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Pierre Verger Un pont au dessus de l’Atlantique Regard sur les cultures afro-américaines du plateau des Guyanes et de l’Amazonie Exposition du 21 mars -28 mai 2011

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Pierre VergerUn pont au dessus de l’Atlantique

Regard sur les cultures afro-américaines du plateau des Guyanes et de l’Amazonie

Exposition du 21 mars -28 mai 2011

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Pierre Verger Un pont au dessus de l’Atlantique

Edito p 04

Afrique p 07 à 09

Pierre Verger, passeur de l’Atlantique Noir p 10 à 11

Carte p 12 à 13

Flux et Reflux p 14 à 25

Suriname p 26 à 37

Antilles p 38 à 45

Biographie Pierre Verger p 46 à 49

Bibliographie p 50 à 51

Somm

aire

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L’exposition «Pierre Verger : Un pont au-dessus de l’Atlantique. Regard sur les cultures afro-américaines du plateau des Guyanes» est présentée du 21 mars au 28 mai 2011 dans le hall de la Mairie du 10e, dans le cadre de l’année des Outre-Mer.

Elle témoigne de l’engagement de la municipalité à proposer une offre culturelle exigeante et de qualité à l’ensemble des usagers de la mairie, des habitants de l’arrondissement et, plus généralement, des Parisiens.

L’œuvre de Pierre Verger, qui jouit d’une reconnaissance mondiale, pour sa valeur artistique ainsi que pour ses qualités ethnologiques, est exposée dans les plus grands musées du monde.

Cette exposition en provenance de Guyane a été présentée dans de nombreux lieux du Plateau des Guyanes et de l’Amazonie, aux endroits même où Pierre Verger prenait ses photographies, il y a plusieurs décennies.

Composée de 84 photographies tirées à partir des négatifs originaux de Pierre Verger, elle propose une approche originale des cultures afro-américaines des régions d’Amérique du sud, souvent inconnues du grand public

Cette exposition, en favorisant une réflexion sur notre propre culture, met également en valeur l’intérêt du travail de l’ethnologue, dont Michel Leiris a écrit que la vocation est de «faire admettre que chaque culture a sa valeur et qu’il n’en est aucune dont, sur certains points, une leçon ne puisse être tirée».

Dans un arrondissement marqué par la mixité des populations et la rencontre des cultures, l’œuvre de Pierre Verger prend donc tout son sens. Je tiens à remercier Daniel Maximin, commissaire général de l’année des Outre-Mer, et habitant du 10e arrondissement, pour son soutien et David Redon et Alex Baradel pour leur travail et leur implication.

Remi Féraud

Edito

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Afrique

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Pierre Verger, passeur de l’Atlantique Noir

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Carte L’Atlantique Noire de Pierre Verger

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Salvador

Bélem

Pays Ndyuka

Paramaribo

Pointe-à-PitreGrand-Rivière

Marbial

Pedro BatancourtLa Havana

Dakar

Diré

BapuréNiamtougou

AbomeyLomé

Ilara OshogoEde

OuidahPorto-Novo

Océan Atlantique

Golfe du Bénin

Suriname

Voyage de Pierre Verger en 1948

Villes photographiées par Pierre vergeret présentées dans ce catalogue

Wanhatti

L’Atlantique noire de Pierre Verger

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Flux et Reflux Considérant son parcours, Verger déclarait en 1991 : « L’unique conclusion que je puisse tirer quand je jette un œil sur les années que j’ai vécues, c’est que je n’ai jamais su véritablement ce que je voulais. J’ai su, au contraire, ce que je ne voulais pas. De ce fait, me refusant à faire ce que je n’aimais pas, ma vie a pris, sans que je ne m’en rende compte, une certaine forme1 ».

Sa vie se déroule ainsi sans véritable fil directeur, en étant toutefois marquée par certains événements aux conséquences particulièrement importantes. La mort de sa mère en 1932, dernière proche parente, le dé-cide à rompre définitivement avec son milieu d’origine, pour se reconvertir photographe et nomade. Son arrivée dans le Nordeste du Brésil à la fin des années 40, autre temps fort de sa vie, le met en contact direct avec les populations afro-brésiliennes qu’il apprécie à tel point que Salvador de Bahia devient rapidement son pied à terre et que, pour la première fois, il va orienter son œuvre dans une voie bien définie.

Jusqu’alors, l’œil voyageur de Pierre Verger2 ne s’est pas encore doublé de la plume. Il ne légende même pas ses clichés, laissant ce soin aux rédacteurs des revues.

Le monde de l’ethnologie ne lui est cependant pas inconnu : alors qu’il réside encore à Paris, Verger se lie d’amitié avec l’équipe du Musée de l’Homme, en particulier avec Alfred Métraux3 qu’il a rencontré lors de la préparation d’une exposition sur l’île de Pâques. Il vient également de faire la connaissance de Roger Bastide4 qui l’avait encouragé à se rendre dans le Nordeste brésilien et y photographier son « folklore »5. Par ailleurs, certains écrits de Verger récemment découverts, datant de ses premiers

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voyages, témoignent de son envie de comprendre et d’écrire sur les cultures qu’il découvrait.

Néanmoins, rien ne laissait présager que Pierre Verger allait se fixer définitivement à Salvador, et que son œuvre, jusqu’alors essentiellement photographique, s’orienterait vers l’étude des cultures afro-brésiliennes et afro-américaines, et leur mise en valeur.

L’intérêt croissant de Verger pour ces cultures, manifeste dans les photographies réalisées durant son séjour au Suriname, du 29 mai au 7 juin 1948, se retrouve dans la correspondance entretenue avec Alfred Métraux, qui fut à l’origine de ce voyage.

Une lettre datée d’octobre 1947, l’année suivant sa découverte du Nordeste, présa-geait du tournant que la vie de Verger allait prendre :

J’ai depuis quelques jours reçu de l’Institut Français d’Afrique Noire de Dakar une bourse pour aller étudier sur place l’origine des cultes africains qui se sont implantés au Brésil.L’annonce de mon départ probable à la « Costa da Africa » a fait grand effet dans les « xangos » de Recife. Les sourires déjà gracieux se sont faits engageants. Ce ne sont qu’abraços tendres et prolongés. Les orixas eux-mêmes lorsqu’ils se manifestent, me réservent des grâces et des amabilités réservées aux « ogans ». […] J’en suis arrivé à être considéré par eux comme une sorte de « représentant » à la Costa, chargé de retrouver « la tradition ».Ils comptent bien, en contrepartie, sur des générosités de ma part au retour sous forme de colliers, étoffes, cauris, et les divers produits nécessaires au culte, ce que je ferai bien volontiers.Je vais donc à Bahia avec l’intention d’étudier la chose un peu plus à fond. J’aimerais aussi aller à São Luis du Maranhão où il y avait paraît-il une forte influence dahoméenne. [ …] La Guyane, Haïti… tout cela est très excitant et pourrait, se combinant avec l’Afrique, constituer un beau travail d’ensemble.C’est avec un grand intérêt que je ferai un travail en collaboration avec vous sur les questions vaudouesques et sur des comparaisons Afrique, Haïti et Brésil.Si j’allais en Afrique je serais à votre disposition pour vérifier certaines

données que vous avez recueillies en Haïti 6.Le voyage au Suriname de Verger constitue sans doute une étape déterminante dans son parcours : sous l’influence de Métraux, le photographe commence à s’intéresser tout particulièrement aux populations afro-américaines.

La spontanéité de Verger reste entière dans sa façon de photographier comme en témoigne la variété des clichés réalisés à Paramaribo et Belém. La fin des années 40 apparaît comme une sorte d’âge d’or de la photographie de Pierre Verger. Dans ses clichés se mêlent l’expression de sa liberté et de sa sensibilité portée vers d’autres cultures, d’autres êtres humains, avec un intérêt de plus en plus marqué pour les fêtes et les cérémonies d’origine africaine.

Métraux parle d’une « touche Verger » qui ne laisse personne insensible. Une photo-graphie simple, sans effets, qui fonctionne avant tout sur l’affectif, sur l’émotionnel, plutôt que dans un registre esthétique. La photographie, pour Pierre Verger, est également un prétexte à la rencontre d’autrui, une façon de créer un dialogue puis plus tard, comme l’illustrent deux photographies présentées dans ce catalogue, de recréer des liens culturels, entre des personnes physiquement éloignées mais qui partagent parfois les mêmes origines. L’une d’entres elles, réalisée au Suriname, annonce, presque aussi clairement que la lettre adressée à Métraux, ce que Verger réalisera par la suite.

De fait, moins de six mois après son voyage au Suriname et en Haïti, Pierre Verger partira pour le Bénin, où, prié par Téhodore Monod, alors directeur de l’Institut Fran-çais d’Afrique Noire, il amorcera une œuvre et une aventure humaine exceptionnelles.

Alex Baradel

1 Entretien avec Emmanuel Garrigues, 19912 « o Olhar viajante »3 Alfred Métraux, 1902-1963), anthropologue d’origine suisse formé à Paris, spécialiste des peuples d’Amérique

latine, d’Haïti et de l’île de Pâques4 Roger Bastide (1898 – 1974), sociologue et anthropologue français, spécialiste de sociologie et de la littérature

brésilienne et précurseur des études anthropologiques sur les « Amériques noires »5 Lettre de Roger Bastide à Vicente de Rego Monteiro recommandant Pierre Verger, São Paulo, 13 juin 19466 Lettre reproduite dans Le Pied à l’Etrier – Correspondance échangée entre Alfred Métraux et Pierre Verger. Jean-

Pierre Le Boulet, Paris, J.M. Place, 1993

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Marronages …Durant la période esclavagiste (XVI-XVIIIème siècles), le marronage, la fuite de l’esclave du monde de l’habitation, a engendré, dans l’ensemble des colonies américaines, la naissance d’un autre monde, celui des « marrons », fondé sur la liberté et la résistance au modèle de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ce « nouveau monde », par opposition au « système concentrationnaire » des plantations, à cet autre « nouveau monde » né de la conquête de nouveaux espaces par les sociétés occidentales, s’est forgé dans l’éloignement et l’isolement de la société coloniale, dans une vie intimement liée à la nature, dans « l’invention d’une vie forestière et fluviale » au contact des peuples amérindiens auxquels ils ont emprunté certaines pratiques.

Les communautés marronnes du Suriname et de la Guyane française se sont progressivement constituées entre le milieu du XVIIème siècle et la fin du XVIIIème siècle à partir des esclaves fuyant les plantations de la côte de la Guyane hollandaise. Malgré les nombreuses expéditions militaires et les guerres menées par les colons et le pouvoir colonial, elles ont donné naissance à des communautés autonomes qui ont acquis leur indépendance par les armes durant les années 1760. Installées en amont des fleuves Suriname, Saramaka, Cottica, Maroni et Tapanahony, elles sont à l’origine d’une civilisation dont la vivacité culturelle est toujours remarquable.

Aujourd’hui, les sociétés issues du marronnages du plateau des Guyanes représentent 6 groupes distincts : les Saramaca et les Ndyuka, indépendants depuis 1762 et 1760 et forts de 50 000 individus ; les Aluku (Boni) et les Paramaka, représentant quelques 6 000 personnes chacun et les Matawaï et les Kwinti (1 000 individus à eux deux).

Les sociétés post-marrons présentent donc le double intérêt de conserver des modes de vie proches des sociétés africaines du XVII-XVIIIème siècle aujourd’hui disparues – que Pierre Verger avait qualifié de « survivances anachroniques » - et de procéder d’un phénomène d’acculturation et de trans-formation sociale engendré par leur adaptation au milieu forestier et fluvial, à leur isolement et à leurs contacts avec les amérindiens. « Conservatoire en mouvement », en perpétuelle évolution au gré des influences occidentales, amérindiennes ou créoles, elles sont tout sauf des communautés figées destinées à être muséographiées. Elles représentent la preuve évidente de la faculté de l’homme à résister à toute tentative de déshumanisation, d’anéantissement culturel. Elles offrent enfin une ressource symbolique vitale pour les poètes, écrivains et hommes politiques créoles désireux de s’affranchir du complexe identitaire né de la transplantation océanique.

Les Ndyuka de la rivière Cottica en 1948Le noyau principal de ces populations rebelles apparaît être la civilisation des Fanti-Ashanti des 16ème/18ème siècles, que l’on rencontre aujourd’hui dans l’actuel Ghana. Les photographies nocturnes exceptionnelles de la cérémonie prises par Pierre Verger renseignent ainsi le rite religieux et initiatique

Suriname

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et de Herskivots, les amènent à se rendre chez les Ndyukas du fleuve Cottica qui reste un lieu relativement accessible. Les quelques jours que passent Verger et Métraux dans le village de Wanhati et ses alentours, entre le 29 mai et le 7 juin 1948, ont permis à Verger, dans une cinquantaine de clichés, de mettre au jour un témoignage inégalé sur la vie quotidienne des populations Ndyukas. Témoignage dont l’importance est aujourd’hui capitale depuis que la guerre civile du Suriname (1986-1992) a amené l’armée nationale de Dersi Bouterse à dé-vaster complètement la région, entraînant l’exil de quelques 10 000 Ndyuka vers la Guyane Française.

David Redon

du « Kromanti » ou « Cromanti », dont le nom est celui d’une ethnie africaine (Akan) originaire de l’ancienne Côte d’Or (actuels pays du Ghaba et de la Sierra Léone) à la consonance héritée du port esclavagiste de Cormantine, d’où partirent des milliers d’esclaves vers les plantations guyanaises. Néanmoins, il serait ridicule de vouloir continuer à établir une filiation directe entre les communautés marronnes et des ethnies africaines puisque celles-ci sont avant tout des sociétés créoles. D’abord par le métissage entre des esclaves aux origines africaines diverses, suivant la stratégie esclavagiste du brassage entre les ethnies qui consistait à séparer et isoler les individus de leurs ethnies d’origine afin d’éviter que la force du groupe ne cimente l’esprit de la rébellion ; ensuite par les syncrétismes hérités du bref passage par la société coloniale esclavagiste ; enfin par les changements profonds apportés par la nécessité de s’adapter au milieu américain et amazonien. Les marrons Ndyuka participent ainsi d’une identité plurielle, à la fois métissée et diasporique, au même titre que l’ensemble des sociétés créoles américaines4, à ceci près que leur victoire historique sur l’ordre colonial les a définitivement auréolés de la marque de la liberté et de l’indépendance.

Les premiers marrons Ndyuka s’installent en 1663 en amont des fleuves suite au refus des planteurs juifs portugais de payer l’impôt de la capitation qui envoient alors leurs esclaves dans la forêt avoisinante. A ces premiers fugitifs, s’ajoutent les contingents beaucoup plus nombreux des esclaves qui profitent de la fuite de leurs maîtres vers Para-maribo entraînée par l’attaque de la colonie en 1712 par des marins français. Le foyer de population s’enrichit par la suite avec l’adjonction permanente de nouveaux esclaves évadés. En 1749, après plus de 10 années de guerre contre les colons hollandais, ils obtiennent une première indépendance. Le 10 octobre 1760, un traité de paix définitif est signé sur la plantation d’Auca reconnaissant « la liberté de fonder une République, à condition de ne plus accepter d’autres nègres fugitifs en ses rangs ».

En 1948, lorsque Pierre Verger retrouve l’anthropologue Alfred Métraux au Suriname, la population Ndyuka, répartie entre les fleuves Cottica et Tapanahony, compte plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Les Ndyukas se sont réinstallés sur le fleuve Cottica au début du 20ème siècle à partir de migrations en provenance du Tapanahony liées à l’exploitation du bois Balata. Les connaissances déjà apportées par les études de Khan

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Antilles

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Pierre VergerDe père belge, Pierre Edouard Léopold Verger est né à Paris le 4 novembre 1902. Après trente ans de vie facile dans un milieu de petite bourgeoisie parisienne, il commence dans les années 30 à voyager à travers la France, avec Pierre Boucher notamment qui lui enseigne la photographie.

A la mort de sa mère, en mars 1932, il décide de rompre le style de vie qu’il menait jusque là, et commence à voyager dans des conditions précaires.

Un tour de Corse à pied, un rapide et décevant voyage en URSS, puis à la fin de 1932, son premier véritable voyage pour la Polynésie Française.

Les photographies réalisées durant ce voyage lui permettent à son retour de partir pour un voyage autour du monde en tant que photographe pour le magazine France-Soir. Ce sont ses débuts de photojournaliste. Pierre Verger commence dès lors à vivre de la photographie (il intègre Alliance-Photo en 1935), ou en offrant ses services aux compagnies de transport, ce qui lui permet de continuer ses voyages. Il va dès lors sillonner le monde, ne passant jamais plus de quelques mois à Paris. Il parcourt l’Espagne et l’Italie (1935), l’Afrique de l’Ouest via l’Algérie (1935-1936), Haïti, Cuba, le Mexique, les Etats-Unis (1936-37), photographie l’exposition Universelle à Paris en 1937, le conflit chino-japonnais en 1938, l’Indochine puis les Phillipines.

Après avoir été mobilisé en Lorraine en 1938, il repart en 1939 pour un voyage en Amérique (Cuba, Mexique, Pérou, Bolivie, Argentine, Brésil), voyage abrégé par le début de la seconde guerre mondiale). Intégrant l’armée à Dakar avec son ami Marcel Gautherot, il est attaché aux services photogra-phiques du gouvernement général d’Afrique occidentale, puis est démobilisé lors de l’armistice en août 1940. Il retourne alors en Amérique où il passe près de deux ans, en Argentine, puis quatre ans au Pérou. Ses conditions de voyage seront à cette époque sans doute les plus dures de sa vie. Il découvre finalement Salvador de Bahia en 1946, ville qui va devenir son principal pied-à-terre. Il effectue alors de nombreux reportages dans le Nordeste brésilien pour le magazine brésilien O Cruzeiro.

Sous l’influence d’Alfred Métraux dont il est l’ami depuis 1935, de Théodore Monod qu’il a rencontré lors de son séjour au Sénégal en 1940, de Roger Bastide, qu’il croise à Rio de Janeiro en 1946, Pierre Verger va peu à peu laisser son travail de photographe pour se consacrer à l’étude des cultures et des religions du Golfe du Bénin et de leurs « homologues » Bahiannais. Il va ainsi passer les 20 années suivantes de sa vie entre le Bénin, le Nigéria, Salvador de Bahia, avec quelques incursions dans des lieux empreints de cultures africaines : Haïti, Cuba, Suriname. Ces voyages et recherches aboutis-sent à de nombreuses publications sur l’histoire et les cultures afro-brésiliennes, notamment « Notes sur le culte des orisa et vodun » (1957) et « Flux et reflux de la traite des esclaves entre le golfe du Bénin et Bahia de todos os santos » (1968).

Il entre au CNRS en 1962 et est nommé directeur de recherches neuf ans plus tard. Son implication parmi les communautés Yoruba du Bénin ou de Salvador dépasse largement le cadre de son travail. Il s’initie aux religions qu’il étudie et devient Babalawo (père des secrets) en 1952 au Bénin, puis Oju Oba (Œil du roi) à Salvador de Bahia. Il devient un messager entre les communautés noires d’Amérique et d’Afrique et, désireux d’accentuer les échanges entre ces deux continents, il est à l’initiative de la construction du musée afro-brésilien, de Ouidah (Bénin) et de celui de Salvador de Bahia.

Biographie

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En 1980, l’éditeur Corrupio fait découvrir son travail photographique au Brésil grâce à plusieurs livres, notamment « 50 ans de fotografia », puis en 1994, Paris découvre ses magnifiques clichés à travers une grande exposition qui lui est consacrée au Musée National des arts africains et océaniens.

Pierre Verger meurt à Salvador de Bahia le 4 février 1996. Il laisse l’image d’un homme de grande simplicité, intègre, ouvert, rigoureux, tout aussi respecté des élites intellectuelles des cinq continents que des personnes ordinaires dont il a partagé le quotidien pendant une grande partie de sa vie.

Huit ans avant sa mort, en 1988, il crée la Fondation Pierre Verger dont l’objectif est de diffuser son œuvre mais également de faciliter les échanges humains entre Salvador et les communautés du Golfe du Bénin. Cette institution fonctionne de nos jours dans la maison où vivait Pierre Verger, conservant et facilitant l’accès aux plus de 60 000 images réalisées par Verger mais également à ses archives personnelles ainsi qu’à sa bibliothèque. Elle organise également des expositions, encourage la publication d’ouvrages et gère le patrimoine photographique légué par Verger.

En 2006 fut institué un espace socio-culturel visant à sensibiliser la communauté du quartier populaire dans laquelle elle se trouve à des activités culturelles qui lui sont normalement difficilement accessibles.

Fondation Pierre Verger – mars 2009

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Ce catalogue reprend une partie des oeuvres qui ont été présentées lors de l´exposition “Pierre Verger, un pont au dessus de l’Atlantique. Regard sur les cultures afro-américaines du plateau des Guyanes et de l’Amazonie“ dans le hall de la Mairie du 10e arrondissement de Paris dans le cadre de « L’Année des Outre-Mer 2011 ». Inaugurée à Cayenne, l’exposition a ensuite voyagé à Saint-Laurent du Maroni (Guyane Française), Paramaribo (Suriname), Bélèm (Brésil), Fort de France et le Fonds Saint-Jacques en Martinique et, sous la forme d’une vidéoprojection, sur les fleuves et rivières « marrons » Lawa, Tapanahony, Maroni et Cottica entre les mois d’avril et décembre 2009.

> Commissaires : David Redon, Alex Baradel> Production : David Redon, Fondation Pierre Verger (Salvador De Bahia)> Tirages Photographies Suriname : Sylvio Pinhatti (São Paulo)> Remerciements : Alain Hauss, Richard Price, Christophe Chat-Verre, DRAC Guyane, Préfecture de Guyane, Villes de Paris, Cayenne, Kourou et Saint-Laurent, Conseil Général de Guyane, la

Région Guyane , Ambassade de France au Suriname, CulturesFrance, Librairie Encrage, Caisse des Dépôts et Consignations, House of Guianas, Pine Bosu, Stichting Surinaams Museum, Musée des Arts de Belèm, Nathalie Potel, Vincent Philippe, Juliette Delattre, Laila Andresa Cavalcante Rosa et bien d’autres...

Barthes Roland, La chambre claire. Note sur la photographie, Gallimard, 1980

Bastide Roger, Les Amériques noires (1967), préface de Jean Benoist, Éditions L’Harmattan, 1996

Damoison David, Le Galion, Canne, douleur séculaire, Ô tendresse. Éd. Ibis Rouge.

2000. Texte de Raphaël Confiant

Paris Caraïbe, le Voyage des Sens. Éd. Atlantica. Paris. 2002, 168 p. [Textes de Monchoachi

Vodou, un tambour pour les Anges. Éd. Autrement. Paris. 2003.]

Debbasch Yvan, Le marronnage. Essai sur la désertion de l‘esclavage antillais, L‘Année sociologique, Paris, 1961- 1962

L’art que cache la forêt, catalogue d’exposition, textes et œuvres de Marie-Blanche Potte, Gérard Collomb, Sébastien Benoît, Sophie François, Yannick Le Roux, Rémi Auburtun (alias Douchan), Damien Davy et Patrick Lacaisse, 95 pages, 2007

(de) L’Estoile Benoît, Le goût des Autres. De l’Exposition coloniale aux Arts premiers, Paris, Flammarion, 2007. 454 p.

Ethnographie et photographie in «L’Ethnographie», n° spécial Pierre Verger, vol LXXXVII (1), n° spécial 1991, p. 145-166.

Gilroy Paul, L’Atlantique Noir. Modernité et double conscience, Kargo, 2003, 333 p. [1993, The Black Atlantic. Modernity and double consciousness, Cambridge, Harvard University Press] 333 p.

Haïti : anges et démons, 1945-2000, [catalogue de l’exposition, Paris, Halle Saint-Pierre, 21 mars-30 juin 2000] / sous la dir. de Martine Lusardy. - Paris : Hoëbeke, 2000. - 157 p.

Herskovitz, Melville M. & Francis M. Herskovitz, Rebel Destiny: Among the Bush Negroes of Dutch Guyana, McGraw Hill, New York, 1934

Kahn, Morton C., Djuka ; the Bush Negroes of Dutch Guiana, New York, Viking, 1931

Köbben A.J.F., In vrijheid en gebondenheid. Samenleving en cultuur van de Djoeka aan de Cottica. Utrecht, Bronnen voor de Studie van Bosnegersamenlevingen, 1979.

Le Bouler Jean-Pierre, Pierre Fatumbi Verger, um homem livre, Salvador de Bahia, Fondation Pierre Verger

Métraux Alfred, Haïti : la terre, les hommes et les dieux, Neuchâtel, éd. La Baconnière, 1957 [photographies Pierre Verger, Alfred Métraux].

Le Vaudou Haïtien, Paris, 1958, NRF.

Momou Jean, Le monde des Marrons du Maroni en Guyane, Ibis Rouge, 2004

Les bonis à l’âge de l’or et du grand Takari, 1860-1969, temps de crises, temps d’espoir, thèse d’histoire, EHESS, en cours de publication, 2010

Price Richard & Price Sally, Les Arts des Marrons, La Roque d’Anthéron, Vents d’ailleurs, 2005.

Les Marrons, avec Sally Price. coll. « Cultures en Guyane », Vents d’ailleurs, 2003.

Price Richard, Les Premiers Temps : la vision historique d’un peuple afro-américain, Paris, Le Seuil, 1994.

“Executing Ethnicity: The Killings in Suriname” (Cultural Anthropology, Vol. 10, 1995, pp. 437-471).

Price Sally, Arts primitifs, regards civilisés, Préface de Federico Zeri. Paris: Ecole nationale supérieure de Beaux-Arts, 1995. (2e édition avec une nouvelle postface, et une préface de Maurice Godelier, ENSB-a, 2006.)

Verger Pierre

50 anos de fotografia, Salvador, 1982, Corrupio.

Avec Alfred Métraux, Le pied à l’étrier, correspondance 1946-1963, présenté et annoté par Jean-Pierre Le Bouler, Paris, 1991, éd. Jean-Michel Place.

Trente ans d’amitié avec Alfred Métraux, mon presque jumeau», G.B. (Cahiers Georges Bataille), Paris, n° 2, sept. 1992, p. 173-191 [cf. 1990 - communication au colloque Présence d’Alfred Métraux, 26-28 avril 1990, Paris, UNESCO].

Photographies, Paris, éd. du Désastre, 1989 (coll. Les Livrets du Désastre).

Le Messager. The Go-Between - Photographies 1932-1962, Paris, éd. Bleu Outremer / Revue Noire, 1993 [textes Jean-Loup Pivin, Pascal Martin Sain Léon, Charles-Henri Favrod]

Pierre Verger, Découvertes – photographies 1936. La Guadeloupe des années trente. Point à Pitre, 1993, Musée Municipal Saint-John Perse.

Un pont au dessus de l’Atlantique. Regard sur les sociétés du plateau des Guyanes et de l’Amazonie, catalogue d’exposition [textes Richard Price, David Redon, Alex Baradel], éd. Amis d’Encrage/Fondation Pierre Verger, Guyane, 2009, 84 p.

Souty Jérôme

Pierre Fatumbi Verger, Du regard détaché à la connaissance initiatique (Editora: Maison-neuve & Larose, Paris, 2007

Bibliographie

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L’œuvre photographique de Pierre Verger (1906-1996) est aujourd’hui reconnue mondialement, tant pour ses qualités esthétiques qu’ethnographiques. Elle reste une tentative encore inégalée d’embrasser ce que Roger Bastide avait nommé les « Amé-riques noires ». Cette expérience ethnographique, humaine et esthétique a durablement participé à la reconnaissance des « afro-américains », de leur histoire et de leur culture, inextricablement liées au continent africain, à la reconnaissance aussi de leur poids incontournable dans la formation métissée de cultures américaines issues du choc colonial.

L’exposition « Pierre Verger : un pont au-dessus de l’Atlantique. Regard sur les cultures afro-américaines du plateau des Guyanes » se compose de 84 photographies tirées à partir des négatifs originaux de Pierre Verger par le laboratoire de Silvio Pinhati à Sao Paulo.

Elle présente au public 34 vues inédites réalisées en 1948 au sein des sociétés « post-marrons » Ndjukas, sur la rivière littorale Cottica au Surinam, à la frontière de la Guyane française. Suivant la perspective transculturelle et comparative des « flux et reflux » chère à Verger, cette série est enrichie par 50 clichés portant sur les cultures et religions de Salvador de Bahia, Belém, Cuba, Haïti, la Guadeloupe, la Martinique et les sociétés du Golfe du Bénin.

Au-delà du témoignage intemporel et universel, la rencontre de Verger avec ces cultures a été déterminante dans la confirmation de la vocation « afro-américaine » de l’artiste.