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Revue des Maladies Respiratoires (2011) 28, 913—918 CAS CLINIQUE Pneumopathie interstitielle diffuse secondaire aux moisissures domestiques Interstitial lung disease due to domestic moulds A.-L. Blanc a,, L. Delhaes b , M.-C. Copin c , B. Stach d , J.-B. Faivre e , B. Wallaert a a Service de pneumologie et immunoallergologie, centre de compétence des maladies pulmonaires rares, CHRU hôpital Calmette, boulevard du Pr-J.-Leclercq, 59037 Lille cedex, France b Service de parasitologie-mycologie (BDEEP- EA4547), centre d’infection et immunité de Lille, CHRU de Lille, faculté de médecine, université Lille Nord de France, institut Pasteur de Lille, Inserm U1019-CNRS UMR 8402, 59037 Lille cedex, France c Service d’anatomie pathologique, centre de biologie, CHRU, 59037 Lille cedex, France d Cabinet médical Saint-Michel, 73 bis, avenue Saint-Roch, 59300 Valenciennes, France e Service central de radiologie, CHRU hôpital Calmette, 59037 Lille cedex, France Rec ¸u le 10 septembre 2010 ; accepté le 4 janvier 2011 Disponible sur Internet le 23 juin 2011 MOTS CLÉS Moisissures domestiques ; Mycotoxines ; Stachybotrys chartarum ; Interstitium ; Pneumopathie d’hypersensibilité ; Pneumopathie interstitielle bronchiolocentrique Résumé Le rôle des moisissures domestiques de l’environnement dans le développement des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) est un problème clinique difficile. Nous rapportons un cas de PID chez un patient de 53 ans. Il présentait une hypoxémie à 54 mmHg, le scan- ner montrait un syndrome interstitiel avec plages en verre dépoli diffuses associé à des bilans inflammatoire et immunologique négatifs. Devant une aggravation de son état clinique après retour au domicile, il était hospitalisé à plusieurs reprises. À la fibroscopie il existait des mul- tiples dépôts blanchâtres, le lavage broncho-alvéolaire (LBA) retrouvait une lymphocytose à 23 %, les sérologies spécifiques des moisissures domestiques montraient une réaction modérée pour les différentes moisissures retrouvées au domicile, en particulier Stachybotrys chartarum. Il existait un syndrome restrictif modéré avec altération de la diffusion du monoxyde de car- bone et un aspect de pneumopathie interstitielle bronchiolocentrique à la biopsie pulmonaire. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.-L. Blanc). 0761-8425/$ — see front matter © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rmr.2011.01.013

Pneumopathie interstitielle diffuse secondaire aux moisissures domestiques

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Revue des Maladies Respiratoires (2011) 28, 913—918

CAS CLINIQUE

Pneumopathie interstitielle diffuse secondaire auxmoisissures domestiques

Interstitial lung disease due to domestic moulds

A.-L. Blanca,∗, L. Delhaesb, M.-C. Copinc, B. Stachd,J.-B. Faivree, B. Wallaerta

a Service de pneumologie et immunoallergologie, centre de compétence des maladiespulmonaires rares, CHRU hôpital Calmette, boulevard du Pr-J.-Leclercq, 59037 Lille cedex,Franceb Service de parasitologie-mycologie (BDEEP- EA4547), centre d’infection et immunité deLille, CHRU de Lille, faculté de médecine, université Lille Nord de France, institut Pasteur deLille, Inserm U1019-CNRS UMR 8402, 59037 Lille cedex, Francec Service d’anatomie pathologique, centre de biologie, CHRU, 59037 Lille cedex, Franced Cabinet médical Saint-Michel, 73 bis, avenue Saint-Roch, 59300 Valenciennes, Francee Service central de radiologie, CHRU hôpital Calmette, 59037 Lille cedex, France

Recu le 10 septembre 2010 ; accepté le 4 janvier 2011Disponible sur Internet le 23 juin 2011

MOTS CLÉSMoisissuresdomestiques ;Mycotoxines ;Stachybotryschartarum ;Interstitium ;Pneumopathied’hypersensibilité ;

Résumé Le rôle des moisissures domestiques de l’environnement dans le développement despneumopathies interstitielles diffuses (PID) est un problème clinique difficile. Nous rapportonsun cas de PID chez un patient de 53 ans. Il présentait une hypoxémie à 54 mmHg, le scan-ner montrait un syndrome interstitiel avec plages en verre dépoli diffuses associé à des bilansinflammatoire et immunologique négatifs. Devant une aggravation de son état clinique aprèsretour au domicile, il était hospitalisé à plusieurs reprises. À la fibroscopie il existait des mul-tiples dépôts blanchâtres, le lavage broncho-alvéolaire (LBA) retrouvait une lymphocytose à23 %, les sérologies spécifiques des moisissures domestiques montraient une réaction modéréepour les différentes moisissures retrouvées au domicile, en particulier Stachybotrys chartarum.

Pneumopathieinterstitiellebronchiolocentrique

Il existait un syndrome restrictif modéré avec altération de la diffusion du monoxyde de car-bone et un aspect de pneumopathie interstitielle bronchiolocentrique à la biopsie pulmonaire.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A.-L. Blanc).

0761-8425/$ — see front matter © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.rmr.2011.01.013

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914 A.-L. Blanc et al.

Après un déménagement définitif, les paramètres cliniques, radiologiques, biologiques etfonctionnels se sont normalisés. Le diagnostic retenu est plus celui de PID secondaire auxmycotoxines qu’une pneumopathie d’hypersensibilité aux moisissures domestiques. Les PID pro-voquées par les moisissures domestiques doivent être documentées et imposent de réaliser undiagnostic environnemental et sérologique pour ne pas méconnaître certains aérocontaminantsfungiques ayant un rôle allergique ou toxique.© 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSHypersensitivitypneumonitis;Interstitial lungdisease;Mycotoxins;Stachybotryschartarum;Domestic fungi;Bronchiolocentricinterstitialpneumonia

Summary Identifying the role of fungi present in the domestic environment in the develop-ment of interstitial pneumonia can be a difficult clinical problem. We report a case of interstitiallung disease case occurring in a 53-year-old patient. He presented with profound hypoxemia(PaO2 54 mmHg). Chest CT showed diffuse ground glass opacities. Initial blood tests for allergyand autoimmune disease were negative. Faced with a worsening of his clinical status afterreturning home he was hospitalized several times. At fibreoptic bronchoscopy, multiple whitedeposits were observed. Bronchoalveolar lavage with differential cell count was performed,revealing a 23% lymphocytosis. Serology for specific household molds showed moderate reac-tion to various molds found in homes, especially Stachybotrys chartarum. Pulmonary functiontests revealed a moderate restrictive pattern with impaired diffusion of carbon monoxide and abronchiolocentric interstitial pneumonia was found at lung biopsy. After a permanent move toa new residence, clinical parameters, radiological, biological and functional normalized. Thefinal diagnosis was interstitial lung disease related to mycotoxins of S. Chartarum. The diagno-sis of hypersensitivity pneumonitis to domestic mold or interstitial lung disease secondary tomycotoxins should be considered in patients presenting with interstitial pneumonia and requiresspecific investigations to ensure that an environmental cause with an allergic or toxic role isnot missed.

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© 2011 SPLF. Published by E

ntroduction

e rôle exact des moisissures domestiques en pathologieespiratoire est encore mal connu [1]. Nous rapportonsne observation secondaire à une exposition chroniqueux moisissures domestiques du domicile, en particuliertachybotrys chartarum, d’évolution favorable à l’arrêt de’exposition. Les caractéristiques de cette observation sou-èvent les difficultés diagnostiques entre pneumopathie’hypersensibilité et pneumopathie secondaire aux myco-oxines produites par cette moisissure, et la nécessité d’unenquête environnementale personnalisée pour la prise enharge des ces pathologies.

bservation

onsieur K., 53 ans, consultait en mai 2008 pour uneneumopathie basale droite persistante malgré une antibio-hérapie associant ceftriaxone (1 g/24 h) et roxithromycine150mg × 2/j). Ce patient d’origine caucasienne, nonumeur sans aucun antécédent présentait une obésitéIMC : 36), il était routier s’occupant de transport de gou-ron, vivait à la campagne dans une maison humide enompagnie d’un chat, d’un chien et de dix mandarinsont il ne s’occupait pas personnellement. En l’absence’amélioration, Monsieur K. était hospitalisé. L’examen cli-ique retrouvait un patient apyrétique, avec une dyspnée

tade 3 de Sadoul, une toux nocturne sans expectoration etes crépitants secs au niveau de la base droite. Le restee l’examen était sans particularité, notamment pas de

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er Masson SAS. All rights reserved.

igne de maladie de système, pas d’hippocratisme digitalt un examen cardiovasculaire normal. La radiographie tho-acique montrait un aspect d’infiltrat interstitiel lobaireoyen et inférieur droit. Le gaz du sang en air ambiantontrait un pH normal, pCO2 à 40 mmHg et une hypoxé-ie à 54 mmHg. Le bilan inflammatoire, immunologique,

’enzyme de conversion étaient négatifs. Les sérodiagnos-ics du poumon d’éleveur d’oiseaux retrouvaient deux arcse précipitation vis-à-vis du sérum de pigeon et trois arcsour le sérum de perruche ; deux arcs de précipitationsis-à-vis des déjections des mandarins du patient étaientecondairement mis en évidence. Le scanner thoraciqueontrait une infiltration du parenchyme pulmonaire droit

ssociant plages et verre dépoli et nodules flous centro-obulaires prédominant dans les lobes moyen et inférieurroits sans argument pour une embolie pulmonaire (Fig. 1).e lavage broncho-alvéolaire (LBA) dans le lobe moyen neetrouvait pas de lymphocytose (6 %) et 8 % de neutro-hiles, il n’y avait pas de cellules suspectes de malignité etes prélèvements à visée bactériologiques étaient négatifs.’ETO avec épreuve de contraste, révélait un foramen ovaleerméable (FOP) avec pressions artérielles pulmonaires nor-ales. Devant un shunt vrai (test à 100 % de FiO2 retrouvant

ne pO2 à 272 mmHg), le patient bénéficiait de la mise enlace d’une ombrelle. Après un mois d’hospitalisation sansraitement, le patient était asymptomatique, le gaz du sangn air ambiant montrait un pH normal, PCO2 35 mmHg, PO2

0 mmHg, le test de marche de six minutes était excellent ;

e patient retournait alors à son domicile.

En décembre 2008, monsieur K. était de nouveau hospita-isé pour une hypoxémie à 55 mmHg en air ambiant constatée

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Pneumopathie interstitielle diffuse secondaire aux moisissures domestiques 915

Figure 1. Analyse de la TDM thoracique. Les examens tomodensitométriques en coupes axiales millimétriques et en fenêtres parenchy-mateuses au niveau de la crosse de l’aorte et des pyramides basales montrent la fluctuation de l’infiltration parenchymateuse au cours dutemps. Des plages de verre dépoli s’associent à des micronodules flous centrolobulaires sans signe de distorsion architecturale. Ces lésions

nctioratria

CASgés entre S. chartarum, Acremonium sp. et Fusarium sp.correspondant à une réponse immunologique commune.Les sérodiagnostics pour Aspergillus fumigatus, Aspergil-

prédominent à droite ; leur extension et leur densité varient en fod’occlusion du foramen visible est repéré au niveau du septum inte

lors de la consultation de suivi, alors qu’il était asympto-matique. Un bilan était de nouveau réalisé, ne permettantpas d’identifier d’étiologie. Après 20 jours d’hospitalisation,il existait une amélioration des symptômes respiratoires,seul un traitement par Triflucan (400 mg/j) avait été initiéde manière probabiliste devant la suspicion d’une atteintemycologique. La cytologie du LBA était normale (pas de lym-phocytose mais pas de formule exacte réalisée), le scanner,en fin d’hospitalisation, montrait une discrète améliorationde l’infiltrat du poumon droit (Fig. 1). Devant une suspi-cion d’alvéolite allergique extrinsèque aux moisissures, lepatient partait vivre chez sa mère mais retournait malgrétout régulièrement chez lui.

En février 2009, le patient était de nouveau hospi-talisé pour dégradation respiratoire. À l’examen l’étatgénéral était conservé mais il existait une dyspnéecotée à 1 sur l’échelle de Sadoul avec une toux sèche,des crépitants dans l’hémi-champ pulmonaire droit etune saturation en oxygène à 93 % sous 7 L d’oxygène.Sur le plan paraclinique on notait une lymphopénie à700/mm3, des LDH augmentées à 733 UI/L, sans autreanomalie. L’enquête environnementale au domicile dupatient comportait des prélèvements d’air de 50 et 100 Lau niveau du séjour, de la cuisine, de la chambre etde la salle de bain, associés à des écouvillonnages deszones humides de la salle de bain (joints de la doucheet siphon), des échantillons de plâtre et de tapisse-rie prélevés au niveau des zones humides du logement.Cette enquête a permis de mettre en évidence denombreuses espèces différentes avec prédominance demicromycète du genre Penicillium, Acremonium spp. et

Scopulariopsis spp. et surtout de nombreuses colonies deS. chartarum au niveau des échantillons de plâtre. Larecherche de precipitines (par méthode d’Ouchterlony)montrait une réaction sérologique modérée vis-à-vis de

Fdm

n de l’exposition du patient. À partir de février 2009, le matériell.

ladosporium sp. (un arc), Scopulariopsis sp. (un arc),cremonium sp. (deux arcs), Fusarium sp. (un arc) et. chartarum (un arc) avec présence d’antigènes parta-

igure 2. Endoscopie bronchique du 14 février 2009 : multiplesépôts blanchâtres au niveau de l’arbre bronchique droit sur uneuqueuse inflammatoire de stade 1.

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916 A.-L. Blanc et al.

Tableau 1 Caractéristiques cliniques et fonctionnelles du patient.

Septembre 2008 Décembre 2008 Février 2009 Juillet 2009

Dyspnéea 3 2 1 1

PO2 (mmHg)b 54 55 54 75

Test de marchec

DistanceNadir SaO2

AA120 md

86 %

Sous 4L360 m91 %

— AA470 m92 %

CVF (L)e

VEMS (L)e

DLCOe

(mL/min/mmHg)

3,62 (90 %)3,04 (94 %)19,48 (71 %)

2,36 (59 %)1,95 (60 %)—

3,01 (75 %)2,60 (86 %)17,6 (64 %)

4,05 (101 %)3,29 (102 %)20,47 (75 %)

a Dyspnée cotée sur l’échelle de Sadoul.b PaO2 en air ambiant au repos.c Conditions d’oxygénothérapie.d Arrêt du test devant la désaturation.e Valeurs observées, pourcentages des théoriques entre parenthèses.

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cLmbclredptfa6tasvclcil(

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sprAeevles différentes moisissures étaient négatives, alors que laprésence de précipitines vis-à-vis des antigènes de man-

Figure 3. Biopsie pulmonaire. Lésions de topographie bron-chiolaire associant une inflammation lymphoïde bronchiolaireet une discrète fibrose inflammatoire des cloisons interalvéo-

us flavus, Aspergillus nidulans, Alternaria sp. et Penicilliump. étaient négatifs.

Le scanner retrouvait l’atteinte pulmonaire droite asso-iée à une atteinte minime du poumon gauche (Fig. 1).a fibroscopie révélait une muqueuse extrêmement inflam-atoire et un enduit blanchâtre au niveau de l’arbreronchique droit (Fig. 2). Le LBA retrouvait une hyper-ellularité (580 000 cellules/mm3, 74 % macrophages, 23 %ymphocytes, 2 % neutrophiles, 1 % éosinophiles) avec colo-ations Perls et PAS négatives et étude bactériologiquet mycologique négative. L’examen anatomopathologiquees biopsies muqueuses et transbronchiques ne mettaitas en évidence d’anomalie particulière. Il existait unrouble ventilatoire restrictif modéré (Tableau 1). La dif-usion du monoxyde de carbone (DLCO) était modérémentltérée avec une DLCO absolue à 17,6 mL/min/mmHg soit,4 % de la théorique. Sur le plan gazométrique il exis-ait une hypoxémie fluctuante entre 54 et 66 mmHg enir ambiant. La scintigraphie de ventilation et perfu-ion montrait des anomalies prédominant nettement enentilation dans le lobe inférieur droit. Le patient bénéfi-iait d’une biopsie pulmonaire chirurgicale au niveau desobes inférieur et moyen droits qui retrouvait des lésionsomplexes associant une inflammation bronchiolaire à unenflammation et une fibrose péribronchiolaire et à une alvéo-ite macrophagique diffuse, en l’absence de granulomeFig. 3).

En juillet 2009, le patient était alors revu pour rééva-uation. Monsieur K. a finalement déménagé, il ne possèdelus de mandarins. Cliniquement il allait beaucoup mieuxt n’exprimait aucune gêne respiratoire. Les gaz du sangu repos en air ambiant retrouvaient une discrète hypoxé-ie à 75 mmHg avec une PCO2 à 34 mmHg et un pH7,45. Le scanner thoracique montrait une améliora-

ion de l’ensemble des anomalies, même si une petite

nfiltration nodulaire centrolobulaire disséminée dans learenchyme pulmonaire droit associée à du verre dépoliersistait (Fig. 1). Au test de marche en air ambiant leatient parcourait 470 m avec un nadir de saturation à

lSld

2 %. Le bilan fonctionnel retrouvait une nette améliorationTableau 1).

Le patient était revu en novembre 2009, à distance deon déménagement. Il persistait une dyspnée uniquementour des efforts importants, l’auscultation retrouvait desâles crépitants bilatéraux moins importants qu’auparavant.u test de marche, en air ambiant, il parcourait 440 mn six minutes, avec un nadir de désaturation à 90 % ; lesxplorations fonctionnelles respiratoires retrouvaient desaleurs normales (Tableau 1). Les sérologies spécifiques pour

aires péribronchiolaires. Absence de granulome. Hémalun Éosineafran, grossissement × 25. En encadré : inflammation bronchio-aire lymphocytaire et discrète fibrose péribronchiolaire, infiltréee lymphocytes. Hémalun Éosine Safran, grossissement × 200.

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Pneumopathie interstitielle diffuse secondaire aux moisissur

darins était stable à deux arcs de mai 2008 à novembre2009.

Discussion

La conjonction des signes cliniques et paracliniquesobservés chez ce patient, parmi lesquels la notiond’exposition antigénique et la présence domestique dumicromycète toxigénique S. chartarum, nous a amené àévoquer deux hypothèses diagnostiques : une pneumopa-thie d’hypersensibilité (PHS) aux moisissures domestiques, àS. chartarum en particulier, ou une atteinte pulmonaire liéeà la mycotoxine de S. chartarum.

S. chartarum (autrefois nommé S. atra ou S. alternans)est une moisissure cosmopolite, se développant dans desmilieux humides généralement riches en cellulose. Auniveau domestique, il se rencontre sur les matériaux conte-nant de la cellulose et mouillés de facon répétée comme lepapier recouvrant des murs en bois (lambris), des élémentscellulosiques d’isolation et tous types de bois. S. chartarumproduit plusieurs mycotoxines dont une stachylysine etdes trichothécènes, incriminées en pathologie respiratoire[2,3]. Le contact avec les mycotoxines peut être à l’origined’une toxicité aiguë et chronique. Les effets délétères sontdécrits sur l’appareil respiratoire, les muqueuses nasale etoculaire, la peau, le système immunitaire, le système ner-veux central ainsi que l’appareil digestif [1].

Concernant l’hypothèse d’une pneumopathied’hypersensibilité on peut se référer aux cinq critèresmajeurs retenus par le GERMO’P [4] : la preuve d’une expo-sition antigénique (interrogatoire, précipitines sériques,prélèvements atmosphériques), des symptômes respi-ratoires compatibles, une alvéolite lymphocytaire, ladiminution de la DLCO, et une imagerie compatible. Dansnotre observation les critères en faveur d’une PHS sontpremièrement une exposition antigénique très probabledevant les prélèvements atmosphériques retrouvant de trèsnombreuses colonies de S. chartarum et la mise en évidencede précipitines sériques spécifiques. L’amélioration cliniqueet gazométrique après éviction antigénique n’est pas évi-dente dans notre observation, lente sur plusieurs semainesd’hospitalisation, et partielle (l’hypoxémie persistanteayant amené l’équipe médicale à retenir l’indication d’unefermeture de FOP). Les symptômes respiratoires observéset les données fonctionnelles respiratoires sont égalementen faveur du diagnostic. Enfin les données d’imageriesont évocatrices par leur séméiologie mais atypiques parleur répartition pratiquement entièrement unilatérale.L’alvéolite lymphocytaire n’est pas présente lors des deuxpremiers LBA et lors du dernier la lymphocytose (23 %) estinhabituellement faible pour une PHS et l’aspect macro-scopique de l’arbre bronchique (inflammation marquée etdépôts blanchâtres) est très inhabituel au cours des PHS.L’analyse de ces critères rendait peu probable le diagnosticde PHS.

Les données anatomopathologiques peuvent s’intégrerdans l’hypothèse d’une PHS bien que la description his-

tologique classique d’une PHS soit caractérisée par desgranulomes sans nécrose caséeuse, très riche en lympho-cytes, siégeant volontiers en périphérie et relativementpauvres en histiocytes épithélioïdes qui prédominent au

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omestiques 917

entre du lobule entourant les bronchioles terminales et res-iratoires. Néanmoins la bronchiolite est un aspect quasionstant d’une PHS et les granulomes ne sont pas obli-atoirement retrouvés. Les biopsies réalisées chez notreatient montraient un aspect évoquant une pneumopathienterstitielle bronchiolocentrique (PIB). Lima M.S. et al. ontécemment publié une analyse rétrospective de 103 patientsui avaient un diagnostic de PHS ayant bénéficié d’uneiopsie pulmonaire chirurgicale [5]. Les prélèvements ana-omopathologiques retrouvaient une description classiquevec granulome chez 46 patients, une PIB chez 27 patientst une pneumopathie interstitielle non spécifique chez6 patients. Les auteurs suggèrent que la PIB pourrait reflé-er un stade avancé de PHS avec fibrose autour des voiesériennes faisant suite à une première phase inflammatoire.l existe une forme idiopathique de pneumopathie intersti-ielle bronchiolocentrique récemment décrite par Yousemn 2002 [6], qui rapporte la description d’une PIB observéehez dix patients avec comme caractéristique clinique unerédominance féminine et un pronostic sombre. Cependant,’évolution clinique de notre patient, avec améliorationprès éviction seule, est peu compatible avec ce diagnosticare.

Devant l’isolement de S. chartarum au domicile duatient, nous avons donc évoqué l’hypothèse d’une atteinteulmonaire liée aux mycotoxines de S. chartarum. Bien quee rôle pathogène de cette moisissure ne soit pas totale-ent admise, S. chartarum est régulièrement mis en cause

otamment dans des atteintes respiratoires graves, et delus en plus étudié [3,7—9]. L’hypothèse de son rôle patho-ène a été formulée en 1994 aux États-Unis à la suitee la découverte d’une association entre des hémorragiesulmonaires chez des nourrissons de la région de Cleve-and et leur exposition à S. chartarum présent dans lesocaux dégradés à la suite d’une inondation [7]. Depuis,uelques dizaines de cas de pathologies pouvant être dus à’exposition à la toxine de cette moisissure ont été décrits.’exposition se ferait par contact direct ou inhalation plusue par ingestion. En 1940, en Russie, une épidémie detachybotryose équine coïncidait avec un syndrome respira-oire (symptômes subjectifs) et dermatologique développéhez les individus manipulant le fourrage ou étant enontact avec de la paille moisie [8]. Par la suite, les casécrits rapportent aussi bien des symptômes bénins quee véritables syndromes tels que des alvéolites, des bron-hectasies et des fibroses pulmonaires. Mais la relationntre l’exposition à S. chartarum et la symptomatologie’a à ce jour jamais été scientifiquement prouvée, puisqueucun des cas publiés ne fait état de l’isolement despores et/ou de la toxine. Néanmoins, des études plusécentes centrées sur le « syndrome des bâtiments mal-ains » qui regroupe de nombreux symptômes (difficultésespiratoires, fatigue, toux, céphalées, rhinite, conjoncti-ite, nausées) avec une notion de cas groupés [9] ont étéenées par le groupe de travail de l’institut de méde-

ine américain [3,10]. Leur rapport publié en 2004 étaitocalisé sur les relations entre l’exposition aux moisissuresencontrées dans les logements humides et les effets sani-

aires chez les personnes exposées [3,8] et montrait queertaines espèces, dont S. chartarum, étaient significative-ent reliées au développement du syndrome des bâtimentsalsains. Enfin, le CDC a publié un rapport sur les cas
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’hémorragie pulmonaire chez les nourrissons de Cleve-and [11] et conclut que la relation entre l’exposition à. chartarum ou d’autres moisissures, ou même la présence’un dégât des eaux, et les hémorragies pulmonaires n’étaitas prouvée scientifiquement. Un des reproches fait danse rapport concerne la méthodologie car les prélèvementsvisée microbiologique ne permettent pas de distinguer

a contamination des logements par les moisissures, d’unexposition significative des individus qui supposerait unosage des moisissures dans l’air expiré. Concernant lesffets de la mycotoxine de S. chartarum sur le poumon,l n’existe donc pour l’instant que des associations et unaisceau d’arguments mais pas de relation scientifiquementrouvée.

Au total nous avons finalement retenu le diagnos-ic de pneumopathie secondaire aux mycotoxines de’environnement domestique face à : l’aspect endosco-ique inhabituel pour une PHS ; le caractère unilatérales anomalies radiologiques, la réponse sérologiqueodérée, peu spécifique, traduisant une sensibilisa-

ion aux différentes moisissures présentes au domi-ile à l’époque et confirmée par la disparition dees systèmes précipitants à distance du changemente domicile ; enfin par l’amélioration du patient à’éviction.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

[

A.-L. Blanc et al.

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