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Etienne de Meaux Ballade (picard?) TROP EST MES MARIS JALOS Trop est mes maris jalos, Sorcuidiez, fel et estouz, Mes il sera par tens cous Se je truis mon ami douz, Li gentil, li savoros. Mari ne pris rien, Q’il n’aiment nui bien. Je.l vos di: Dire fi Doit on du vilain plain d’ennui. Quant a la fenestre vois, Il me guete trestoz jorz; Sachiez q’il vit seur mon pois, Car por lui pert mes amors. Il set bien que j’aime aillors; Or se puet desver, Car je vueil amer. Je.l vos di: Dire fi Doit on du vilain plain d’ennui. Cuidë il por son avoir Metre en prison cuer joli? Nenil voir! il n’a pouoir Que soie du tot a lui; A m’amor a il failli. Nus ne doit avoir Ami por avoir. Ce vos di: Dire fi Doit on du vilain plain d’ennui. Hardiement li dirai: Fol vilain maleüros, Amer m’estuet sanz delai, Sachiez, un autre que vos; Or pöez estre jalos; Je vos guerpirai, Un autre amerai! Ce vos di: Dire fi Doit on du vilain plain d’ennui. Por tot l’avoir de cisteaus Ne doit avoir cuer joli, Ce dit Estiene de miauz, Jolive dame mair, Ançois doit avoir ami. Et je l’encrerrai Et ami avrai. Ce vos di: Dire fi Doit on du vilain plain d’ennui. Trop est mon mari jaloux Arrogant, cruel, dur mais il sera bientôt cocu Si je retrouve mon ami doux lui gentil, lui savoureux Je m’en fous des maris Qui n’aiment aucun bien Je vous dis: Dire “Fi!” On doit, du vilain plein d’ennui. Quand à la fenêtre Il me guette toujours Sachez qu’il vit, malgré moi Car par lui mes amours sont gênés Il sait bien qui j’aime ailleurs Donc il peut perdre la raison Car je veux encore aimer Je vous dis: dire “Fi!” On doit, du vilain plein d’ennui. Pense-t-il que pour ses richeses il peut mettre en prison un joli coeur? Pas du tout! Il n’a pas de pouvoir qui soit tout à lui. A mon amour il a failli Personne ne doit avoir Un ami pour des richeses Je vous dis: dire “Fi!” On doit, du vilain plein d’ennui. Hardiment je lui dirai Fou vilain, malheureux Aimer, me presse sans délai, Sachiez, un autre que vous Vous pouvez être jaloux Je vous laisserai Un autre j’aimerai Je vous dis: Dire “Fi!” On doit, du vilain lein d’ennui. Ni pour toutes les rechesses de Citeaux un joli coeur ou une jolie dame (ceci dit Estienne de Miauz), ne doit avoir un mari A sa place elle doit avoir un ami Et j’y croirai Et ami j’aurai Je vous dis: Dire “Fi!” On doit, du vilain plein d’ennui.

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Poésie lyrique

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Page 1: Poésie lyrique

Etienne de Meaux – Ballade (picard?)

TROP EST MES MARIS JALOS

Trop est mes maris jalos,

Sorcuidiez, fel et estouz,

Mes il sera par tens cous

Se je truis mon ami douz,

Li gentil, li savoros.

Mari ne pris rien,

Q’il n’aiment nui bien.

Je.l vos di:

Dire fi

Doit on du vilain plain d’ennui.

Quant a la fenestre vois,

Il me guete trestoz jorz;

Sachiez q’il vit seur mon pois,

Car por lui pert mes amors.

Il set bien que j’aime aillors;

Or se puet desver,

Car je vueil amer.

Je.l vos di:

Dire fi

Doit on du vilain plain d’ennui.

Cuidë il por son avoir

Metre en prison cuer joli?

Nenil voir! il n’a pouoir

Que soie du tot a lui;

A m’amor a il failli.

Nus ne doit avoir

Ami por avoir.

Ce vos di:

Dire fi

Doit on du vilain plain d’ennui.

Hardiement li dirai:

Fol vilain maleüros,

Amer m’estuet sanz delai,

Sachiez, un autre que vos;

Or pöez estre jalos;

Je vos guerpirai,

Un autre amerai!

Ce vos di:

Dire fi

Doit on du vilain plain d’ennui.

Por tot l’avoir de cisteaus

Ne doit avoir cuer joli,

Ce dit Estiene de miauz,

Jolive dame mair,

Ançois doit avoir ami.

Et je l’encrerrai

Et ami avrai.

Ce vos di:

Dire fi

Doit on du vilain plain d’ennui.

Trop est mon mari jaloux

Arrogant, cruel, dur

mais il sera bientôt cocu

Si je retrouve mon ami doux

lui gentil, lui savoureux

Je m’en fous des maris

Qui n’aiment aucun bien

Je vous dis:

Dire “Fi!”

On doit, du vilain plein d’ennui.

Quand à la fenêtre

Il me guette toujours

Sachez qu’il vit, malgré moi

Car par lui mes amours sont gênés

Il sait bien qui j’aime ailleurs

Donc il peut perdre la raison

Car je veux encore aimer

Je vous dis:

dire “Fi!”

On doit, du vilain plein d’ennui.

Pense-t-il que pour ses richeses

il peut mettre en prison un joli coeur?

Pas du tout! Il n’a pas de pouvoir

qui soit tout à lui.

A mon amour il a failli

Personne ne doit avoir

Un ami pour des richeses

Je vous dis:

dire “Fi!”

On doit, du vilain plein d’ennui.

Hardiment je lui dirai

Fou vilain, malheureux

Aimer, me presse sans délai,

Sachiez, un autre que vous

Vous pouvez être jaloux

Je vous laisserai

Un autre j’aimerai

Je vous dis:

Dire “Fi!”

On doit, du vilain lein d’ennui.

Ni pour toutes les rechesses de Citeaux

un joli coeur ou une jolie dame

(ceci dit Estienne de Miauz),

ne doit avoir un mari

A sa place elle doit avoir un ami

Et j’y croirai

Et ami j’aurai

Je vous dis:

Dire “Fi!”

On doit, du vilain plein d’ennui.

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FRAN 4001

Poésie Lyrique

Anonyme – Ballade (anglo-normand)

EL TENS D’IVER

El tens d’iver quant vei palir

l’erbe la freidure

e les menuz oisels tapir

en la ramee oscure,

a grant dolur suvent suspir

tant vei eisir

amur de sa nature:

la bele a qui joe pens e tir,

senz rien merir,

me gref a desmesure.

En icel esperance,

me delite ma peine,

ki les amenz avance

de avoir joie certeine.

Cele ki tant aim e desir,

me ocit senz forfeiture,

quant si sultif me lait languir,

que ele ne m’assure

ker tut sui sons a sun pleisir,

sanz repentir,

si ke d’altre n’ai cure

purquant si m’est gref cest martir

tuz tens suffrire

et vivre en aventure.

En icel esperance,

me delite ma peine,

ki les amenz avance

de avoir joie certeine.

Joe vai un usage tenir

as dames senz dreiture,

dunt eles funt vite perir

amar veraie e pure;

e les amanz sovent marrir,

e revertir

en grant desconfiture.

Caste me fait a poi murir,

e pur ceo m’ir

que ele m’est si fere e dure.

En icel esperance,

me delite ma peine,

ki les amenz avance

de avoir joie certeine.

En hiver quand je vois pâlir

l’herbe en la froidure

et les menus oiseau se tapir

sur les branches obscures

avec grande peine je pousse de soupirs

tant je vois partir

amour de sa nature:

La belle à qui je pense et attire

sans jamais déserter,

me blesse à démesure

En cet espoir (En attendant)

je prends à grand plaisir ma peine

car elle, les amants avance

à avoir une joie certaine.

Celle que j’aime et désire tant

me tue sans forfaiture (trahison)

quand en solitude elle me laisse languir

car elle ne m’assure pas (son amour);

Je mis, pourtant, tout à elle, à son plaisir

sans regret,

des autres je ne m’en souci pas

Malgré tout, ce martir m’est doléance

toujours souffrire

et vivre en aventure

En cet espoir (En attendant)

je prends à grand plaisir ma peine

car elle, les amants avance

à avoir une joie certaine.

Je vois une certaine habitude,

parmi les dames sans droiture,

de faire vite mourir

l’amour vrai et pur

et les amants les mettre en détresse

et les réduire

à une grande déconfiture.

Ceci me fait presque mourir

et pour cette raison

elle m’est si fière et dure,

En cet espoir (En attendant)

je prends à grand plaisir ma peine

car elle, les amants avance

à avoir une joie certaine.

Page 3: Poésie lyrique

Anonyme - Pastourelle

EN AVRIL AU TENS PASCOUR

En avril au tens pascour,

Que seur l’erbe nest la flor,

L’alöete au point du jour

Chante par mult grant baudor.

Pour la douçour du tens nouvel.

Si me levai par un matin,

S’oï chanter sor l’arbroisel

Un oiselet en son latin.

Un petit me sozlevai pour esgarder

sa faiture.

Ne soi mot que des oisiaus

vi venir a desmesure.

Je vi l’oriou

Et le rosignou,

Si vi le pinçon

Et l’esmerillon,

Deus!

Et tant des autres oisiaus,

de quoi je ne sai pas le non,

Qui sor cel arbre s’assistrent et

commencent

lor chançon.

Tuit chanterent a un tor,

N’i ot autre jougleor.

Je m’en alai soz la flor

Por oïr joie d’amor.

Tout belement par un prael

Li deus d’amors vi chevauchier..

Je m’en alai a son apel,

De moi a fet son escuier.

Ses chevaus fu de deport, sa sele

de signorie,

Ses frains fu de son dangier, ses estriers

de

fil de sie.

Ses hauberz estoit

D’acoler estroit,

Ses hiaumes de flors

De pluseurs colors.

Deus!

Lance avoit de cortoisië,

espee de fuel de glai,

S’ot chauces de mignotië, esperons

de bec de jai.

En Avril, à Pâques

Quand sur l’herbe les fleurs fleurissent

L’alouette à l’aube

chante avec grande exuberance

Pour la doucer du temps nouveau

je me levai par un matin

écouter, sur un arbrisseau

un oiseau chanter dans sa langue

Je me soulevai un peu, regarder

sa figure.

Pas de mots pour les oiseaux

que je vis venir en démesure.

Je vis l’oriu

et le rossignol

Je vis le pinçon

et l’esmerillon

Dieu!

Et tant d’autres oiseaux, dont je ne sais

pas les noms.

Qui sur cet arbre s’assirent et

commencèrent

leur chanson.

Tous chantèrent à la fois

il n’y avait pas d’autre jongleur

Je m’en allai sous l’arbre en fleur

pour écouter leur joie d’amour.

Tout beau par sa parure

le Dieu d’amour je vis chevaucher.

Je me lançai à son appel

et il me fit son chevalier.

Son cheval était fait de plaisir, sa selle

de seigneurie

Ses brides étaient faites d’aventures,

ses étriers de fils de soie

Son haubert était

d’accolade étroite

son heaume de fleurs

de plusieurs coloris.

Dieu!

Lance avait de courtoisie,

une épée de feuille de glaïeul

ses bas de mignonnette, ses épérons

de bec de jai.