14
Droits d'auteur © Fasal Kanouté, Justine Gosselin-Gagné, Rajae Guennouni Hass et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 24 mai 2020 04:12 Alterstice Revue internationale de la recherche interculturelle International Journal of Intercultural Research Revista International de la Investigacion Intercultural Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur leur expérience socioscolaire en contexte montréalais défavorisé Fasal Kanouté, Justine Gosselin-Gagné, Rajae Guennouni Hassani et Christine Girard Prendre en compte la diversité à l’école Volume 6, numéro 1, 2016 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1038275ar DOI : https://doi.org/10.7202/1038275ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Alterstice ISSN 1923-919X (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Kanouté, F., Gosselin-Gagné, J., Guennouni Hassani, R. & Girard, C. (2016). Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur leur expérience socioscolaire en contexte montréalais défavorisé. Alterstice, 6 (1), 13–25. https://doi.org/10.7202/1038275ar Résumé de l'article Notre étude porte sur les regards croisés de différents protagonistes autour de l’expérience scolaire d’élèves issus de l’immigration dans des environnements scolaires qui conjuguent immigration récente et défavorisation. Cet article partage les données relatives au discours des élèves. Ces derniers témoignent de manière complexe de leur identification ethnoculturelle et de leur appréhension générale de l’altérité ethnoculturelle dans leur réseau des pairs. Ils soulignent les défis rencontrés dans l’appropriation du français mais aussi d’autres facteurs qui constituent des tuteurs de résilience scolaire, notamment l’utilisation des ressources mobilisées par les organismes communautaires.

Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Droits d'auteur © Fasal Kanouté, Justine Gosselin-Gagné, Rajae Guennouni Hasset Christine Girard, 2016

Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 24 mai 2020 04:12

AltersticeRevue internationale de la recherche interculturelleInternational Journal of Intercultural ResearchRevista International de la Investigacion Intercultural

Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur leurexpérience socioscolaire en contexte montréalais défavoriséFasal Kanouté, Justine Gosselin-Gagné, Rajae Guennouni Hassani et ChristineGirard

Prendre en compte la diversité à l’écoleVolume 6, numéro 1, 2016

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1038275arDOI : https://doi.org/10.7202/1038275ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Alterstice

ISSN1923-919X (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleKanouté, F., Gosselin-Gagné, J., Guennouni Hassani, R. & Girard, C. (2016).Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur leur expérience socioscolaireen contexte montréalais défavorisé. Alterstice, 6 (1), 13–25.https://doi.org/10.7202/1038275ar

Résumé de l'articleNotre étude porte sur les regards croisés de différents protagonistes autour del’expérience scolaire d’élèves issus de l’immigration dans des environnementsscolaires qui conjuguent immigration récente et défavorisation. Cet articlepartage les données relatives au discours des élèves. Ces derniers témoignentde manière complexe de leur identification ethnoculturelle et de leurappréhension générale de l’altérité ethnoculturelle dans leur réseau des pairs.Ils soulignent les défis rencontrés dans l’appropriation du français mais aussid’autres facteurs qui constituent des tuteurs de résilience scolaire, notammentl’utilisation des ressources mobilisées par les organismes communautaires.

Page 2: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

ARTICLETHÉMATIQUE

Pointsdevued’élèvesissusdel’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavoriséFasalKanouté1,JustineGosselin-Gagné1,RajaeGuennouniHassani1etChristineGirard1

Résumé

Notreétudeportesurlesregardscroisésdedifférentsprotagonistesautourdel’expériencescolaired’élèvesissusde l’immigration dans des environnements scolaires qui conjuguent immigration récente et défavorisation. Cetarticlepartagelesdonnéesrelativesaudiscoursdesélèves.Cesdernierstémoignentdemanièrecomplexedeleuridentificationethnoculturelleetde leurappréhensiongénéralede l’altéritéethnoculturelledans leur réseaudespairs.Ilssoulignentlesdéfisrencontrésdansl’appropriationdufrançaismaisaussid’autresfacteursquiconstituentdes tuteurs de résilience scolaire, notamment l’utilisation des ressources mobilisées par les organismescommunautaires.

Rattachementdesauteures1UniversitédeMontréal,Montréal,Canada

Correspondance

[email protected]

Motsclésélèves,immigration,défavorisation,expériencesocioscolaire,intégration

Pourcitercetarticle

Kanouté, F., Gosselin-Gagné, J., Guennouni Hassani, R. et Girard, C. (2016). Points de vue d’élèves issus del’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavorisé.Alterstice,6(1),13-25.

Page 3: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

FasalKanouté,JustineGosselin-Gagné,RajaeGuennouniHassanietChristineGirard

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

14

Introduction

Selon leministère de l’Immigration, de laDiversité et de l’Inclusion (MIDI, 2015), leQuébec a accueilli en 201450275immigrants.Parmilesimmigrantsadmisentre2004et2013,59,3%résident,enjanvier2015,danslarégionadministrative de Montréal. Même si la diversité socioculturelle et ethnique de la société est une donnéestructurellequin’estpasseulementlefruitdel’immigrationrécente,cettedernièreycontribueparl’hétérogénéitédeplusenplusgrandedelaprovenancedesimmigrants.

L’école étant la plus importante institution à accueillir les enfants et les jeunes de la société, elle reflète cettediversitésocioculturelleetethnique,notammentsurl’îledeMontréal.LeComitédegestiondelataxescolairedel’îledeMontréal(CGTSIM)quantifieparexemplelaprésencedesélèvesdits«issusdel’immigrationrécente»endéfinissanttroiscatégories.Ainsi,àlarentréescolaire2014,prèsde62%desélèvesdel’enseignementprimaireetsecondaireduréseauscolairepublicdel’îledeMontréalsontdesélèvesissusdel’immigrationrécente:22,4%delapopulationscolaireestconstituéed’élèvesdepremièregénération,nésàl’étrangerdeparentsnésàl’étranger,28,9%d’élèvesnésauQuébecdeparentsnésàl’étrangeret10,9%d’élèvesnésauQuébecavecunseulparentnéàl’étranger(CGTSIM,2015).Onpeutlégitimementsequestionnerlescritèresquibalisentladéfinitiond’unprofilaussihétérogènequeceluiélèvesissusdel’immigrationrécente,carilestloind’êtreévident,demanièregénérale,de mesurer la présence des minorités ethnoculturelles (Landes, 2011), qu’elles soient issues ou non del’immigration.Lesélèvesimmigrantsdepremièregénération,auxquelsnousnousintéressonsici,représententprèsd’unélèvesur4danslestroiscommissionsscolairesfrancophonesdeMontréal,et leurstroisprincipauxpaysdenaissancesont l’Algérie,Haïtiet leMaroc.Unconstatperdureaufildesansàtravers le«portraitsocioculturel»des écoles que le CGTSIM fait chaque année: plus l’immigration familiale est récente, plus les élèves sontsusceptibles de résider dans une zone défavorisée (CGTSIM, 2015). Par exemple, en 2014, 54,1% des élèvesimmigrantsdepremièregénérationrésidentdansunezonedecetype,cequin’estlecasquede21,3%desélèvesnés au Québec de parents nés au Québec. Dans ce contexte, l’objectif général de notre étude – dont nous nerendonscomptequed’unepartiedesrésultatsdanscetarticle–portesur lesconditionsdepriseenchargedesbesoinsdesélèvesissusdel’immigrationrécentedansdescontextesscolairesfaisantfaceauxeffetscombinésdel’immigrationrécenteetdeladéfavorisation.

Lesdonnéesglobalesdecetteétudeontétérecueilliesen2010,avecdesobjectifsspécifiquesderecherchequantàladescriptionetàl’analyse:

1. du point de vue de parents et d’élèves sur l’expérience socioscolaire de ces derniers et la prise en chargeintégréedeleursbesoinsparl’écoleetlacommunauté,

2. dupointdevued’acteursscolairessurcesbesoinsetleurpriseencharge,

3. dupoint de vued’organismes et depersonnels non scolaires sur l’arrimagede leur intervention à celle del’école,

4. del’articulationdesdifférenteslogiquesd’interventionautourdecettepriseencharge.

Cetarticlerenduniquementcomptedupointdevuedesélèves.Lesautresdonnéesde l’étudeontdonné lieuàunepremière publication croisant les regards de parents et d’intervenants communautaires (Kanouté, Charette,André,RachédietRahm,2014)etàunedeuxièmeportantsurlepointdevued’acteursscolairesetd’intervenantscommunautaires (Kanouté, Lavoie, Guennouni et Charette, 2016). Dans la section qui suit, nous fournissons unaperçu de l’actualisation de la problématisation des défis auxquels font face les élèves issus de l’immigrationrécenteetleurfamille.

Lesenjeuxdel’interventionencontextescolairepluriethniqueetdéfavorisé

Ladéfavorisationrendcomptedediversesformesdeprivationmatérielle,etsonétudeintègreégalementl’analysedecelles-cientermesd’inégalitéssociales,dedistributiondéséquilibréedesressourcescollectivesetd’asymétriedepouvoir(Glennerster,2002;Kanouté,2007a).Laprévalencedu«faiblerevenu»,unautreindicateurquipermetd’appréhender partiellement la défavorisation, est ainsi plus élevée dans les grands centres urbains comme

Page 4: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Pointsdevued’élèvesissusdel’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavorisé

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

15

Montréal. La précarité est un autre levier de compréhension de la dynamique de la défavorisation. Selon leTroisièmerapportnationalsurl’étatdesantédelapopulationduQuébecde2007,ainsiquel’Enquêtecanadiennesurlebien-êtreéconomiquede2013,leseffetsdelaprécaritétouchentlelogement,l’employabilité,lesentimentd’appartenanceàsonmilieu,l’exercicedelaparentalité,le(non)rapportauxinstitutions,unaccèsdequalité(ounon)àdesservicesessentiels,lasatisfactiondediversbesoinsauquotidien,etc.Ilvasansdirequeleseffetsinduitspar un tel contexte affectent l’expérience scolaire de l’élève, d’autant plus que la culture scolaire est souventdécrite comme étantmoins sensible non seulement à ces effets, mais aussi aux spécificités qui relèvent d’unecertaine différence desmilieux défavorisés sans que soit perceptible une quelconque déficience (Millet et Thin,2005;VatzLaaroussi,1996).

Les élèves issus de l’immigration récente et leurs familles sont aussi susceptibles de faire face, en général, àplusieursdéfisd’acculturationàlasociétéd’accueil,enparticulieràunenouvelleécole(KanoutéetLafortune,2011et2014).L’acculturationestunprocessusglobald’adaptationpsychologiqueetsocioculturelle,pourunindividuouun groupe, au contact d’une ou de cultures autres que sa culture de première socialisation (Amin, 2012; Berry,2005;Kanouté2002).Ilfautpréciserquelesdéfisd’acculturationneseposentpasseulementauximmigrantsdepremièregénération:ilspeuventperdurerpourladeuxièmegénération,voirelatroisièmegénération,notammentà caused’unedynamiquede stigmatisation-discrimination systémiqueoud’un choixdeprofil d’acculturationde«séparation»oude«marginalisation» (Berry,2005).Dans l’étudedes rapports intergroupes,notammentde lasituationdesminoritésencontextemigratoire,leconceptd’identitéethnoculturelleesttrèsutilisé.Selonplusieursauteurs(Abou,2000;Martiniello,1995;Meintel,1993),cettedernièreconsisteenuneidentitécollectivequiréfèreà l’identification à un groupe sur la base d’une communalisation de divers éléments, dont l’agrégat dépend dedifférents contextes: histoire, ascendance, modèles culturels, langue, religion, territoire, intérêts économico-politiques,expériencessociales,etc.SelonAmin,PoussinetMartinez (2008), l’auto-identificationethnoculturellechezdesjeunesissusdel’immigration,dansuneétudeayantpourcontextelaFrance,faitréférenceàl’utilisationde«signifiantsethniques,nationauxetreligieuxpropresàlacultured’originedeleursparentspoursedéfinir»etlaprévalencedecetteauto-identificationseraitcorréléeausentimentd’exclusionressenti.

Les élèves issus de l’immigration récente vivant en contexte de défavorisation subissent les contrecoups d’uncumul de difficultés dans les conditions d’établissement de leur famille au sein de la société d’accueil. SelonBoudarbatetGrenier(2014,p.177),«lesimmigrantssontsurreprésentésparmilestravailleurspauvrestitulairesd’un diplôme universitaire. La protection qu’offre la scolarité contre le risque de faible revenu est doncmoinsbonne pour les immigrants que pour les natifs». Ainsi, les parents immigrants instruits, qui font face auphénomènededéclassement social vécu à leur arrivée et dont plusieurs vivent dans unquartier dit défavorisé,peuventsoitavoirdespratiquesdesuiviscolaireconformesauxattentesparrapportàleurcapitalhumain,soitsedémobiliser à cause de la frustration ressentie dans un cadre général de stress d’acculturation (Chen, Smith etMustard,2010).Ilyaaussidesparentsquidemeurentextrêmementdistantsvis-à-visdel’école(Hohl,1996),carilssont sous-scolarisés ou ont eu un parcoursmigratoire hautement traumatique. Pour des parents allophones nemaîtrisant pas la langue d’enseignement, le suivi scolaire de l’enfant et la communication avec l’école peuvents’avérerdifficiles,surtoutsicettedernièrenedisposepasderessourcespourfairelamédiationaveceuxouestpeudisposée à envisager l’utilisation d’autres langues de communication avec les familles (Kanouté, Vatz Laroussi,RachédietTchimouDoffouchi,2008).

Certains élèves immigrants, maîtrisant suffisamment le français et n’éprouvant pas de difficultés notablesd’apprentissage,fontquandmêmefaceàuncertaindéfidansledécodagedecequelaformescolairequébécoisea de spécifique. Certains élèves issus de l’immigration récente sont confrontés à l’épreuve que constituel’apprentissageaccélérédufrançais,langued’enseignementdansleurécoleetlangueprincipaledelaviepubliquedanslasociété.Onretrouvecesderniersdanslesclassesd’accueil,dumoinsàMontréal.Destémoignagesd’élèvesetd’enseignantsdecesclasses(Kanoutéetcoll.,2008)révèlentlanécessitédetenircomptedeladéstabilisationidentitairevécueparlesélèvesetdelafrustrationànepaspouvoiractualiserenfrançaislessavoirsscolairestrèsbienacquisdansuneautrelangue.Ilyaégalementlecasd’élèvesimmigrantsen«situationderetardscolaire»,àcause, entre autres, d’une scolarité interrompue par la violence et par des trajectoires migratoires chaotiques(Armand,Rousseau,LoryetMachouf,2011).Presquetouslesélèvesimmigrantsfontfaceàuncertaindeuild’unensemblederepèreshumains,physiquesetsymboliques(Papazian-Zohrabian,2013).

Page 5: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

FasalKanouté,JustineGosselin-Gagné,RajaeGuennouniHassanietChristineGirard

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

16

Les relations interethniques à l’école en général, ou plus spécifiquement les interactions sociales entre pairs encontexte scolaire pluriethnique, ont fait l’objet de plusieurs études. Lafortune et Kanouté (2007) ont illustré lasituation des élèves d’origine haïtienne, dont plusieurs font l’expérience dans leurs parcours scolaires d’écueilsdivers résultant d’une action systémique institutionnelle qui les discrimine: procédure d’évaluation injuste ouprévalence de préjugés de la part des acteurs scolaires. Duong et Kanouté (2007), utilisant l’approchesociométrique,ontdocumentéla«clanisation»duréseaurelationneldansdesclassespluriethniquesàMontréal.Seloncesauteures,s’iln’yapaslieudevouloirsystématiquementdémantelerles«clans»quiseformentenclasseselon le sexe ou l’origine ethnoculturelle et linguistique des élèves, il est important que l’enseignant veille à larégulation des interactions sociales afin de faire bénéficier le groupe de la richesse sociocognitive de la mixité(Cohen,1994).UnimportantrapportconjointduConseilnationaldel’évaluationdusystèmescolairedelaFrance(CNESCO) et du Conseil supérieur de l’éducation du Québec (CSE) a traité de la question générale de lamixitésocialeà l’école.Unede ses recommandationsporte spécifiquement sur lanécessitéd’«améliorer les relationsintergroupesdans les classeset lesétablissements» (CNESCO-CSE,2015,p.60).Nouspensonsqu’il yauneffetprotecteuràcequel’élèvenesoitpastoujoursàl’écoledansunréseaurelationnelmonoethnique.

LesdéfisquenousvenonsdeprésentersontpluscomplexesdanslesgrandscentresurbainscommeMontréal,oùs’installent la majorité des familles immigrantes. Dans ces contextes, les écoles ne peuvent se passer de lacollaborationaveclesressourcesdescommunautésd’appartenancedesélèvesetdeleursfamilles,oudumoinsdeprendreactedeleurfréquentationparcesderniers.Iln’yapasdedéfinitionunivoquede«communauté»,maisnous pouvons les définir comme des «territoires de proximité» (Dansereau et Germain, 2002; Vallet, 2005),physiques ou virtuels arpentés par les individus et groupes sociaux à la recherchede ressources coordonnées àleurs besoins divers. Selon Lareau (2003), les ressources communautaires sont nécessaires pour compléter lasocialisationdel’enfant,surtoutsilafamillevituncumuldevulnérabilitéssociales,dûàlaprécaritéouauxeffetsde l’immigrationrécente.Parexemple, lesactivités ludiquesousportivesauxquellessont inscrits lesenfants leurfont vivre des interactions sociales diversifiées avec d’autres adultes «significatifs», ce qui leur permet de sesocialiserstratégiquementauxcodessociaux«quicomptent»poursefaireuneplacedanslasociété.

AuQuébec,l’organismecommunautaireestuneressourceemblématiquedecettecommunauté,avecdesobjectifsd’aide à l’actualisation du capital humain et social des familles (alimentation, logement, recherche d’emploi), àl’émergence d’une citoyenneté inclusive dans les quartiers (Ninacs, 2008; Vatz Laaroussi, Kanouté et Rachédi,2008),à l’améliorationdelasituationsocioscolairedesjeunes(Kanoutéetcoll.,2014).Pourl’élèveimmigrant, lemilieu communautaire est une ressource complémentaire pour fixer les apprentissages scolaires,mais aussi unespacedesocialisationpourseretrouveretapprivoiserlasociétéd’accueil(Kanoutéetcoll.,2014;Rahm,2007).

Approcheméthodologique

Aprèscettesynthèseactualiséede larecensiondesécritsquia inspirénotreétude,nousprésentonsbrièvementnotre approcheméthodologique, qui a guidé la cueillette et l’analyse de nos données. Nous considérons qu’unenvironnementscolaireestconstituéd’uneécoleetd’unoudeplusieursorganismescommunautairessituéssurleterritoirequ’elledessertetdontlesservicessontutilisésparlesélèvesetleursfamilles.Nousavonsoptépouruneapprochecompréhensiveetqualitative(Yin,2003),avecunéchantillonnonprobabiliste,ainsiquepourl’entrevuesemi-dirigée comme outil de collecte de données. Les trois environnements scolaires ciblés (M1,M3,M9) sontautourd’écolesprimaires francophones conjuguantdéfavorisationetprésence significativede familles issuesdel’immigration.

Mêmesinousavonsautotalrencontré31duosparent-élève,unélèveseul,10acteursscolaireset7intervenantscommunautaires,lesrésultatsdiscutésdanscetarticleneconcernentquelediscoursdes32jeunes(J)desmilieuxM1 (J1 à J10), M3 (J1 à J13) et M9 (J1 à J8 et J11)1. Nous avons obtenu l’autorisation des parents avant derencontrerleursenfants.Lesentrevuessesontdérouléesdanslesécoles,chezlesfamillesoudansleslocauxdesorganismes communautaires, à la convenance des parents. La grille d’entrevue avec les élèves a été construite

1LesdonnéesconcernantlesjeunesJ9etJ10dumilieuM9ontétésuppriméesaprèstranscriptionetcodification,àlasuitedudésistementdesparents.

Page 6: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Pointsdevued’élèvesissusdel’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavorisé

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

17

autourdesgrandesdimensionssuivantes:profilsociodémographiqueetparcoursmigratoire,vécusocioscolaireetsuiviparentaletenfinviedequartier.Lesentrevuessesontdérouléesenfrançaisetontétéenregistrées.

Aumoment des entrevues, les 32 élèves (19 filles et 13 garçons) que nous avons rencontrés sont âgés de 8 à16ans:8-9ans(7),10-11ans(11),12ans(10),13-14ans(3)et16ans(1).Ilssontimmigrésdepremière(22)oudedeuxième (10) génération. Ceux de première génération sont nés dans les pays suivants: Haïti (4), Algérie (4),Mexique(3),Tunisie(3),Cameroun(2),Moldavie(2),Colombie(1), ÎleMaurice(1),Nigéria(1),Roumanie(1).Lesjeunesquiontcommencél’écoledansleurpaysd’originesontaunombrede19,dont16ontfréquentélaclassed’accueilàleurarrivéedanslesystèmescolairequébécois.Lesélèvesduprimairesontaunombrede28etceuxdusecondairede4.Eneffet,mêmesil’étudeavisédesenvironnementsscolairesautourd’écolesprimaires,certainesfamillesontsuggérélaparticipationdemembresdelafratrieauprimaireetausecondaire.Aprèsretranscriptiondes entrevues et codage des données, nous avons procédé à une analyse de contenu thématique (Blanchet etGotman,2001).Nousprésentons ici lesrésultatsportantsur lepointdevuedesélèvesenutilisant lesrubriquessuivantes,abordéesdans laproblématisationprécédenteetrelativesà l’expériencesocioscolairedesélèves issusde l’immigration récente: la déclinaison identitaire, le rapport au français et aux matières enseignées, le suiviscolaire par les parents et le projet scolaire et enfin la vie dans le quartier et la communauté. Résultats etdiscussionsontprésentéssimultanémentpourenfaciliterlalecture.

Déclinaisonidentitaire

Au tout début des entrevues avec les jeunes, nous avons voulu savoir comment les élèves définissaient leuridentité,aveclaquestionlamoinsprescriptivepossible:«Quies-tu?».«Jenesaispas»représenteprèsduquartdes réponses à cette question. Ceux qui ont répondu se définissent en fonction de leur âge, leurs goûts, leursloisirs,leursqualitésetdéfauts,leurtempérament,l’écolequ’ilsfréquentent,leurniveauscolaire,etc.

J’aime la couleurbleu, j’aimedanser. J’ai4 sœurs,pasde frère. J’aimepas les cantaloupset lespersonnesqui sont tropattachantesparcequec’esténervant,mais j’aime lesmelonsd’eau. Je suisdeuxièmedema famille. Je suisen6eannée.(M1J4-12ans)

Jesuisune fillequiaimefairerireetquiaimefairesortir leschosespositivesdespersonnes.Moi, j’adoreaideret j’aimedonnerdes conseils. J’adoredessiner […]Moi, je suis une fille très pacifiqueet unpeumature. J’aimem’exprimer àmamanière.Jepeuxdirequejesuisunpeupacifiqueetheureuse.Jesuistrèspositive.(M3J2-12ans)

Jesuisungarçon.J’aimejoueràdesjeuxvidéo,parleravecdesamis.Onparle,onfaitdesblagues,onvaaucinéma.J’aimelescomédiesetlesfilmsquifontpeur.(M9J6-14ans)

Nousétions curieusesde laplacede l’identitéethnoculturelledans ladéclinaison identitairedéveloppéepar lesélèves. Peu de réponses vont dans ce sens. Nous notons que, dans ces réponses, les dimensions relatives àl’ethnicitéetàlaculturecôtoientd’autresmarqueursidentitaires.

Jecomprendsunpeulecréole,maisjeneparlepas.Jepensequejeparleraiunjour.(M1J5-12ans)

JeviensduMexique,deLaguna.Jesuisnélà-basetaprès,jesuisalléàJuarezetj’aihabitélàjusqu’à8ans.(M3J6-9ans)

Jesuisuneenfantde8ans,jesuisbruneetjesuisgrandedetaille.J’aiunepeaumélangéeavecdubrun.(M9J3-8ans)

Nousavonsvouluretracerunecertainedéclinaisondel’identitéethnoculturelleàtraverslesréponsesauxautresquestionsdel’entrevue.Interrogéssur«leursami(e)sàl’école»,certainsélèvesparlentexplicitementdel’altéritéethnoculturelle.L’animationdesentrevuesayantétéfaitepardespersonnesdifférentes,ilsepeutqueleprocédéderelance-explicitationdesquestionssurl’amitiéaitproduitceteffetconstaté.Cependant,mêmedanscecas,laforme des réponses et le bref argumentaire sur ce qui fonde l’amitié en question laissent penser que lesinformations sur l’origineethnoculturelledespairs sont accessiblesdans le réseau relationnel desélèveset quecelle-ciestsouventinvoquéedemanièrecomplexe,nonsimpliste.

Page 7: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

FasalKanouté,JustineGosselin-Gagné,RajaeGuennouniHassanietChristineGirard

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

18

Il y a des Chinois qui traînent avec des Chinois, mais moi, je suis pas comme ça. […] Je parle aux Cambodgiens, auxPhilippinos…IlyaunLatinoquiestdansmaclasseetilestvraimentsupersympa.IlyalesHaïtiens,lesJamaïcaines…(M9J8-14ans).

J’ai3amies:ArianevientduQuébec,LisaduNicaraguaetMélissaduQuébec.Ellessonttoujourslàpourmoi,sij’aibesoind’aidejepeuxcomptersurelles.(M1J3-12ans)

L’analyseducorpusarévéléquelesenjeuxdedéfinitionidentitairesontégalementprésentsdanslesréponsesàuneautrequestionsur«lesdifférentsendroits fréquentés/aiméspar lesélèvesdans leurquartier».Lamajoritédesélèvesmentionnentun lieudeculte (égliseoumosquée).Nousnesavonspasdansquellemesure lesélèvessontlibresounondefréquenterceslieuxdeculte.Cependant,d’aprèslesdéveloppementssurlesbénéficesd’unetelle fréquentation par les élèves, nous pouvons conclure, de manière prudente, que l’appartenance religieusesemblefairepartiedeladéclinaisonidentitairedecesélèves,quoiqueselonuneimportancedifficileàcerner.

Commejesuiscatholique,j’écouteunpeulaparoledeDieu,maisonparleplusdequ’est-cequ’onafaitaujourd’hui,est-cequ’onaunproblème.Onestplusieursjeunesensembleetonparledeça,maisc’esttoutenespagnol.J’aimeyallerparcequejepeuxexpliquercommentjemesens,sijemesenstriste[…]etilsmedonnentdesconseils.(M3J2-12ans)

Lerapportaufrançaisetauxautresmatièresenseignées

Questionnéssurcequ’ilsaimentleplusoulemoinsapprendreetfaireàl’écoleouenclasse,lesélèvesontabordétouteslesmatièresenseignées,sionseréfèreàlaprésencedecesdernièresdanslesréponsesauxdeuxtypesdequestion. Ainsi, ils nous ont parlé de leur rapport auxmathématiques, à l’éducation physique, à l’histoire, à lagéographie,auxsciences,auxarts,etc.

J’aimebeaucoup lagéographie, l’histoireet lesmathématiques, je crois, c’est tout.Mais j’aimemieux l’histoire, j’aiaimél’histoiresurl’AfriqueduSud,surtoutlorsqu’onparledel’apartheid.(M1J1-12ans)

J’aimelessciences,jenesaispastellementpourquoi.Maisensciences,onfaitpleind’expériences.Onapprenddenouvelleschoses[…].J’aiaussiappriscommentseformelecerveaudubébé.(M1J5-12ans)

Parcequelefrançaisestlalangued’enseignementetlalangueofficielleduQuébec,unelangueaucœurdesenjeuxd’intégrationdesimmigrants,nousavonsvouluanalyserdeprèslediscoursdesjeunesàproposdufrançaiscommeobjetd’apprentissage.Grâceàdiversmotsclés(français,grammaire,écriture, lecture,orthographe,etc.,et leursvariantes)appliquésànotrecorpus,nousavonsconstatéqu’unemajoritédejeunessesontprononcésàcesujet,certains expliquant pourquoi ils aiment apprendre le français et d’autres témoignant des défis relatifs à sonapprentissage.

Pourcequiestdes langues lesplusutiliséesà lamaison,tousmentionnent le françaisou lacombinaison languematernelle-français. Si nous prenons le cas de l’élèveM3J4, il a débuté son expérience scolaire auMaghreb, afréquentélaclassed’accueiletditparlerarabeetfrançaisàlamaison.Ilsemblevivreuneexpériencepositivedanssonprocessusd’appropriationde la languesecondequeconstituepour lui le français,àtraversdifférents leviersmotivationnels: découvrir (des verbes,desmots), trouverdu sens (additionner, chanter), partagerunprocessusd’acculturationlinguistiqueavecunmembredelafamille.L’élèveM1J7estquantàellenéeenHaïti,yacommencésascolaritéetn’apas fréquenté laclassed’accueilauQuébec.Sondiscours fait ressortird’unecertainemanièredesenjeuxpolitico-identitaires,maissurtout lestatutdelangued’enseignementdufrançais: lamaîtriserpermetdemieuxréussirdanslesautresmatières.

J’aiapprisàconjuguerdesverbes…pleindeverbesquejenesavaispasquandj’étaisenAlgérie.J’aiapprisàbienparlerenfrançaisetpasfairedeserreurs.J’aiapprisàchanter,àadditionner…Quandj’apprendsbeaucoup,après,quandjereviensàlamaison,çavaimpressionnermamère:sielleneconnaîtpasunverbe,jeluiexpliquec’estquoi.(M3J4-10ans)

[…] le français, parce qu’au Canada on parle français. Je connais beaucoup de choses sur le français. La lecture, […] lesdevoirsqu’ondonneenclasseenmathématiquessontenfrançais.(M1J7-10ans)

Page 8: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Pointsdevued’élèvesissusdel’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavorisé

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

19

Uneminoritéd’élèves,auprofilhétérogène(générationd’immigration,passageenclassed’accueil,languesparléesà lamaison),ditmoinsaimerapprendrelefrançais.Parmi lesextraitstranscritsci-dessous,celuidel’élèveM1J3,quiestnéhorsCanadaetquin’apasfréquentélaclassed’accueil,metl’accentsurcequisembleêtreunedifficultéintrinsèquedansl’apprentissagedufrançais:lagrammaire.L’élèveM9J6,quiestenclassed’accueil,soulignelefaitquel’approchepédagogiquedel’enseignementdufrançaisnelemotivepas.LesélèvesM1J5,M9J7etM9J8sonttous nés au Canada et font un lien explicite avec le fait que le français n’est pas leur langue maternelle pourexpliquerleursdifficultésd’apprentissage.

C’esttoujourscompliquéengrammaire[…]parcequ’ilyatoujoursdesexceptionspartoutengrammaire.Puisilfautquetulesapprennesparcœur.(M1J3-12ans)

[…]lecoursdefrançais,parcequec’estplate.Onfaittoujourslamêmechoseetl’enseignantparletoujours.Onfaitrien,iln’yarienquimemetaudéfi.(M9J6-14ans)

[…] lefrançais.Jetrouvequec’estunelanguetrèsdifficilepourmoi.Lapremièrelanguequej’aipratiquée,depuisquejesuispetite,c’estl’anglais.(M9J7-13ans)

Évidemment,lesdéfisdanslamaîtrisedufrançaisrevêtentuncaractèrespécialpourlesélèvesquisontpassésparlesclassesd’accueil.Leurprofilesthétérogènetantdupointdevuede leurcompétenceenfrançaisquede leurniveau de maîtrise de leur première langue d’apprentissage (qui n’est pas toujours leur langue maternelle) etd’autres matières dans cette langue. Il y a d’abord cette impression, que ressentent des élèves de la classed’accueil,deperted’acquisdeformation,de«recommenceràzéro».D’autresconjuguentensuitecesdéfisavecladéstabilisationrelativeàladécouverted’unformatdeprogrammeplusoumoinsdifférent,déstabilisationquipeutêtre vécue aussi par des élèves francophones immigrants. Malgré tout, les élèves que nous avons rencontréstrouventglobalementpositivel’expériencedelaclassed’accueil.

J’aiapprisàécrire le françaiset lesmots.Maintenant, j’aiencorebeaucoupdeproblèmesparceque jeneparlepasà lamaison.Jecommenceàoublierleshomophones.(M3J6-9ans)

J’apprendsàlireetàécrire,lesverbesetlesmathsenfrançaisparcequelà-bas,c’estpaslamêmechosequ’ici.Quandtufais lesdivisions,cen’estpaslamêmefaçondefaire…fairedesadditionsetdesdivisions; jenesaispas,c’étaitdifférent.(M3J7-9ans)

Oui,j’étaisàlaclassed’accueil;ilsdisaientquejenesavaispasbienlire.Çaallaitbien,maisjenesavaispaslire.Jen’aipasbeaucoupaiméçaparcequ’elle[saprofesseure]criaitsurmoi.(M9J2-8ans)

Aumomentdesentrevues,lamajoritédesjeunes,commeM1J3,pensentqueleurannéescolaireestenvoied’êtreréussie. Ils sebasent surdesconstatsdebons résultats scolaires,d’améliorationetd’attitudespersévérantesdeleur part. Parmi ceux qui pensent avoir moins bien réussi leur année scolaire, comme M1J8, la plupart desdifficultés mentionnées sont en lien avec l’apprentissage du français. M1J3 et M1J8 sont respectivement depremièreetdedeuxièmegénération,partageantlemêmepaysd’origine.

Oui.[…]J’aiobtenudesbonnesnotesàmesexamens,j’aitravailléfortpourlesobteniraussi.[…]J’aiétudiétoutcequ’onme disait d’étudier, j’ai fait tous mes devoirs sans exception; puis, à chaque fois que le prof donnait des explications,j’écoutais.(M1J3-12ans)

Ilyadeschosesquejedevaissavoirquejenesavaispasencorel’annéepassée.Jedevraisfaireplusd’études.Jecommenceàapprendrelà,maisavant,jenesavaispasbienlesdivisions,jenesavaispasbienmestablesdemultiplication.Jenesaispasc’estquoienfrançais,unsynonymeetunantonyme.Àcausedeceschoses,mêmesijesuisen6eannée,jeneconsidèrepasquej’airéussimonannée.(M1J8-12ans)

Page 9: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

FasalKanouté,JustineGosselin-Gagné,RajaeGuennouniHassanietChristineGirard

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

20

Lesuiviscolaireparlesparentsetleprojetscolaire

Selon la presque totalité des jeunes, les parents s’intéressent explicitement à leur vécu socioscolaire ets’enquièrent d’aspects divers: apprentissage, sentiment de bien-être à l’école, relations avec les amis ou pairs,incidentsvécus,etc.Mêmepourlesdeuxélèvesquisemblentfaireexception,l’unementionnequesamère,étantbénévoleàl’école,aaccèsàbeaucoupd’informationconcernantsafille.L’autreélèveprécisequ’elleaimeprendrelesdevantsetpartagercequ’ellevitàl’école,anticipantainsilesquestionsdesesparents.Lamajoritédesparentsconsultentl’agendascolairedeleurenfant,surtoutpourprendreconnaissancedesmessagesdesenseignants.

Pourlaréalisationdesdevoirs,certainsdisentrecevoirdel’aidedeleursparents,nonpassurunebaserégulière,maisquandc’estvraimentnécessaire.Desjeunesontsoulignélabarrièredelalanguepourjustifierlepeud’aidereçuedelapartdesparentspourlaréalisationdesdevoirs.D’autresdisentquelesressourcesfamilialesenmatièred’aideauxdevoirsetdesuividel’agendasontaussiàchercherauprèsd’autresmembresdelafamille(frère,sœur,oncle,grands-parents).

Ilsnevérifientpastoujourssij’aidesdevoirs[…].Quandj’aibesoind’aidejedemandeàmonpère,parcequemamèreneparlepasbeaucouplefrançais.Monpèrecomprendplusbienlefrançaisquemamère.(M1J4-12ans)

Commec’estMamiequiestlàleplussouvent,c’estellequiregardemonagenda.Mêmequandmonpèreestlà,desfois,c’estMamiequilefaittoujours,maisdesfoisc’estPapiquilefaitcommemamère.(M1J1-12ans)

Selonplusieursjeunes,danslacommunicationavecl’école,leursparentspréfèrentlamédiationdel’agendaetdutéléphoneaudéplacementàl’école.Ilss’yrendentrarementsansyavoirétéconvoqués.Cependant,presquetouslesélèvesquenousavonsrencontrésjugentqueleursparentsdevraientalleràl’écoleplussouventpours’informerduvécusocioscolairedeleurenfantetpoursavoircommentmieuxsoutenirleurréussiteàlamaison.

Oui.Commeça,mamèresaitqu’est-cequej’aidumalàfaireetc’estçaqu’onvatravailler.(M3J1-12ans)

Sil’enfantadesdifficultés,c’estimportant.Sil’enfantadesbonnesnotes,jetrouvepas…(M9J5-16ans)

Nous avons aussi voulu savoir comment les élèves rencontrés voient leur projet scolaire. Lorsque nous avonsdemandé aux jeunes s’ils savent ce que leurs parents pensent de l’école, ils disent avoir perçu chez eux uneappréciationglobalementpositive:

Ilspensentquec’estmieuxiciqu’auMexique.(M3J6-9ans)

Ils trouvent ça très important; ils disent que c’est bon pour nous et que ça va nous rapporter gros, plus tard. (M9J11 -12ans).

Questionnés à propos des motivations qui les poussent à venir à l’école et des perspectives d’avenir qu’ilsentrevoientàl’issuedeleursétudes,lesélèvesontexposé,dansleursmots,desélémentsrelatifsàlaplus-valuedel’écoleetauxpossibilitésquelaqualificationscolaireouvre.Seloneux,lafréquentationscolairepermetl’accèsauxsavoirs-compétences-connaissances, le développement personnel, l’autonomie, la socialisation à de nouveauxuniversetlesmoyensd’unemobilitésociale.

Jevaisàl’écoleparcequejeveuxêtreintelligent; jeneveuxpasêtrefou.Jeveuxêtreunegrandepersonneetavoirunefamilleetunbontravail.[…]Sijevienspasàl’école,jen’aurairien.(M3J1-12ans)

Maisjevaisàl’écolepourapprendreàlire,àécrire,poursavoircommentcalculer.Sijevaispasàl’école,plustard,jevaispouvoirrienfairecommetravail,jevaispaspouvoirgagnermavie.Parexemple,sijesuisplusbonneenfrançais,sûrementquejevaisfaireprofesseurouavocate,destrucsoùonparleplus,oùonestplussurlefrançais.(M1J9-11ans)

Pourapprendredenouvelleschosespuispouravoirdesamis.C’estcequimemotivepouralleràl’école.[…]Benonvaàl’école pour avoir de nouvelles expériences avec les élèves, les enseignants, pour apprendre de nouvelles choses, denouvellesmatières.Puisaussipoursedétacherunpeudesparents.(M1J3-12ans)

Page 10: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Pointsdevued’élèvesissusdel’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavorisé

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

21

Pour ce qui est de leurs aspirations professionnelles, les métiers de la santé sont les plus souvent nommés(notammentmédecineetsoins infirmiers)par lesélèves,suivispar le journalismeet l’enseignement. Ilyapar lasuite mention d’une variété d’autres métiers: coiffure, arts, restauration, mannequinat, services de sécurité-incendie,police,etc.Lesmodèlesouidolesquilesinspirentsontdespersonnalitéspubliques(acteurs,chanteurs,etc.), des personnages fictifs (super-héros, personnages de séries télévisées, etc.), desmembres de leur famille(pèreoumère,tanteouoncle,etc.)etdeleurentourage.

Lorsdel’entrevue,nousavonsposélaquestionsuivanteauxélèves:«Est-cequetuparlesàtesparentsdecequetu voudrais faire plus tard? Sont-ils d’accord avec toi?» Plusieurs disent que le sujet a été abordé et que dansl’ensemblelesparentsrespectaientleurschoix,toutenyallantdesuggestionspourlesorienter.Etlediscoursdesjeunes semble révéler les enjeux de l’imbrication entre projet scolaire des enfants et projetmigratoire familial,maisaussidesstratégiesdesjeunespouratténuerlapressiondecetteimbrication,oupourladéfinirautrement.

Àmamèreetàmonpère,oui,àlafamilleengénéral,desfoisj’enparle.Mamèreestprofesseuredesciences,jeluiparlesouventdemesexpériencesàl’école.Mesparentssontouvertsàcela.Lesoiràlamaisononparledecequ’onveutfaireplustard,ilsécoutent.C’estsûrquejesuisvenuepourmesétudesici,ilsm’ontditquejedoismeconcentrersurl’école.J’aipasenvieêtreprofesseurecommemamère,jen’aipasenvieêtreingénieurecommemonpère.(M1J1-12ans)

Àchaquemétier,ilsvonttedonnerdestrucsmauvaisetçatedécouragedecontinuerd’avoirdesrecherchesdessus.Moi,jefaistoutmoi-mêmeetjeneveuxpaslesmettrededans.Jevaispeut-êtreenparleràmescousinsquisontplusvieuxquemoietquiontplusd’expérience.(M9J8-14ans)

Finalement,nousavons cherchéà savoir si ces jeunesavaient le sentimentqu’il serait aisépoureuxde faire cequ’ils souhaitent plus tard. Dans l’ensemble, ils ont répondu avec une certaine confiance en leurs capacités deréaliser leursrêves.Toutefois, laplupartd’entreeuxsedisentconscientsdufaitqu’ilsdevronttravaillertrèsfortpouratteindre leursbuts.Au-delàde l’auto-imputabilitéquantauxeffortsà fairepourréussir,certainsabordentplusoumoinsexplicitementlaperceptiondefacteurscontextuelsquipourraiententraverleurréussite.

Oui,quandmême.Sij’étudieetjefaisdesefforts,j’yarriverai.(M3J1-12ans)

Jene saispas vraiment,ma tante, elle a fait desétudesauCameroun,mais ellen’apasde travailmaintenant.C’est sûrqu’ellevoulaittravaillerdanssavie,maisellen’apastrouvédetravail.Bon,çapeutêtrepareilpourmoi.(M1J1-12ans)

Lejeuneetsonquartier

Ladernièresectiondel’entrevueaveclesélèvesconcerneleurviedequartieretlesactivitésqu’ilsypratiquent,lesendroitsoùilsvontendehorsdelamaisonetdel’écoleetlesraisonspourlesquellesilslesfréquentent.Plusieursd’entre eux ont parlé de la fréquentation d’un lieu de culte, et lesmotifs évoqués sont les suivants: la prière,l’apprentissagede la religion,différentesactivitéscultuelles, la rencontredegens, laparticipationàdesactivitésludiques.Lagrandemajoritédesjeunesontracontécommentilsnaviguentàtraverslesdifférentsespacesdeleurquartier(parc,bibliothèque,centred’achat,etc.).

J’aimebiencequartier,ilyabeaucoupdechosestoutprès.Ilyaunebibliothèquejusteàcôté,unparc,unepiscineetuneécole.Quandjevaisauparc,jejouedanslesmanègesouj’écoutedelamusique.Quandjevaisàlabibliothèque,jelouedeslivresoujelis.Quandjevaisàlapiscine,jerestedansl’eauetjemebaigneavecmesamiesetmescousines.(M1J1-12ans)

Nousavonsposéplusieursquestionsauxjeunesconcernant leurparticipationàdesactivitésspécifiquesoffertespardesorganismescommunautairessituésdans leurquartier,encollaborationavec lesécoles.Lesactivitéssontdiversifiées:arts,activitéssportives,sorties,campsd’été,aideauxdevoirs,etc.Plusieursjeunespensentqueleurparticipation aux activités organisées par les organismes communautaires les aide à améliorer leur expériencescolaire:certainessortieséducativespermettentd’acquérirdenouvellesconnaissancesetd’autres,d’élargirleurshorizons vers de nouveaux divertissements. Des élèves prétendent qu’ils aiment fréquenter ces activités parcequ’ilsyfontlarencontred’autresjeunesdeleurâge,qu’ilsapprennentàcollaborer,àtravaillerenéquipe,àavoirunemeilleureconfianceensoi,àgérerdesconflitsinterpersonnels,etc.Uneélèverécemmentimmigréeaaffirmé

Page 11: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

FasalKanouté,JustineGosselin-Gagné,RajaeGuennouniHassanietChristineGirard

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

22

que sa participation au camp d’été l’a aidée à mieux connaître son nouvel environnement et à savoir quellesactivitésfaireàMontréal.

Onestallésàlapiscine,auparc,auBiodômeetàl’Insectarium.Onestallésàbeaucoupd’endroits…OnestallésauVieux-Port,aucinéma,aulabyrinthe.(M3J1-12ans)

Si,parexemple,àXXX [organismecommunautaire]onvavisiter leBiodôme,onapprendd’autresespècesd’animaux,onconnaîtplusdetrucs,çaaideaussiàl’école,oui.Cequ’onfaitlàcomplèteletravaildel’école.(M1J1-12ans)

Donc les jeunes semblent apprécier un certain niveau de collaboration entre leur école et les organismescommunautaires. L’approche différenciée entre les deux espaces de socialisation paraît généralement leurconvenir, notamment le fait de profiter de la supervision d’adultes (acteurs scolaires et intervenantscommunautaires)auxmandatsdifférentsmaiscomplémentaires.Demanièreschématique,lamajoritéd’entreeuxconsidèrentquel’écoleestsurtoutunespaced’apprentissagestructuré,«onapprendentravaillant»,tandisquelesactivitésàl’organismecommunautairepermettentdes’amuserdansuncadreoùlesbalisessontplusflexibles,«onapprendens’amusant».

Conclusion

Revenonssurlesprincipauxrésultatsprésentésdanscetarticle.Lesélèvesquenousavonsrencontrésontpartagéleur point de vue sur leur déclinaison identitaire, leur rapport aux apprentissages, leur projet scolaire et leurutilisationdedifférentsespacesetressourcesdeleurquartier.Toutd’abord,lesdonnéesrévèlentlacomplexitédel’auto-identificationethnoculturelledelapartdesélèves.SelonAmin,PoussinetMartinez(2008),laprévalencedel’auto-identificationethnoculturellevaried’ungroupeàl’autre,dépendantnotammentdesrapportsintergroupesetdusentimentd’exclusionressenti.Parexemple,dansleurrecherche,lesjeunesFrançaisoriginairesduMaghrebyontplusrecoursqueceuxoriginairesdeTurquie.Danslecasdesélèvesquenousavonsrencontrés,nouspensonsque leur jeuneâgepourraitaussi induireunecertainepudeuràsedéfinirdirectementsoi-mêmeparsonorigineethnoculturelle.Ilestaussipossiblequelaconscience,chezcertains,del’existenced’unpotentieldestigmatisationdeleuridentitéethnoculturellelesrenderéticentsàenparler.Danstouslescas,nousn’avonspassentideposturedesurenchèreidentitairedansceprocessus,maisavonsdéceléunecertaineappropriationdesignifiantsrelatifsàla langue maternelle et à la religion. De plus, l’allusion significative à l’identité ethnoculturelle des pairs dansl’explicitationdes liensd’amitié révèleunréseaurelationnelpluriethnique.Nouspensonsdoncque,de lamêmefaçonqu’une«décrispationdelaculturesocialeetpolitique»(Lorcerie,2003,p.272)estbénéfiqueauniveaudelasociété, les acteurs scolairesdevraientencouragerunemixité socioculturelledans les interactions socialesentreélèves (Duonget Kanouté, 2007).Nosdonnéesmontrent que les défis relatifs à l’appropriationdu français et àl’identification à sa languematernelle concernent à la fois des élèves immigrants de première et de deuxièmegénérations. Les témoignages des élèves semblent indiquer que le milieu scolaire ne tient pas comptesuffisamment de leur languematernelle ou de leur langue d’usage autre que le français pourmieux les aider às’appropriercedernier.Nouspartageonsdoncl’avisdechercheursquiplaidentpouruneincorporationpositiveduplurilinguismeàl’école,sansquecelasoitvécucommeunemenacepourlevivre-ensembleoupourlavitalitédufrançaisentantquelangued’enseignement(ArmandetDagenais,2012).

Est-il possible d’atténuer les effets combinés de la conjugaison entre défavorisation et immigration récente?L’écolepeutconstitueruntuteurderésilience(Cefaï,2007)dansuncontextededéfavorisation,entravaillantsurl’accueil,laconvivialité,lareconnaissancedumilieuetdesesressources,l’efficiencedesdispositifsdidactiquesetpédagogiques,notammentl’accompagnementdelaconstructionduprojetscolairedel’élèveetdesonarrimageàunprojetdevie(Delannoy,2005;Kanouté,2007b;RenéetLaurin,2009).Parexemple,lefaitdedonnerdesdevoirsà faire à domicile est une pratique emblématique de la culture de l’école, et les acteurs scolaires n’ont querécemment commencé à se questionner sérieusement sur les «enjeux cognitifs et sociaux d’une pratiqueordinaire» (Rayou,2010),quimetà l’épreuve lecapitalhumainet socioculturel familial,notamment lorsque lesparents nemaîtrisent pas suffisamment le français ou ont de la difficulté à décoder la culture et les pratiquesscolaires.Nosdonnéesmontrentaussiquecen’estpasparceque lesparents immigrantssontmoinsprésentsàl’école qu’ils se désinvestissent du suivi scolaire (Kanouté et coll., 2008). Encore une fois, la contribution desorganismes communautaires à l’épanouissement du jeune et de l’élève est manifeste: il reste à peaufiner

Page 12: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Pointsdevued’élèvesissusdel’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavorisé

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

23

l’apprivoisementréciproquedesacteursscolairesetdesintervenantscommunautairespourlebien-êtredesjeuneset de leurs familles. Les jeunes que nous avons rencontrés ont partagé les bénéfices qu’ils tirent de ladécentralisationdesactivitésd’apprentissageàd’autresespacesextrascolaires,notammentlesoccasionsdemieuxconnaître la société d’accueil et d’intensifier ainsi le processus d’acculturation. Ils ontmentionné les retombéespositives de la fréquentation d’espaces communautaires à des fins de loisirs, de soutien aux apprentissagesscolairesetpourdesraisonsculturellesetreligieuses.Ilnoussemblequecesrésultatsconfirment,unefoisdeplus,lanécessitéquelesécolesdeviennentproactivesdanslacoordinationd’unesynergiecommunautairepourlebien-êtreglobaldesélèves(Kanoutéetcoll.,2016).

Pourterminer,lediscoursdesélèvesrencontrésmontreencoreunefoisqu’uneperspectiveinterculturelleàl’écoledevrait se penser en lien étroit avec l’expérience socioscolaire de l’élève (Kanouté, 2007b) et, minimalement,reconnaître l’élève dans ses identités et ses acquis d’apprentissage, insuffler un certain hétérocentrisme dansl’interprétation du programme, expliciter sans ostracisme le «vivre-ensemble» qui demande à ce que l’écolesocialisetouslesélèves,gérerlequotidienscolairedemanièreinclusiveetenfinprendrel’initiativededévelopperunpartenariataveclesfamillesetlacommunauté.Ilnoussembleévidentaussiquelaperspectiveinterculturelleàl’école,au-delàdeciblerleconfortidentitairedesélèvesdanscemilieudevie,nedoitpasperdredevuel’égalitédeschancesderéussitescolaire.L’échec,quellesquesoient lescausesqu’on luiattribue, joueunrôle importantdanslecerclevicieuxdelastigmatisation-exclusion.

Référencesbibliographiques

Abou,S.(2002).L'identitéculturellesuivideCulturesetdroitsdel'homme.PerrinetPressesdel'UniversitéSaint-Joseph.

Amin,A.(2012).Stratégiesidentitairesetstratégiesd’acculturation:deuxmodèlescomplémentaires.Alterstice,2(2),103-116.

Amin,A.,Poussin,M.etMartinez,F.(2008).Lerôledusentimentd'exclusionetdesperceptionsdelasociétédansleprocessusd'identificationchezlesjeunesfrançaisissusdel'immigration.LesCahiersInternationauxdePsychologieSociale,80,27-38.

Armand,F.etDagenais,D.(2012).S’ouvriràlalanguedel’Autreetàladiversitélinguistique.Revuedel’Associationcanadienned’éducation(ACE),52(1).

Armand,F.,RousseauC.,Lory,M.-P.etMachouf,A.(2011).Lesateliersd’expressionthéâtraleplurilingueenclassed’accueil.DansF.KanoutéetG.Lafortune(dir.),Famillesd’origineimmigranteauQuébec:enjeuxsociaux,desantéetd’éducation(p.97-111).Montréal:Pressesdel'UniversitédeMontréal.

Berry,J.(2005).Acculturation:Livingsuccessfullyintwocultures.InternationalJournalofInterculturalRelations,29,697-712.

Blanchet,A.etGotman,A.(2001).L'enquêteetsesméthodes:l'entretien.Paris:Nathan.

Boudarbat,B.etGrenier,G.(2014).L’impactdel’immigrationsurladynamiqueéconomiqueduQuébec.Rapportremisauministèredel’Immigration,delaDiversitéetdel’Inclusion.

Cefaï,C.(2007).ResilienceforAll:Astudyofclassroomsasprotectivecontexts.EmotionalandBehavioralDifficulties,12(2),199-134.

Chen,C.,Smith,P.etMustard,C.(2010).Theprevalenceofover-qualificationanditsassociationwithhealthstatusamongoccupationallyactivenewimmigrantstoCanada.EthnicityandHealth,15(6),601-619.

Cohen,E.(1994).Letravaildegroupe:stratégiesd’enseignementpourlaclassehétérogène.TraduitparF.Ouellet.Montréal:Chenelière.

Comitédegestiondelataxescolairedel’IledeMontréal(CGTSIM)(2015).Portraitsociocultureldesélèvesinscritsdanslesécolespubliquesdel’îledeMontréal.Inscriptionsau14novembre2014.Montréal:CGTSIM.http://www.cgtsim.qc.ca/fr/documents-site-web/129-portrait-socioculturel-2015/file

Page 13: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

FasalKanouté,JustineGosselin-Gagné,RajaeGuennouniHassanietChristineGirard

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

24

Conseilnationaldel’évaluationdusystèmescolairedelaFrance(CNESCO)etConseilsupérieurdel’éducationduQuébec(CSE).(2015).Lamixitésocialeàl’école.Québec:BibliothèquesetArchivesnationalesduQuébec.

Dansereau,F.etGermain,A.(2002).Finourenaissancedesquartiers?Lessignificationsdesterritoiresdeproximitédansunevillepluriethnique.EspacesetSociétés,108-109,7-28.

Delannoy,C.(2005).Lamotivation:désirdesavoir,décisiond’apprendre.Paris:Hachette.

Duong,L.etKanouté,F.(2007).Lesinteractionssocialesdel’élèveimmigrantàMontréal.Revuedel’UniversitédeMoncton,38(2),73-105.

GlennersterH.(2002).UnitedStatespovertystudiesandpovertymeasurement:Thepasttwenty-fiveyears.SocialScienceReview,Mars,83-107.

Hohl,J.(1996).Quisontles«parents»?Lerapportdeparentsimmigrantsanalphabètesàl’école.LiensocialetPolitiques,35.

Kanouté,F.(2002).Profilsd’acculturationd’élèvesissusdel’immigrationrécenteàMontréal.Revuedessciencesdel’éducation,28(1),171-190.

Kanouté,F.(2007a).Lesparentsetleurrapportàl’école:unerechercheenmilieudéfavorisé.DansC.SolaretF.Kanouté(dir.),Équitéenéducationetformation(p.25-46).Montréal:ÉditionsNouvelles.

Kanouté,F.(2007b).Lapratiquedel’interculturel.DansC.SolaretF.Kanouté(dir.),Équitéenéducationetformation(p.121-140).Montréal:ÉditionsNouvelles.

Kanouté,F.,Charette,J.,André,J.,Rachédi,L.etRahm,J.(2014).Dynamiquesd’établissement,enjeuxscolairesetressourcescommunautaires:pointdevuedeparentsd’originehaïtienneetd’intervenants.RevueDiversitéurbaine,14(2),31-50.

Kanouté,F.etLafortune,G.(2011).Famillesquébécoisesd’origineimmigrante:lesdynamiquesd’établissement.Montréal:Pressesdel’UniversitédeMontréal.

Kanouté,F.etLafortune,G.(2014).L'intégrationdesfamillesd'origineimmigrante:lesenjeuxsociosanitairesetscolaires.Montréal:Pressesdel’UniversitédeMontréal.

Kanouté,F.,Lavoie,A.,Guennouni,R.etCharette,J.(2016).Pointsdevued'acteursscolairesetd'intervenantscommunautairessurlesbesoinsd’élèvesimmigrantsetdeleurfamilledansdesécolesdéfavoriséesàMontréal.RevistaInteruniveritariadeFormaciondelProfesorado,53,19(1),141-155.

Kanouté,F.,VatzLaaroussi,M.,Rachédi,L.etTchimouDoffouchi,M.(2008).Famillesetréussitescolaired’élèvesimmigrantsdusecondaire.Revuedessciencesdel'éducation,34(2),265-289.

Lafortune,G.etKanouté,F.(2007).Vécuidentitaired’élèvesde1eetde2egénérationd’originehaïtienne.Revuedel'UniversitédeMoncton,38(2),33-71.

Landes,X.(2011).Ladimensionnumériquedansleconceptdeminorité:efficienceetjusticeethnoculturelle.Lesateliersdel'éthique/TheEthicsForum,6(2),49-78.

Lareau,A.(2003).Unequalchildhoods.Class,race,andfamilylife.Berkeley/LosAngeles/London:UniversityofCaliforniaPress.

Lorcerie,F.(2003).L’écoleetledéfiethnique.Paris:ESF.

Martiniello,M.(1995).L’ethnicitédanslessciencessocialesParis:PressesuniversitairesdeFrance.

Meintel,D.(1995).L’identitéethniquechezdejeunesMontréalaisd’origineimmigrée.SociologieetSociétés,24(2),73-89.

Millet,M.etThin,D.(2005).Letempsdesfamillespopulairesàl’épreuvedelaprécarité.LiensocialetPolitiques,(54),153-162.

Page 14: Points de vue d’élèves issus de l’immigration sur …...et Christine Girard, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit

Pointsdevued’élèvesissusdel’immigrationsurleurexpériencesocioscolaireencontextemontréalaisdéfavorisé

Alterstice–RevueInternationaledelaRechercheInterculturelle,vol.6,n°1

25

Ministèredel’Immigration,delaDiversitéetdel’Inclusion(MIDI).(2015).Présenceen2015desimmigrantsadmisauQuébecde2004à2013.Québec:MIDI.http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/PUB_Presence2015_admisQc.pdf

Ninacs,W.(2008).Empowermentetintervention:Développementdelacapacitéd’agiretdelasolidarité.Québec:Pressesdel’UniversitéLaval.

Papazian-Zohrabian,G.(2013).Ledeuiltraumatiquechezl'enfantetsoninfluencesurlaconstructiondesonidentité.Revuequébécoisedepsychologie,34(2),83-100.

Rayou,P.(2010).Fairesesdevoirs:Enjeuxcognitifsetsociauxd’unepratiqueordinaire.Rennes:PressesuniversitairesdeRennes.

Rahm,J.(2007).Learningandbecomingacrosstimeandspace:Alookatlearningtrajectorieswithinandacrosstwoinner-cityyouthcommunityscienceprograms.DansW.-M.RothetK.Tobin(dir.),Science,learning,andidentity:Socioculturalandcultural-historicalperspectives(p.63-79).Rotterdam:SensePublisher.

René,J.-F.etLaurin,I.(2009).Transmettrelaparoledeparentsenmilieudepauvreté:quandlechercheurdevientmédiateur.Nouvellespratiquessociales,21(2),60-76.

Vallet,L.-A.(2005).Lamesuredeseffetsdequartier/voisinage:unobjetimportantetdifficileàlacroiséedessciencessociales.Revueéconomique,56(2),362-370.

VatzLaaroussi,M.(1996).Lesnouveauxpartenariatsfamille-écoleauQuébec:l’extérioritécommestratégiedesurviedesfamillesdéfavorisées?LiensocialetPolitiques,35,87-97.

VatzLaaroussi,M.,Kanouté,F.etRachédi,L.(2008).Lesdiversmodèlesdecollaborationsfamillesimmigrantes-écoles :del’implicationassignéeaupartenariat.Revuedessciencesdel’éducation,34(2),291-311.

Yin,R.(2003).Casestudyresearch.Designandmethod(3eéd.).ThousandOak,London,NewDelhi:SagePublications.