Pillule Rouge Michel Drac

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    SCRIBEDIT

    Toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite sur un support papier sans le consentement de lauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite selon le code de la proprit intellectuelle. Cette interdiction ne concerne pas la mise disposition gra-tuite dextraits sous forme lectronique via un site web sous rserve dindication de la pro-venance du texte : site Internet www.scriptoblog.com.

    ISBN : 978-2-35512-010-7 Code collection : 0038-SYST5-EBOOKPrix exemplaire imprim vendu lunit : 6,50 TTCEn couverture : Annonce parue dans les journaux systmiens, 2006

  • Michel DracAnticonformiste et parfois iconoclaste, Michel Drac sest donn pour tche de dconstruire les grilles de lecture imposes par la pense domi-nante, afin de rendre possible, nouveau, lnonciation du Ngatif .Sa dmarche procde de la provocation. Au vrai sens du terme.

    Pilule rougeLes chroniques systmiennesIV

    A partir du mois de mai 2006, Michel Drac rdigea une srie de chroniques pour le site les Antifadas . Il sagissait de suivre lac-tualit, vue sous un angle inhabituel : les conversations de comptoir, dans un bistrot de banlieue. Dbut 2007, Drac avait migr vers le site Salut Public , mais les chroniques continuaient. Retrouvez, avec ce cinquime recueil de chroniques, toute la faune bistrotienne que vous aviez croise dans les chroniques prcdentesCette fois, les piliers de comptoir commentent lactualit, en mars et avril 2007.

    Editions Scribedit

  • PILULE ROUGE

    Mars 2007.Les potos de Salut Public me disent, comme a : maintenant quon a bien expli-

    qu comment le systme dconne, faudrait peut-tre dire ce quon propose aux gens, nan ?Bonne question.Je ne vous remercie pas de me lavoir pose.

    *

    Moi, jaime bien les mecs de Salut Public. Je me fais un peu leffet dun ultra-conservateur atlanto-sioniste, rapport la ligne gnrale de leur blog mais sinon,

    Pilule rouge

    Les chroniques systmiennes - V

  • je les aime bien quand mme. Cest mes coupeurs de tte prfrs.Jaimais bien aussi les mecs de subversiv.com, un autre site o jai crit avant.

    Parfois, je passais vaguement pour un stalinien islamophile et amricanophobe, quand je svissais chez eux mais bon, je les aimais bien quand mme, ces mecs. Ctait mes bourgeois bohme moi, si vous voulez.a peut paratre bizarre davoir des copains la fois chez les patriotes rpubli-

    cains de Salut Public et chez les libraux libertaires de Subversiv, mais moi, a ne me drange pas. Je nen ai jamais voulu personne davoir des ides diffrentes des miennes. Jamais. A mes yeux, du moment quun homme est clair avec lui-mme, clair avec ses interlocuteurs et point trop en dsaccord avec les rgles fondamenta-les de la logique formelle, son avis est lgitime non parce que cest le bon, mais parce que cest le sien.Par exemple, je ne suis pas daccord du tout, mais alors vraiment pas daccord

    du tout avec le libralisme tout crin prn par les mecs de subversiv.com qui sont notoirement proches dAlternative Librale, cest le secret de Polichinelle. Je trouve, moi, que dans le contexte actuel, un libralisme sans frein est aussi un libralisme suicidaire, appel se retourner inluctablement contre ses finalits proclames. Je pense quil y aurait de trs bonnes raisons de rhabiliter le rle de lEtat, si ctait possible la premire de ces raisons tant que les nouvelles formes du fascisme et du bolchevisme sont mutantes, et quelles ne se construisent plus par la sacralisation de lEtat, mais au contraire partir de son dmantlement. Cependant, bien que je sois en dsaccord radical avec les mecs de subver-

    siv.com, je respecte leur point de vue parce que dans une certaine mesure, leur analyse mclaire en tant quelle est une antithse ncessaire la mienne un contrepoids, si vous prfrez. Ces types sont daccord avec eux-mmes. Petits en-trepreneurs, ils vivent laventure quils recommandent aux autres. A partir de l, rien redire : ils ont le droit de se tromper, comme tout le monde.Quoi quen disent les optimistes, lhumanit est semblable un splologue

    dont la lampe vient de steindre, et qui se trouve soudain plong dans les tn-bres. Aveugle, il ne peut revenir sur ses pas, aussi poursuit-il, ttons. Derreur en erreur dans les tnbres, jusqu la lumire.A propos de splologues paums, jen ai peu prs autant pour les amis de Sa-

    lut Public. Ces gars-l, cest des fans Roby monte--regret, lhomme qui voulait rgnrer la France coups de colonnes infernales. Bon, ben, perso, cest pas dans mes ides. Jai beau ne pas tre catholique, point ne veux rtir les femmes et les enfants

    cathos, entasss dans leurs glises en flammes, avec pour ceux qui senfuient un bon coup de baonnette dans le bide. Le gnral Tureau ma toujours fait dgueu-ler, et sil ne tenait qu moi, il y a belle lurette quon aurait retir son nom des flancs de lArc de Triomphe.

    Pilule rouge page 2

  • Ce nest pas que je sois particulirement dlicat. Je sais bien quon ncrit pas lhistoire en faisant de la broderie anglaise. Mais voil, dune manire gnrale, je naime pas le sang. Dabord, je trouve que a cote cher. Le sang appelle le sang, etc. Ensuite et surtout, je constate que a na jamais rien rgl. AlorsEnfin, cela dit, pas grave ! Les mecs de Salut Public ont le droit dtre nervs

    en ce moment, il y a des raisons dtre nerv. Et puis ces mecs sont cohrents. Il y a une logique dans leur argumentation, et quand ils balancent la sauce, ils pren-nent les risques qui vont avec. Respect, donc, dfaut dadhsion. Ces gars-l ont, eux aussi, le droit de se

    tromper.

    *

    Un truc qui mnerve, par contre, cest lhypocrisie et puis sa complice, la b-tise.Par exemple, je me fche quand jentends dire que Jack Lang gueule avec les

    mal-logs, lui qui crche parat-il dans un appart de 400 mtres carrs, place des Vosges ; lui qui, aussi, fut ministre plus dune dcennie et ne fit jamais rien, jamais, alors quil tait au pouvoir, pour combattre limplacable mcanique dappauvrisse-ment quaujourdhui il dnonce avec sa bouche en cul de poule et son petit air ver-tueux. L, je me fche. Jackouille, jaimerais bien crire ce que je pense de lui mais

    comme linsulte publique constitue un dlit, jen suis rduis sous-entendre.Par exemple aussi, y a la btise. La vraie btise bien crasse. Alors a, a m-

    nerve. Par exemple, t lheure, au rade, deux petites jeunettes qui discutent. Da-bord a parle longtemps dun feuilleton la tloche, et puis de la star ac. Aprs, a parle un peu de la politique, figurez-vous. a dit comme a que y en a marre de la classe politique, donc on va voter Bayrou pour que a change.Jinvente rien, a dit comme a : on va voter Bayrou pour que a change. Bon, jaime bien Bb Rose que je prfre largement au Sgolem ou au Nabot

    de Neuilly. Mais de l lui faire incarner le changement Devrait y avoir des lois contre la btise. Poser des limites, disons, cest a quil

    faudrait.Cela dit, passons autre chose. Je naime pas mnerver, alors passons autre

    chose.Je prfre mamuser.Jaime bien rigoler, moi.

    Pilule rouge page 3

  • Jai des tas de San-Antonio, chez moi. Les vrais, ceux de Frdric Dard.Jai mme quelques ditions des annes 60, achetes pour une bouche de pain

    chez des bouquinistes, avec mes trois sous dtudiant, dans les annes 80. Je les garde prcieusement. Un tmoignage, si vous voulez. Une des dernires manifesta-tions de lesprit gaulois.Bref, jaime bien rigoler. Si Pierre Dac et Francis Blanche taient encore des n-

    tres, jadhrerais au parti den rire.En attendant quils ressuscitent, je me bidonne tout seul.Par exemple, un truc qui me fait rigoler, cest les mecs qui fuient Satan en se r-

    fugiant chez Belzbuth. Disons : un mec comme Maurice G. Dantec qui gueule comme quoi lunion zropenne, cest une nouvelle Union Sovitique, et qui en-suite va se pignoler dans la bannire toile sans remarquer, lartiste, que lunion zropenne est justement un sous-marin du mondialisme amricanomorphe, que lAmrique vraie est raide morte, et que si elle bouge, cest parce que son assassin, le mondialisme, agite le cadavre.Syndrome symtrique : les potos de Salut Public ont trs bien compris que lE-

    tatsunie du big business et des mdias runis nest que le masque du capital mon-dialis soit effectivement le rgne du Mal Et aprs, ils vont, ces potos, balancer des photos de Pyongyang comme si ctait un modle suivre alors que cest quoi, la Core du Nord, sinon justement le modle inavou du nolibralisme ? En bas tout le monde en rang, fourmis laborieuses, petites mains jetables, et tout en haut une reine qui ne pond rien, mais qui jouit tout le temps. Petit Satan, protge-moi du grand Belzbuth. Toujours la mme sauce. Cest ainsi que jadis, par antistalinisme primaire, des

    types trs bien se sont retrouvs attels au char de Hitler. Puril, mais aussi tragique.Comprenez bien ceci, mes lascars : il ny a pas de camp du Bien.Il ny a que des camps du Mal.Mal contre Mal.Tout le reste nest quillusion.Ce qui mamuse, aussi, cest loutrance de ces combats dintellectuels le ct

    concours de bite, si vous voulez. Le dcalage est sidrant entre la ralit dun petit intello qui snerve tout seul derrire son clavier et limmense programme ration-nel, la machine tuer la pense un combat tellement dsquilibr quil en devient pathtique. Do loutrance, bien sr.Cache-misre.

    Pilule rouge page 4

  • Par exemple, pour en revenir Dantec, jadore ses lucubrations quand il glose sur les beauts de la jungle pan-capitaliste lui qui, grand sensible, est au fond un tendre je le pressens dlicat, notre Momo, du genre chialer devant un pauvre qui fait la manche. Jaime bien aussi quand Soral nous vante le petit pre dpeuple lui qui, Soral, esprit libre, aurait bien sr fini goulag en deux coups les gros, sous le rgne dudit.Autre chose encore mamuse : la navet de certains, parmi les hommes de

    bonne volont. Jai visionn, lautre jour, le petit clip du site Salut Public sur le 22 avril 2007 et la rbellion nationale venir. Je me suis bien marr.Dites-vous bien une chose, mes chers amis : le 22 avril 2007, il ne se passera rien.Le Pen pourra tre candidat, ou bien il ne le pourra pas. Sil est candidat, il ira

    au deuxime tour, ou bien il ny parviendra pas. Il est possible, suivant le droule-ment de la campagne, quil parvienne capter la vague antisystme qui sannonce et que, pour linstant, lOffice Systmien pour la Pense Correcte dtourne au profit du rebelle Bb Rose. Il est aussi possible que Neuneuil ne parvienne pas capter cette vague. Cest trs possible, mme. Une forte proportion des gens ne pense jamais il se

    trouve encore, dans ce pays, des millions de gens pour croire que Le Pen, cest Hi-tler, et que lUMPS, cest la dmocratie en action.Bref, amis de Salut Public, vous allez tre dus si vous pariez sur lintelligence.Ah ! Mes pauvres agneaux, la connerie humaine est infinie ! Si vous ne me

    croyez pas, allez donc faire un tour sur les forums grand-publicDe toute manire, peu importe. Quelle que soit lissue du processus lectoral,

    pour finir, il ne se passera rien.Dans lhypothse absolument invraisemblable o, par je ne sais quelle opration

    du Saint-Esprit, Neuneuil parviendrait se faire lire, nous aurions lmeute le soir mme, des incidents graves la sortie, lOTAN dans la foule et, pour finir, retour la case dpart : loligarchie mondialiste, bon an mal an, nous imposerait sa volon-t. Tout simplement parce que pour linstant, elle a la force, et nous ne lavons pas. Point final tout le reste, cest de la littrature. Voil la ralit : nous ne pouvons en ltat actuel du rapport de forces renverser

    la machine dcerveler qui dtruit lide de libert en nos frres et surs. Soyons lucides : nous navons aucune chance.Alors, parler de programme dans ce contexte ? Mais cela naurait pas de sens.Bref, pour mviter certain ridicule, si je dois parler de lavenir, si je dois dire de

    Pilule rouge page 5

  • quoi il sagit et ce que nous devrons faire, je prfre en parler indirectement. En douceur. Avec humour. Pas me prendre, moi le rat de bibliothque, pour lhomme daction que je ne suis pas et que je ne serai jamais.Je suis un sous-crivaillon internautique, moi, mes chers amis. Une lavette

    blog, autant dire. Je nen ai pas honte dailleurs il y a tant de lavettes qui nont mme pas de blog.Je pisse ma prose, plus ou moins inspire, plus ou moins insipide. Comme jai

    pour moi davoir, je crois, une tte qui fonctionne assez bien, il marrive de dire le Vrai. Tel quil se rvle, un certain moment. Voil, a, je sais faire. Mais cest tout ce que je sais faire.Donc je resterai dans le constat, si vous permettez.Dailleurs, a suffit pour que les lecteurs, futs quoi quon en dise, pigent trs

    bien o va la boutique.Et en dduisent le programme.Le vrai, celui quon ne peut pas publier.

    *

    Il y a un projet, derrire les chroniques systmiennes. Vous devez vous en douter, dailleurs un mec ne se fatigue pas tartiner au-

    tant de pages juste pour faire dans lambiance bistrot. Mme un pervers dans mon genre a besoin davoir un but, qui marche si longtemps sans poser son sac. Le plai-sir enfantin de dverser ma bile sur lpoque en gnral et sur mes contemporains en particulier ne justifierait pas un investissement de cette ampleur. Jai une ide derrire la tte. Pour dire les choses simplement, je veux comprendre et faire comprendre ce

    quest la Systmie. Je veux comprendre et faire comprendre ce quest son essence. Cest pour cette raison que jai imagin le rade de mes amours, et ses Systmiens de base, Paulo et Eddie, et Bosmokinge qui radote, et Marcel qui questionne. Ne pouvant pntrer les arcanes de lOSPC, jen suis rduit observer les manifesta-tions extrieures de son action pour me reprsenter son fonctionnement interne. Je veux comprendre une essence qui mest cache, alors je traque les manifesta-tions de cette essence. Voil ce que je fais. Jexamine notre fiction nationale sous tou-tes les coutures, utilisant alternativement le point de vue de chacun de mes person-nages.Lexercice nest pas gratuit.Si je veux la comprendre et la faire comprendre, cette essence systmienne, cest

    Pilule rouge page 6

  • parce que je crois et l, je suis srieux que la France va vers des vnements trsgraves. Or, dans ces circonstances-l, il vaudra mieux avoir bien rflchi avant da-gir. Lerreur sera interdite au moment crucial. Nous devons comprendre ce quest la Systmie. Nous devons comprendre ce

    quest son essence lheure dcisive, cette connaissance pourrait bien nous sauver la vie.Un jour, si nous, les dissidents, avons anticip, il se pourrait que cela fasse une

    diffrence, il se pourrait que la marche de lHistoire en soit affecte. Cest en effet que si nous, les dissidents, navons ce stade aucune chance de renverser le sys-tme, il y a cependant une force qui peut, elle, fort bien renverser le systme et cest le systme lui-mme. Si cela survient, si le systme scroule sous le poids inou de ses contradictions, nos possibilits daction, pour linstant infimes, devien-dront tout fait significatives. Si nous savons dminer le terrain, nous aurons un champ de ruines sur lequel

    construire. Voil le programme.Eloignons-nous, si vous le voulez bien, du rade o nous avons nos habitudes.

    Prenons de laltitude. Regardons les choses de beaucoup, beaucoup plus haut.Le systme auquel nous sommes confronts est lempire polycentrique du capi-

    tal mondialis ou si vous prfrez, sagissant de nous autres Franais, la province frankistanaise de cet empire polycentrique. Voil notre ennemi. Ce que nous avons en face de nous, cest un sanhdrin et ce quil y a derrire ce sanhdrin, cest un empire.Et pas nimporte quel empire.Cest le premier empire authentiquement mondial. Cest la premire conomie-

    monde se confondre avec le monde lui-mme. Cest donc quelque chose que personne navait jamais vu disons : depuis lempire romain lpoque dAuguste. Aucun empire rival ne vient contrebalancer linfluence de cet empire-l. Il peut

    prolonger son existence bien au-del des prcdents, il peut pousser les contradic-tions internes du capitalisme jusqu leurs consquences ultimes. Ce qui veut dire quil pourrait aussi, un jour, scrouler intgralement implo-

    ser, se retourner intgralement contre lui-mme.Voil le programme.Et encore ceci : il y a un certain nombre de raisons de penser que ce retourne-

    ment critique est peut-tre beaucoup plus proche que nous ne limaginions il y a peu. Il est dj fort tard la pendule de lHistoire, mes chers amis. Et encore cela : il est fort possible, pour un certain nombre de raisons bien pr-

    cises, que les trois coups de cette crise terminale soient frapps ici, en France.

    Pilule rouge page 7

  • Dans le four o se cuit le pain de lEurope.

    *

    Quon me comprenne bien : je ne suis pas ici pour lamlioration permanente du confort de mon ami Marcel. Jaime bien Marcel parce quil est le peuple de France, et parce que jaime infiniment la France. Mais ce que jaime en Marcel, ce nest pas quil soit confortable dans sa petite vie avec Ginette. Je ne suis pas ici pour lamlioration permanente du confort de Ginette et Mar-

    cel, et cest bien pourquoi ce stade, je nai rien dire Ginette et Marcel. Il se trouve en effet que pour linstant, ce quattendent Ginette et Marcel, cest lamlio-ration permanente de leur confort. Comprenez ceci, chers amis de Salut Public : les gens aiment ce systme de

    merde. Ce systme est incroyablement pervers justement en ceci quil est parfaite-ment humain et quil nest que cela. Les gens, a leur plat de consommer, a ne les intresse pas du tout de penser. La pense est un sacrifice. Une prdation. Elle fait mal. Les gens, ce nest pas a

    qui leur fait envie. Les gens, ils veulent une vie facile.Je ne les en blme pas, dailleurs. Lhumanit est ainsi faite. Il faut quil y ait

    Marcel, Ginette et leur confort, leur home cinma, leurs missions ftiches, faites par des porcs pour gaver les veaux. Voil, cest comme a. Il est ncessaire quau-jourdhui ce fumier prospre, afin que poussent demain les roses.Seulement, moi, ce sont les roses qui mintressent, pas le fumier. Cest pour-

    quoi, ce stade, je nai rigoureusement rien dire Ginette et Marcel.Rien du tout.Je suis ici pour une toute autre raison, chers amis de Salut Public.Si dans les grandes lignes, mon intuition est juste, alors le jour viendra o il sera

    crucial que nous, les dissidents, nous nous soyons organiss en vue de ce qui vient vers nous. Croyez-moi, ce jour-l, le home cinma de Ginette et Marcel ne proposera au-

    cun spectacle susceptible dgaler le rel. Vous voulez du frisson ? vous allez en avoir. Et plus que vous ne lespriez.Il est trs possible qu lhorizon dune dcennie, peut-tre un peu moins, peut-

    tre un peu plus, nous assistions leffondrement intgral de ce systme frankista-nais que nous, les dissidents, sommes impuissants combattre, mais que son inco-hrence structurelle condamne. Tout laisse penser que la ripoublique systmienne va se trouver en faillite et il est trs possible que ce ne soit l quun dbut, que

    Pilule rouge page 8

  • cette faillite entrane dans son sillage limplosion financire de la moiti au moins des Etats europens sans parler de la formidable rcession qui menace les USA, si jamais le dollar venait perdre son rle de monnaie de rserve.Tout le systme repose, en dernire analyse, sur un extraordinaire amoncelle-

    ment de dettes. Donc tout le systme ne se maintient que par le crdit. En ralit, il est en train darriver lOccident ce qui arriva lEurope au dbut du XX si-cle : le centre de gravit de lconomie monde menace de basculer. Le soleil se lve sur lAsie. Le pillage de la sphre publique a jusquici nourri artificiellement une conomie occidentale de moins en moins productive, seulement voil, tout une fin et cette fin approche. Nous allons bientt buter sur le fond du tiroir-caisse.Ce sera dur pour tout le monde en Occident. Mais en France, ce sera tout bon-

    nement intenable.Alors on sapercevra soudain que des pans entiers du pays ne tenaient que par la

    subvention. Les banlieues sans largent public ? Ce seront trs vite des favelas, o les seigneurs de la drogue rgneront, entretenant des bandes armes et seuls les islamistes seront en mesure de contrler plus ou moins ce chaos et encore, seulement dans les zones musulmanes. Nos vieux, sans largent public ? Ils connatront le sort des retraits russes, qui moururent par millions dans la misre, au temps o Eltsine libralisait son pays. Voil le programme.Vous me voyez brancher Ginette et Marcel l-dessus, comme a, au dbott ?Pas trs vendeur, comme discours.

    *

    Encore sagit-il l dun scnario relativement optimiste. Les choses risquent de se passer beaucoup plus mal.Le monde bouge autour de nous. Certains experts prvoient le pic dextraction des hydrocarbures pour le dbut

    de la prochaine dcennie. C'est--dire que la quantit dhydrocarbures disponibles sur le march pourrait commencer dcrotre prochainement, au moment prcis o la croissance asiatique gonflera la demande dans de fortes proportions. Si cela est vrai, il risque de faire chaud trs vite, au Moyen Orient et ailleurs. Pour lins-tant, nous navons aucune garantie quant lexistence de technologies de rechange susceptibles dtre dployes en temps en heure c'est--dire que notre machine conomique risque de tomber en panne sche. Imaginez cela : les banlieues devenues favelas, et soudain, plus un camion frigo-

    rifique. Imaginez la rgion parisienne ce jour-l.

    Pilule rouge page 9

  • Derrire le choc dj terrible de la prochaine dcennie, dautres chocs nous at-tendent peut-tre, encore bien pires. Les perspectives dmographiques du conti-nent africain sont incertaines, dans la mesure o la transition vers un rgime de natalit faible est peine amorce. Cependant, il suffit de regarder la pyramide d-mographique du Nigria pour tre pris de panique, lide de ce qui se passerait si cette transition devait tarder. Le constat est encore plus terrifiant dans le sous-continent indien. Le Pakistan et le Bengladesh verront probablement leur popula-tion doubler dans les trente ans qui viennent. Cela signifie 300 millions dhommes en plus, sur des terres striles et qui, pour partie, risquent dtre bientt submer-ges par la monte des ocans.Voil Le Camp des Saints , presque exactement tel que Raspail lavait imagi-

    n. Que le sous-continent indien exporte le tiers de ses excdents dmographiques dans les dcennies qui viennent, et les peuples europens seront littralement sub-mergs. Mme constat pour lAfrique moins, videmment, que les pandmies, sida ou autres, ne rglent le problme. Si ces peuples famliques et innombra-bles se mettent en marche, ils dferleront sur nos vieux pays dix fois, cent fois plus rapidement que nous, nous ne saurions les duquer, les insrer, les assimiler. Ce sera la fin de lEurope, et puis, qui sait ? celle de lAmrique. Et donc, sans doute la fin de la civilisation occidentale.Imaginons. Voici une Europe ruine, en tout cas une France ruine. Voici un

    peuple la drive. Voici le chaos, voici lanarchie. Et aux frontires, voici des mas-ses dsespres, animes sans doute par quelque idologie fanatique, nourrie de haine notre gard. Voil notre monde dans une ou deux dcennies. Voil le programme.Croyez-vous qualors, il sera encore question de confort ?Comment voulez-vous que je parle de tout ceci Ginette et Marcel ? Pour lins-

    tant, ils ne sont pas prts lentendre, tout cela. Pour linstant, ils prfrent couter Sarkozy, qui leur dit, le gros malin, que tout est possible.Ben voyons.

    *

    Mais ce nest pas tout, chers amis. Jai dautres lapins blancs cachs dans mon haut-de-forme.Tout cela, cette formidable catastrophe conomique et dmographique, tout ce-

    la se produira alors mme que lvolution technologique va nous faire basculer dans une autre Histoire. Et l, laffaire peut devenir proprement apocalyptique.

    Pilule rouge page 10

  • Tenez, deux petits faits, relevs ces dernires semaines en parcourant la presse systmienne.Deux petits faits de rien du tout.Il y a quatre mois, un bb est n en Floride. Cest une fille. Elle sappelle

    Taylor. Quoi de plus banal ? Un bb amricain, parmi des millions dautres.Cependant, ce bb Taylor-l prsente une particularit extraordinaire : cest un

    prmatur un trs grand prmatur, n 21 semaines. Ce bb vient de sortir de lhpital. Et il vivra. Pourquoi est-ce extraordinaire ? Parce que jusquici, on estimait quaucun bb

    ne pouvait survivre, n moins de 23 semaines. Cette nouvelle vous laisse de marbre ? Alors rpondez la question suivante :

    sil est devenu possible de faire vivre un bb n 21 semaines, si nos couveuses sont devenues si performantes, pourquoi sarrter en chemin ? Le biophysicien Henri Atlan, professeur mrite aux universits de Paris VI et de Jrusalem, estime probable la mise au point, dans les dcennies qui viennent, dun utrus artificiel capable dabord dincuber les ftus humains issus dun avortement, ensuite de fabriquer des bbs la chane, sans aucun recours la matrice fminine. Ce nest pas de la science-fiction : cest une possibilit technologiquement avr

    et en consquence, le fameux dbat entre partisans et adversaires de lIVG pour-rait bien trouver une conclusion inattendue : la femme son corps, certes, puis-quelle elle en est propritaire mais pas celui de son enfant, car celui-ci peut d-sormais vivre sans elle.Do une nouvelle et terrible question : de qui sera cet enfant ?Cela, cest lHistoire qui commence maintenant.Voil le programme.Si jen parle Ginette, elle va croire que je me fous de sa gueuleUn autre petit dtail de rien du tout, un petit fait relev dans la presse. Depuis

    quelques semaines, rgulirement, on nous informe, au dtour dun bas de page par-ci, dun bas de page par-l, quun quidam sest vu condamner pour refus de prlvement .De quoi sagit-il ? Tout simplement de ceci : aprs avoir t la trane sur le

    fichage gntique des criminels sexuels, la ripoublique systmienne se rattrape ! Elle se rattrape mme tellement quelle dpasse tout le monde : la France sera bientt, si nous continuons de ce train, le champion du monde du fichage gnti-que. Dsormais, on te me vous encarte lADN pour un oui ou pour un non !Etabli en 1998 pour les crimes sexuels, le prlvement ADN obligatoire fut da-

    bord tendu lensemble des crimes par la gauche, en 2001. Puis en 2003, le petit

    Pilule rouge page 11

  • Nicolas, le Nabot-Lon de Neuilly, dcida que toute personne arrte en lien avec un dlit devait tre prleve . Mettez en regard cette trange volution de notre droit et la dynamique totalitaire propre la Systmie, et voil.Voil le programme.Imaginez o tout cela nous amre. Dun ct les banlieues favelas, plus un ca-

    mion frigorifique qui roule, et aux frontires 300 millions de crve-la-faim. De lautre ct, une sorte de dlire futuriste dun ct Fahrenheit 451 , de lautre le Meilleur des Mondes ; dun ct Soleil Vert , de lautre Bienvenue Gat-taca . Festif, non ?Eh bien cela, cest lHistoire qui commence maintenant.Voil le programme.Programme dont nous navons vu, jusquici, que les prodromes.A laune de cette Histoire-l, quoi a rimerait de proposer des choses Gi-

    nette et Marcel ? Honntement, je vous pose la question.Il est vident que Marcel et Ginette, pour linstant, ne sont tout simplement pas

    capables davaler la pilule rouge vous savez, cette fameuse pilule rouge qui, dans le film Matrix , vous rveille, vous tire du rve, vous ouvre les portes du monde vrai, dans toute sa laideur. Cette pilule, donc, Marcel et Ginette ne lavaleront pas parce quil y a un cart

    beaucoup trop grand entre leur monde eux, tel quils se le reprsentent et tel quil existait encore il y a peu, et ce monde nouveau, cette Histoire nouvelle, que personne na jamais vcue, et que ni Marcel ni Ginette ne peuvent imaginer. Cette pilule rouge, personne nen veut.Les gens prfrent la pilule bleue la pilule de loubli.Ils la prfrent de loin.Y a pas match.Donc, comme les gens ne sont pas capables davaler la pilule que jai leur pro-

    poser, eh bien je mabstiens de la proposer, cette satane pilule. Le programme, je le connais, mais je le garde pour moi. Mon boulot dcrivaillon ouibard, dans limmdiat, est de traquer les signes an-

    nonciateurs, cest tout. Je montre du doigt l o il faut regarder. a suffit ample-ment moccuper, et si mes lecteurs sont un peu fute-fute, a doit suffire les di-fier. Je tiens ma place de petit scribouillard franousse mdiocre, sous-citoyen dune

    sous-rpublique de merde. Je messaye regarder la ralit en face, cest tout.

    Pilule rouge page 12

  • Et je trouve queu gard aux circonstances, cest dj pas mal.

    CARTE POSTALE

    Aujourdhui, 3 avril 2007, je fais court. Faut dire que je nai pas le temps de faire long. Je suis en voyage. Je suis en Bretagne. Je suis dans un rade, l un rade prs de la rade, en somme. Je suis dans un rade, donc, et puisque a se passe en Bretagne, y a pas le Phari-

    sien. Sous le pif, jai Ouest-Torchon, autant dire rien. Du papier avec de lencre dessus, certes, mais pas dides dedans.Nada.Bref, peu importe. De toute faon, comme je vous disais, ma chronique va tre

    trs courte. Pas besoin daller pcher des ides dans le canard, je sais dj com-ment vous faire marrer.Je vais juste reprendre deux textes lun aprs lautre, comme a, no comment.Le premier texte, cest la chanson de campagne de Sgolne Royal. Tous unis pour porter l'esprance. Tous unis pour faire gagner la France. S-

    golne tu peux compter sur nous, l'avenir sera au rendez-vous. Tous unis, pour faire que demain, nul ne reste au bord du chemin, Sgolne etc. Tous unis, pour protger la terre. Pour un monde plus juste et solidaire. Sgolne etc. Tous unis dans nos diffrences, habits par la mme esprance, Sgolne etc. Le deuxime texte, cest un tube nettement plus ancien. Une flamme sacre monte du sol natal et la France enivre te salue Marchal !

    Tous tes enfants qui t'aiment et vnrent tes ans ton appel suprme ont rpondu prsent. Marchal nous voil ! Devant toi, le sauveur de la France, nous jurons, nous, tes gars, de servir et de suivre tes pas. Ta voix nous rpte, afin de nous unir : Franais levons la tte, regardons l'avenir ! N'coutons plus la haine, exaltons le travail, et gardons confiance dans un nouveau destin. Car Ptain, c'est la France, et la France, c'est Ptain ! Marrant, non ?

    THE SHOW MUST GO ON

    Aujourdhui mieux que jamais, mon petit monde bistrotier mapparat comme une maquette lchelle de la Systmie. Tout le monde est l, en rang doignons au comptoir. Il y a Paulo, Eddie, le Galrien, Marmotte, Bosmokinge, Quinquin, le

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  • Caillou et Marcel et puis il y a moi, tout au bout du comptoir, qui coute sans rien dire, et puis il y a aussi le Patron, derrire son zinc, qui astique ses verres avec application. Et puis derrire nous, loin derrire nous qui balaye, il y a Ahmed mais lui, on ne le voit pas, il est dans larrire-salle, pour linstant. Marcel, pour une fois, tient le crachoir. Il veut parler de la campagne lectorale. On dirait quon ne parle de rien, se lamente-t-il. Pourtant, on parle de tout, objectent Paulo et Eddie dans un bel ensemble. On parle de tout, leur dit mon bon Marcel, mais au final, on na parl de

    rien, jamais. Cest mystrieux. Bosmokinge intervient. Point de mystre, ami Marcel ! Par le mauvais bout de la lorgnette, voil com-

    ment on parle de tout, et donc voil pourquoi on ne parle de rien. On sengueule sur tous les sujets, certes, mais quelque sujet quon aborde, toujours on ne discute que de queues de cerise ! Eddie pointe un doigt accusateur vers le nud papillon printanier de lami Bos-

    mo. Oh, vous, de toute manire, vous tes toujours ngatif sur tout. Bosmokinge se rcrie : Pas du tout ! Tenez, pour ces lections, jai dcid de

    soutenir Franois Bayrou ! Camarades militants, cest pas de la positivit, a ? Vous comptez dsormais un militant de plus ce comptoir ! Je suis surpris. Comment, Bosmo vote Bayrou ? Difficile croire.Je lui demande si cest du lard et du cochon.Il me sourit Patrick Sabatier des grandes heures. Mais oui, mais oui, je crois dans la rvolution centriste, chers amis ! Car pr-

    sent, assez de demies mesures ! Place aux hommes du destin ! La rbellion, notre grand leader charismatique centristo-centriste lincarne dans lpoque ! Bon, daccord, il se fout de notre gueule je comprends mieux.Le Caillou fait remarquer, dune voix neutre, que rvolution centriste , cest

    presque aussi drle que nazisme et dialogue , mais personne ne relve. Il faut dire que depuis quelques temps, le Caillou sinstalle au bout du comptoir, comme sil voulait prendre du recul alors on lentend mal, forcment.Bosmo poursuit, gouailleur. Dailleurs, cest simple : le vrai prnom de B-roue, cest Vladimir Illitch. Et

    Marielle de Sarnez, sa directrice de campagne, eh bien regardez : cest Kroupskaa rincarne ! La ressemblance est frappante, non ? Paulo soupire que ce nest pas drle, quil sagit quand mme dune lection pr-

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  • sidentielle et quil y a de vrais enjeux. Bosmo le met au dfi den parler, des vrais en-jeux.Paulo embraye, bien sr sans voir le pige. Eddie lui suce la roue, comme pr-

    vu, et notre attelage enquille, imperturbable, la route bien balise dune campagne combien prvisible. Ils se donnent la rplique, les deux lascars, bien dcids lun et lautre prouver ensemble quils ne sont daccord sur rien. Ils parlent dabord dconomie.Paulo droule son catalogue. Il explique quon va investir dans la recherche,

    mettre en place une politique industrielle davenir, crer des fonds rgionaux de soutien aux PME, porter le SMIC 1500 euros, augmenter les allocations loge-ment, etc. Je mtonne, quand il a fini de parler, quon ne nous annonce pas en prime le remboursement des performances pripatticiennes par la scu. Il sagit probablement dun oubli.Le Caillou fait remarquer, dune voix neutre : Vous savez que la dette publique

    relle de la France est dj trs, trs largement suprieure celle de lArgentine en 2000, mme rapporte au PIB ? Bosmo lui rpond, du tac au tac : Cest un point de dtail, a, monsieur lextr-

    miste. Il faut donner du souffle une lection prsidentielle ! En prenant le meil-leur de la gauche et le meilleur de la droite, avec Vladimir Illitch B-rou, nous atteindrons trs vite le taux de croissance dont jouit lAllemagne, depuis quelle a une grande coalition. Jawohl ! Eddie hoche la tte. Oui, dit-il, le souffle que Sarkozy a su donner sa

    campagne : voil de quoi il faut parler. Fini les raisonnements de boutiquier ! Cest pour la France, quoi, merde ! Bosmo surenchrit, avec un plaisir non dissimul : La France, notre ptrie,

    que Franois B-rou va sauver Cependant, Marcel coupe le Bosmo, nerv pour une fois. Ah non, sil vous plat, essayons de parler srieusement. Bosmo sourit, gentil toujours. Dans certains cas, mon cher Marcel, il sagit de savoir si lon doit rire ou pleu-

    rer. Personnellement, jaime mieux rire. Sur ce, sans quon comprenne bien pourquoi, Eddie prcise que Sarko veut d-

    duire les intrts des emprunts de nos revenus imposables. Bosmo rpond, ddai-gneux, que Vladimir Illitch Bayrou, lui, naura pas besoin de telles mesurettes pour diffrer de cinq ans le krach immobilier, car le charisme rvolutionnaire centriste peut tout. Seulement voil, pendant que Bosmo dconnait, dautres ont dress lo-reille. Fait exceptionnel, Quinquin a relev le nez quil avait, comme de coutume, plong dans un verre de blanc et dune voix raille, il nous apprend quil a des

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  • crdits jusque par-dessus eldos , et quen consquence, il va voter Sarko pour rogner sur ses impts.Puis, ayant dit, il replonge le nez dans son vin et nous passons autre chose.Eddy a not. Il sourit, tout content bien sr. Un point pour lquipe.Je ne sais plus trs bien par quel enchanement, mais nous en venons parler de

    lducation nationale. Le Caillou prtend que le quart des lves arrivent en sixime sans savoir lire. Paulo rpond que cest la faute la droite et nous expli-que quavec Sgo, a va changer. Marcel demande comment a va changer. Paulo rpond, avec une honntet qui pour une fois lui fait honneur, que Sgo veut orga-niser des tats gnraux des enseignants sur le mode participatif , et que cest a son programme. Marcel fait : ah ! Un ange passe.Marcel ajoute, songeur : Quand mme, Sgo, a fait peur. Lange repasse.Eddie sourit derechef. Deux points pour lquipe.Il se lance dans une diatribe assez confuse, do il ressort en substance, si jai

    bien compris, que linstruction publique est une valeur de gauche, une valeur qui fut jadis chre Jaurs et Blum, une valeur que le parti socialiste a oublie et que Sarko, lui, saura remettre au got du jour. Il faut voir la gueule de Marmotte quand Eddie cite Blum et Jaurs. Je vous jure, cest comique. Elle roule des yeux comme des billes de loto. Elle est tellement sidre, la malheureuse, quelle ne trouve mme pas la force de protester.Eddie en rajoute, stale, saffiche, se vautre. Sarko vu par Eddie, cest lalliance

    impossible du CAC40 et de la SFIO, Jaurs version people, Karl Marx en Ferrari.Cest tellement gros que a passe.Trois points pour lquipe.Aprs a, on parle de choses et dautres. Moi, je ne dis rien, jobserve. Le mme

    schma se rpte, avec quelques variations selon le thme abord. Paulo et Eddie se jettent au visage les mesurettes plus ou moins dmagogiques proposes par leurs candidats respectifs, a ricoche sur le zinc et a ne fait gure deffet le Gal-rien regarde autour de lui comme un type qui se rveillerait un beau matin dans un asile dalins, Marcel a lair compltement dmoralis, et Marmotte se fait discr-tement draguer par Bosmokinge. Quant Quinquin, il picole.A chaque fois que Paulo blablate sur le programme de sa Sgo chrie, Eddie le

    laisse dire, et un petit sourire flotte sur son visage de vieux garon poupon.Il engrange, la canaille, il engrange.

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  • Seul le Caillou ragit, qui lance quelques piques, ici ou l. Quand Paulo dblatre sur les bonts de sa Sgo, laquelle va rgulariser du sans-

    papier tour de bras, le Caillou le coupe : Tu dis que si on rgularise, a rduira le nombre de sans-papiers : cest faux et tu le sais. Cela fera appel dair, et deux ans plus tard, on sera rendu au point de dpart. Et de marteler, en dtachant bien les syllabes, pour quon lentende malgr le

    brouhaha entretenu par Bosmokinge : A moins de changer de logique, vous ne sortirez pas du cercle vicieux. A ce moment, le patron se tourne vers le Caillou, mais dj Eddie rpte les

    mmes phrases, en parlant plus fort, en sagitant davantage, et cest lui maintenant que le patron regarde.Et encore un point pour lquipe.Le mme schma se rpte deux ou trois fois : Paulo et Eddie dcrivent un cata-

    logue de mesures, le Caillou remet en cause le paradigme lintrieur duquel on prtend enfermer le dbat. Du coup, le patron, Marcel et le Galrien regardent le Caillou avec de plus en plus dintrt. Aussitt, Eddie rpte les phrases du Ca il-lou, avec une conviction surjoue.Quinquin, lui, continue picoler.Soudain, Marmotte laisse chapper un rire de gorge. Bosmokinge lui a pos le

    bras sur les paules et lui chuchote quelque chose loreille. Ma parole, mais il me semble bien avoir entendu quelque chose comme nombril de femme dagent !Puis mon attention est attire par Eddie, nouveau. On a chang de sujet, il est

    question didentit nationale. Eddie est en train dengueuler le Caillou au sujet des propos de Le Pen sur Sarkozy. Alors comme a, un immigr ne peut pas devenir prsident ? Le Caillou est mal laise. Il jette un coup dil en coin au Galrien, qui compte

    ses sous sur le comptoir, lair de penser autre chose.Paulo dit que cest scandaleux, cette histoire. Il prend tmoin Marcel que cest

    du racisme, nest-ce pas mon vieux ? Mon Marcel hausse les paules et ne r-pond rien. Il a lair crev.Peut-tre pour le requinquer, Paulo et Eddie se livrent alors une invraisembla-

    ble dbauche de no-ptainisme sous amphtamine le Caillou lui-mme en reste sans voix. Cest impressionnant, on se croirait dans un bistrot Vichy en 1941. Paulo maintient que Sgo a raison de vouloir que chaque Franais ait un drapeau la maison il ose mme ajouter, sans rflchir ce quil dit, que Sgo nous a ren-du la fiert dtre franais ! Sous le regard effar de Marcel et lil narquois de Bosmokinge, lequel a enfin lch Marmotte, Eddie riposte en expliquant que mme si Sarko est un immigr, nous ne sommes pas plus franais que lui . Et il

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  • ajoute, vicelard, que les affiches de Sgolne Royal, avec sa trombine sous le slo-gan la France prsidente , cest encore une manire de dire que Sarko est moins franais quelle.Ensuite, nous atteignons au dlire intgral. Paulo nous explique, trs srieuse-

    ment, que Sgolne, cest la France par excellence, la France du travail pour tous, la France pour la paix, la France qui russit, la France ceci, la France cela ! La France, cest Sgo, et Sgo, cest la France ! Il faut le voir, ce quinquagnaire barbichu, ce presque retrait de lEduc Nat, en train de nous sortir son couplet patriotard ! Je vous jure que quand on a vu a, on comprend mieux que la chambre du Front Popu ait vot les pleins pouvoirs Ptain.Quand Paulo se met lucubrer sur la prsidente de lexcellence environne-

    mentale qui va sauver la terre grce son vice-premier ministre charg du dveloppement durable , je ny tiens plus et je lance notre socialo de comptoir, dune voix de velours : Ah, et cest important, la terre, hein Paulo ? Elle ne ment pas, la terre ! - En rponse, il hoche la tte vigoureusement, prenant ma boutade pour une approbation.L, cest moi qui marque un point. Bosmokinge seffondre sur le zinc, secou

    par un fou rire irrpressible.Pour Marcel, cest le coup de grce. Terrass par lincroyable tsunami de niaise-

    rie et de mauvaise foi quil vient dencaisser en pleine tronche, il paye et sesbigne, oubliant mme de dire au revoir. Le Caillou le suit, aprs avoir salu la compagnie sans doute estime-t-il quil ny a rien, absolument rien dire de plus, que cest pli, que Paulo et Eddie, dcidment, sont indcrottables.

    *

    Pour ceux-l, comme sans doute pour la majorit des Franais, lessentiel est que le spectacle continue, voil le fond de laffaire. Ces types regardent une lec-tion qui va dcider de leur destin comme si ctait un match de foot en suppor-ters. Dailleurs, vous verrez : le 6 mai 2007, celui des deux crtins qui aura russi envoyer son candidat labattoir simaginera quil a gagn la guerre. Cest la fte des fous, les amis on dansera sur le pont du Titanic jusqu la dernire minute, je vous le prdis. Bientt, Marmotte senfuit, et je remarque avec amusement que Bosmokinge

    laccompagne. Me voici donc seul avec les deux terreurs militantes, et puis Quin-quin et le Patron. a parle encore un moment de la France ceci, de la France cela, de qui cest qui saura le mieux lui rendre son honneur, sa gloire et son renom. In-termde comique : le Patron, qui ne perd pas une miette de la discussion, demande Eddie, au moment o celui-ci parlait de la grandeur de la Fraaaaance avec une

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  • gueule avaler le comptoir si, oui ou non, le prochain prsident aurait le pouvoir de rviser le taux de TVA sur la restauration. Eddie en reste tout con, la bouche ouverte il cherche ses mots. Sa mimique me fait un peu penser la chetron dune carpe quon vient de sortir de leau.Puis, comprenant que ses clients nen savent videmment pas plus que lui, le li-

    monadier sesbigne pour aller discuter prs de la caisse avec Ahmed, lequel revient de larrire salle, son balai dans les mains. Ne restent au comptoir, part moi, que les deux furieux et Quinquin, qui contemple dun il torve son verre vide. Je te paye le coup, Quinquin ? , demande Paulo.Notre chtimi surendett lve vers le fonctionnaire grande gueule deux bons

    gros yeux reconnaissants, on dirait un Terre-Neuve devant son matre. Cest p de refus. Eddie se redresse, sloigne du rade, contourne Quinquin et fait signe au Pa-

    tron : Trois jaunes ! Puis Paulo et Eddie discutent avec Quinquin. Il est question de son emprunt, de

    sa maison, de sa femme qui est partie, et puis qui est revenue.Moi, je suis toujours lautre bout du rade et jobserve.Je me dis quen ce moment, ce que je vois, cest une campagne lectorale dans la

    France telle quelle est la quintessence dune campagne lectorale dans la quin-tessence de la France telle quelle est.Ces deux petits bourgeois repus, lun fonctionnaire parasite dans un bureau,

    lautre petit cadre dans une direction des ressources humaines. Avec eux, un pau-vre vieil alcoolo qui se laisse glisser, tout doucement, entre son boulot de grouillot et la peur du chmage. Tous les trois, le pauvre et les deux profiteurs, accouds au mme rade, runis dans une fausse amiti. Voil limage que je garderai du prin-temps 2007 : deux parasites encadrant un dbris. Comme une allgorie de cette campagne lectorale de merde.Cest glauque.Cest vraiment glauque.

    COURRIER DES LECTEURS

    Vous vous souvenez de mon petit lutin farceur ? Vous savez, le gnome factieux qui se perche sur mon paule droite pour me titiller le bout de loreille ? Eh bien, aujourdhui, il est de sortie, le bougre.

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  • Il est de sortie et il me susurre dans la portugaise, comme a, au dbott, sans crier gare : Mon petit Michel, cest pas le tout de bloguer, mais aprs, il faut r-pondre tes lecteurs. Il na pas tort, lanimal. Chaque genre a ses rgles, et le blog ne fait pas excep-

    tion.Je cueille donc mon lutin dun geste rapide de la main gauche et le dpose pr-

    cautionneusement sur le zinc, entre mon ballon de rouge et mon assiette de saucis-son lyonnais. Puis je lui propose, histoire de sorganiser : Fais les questions, je fe-rai les rponses. Il opine. Cest parti.

    *

    Il y a un mec, commence mon lutin, qui sappelle Georges-Andr. Il pr-tend, ce mec, que tu cris comme Condorcet : avec de lopium sur des feuilles de plomb. Que lui rponds-tu ?

    Il na pas tout fait tort, le camarade, concd-je. Il est exact que sur le plan stylistique, mes chroniques sont assez mdiocres. Ce sont des billets dhu-meur que je ne prends pas toujours la peine de retravailler. Aussi, voil ce que je vais faire : si mes lucubrations sont pour finir runies dans un recueil, je prendrai le temps de les relire et den assouplir les articulations. Puis, le moment venu, jof-frirai notre ami Georges-Andr un exemplaire de ce recueil. Ce sera ma contri-bution son combat contre linsomnie ! Cest tout ce que tu trouves rpondre, fait mon lutin. Oui, dis-je, car nous avons dautres chats fouetter. Bon, reprend le compre, alors passons autre chose Un certain St-

    phane taccuse de pessimisme invtr. Il dit qu son avis, les lections 2007 vont marquer un tournant dcisif, et que le peuple franais va enfin se dcider faire exploser le systme. Quen dis-tu ? Jen dis que mon ami Stphane va tre du. Jai du mal croire aux sondages.

    Mais pour autant, je ne crois pas non plus que la situation soit mre pour un vrai basculement du corps lectoral. Si javais un pari prendre, comme a, deux se-maines de llection, je dirais quen nombre de voix, les candidats hors systme, ou rputs tels, donc y compris Bayrou, progresseront par rapport 2002. Mais en pourcentage, cette progression ne se traduira pas ncessairement, parce que llec-torat modr risque de se mobiliser beaucoup plus quil y a cinq ans. Et puis, et surtout, il y a encore trop de gens qui nont pas pris dans la gueule les vraies

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  • consquences de la politique poursuivie ces dernires annes. Or, les gens raison-nent principalement en fonction de leur exprience propre. Donc, pour linstant, le fruit nest pas mr, le systme PS/UDF/UMP va sauver les meubles, bon an mal an. Tu mas lair bien sr de toi. Eh bien, nous en reparlerons aprs les lections. Avec toi mon lutin, et aussi

    avec lami Stphane. Bon, soit Autre chose maintenant : une certaine Barbara dit que tu appelles

    voter Le Pen au nom du marxisme, et elle te met au dfi de dmontrer que le ral-liement dAlain Soral Neuneuil sinscrit bien dans lorthodoxie marxiste-lniniste. Dabord, dis-je, je nappelle pas voter Le Pen. Je constate que pour lins-

    tant, le seul candidat rellement antisystme en mesure de se hisser au second tour dune lection majeure, cest Neuneuil. Les nationalistes consquents vont donc videmment voter pour lui, et pas pour Villiers, voil qui me parat clair. Les pro-gressistes, en revanche, ont deux options. De leur point de vue, on peut certes vo-ter Le Pen pour faire basculer le FN gauche ce nest pas absurde : la cohsion idologique interne du FN est faible, donc ce parti peut voluer rapidement. Mais on peut aussi tout aussi bien sabstenir soigneusement de voter FN, dans lespoir quune autre force surgisse gauche. Les deux attitudes ont un sens, et je ne le nie pas. Je constate simplement qu ce stade, sur le plan lectoral, le seul vrai vote an-tisystme sera le vote Le Pen cest le seul qui puisse perturber le systme, cest donc forcment le seul vote rvolutionnaire possible. Mon lutin opine. a lui parat clair. Ensuite, je nai jamais prtendu tre marxiste, dis-je. Je ne suis ni marxiste,

    ni antimarxiste. Je suis avant tout un pragmatique. Quand lHistoire a donn raison Marx, jadmets quil a eu raison. Quand elle lui a donn tort, je constate quelle lui a donn tort. Donc, quand je vois le capitalisme donner raison Marx ds quil peut dployer ses effets, jen dduis que le marxisme est un bon instrument dana-lyse du capitalisme. Et quand je vois quinversement, le socialisme scientifique a chou partout o on a tent de lappliquer, jen dduis que la thorie marxiste doit tre biaise sur ce point, puisque lexprimentation a constamment dbouch sur un chec. Et tu expliques a comment ? Oh, je ne prtends pas expliquer. Je nai que quelques pistes proposer. Di-

    sons quon peut constater que le matrialisme historique a dbouch sur le triom-phe de lhomoncule consumriste, crature de lidoltrie marchande. Donc la r-duction de la dialectique aux faits sociaux dbouche sur la synthse par le capita-lisme. Dans ce paradigme-l, le paradigme de lhomme rel, comme disait Marx, cest donc bel et bien le capitalisme qui surmonte le communisme. Donc le politi-

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  • que nest pas cr par lconomique il a besoin dautre chose pour tre. Donc il semble bien que le monisme dialectique ne puisse se passer de la transcendance, ce qui condamne la conception marxiste et rhabilite a posteriori lidalisme dialecti-que des hgliens de droite. Voil, grands traits, do je parle. Mon lutin sourit. Je lamuse, je crois, avec mes gros sabots. Et puis, fais-je, je ne vois pas pourquoi je dfendrais Soral. Il se dfend trs

    bien tout seul. Bref, tu refuses de relever le dfi. Si tu veux. Je ne peux donner que mon point de vue. Je nai rien prouver,

    rien dmontrer. Mais alors, sans parler de dmontrer quoi que ce soit : marxiste-lniniste ou

    pas, Soral au FN ? Ce qui est tout fait lniniste, dans lattitude de Soral, cest le compromis tac-

    tique. Il y a compromis et compromis : lorsque les conditions historiques exigent quun compromis soit pass avec une fraction de la bourgeoisie, il faut savoir pas-ser ce compromis. Cela, cest tout fait lniniste. Le compromis avec la bourgeoisie nationaliste contre le mondialisme no-

    libral ? Oui, exactement. Marx, rendons-lui justice sur ce point, avait dailleurs dj

    trs bien identifi, en son temps, que le capitalisme mondialis crait une classe nouvelle, dont les intrts seraient les mmes partout dans le monde, et que cette classe mondialise, cette hyperclasse pour parler comme Attali, allait ncessaire-ment entrer en conflit avec les bourgeoisies nationales. Pendant longtemps, lEtat bourgeois fut linstance de mise en cohrence de ces bourgeoisies rivales. Aujourd-hui, le rapport de force a compltement bascul : lhyperclasse mondialise prend son envol, elle sloigne de plus en plus de la bourgeoisie nationale, enracine, dont les intrts se confondent de plus en plus nettement avec ceux des classes populaires, loppos des intrts du capital mondialis. Donc le compromis avec cette bourgeoisie nationale est bien marxiste-

    lniniste ? Oui, tout fait. Il est clair que pour un marxiste-lniniste un peu srieux, il sa-

    git dagir dans le concret, pas de croire en un autre monde, possible ou non. Il sa-git donc de susciter une force capable de nier la ngation de lhomme par le capi-tal. Or, cette force qui peut nier la ngation, en ltat actuel des socits occidenta-les, cest le nationalisme, point de ralliement des classes moyennes en voie de d-classement et des classes populaires en voie de pauprisation. Franchement, qui est ladversaire le plus srieux pour lImperium no-conservateur ? Jos Bov, un agi-tateur sympathique, certes, mais qui na pas lombre dun programme politique crdible ? Ou bien Le Pen, qui veut une France forte, avec une arme puissante,

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  • capable au besoin de garantir lindpendance nationale contre les tentations imp-rialistes de Washington ? Quest-ce qui a rendu possible le niet de la France aux faucons et autres no-cons du Pentagone, en 2003 ? Les manifs de gaugauches bien pensants dans les rues dEurope, ou bien le fait que la France, dote dune force de dissuasion stratgique, na pas besoin du parapluie amricain ? Franche-ment, poser la question, cest y rpondre. Cela tant, le programme de Le Pen na rien de marxiste. Bien sr, a, cest lautre versant de la question le prix du compromis, si tu

    veux. Il est vident que le programme de Le Pen est conforme aux intrts des ca-tgories sociales qui furent, au dpart, principalement lorigine du FN, c'est--dire les petits commerants, les professions intermdiaires, la petite bourgeoisie en somme On ne peut rattacher ce programme FN ni au Capital, ni au Travail, mais plutt une tentative pour surmonter leur opposition. Cest la tradition de lextrme droite europenne, tout cela finit peu ou prou par converger vers une utopie petite-bourgeoise et populiste. Par rapport aux arrire-penses no-librales des candidats du systme UMPS, cest beaucoup plus progressiste. Mais ce nest bien videmment pas marxiste pour autant. Soral est dune lgret de libellule ds quon aborde cet aspect de la ques-

    tion. Bien sr, il na aucune envie davoir sexpliquer sur ce point. Sil se rallie trop

    nettement la vision corporatiste qui sous-tend le programme frontiste, il aura of-ficiellement quitt le paradigme marxiste. Si, linverse, il admet que ce compro-mis nest que momentan, il se coupera de ses nouveaux amis, venus pour la plu-part de lextrme droite antimarxiste. Pas facile comme positionnement. Mon lutin est perplexe. Je lui demande ce qui le drange. Je narrive pas savoir si tu approuves sa dmarche, mavoue-t-il. Je napprouve ni ne dsapprouve, dis-je, jattends de voir ce qui en sortira.

    Mon opinion est que de toute manire, cette dmarche est intressante. Il faut bien voir, mon petit lutin, quil va se passer des choses trs graves, en France, dans les dix ou quinze ans qui viennent. Il est vident que ce systme idiot va imploser, et il est vident que son implosion va dclencher une onde de choc monstrueuse. Dans ce contexte, tout ce qui peut contribuer faire bouger les lignes est positif, tout ce qui peut contribuer enclencher un dialogue entre catgories populaires et classe moyenne doit tre encourag. Il faut bien voir quil y a, moyen terme, un vrita-ble risque de guerre civile et tout, absolument tout doit tre tent pour empcher ce dsastre. Alors le peuple contre les oligarchies, la rvolution nationale et sociale comme fdrateur des Franais de souche et des Franais de branche, pourquoi pas ? Il faut voir. La meilleure preuve que cette dmarche nest pas vaine, cest que le systme a activ toutes les contre-mesures possibles pour empcher quelle se dploie.

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  • Mon lutin minterrompt : Tiens, propos de cette crise que tu sens venir en France, un certain Christophe taccuse de grossir le trait pour justifier un position-nement extrmiste. Cest le contraire, dis-je. Jai dans lensemble tendance minorer la gravit

    de la situation. Regardons les choses en face, pour une fois : la France est en fail-lite conomique et politique, et cette faillite franaise ne fait quannoncer la faillite de lEurope entire. Mais encore ? Commenons par laspect financier. La situation des finances publiques est

    tout simplement catastrophique. La dette publique officielle est de 1.200 milliards d'euros, 65 % du PIB, mais la dette publique relle est bien plus leve, parce qu'il faut ajouter les engagements hors bilan, retraites des fonctionnaires et autres, soit :200/300 milliards au titre des retraites des fonctionnaires des entreprises publi-

    ques rachetes par l'Etat contre une soulte entre parenthses, une soulte comp-tabilise en recette par les gouvernements Raffarin/Villepin, alors que les dettes correspondantes n'ont pas t provisionnes !500 900 milliards au titre des retraites des fonctionnaires d'Etat. Au total ? , demande mon lutin. En tout, la dette relle est de lordre de 2.000 2.500 milliards deuros, soit en-

    viron 120 150 % du PIB. Pour mmoire, la dette publique totale de lArgentine, au moment de sa faillite en 2000, ntait que de 55 % du PIB. En fait, pour lins-tant, la France nest pas mise en faillite par le systme financier international pour la seule et unique raison que cette faillite entranerait celle du systme tout entier. Bigre Nous sommes assis sur un tonneau de poudre. Absolument, et cest ce qui explique la propagande mene dans les grands m-

    dias en faveur de leuthanasie active. Tu te souviens du Pharisien du 16 mars 2007 ? Mon lutin rflchit. Celui qui titrait : verdict clment Prigueux, propos du procs dune tou-

    bib et dune infirmire, accuses davoir euthanasi une cancreuse en phase termi-nale ? Oui, cest a. Eh bien, si le systme fait la pub de leuthanasie active, cest tout

    bonnement parce que ce sera le seul moyen de sauver les finances publiques. On en est l. Terrible. Oui, dautant plus que ce tonneau de poudre conomique trne en plein mi-

    lieu dune vritable poudrire politique. Et aprs les lections de 2007, on va vite

    Pilule rouge page 24

  • sen rendre compte. Tiens, dans ce mme numro du Pharisien, je me souviens dune publicit dun genre assez spcial. Il sagissait dune ptition renvoyer une mystrieuse association sauvegarde retraites. a disait comme a : combien vous restera-t-il quand vous aurez fini de payer tous les privilges des retraits du public ? - O lon expliquait, bon droit dailleurs, que le gouvernement organi-sait le pillage des caisses de retraite du priv pour financer les retraites des fonc-tionnaires. A bon droit ! , souligne mon lutin. Oui, dis-je, mais ce que lon expliquait pas, en revanche, cest pourquoi il

    serait scandaleux quun facteur la retraite gagne plus quun employ dAirbus la retraite, mais tout fait normal que Nol Forgeard se barre avec ses stock-options ! Or, tu peux tre certain dune chose, mon petit ami : quand on va aller chercher des poux dans la tte au facteur retrait, il se trouvera des gens pour lui parler de Forgeard et compagnie, ce facteur la retraite. Et l, gare a va chauffer ! En somme, vers un troisime tour social ? Cest tout fait possible, mais surtout, ce peut tre le dclenchement de quel-

    que chose de beaucoup plus grave. A mon avis, pour faire tenir tranquille ce peu-ple franais dcidment rebelle, loligarchie mondialiste va essayer de jouer les ban-lieues. Il y a un vrai risque de voir se reproduire, sur une bien plus grande chelle, les incidents de mars 2006, quand les manifestations anti-CPE furent perturbes par des casseurs. Et il peut alors suffire dun accident pour quune nouvelle vague dmeutes balaye la France. Les choses peuvent aussi se passer dans le calme, objecte mon compagnon

    de poche. Bien sr, je ne dis pas que la catastrophe est certaine court terme, je dis

    quelle est possible. Elle ne devient quasiment certaine qu moyen terme, disons lhorizon dune dizaine dannes. Pourquoi ? Parce qu force de tirer sur la corde, elle finira par casser, et parce qu la vi-

    tesse o les oligarchies tirent sur la corde, notre socit ne peut pas tenir au-del dune dizaine dannes, ou peu prs. Disons 15 ans maximum. Reprends les Pha-risiens de ces dernires semaines, oublie un moment la ridicule campagne lecto-rale en trompe lil que la Systmie vient de nous infliger, et regarde lactualit : cest difiant. Je repense par exemple cette manif des salaris dAlcatel-Lucent, l entreprise sans usine chre Tchuruk. Ces gens manifestaient contre ce quils appelaient : le totalitarisme des marchs. Quelle belle expression ! Un de ces salaris expliquait au Pharisien : Si lon ne ragit pas, toutes nos industries de pointe parti-ront en Chine ou en Inde. Il ne restera que le tourisme ou les services la per-sonne pour faire tourner le pays. Cest un bon rsum de la situation : le moment

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  • approche mme o il ne restera en ralit plus rien pour faire tourner le pays car il est vident que lconomie des services, en dernire analyse, nest pensable que si les services ajoutent de la valeur la marchandise. Si pour commencer il ny a pas de marchandise, il ny a pas non plus de services construire dans le prolonge-ment de la marchandise. En somme, daprs toi, nous sommes entrs dans une dynamique dimplosion

    irrversible ? Oui. La politique poursuivie par la Banque Centrale Europenne est entire-

    ment faite en vue des intrts des multinationales prtendument europennes. Or, ces multinationales nont plus rien deuropen. Elles sont possdes peu prs 50 % par les fonds de pension apatrides ou amricains. En fait, la politique macro-conomique impulse par lEurope de Bruxelles aboutit concrtement organiser la dsindustrialisation de lEurope au bnfice dune part de lAsie, dautre part des dtenteurs du capital mondialis, qui privilgient bien sr lAsie parce que le rap-port du capital au travail y est favorable au capital. En clair : conomiquement, nous sommes en train de nous suicider. Voil quoi aboutit concrtement la cons-truction prtendument europenne ! Les crtins lobotomiss qui simaginent cons-truire lEurope en dfendant cette Europe-l me font de plus en plus penser des lemmings, qui marchent la queue le leu vers la falaise, hypnotiss. Mon lutin objecte que le FMI vient justement de demander que les fruits de la

    mondialisation soient mieux partags . Oui, bien sr, dis-je, nous approchons du point de retournement cyclique.

    La substitution du capital au travail, depuis la purge de 2001, a permis le maintien des taux de rmunration du capital, mais prsent, lendettement des mnages est excessif, donc, nest-ce pas, la demande sessouffle. A partir de l, bien sr, il sagit de savoir comment les autorits vont piloter latterrissage. De leur habilet dpend sans doute en grande partie la vitesse laquelle ici, en France et en Europe, nous allons imploser. Mais pour finir, cause de la nature mme du systme euromon-dialiste, tu verras : nous imploserons. Dans cinq ans, dans dix ans, disons au maxi-mum dans quinze ans. Mais a se terminera par un crash intgral, cest vident. Et donc ? Et donc, comme je te le disais, tout cela nous amne inluctablement vers la

    catastrophe, moyen terme. Imagine cela : tt ou tard, une crise proche du mo-dle argentin. Et cette crise-l, survenant dans un pays en pleine explosion ethni-que imagine les banlieues lorsque les hypermarchs seront vides. Imagine ces hordes de jeunes dsaffilis, paums, ce moment-l. Imagine tout cela, et tu auras une ide de la gravit de la crise vers laquelle nous courrons. A ce propos, un certain Torpillou taccuse plus ou moins de vouloir tirer argu-

    ment de cette menace pour monter des milices fascistes, ou quelque chose de cet ordre.

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  • Jclate de rire. Franchement, dis-je mon petit compagnon, cest ridicule. En fait, cest

    mme un contresens. Je crois, moi, que la menace fascisante risque de devenir r-elle justement si les gens comme moi, c'est--dire les modrs, ne se ressaisissent pas rapidement des affaires politiques avec tout ce que cela implique, concrte-ment en priode de crise. C'est--dire ? Si la catastrophe a lieu et si le worst case scenario est vrifi, alors je vois trois

    dangers principaux : soit nous sommes incapables de nous dfendre par nous-mmes, et alors un pouvoir totalitaire sera en mesure de nous faire obir, en se po-sant comme unique alternative au chaos ; soit nous sommes incapables de nous dfendre et aucun pouvoir totalitaire nmerge, auquel cas quelquun, nimporte qui, organisera des milices dautodfense et nous naurons pas dautre choix que dy adhrer ; soit nous sommes incapables de nous dfendre, il ny a ni pouvoir to-talitaire ni milices, et alors cest bien simple, la France sombre dans lanarchie et nous finissons, nous autres les pauvres cons de Cfrans, par nous faire tout bonne-ment massacrer, comme les Tutsis au Rwanda. Cest gai. Nest-ce pas ? La seule attitude sense, dans ces circonstances, cest dantici-

    per et de nous doter dune force collective. Jespre que dans les annes qui vien-nent, la prise de conscience aidant, nous allons nous organiser collectivement en vue de faire face au dsastre. De notre capacit structurer une force collective capable au besoin de suppler un Etat dfaillant dans le maintien de lordre dpen-dra certainement, en grande partie, lattitude des agresseurs potentiels. Si vis pacem, para bellum : voil lide. Donc Torpillou na quand mme pas tout fait tort : tu penses bel et bien

    des milices ? Ah, Torpillou le petit canaillou Non, il na pas tout fait tort, je ladmets : je

    pense en effet que si la situation continue se dgrader en France au rythme ac-tuel, nous devrions commencer voir apparatre les premires milices dans quatre ou cinq ans. Mais ce quil faut bien comprendre, cest que mon propos est pure-ment dfensif : moi, personnellement, je ne souhaite pas cette volution, et si elle se produit, si je suis moi aussi amen marmer, ce sera uniquement pour me d-fendre et bien entendu, jusquau dernier moment, je continuerai respecter les lois de la Rpublique, cela va sans dire. Donc, quand je dis que a risque de se ter-miner par des milices, je suis dans le constat, pas dans le souhait. Quand je dis que nous risquons, nous patriotes franais, davoir nous organiser en groupes dauto-dfense, jexprime une crainte, pas un espoir. Nempche que tu parles bel et bien de violence.

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  • Eh, mon vieux ! Dans la situation actuelle, ne pas parler de violence aurait peu prs autant de sens que cela pouvait en avoir, en 1938, de ne pas parler de guerre afin de ne pas provoquer Hitler ! Je lisais rcemment quelques textes de rap, dans lesquels des jeunes Noirs promettent aux babtous un destin rwandais. Il est possible que ce genre dappels la guerre ethnique soit prendre au second degr, mais il est aussi possible que cela soit prendre au premier degr et dans le doute, je pense que nous devrions nous prparer au pire. Mon lutin soupire, visiblement inquiet.Puis il reprend : Parlons dautre chose. Un monsieur Jean Robin est intervenu

    suite ton article Pilule rouge. Il estime, si jai bien compris, que tu aurais pu par-ler de judomanie plutt que de sionisme, pour qualifier lidologie trange qui anime les perscuteurs du sieur Gollnisch. Il na pas tort. Jaime bien le concept de judomanie. Il est exact que je ne

    parle de sionisme que par commodit, parce que de fait, la judomanie est troi-tement lie un ensemble de lobbys quon qualifie gnralement de sionistes. Rassure-moi, sur un point : tu nes pas antismite ? La question me fait sourire. Je dcide de plaisanter. Dabord, je suis videmment antismite, comme tous les mischlings ! Quand

    tu es en partie juif, tu es en partie antismite, pour la bonne et simple raison que tous les Juifs sont antismites. Cest invitable : ds lors que tu revendiques luni-versel au nom dun particularisme, tu ne peux que souhaiter ton propre malheur, parce que seule la destruction de ta particularit peut racheter ta prtention insen-se luniversel. Dsirer secrtement la rprobation est donc un rflexe oblig pour ceux qui revendiquent llection. Un quart-de-juif est moins concern quun Juif, mais il est concern quand mme. Petit problme de surpoids au niveau du surmoi, si tu veux. Mon lutin secoue la tte avant de soupirer : Bon, je ninsiste pas, tu es trop

    cintr pour moi ! Puis il reprend : Mais revenons la judomanie. Tu peux prciser en quoi elle

    sarticule avec le sionisme ? Cest trs compliqu, dis-je, comme toujours avec les Juifs. Le sionisme,

    pour commencer, nest pas un phnomne univoque. Il y a un sionisme historique, qui avait pour objectif de constituer un refuge pour les Juifs perscuts nou-blions pas, ce propos, que lmergence du sionisme est contemporaine de laf-faire Dreyfus. Mais il y a aussi un sionisme daprs la cration dIsral, quon pour-rait appeler ultra-sionisme, et qui poursuit comme objectif non seulement le main-tien du refuge juif, mais aussi le retour de tous les Juifs vers la Palestine comme pour accomplir la prophtie. Il est trs clair que ce sionisme ultra est une hrsie en gros, cest un millnarisme, cest une idologie athe, qui prtend raliser la pro-

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  • messe sans attendre que le Divin se manifeste, Son heure et parce quIl laura voulu. Pour toi, cet ultra-sionisme est-il un antismitisme ? Non, ce nest pas un antismitisme, mais cest un antijudasme. Vouloir que les

    Juifs reviennent tous en Palestine, cest vouloir faire du peuple juif, concept spiri-tuel, une nation, concept politique. Et comment cet antijudasme se combine-t-il avec la judomanie ? Cest l que laffaire prend un tour instructif. Regardons dun peu plus prs ce

    syndrome trange que Robin a qualifi, mon avis bon droit, de judomanie. Regardons qui sont les Juifs, demis juifs et judo-machins mis en avant par les ju-domanes : Jack Lang, le bouffon ; Bruel, le jeune premier surfait ; BHL, riche, beau parleur et prtentieux et toute une brochette dolibrius du mme acabit. Quel est le point commun de tous ces juifs-l ? Mon lutin a pig : Ils refusent le malheur. Voil, tu as compris ! Ces Juifs-l refusent le malheur, ils refusent dincarner le

    courage passif port par la mystique juive. Ils refusent dacquitter le prix symboli-que de llection. Ces gens-l, en gnral, sont plus ou moins franchement des athes. Comment pourraient-ils revendiquer lerrance, en attendant la manifesta-tion du Divin Jrusalem ? Ils ne veulent plus attendre lEternel, ils prtendent le nommer, le connatre. Leur vision du judasme se donne pour un retour la loi de Mose, en amont de la Diaspora, mais en ralit, cest forcment un retour vers li-doltrie, puisque leur dmarche nest pas religieuse. De l leur besoin compulsif daffirmer leur judit travers un ultra-sionisme et un communautarisme revendi-qus, ou parfois plus discrtement assums. En fait, ils ne sont plus juifs du tout, cest bien le problme. Mon lutin hoche la tte. Daccord, il pige. Entre parenthses et pour en revenir au dnomm Soral, dis-je, voil par

    contre un point sur lequel il est mon avis dans lerreur. Jai lu son Socrate Saint-Tropez, et jen ai dduit que ce malheureux confondait la pathologie des BHL et autres Bruel avec le judasme Eh bien l, le mec tape compltement ct de la plaque. Jai lu les textes juifs. Jy ai bien vu quil sagissait dtre une lumire pour les nations, mais je ny ai vu nulle part que cela consisterait jouer les poker coachs ! Ce que Soral prend pour le judasme, cest au vrai ce qui reste du judasme quand le judasme est mort. Juger de lme juive en fonction des lucubrations de BHL, cest peu prs aussi judicieux que de rsumer le catholicisme aux erre-ments de lvque Gaillot ou le protestantisme aux lucubrations de Pat Robert-son. Je parle, je parle Sur le comptoir, cependant, mon lutin poursuit son ide. Bref, revenons nos moutons Ces Juifs qui nen sont plus, quel lien ont-ils

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  • exactement avec la judomanie ? Je laisse passer un silence avant de rpondre. Je veux que mon lutin comprenne

    que ce que je vais dire maintenant est important. Ah, voil la question La judomanie est en ralit la forme contemporaine de lantis-

    mitisme. A chaque poque sa reprsentation du Juif par lantismite Les aristo-crates du temps jadis hassaient le Juif parce quil tait une figure de la faiblesse assume. Puis les bourgeois du XX sicle lont dtest au contraire parce quil re-prsentait un concurrent ce quon oublie souvent de dire, concernant lantismi-tisme du premier XX sicle, cest quil correspond un moment historique o la bourgeoisie non juive sinquite de la monte de la bourgeoisie juive dans le capi-talisme mondial Nos nouveaux bourgeois ont fondamentalement les mmes craintes, mais ils ne peuvent plus les exprimer de la mme manire. Depuis la Shoah, il est quand mme assez difficile de se revendiquer ouvertement antis-mite Alors voil : au lieu de dire quil faut tuer les Juifs pour quils fassent de la place la bourgeoisie, nouveau peuple lu lu par lui-mme, sentend on va au contraire dire que le Juif, en somme, nest quun bourgeois comme les autres. Il sagit de tuer la judit lintrieur des Juifs, pour sapproprier le principe dlection. Le judo-mane est en ralit un antismite qui se cache lui-mme son antismitisme en mi-mant les attitudes quil pense devoir tre celles des Juifs, et pour cela il rduit le Juif une figure commode, qui est celle du bourgeois dorigine juive, ultra-sioniste souvent pour se masquer lui-mme son reniement. Mon lutin carquille les yeux. Cest compliqu, ton truc. Certes, dis-je. Avec les Juifs, comme je te le disais, cest toujours compliqu.

    Mais tu lavoueras, cest rvlateur.

    PILULE BLEUE

    Aujourdhui, 23 avril 2007, au rade, cest jour de liesse pour Eddie et Paulo. Ces messieurs ont qualifi poulain et pouliche pour le deuxime tour du cirque lecto-ral, alors ils exultent.Cependant, lambiance gnrale est morose. Le bonheur des uns fait le malheur

    des autres. Le Caillou et Marmotte tirent la gueule. Marcel mange de bon apptit, mais il a lair proccup. Quinquin boit, comme dhabitude ni plus, ni moins, c'est--dire trop. Quant Bosmo, il sourit, lair de savoir quelque chose que les autres ignorent.Le Galrien nest pas l. La fin du mois approche, alors il na plus de thunes

    pour son petit noir.

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  • Et le Patron ? Eh bien, il astique son rade, comme dhab.Voil, le Sgolem et Sa Sarkozerie sont au deuxime tour des Prsidentielles, et

    bien entendu, cela ne change, au fond, rien rien.

    *

    Assis au rade, je mdite le rsultat des lections prsidentielles.Depuis deux mois, je me faisais un peu leffet dun modr : je temprais len-

    thousiasme des optimistes, qui voyaient dj le systme KO, balay par la juste co-lre populaire, et linverse, je relevais le moral des pessimistes, pour qui ctait fichu, le peuple avait t irrmdiablement lobotomis, qui voterait comme les m-dias le lui disaient.Force est de constater, prsent, que les pessimistes ont eu entirement raison.Et donc que javais en partie tort.Je suis surpris, je lavoue, par lampleur du vote systmien. Certes, depuis deux

    mois, je mettais en garde rgulirement mes amis de Salut Public. Je leur disais, en substance, qu mon avis il tait trs possible que Bayrou russisse se faire passer pour un rebelle , et quune grande partie du corps lectoral allait en outre voter comme on demande un sursis au bourreau encore une minute, sil vous plat, encore une minute de cette vie facile . Cependant, je nimaginais pas ce triomphe des candidats du systme Sarkozy, Royal et Bayrou aussi, le faux rebelle. Je dois dailleurs, ce propos, faire mes excuses au patron de linstitut CSA, que jai trait de bouffon, ne pouvant croire le peuple franais assez con pour voter comme lui, le patron du CSA, nous lannonait. Javais tort : ce nest pas le patron du CSA qui est un bouffon, cest llecteur

    franais qui lest ! Bouffon, en effet, llecteur qui vient de sexprimer, majoritaire, en France ! Voi-

    l un pays objectivement ruin. 2.000 milliards 2.500 milliards de dette publique relle, des centaines de milliers dentres clandestines sur le territoire par an, 25 % danalphabtes en classe de sixime, des dlocalisations tout va, et au final, quoi ? Eh bien, il se trouve encore une nette majorit de gens pour trouver quil faut continuer comme a, du moins en juger par leur vote. Voil, lUMPS les a conduits droit dans le mur, et ils en redemandent !Bref, inutile dpiloguer, cest comme a. Javais hlas raison contre les optimis-

    tes, mais tort contre les pessimistes. Il faut sy faire : le conditionnement mdiati-que fonctionne. Dont acte. Nos compatriotes nont pas trouv en eux le courage de ragir. Dont acte, l encore.Cest triste, parce que cela implique que nous, citoyens lucides, sommes encore

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  • moins nombreux que je ne le pensais, pour faire face ce qui vient vers nous.Cest triste, mais cela dit, sur le fond, a ne change pas grand-chose. Quant

    moi, comme je vous le disais prcdemment, je nai jamais pens que ces lections 2007 allaient voir le renversement du systme UMPS. Alors mes yeux, absolu-ment rien nest chang. Sur le fond, cette lection ne fait que confirmer mon ana-lyse de dpart savoir que les lections, bien sr, ne rgleront rien.Quand ce cycle lectoral sachvera, une moiti des gogos fera la fte, lautre

    moiti fera la tte, mais tout cela na plus aucune importance. Les 2.500 milliards deuros de dette seront toujours l, lincohrence structurelle de lEurope de Bruxelles sera toujours l, nos frontires passoire seront toujours l, le dsastre ducatif sera toujours l, et puisque la mme politique va tre poursuivie dans les annes qui viennent, il est vident que les mmes rsultats viendront couronner laction de nos gouvernants. Donc, voil, comme prvu, il ne sest rien pass le 22 avril 2007. Voyons le bon ct des choses. Quand le Titanic sombrera, souvenons-nous

    quune grande partie des passagers a applaudi le commandant, qui mettait le cap sur liceberg. Cela nous dcomplexera lheure de couper les mains agrippes nos canots de sauvetage. Voil, je crois, la seule leon tirer de cette lection prsi-dentielle en trompe lil. Si le corps des citoyens avait trouv la force de ragir en cette anne 2007, dans quelques annes, nous serons bien gns davoir laban-donner. Au moins, l, nous sommes fixs : RIP la Rpublique, quon nen parle plus ou alors au pass.La suite des vnements est prvisible. Jignore si cest le Sgolem ou le Nabot-

    Lon de Neuilly qui sigera sur le trne de France, dans quinze jours, mais de toute manire, peu importe : ce sera une crature de loligarchie mondialiste. Donc nous savons o nous allons. Immigration incontrle, dlocalisations, dsindustria-lisation, effondrement du cot du travail, accroissement des ingalits, heurts so-ciaux et interethniques violents, implosion des finances publiques : le film, nous le connaissons, le gnrique de dbut est rose et bleu tendre, mais le gnrique de fin sera rouge et noir. Voil mon tat desprit en ce 23 avril 2007. Assis au bord de loued, jattends. Je

    sais que le cadavre de la Systmie passera sous mes yeux, entran par le flot. Alors jattendsCela dit, sil suffit dattendre pour voir un jour la Systmie morte, il faut en re-

    vanche nous prparer sa chute et donc, que cela nous plaise ou non, il nous faut nous pencher sur ce peuple droutant, le peuple de France, ce peuple qui re-jette en 2005 le trait constituant europen 56 %, puis qui apporte, deux ans plus tard, 75 % de ses suffrages aux dfenseurs de ce mme trait.Au programme, donc : peuple de France, lautopsie.

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  • *Je commence mon tour de comptoir par Quinquin, parce quavec lui, je sens que a va tre vite pli. Les motivations du vote Quinquin, je peux vous les dcrire en deux coups les gros : monsieur Quinquin est surendett, monsieur Quinquin a dcouvert que Sarko lui permettrait de dduire les intrts de ses emprunts du montant de ses revenus imposables, alors monsieur Quinquin a vot Sarko. Contre une tourne de jaune et une tape dans le dos, japprends encore que monsieur Quinquin a fait voter Sarko par sa mman, au motif que Sarko protgeait les vieil-les dames contre les mchants voyous, et quavec lui, y aura de lordre crnom ! , et mme que les vieux toucheront leur retraite, cest sr.Jcoute mon chtimi de comptoir avec attention, et je parviens mme, au prix

    dun petit effort de concentration, lui donner limpression que je lapprouve mme quand il me raconte lhistoire dsopilante de sa mman sarkozyste, retraite des tlcoms qui vivote avec une chtite retraite. En mon for intrieur, bien sr, je suis partag entre lhilarit et la piti. Parce

    que, soyons clair : tant donn que la dette publique relle est de 2.500 milliards deuros et comme la Rpublique na absolument pas les moyens dacquitter cette dette, nous sommes en faillite. Donc il y aura un syndic de faillite. Donc ce syndic dcidera de servir certains cranciers, et pas dautres. Et si ce syndic sappelle Sar-kozy, ex-avocat de monsieur Serge Dassault, il est trs clair que le premier cran-cier servi sera monsieur Serge Dassault, et avec lui, tous ses bons amis ce quil est convenu dappeler : les capitalistes . Et donc, si le syndic, cest Sarko, les re-traits seront servis aprs monsieur Dassault et ses copains. Et donc, ils se conten-teront des miettes. Et donc, en votant Sarko, mman Quinquin a probablement vot pour le gars qui va leuthanasier.Alors, quest-ce quon fait ? On rigole ou on pleure ? Bon, vous, je ne sais pas,

    mais moi, je prfre en rire.La cruaut rend dur, et la duret fait vivre.Une leon, soit dit en passant, que les Franais ont bien oubliLes gens votent Pilule Bleue ! Voil ce qui sest pass, le 22 avril 2007.

    Comme prvu : la majorit a refus la pilule rouge. Quinquin ne veut pas savoir quil ny a plus de pognon dans les caisses. Piti, quon lui donne encore pendant quelques annes lillusion que sa mman va toucher sa pension : voil quoi se rsume son point de vue.Quand je considre les motivations de llectorat sarkozyste, je repense Toc-

    queville, qui disait : Une nation qui ne demande son gouverneur que le main-tien de l'ordre est dj esclave au fond de son cur ; elle est esclave de son bien-tre, et l'homme qui doit l'enchaner peut paratre.

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  • Bref, nihil novi, panta rei et toutes ces choses.Aprs Quinquin jattaque Marmotte. Elle me raconte sa soire dhier, Jos

    quest dans les choux, Marie-Georges quexiste plus, Arlette repasse, Schivardi on se souvient mme pas de son prnom, y a quOlivier qui sen sort, heureusement sinon elle aurait eu des regrets, Marmotte. Des regrets pourquoi ? , je lui de-mande. Parce que jai vot Sgo, mavoue-t-elle, rougissante. Et pourquoi tas vot Sgo, si tu voulais voter Besancenot ? , que je demande. Parce que jai eu peur que Sgo soit pas au deuxime tour contre la droute ! , quelle me r-pond dune voix plaintive.Prvisible Marmotte. Trop prvisible, mme.Craintive, elle me demande : Tu vas pas voter Sarko quand mme ? Je lui souris, gentil au fond, votre Michel. Jattends de savoir ce que dira Le Pen, fais-je. Sil appelle voter Sarko, tu voteras Sarko ? Probablement. Jai vot Le Pen pour passer un message, et le message, cest :

    le peuple franais est toujours debout. Alors, vois-tu, rester disciplins dans la re-traite, cest pour les gars comme moi loccasion de prouver que nous sommes sou-ds et que nous sommes forts. Donc on va serrer les rangs, voil tout. Elle fait la tte, le regard dans le vague. Faut voter Sgo, pour a. Je hausse les paules, manire de lui faire comprendre quon ne se comprend

    pas. Sois tranquille, dis-je, de toute manire, Le Pen nappellera probablement

    pas voter Sarko. Alors, fait-elle, rassrne, on a encore une chance. Je lui vote mon plus beau sourire cool Raoul, et je passe au cas, combien

    plus pineux, de mon ami Marcel.Car vous lavez compris, Marcel a vot Bayrou.Et bien entendu, contrairement ce que simagine Marmotte, ce nest pas moi,

    le prsum facho, qui tiens dans ma krosse paluche les clefs de cette lection. Cest dans la pitite mimine de Marcel quelle dort, la clef de la victoire. Tes con davoir vot Le Pen, mattaque-t-il bille en tte. Si tavais vot

    Bayrou, on niquait le systme. Non, lui rtorqu-je, franchise pour franchise. Cest toi qui tes fait mettre.

    Si tavais vot Le Pen, cest l quon niquait le systme. Le centre, a mne nulle

    Pilule rouge page 34

  • part. On se regarde, lui et moi. En mai 2005, je pensais lui quand je disais quil y

    aurait un Non populaire, et je pensais ma trombine, entre autres, quand je parlais du Non politique. Et maintenant, on se regarde et on essaye de se com-prendre. Un rendez-vous manqu , fait-il, souriant malgr tout. Cest reparti pour cinq ans de connerie, dis-je en conclusion.Il soupire. Cinq ans si a tient cinq ans. Je lui demande : Tu vas faire quoi ? Il fait la moue. Je suis bien emmerd. Nunuche socialitude ou Sa Sarkozerie Premire. Tu par-

    les dun choix. Tout a ne me dit pas pour qui il va voter, mais comme il nen sait rien lui-

    mme, nous en resterons l pour linstant.Pour linstant, de toute manire, il est temps de nous intresser lignoble Bos-

    mokinge.Aujourdhui, il a dcid de laisser Marmotte tranquille. Assis au rade entre le

    Caillou et Quinquin, il parcourt distraitement le Pharisien.Je mapproche et lui dis, manire de rester poli : Vous avez lair en forme, au-

    jourdhui. Si cest pour votre sondage, me rtorque-t-il du tac au tac, sachez que jai

    vot conformment mes intrts de classe, ayant oubli dtre con. Bon, il a vot Sarko, comme prvu.Enfoir de bourgeois.En plus, il ne prend mme pas la peine de sinquiter de ma sant. Pourrait quand mme tre poli, le mec, cest vrai, quoi.Je dcide de lemmerder. Alors, que je dis, vous voil du dernier bien avec une femme de flic ? Il jette un coup dil Marmotte, laquelle rumine lautre bout du comptoir,

    les yeux dans sa tasse de caf.Puis, stant assur quelle ne fait pas attention nous, il madresse un clin dil

    grillard. Cest une affaire qui avance. Mais il ne faut pas vendre la peau de lours avant

    Pilule rouge page 35

  • de lavoir tu. Sur quoi, ayant dit, il se replonge dans la lecture du Pharisien.Allons, il est temps que jaille parler au Caillou.

    *

    Je narrive pas comprendre comment les gens peuvent tre aussi nafs ! , me dit le Caillou, dsignant dun index rageur la trombine de Sarkozy dans le Phari-sien.Pour linstant, il en est l de sa rflexion, le poto. A peu prs au mme point que moi, donc, ce dtail prs que pour lui, la sur-

    prise est grande figurez-vous, mes chers amis, que les lepnistes croyaient que Le Pen allait cartonner un max cette anne. Alors, vous imaginez leur dception !En regardant sa trombine dsole, je me dis, soudain, que jaime bien le Caillou.

    Sil tranait sur le web, il tiendrait le site Salut Public, ou quelque chose de cet or-dre.Bref, cest un copain.Alors, comme il est malheureux et comme il mrite quon lui dise la vrit, je

    dcide de laffranchir.Grande premire, chers amis ! Votre lavette blog va se mouiller, votre lavette

    blog va prendre position.Une fois nest pas coutume, je vais dire ce que je pense vraiment.Dailleurs, je vous lavais promis, que je dtriperais, aprs llection. Moi, fais-je, ce qui mtonne, cest que vous, les lepnistes, soyez assez

    nafs pour croire que la dmocratie permet dcrire lHistoire ce qui revient croire dune part que les oligarchies soient prtes sincliner devant le peuple, dautre part que le peuple soit majoritairement dsireux dassumer la libert. Vous avez trop lu Rousseau, les mecs ! Ce sont les minorits qui font lHistoire, donc quand loligarchie gouverne, elle se passe du peuple. Et symtriquement, quand on dit que le peuple se rvolte, cela veut dire en pratique que quatre pourcents de fu-rieux cassent la gueule un pourcent de prdateurs sous le regard plus ou moins approbateur de quatre-vingt-quinze pourcents de moutons. Donc la rvolution ne survient donc nullement quand les moutons se rvoltent, car les moutons ne se rvoltent jamais. En gros, la rvolution devient possible quand les