4
132 | La Lettre du Psychiatre • Vol. X - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2014 DOSSIER Agressions sexuelles sur mineurs C ette part d’obscur et de silence qui entoure la pédophilie concerne tous les acteurs des diffé- rentes scènes que nous pourrions évoquer. Dans toutes les sociétés et civilisations du monde – la pédophilie est universelle –, les secrets sont lourds, tant pour l’enfant que pour le pédophile, tant pour la mère- compagne que pour la fratrie, tant pour les soignants que pour les juges et les policiers, et ces secrets projettent les acteurs dans un isolement difficilement réversible. Le gynécologue sera, le plus souvent, l’observateur tardif d’une situation inextricable, et le témoin attentif, aidant et sécurisant, d’un état de survie, d’une crainte décuplée, d’un mal-être indicible car lui aussi observe le corps, le touche, le palpe et l’exa- mine dans son intimité et, à ce titre, qu’il soit homme ou femme, il se doit de trouver et de conserver sa juste place sans jamais franchir les limites virtuelles de ce que j’appellerais l’inconnu interdit. Quatre situations cliniques, toutes dramatiques, vont conduire à 4 questionnements essentiels dans le cadre desquels nos amis psychiatres pourront apporter une aide, un éclairage et des pansements de l’âme. Viviane et la symbolique du couloir : dominance ou appartenance ? Viviane a 57 ans, elle a 2 filles qui, toutes 2, vivent des violences conjugales. L’évocation de ses filles lui fait me révéler un secret enfoui depuis très longtemps. Elle a subi − sa sœur également −, de la part de son beau-père, des viols itératifs entre 13 et 18 ans, presque chaque jour, dans le couloir attenant à la cuisine où sa mère, pendant ce temps, faisait la vaisselle. À 18 ans, elle s’est enfuie de la maison et a été recueillie dans une famille proche et amie. Rapidement enceinte du fils des amis, elle se marie. Sa vie sexuelle demeurera trauma- tisante et, pour cette raison, elle vient de divorcer tout en conservant avec son ex-mari des relations cordiales. Point de vue du gynécologue face à la pédophilie The gynaecologist’s point of view towards paedophilia M. Scheffler* * Gynécologue médicale et endocrino- logue ; Praticien Attaché Consultant au CHU de Nancy ; Présidente du Collège de gynécologie de Lorraine et des régions de l’Est (CGLRE), de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM), et du Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique (CNPGO). Sa mère a eu 7 enfants, 3 d’un premier mariage et 4 avec le beau-père de Viviane. La mère, que je soigne également, m’avait demandé, il y a plus de 15 ans, de l’aider à trouver une solution à l’hyper- sexualité de son mari, car cette situation devenait intenable à l’âge de 70 ans. Elle était sans ressources et il lui était impossible de le quitter. Viviane parle aujourd’hui dans le huis clos de la consultation et sait qu’elle ne guérira jamais. Elle ne pardonnera jamais ni à feu son beau-père, ni à sa mère, qu’elle appelle de temps en temps mais ne rencontre plus. Le lien charnel n’est plus possible. Dans cette famille, dominée par la violence d’une sexualité primaire et compulsive, personne n’a occupé sa place. La mère, par lassitude, honte et jalousie, s’est tue. Les filles soumises ont-elles occupé le terri- toire de leur mère, par sentiment d’appartenance ou par instinct de survie ? Je n’ai pas de réponse non plus au fait qu’elles n’aient pas été enceintes de leur beau-père durant toutes ces années. En fait, 20 % des femmes et 7 % des hommes subissent une agression sexuelle avant l’âge de 18 ans ; les agresseurs appartiennent à toutes les couches de la société et, dans 50 % des cas, les familles sont touchées par l’alcoolisme. Quatre-vingt- dix-huit pour cent des agresseurs sexuels sont des hommes, environ 11 % des viols sont commis par le frère de la victime et 8 % par le beau-père de l’enfant abusé (1-3). Quatre-vingt-dix pour cent des agresseurs sexuels d’enfants ne sont pas condamnés, car 70 % des victimes ne portent pas plainte, et seuls 10 % des plaintes donnent lieu à une procédure judiciaire (1). Margot et l’amour fraternel : le péché originel ? Margot a 40 ans, est mariée et vit heureuse avec le père de ses 3 enfants. Tous 2 vivent depuis l’enfance dans l’aisance de familles bourgeoises, aucun événement majeur n’a troublé leur vie jusque-là.

Point de vue du gynécologue face à la pédophilie · des violences conjugales. L’évocation de ses fi lles lui fait me révéler un secret ... refl ètent une particulière

Embed Size (px)

Citation preview

132 | La Lettre du Psychiatre • Vol. X - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2014

DOSSIERAgressions sexuelles

sur mineurs

Cette part d’obscur et de silence qui entoure la pédophilie concerne tous les acteurs des diffé-rentes scènes que nous pourrions évoquer.

Dans toutes les sociétés et civilisations du monde – la pédophilie est universelle –, les secrets sont lourds, tant pour l’enfant que pour le pédophile, tant pour la mère-compagne que pour la fratrie, tant pour les soignants que pour les juges et les policiers, et ces secrets projettent les acteurs dans un isolement diffi cilement réversible.Le gynécologue sera, le plus souvent, l’observateur tardif d’une situation inextricable, et le témoin attentif, aidant et sécurisant, d’un état de survie, d’une crainte décuplée, d’un mal-être indicible car lui aussi observe le corps, le touche, le palpe et l’exa-mine dans son intimité et, à ce titre, qu’il soit homme ou femme, il se doit de trouver et de conserver sa juste place sans jamais franchir les limites virtuelles de ce que j’appellerais l’inconnu interdit. Quatre situations cliniques, toutes dramatiques, vont conduire à 4 questionnements essentiels dans le cadre desquels nos amis psychiatres pourront apporter une aide, un éclairage et des pansements de l’âme.

Viviane et la symboliquedu couloir : dominanceou appartenance ?

Viviane a 57 ans, elle a 2 fi lles qui, toutes 2, vivent des violences conjugales.L’évocation de ses fi lles lui fait me révéler un secret enfoui depuis très longtemps.Elle a subi − sa sœur également −, de la part de son beau-père, des viols itératifs entre 13 et 18 ans, presque chaque jour, dans le couloir attenant à la cuisine où sa mère, pendant ce temps, faisait la vaisselle. À 18 ans, elle s’est enfuie de la maison et a été recueillie dans une famille proche et amie. Rapidement enceinte du fi ls des amis, elle se marie. Sa vie sexuelle demeurera trauma-tisante et, pour cette raison, elle vient de divorcer tout en conservant avec son ex-mari des relations cordiales.

Point de vue du gynécologue face à la pédophilieThe gynaecologist’s point of view towards paedophil ia

M. Scheffl er*

* Gynécologue médicale et endocrino-logue ; Praticien Attaché Consultant au CHU de Nancy ; Présidente du Collège de gynécologie de Lorraine et des régions de l’Est (CGLRE), de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM), et du Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique (CNPGO).

Sa mère a eu 7 enfants, 3 d’un premier mariage et 4 avec le beau-père de Viviane. La mère, que je soigne également, m’avait demandé, il y a plus de 15 ans, de l’aider à trouver une solution à l’hyper-sexualité de son mari, car cette situation devenait intenable à l’âge de 70 ans. Elle était sans ressources et il lui était impossible de le quitter.Viviane parle aujourd’hui dans le huis clos de la consultation et sait qu’elle ne guérira jamais. Elle ne pardonnera jamais ni à feu son beau-père, ni à sa mère, qu’elle appelle de temps en temps mais ne rencontre plus. Le lien charnel n’est plus possible. Dans cette famille, dominée par la violence d’une sexualité primaire et compulsive, personne n’a occupé sa place. La mère, par lassitude, honte et jalousie, s’est tue. Les fi lles soumises ont-elles occupé le terri-toire de leur mère, par sentiment d’appartenance ou par instinct de survie ? Je n’ai pas de réponse non plus au fait qu’elles n’aient pas été enceintes de leur beau-père durant toutes ces années. En fait, 20 % des femmes et 7 % des hommes subissent une agression sexuelle avant l’âge de 18 ans ; les agresseurs appartiennent à toutes les couches de la société et, dans 50 % des cas, les familles sont touchées par l’alcoolisme. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des agresseurs sexuels sont des hommes, environ 11 % des viols sont commis par le frère de la victime et 8 % par le beau-père de l’enfant abusé (1-3). Quatre-vingt-dix pour cent des agresseurs sexuels d’enfants ne sont pas condamnés, car 70 % des victimes ne portent pas plainte, et seuls 10 % des plaintes donnent lieu à une procédure judiciaire (1).

Margot et l’amour fraternel :le péché originel ?Margot a 40 ans, est mariée et vit heureuse avec le père de ses 3 enfants.Tous 2 vivent depuis l’enfance dans l’aisance de familles bourgeoises, aucun événement majeur n’a troublé leur vie jusque-là.

LPSY-2014_sept.indd 132LPSY-2014_sept.indd 132 14/10/14 12:2114/10/14 12:21

La Lettre du Psychiatre • Vol. X - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2014 | 133

RésuméLe gynécologue est un des dépositaires des actes de pédophilie. Souvent, après plusieurs consultations, la révélation émergera et permettra de sortir du douloureux silence. Le médecin assurera la santé physique de la patiente, avec test de dépistage des infections sexuellement transmissibles, diagnostic de grossesse, contraception d’urgence. La tenue rigoureuse du dossier médical est un outil indispensable pour les procé-dures judiciaires éventuelles. Le rétablissement de la santé psychique et sexuelle sera bien plus long. Il conviendrait surtout d’améliorer la prise en charge des agresseurs en amont de leurs actes d’agression.

Mots-clés GynécologiePédophilieIncesteExamen gynécologique diagnostiqueSignalement

SummaryThe gynaecologist is one of the trustwothy person in case of paedophilia acts. It is often after several medical consul-tations that a revelation of paedophilia emerges, allowing breaking the previous silence. The good clinical practice for doctors will be to take care of the physical health of the patient, in particular diag-nosis and treatment of sexual infectious diseases, pregnancy diagnosis and emergency contraception. Rigorous record keeping of all medical infor-mation is essential for legal purpose. Mental and sexual health will take much more time to recover. It is neces-sary to improve the care of offenders before their sexual assaults.

KeywordsGynaecology

Paedophilia

Incest

Gynaecological examination diagnosis

Report

Je la connais et la soigne depuis presque 10 ans, lorsqu’elle consulte en urgence pour des tests de dépistage. L’effroi s’est emparé d’elle depuis cette journée où, dans la langueur de l’été, elle a ouvert, dans la maison familiale, où chaque année sa belle-famille se plaît à se retrouver, la porte de la chambre d’enfance de son bien-aimé : elle y découvre la rela-tion incestueuse de son mari avec son jeune frère. Ils sont là enlacés, nus, le temps d’un acte d’amour renouvelé, inceste qui a commencé depuis leur adolescence et n’a jamais pu cesser depuis. Margot a divorcé et cache au fond d’elle ce drame dans un fl ou d’hyperactivité.Cette situation nous renvoie à l’origine de l’homme et aux possibles incestes liés à la survivance de l’es-pèce : le fruit défendu qu’Ève a croqué, n’est-il pas plutôt son inceste avec un de ses fi ls ? Et pourquoi existe-t-il tant de situations incestueuses depuis l’aube de l’espèce humaine ?

Profession gynécologue : pourquoi cela s’arrête ?Ce lundi matin, Patrice, gynécologue, dit au revoir à son épouse et ses enfants en leur indiquant que, exceptionnellement, il ne pourra pas rentrer déjeuner car il a une réunion importante ce matin, qui pourrait se prolonger un peu.Lorsqu’il arrive à 8 heures à son cabinet, il fi nalise ses dossiers en cours, lit et signe ses derniers cour-riers, puis regarde longuement les oiseaux s’ébattre librement dans les refl ets du soleil levant sur la large courbe de la rivière. Tout à l’heure, 2 policiers l’ont convoqué pour le conduire au poste dans le cadre d’une garde à vue qui se prolongera sur 2 jours. Pour Patrice, c’est un jour de délivrance, qu’il implore tant son désespoir est grand. Il l’a provoqué sciemment, en multipliant les actes délictueux en tous genres depuis ces derniers mois, car son obsession de sexe, de jeunes femmes désirables et vierges, de possession par le toucher et l’image de ce corps féminin, n’est plus un jeu depuis longtemps mais un véritable combat avec lui-même lorsqu’il se regarde, médecin gynécologue, renommé et respecté de tous ses collègues, mais aussi lui-même avili, bafoué depuis l’enfance par son père. Les barreaux de la prison lui seront nécessaires pour s’isoler, souffrir, pleurer et laisser le temps

se dérouler autrement. Pour nous, ses confrères, la surprise est grande − le secret est levé par les médias −, et nos questions remontent le temps. Qui, quand, comment, pourquoi, depuis quand ? Nous nous questionnons sur cette déviance strictement interdite par notre engagement à ne jamais franchir la limite de l’inconnu interdit.Mais pour Patrice, comme pour tous les pédophiles et hormis le fait de se faire arrêter en fl agrant délit, quels seront les déterminismes de sa décision de fi n ?

Clara boxe : l’appel au secours ?

Clara a 25 ans et souhaite une contraception. Pour celle-ci, elle organisera 3 rendez-vous rapprochés en 6 mois. Son esprit est vif, sa venue est à chaque fois très préparée et j’ai le sentiment avec elle d’être l’observée. Elle est très jolie, corps frêle évocateur d’une anorexie qu’elle ne dément pas mais survole avec un peu d’agacement. Elle vit seule le plus souvent. Sa sexualité est pauvre avec le même partenaire depuis quelques années, qu’elle tient à distance d’elle, volontairement, m’expliquant qu’elle “se mérite”. Clara parle peu et la gravité d’un secret sous-tend toutes les consultations.Secret qu’elle va m’autoriser à découvrir avec parci-monie, successivement, à chaque consultation. Ces quelques hématomes sur son corps sont liés à son entraînement au combat de haut niveau car elle souhaite apprendre à se défendre et, quelquefois, les coups arrivent sur elle. Je la crois et l’encourage dans cette voie de l’autodéfense, mais lui dis que son partenaire devrait savoir arrêter ses coups à temps sans la heurter, que nombre de mes patientes font de la boxe et ne sont que rarement marquées par les coups. Pour elle, ce n’est pas grave, elle a l’habitude et souhaite continuer ce sport qu’elle affectionne et qui la sécurise “en cas de nécessité pour se défendre”…Ces hématomes m’intriguent, car leurs traces visibles refl ètent une particulière violence. Lors de sa dernière consultation, la pose d’un implant contraceptif – et ce choix n’est pas un hasard – était prévue. En quelques secondes, sans me laisser le temps de lui dire que ce n’est pas nécessaire, la patiente se présente nue devant moi. La peau diaphane de son petit corps est couverte d’une multitude d’impacts de coups. Ainsi, Clara vient

LPSY-2014_sept.indd 133LPSY-2014_sept.indd 133 14/10/14 12:2114/10/14 12:21

Je certifi e avoir examiné ce jour : le date (jour de la semaine, mois et année, en toutes lettres), l’enfant ou l’adulte : nom, prénom, nationalité, date de naissance (en toutes lettres), sexe, adresse, heure ; accompagné de (noter s’il s’agit d’une personne majeure ou mineure, indiquer si possible les coordon-nées de la personne et les liens éventuels de parenté avec l’enfant). La personne accom-

pagnatrice nous a dit que : “...”. L’enfant ou l’adulte nous a dit que : “...”.

Examen clinique réalisé en présence de la personne accompagnatrice : Oui/Non. Description du comportement de l’enfant ou de l’adulte victime pendant la consultation.

Description des lésions s’il y a lieu (en noter le siège et les caractéristiques sans préjuger de l’origine).

Encadré. Exemple de certifi cat de signalement sur une ordonnance à en-tête du nom du médecin (cf. également le site Internet du Conseil national de l’ordre des médecins).

134 | La Lettre du Psychiatre • Vol. X - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2014

Point de vue du gynécologue face à la pédophilie

DOSSIERAgressions sexuelles

sur mineurs

me demander de l’aide devant tant d’offenses, qu’elle m’avoue avoir elle-même infl igées à son corps, métho-diquement, car son corps ne mérite que cela, des coups, des blessures pour oublier d’autres douleurs. Son corps souffrance ne peut être aimé ni par elle ni par d’autres personnes et ne peut que porter les violences de la vie, celles que son père lui a infl igées dès sa petite enfance et jusqu’à ses premières règles… Il n’y a d’ailleurs que la douleur qui lui dit qu’elle est en vie. La blessure est immense, irréparable, insoutenable. Je l’appelle ensuite à plusieurs reprises ainsi que son médecin traitant, en insistant pour qu’elle consulte un psychiatre.Je ne reverrai pas cette jeune fi lle. Elle a déposé il y a 3 ans son fardeau chez moi et j’attends qu’elle revienne le chercher. Cet appel au secours, sans secours accepté, est juste une désespérance. J’en suis un des dépositaires, probablement nécessaire à quelques moments de survie, telle une consigne oubliée en gare de départ. Dans cette course à la vie qu’elle a commencée en quittant le foyer familial, Clara sait qu’elle évoluera seule désormais, en quête de quelques points d’ancrage.

Les rôles du gynécologue

Nous l’avons compris au travers de ces exemples, le gynécologue est un des dépositaires des souffrances humaines. Il y est confronté régulièrement, surtout s’il explore la question des violences potentielles, au cours de la vie d’une femme. Cet élément de souffrance pourra être suggéré :

➤ par une demande de contraception précoce et des demandes d’IVG réitérées ;

➤ par une attitude de recul de la femme face à l’examen gynécologique, allant jusqu’à l’impossibilité de s’asseoir sur la table d’examen ;

➤ par des somatisations tels des vulvites, des cystites, des prurits, des douleurs chroniques pelviennes et digestives, sine materia aux examens successifs, dans un contexte d’errance médicale ;

➤ par des plaintes d’ordre sexuel : dyspareunie, anorgasmie, frigidité, compulsion et prostitution ;

➤ par des désordres familiaux et amicaux récurrents ; ➤ par des conduites addictives.

Dans toutes ces situations, il conviendra d´écouter, d’expliquer et de sécuriser la patiente sur les plans physique et psychologique.Certes, nous orienterons la patiente vers une prise en charge psychiatrique adaptée et évoquerons notre soutien au dépôt de plainte, mais nous la sécurise-rons aussi au niveau physique, par un dépistage de grossesse, une contraception d’urgence, un dépistage et une prise en charge des infections sexuellement transmissibles et la délivrance d’incapacités tempo-raires de travail. Dans un contexte d’urgence, le gynécologue ou le médecin d’une unité médicojudiciaire pourra aussi être amené à réaliser un examen clinique après un interrogatoire soigneux selon les recommanda-tions de la Haute Autorité de santé (4). Il délivrera un certifi cat de signalement à l’autorité judiciaire (encadré) et en adressera un double avec accusé de réception au procureur de la République. Une copie sera conservée dans le dossier médical mais ne sera pas un élément du dossier médical.Le dossier sera bien tenu : les propos rapportés seront exacts, les attitudes de la patiente et de son accom-pagnant et les observations cliniques physiques et psychiques y seront colligées, sans apport de juge-ment et en reprenant entre guillemets ce qui a été dit. L’examen clinique sera descriptif avec procédures de prélèvement au niveau oral et génital.

Conclusion

Le gynécologue accompagne et soigne les femmes. Plus que l’interrogatoire, parfois trop abrupt, c’est l’examen clinique et le parcours de vie avec les femmes et leurs pathologies qui conduiront aux révélations les plus intimes.Notre table est aussi un divan où l’approche des blessures physiques réveille de grandes souffrances personnelles et familiales dont la guérison reste très rare. Il est grand temps d’apporter des solutions médicales physiques et psychiques aux hommes responsables de ces actes, et qu’ils soient clairement informés du spécialiste qu’ils doivent consulter. La prison est une solution trop tardive. ■

M. Scheffl er déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

LPSY-2014_sept.indd 134LPSY-2014_sept.indd 134 14/10/14 12:2114/10/14 12:21

La Lettre du Psychiatre • Vol. X - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2014 | 135

DOSSIERAgressions sexuelles sur mineurs

1. Estrosi C. Rapport de la mission parlementaire, 2007 : faut-il ériger l’inceste en infraction spécifi que ? Paris : La Documentation française.2. Association Le soleil blanc.3. CRIFIP. Centre de recherches internationales et de formation sur l’inceste et la pédocriminalite. http://www.crifi p.com/s-informer/les-chiffres/statistiques-chiffres.html//4. Recommandations HAS : Repérage et signalement de l’inceste par les médecins : reconnaître les maltraitances sexuelles intrafamiliales chez le mineur, mai 2011. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2011-06/maltraitance_sexuelle_recomman-dations_2011-06-30_11-12-0_519.pdf

Permanences téléphoniques nationales

» Allô enfance maltraitée : 119 ou 08 00 05 41 41 – http://www.allo119.gouv.fr – anonyme et gratuit.

» Inavem - 08 victimes : 08 84 28 46 37 – http://www.inavem.org (7 j/7 de 9 h à 21 h : aide aux victimes) – Courriel : [email protected] – INAVEM, plate-forme téléphonique d’aide aux victimes, BP 48, 93501 Pantin Cedex.

» Enfance et partage : 08 00 05 12 34. Du lundi au vendredi de 9 h à 19 h et le samedi de 10 h à 18 h

Références bibliographiques Pour en savoir plus...

24 textes fondateurs de la psychiatriede M. Masson

introduits et commentés par la Société médico-psychologique

Éditions Armand Colin, coll. Bibliothèque des classiques - 384 pages, 23,5 × 15,2 cm

Cet ouvrage rassemble des textes majeurs de la psychiatrie introduits et commentés à la lumièredes connaissances actuelles par les meilleurs spécialistes français de chaque domaine. Les 20 textes choisis

constituent pour la plupart des premières mondiales de descriptions cliniques et leurs auteurs sontinternationalement reconnus comme des pionniers de la psychiatrie.

Ce livre est destiné aux professionnels de la santé mentale, psychiatres, psychologuesmais aussi aux étudiants et aux chercheurs.

Les troubles bipolaires de M.L. Bourgeois, C. Gay, C. Henry et M. MassonÉditions Lavoisier, coll. Psychiatrie - Broché, 620 pages, 17 × 24 cmLa connaissance de la maladie bipolaire avance : on en comprend mieux les mécanismesphysiopathologiques et sa prise en charge thérapeutique s’améliore.Cela permet d’espérer une plus grande précision de l’évaluation diagnostique et une personnalisationde la prise en charge. Un traité faisant état des connaissances actuelles devenait donc nécessairepour les professionnels de santé francophones, qu’ils soient psychiatres, psychologues, médecins ou étudiants. Riche de 90 tableaux et schémas explicatifs et d’un index détaillé, cet ouvrage offre un panorama completsur les plans conceptuel, épidémiologique, clinique, nosographique, physiopathologique et thérapeutique.

Les auteurs, reconnus pour leur expertise et leur expérience, ont travaillé sous la directionde M.L. Bourgeois (professeur des universités, Bordeaux), C. Gay (psychiatre, clinique du château de Garches), C. Henry (professeur des universités, praticien hospitalier, service de psychiatrie, hôpital Albert-Chenevrier, CHU de Créteil) et M. Masson (psychiatre, secrétaire général de la Société médico-psychologique de Paris ; clinique du château de Garches).

LPSY-2014_sept.indd 135LPSY-2014_sept.indd 135 14/10/14 12:2114/10/14 12:21