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RÉPONSE AU COMMENTAIRE D'HÔTES Plaidoyer pour une amélioration du système de santé québécois Lucie Tremblay, inf. MSc, AdmA, CHE; Alexis Rheault, MA, MAP AbstractÀ la lumière dun article récemment publié par Colin Goodfellow dans lequel ce dernier se questionne sur lorganisation des services de santé en Ontario, Lucie Tremblay et Alexis Rheault posent les bases dune réexion générale sur ce que devrait être le système de santé québécois. Pour ce faire, les deux auteurs rappellent lhistorique du système de santé du Québec an de proposer des solutions novatrices aux problèmes soulevés par lintégration clinique et structurelle, le rôle des inrmières et le mode de nancement. C olin Goodfellow, directeur de l'hôpital de Kempt- ville en Ontario, a récemment publié un article qui préconise une révision du système de santé pan- canadien et des principes qui le sous-tendent actuellement :loptimisation des processus avec lapproche Lean, l'inté- gration structurelle et clinique, la modication de notre culture hospitalocentrique et l'intégration des systèmes d'information. Le présent article démontrera en quoi Colin Goodfellow propose un changement de paradigme pour lamélioration des systèmes de santé qui peut s'appliquer au système de santé québécois. En revenant àl'essence même de ce que devrait être notre système de santé, cet article propose quelques pistes de solutions aux problèmes soulevés par Colin Goodfellow, notamment en examinant les difcultés de notre système de santé, l'intégration structurelle et clinique et le rôle des profes- sionnels de la santé dans la mise en œuvre d'un nouveau système de santé décentralisé, mais qui est tout de même intégré. PROBLÉMATIQUE Les réformes structurelles du système de santé québécois se suivent les unes après les autres depuis les années 1970 sans répondre aux véritables questions qui fondent son existence : quelle vision du système de santé voulons-nous développer pour les générations actuelles et futures ? Les jeunes Québécois et Québécoises souhaitent des change- ments dans le système de santé. De quels types de soins la société québécoise veut-elle se doter ? Au Québec, les problèmes de surdiagnostic, de surmédicalisation et de culture hospitalocentrique engendrent un système de santé réactif plutôt que préventif. À titre de société, le Québec doit redénir son système de santé et se livrer à une réexion exhaustive sur son fonctionnement. Actuellement, le Québec se situe au deuxième rang des États de l'Organisation de coopération et de développe- ment économiques (OCDE), après les États-Unis, qui dépensent le plus pour leur système de santé. Pourtant, l'accès aux soins en première ligne est médiocre, et l'inquiétude des populations vulnérables est grandissante 1 . Jusqu'à présent, la solution proposée par le gouvernement pour améliorer l'accès aux soins est restée la même : construction de nouveaux hôpitaux et augmentation des salaires des médecins (pour les inciter à soigner plus et à demeurer au Québec). Or, une étude de l'Université de Montréal a démontré qu'entre 2007 et 2011 le coût moyen d'un service médical avait augmenté de 25 % pour les généralistes et de 32 % pour les spécialistes 1 . En outre, le volume des services offerts à la population a diminué de 5 %, et ce, même si le nombre de médecins continue de croître. INTÉGRATION CLINIQUE ET STRUCTURELLE Première ligne Depuis les réformes introduites par Claude Castonguay qui créaient les centres locaux de services communau- taires (CLSC) dans les années 1970, une multitude de changements ont été préconisés pour améliorer le système de santé sans donner les résultats escomptés 2 .L'intégra- tion structurelle et clinique du système de santé depuis la décennie 1970 s'est soldée par un échec. Historiquement, la volonté de développer une première ligne forte a toujours été présente. Toutefois, les CLSC n'ont pas joué le rôle de première ligne pour lequel on les avait notam- ment créés entre autres parce que les omnipraticiens y sont trop peu nombreux. Aujourd'hui, notre première ligne compte deux structures en plus des urgences hospitalières : les CLSC et les GMF (groupes de médecine de famille) qui auraient avantage à mieux se coordonner. La création de divisions structurelles a nui à la mise en place d'un continuum de soins entre ces différentes organisations. From the Présidente-directrice générale, L'Ordre des inrmières et inr- miers du Québec. Auteure-ressource: Lucie Tremblay, inf., MSc, AdmA, CHE, Présidente- directrice générale, L'Ordre des inrmières et inrmiers du Québec, 4200, boul. Dorchester Ouest, Westmount, Québec, Canada, H3Z 1V4. (e-mail: [email protected]) Healthcare Management Forum 2014 27:152155 0840-4704/$ - see front matter & 2014 Collège canadien des leaders en santé. Publié par Elsevier Inc. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.hcmf.2014.08.010

Plaidoyer pour une amélioration du système de santé québécois

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RÉPONSE AU COMMENTAIRE D'HÔTES

Plaidoyer pour une amélioration du système de santéquébécoisLucie Tremblay, inf. MSc, AdmA, CHE; Alexis Rheault, MA, MAP

Abstract—À la lumière d’un article récemment publié par Colin Goodfellow dans lequel ce dernier se questionne sur l’organisationdes services de santé en Ontario, Lucie Tremblay et Alexis Rheault posent les bases d’une réflexion générale sur ce que devrait êtrele système de santé québécois. Pour ce faire, les deux auteurs rappellent l’historique du système de santé du Québec afin deproposer des solutions novatrices aux problèmes soulevés par l’intégration clinique et structurelle, le rôle des infirmières et le modede financement.

olin Goodfellow, directeur de l'hôpital de Kempt- santé réactif plutôt que préventif. À titre de société, le

C ville en Ontario, a récemment publié un article quipréconise une révision du système de santé pan-

canadien et des principes qui le sous-tendent actuellement: l’optimisation des processus avec l’approche Lean, l'inté-gration structurelle et clinique, la modification de notreculture hospitalocentrique et l'intégration des systèmesd'information. Le présent article démontrera en quoiColin Goodfellow propose un changement de paradigmepour l’amélioration des systèmes de santé qui peuts'appliquer au système de santé québécois. En revenantà l'essence même de ce que devrait être notre système desanté, cet article propose quelques pistes de solutions auxproblèmes soulevés par Colin Goodfellow, notamment enexaminant les difficultés de notre système de santé,l'intégration structurelle et clinique et le rôle des profes-sionnels de la santé dans la mise en œuvre d'un nouveausystème de santé décentralisé, mais qui est tout de mêmeintégré.

PROBLÉMATIQUE

Les réformes structurelles du système de santé québécoisse suivent les unes après les autres depuis les années 1970sans répondre aux véritables questions qui fondent sonexistence : quelle vision du système de santé voulons-nousdévelopper pour les générations actuelles et futures ? Lesjeunes Québécois et Québécoises souhaitent des change-ments dans le système de santé. De quels types de soins lasociété québécoise veut-elle se doter ? Au Québec, lesproblèmes de surdiagnostic, de surmédicalisation et deculture hospitalocentrique engendrent un système de

From the Présidente-directrice générale, L'Ordre des infirmières et infir-miers du Québec.

Auteure-ressource: Lucie Tremblay, inf., MSc, AdmA, CHE, Présidente-directrice générale, L'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 4200,boul. Dorchester Ouest, Westmount, Québec, Canada, H3Z 1V4.

(e-mail: [email protected])Healthcare Management Forum 2014 27:152–1550840-4704/$ - see front matter& 2014 Collège canadien des leaders en santé. Publié par Elsevier Inc. Tous droitsréservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.hcmf.2014.08.010

Québec doit redéfinir son système de santé et se livrer àune réflexion exhaustive sur son fonctionnement.Actuellement, le Québec se situe au deuxième rang des

États de l'Organisation de coopération et de développe-ment économiques (OCDE), après les États-Unis, quidépensent le plus pour leur système de santé. Pourtant,l'accès aux soins en première ligne est médiocre, etl'inquiétude des populations vulnérables est grandissante1.Jusqu'à présent, la solution proposée par le gouvernementpour améliorer l'accès aux soins est restée la même :construction de nouveaux hôpitaux et augmentation dessalaires des médecins (pour les inciter à soigner plus et àdemeurer au Québec). Or, une étude de l'Université deMontréal a démontré qu'entre 2007 et 2011 le coût moyend'un service médical avait augmenté de 25 % pour lesgénéralistes et de 32 % pour les spécialistes1. En outre, levolume des services offerts à la population a diminué de5 %, et ce, même si le nombre de médecins continue decroître.

INTÉGRATION CLINIQUE ET STRUCTURELLE

Première ligne

Depuis les réformes introduites par Claude Castonguay quicréaient les centres locaux de services communau-taires (CLSC) dans les années 1970, une multitude dechangements ont été préconisés pour améliorer le systèmede santé sans donner les résultats escomptés2. L'intégra-tion structurelle et clinique du système de santé depuis ladécennie 1970 s'est soldée par un échec. Historiquement,la volonté de développer une première ligne forte atoujours été présente. Toutefois, les CLSC n'ont pas jouéle rôle de première ligne pour lequel on les avait notam-ment créés entre autres parce que les omnipraticiens ysont trop peu nombreux. Aujourd'hui, notre première lignecompte deux structures en plus des urgences hospitalières :les CLSC et les GMF (groupes de médecine de famille) quiauraient avantage à mieux se coordonner. La création dedivisions structurelles a nui à la mise en place d'uncontinuum de soins entre ces différentes organisations.

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PLAIDOYER POUR UNE AMÉLIORATION DU SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS

D’ailleurs, l'histoire des centres de santé et de servicessociaux (CSSS) démontre l'urgence d’abolir ou de réduireles frontières entre les organisations qui planifient etdispensent les soins à la population.En 2004, la réforme Couillard-Charest donne naissance

aux CSSS qui ont pour objectifs de diminuer les tempsd'attente, d’améliorer l'accessibilité et de centrer les soinssur le patient en assurant la gestion des établissementsd'un territoire donné. L'intégration des structures desdernières années a créé davantage de divisions que depasserelles de communication, et a eu pour résultat uneaugmentation de la concurrence entre les établissementscommunautaires des CSSS et les hôpitaux qui reçoiventla part du lion en termes de financement. Malgré lespromesses, les délais d'attente n'ont pas été réduits, laréduction des coûts ne s'est pas concrétisée et le suivi dupatient ne s'est pas amélioré. Malgré les discours répétésvantant les mérites des soins centrés sur le patient, letravail en silo demeure un obstacle de taille pour mettre enpratique cette volonté.Le contexte de concurrence inter et intraorganisationnel

n'est pas idéal pour assurer une intégration clinique. Latrajectoire des soins ne doit donc pas découler de luttesconflictuelles entre ordres ou professions, mais devraitplutôt venir de données probantes qui fournissent desindications sur les flux de patients. Malheureusement, leQuébec a décidé d'investir massivement dans un systèmed’informatisation de son administration au lieu de favoriserla création d'un système de partage d'information et dedonnées probantes entre cliniciens. Colin Goodfellowinsiste particulièrement sur le fait que l'on doit cesser depayer pour des activités qui ne s'appuient pas sur desdonnées probantes pour investir dans des modèles et desapproches qui ont fait leurs preuves et qui peuvent êtrerépliquées grâce à la standardisation.

Le surdiagnostic

La standardisation des soins, critère premier de l'intégra-tion clinique, va de pair avec la mise en œuvre deprogrammes dont la pertinence est validée par desdonnées probantes. Selon l'Association médicale du Qué-bec, cinq milliards de dollars ont été gaspillés en surdiag-nostics, ce qui représente 15 % des budgets attribués auxsoins3. La méthode Lean est souvent considérée commeun des meilleurs moyens pour éliminer le gaspillage par lestenants d'une amélioration de la performance. Or, cetteméthode peut parfois simplifier l'activité clinique au profitde la rationalisation, et ce, sans tenir compte des critèresde qualité. Une réforme du système de santé pourrait faireappel à cette méthode, mais avec précaution, en déterminantbien les lieux de son application, et ce, sans mettre tout lefardeau de la performance sur les épaules des cliniciens.L’approche Lean doit plutôt soutenir les cliniciens dansl’amélioration des processus en s’assurant de l’implicationactive notamment de la direction des soins infirmiers.

Healthcare Management Forum � Forum Gestion des soins de

Le problème du surdiagnostic et de la surmédicalisationdemande un changement de culture organisationnelle : lemédecin ne doit plus être le seul acteur dans la prise dedécision concernant les diagnostics et les traitements méd-icaux. En effet, il revient aux patients de comprendre leursbesoins et de prendre en charge leurs problèmes de santé enpartenariat avec tous les professionnels de la santé. De plus,les finances publiques souffrent de ces surdiagnostics puis-que les budgets sont accordés de façon globale et historiquesans tenir compte du coût des activités et du flux de patients.

Cliniques de proximité

La standardisation des soins doit provenir d'une collabo-ration interprofessionnelle forte entre les professionnels dela santé : les infirmières, les médecins, les pharmaciens, etc.Bien que la collaboration interprofessionnelle soit souhaitablepour améliorer l’accessibilité des soins, plusieurs élémentspeuvent l’entraver, notamment les inégalités hiérarchiques,une réglementation trop contraignante, l'incompréhension durôle de chacun et même des visions conflictuelles des intérêtsdu patient4.Le rôle des infirmières est primordial dans la création

d'un système de santé intégré. Plusieurs expériences ontfait la preuve que l’utilisation des infirmières en premièreligne constitue un modèle gagnant. Notamment, un projetdans la région de Chaudière-Appalaches a montré que lesuivi systématique des malades chroniques grands con-sommateurs de soins a permis de réduire de 62 % lesconsultations à l’urgence et de 42 % les hospitalisations5.Ailleurs au Canada, des cliniques qui utilisent les servicesd’infirmières praticiennes et d’infirmières spécialisées ontpermis d'améliorer l'accès aux soins de première ligne etde créer des modèles innovateurs de collaboration inter-professionnelle6. En Ontario et en Colombie-Britannique,26 cliniques menées par des infirmières praticiennes et desinfirmières spécialisées ont été évaluées. Les résultatsmontrent qu'en plus d'améliorer l'accès aux soins depremière ligne, de nouveaux modèles de collaborationinterprofessionnelle sont apparus.Le Québec aurait tout intérêt à miser davantage sur une

« renaissance culturelle » dans la collaboration interpro-fessionnelle et à maximiser la contribution des profession-nels tant dans les GMF que dans les services courants desCLSC. Pour ce faire, des ajustements dans la réglementa-tion de la pratique des infirmières praticiennes spécialiséessont incontournables.Un projet de clinique de proximité est présentement en

déploiement au CLSC de Saint-Gabriel-de-Brandon. Dans lecadre de ce projet, les infirmières joueront un rôle élargi,qui permettra d’exploiter le plein potentiel de leur champde pratique, y compris l’évaluation et la coordination desoins, l’éducation et l’application d’ordonnances collec-tives. Le projet s’adressera tout particulièrement auxpersonnes qui ont une maladie chronique ou qui présen-tent un problème de santé courant sans gravité.

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Tremblay et Rheault

PRÉSENCE INFIRMIÈRE EN CHSLD

La présence constante d’infirmières en nombre suffisant encentre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD)constitue une autre solution qui permet de mieux utiliserles ressources du réseau de la santé. En effet, ce simplechangement permet d'éviter de 45 % à 67 % des hospital-isations provenant de ce secteur7.

Droit de prescrire

En avril 2013, l’Ordre des infirmières et infirmiers duQuébec a amorcé des travaux visant à obtenir le droit deprescrire dans des situations cliniques précises dont cer-taines font l'objet de protocoles standardisés par l'Institutnational de santé publique du Québec. Cette solution pouraméliorer l’accessibilité est reconnue par la population etles infirmières. En effet, entre 91 % et 95 % de lapopulation sondée par CROP croit que le droit de prescrirepour les infirmières dans certaines situations permettraitd’améliorer l’accès aux soins de santé et diminuerait lestemps d’attente dans les urgences et les cliniques médi-cales8. Les infirmières sont habilitées à évaluer la conditionphysique et mentale, ainsi qu’à assurer la surveillanceclinique et le suivi des personnes. En plus des infirmièreset des infirmières praticiennes, les pharmaciens ont un rôleprimordial à jouer dans l'offre de service en première ligne.Pour faciliter l'intégration de ces professionnels dans deséquipes de première ligne, des guides d'introduction despharmaciens ont été créés. Depuis une dizaine d'annéesdéjà, les gouvernements provinciaux et fédéraux reconnais-sent la sous-utilisation des pharmaciens cliniciens9. AuQuébec, la « Loi 41 » permettant aux pharmaciens derenouveler les prescriptions et même de prescrire certainsmédicaments représente un petit pas dans la bonnedirection. Or, même si la loi a été adoptée, elle n'est toujourspas en vigueur, car les négociations entre les représentantsdu gouvernement et les pharmaciens imposent d'impor-tants délais avant l'offre de ces services à la population.

FORMATION DES INFIRMIÈRES QUÉBÉCOISES

Les infirmières du Québec sont les seules au Canada à nepas avoir une formation initiale de niveau universitaire. Ladécision de rehausser la formation a été repoussée enjanvier 2014 et une analyse sectorielle prospective s’amor-cera au cours des prochains mois. Pourtant, le rapportDurand affirme que cette transformation est indispensable.En outre, le rehaussement de la formation initiale desfutures infirmières pourrait contribuer de façon positive àla réorganisation des services de santé. Une récenteanalyse coûts-bénéfices démontre que ce changementpourrait avoir des retombées significatives10.Si la norme d’entrée à la profession changeait en 2014,

entre 2019 et 2027, le système de santé québécois profit-erait d’une valeur ajoutée, sous forme d’économies ou desoins supplémentaires, variant entre 930 millions et

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1,31 milliard. Lorsqu’on déduit les coûts supplémentairesde formation pour les nouvelles infirmières, on estime quele gouvernement québécois bénéficierait d’une valeurajoutée, sous forme d’économies ou de soins supplémen-taires, variant entre 498 millions et 880 millions de dollarsdurant cette même période. C’est au cours de l’année 2024que tous les coûts de la proposition sur la période 2019-2027, soit 565,8 millions, seraient amortis par les bénéfices.Après la période étudiée, les bénéfices annuels seraientrécurrents10.

Mode de financement

Enfin, lorsqu'on analyse les prérequis à la standardisationdes soins, la collaboration interprofessionnelle avec lesmédecins est un élément central. Notre culture hospitalo-centrique confère énormément de pouvoir aux médecins.Une réorganisation des services de santé doit passer pardes changements de pratiques médicales et une redéfini-tion du rôle et du statut qu'on attribue au médecin. Cedernier doit s'investir davantage dans les structures deplanification pour s'assurer que les diagnostics et lestraitements recommandés sont absolument nécessaires.Selon l'Association médicale canadienne, le manque d’in-tégration de l’information clinique du patient conduit lesmédecins à prescrire des tests inutiles et incite lesmédecins spécialistes à faire passer des examens qui sontparfois superflus. Le financement à l'acte, voire la rému-nération mixte, sont des conséquences de ce problème.Dans le contexte où les dépenses publiques dans ledomaine de la santé explosent, une révision de notremode de financement s'impose.

CONCLUSION

Selon les données de l'Institut canadien d'information surla santé et les projections du modèle de microsimulationSIMUL, les dépenses publiques du Québec dans ledomaine de la santé passeront de 31,3 milliards en 2013à 61,1 milliards en 203011. La crise actuelle nous donnel'occasion de réviser en profondeur notre système de santéen nous inspirant de ce qui se fait de mieux dans les payset les systèmes les plus performants de l'OCDE en termesde qualité et de quantité de soins. Pour assurer lapérennité d’un système de santé accessible à tous, deschangements s’imposent. La collaboration interprofession-nelle est indispensable au succès d’une telle opération.À l'ère du numérique, la construction de superhôpitauxn'est plus la solution qui permettra de préparer un systèmede santé intégré au niveau clinique et structurel. Lessystèmes d'information que nous mettrons en placedevront permettre une plus grande connaissance des fluxde patients, une meilleure éducation du patient sur sesmaladies et le partage des données utiles sur le patiententre les professionnels. Le système de santé, qui véhiculeune forte dimension politique, devra s'adapter aux réalitésnumériques, à la crise financière projetée et à la

rum � Forum Gestion des soins de santè – Winter/Hiver 2014

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PLAIDOYER POUR UNE AMÉLIORATION DU SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS

décentralisation des soins pour assurer une meilleure offrede service en première ligne en utilisant, de façonoptimale, les structures actuelles partout sur le territoirequébécois.

RÉFÉRENCES

1. Contandriopoulos D. Améliorer la performance du systèmede santé : peut-on concilier l'efficacité programmatique etl'acceptabilité politique? [Présentation]. Université de Mon-tréal; 2014.

2. Castongay C. Santé : l'heure des choix. Montréal, Québec: LesÉditions du Boréal; 2012:68.

3. Pelchat P. 5 milliards $ « gaspillés » en surdiagnostics. Le Soleil2014.

4. Suter E, Oelke ND, Adair CE, Armitage GD. Ten key principlesfor successful health systems integration. Healthc Q 2009;13(Special Issue):16–23.

5. Fafard A. Actions-Santé : évaluation du programme : pour unemeilleure réponse aux besoins des grands consommateurs deservices en Chaudière-Appalaches. Sainte-Marie, Québec:Agence de la santé et des services sociaux de Chaudière-Appalaches; 2012.

Healthcare Management Forum � Forum Gestion des soins de

6. DiCenso A, Bourgeault I, Abelson J, Martin-Misener R, Kaasa-lainen S, Carter N, et al. Utilization of nurse practitioners toincrease patient access to primary healthcare in Canada—thinking outside the box. Nurs Leadersh (Tor Ont) 2010;23(Special Issue):239–259.

7. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Les conditions devie des adultes hébergés en centre d’hébergement et de soinsde longue durée (CHSLD). Mémoire présenté à la Commission dela Santé et des Services sociaux le 18 février 2014. Westmount,Québec: Ordre des infirmières et infirmiers du Québec; 2014.

8. Les infirmières sont prêtes à prescrire [Communiqué de presse].Westmount, Québec: Ordre des infirmières et infirmiers duQuébec; 2013.

9. Kolodziejak L. Rémillard, Alfred, Neubauer, Shannan. Integra-tion of a primary healthcare pharmacist. J Interprof Care2010;24(3):274–284.

10. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Le rehausse-ment de la formation de la relève infirmière : un levier detransformation du système de santé. Une analyse coût/bénéfices. Westmount, Québec: Ordre des infirmières etinfirmiers du Québec; 2013.

11. Clavet N-J, Duclos J-Y, Fortin B, Marchand S, Michaud P-C. Lesdépenses en santé du gouvernement du Québec, 2013-2030:projection et déterminants. Montréal, Québec: Cirano; 2013.

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