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Gouesnac'h REGARDS SUR LES PREMIÈRES ANNÉES DE L'ÉTAT-CIVIL A GOUESNAC'H (1680-1730) Selon la définition des dictionnaires, l'état-civil est la condition des individus en ce qui concerne les relations de famille, la naissance, le mariage, le décès. Mais parler d'état-civil en 1680 est prématuré, puisque cette institution n'apparaîtra qu'à la Révolution qui chargera les municipalités nouvellement créées de la tenue de ce service administratif laissé jusqu'alors aux soins des autorités religieuses. Nous utilisons cependant le terme par commodité. L'Ancien Régime avait, en effet reconnu l'intérêt d'individualiser les administrés, pour des questions d'imposition et de police sans doute. En 1579, l'Ordonnance de Blois prévoit la tenue de registres de baptême, de mariages et de sépultures i celle de Saint-Germain en Laye, en 1667, ramène à un registre unique. La mise en place de ces réglementations ne fut pas immédiate: il fallait que l'information parvienne à toutes les autorités épiscopales du Royaume et que celles-ci les répercutent au clergé des paroisses chargé de la tenue des registres. La collection des registres de GOUESNAC'H conservée aux archives départementales de QUIMPER commence en 1680, mais présente quelques lacunes : manquent les années 1681 à 1689, 1691, 1693 à 1700, 1703; elle ne commence de façon suivie qu'en 1704. Quelques mots du registre de 1680, qui est en assez mauvais état: bords effrangés feuillets rongés par quelque souris de presbytère, taches d'humidité, écriture effacée, d'où de nombreuses plages illisibles. Mais bien que difficilement exploitable, il n'en présente pas moins un intérêt sentimental certain, puisqu'il conserve le souvenir officiel de quelques uns des gouesnachais de l'époque, y sont citées notamment les familles KERAVEN, Le CLOAREC (de Robolio), CARADEC, QUILVEN, GUILLOU, CLEKENS, COSQUÉRIC, Le PROVOS, BODIVIT, NEDELEC, TANIOU, FICHAN (nom que l'on trouve gravé sur un pignon de la chapelle de Saint-Cadou en tant que fabricien, sous le millésime de 1620). Dans la mesure où il a été possible, son déchiffrement permet de compter 3 mariages, 4 enterrements et 21 baptêmes dont ceux de jumeaux chez Maurice NEDELEC. Au hasard d'une page, les yeux tombent sur un prénom breton, YOUEN: mais à cette date les prénoms français sont déjà adoptés quasi unanimement. Ce registre se termine sur l'acte de baptême du 27 (ou 29 ?) décembre de "...fille légitime d'Etienne Le GUYADER et Janne...Parrain a esté Louis du PARC, seigneur du dit lieu, et marraine demoiselle Françoise TANIOU. Ont signé Louis du PARC, Françoise TANIOU, Françoise de SAUVEGUI, Jean du PARC." Notons à cette occasion que, généralement, les participants et témoins aux cérémonies ne savent pas signer, bien que tous y soient invités par l'officiant. Françoise TANIOU est l'une des rares personnes, avec d'autres membres de sa famille, à pouvoir le faire. 1/5

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Gouesnac'hREGARDS SUR LES PREMIÈRES ANNÉES

DE L'ÉTAT-CIVIL

A GOUESNAC'H (1680-1730)

Selon la définition desdictionnaires, l'état-civil est la conditiondes individus en ce qui concerne lesrelations de famille, la naissance, lemariage, le décès. Mais parler d'état-civilen 1680 est prématuré, puisque cetteinstitution n'apparaîtra qu'à la Révolutionqui chargera les municipalitésnouvellement créées de la tenue de ceservice administratif laissé jusqu'alors auxsoins des autorités religieuses. Nousutilisons cependant le terme parcommodité.

L'Ancien Régime avait, en effetreconnu l'intérêt d'individualiser lesadministrés, pour des questionsd'imposition et de police sans doute. En1579, l'Ordonnance de Blois prévoit latenue de registres de baptême, de mariageset de sépultures i celle de Saint-Germain enLaye, en 1667, ramène à un registreunique. La mise en place de cesréglementations ne fut pas immédiate: ilfallait que l'information parvienne à toutesles autorités épiscopales du Royaume etque celles-ci les répercutent au clergé desparoisses chargé de la tenue des registres.

La collection des registres deGOUESNAC'H conservée aux archivesdépartementales de QUIMPER commenceen 1680, mais présente quelques lacunes :manquent les années 1681 à 1689, 1691,1693 à 1700, 1703; elle ne commence defaçon suivie qu'en 1704.

Quelques mots du registre de 1680,qui est en assez mauvais état: bordseffrangés feuillets rongés par quelquesouris de presbytère, taches d'humidité,

écriture effacée, d'où de nombreuses plagesillisibles. Mais bien que difficilementexploitable, il n'en présente pas moins unintérêt sentimental certain, puisqu'ilconserve le souvenir officiel de quelquesuns des gouesnachais de l'époque, y sontcitées notamment les familles KERAVEN,Le CLOAREC (de Robolio), CARADEC,QUILVEN, GUILLOU, CLEKENS,COSQUÉRIC, Le PROVOS, BODIVIT,NEDELEC, TANIOU, FICHAN (nom quel'on trouve gravé sur un pignon de lachapelle de Saint-Cadou en tant quefabricien, sous le millésime de 1620). Dansla mesure où il a été possible, sondéchiffrement permet de compter 3mariages, 4 enterrements et 21 baptêmesdont ceux de jumeaux chez MauriceNEDELEC. Au hasard d'une page, lesyeux tombent sur un prénom breton,YOUEN: mais à cette date les prénomsfrançais sont déjà adoptés quasiunanimement. Ce registre se termine surl'acte de baptême du 27 (ou 29 ?) décembrede "...fille légitime d'Etienne LeGUYADER et Janne...Parrain a esté Louisdu PARC, seigneur du dit lieu, et marrainedemoiselle Françoise TANIOU. Ont signéLouis du PARC, Françoise TANIOU,Françoise de SAUVEGUI, Jean du PARC."

Notons à cette occasion que,généralement, les participants et témoinsaux cérémonies ne savent pas signer, bienque tous y soient invités par l'officiant.Françoise TANIOU est l'une des rarespersonnes, avec d'autres membres de safamille, à pouvoir le faire.

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Les TANIOU qui, à cette époque,résidaient vraisemblablement àKERGARADEC, paraissent avoirbénéficié d'un degré d'instruction lié sansdoute à une certaine aisance.

D'une manière générale, les vieuxregistres sont, l'habitude acquise, assezfacilement déchiffrables, notamment ceuxrédigés par "l'honorable et discret Messire"Vincent PIERRE, qui fut recteur de laparoisse de 1704 à 1744. Ils sont établis ourecopiés avec soin. Sans doute y trouve-t-on des défauts, mais anodins: unerépétition par-ci par-là, un ordrechronologique parfois un peu fantaisiste,un nom ou un prénom laissé en blanc, unpâté dissimulant un mot essentiel, le plusgênant étant encore une écriture écraséeprovenant d'une plume d'oie un peufatiguée.

Les éléments essentiels de l'acte debaptême apparaissent dans l'exemplesuivant: "Le 18 .mai 1712 a été baptiséeCatherine, née le .même jour au village deKerouchart, fille de Pierre COTTEN et deCatherine Le SAUX, ses père et .mère.Parrain a esté Jean Le SAUX et .marraineCatherine Le LAGADEC "

On sait ainsi que le sacrement estpresque toujours administré le jour mêmede la naissance: le lendemain estl'exception, et seules des circonstancesinhabituelles peuvent justifier un retard deplus de 24 heures: état des chemins

transformés en bourbiers, par exemple.Quelques remarques sur le choix

des prénoms: il est de tradition, à l'époque,de donner au baptisé le prénom du parrainou de la marraine; parfois aussi, mais d'unefaçon moins affirmée, celui du père ou dela mère. D'où des mentions telles que"Alain COTTEN, fils d'autre AlainCOTTEN" ou "Noël le jeune" opposé à"Noël l'ancien, ou le vieux". Pour deuxannées choisies au hasard, les résultats sontles suivants :- En 1707, pour 20 baptêmes, enfantsreçoivent le prénom du parrain ou de lamarraine, et 4 celui du père ou de la mère.- En 1718, pour 14 baptêmes, les chiffressont respectivement de 5 et 4. La palettedes prénoms s'étale, pour les 66 cas de lapériode étudiée, depuis Adélice (rare, maison en trouve aussi des exemples dans lesparoisses voisines) jusqu'à Yves (cité 44fois), en passant par Alain (32 fois).Catherine (34), François (42), Guillaume(34), Jean (29), Jeanne (62), Marie (99), etd'autres qui paraîtraient aujourd'huisinguliers Jacquet te, Urbane, Péronnelle...Les Saints patrons des chapelles sont unpeu délaissés, pour ne pas dire ignorés:Barbe est la seule à connaître un certainsuccès (6 fois), Cado est peu apprécié (2fois, peut-être dans des familles de lutteurs?), Maudet et Herbot sont oubliés; pour cedernier, il est vrai que sa fonction était deveiller sur les bêtes à cornes...

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Les naissances doubles ne sont pasexceptionnelles. Dans le demi-siècle 1680-1730, le fait se présente 13 fois. Lesenfants nés hors mariage sont peunombreux.

L'acte de mariage indique les nomet prénom des mariés, mais pas leur âge;les dates de publication des bans; il faitmention des fiançailles, cite le ou lesdécrets de justice rendus par lesjuridictions locales en cas de minorité desconjoints, ainsi que la décision de l'évêquede Quimper accordant, s'il y a lieu, unedispense pour parenté. L'acte s'achève surla liste des témoins de la cérémonie ou despersonnes dont le recteur a remarqué laprésence.

En voici un exemple :"Ce jour vingt huitième janvier

1721 a esté par moi soubsigné recteuradmis à la bénédiction nuptiale AlainCOTTER du lieu de Lanhuron et JeanneKERAVEN du lieu de Kerilis après avoirveu les dispenses données parMonseigneur l'évesque de Quimper de laparenté entre les dits fiancés du troisièmeau quatrième degrés en date du 29novembre 1720... après les fiançailles etles trois bannies faites... sans oppositionaprès les avoir interrogés et de leurconsentement en présence de PierreCOTER (père du dit Alain), de François LeQUEFF!LEC (parastre de la dite Jeanne),D'Yves Le GUYADER (son oncle) etd'Alain Le PROVOST (oncle du dit fiancé)qui tous ont déclaré ne savoir signer."

Les mariages décrétés de justicesont fréquents; on se marie donccouramment sans attendre sa majorité :désir d'indépendance des enfants, envie desparents de réduire le nombre des bouches ànourrir en un temps où les conditionsd'existence étaient très difficiles.

Le remariage de veufs et de veuvesn'est pas exceptionnel; il paraît bien admiset ne donne pas lieu, dans l'état actuel denos recherches, à des "charivaris" parlesquels la population manifeste sadésapprobation, pour ne pas dire sonhostilité, comme cela est courant en

d'autres provinces.Les registres des "nopces" nous

permettent de prendre conscience de laparticipation de la paroisse de Gouesnac'hdans la vie du pays fouesnantais, et del'attrait que pouvaient représenter sesjeunes pour ceux des communautésvoisines à la recherche de l'âme soeur,malgré la réputation d'isolement due à unelocalisation retirée. Le dépouillement desactes de mariage confirme, en effet, quedes liens familiaux se nouent constammentavec "l'étranger". Ainsi, sur les cinqmariages de 1712, quatre s'ouvrent versl'extérieur, et trois sur huit en 1727. Certes,les relations avec les voisins sontprivilégiées, Perguet, Pléven, Clohar, maisles antennes vont parfois plus loin,Fouénant, SaintEvarzec, Kerfeunten, oufranchissent l'Odet vers Plomelin ouCombrit.

L’arrivée du BAZVALAN

Il arrive que les choses secompliquent un peu, ou s'arrangent dirontd'autres ainsi ce mariage double du 25février 1726 entre Guénolé Le CALVEZ,de Querencalvez, et Marie CARADEC deClohars, d'une part. et entre François LeCALVEZ fils du dit Guénolé et MargueriteBERRÉHOUC fille de la dite Marie d'autrepart, la minorité de la dernière nécessitantun décret de la juridiction deCHEFFONTAINES.Le nombre des mariages enregistrés ledemi-siècle considéré varie

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parfois fortement d'une année à l'autre: 1en 1705 et 1706, maximum de 12 en 1690.

Les registres de sépultures donnent,généralement, les indications suivantes:"Le 22 février 1725 a été enterrée dansl'église paroissiale Catherine LeCLOAREC du lieu de Quermabedat(aujourd'hui Kerham ) âgée d'environ 11ans en présence de Jean Le CLOAREC(père), Corentin et Jacques Le CLOAREC(oncles)." A cette époque, il étaitencore de tradition d'enterrer les morts àl'intérieur des églises, ce qui n'était passans inconvénients en période d’épidémiespar exemple où les inhumationsnombreuses et faites souvent à uneprofondeur insuffisante entretenaient lacontagion. Il régnait d'ailleurs dans cesédifices une odeur désagréable provenantdes cadavres en décomposition. Maisrevenons à nos registres !

Entre 1680 et 1730, les années oùl'on meurt le plus sont: 1710 (25 décèscontre 12 naissances); 1724 (32 contre 17):

surmortalité qui touche surtout lesnourrissons et les jeunes enfants: 9 demoins de 10 ans en 1705, 8 en 1706, 5 en1710, mais aussi les personnes âgées: 9 deplus de 60 ans en 1710. Une étude plusfouillée et des recherches complémentairespermettraient sans doute de déterminer lapériode et la nature des épidémies.

Pour avoir une idée plus précise dela mortalité infantile, il conviendrait deprendre en compte les enfants morts à lanaissance au qui n'ont vécu que quelquesinstants. Mais non baptisés, ils ne figurentpas sur les registres, sauf exception,comme la suivante "Ce jour 26ème may1706 a esté par moy soubsigné recteurenterre un enfant qui a eu seulement lebaptême de la maison par les mains de lasage femme comme elle m'a attesté, né auvillage de Penfrat, fils de GuillaumeMARC et de Magdeleine BOTOREL. enprésence du père. " Y avait-il des momentsplus exposés que d'autres aux mortssubites, comme la croyance s'en est

l’enterrement

1726 (33 contre 22); pour ces années, lenombre des décès dépasse donc largementcelui des naissances. La famine, lesépidémies au les conditions climatiquesd'un hiver rigoureux entraînent une

maintenue jusqu'à nos jours ? Difficile desien faire une idée, faute de connaître lacause des décès, non rapportée par lesactes.

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Par contre les registres mention del'âge des défunts, mais avec uneimprécision certaine, comme le prouventles formules utilisées "âgé d'environ 5ans... âgé d'environ 17 à 18 ans... âgéd'environ 50 et quelques années".

Les registres de sépultures nerapportent pas l'activité professionnelle despersonnes citées. Seuls les meuniers et lestailleurs font exception; est-ce le signed'une réussite sociale ? L'activité de"journalier" n'apparaît que quatre fois,celle de "métayer" une fois; les servantes etvalets sont cités plusieurs fois. Peut-êtrepour distinguer des personnes originairesd'autres paroisses placées à Gouesnac'h ?Laurent TANNIOU est cité une fois en tantque "maître de barque".

Enfin, la mention "mendiant" apparaît àplusieurs reprises. On la retrouve danspratiquement toutes les paroisses, signeque la misère était fréquente. Il suffisait depeu de chose, maladie intempéries, pourfaire basculer dans la pauvreté toute unefrange de petits journaliers dont lesconditions de vie étaient déjà difficiles.

L'examen des registres paroissiauxnous donne donc quelques aperçus de lavie des anciens. La poursuite de nosinvestigations permettra peut-êtred'apporter, dans quelque temps, deséléments nouveaux en ce domaine.

Jean VARENNNE .

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