À cet égard, la scène de mutilation de La jeune fille sans mains peut être ressentie par de jeunesélèves de façon très pénible au point qu'il est sans doute préférable d'en préparer la lecture etde l'accompagner pas à pas afin de pouvoir proposer un débat interprétatif immédiatement après.

Cependant, la suite du conte pas plus que L'Eau de jouvence ne pose de problème de cet ordre-làet les deux textes peuvent être lus et étudiés dans leur ensemble sans précautions particulières.

En revanche, il n'en va pas de même pour les deuxpièces d'Olivier Py et il est nécessaire pour l'ensei-gnant de procéder à leur lecture préalable afind'apprécier par lui-même s'il peut en proposer l'étu-de intégrale en classe, en fonction de la maturitéde ses élèves.

En effet, l'adaptation d'un texte narratif pour lethéâtre, sa théâtralisation, impose de lui donnerune tension analogue à celle d'un drame. Les deuxpièces La Jeune Fille, le Diable et le moulin, commeL'Eau de la vie n'échappent pas à cette règle. Lespersonnages étant donnés à voir, ils y sont définisà plus gros traits que dans les contes et leursactions étant mises en scène deviennent forcémentplus spectaculaires, au sens propre du terme. Cette« obligation » qui contraint l'auteur à rendre les carac-tères des personnages plus lisibles occasionnequelques décalages dans certains cas.

Précautions d'emploi

Les contes

Les pièces

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La Jeune Fille, le Diable et le moulinC'est le cas du Diable par exemple dans LaJeune Fille, le Diable et le moulin où il occupeun des rôles principaux -au point de figurerdans le titre. Beaucoup plus présent, il appa-raît d'emblée comme plus inquiétant, dessinéavec beaucoup de précision dans la noirceur etle cynisme de ses intentions.

L'Eau de la vieL'argument moins féerique de ce conte, et parextension celui de la pièce, se prêtait davantageà une exacerbation des thèmes du texte initial.Ici le parti pris de l'auteur d'en accentuer lepropos repose sur deux types d'adjonctions àaborder avec précaution en classe selon l'étatd'esprit des élèves :- la volontaire crudité du langage. Elle se

manifeste sous plusieurs aspects : soit dans

la brutalité de certaines scènes comme cellede la scène d'exposition où la violence sym-bolique exprimée par le discours des frèresaînés ne laisse guère d'illusions sur leursintentions. Soit par de nombreuses allusionsscatologiques, voire quelquefois érotiques,dans les chansons et les poésies prononcées iciencore par les frères aînés, sorte d'affirmationitérative de leur amoralité.

- les invocations et allusions religieusessont récurrentes sans être toujours forcé-ment lisibles pour qui ignore à peu près lecatéchisme.

Toute confrontation à une œuvre culturellecomporte des risques, très mesurés toutefois,dont la médiation de la parole et de l'étudeatténuent la portée, c'est pourquoi nous avonschoisi de les évoquer ici.

Biographie des Grimm

Cet unique patronyme désigne en fait deux frères,Jacob (1785-1863) et Wilhem (1786-1859) Grimm.Ecrivains et philologues allemands, Jacob etWilhem sont nés à Hanau, dans une famille de neufenfants. L'aîné s'attache très tôt à son cadet quisera toujours d'une constitution fragile. Leur père,issu d'une famille de prédicateurs réformés, estjuriste et à la mort prématurée de ce dernier(1796), leur mère les confie à une de leur tante, àKassel, pour y faire leurs études secondaires. Ilss'inscrivent ensuite à l'université de Marbourg.Jacob y poursuivra des études juridiques tandis queWilhem s'intéressera davantage à la littérature.Après un premier séjour à Paris en 1805, à l'invi-tation de son professeur Carl Friedrich vonSavigny, Jacob décide de se consacrer à larecherche sur « la magnifique littérature de l'an-cien allemand » tout en poursuivant un momentune carrière diplomatique. Mais durant leur vie, lesdeux frères occuperont principalement des postesde bibliothécaires qui leur laisseront du tempspour leurs recherches. Ils séjourneront ainsi suc-cessivement à Kassel, Goëttinguen et enfin àBerlin, à la demande de Frédéric Guillaume IV dePrusse (1841).Jacob demeura célibataire, Wilhem épousaDorotha Wild en 1825 dont il eût quatre enfantset ils reposent tous les deux à Berlin, après avoirvécu et travaillé côte à côte toute leur vie. Dès 1806, encore très jeunes, Jacob et Wilhems'intéressent au Moyen Age et commencent à ras-sembler des contes, des légendes, des chants popu-laires. Dès le début, ils s'efforcent de regrouper lestextes selon des critères rigoureux car le publicqu'ils recherchent est avant tout scientifique.

Leurs sources sont principalement orales etleurs informateurs sont souvent des jeunes genset des jeunes filles issus de la bourgeoisie deKassel qu'ils reçoivent chez eux. Il en va ainsides trois sœurs Hassenpflug, d'origine françaisequi, dans le dialecte hessois, leur ont racontéentre autres de nombreux contes de Perrault. Siles frères, en raison de l'emploi du dialecte ontpu croire un moment qu'il s'agissait de contesoriginaux, ils s'en aperçurent rapidement etmodifièrent ensuite leurs ouvrages en suppri-mant des contes tels que Le Chat botté ou Barbebleue. Cependant les contes étant plus anciensque les frontières, nombre d'entre eux ont lamême trame et furent conservés. Ils eurentaussi pour informatrice « la vieille Marie » uneservante de la famille Wild. Une autre source futencore Dorotha Viehnamm, originaire d'un villa-ge des environs de Kassel. Enfin, les frèresGrimm entretenaient tout un réseau de corres-pondants dans différentes régions d'Allemagne.Les Contes de l'enfance et du foyer (Kinder undHausmärchen), devenus Contes pour les enfantset les parents paraissent entre 1812 et 1815,sous la forme de deux volumes. En 1822 paraîtun troisième livre, constitué de commentairessur les deux premiers. C'est à l'insistance de leuréditeur que figure dans le titre la mention« pour les enfants » qui chagrinait un peuJacob et au fur et à mesure des éditions,Wilhem s'efforcera de les adapter davantage àce public. Pour cela, il expurgea les contes detoutes allusions érotiques et les orna demorales, de proverbes, de sentences à destina-tion des enfants.

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À cet égard, la part des deux frères dans larédaction des Contes est difficile à démêler.Jacob, un des plus grands érudits de son temps,s'attacha à leur transcription la plus fidèle pos-sible, en leur conservant leur tour populaire etnaïf, dans sa volonté d'en restituer la formeprimitive. Wilhem s'intéressa davantage au styleet rédigea au fur et à mesure des éditionsdavantage de passages en discours direct. Ilintroduisit également des liens logiques entreles épisodes et les agrémenta d'expressionsimagées. Les Contes connurent immédiatementun grand succès et furent traduits notammenten anglais dès 1823. C'est encore à ce jour l'ou-vrage allemand le plus lu, le plus vendu et leplus traduit dans le monde.

Enfin, on ne peut évoquer les frères Grimm sansparler de leurs œuvres majeures concernant lalangue allemande et auxquelles Jacob se consacrafurieusement. En 1820 ce dernier publie uneGrammaire allemande (Deutsche Grammatik) consi-dérée comme le fondement de la philologie alle-mande et Wilhem publie de son côté un certainnombre d'ouvrages consacrés à la littérature etaux traditions populaires. Mais surtout, en 1852,les deux frères publient le premier volume de leurmonumental Dictionnaire allemand (DeutschesWörterbuch) dont ils n'iront pas plus loin que lalettre « F ». Cette véritable somme a été poursui-vie et achevée par des érudits allemands et le 32e

et dernier volume a été publié en 1961. Elle estdisponible depuis 2004 sous forme de CD-rom.

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Résumé de L'eau de jouvence

In Contes de Grimm, Éditions Gallimard, 1976 (collection Folio, réédition 1997), préface de Marthe RobertLes phrases en italique sont reprises telles quelles du texte de l'édition Folio.

Un roi se mourait de maladie et ses trois fils enétaient très affligés. Un vieillard rencontrédans le jardin du château leur indiqua qu'ilexistait un ultime remède, difficile à trouver :l'eau de jouvence. L'aîné obtint le consentement de son père pourpartir à la recherche de l'eau, espérant ainsihériter de son royaume. Il croisa sur son cheminun nain qui lui demanda où il courait ainsi maisle prince le rembarra méchamment. Aussitôt lenain lui jeta un sort et le prince se retrouvaenfermé dans les montagnes, immobilisé surson cheval comme dans un cachot. Le roi malade l'attendit longtemps mais il nerevint pas.Alors le deuxième fils, espérant à son tour hériterdu royaume, se mit en route. Il croisa égale-ment le nain, le traita de la même façon etconnut donc le même sort que son frère. Voilà ce qui arrive aux orgueilleux.Le cadet pria alors son père de le laisser partir àson tour et le roi finit par le lui permettre.Quand le prince rencontra lui aussi le nain, ilrépondit à ses questions. Charmé par sa polites-se, le nain lui expliqua comment accéder à l'eaude jouvence qui jaillissait d'une fontaine dans lacour d'un château enchanté. Il lui donna unebaguette de fer dont il devait frapper trois coupssur la porte de fer du château pour qu'elles'ouvre. Le nain lui remit encore deux miches depain pour calmer les lions qui se tenaient dansla cour et lui dit de se dépêcher de prendre l'eauavant que retentissent les douze coups de midisous peine de rester enfermé dans le château.

Le prince le remercia, se mit en route et il trouvatout comme le nain avait dit. La porte s'ouvritavec la baguette, le pain apaisa les lions et ilarriva dans une grande salle où se tenaient desprinces enchantés. Il leur prit les anneaux qu'ilsportaient, une épée et un pain. Il arriva ensuitedans une autre salle où se trouvait une bellejeune fille qui l'embrassa et lui dit qu'il l'avaitdélivrée. Elle lui promit son royaume et qu'oncélèbrerait leurs noces s'il revenait dans un anpuis elle lui indiqua aussi où se trouvait la fon-taine d'eau de jouvence. Le prince continua, ilentra dans une nouvelle salle où se trouvait unbeau lit et comme il était fatigué il décida de sereposer un peu. Lorsqu'il se réveilla, l'horlogesonnait et il courut à la fontaine y puiser del'eau mais à l'instant où il arriva à la porte defer, midi sonna et elle se referma si violemmentqu'il perdit un bout de son talon.Il prit le chemin du retour et passa à nouveaudevant le nain. Celui-ci vit l'épée et le pain etlui dit qu'elle lui permettrait de vaincre desarmées entières et que le pain ne s'épuiseraitjamais. Mais le prince ne voulait pas rentrersans ses frères et supplia le nain de les délivrer.Il accepta mais le prévint « Méfie-toi d'eux, ilsont mauvais cœur. »Le prince fut très heureux de revoir ses frères etleur raconta tout ce qui lui était arrivé. Ilsrepartirent ensemble et en chemin traversèrenttrois royaumes où régnaient la famine et laguerre. À chaque fois, le prince aida leurs roisavec son pain et son épée. De sorte qu'à présent,il avait sauvé trois royaumes.

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Trois frères se retrouvent au chevet du roi mou-rant, leur père. Le plus jeune s'afflige tandis queles deux aînés s'inquiètent de leur héritage etdu moyen d'éliminer le Benjamin de cette affai-re. Le père s'éveille alors de sa torpeur et leurrévèle l'existence d'un jardin blanc où coulel'eau de la vie, le seul remède qui pourrait lesauver. Espérant sa faveur, les frères se dispu-tent aussitôt l'honneur de partir à sa rechercheen dépit des craintes du roi qui redoute poureux le danger de cette aventure. D'autant queson succès, dit-il, reviendra à ceux qui accepte-ront de marcher en aveugle confiance.Dans sa hâte cupide, l'Aîné s'élance le premieret croise bientôt un mendiant auquel il refusede répondre sur le but de sa quête et sous lecoup d'un sort, se voit transformé en chien. Le roine le voyant pas revenir regrette de s'être confiémais ne parvient pas davantage à retenir sonPuîné. Celui-ci connaît la même mésaventure queson frère et se retrouve transformé en cochon.Il ne reste plus au Benjamin qu'à partir à sontour mais se souvenant des conseils de sonpère, il prend soin de se bander les yeux et lorsde sa rencontre avec le mendiant, il reconnaîten lui un Ange. Aussi en reçoit-il de l'aide sousla forme d'un rameau merveilleux pour ouvrir laporte du château où se trouve l'eau et d'unpain pour calmer la faim du lion qui s'y trouve.

Le Benjamin se remet en route après la dernièremise en garde de ne pas perdre une goutte del'eau recueillie et de quitter le château avant ledouzième coup de midi.Dans un palais de givre, auprès d'une source,une Princesse prisonnière d'un Lion rouge esten train de chanter sa mélancolie lorsqu'ellevoit arriver un jeune homme. C'est le Benjaminqui ouvre la porte avec son rameau d'or et ama-doue le Lion avec le pain et que la Princesseaccueille comme un gage de printemps. Elle lelaisse se reposer et s'endormir auprès d'ellependant que le Lion, délivré grâce au pain de sacolère contre le temps, vient lui faire sesadieux. Quand midi sonne, la Princesse n'a quele temps de réveiller le Benjamin, de lui pro-mettre de l'attendre après l'accomplissement desa quête et de lui donner une épée et un nou-veau pain pendant qu'il remplit son verre d'eau.Le douzième coup retentit alors qu'il sort dejustesse du château, laissant un doigt de pieddans la porte qui se ferme. Sur la route du retour, le jeune prince rencontrel'Ange dont il apprend le sort réservé à sesfrères. Il obtient qu'il les délivre pour porterensemble l'eau de la vie à leur père mais sil'Ange accepte, il prévient le Benjamin de seméfier de sa paresse, de leur félonie et de restervigilant.

Résumé de L'Eau de la vie, d'Olivier Py

L'École des Loisirs, 2000

Puis les trois frères s'embarquèrent pour traver-ser la mer. Les deux aînés se dirent que leurfrère, grâce à l'eau de jouvence, hériterait à leurplace du royaume de leur père et profitant deson sommeil, ils la volèrent et la remplacèrentpar de l'eau de mer. Une fois rentré, le cadetporta sa coupe au roi afin qu'il guérisse maisl'eau salée le rendit encore plus malade. Alorsses deux frères l'accusèrent d'avoir vouluempoisonner le roi à qui ils donnèrent l'eauqu'ils avaient volée et il guérit instantanément.Puis, ils allèrent se moquer du plus jeune en luidisant qu'il aurait dû être plus malin et quedans un an, ils iraient chercher la princesse. Le vieux roi était très fâché contre son filscadet et ordonna qu'on le tue. Mais, arrivé dansla forêt, le chasseur qui était chargé de le fairen'en eut pas le courage et le laissa s'enfuir.À quelque temps de là, trois chariots d'or et depierreries arrivèrent chez le roi pour son plus jeunefils, envoyés par les trois rois que celui-ci avaitaidés. Le père se dit alors que son fils n'étaitpeut-être pas coupable et il fut très heureux

d'apprendre qu'il était toujours en vie. Partoutil fit dire qu'il pouvait revenir.Pendant ce temps, la princesse avait faitconstruire une route en or devant son château.Elle dit à ses gens de laisser passer celui qui laprendrait avec son cheval mais d'empêcher d'en-trer ceux qui passeraient à côté pour ne pasabîmer l'or. Au bout d'un an quand le frère aînéarriva pour épouser la princesse, il ne voulutpas prendre la route dorée et la longea. Il futobligé de repartir et il arriva la même chose audeuxième frère. C'est alors que le troisième frèresortit de la forêt pour rejoindre sa bien-aiméeet oublier son chagrin auprès d'elle. Il était sipressé d'arriver qu'il ne vit pas la route d'or etmarcha au beau milieu avec son cheval. La prin-cesse l'accueillit avec joie, ils se marièrent etelle lui raconta que son père lui avait pardonnéet le cherchait. Alors le jeune prince alla letrouver et lui raconta tout. Le roi voulut punirses fils aînés mais ils étaient partis au loin etjamais ils ne revinrent de leur vie.

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En route, les trois frères croisent deux rois auxabois que le Benjamin sauve grâce à l'épée et aupain de la Princesse avant de s'endormir dans lebateau du retour. Ses deux frères en profitentpour lui voler l'eau de la vie et la remplacer parde l'eau de mer. Ils pourront ainsi prétendre avoirsauvé leur père et accuser leur frère d'avoir voulul'empoisonner. C'est ce qui se passe et le roiordonne qu'on assassine son plus jeune fils. Lejardinier choisi pour accomplir la sentence nepeut cependant s'y résoudre et échange ses vête-ments contre ceux du Benjamin pour lui per-mettre de s'enfuir. Leur plan étant accompli,l'Aîné, puis le Puîné, se présentent au château dela Princesse pour l'épouser. En refusant de mar-cher sur la voie étoilée d'or qu'elle a préparéepour éprouver le désir désintéressé de son fiancé,

ils échouent dans leur tentative auprès d'elle. De son côté, le roi a fait appel à l'expérience duLion pour apaiser sa colère contre son fils maiselle se retourne contre lui-même quand ilapprend du Lion les exploits du Benjamin.Honteux mais soulagé d'apprendre qu'il est envie il part le rejoindre au palais de givre où ilsait pouvoir le trouver.Le Benjamin dans sa hâte de retrouver sonamour n'avait pas hésité, lui, à piétiner la voieconstellée d'or mais n'avait plus que son dégoûtde la vie à offrir à la Princesse. L'intervention del'Ange pour lui apprendre le réensorcellement deses frères et l'arrivée de son père pour lui par-donner lui rendent le droit à la félicité et aupartage de la pureté de son cœur avec celui deson aimée.

Un meunier tombé dans la misère et bien naïfsigne un pacte avec un inconnu rencontré dansla forêt. Cet inconnu qui n'est autre que lediable, lui promet la richesse en échange de cequi se trouve derrière son moulin dont ilannonce qu'il viendra le chercher dans troisans. Le meunier signe son engagement enpensant avoir promis son grand pommier maissa femme comprend immédiatement et trop

tardivement la faute commisepar son mari : au moment dupacte, c'est leur fille qui setrouvait derrière le moulin. Lediable vient donc chercher sondû mais les larmes de la pieusejeune fille empêchent ce der-nier de prendre possession deson bien et dans sa colère,assoiffé de vengeance, il exigedu père qu'il coupe les mainsde sa fille. Pris de peur celui-cis'exécute et ne peut retenir safille qui part chercher dans levaste monde des gens compa-tissants à ses malheurs. Solitaire, affamée, elle parvientaux abords d'un jardin royaldans lequel un ange l'aide àpénétrer et où elle se rassasied'une poire. Intimidé par l'ange,le jardinier voit toute la scène

mais laisse faire et se contente de la raconterau roi, son maître, descendu compter ses poires.Ce dernier attend le retour de la jeune fille, entombe amoureux, l'épouse et lui fait présent demains d'argent.Un an après, le roi doit partir à la guerre etconfie sa jeune femme enceinte à sa mère. Lemoment venu, celle-ci prévient son fils,comme convenu par une lettre, de la naissan-ce d'un beau garçon. Mais le diable veille,intercepte la lettre, l'échange et la remplacecontre la nouvelle de la naissance d'un avor-ton. Le roi répond qu'il faut veiller sur safemme, lettre que le diable falsifie, à nouveau,et transforme en ordre de tuer le bébé et samère. La vieille reine ne peut s'y résoudre, faittuer une biche, attache le bébé sur le dos desa mère et les envoie se cacher au loin. Lajeune mère et son fils, guidés par un ange,trouvent asile dans une forêt auprès d'unedemoiselle blanche qui les recueille et les pro-tège. Sept ans passent et les mains de la reinerepoussent par la grâce de Dieu. Sept anss'écoulent aussi avant que le roi, revenu de laguerre et parti à leur recherche, ne les retrou-ve dans la forêt. L'ange a gardé, pour les luimontrer, les mains d'argent de sa femme et leroi la reconnaît ainsi que leur fils pour lessiens. Ils rentrent chez eux, célèbrent uneseconde fois leurs noces et mènent une vieheureuse jusqu'à leur mort.

Résumé de La jeune fille sans mains de Grimm

In Contes de Grimm, Éditions Gallimard, 1976 (collection Folio, réédition 1997), préface de Marthe Robert

© Alain Fonteray

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Le Père, pauvre et fatigué, est assoupi dans laforêt quand le Diable s'approche, il ne se pré-sente pas comme tel mais ne lui cache pas nonplus les vilains surnoms dont on l'affuble. Puis,après avoir suscité et écouté les jérémiades dumeunier, le Diable lui propose la richesse contresa promesse de lui donner, dans trois ans, cequi se trouve derrière son moulin. Le Père, unpeu inquiet finit malgré tout par accepter, d'unclignement d'œil, croyant ne sacrifier qu'unvieux pommier. Lorsqu'il rentre chez lui la Mèrel'attend inquiète d'avoir vu surgir cette richessequ'elle sent illégitime. Elle comprend vite, à sonrécit, que le Père n'a rien fait d'autre que de pro-mettre leur fille au Diable, alors que celle-ci s'oc-cupe du linge et chante derrière le moulin.Trois ans plus tard, le Diable vient chercher sondû et s'approche de la jeune fille, décidée à sedéfendre. Il lui tourne autour tandis qu'elle seprotège comme elle peut avec de l'eau, ce quiinterdit au Diable de s'en approcher davantage.Fou de rage il intime l'ordre au Père de couperles mains de la jeune fille, ce que celui-ciaccomplit sans faiblir mais sans succès pour leDiable que l'eau des larmes continue de tenir àl'écart de sa proie, au point de repartir, seul. Malgré la promesse du Père de la faire vivredans l'aisance, sa fille le quitte sans un adieu,n'acceptant plus de partager sa douleur qu'avecdes inconnus.Désespérée, affamée, la jeune fille erre longue-ment sur les routes quand elle aperçoit despoires, de l'autre côté d'une rivière et rêve d'enmanger une. L'Ange, qui se présente comme sonange gardien, apparaît et lui offre son aide :son corps en guise de pont, pour accéder au jar-din. Il lui conseille de manger la poire surl'arbre, à la manière -discrète- d'un oiseau. Le jardinier du Prince surprend la scène deloin et croit voir un esprit. Il prévient sonmaître et les deux hommes décident d'aller lesoir même au jardin pour tenter de voir l'esprit.La scène se répète comme la veille, avec l'Ange

et la jeune fille, jusqu'à l'arrivée du Prince. Ellelui confie son malheur, il la reconnaît comme saprédestinée.La jeune fille s'appelle désormais la Princesse etle soir de leur mariage, le Prince lui offre deuxmains d'argent. Mais dès le lendemain les tam-bours de la guerre se font entendre et le Princedoit partir accomplir son devoir. Les mois passent et la Princesse se languit. Ellese sent inutile et voudrait rejoindre le Prince àla guerre mais elle attend un enfant et le jardi-nier veille sur elle. Lorsque l'enfant naît, il écritla nouvelle au Prince mais son messager n'estautre que le Diable travesti qui déchire la lettreet la remplace par une autre, de son cru.Le Diable travesti apporte au Prince le messagede la naissance d'un monstre hideux maisl'amour du second ne se dément pas et il ren-voie le messager avec une lettre de réconfortextrême pour la Princesse. À nouveau le Diablela déchire et la remplace par l'ordre donné aujardinier de tuer l'enfant nouveau-né.Le jardinier ne peut s'y résoudre, sans rien direil tue une biche pour en garder la langue et lesyeux, attache l'enfant au dos de sa mère et dansl'espoir que l'Ange veillera sur elle, lui recom-mande de fuir dans la forêt. La Princesse, sanssavoir pourquoi, se retrouve à nouveau seulesur la route. Néanmoins, cette fois elle devineque son Ange ne l'abandonnera pas et de fait, illui trouve une cabane de bûcheron où elle seraà l'abri du Diable. Sept ans plus tard, le Prince revient de la guerre,il s'inquiète de ne pas retrouver sa femme ni sonfils. Il apprend du Jardinier le sort de sa familleet comprend la supercherie du Diable. Parti à sarecherche, il retrouve sa femme qui le reconnaîtsans même qu'il dise son nom. Le Princedécouvre alors son fils, s'émerveille que lesmains de sa femme aient repoussé et annonce savolonté de célébrer leur mariage une deuxièmefois, comme devront l'être désormais tous lesmariages de son pays.

Résumé de La Jeune Fille, le Diable et le moulin d'Olivier Py

© Alain Fonteray

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CONTE ET PIECE DE THEATRE

Dans un conte, il se passe des choses extra-ordinaires, mais l'auteur n'essaie pas de faire croireque cette histoire s'est vraiment passée. Parexemple des animaux parlent, il y a des fées, onutilise des objets magiques, etc. Cela différenciele conte du récit fantastique dans lequel des per-sonnages ordinaires rencontrent également descréatures extraordinaires mais où l'auteur chercheà faire croire que l'histoire s'est vraiment passée.

b Faire lire les textes de Grimm aux élèves et

retrouver dans ces deux contes ce qui caractérise

et définit leur appartenance à ce genre littéraire

spécifique et universel. En effet, la définition du

conte est identique sur tous les continents :

- le conte décrit un passage, c'est un récit deformation. Il raconte le plus souvent le passagede l'enfance à l'âge adulte et s'inscrit dans unroman familialLa Jeune fille quitte la maison de son père, ren-contre un homme, se marie et devient mère àson tour.Le prince cadet de L'Eau de jouvence quitte lechâteau de son père, rencontre une princesseet se marie.

- pour passer d'un état à un autre le héros duconte doit subir plusieurs séries d'épreuves,parfois même des métamorphoses douloureusesLa jeune fille est vendue au Diable par sonpère qui de surcroît lui coupe les mains pourobéir au démon. Obligée de s'enfuir, elleconnaît la faim et la solitude avant de rencon-trer son mari. Mais toujours poursuivie par lediable, elle doit subir une deuxième séried'épreuves, s'enfuir à nouveau et se cacherloin du monde.Le prince cadet doit affronter les dangers de larecherche de l'eau de jouvence avant de ren-contrer une princesse. Mais poursuivi par lajalousie de ses frères, il doit s'enfuir et secacher pour échapper à leurs mensonges et à lacolère injuste de son père.

- la fin d'un conte est toujours heureuse etenseigne quelque choseLa jeune fille est récompensée de sa patienceet de sa vertu. Ses mains repoussent, son marila retrouve, la reconnaît comme sa femme.Le prince cadet est récompensé de sa sincéritéet de son courage par l'amour de la princessequi l'a attendu et par le pardon de son père.

Une pièce de théâtre est constituée par unehistoire qui n'est pas racontée comme dansun récit narratif tel que le conte mais repro-duite à travers les paroles directes des per-sonnages et elle est destinée à être mise enespace sur une scène. Cependant, commedans un récit, l'histoire est une suite d'événe-ments et d'actions accomplies par les person-nages en vue d'un objectif donné. L'échangeverbal entre les personnages a une doublefonction : ils dialoguent entre eux mais leursparoles s'adressent aussi au public. C'est cequ'on appelle la double énonciation du textethéâtral.

b Faire lire aux élèves aux élèves la scène 1

de La Jeune fille, le Diable et le moulin et

leur demander de relever les passages qui

illustrent bien cette double énonciation.

Introduire quelques termes du vocabulaire

théâtral.

Le conte

La pièce de théatre

© Alain Fonteray

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- une exposition ou début d'une pièce, dont la fonction est de donner des indications sur la situationinitiale, le temps, le lieu, les personnages,- un monologue ou passage au cours duquel le personnage se parle à lui-même afin d'informer lepublic sur ses sentiments,- des didascalies ou indications de mise en scène, non prononcées et écrites en italiques, sauf pourles noms des personnages.

Distinguer les informations concernant le déroulement de l'action, la rencontre et le marché concluavec le diable des informations délivrées sur le personnage du père : « Un homme seul et très fatigué,est un peu perdu dans une forêt. La nuit et le silence tombent sur lui. Cet homme pauvre possède unmoulin et un vieux pommier, il mène une vie dure ».

b Terminer cette mise en perspective des deux genres littéraires par une comparaison terme

à terme des deux textes. Le pointage précis des différences permet la clôture de l'étude des

textes par une appropriation concrète et opératoire de leur typologie.

Du point de vue du contenu

b Répartir la classe en deux groupes, l'un travaille sur les deux premières scènes de la

pièce La Jeune Fille le Diable et le moulin l'autre sur les deux premiers paragraphes du conte

La Jeune fille sans mains.

Faire placer toutes les informations relevées dans un tableau du modèle ci-après. Constater lesdifférences, sensibles, entre les deux textes. Dans la pièce, notamment, la Jeune fille apparaîtavant le retour du Diable. Grimm ne l'introduit qu'à ce moment-là. Amener les élèves à l'analysede ces différences rendues nécessaires par la théâtralisation d'un récit. Ainsi, les indications données par le texte d'Olivier Py sur l'environnement sensoriel (la lumière,les chants, le froid,…) illustrent-elles bien le procédé de double énonciation et la nécessité d'ins-crire une scène de théâtre dans une réalité physique, « parlée »par les personnages eux-mêmes.De même, le nœud du drame, le pacte entre le Père et le Diable, occupe-t-il plus d'espace dans lapièce que dans le conte qui n'a pas besoin d'être aussi démonstratif pour être compris. Enfin, lajeune fille voit sa présence matérialisée par son chant dans la pièce : on peut penser qu'elle assisteà la discussion entre ses parents sans l'entendre, autre convention théâtrale, proche de l'aparté.Dans le conte, l'économie des moyens narratifs, dont c'est également une caractéristique stylis-tique, ne rend pas nécessaire l'introduction du personnage de la jeune fille avant le retour duDiable, trois ans plus tard.

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Qui ? Détails

physiques

Attitudes/comportements Où ? Quand ?

Un meunierUn pauvrehomme

Tombé dans la misèreNe possède qu'un moulinet un grand pommierCasse du boisRencontre un inconnuPromet, par écrit, à cet inconnude lui donner ce qui est derrièreson moulin - son grand pommierpense-t-il - en échangede la richesseRentre chez lui et raconte à sa femme la promessequ'il a faite.

Dans la forêt Un jour

Un inconnule diable

Un vieilhomme

S'approche du meunierdans la forêtPropose la richesse au meunieren échange de ce qui se trouvederrière son moulinFait signer un engagement écritÉclate de rire et annonce sonretour trois ans plus tardS'en va.

La femmedu meunier

Vient à la rencontre de son mariLe questionne sur leur richessesoudaine et inexpliquéeComprend, épouvantéeque l'inconnu est le diableet que son mari lui a promis leurfille : « Mon pauvre homme… » Au moulin Le même jour,

plus tard

GRIMM

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Qui ? Détails

physiques

Attitudes/comportements Où ? Quand ?

Le Père

Très fatigué,se repose sur une pierre etferme les yeuxRéveillé par le silence, perçoitla présence d'un homme derrièrelui qui se dérobe à sa vue avantqu'il la saisisse dans un miroirSe plaint avec tristesse de sa viedure et de sa pauvretéPense que l'argent consolede toutAccepte la propositionde l'homme presque malgré luiet promet d'un clignementde l'œil, de lui donner ce quise trouve derrière son moulinen échange de la richesseRetourne au moulinRaconte à sa femmesa rencontre et sa promesse.

Au cœurde la forêt,dans un coinsombreet inconnu oùle silence rem-place peu àpeu le chantdes oiseaux

Au moulin

À la nuittombante

Pour danstrois ans

Le même jour,plus tard,quand la forêtest devenuefroide

le Diableun homme

Pas très beauVisage decrampe

Se tient derrière le Père et luitend un miroirQuestionne le Père sur sa vie Propose au Père de le rendreriche en échange de ce qui setrouve derrière son moulin,presse le Père de prêter sermentDisparaît aussitôt la promesseobtenue.

Dans la forêt Pour danstrois ans

La Mère

Questionne son mari sur leurrichesse soudaineNe sait quel usage en faire,Craint de la perdre aussisoudainement, de façon toutautant immanenteComprend aussitôt que le Pèrea promis leur fille au Diable :« Malheureux !.... »

Au moulin Le même jour,plus tard

La JeuneFille Étend du linge,

Ignore leur richesse soudaineChante son bonheur de voirtoutes choses en ordre età leur place : ses parents,le printemps et son avenir.

Au moulin Le même jour,plus tard

PY

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Du point de vue de la forme

b Faire observer en grand groupe les niveaux

de langue des deux textes.

Les deux appartiennent au registre soutenu maisune oralisation sous forme de lecture expressivepermettra d'en percevoir les nuances. L'emploides temps du récit pour le conte (imparfait/passésimple) et du temps du discours direct (présent)pour la pièce sont les plus « lisibles ». Le champ sémantique des textes des frères Grimm

est d'autre part moins étendu que celuid'Olivier Py. Ce dernier est proche par endroitsde la prose poétique, ce qu'atteste notammentla présence de passages en vers libres. À cetégard, il restitue incidemment une des tradi-tions du conte français, beaucoup plus littéraireet orné de figures de style, ce qui par ailleursen affaiblit le caractère initiatique au profit deformes moins populaires.

Prolongements

b Faire écrire les élèves en leur donnant

pour consigne de remplir un (ou plusieurs)

« blancs » de ces passages, pris aussi bien

dans la pièce que dans le conte.

Cette activité permet à la fois de traiter del'ellipse, procédé courant en littérature etd'aborder l'interprétation en faisant travaillerl'imagination de chacun, ce qui rendra la cor-rection des travaux très attractive.Exemples :- Rédiger le texte de la promesse que le Diablefait signer au meunier (Grimm) ;- Imaginer un texte qui décrive ce qui se passeentre le départ précipité du Diable et le retourdu meunier chez lui (Grimm et Py) ;

- Décrire, en s'aidant de la tirade de la Mère, les changements survenus dans le moulin avec l'ar-rivée soudaine de la richesse (Py).

b Faire jouer aux élèves les deux pre-

mières scènes de La Jeune fille, le Diable et

le moulin.

Ne pas hésiter à faire « surjouer » le personnagedu Diable, ironique et intentionnellementmachiavélique.À la manière du chœur antique qui ponctue etcommente les actions d'un drame classique,entrelacer la mise en scène des différentes partiesdu texte théâtral par la narration des passagescorrespondants du texte de Grimm.

Nous l'avons déjà évoqué (voir page 8), leconte est en quelque sorte un « récit de for-mation » qui s'inscrit le plus souvent dans un

milieu familial. Ildécrit donc le pas-sage d'un état à unautre. Ce passage, engénéral celui de l'ado-lescence vers l'âgeadulte, en consti-tue le motif centralet se trouve jalonnéd'épreuves doulou-reuses qu'une fin heu-reuse -de règle danstous les cas- vient aposteriori justifier.Le conte enseignedonc quelque choseen traduisant tou-jours une expériencehumaine sous formevoilée. Cette formevoilée se caractérisede plusieurs façons :

- dans l'anonymat des lieux et des personnages ;- dans l'absence de datation précise;- dans la présence d'une symbolique riche.Cette symbolique est perceptible sur deuxniveaux de lecture : à la fois au plan culturel,lorsqu'elle reprend des images et des thèmesuniversels, mais aussi au plan affectif aumoment où le lecteur élabore sa propre inter-prétation du texte. Dans le cadre d'un travailavec de jeunes élèves, il peut être intéressantde partir de leur interprétation et de leurspropres représentations en les interrogeant surle sens caché des textes, avant de leur livrerquelques clés plus formelles. On remarquera queles mots représentation et interprétation sontégalement des termes du vocabulaire théâtral.De fait, en allant assister à une représentationau théâtre, on va écouter une interprétationd'un texte : celle des comédiens et de leur metteuren scène.Les pièces d'Olivier Py étant des adaptationsassez fidèles des contes de Grimm, elles enreprennent les éléments symboliques et noustraiterons donc ensemble contes et pièces, dansun va et vient constant.

Le récit initiatique

Éléments symboliques récurrents

© Alain Fonteray

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L'histoire de La Jeune fille... n'échappe pas à larègle commune et traduit le passage du person-nage principal de l'état de fille à celui de femmeet de mère, selon une chronologie propre auxcontes dont les éléments principaux pourraientse résumer ainsi :

- un événement perturbateur oblige le héros àquitter sa famille ;- une série d'épreuves entrave le héros dans satentative d'échapper au sort familial jusqu'à sapremière rencontre avec l'amour ;- une deuxième série d'épreuves éprouve alorsla capacité du héros à aimer, seule façon pourlui d'échapper à la fatalité de son destin ;- la « délivrance » du héros métamorphosé parles épreuves et par l'amour humain qui l'éloignedéfinitivement de l'enfance.

C'est ainsi que l'enfance de la Jeune fille est doncmarquée par un « accident » : ici le vœu naïf etimprudent de son père au Diable. Cette faute serala cause de l'élément symbolique le plus fort durécit : la mutilation qu'elle doit subir.Cette cruauté, difficilement concevableaujourd'hui car le sang de nos jours évoquespontanément la souffrance et la mort, va desoi dans les récits d'initiation. La mutilationrevêt donc une valeur symbolique, elle renvoieau monde rituel et représente une allusion aucaractère violent de la vie. Le sang de la muti-lation évoque donc ici le passage rituel auqueltout le monde doit se soumettre pour grandir.En effet, le sang est universellement considé-ré comme le véhicule de la vie, plus même :dans la tradition biblique, « le sang est lavie ». Ici donc, le père de la Jeune filletranche au sens propre les liens qui les relientet l'oblige ce faisant à devenir une femme. Parce sacrifice, il la pousse vers son destin d'êtrehumain au risque de ne jamais la revoir aupoint qu'il ne réapparaîtra plus jamais dansl'histoire.On retrouve l'aspect universel de ce symboledans les cérémonies auxquelles les sociétésprimitives soumettaient les jeunes gens enâge de devenir adultes. Néanmoins, la consé-quence immédiate d'une telle cérémonie ini-tiatique est d'obliger le héros à quitter safamille en créant chez lui le désir d'échapperà cette violence pour créer ailleurs sa proprefamille. Ainsi se justifient à la fois la mutila-tion et la quête. La Jeune fille du conte s'inscrit exactement dansce schéma et son départ va la confronter auxséries d'épreuves indispensables à sa transformation.

Elle va ainsi rencontrer le besoin (comme lebesoin de manger, le besoin d'aide à cause deson amputation), l'angoisse de la solitude etde l'attente lorsque son mari part à la guerre,la blessure de la trahison - celle de son pèrepuis celle de son mari, comme autant d'étapessymboliques de formation.

A côté de la mutilation, l'eau est un autre sym-bole très présent au début du conte. On peutinterpréter cette eau qui protège l'héroïne duDiable (celle de la toilette comme celle de seslarmes) sous l'angle de ses trois significationsprincipales : l'eau comme moyen de purifica-tion, comme symbole de pureté mais aussi l'eaucomme source de vie et de régénérescence.

b Faire travailler les élèves sur l'interpré-

tation, de préférence à l'oral, à l'aide de

questions simples :

- Que pensez-vous de l'attitude du pèreenvers le Diable ? Envers sa fille ?- Comment expliquer que l'eau écarte leDiable ?- Pourquoi la jeune fille ne veut-elle pasdemeurer auprès de ses parents ? - Pensez-vous qu'elle reverra ses parents ?

Enfin, dans le conte comme dans la pièce,apparaît un personnage à la forte présencesymbolique : l'Ange. Une première fois pourguider la jeune fille vers le jardin du Prince,une deuxième fois pour la recueillir dans laforêt et les protéger, elle et son enfant, enattendant le retour du Prince. Dans l'universsymbolique, l'ange est un intermédiaire entreDieu et les hommes. Dans l'histoire aussi, il sepose à la fois comme le protecteur et le guidede la Jeune fille et apparaît au moment oùelle se trouve la plus démunie. Il tient ici lerôle dévolu à la fée dans d'autres contes :bienveillant, secourable, il disparaît aussitôtque sa mission s'achève, que le besoin estcomblé, qu'il s'agisse de faim ou d'amour.Médiateur entre la vie et la mort, il porte à luiseul la charge poétique du texte en symboli-sant à la fois le merveilleux et la pureté desintentions de la jeune fille. C'est bien à cetitre qu'il lui revient de remettre au Prince lesmains d'argent comme preuve de l'identité decette dernière puisque ses mains ont repoussé.Merveilleux et pureté, c'est bien ce que sym-bolise cette régénérescence récompensant lecourage et la fidélité de l'héroïne.

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La Jeune Fille, le Diable et le moulin ou La Jeune fille sans mains

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L'Eau de la vie ou L'Eau de jouvenceLa chronologie de ce conte est exactement lamême que celle de La Jeune Fille..., seule laforme de « l'accident » est différente : le hérosn'a pas à souffrir d'une faute paternelle (commela formulation d'un vœu inconsidéré) mais de lahaine de ses frères et de leur jalousie.L'interprétation de la symbolique de ce conteest sans doute plus simple et plus « lisible » pardes élèves que celle de La Jeune Fille..., bienque la plupart de ses éléments s'emboîtent lesuns dans les autres.Ici, ce qui va jeter le Prince, symbole du prin-temps donc de la jeunesse de la vie, sur lesroutes c'est la mort annoncée de son père. Lamort du père symbolisant elle-même clairementla nécessité du passage de son fils à l'âge adulteafin d'assurer la continuité des générations.Dans L'Eau de jouvence, la deuxième séried'épreuves que doit affronter le Prince n'est pasdue à la fatalité du destin mais à ses propresdéfauts assez symboliquement juvéniles. Àsavoir la nonchalance qui le pousse à s'endor-mir à contretemps et la candeur de son aveu-glement sur la méchanceté de ses frères. Lesépreuves qu'il subit du fait de la colère de sonpère sont donc autant de « punitions » infli-gées à un petit garçon qui n'a pas tiré lesleçons de ses mésaventures pas plus qu'iln'écoute ce qu'on lui dit. Plus explicitement, lors de son séjour dans lechâteau de l'eau de jouvence, le Prince s'en-dort inconsidérément, ce qui lui vaut de franchir

in extremis la porte qui se referme - chezGrimm - sur son talon, allusion transparente aumythe d'Achille. Cela signe bien qu'une de sesfaiblesses est la paresse qui le pousse à se lais-ser aller au sommeil au mépris de ses devoirs etqui permet à ses frères de le dépouiller de l'eaude jouvence sur le bateau du retour.Son autre défaut, tout aussi symbolique de sajuvénilité, est son manque d'écoute desconseils avisés donnés par les aînés. L'aîné iciest le nain qui tout en portant le merveilleux duconte représente la figure de l'adulte qui aide etconseille le héros. Mais le Prince oublie. lesrecommandations de ce dernier : « ne dors pas »« méfie-toi d'eux, ils ont mauvais cœur » et defait retombe dans l'ensorcellement de la fatali-té qui le poursuit. Ce type de situation, l'oublientraînant la réactivation des épreuves est unedes figures de style fréquente du conte.L'eau est le motif central de la quête du princeet porte une grande part de sa charge symbo-lique. Comme dans La Jeune Fille..., elle peutêtre envisagée sous sa triple acception : commesymbole de vie et de régénérescence pour lepère mais aussi comme symbole de la pureté etdu désintéressement des intentions du Prince.L'eau de mer utilisée par les frères, symbole del'eau corrompue, amère et non potable, repré-sente symétriquement la propre corruption deces derniers. Dernier élément symbolique évident parlant dece conte : l'or qui tapisse la route menant auchâteau de la princesse. Ici l'ambivalence est demise, comme souvent avec l'or. En effet, lasignification donnée à l'or (que l'on peut rap-procher du soleil) évoque la fécondité, larichesse, l'amour-don, le foyer et on voit bienen quoi ces valeurs peuvent réunir le prince etla princesse, chacun posté à une extrémité de laroute qui va réunir leurs destins. Mais en mêmetemps le désintéressement manifesté en toutescirconstances par le prince le mène à fouler l'ordans la grande impatience qui l'agite… Serait-ce là une dernière allusion symbolique à l'in-conscience de la jeunesse ?

b Faire chercher aux élèves le champ lexical

de l'eau ce qui devrait en faire apparaître les

principaux éléments symboliques. Les ques-

tionner sur les qualités et les défauts du

Prince et les actions qui y sont liées.

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Page 15: Pièce dé montée - Paris

Olivier Py est né le 24 juillet 1965 à Grasse. Aprèshypokhâgne et khâgne au Lycée Fénelon, ilintègre l'E.N.S.A.T.T. de la rue Blanche, puis leConservatoire National Supérieur d'Art Dramatiquede Paris. Lauréat de la Fondation Beaumarchais,boursier du Centre National du Livre, prix

Nouveau Talent Théâtre/S.A.C.D. 1996,prix Jeune Théâtre de l'Académie fran-çaise 2002, Olivier Py est metteur enscène, auteur et comédien. Il dirigeactuellement le Centre DramatiqueNational d'Orléans.La carrière d'Olivier Py comme met-teur en scène, tant au théâtre qu'àl'Opéra, est déjà brillante, il a montéles ouvrages des auteurs suivants :Mon père qui fonctionnait parpériodes culinaires et autres (1988),La Chèvre (1992), Les Drôles(1993) d'Élisabeth Mazev ; Nous,les héros de Jean-Luc Lagarce(1997), Der Freischütz Opéra deCarl Maria von Weber (1999), LaDamnation de Faust d'HectorBerlioz (2001), Le Soulier deSatin de Paul Claudel (2003),Les contes d'Hoffmann deJacques Offenbach, Tristan etIsolde de Richard Wagner,A Cry from heaven deVincent Woods, Curlew riverde Benjamin Britten et

Tannhauser de Richard Wagner(2005) ; et ses propres textes : Gaspacho,un chien mort (1990), La femme canon et Lebouquet final (1991), La Jeune Fille, le Diableet le moulin d'après un conte de Grimm,L'Architecte et la Forêt (1994), La panoplie dusquelette (1995), Le pain de Roméo et Le jeudu Veuf et la Servante et de 5 dramaticules, LaServante, histoire sans fin, Apologétique(1996,) texte établi avec Jean-Damien Barbin,Miss Knife et sa baraque chantante, Le Visaged'Orphée (1997), Requiem pour Sebrenica(1999), montage avec la collaboration dePhilippe Gilbert, L'Eau de la vie d'après Grimm(1999), L'Apocalypse joyeuse et Épître aux jeunesacteurs (2000), Au monde comme n'y étant pas,(2001), Les ballades de Miss Knife (2002), LesÉtoiles d'Arcadie et La Méditerranée perdue(2004), Le Vase de parfums, musique deSuzanne Giraud (2004), Les Vainqueurs (2005).Comédien, Olivier Py, a joué au théâtre notamment

dans Nous les héros de Jean-Luc Lagarce, Lesdrôles, L'Épître aux jeunes acteurs, L'Apocalypsejoyeuse (reprise 2001), Des oranges et desongles, mise en scène par lui-même, Le maladeimaginaire mise en scène par Jean-Luc Lagarce,La nuit au cirque, Ondine, Polyeucte, Le nouveauMenoza mise en scène de François Rancillac,Richard II mise en scène d'Éric Sadin, LesParisiens mise en scène de Pascal Rambert, Alicemise en scène de Nathalie Schmidt, Aimer samère mise en scène d’Alfredo Arias.Au cinéma, il a joué dans des longs métragestels que Nos vies heureuses de Jacques Maillot,Peut-être de Cédric Klapisch, La divine poursuitede Michel Deville, Chacun cherche son chat deCédric Klapisch, Au petit Marguery de LaurentBénégui, Funny bones de Peter Chelsom, Dis-moioui, dis-moi non de Noémi Lvovsky, Les Yeux fer-més et deux Moyens métrages : 75 centilitres deprière et Corps inflammables réalisés parJacques Maillot À la télévision, il a joué dans Marche, crève ourêve réalisé par Jean Schmitt et dans Une nuitau Cabaret du Festival d'Avignon 1996 deJacques Renard.Ses textes sont édités et disponibles aux édi-tions suivantes :- Actes Sud-Papiers : La Servante, histoire sansfin ; Le Visage d'Orphée ; Aimer sa mère (ouvra-ge collectif) ; L'Apocalypse joyeuse ; Épître auxjeunes acteurs ; L'Exaltation du labyrinthe ;Jeunesse ; Le Vase de parfums suivi de Faust noc-turne ; Les Vainqueurs.- Éditions Actes Sud : La Servante, théâtre ;Paradis de tristesse, roman ; Les Ballades deMiss Knife, CD- Les Solitaires Intempestifs : Gaspacho, unchien mort (épuisé) ; La nuit au cirque ; Lesaventures de Paco Goliard ; Théâtres.- L'École des loisirs : La Jeune Fille, le Diable etle moulin ; L'Eau de la vie.- Co-édition Centre National du Théâtre/-L'Inconvénient des Boutures : Le fou racontetoute l'histoire - dramaticule du Fou Tiroir dans LaServante, histoire sans fin- ARTE édition, collection Scénars : Les yeuxfermés

b Faire remarquer aux élèves qu'Olivier Py

s’apparente à un homme orchestre : comé-

dien, auteur, metteur en scène de théâtre et

d'opéra et ici auteur/adaptateur et metteur

en scène de spectacles pour le jeune public.

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Biographie

OLIVIER PY - BIOGRAPHIE et entretien

© Alain Fonteray

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Pourquoi avoir choisi ces deux contes qui sonttrès peu connus dans les contes de Grimm ?

Parce qu'ils sont très peu connus. D'abord legrand avantage des Grimm par rapport à d'autresconteurs, c'est qu'ils ont tenu à être le moinsauteur possible. Ils reprochaient à Brentano, àPerrault, d'avoir été trop écrivains ; eux ils ontune idée extraordinaire, métaphysique, qui estde rejoindre l'inconscient collectif et ils pen-sent que dans ces contes — qu'ils vont cher-cher auprès des personnes âgées — reste lapoésie la plus fondamentale de l'humanité. Ilsn'ont pas tout à fait tort et c'est ça qui estbouleversant. On est effectivement dans lesplus grands récits jamais écrits, mais sans style.Il n'y a que le récit pur, parce qu'ils ont étéextrêmement scrupuleux, grands scientifiqueset philologues qu'ils étaient, ils ont canonisé lesformes, bien sûr, mais ils ont été très scrupuleuxde la forme qu'on leur donnait. Moi commehomme de théâtre, je trouve là une source d'his-toires unique et si je peux dire faciles à adapterparce que pauvres stylistiquement et donc jepeux moi faire les contes de Grimm d'Olivier Pyet y projeter mon propre style. Pour ce qui estde La Jeune Fille, le Diable et le moulin, l'histoireest pratiquement celle de Grimm, par contre dansL'Eau de la vie, j'ai mélangé plus de choses. Maisle génie du récit, le génie dramatique appar-tient aux Grimm. Les textes ne leur appartien-nent pas. Le génie dramatique de ces his-toires-là vient du fond des âges. Ce qui m'afasciné particulièrement dans La Jeune Fille...et L'Eau de la vie, c'était que je retrouvaispresque des structures shakespeariennes, nonpas presque, franchement des structures shakes-peariennes. Donc on voit que les contesn'étaient pas seulement nationaux et touchaientl'universel. Ils étaient, par rapport à d'autrestextes, d'autres contes pour enfants, très vio-lents, ils ne faisaient pas l'impasse, ils n'étaientpas naïfs, ils ne faisaient pas l'impasse sur lesgrandes questions que peut se poser l'enfant :l'angoisse, la terreur, la castration, le deuil ; etbien sûr, ils sont initiatiques. Alors ils sont àla fois très violents et ils sont quand mêmemoraux parce qu'ils ne sont jamais sans lumiè-re, c'est aussi probablement l'inconscient collec-tif qui a cette audace là, ils ne sont jamais sanslumière, même s'ils sont très violents.

C'est donc le lien que vous faites entre ces deuxcontes, c'est ce qui vous a amené à les choisirparticulièrement ou il y a autre chose qui vousamène à faire le lien entre les deux ?

Et bien mon but était d'en faire dix ou quinze…Ce n'est que le début, ce ne sont que les deuxpremiers et j'aimerais continuer à adapter cestextes, à m'approprier ces récits. Ceux-là ontl'avantage d'être évidemment dramatiques, pourbeaucoup de raisons ; parce qu'il n'y a pas beau-coup de personnages animaliers, c'est une choseque je ne sais pas faire au théâtre, parce qu'ilssont romanesques, d'autres moins, et j'ai choisiceux-là aussi parce qu'ils étaient inconnus.J'aurais pu travailler sur Blanche-Neige parexemple qui est un conte que j'adore, surtoutdans la version Grimm. Mais j'ai préféré travaillerd'abord sur les inconnus.

Avez-vous des difficultés particulières pour lesadaptations ?

Je n'ai pas la sensation d'être adaptateur à vraidire. J'ai la sensation de prendre un récit et puisd'écrire une pièce qui m'est absolument propre. Cen'est exactement pas la situation que l'on pour-rait avoir quand on adapte une œuvre littéraire,qui se donne elle-même comme littéraire. Là jesuis dans un fond universel et je n'adapte pasplus quand on travaille sur un mythe grec parexemple. Le seul passage au théâtre oblige déjà àl'écriture parce que les contes sont peu dialogués,ils ne sont pas du tout faits pour être dialogués.Il y a les grandes structures du dialogue, mais sion veut en faire une version totalement oralisée,il faut tout réécrire.

Ces deux spectacles sont proposés dans lesthéâtres qui les accueillent à un public à partirde sept ans. On peut cependant se poser laquestion du public : en quoi sont-ils spécifi-quement destinés au jeune public, en quoiseraient-ils destinés à un public plus âgé ?

C'est du théâtre pour adultes pour enfants oualors, c'est du théâtre pour enfants pour adultes,c'est peut-être encore mieux. C'est « à partir de7 ans », ça laisse de la marge après.

Il y a une réplique par exemple qui dit : « qu'est-ce que l'art ? - dire d’un mot la mort avec lajoie ». Pensez-vous qu'un enfant de sept ans soitcapable d'appréhender une réplique commecelle-là ?

Non. Et les adultes non plus !

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ENTRETIEN

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Alors que par contre la question sur la mort peutles interpeller parce que cette question peut êtreau centre de leurs préoccupations. J'imagine quece sont des ajouts 100% Olivier Py ?

Oui, bien sûr, la mort est figurée par le squelette.Mais les enfants n'appréhendent pas une œuvrelittéraire en se disant qu'ils vont tout com-prendre contrairement aux adultes qui quandils ne comprennent pas deviennent méchants.Les enfants ne sont pas dans ce rapport-là.Quand ils ne comprennent pas, ils rêvent, ilsreconstituent. Ils savent qu'ils sont dans unmonde dont ils n'ont pas toutes les clefs, ça ilsle savent. Les adultes aussi savent qu'ils n'ontpas toutes les clefs, mais ils le supportentbeaucoup moins bien, ça les énerve. Donc jeme suis rendu compte que ma poésie ésotériqueétait non moins ésotérique dans ces œuvres-là,mais qu'elle agaçait beaucoup moins les enfantsque certains spécialistes de la culture. C'est trèsamusant. J'ai toujours abordé l'idée de faire duthéâtre pour enfants avec l’impression que çame donnait des licences que je n'avais pas pourles adultes, notamment, faire une œuvre conci-se, poser des questions fondamentales, êtredans un rapport réel ludique et musical. Je croisque je n'oserais pas cette forme-là explicite-ment pour les adultes.

Vous situez donc les deux spectacles dans lamême scénographie, avec les mêmes acces-soires, avec les mêmes comédiens. Est-ce unexercice obligé pratique puisque vous tournezles deux spectacles ensemble dans toute laFrance ou est-ce une nécessité dramaturgique ?

Il n'y a jamais de nécessité dramaturgique dansnotre rapport au décor ou à la scénographie avecPierre-André Weitz, c'est très fondamental quece soit pour les grands ou pour les petits spec-tacles. Une bonne scénographie, pour lui,comme pour moi, c'est une scénographie danslaquelle on pourrait monter tout le répertoire.Je pourrais reprendre la scénographie desGrimm et monter Antigone. Alors là, c'est que lascénographie est réussie, c'est-à-dire que nosscénographies sont très peu dramaturgiques,pas tout à fait non-dramaturgiques mais prati-quement pas dramaturgiques ; elles sont uni-quement une machine à faire du théâtre quipourra s'adapter à toutes les dramaturgies, donceffectivement on peut en faire deux, je pourraisen faire trois dans le même décor et quatre etcinq, puisque ce sont des éléments qui peuventse combiner à l'infini pour donner des espacesdifférents.

Il y a une forme très pédagogique de mise à dis-tance de l'objet théâtral (pour l'enfant) par leséléments symboliques que vous proposez sur leplateau (l'accordéoniste à qui on met des aileset qui devient ange, les bouts de feutrine rougepour figurer les mains coupées de La Jeune fille,etc.), voire de démystification du conte et duthéâtre. Comme si vous cherchiez à dire aupublic d'enfants « réfléchissez à ce que vousvoyez et entendez ». Qu'en est-il ?

Je ne pense pas que les questions se posentdifféremment pour l'enfant et pour l'adulte,c'est la même question, on fait du théâtre,quand le théâtre se dénonce je ne vois pasd'autre façon de faire du théâtre sinon je croisqu'on rentre dans le spectacle et c'est un autrefonctionnement. Et c'est un fonctionnementque je n'aime pas. L'enfant sait jouer, l'adultene sait plus jouer, il réapprend à jouer par lachose théâtrale, mais c'est bien le symbole quile fait pleurer et pas la réalité dure. De mêmeque l'adulte (et pour quelle raison ?) voit untype mort dans un accident de voiture sur laroute et passe sans s’arrêter mais le soir mêmepleure au théâtre avec un faux mort et un fauxsang. Qu'est-ce qui se passe là ? Nous devonsencore comprendre cette chose incompréhen-sible qui est que nous sommes faits de songes,que nous ne sommes faits que de mots, de for-mules, de symboles. Évidemment, c'est peut-être plus facile pour les enfants qui ont cetteconnaissance - mais qui sont aussi en train dela perdre - donc il faut également les initier àla chose théâtrale qui sera une des possibilitésde continuer cette enfance et qu'elle ne seperde pas, avec le masque de l'adulte et avecl'humanité aussi.

On lit dans vos deux textes et dans vos misesen scène une très forte présence de Dieu, est-ce que cette présence est dans le texte deGrimm ?

Évidemment les contes de Grimm sont descontes issus d'un monde chrétien, ils ontcette particularité de mêler le paganisme et laferveur de la foi et quelquefois des proposthéologiques assez intéressants. Moi j'en aiprobablement une lecture plus chrétienne qued'autres, certains préféreront une lecture plusanalytique voire politique. Je n'ai pas mis soussilence les questionnements théologiques ou lacompréhension de ces œuvres comme des para-boles religieuses, ça je ne l'ai pas fait parce quejustement c'est bien ça qui m'intéressait dansces contes-là, c'est qu'il y a du Dieu, il y a Dieu

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et il y a surtout la question de la providen-ce. Ce que les contes créent, c'est une confian-ce dans la providence, c'est une manière de lafoi, c'est une des formes de la foi, il faut trou-ver le visage de Dieu, pas forcément dans unerencontre mystique directe mais dans l'accepta-tion de sa propre histoire qui nécessairement vavers le bien. Et il y a le mal.

Donc peu importe ici encore que le public soitjeune ou adulte, vous n'en tenez pas compte…

Peu importe que ce soit reçu par des adultesou des enfants, par des chrétiens ou des non-chrétiens, ça n'a aucune importance, pas plusqu'il ne faut être chrétien pour monter Claudelou qu'il ne faut croire à Athéna pour monterEschyle. Ça c'est une question qui n'est pasimportante, on peut aussi monter Brecht sanscroire au marxisme, fort heureusement ; çaarchitecture le drame. Mais il y a des questionsthéologiques vraiment belles et fortes qui tien-nent tout au moins, sans rentrer dans la relationdirecte avec le Très Haut au sens : est-ce que lavie a un sens ? Au départ, les personnages chezGrimm perdent le sens, il y a un traumatismequi fait qu'ils perdent le sens de la vie, alorsc'est soit la trahison familiale, le rejet maternel,la violence quasi-incestueuse par exemple, çac'est la relation, entre la jeune fille et son père- il y a beaucoup d'incestes, chez Grimm. Si jefais un troisième conte je ferai sans aucundoute Peau de mille bêtes qui est Peau d'âne,parce ça commence par un inceste. Donc il y aau début un traumatisme susceptible dedécoudre l'unité du monde et la confiance dansle monde et dans l'avenir ; et puis au terme d'unvoyage intérieur il y a cette unité retrouvée etcette confiance retrouvée, alors ça fait du bienaux enfants et aussi aux adultes.

Il y a toute une symbolique aussi dans lescouleurs : le blanc, la pureté... Il y a beau-coup de choses récurrentes dans les deuxspectacles.

Oui, c'est bien de le faire pour les adultes parcequ'on les croit toujours trop intelligents, maisil faut être le plus clair possible dans lessignes, plutôt que d'inventer des formes ou desgrammaires il vaut mieux réutiliser le fond.

Que penser des allusions scatologiques difficile-ment recevables pour un public d'enfants ?

Oui il y a des allusions à la sexualité et à la sca-tologie dans mes textes. D'ailleurs, un reproche,

dans cette querelle, de Brentano aux Grimmc'est d'avoir mis sous silence, de n'avoir pascompris les allusions sexuelles dans les contes.Il y a une métaphorisation du désir sexuel,notamment dans La Jeune Fille, le Diable et lemoulin, c'est un - j'allais dire un poème - unrécit sur le désir féminin. Cela m'intéressaitaussi de faire un conte pour les filles et un pourles garçons, même si la différence est flouepour moi, mais en tout cas, il y en a un dont lepersonnage central est une jeune fille, etl'autre, c'est un jeune homme, et cette jeunefille, elle a une sexualité ; et moi j'ai plutôtappuyé au contraire, pour ne pas priver lesenfants de l'approche de la question sexuelle.Et scatologique, oui, aussi, bien évidemment,comme dans tous les grands poèmes, il y a lesfondements, il y a du corps.

Donc finalement vous êtes plus fidèle au conte,à l'archétype, à l'inconscient collectif ?

Non, je fais aussi avec mon temps. Les adulteset les enfants ont aujourd'hui un accès auxquestions sexuelles qui n'existait pas il y a cin-quante ans et il y a cent cinquante ans encoremoins, même si ce sont des formes assez sages.Il est assez clair qu'il y a une nuit d'amour entrele prince et la princesse, et pour les enfantsc'est à mon avis nécessaire. Ils doivent euxaussi apprivoiser cette pulsion qui naît en eux,qu'ils ne comprennent pas et dont ils ont peurcomme les grands, mais c'est terrifiant pourl'enfant de découvrir le désir et le conte doitaider, le conte aide, pas simplement au niveaucathartique mais aussi parce qu'il y a des for-mulations, une grammaire que l'enfant pourras'approprier, pour mieux comprendre la part d'in-compréhensible qu'il est en train de découvrir enlui et qui est en droit de le terrifier.

Ces allusions paraissaient transparentes pourles adultes et peu pour l'enfant… et vous sem-blez dire l'inverse.

Les adultes vont aller un peu plus loin que lesenfants, par exemple, dans la dernière scène del'Eau de la vie, le prince ne pourra pas avoird'érection tant qu'il ne retrouvera pas laconfiance du père. L'enfant en aura une versionun peu plus filtrée mais il voit bien qu'il y aquelque chose qui ne se passe pas. La princessedit : « le mariage était beau mais moi j'atten-dais le moment où nous serions seuls tous lesdeux dans notre chambre. »C'est la beauté de ces contes, ils ne sont pasédulcorés. Il y a aussi d'autres questions :

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la mort, la guerre, la violence politique, l'injus-tice politique, la question des pauvres, l'injusti-ce sociale, tous ces sujets-là sont abordés defaçon incroyablement concentrée dans deux outrois pages.La Jeune fille… est plus une pièce mystique, jecrois que L'Eau de la vie est plus une pièce poli-tique, même si les thèmes se croisent évidem-ment. Mais ça parle de quelque chose.Les personnages ne se retrouvent pas commeon en a l'habitude dans les autres contes, ilsse retrouvent vieillis, vieux, ce n'est pas« ils vécurent heureux et eurent beaucoupd'enfants ».Ils ne sont jamais moralisateurs, il y a un tropgrand amour de l'humain pour qu'ils soientmoralisateurs, mais par contre, ils sont moraux.D'ailleurs, on a fait beaucoup de critiques poli-tiques aux Grimm, ils ne sont pas révolution-naires, ils sont dans un monde monarchique etquelquefois réactionnaire parce que les roman-tiques allemands ont une idée de l'âge d'or, dequelque chose à retrouver et déjà l'idée d'unedécadence, d'une perte jusqu'à un abâtardisse-ment du destin de l'Europe. Ça ce sont dessujets un peu moins liés à la question desenfants, mais c'est important dans les contesde Grimm, ça m'intéressait aussi parce que jetravaillais beaucoup à l'Opéra sur le romantismeallemand, j'ai monté Freischütz et Les Contesd'Hoffmann puis La Damnation de Faust, doncça m'a permis de travailler ces dix dernièresannées, dans la même zone entre 1800 et1820, avec une fascination totale parce que jene connaissais pas si bien que ça cette culture.D'ailleurs, les Français ne connaissent pas bienle romantisme allemand et pour cause, lestextes fondamentaux ont été peu traduits, lestraductions sont récentes. Donc, ça me permet-tait, en travaillant avec les Grimm, de continuerà réfléchir sur ces intuitions du romantismeallemand.

Pourquoi les travestissements ? Et les costumes,l'intemporalité ?

Oui, des deux côtés, les costumes, c'est l'intem-poralité, ce n'est pas particulièrement médié-val, ni romantique, ni contemporain. On s'effor-ce de donner le moins de signes possibles dansles costumes, parce qu'il y en a toujours trop.

Et la musique ? Les acteurs qui jouent de lamusique en direct et qui font les bruitages ?

Je n'aime pas les disques, donc dans tousmes spectacles, il y a de la musique en direct.

Là c'est encore plus musical que d'habitudeparce que c'est un vecteur important pour lesenfants. Et ça m'a beaucoup intéressé danscette version là qui est très musicale, où il y abeaucoup de musique, où la musique est plusélaborée que dans les versions précédentes. Onest aussi face à des jeunes enfants qui vontpeut-être pour la première fois au théâtre, maisaussi qui vont pour la première fois entendre unconcert ou de la musique live. C'est important.Moi j'ai eu des petits complètement fascinés parla chose musicale, assez indifférents à la chosethéâtrale. Là aussi les enfants, c'est comme lesadultes, il y en a parmi eux qui aiment lethéâtre et d'autres que ça n'intéresse pas.

Alors finalement le conte essaie de faire croi-re un peu et le théâtre dit « on est dans unehistoire » ?

Non, le conte, c'est que bien que nous necroyions pas aux fantômes, nous sommescapables d'avoir peur quand nous descendons àla cave. Le conte, c'est que nous ne vivons pasqu'avec notre raison et qu'il ne faut pas nousparler qu'au niveau passionnel. Le conte, c'estcela. Si nous avons l'impression que le mondeest désenchanté, notre psyché est encore dansun monde enchanté.

La meilleure manière de raconter un conte, c'estde le faire voir ?

Il y a toujours eu un lien entre l'illustrateur,l'image et le conte. Donc, on peut déjà penserle travail théâtral comme un travail d'illustra-teur. Et ensuite, quand on le lit, on n'est parti-culièrement pas dans le conte puisqu'on estsans l'oralité. Donc en retrouvant l'oralité, enretrouvant l'illustration, il n'y a plus grandchose à faire pour faire du théâtre.

b Faire trouver aux élèves les raisons pour

lesquelles Olivier Py a adapté ces contes.

Leur faire dégager, pour Olivier Py, les prin-

cipaux thèmes des deux contes. Les

confronter avec leurs propres impressions

après le(s) spectacle(s).

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