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Politique et contestation en Afrique Author(s): Georges Balandier Source: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 5, No. 2 (Spring, 1971), pp. 131-134 Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African Studies Stable URL: http://www.jstor.org/stable/483984 . Accessed: 18/06/2014 23:13 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Taylor & Francis, Ltd. and Canadian Association of African Studies are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.51 on Wed, 18 Jun 2014 23:13:28 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Politique et contestation en Afrique

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Politique et contestation en AfriqueAuthor(s): Georges BalandierSource: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 5,No. 2 (Spring, 1971), pp. 131-134Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African StudiesStable URL: http://www.jstor.org/stable/483984 .

Accessed: 18/06/2014 23:13

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Canadian Journal of African Studies, V, ii (1971), 131-134 La Revue Canadienne des

ltudes Afficaines

Politique et contestation en Afrique

GEORGES BALANDIER *

I

Les donnees politiques africaines sont des donn6es a trois dimensions : traditionnelle (ou qualifi6e comme telle par commodit6), coloniale et post-coloniale. Sans cette

triple r6f6rence on ne peut saisir ni le sens des faits actuels, ni le dynamisme propre aux systemes politiques. On ne saurait le faire davantage si on n6gligeait de consi- d6rer le r6le que la contestation a jou6 et joue dans les soci6t6s africaines, comme dans toutes les soci6t6s.

Une premiere constatation s'impose ; elle est bien connue des africanistes. Les formes traditionnelles de la vie politique restent vivantes, pour une part, sous les formes modernes institu6es

' l'6chelle nationale. Et d'autant plus que ces der-

nitres demeurent vulndrables, comme l'ont montr6 les mouvements militaires (re- cemment encore en Ouganda et au Ghana) qui emportent sans grand fracas des partis et leurs doctrines.

Ce d6bat de la tradition et de la modernit6 s'exprime, sur le plan politique, sous des formes diverses. Dans certains cas, de plus en plus rares, I'ttat traditionnel se maintient, comme une < enclave >, au sein de I'Etat moderne issu de la decolo- nisation; ainsi, en Haute Volta, le vieux pouvoir mossi pese encore sur le pouvoir mis en place apres l'ind6pendance. Par ailleurs, les classes politiques anciennes n'ont pas 6t6 d6truites des l'instant oil le colonialisme a pris fin; meme dans les pays qui ont affirm6 leur vocation r6volutionnaire, comme le Ghana et le Mali, en un temps, la Guinee jusqu'd aujourd'hui. Une partie de ces classes sert encore de relais en s'adaptant aux nouvelles structures, en se donnant souvent I'assise d'un pouvoir 6conomique modernme; l'exemple de la confrerie mouride, au S6n6gal, est trbs r6v61ateur a cet 6gard. Enfin, un dernier point n'est pas n6gligeable: les res- ponsables politiques qui s'adressent aux paysans africains doivent, pour une part, recourir au langage c ancien v, proceder

' une v6ritable ( traduction culturelle >.

* Professeur a la Sorbonne.

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THE CANADIAN JOURNAL OF AFRICAN STUDIES

Ils ont en quelque sorte deux langages, comme ils sont contraints de jouer les rbles de deux personnages selon les auditoires devant lesquels ils s'expriment.

Tous ces faits sommairement rapport6s justifient 1'examen rapide des donnees traditionnelles les plus significatives. L'Afrique noire r6vele une grande diversit6 de << formules ) en matiere de gouvernement des hommes, diversit6 au regard de

laquelle l'exp6rience politique europ6enne parait pauvre. Ces manieres diff6rentes

comportent n6anmoins des caract6ristiques communes; caract6ristiques g6n6rale- ment reconnues par les africanistes et souvent sur6valu6es.

- Dans toutes les soci6t6s n6gro-africaines traditionnelles, l'ordre est exalt6. L'ordre de la soci6t6 et l'ordre du cosmos sont estim6s solidaires: la mythologie de Pogon l'affirme avec force. La menace de d6sordre apparait comme une menace de retour au chaos, de d6-civilisation. En cons6quence, le pouvoir doit &tre << fort > meme s'il s'agit du pouvoir discret des soci6t6s claniques.

- Dans toutes ces soci6t6s, le pouvoir est sacralis6 a un haut degr6. 11 suppose l'accointance des dieux, des << ancetres > ou de forces sp6cialis6es qui sont en quel- que sorte sa substance. Il requiert un c6r6monial et des rituels. Une telle concep- tion fait que toucher au pouvoir, c'est contrevenir ' la parole des << ancetres >> ou

agir contre les dieux. Il r6sulte de ces caract6ristiques une attitude commune qui limite l'espace de

la contestation; ce qui ne signifie pas que cette derniere est absente, mais que son domaine d'expression n'est pas directement politique. Une preuve: certains m6ca- nismes sociaux contribuent a rel cher p6riodiquement les tensions. C'est le cas avec les << rituels de r6bellion > 6tudi6s si brillamment en Afrique m6ridionale ; la ruse supreme du pouvoir est alors de se contester rituellement pour mieux se con- solider effectivement. Ce n'est qu'un aspect. En fait, l'anthropologie et la sociologic africanistes (et classiques) n'ont pas plus reconnu les formes de contestation propres aux soci6t6s africaines, qu'elles n'ont reconnu les effets de la situation coloniale. Dans les deux cas par d6faut d'int6ret scientifique et surtout (ce qui est plus grave) par d6faillance critique. Elles ont manqu6 d'appr6hender des faits qui s'imposaient pourtant par leur diversit6 et leur importance: contestation verbale (ainsi, celle des griots), contestation insidieuse par la sorcellerie, contestation rituelle par les cultes d'opposition, contestation par dissidence ou s6paration pure et simple. Une anthropologie de la contestation aurait 6t6 non seulement utile, mais n6cessaire.

Telles sont, grossierement rapport6es, les donn6es anciennes. La colonisation a remis en cause cet ordre de choses. Elle a tent6 de x geler ) la vie politique a l'avantage de l'appareil administratif qu'elle 6tablissait; contraignant ainsi la vie politique r6elle a devenir semi-clandestine, ou '

s'exprimer indirectement, par exemple, par l'interm6diaire des nouveaux mouvements religieux, fort actifs en Afrique centrale, orientale et m6ridionale. En perturbant les conditions de fonc-

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POLITIQUE ET CONTESTATION EN AFRIQUE

tionnement des systemes politiques africains, la colonisation a rompu certains des

6quilibres qu'ils maintenaient. Elle a ainsi, et a son insu, cr66 les conditions d'une vie politique plus ouverte, davantage fond6e sur l'innovation et la confrontation. Elle a lib6r6 des forces qui la contestaient en meme temps que le vieil ordre interne: cas des chefferies ashanti du Ghana ; deux dynamiques li6es.

Ce sont cependant les transformations r6centes qui importent le plus, en par- ticulier celles qui concernent les possibilit6s d'6tablissement d'une d6mocratie mo- derne, a l'6chelle nationale. A ce point encore, ce sont les caract6ristiques com- munes qui doivent tre recens6es, du moins sommairement.

- La premiere concerne la nature de la nation. L'Afrique Noire met en pr6sence des nations en voie de se former plut6t que des nations constitu6es. L'int6gration des ethnies reste souvent vuln6rable, comme le montrent les vicissitudes des grands ensembles politiques: Congo ou Nigeria. Dans ces conditions, les positions poli- tiques peuvent exprimer la force relative des groupes ethniques autant (ou plus) que la diversit6 des options concernant le regime et l'orientation de la nation. Con-

s6quence : le pluralisme (sans lequel il n'est pas de d6mocraite) tend a s'instaurer sur la diversit6 des ethnies plus que sur la diversit6 des doctrines. Et cette situation se maintient d'autant plus que le r6gime du parti unique ne permet gubre la con- frontation.

- La deuxieme caract6ristique tient ' la nature des classes sociales en Afrique Noire. On peut dire qu'elles sont en cours de formation, plus que form6es. Seule l'une d'entre elles est d'une maniere g6n6rale mieux constitu6e : celle des respon- sables politiques et des gestionnaires. Et souvent, les crises politiques manifestent moins la dynamique des rapports de classes que la competition pour le pouvoir au sein de la << nouvelle classe >. C'est une telle situation qui explique la perte de vigueur des doctrines et des id6ologies depuis l'accession 'a l'ind6pendance; ainsi que les controverses ouvertes 'a propos de l'identification de la classe sociale la plus capable de r6aliser le << progrbs >. Consequence: la coupure entre classes reste moins accentuee que la coupure entre ruraux et citadins, et toute r6volution est souvent vue comme une << r6volution pour les villes >. Le sort prochain de la d6- mocratie r6sultera plus de cet affrontement que de la confrontation immediate des classes et de leurs id6ologies antagonistes.

- La troisieme caract6ristique r6sulte de la nature des r6gimes politiques mo- dernes, ou plut6t de leur convergence vers le systeme du parti unique. Cette pre- mibre 6volution a 6t6 justifi6e par les n6cessit6s de la construction nationale, du d6veloppement 6conomique, et dans certains cas, comme en Guin6e ou au Mali en un temps, par les n6cessit6s inh6rentes 't la construction du socialisme. Le parti unique donne un cadre unifiant, un instrument unique d'intervention, une structure politique moderne et nationale. Cons6quence : la d6mocratie plurale, au sens < occi- dental >, est d6nonc6e comme un module d'importation et comme un luxe. Et il

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LA REVUE CANADIENNE DES ATUDES AFRICAINES

faut bien reconnaitre que le d6bat ouvert a ce propos, voici quelques ann6es, par l'hebdomadaire Jeune Afrique, n'a trouv6 qu'une audience restreinte.

III

Le probleme n'en existe pas moins; l'actualit6 politique africaine des r6centes ann6es a manifest6 une contestation par l'6v6nement : a savoir, la mont6e des gou- vernements militaires. Elle a entrain6 la neutralisation des responsables venus a la politique avec l'ind6pendance ;avec la < promesse > de restituer l'appareil poli- tique r6nov6

' des sp&cialistes. Un fait n'en reste pas moins frappant: les officiers, avec des moyens militaires limit6s, ont abattu sans grands dommages des r6gimes politiques qui avaient l'apparence de la vigueur. Ainsi, au Ghana et en Ouganda. Les pays concern6s sont fort diff6rents : par la taille, la structure politique, le ni- veau de d6veloppement et de modernisation. II parait difficile de d6celer les lois qui r6gissent ces 6venements. Et pourtant, on peut distinguer des composantes communes, directement li6es a notre probl6me: - La ((dissidence > des paysanneries oppos6es aux ((classes > citadines qui

apparaissent comme les b6n6ficiaires abusives de l'ind6pendance. - La contestation des ( 61lites politiques >> et de leurs clients; ce sont les memes

griefs: tyrannie, abus, corruption, qui ont justifi6 les assauts contre le pouvoir civil. - La r6ticence ' l')gard des institutions politiques modernes, estim6es < 6tran-

geres > et g6n6ratrices d'un pouvoir lointain, bureaucratique. Dans ces conditions, les officiers apparaissent comme constituant une classe

politique de transition, n'ayant pas souffert du discr6dit et de l'usure qui ont frapp6 l'ancienne << nouvelle classe >>. Le pouvoir nouveau qui a r6sult6 de la mont6e des militaires dans certains pays d'Afrique, a souvent b6n6fici6, au moins provisoire- ment, de l'appui des jeunes qui ont tent6 de provoquer un changement de situation. Un appui qui importe dans la mesure oih les jeunes commencent a constituer une classe d'age politique; on l'a vu au Congo-Brazzaville avec le mouvement J.M.N.R. (Jeunesse du mouvement national r6volutionnaire).

IV

Cette analyse trop rapide, et par consequent simplifiante, a un seul m6rite: elle montre la permanence des ph6nomenes de contestation au cours de l'histoire afri- caine. Elle les restitue ' des soci6t6s qu'une anthropologie vicieuse avait vid6es de leurs forces de contestation, comme elle les avait vid6es de leur histoire et de leur specificit6 politique. Mais il n'est aucune soci6t6, en Afrique ou ailleurs, en ce temps ou en d'autres, oi ne soit constamment pr6sent le d6bat de la puissance et du sens.

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