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Vies de mĂ©decin 25 LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Jeudi 12 novembre 2015 – n° 9449 PORTRAIT Le Dr Christine Janin n’est pas seulement la premiĂšre Française Ă  avoir gravi le plus haut sommet du monde. La fondatrice de l’Association « À chacun son Everest ! » fut pionniĂšre dans la rĂ©ïŹ‚exion sur l’aprĂšs-maladie, une expĂ©dition oĂč, premiĂšre de cordĂ©e, elle tire vers la lumiĂšre depuis plus de 20 ans enfants et femmes en rĂ©mission. ● ● Il y a 25 ans, le 5 octobre 1990, Christine Janin atteignait le sommet de l’Everest, Ă  8 848 mĂštres d’alti- tude. « Pas grand monde ne peut comprendre ce qu’on vit lĂ -haut », se souvient-elle. Est-ce par pudeur ? Par goĂ»t de l’avenir plus que du passĂ© ? Christine Janin reste discrĂšte sur cet extra-or- dinaire. Peut-ĂȘtre est-ce aussi parce que l’étiquette « PremiĂšre Française sur le toit du monde » ne saurait rĂ©- sumer celle que d’aucuns dĂ©crivent comme « hors normes », « douĂ©e d’une aura », « douce comme la neige, droite comme les montagnes, avec un sourire d’enfant ». Une aventuriĂšre, Ă  qui la mĂ©decine a ouvert les portes de la haute montagne, et a permis de sublimer son expĂ©rience en un mes- sage qu’elle partage avec gĂ©nĂ©rositĂ©. MĂ©decin aventuriĂšre NĂ©e Ă  Rome d’une mĂšre bre- tonne, entourĂ©e de 4 frĂšres, Chris- tine Janin monte sur des skis Ă  3 ans et navigue chaque vacance dans les contrĂ©es maternelles. « J’aimais l’aventure dans le sport, comme plus tard, j’ai aimĂ© le voyage et l’extraor- dinaire dans les expĂ©ditions. Sortir des sentiers battus, tout en cherchant Ă  donner du sens. » À 15 ans, elle dĂ©couvre l’altitude sur les rochers de Fontainebleau, Ă  17 ans, les raids Ă  ski. En termi- nale elle part en stop Ă  Plymouth et embarque pour le Fastnet*. « Je n’avais jamais naviguĂ© sur de grands bateaux. J’ai fait comme si je savais. Heureusement, il n’y avait pas trop de vent ! ». Christine Janin Ă©tudie la mĂ©de- cine Ă  Saint-Antoine, Ă  Paris. Elle pense un temps se spĂ©cialiser dans l’anesthĂ©sie-rĂ©animation ou l’ur- gence. Mais Ă  24 ans, elle part deux mois au Pakistan, faire son premier 8 000 m, le Gasherbrum II, comme mĂ©decin d’expĂ©dition. « LĂ , j’ai mis le doigt dans l’engrenage. » La jeune femme enchaĂźne les aventures, toujours comme « mĂ©de- cin d’expé ». Elle soigne les popula- tions des villages et prend soin de l’équipe. « Vous avez un rĂŽle d’ac- compagnant, d’attention, de prĂ©ven- tion. La mĂ©decine c’est aussi ça. » Elle consacre sa thĂšse, sous la di- rection du Pr Jean-Paul Richalet (fon- dateur de l’ARPE, association pour la recherche en physiologie de l’envi- ronnement), aux modiïŹcations Ă©lec- trocardiographiques d’un groupe de mĂ©decins partis en expĂ©dition. Un travail inĂ©dit pour l’époque. « Puis un jour en 1990, je me suis retrouvĂ©e sur le toit du monde. » Comme un aboutissement logique. « Elle Ă©tait trĂšs volontaire, rigou- reuse, et compĂ©titrice » se souvient Pascal Tournaire, photographe de l’expĂ©dition. « À l’époque, on faisait quelque chose de dingue. Cela de- mandait un vrai engagement », sou- ligne-t-il. Loin d’en tirer gloriole pour la galerie, Christine Janin en fait le dĂ©- but d’un chemin intĂ©rieur, illuminĂ© par une question cruciale : Comment redescendre de l’Everest ? « Il fallait que j’arrĂȘte les grandes expĂ©ditions. J’allais dans le mur. Je n’aurais pas continuĂ© pour les bonnes raisons. » Message de l’Everest AprĂšs un dernier tour de piste dans les plus hauts sommets de chaque continent, le Challenge des Seven Summits, sa vie prend un nou- veau tour lorsque HĂ©lĂšne Voisin, di- rectrice de l’école de l’hĂŽpital Trous- seau, lui demande de raconter ses voyages aux enfants malades. « J’ai retrouvĂ© mon mĂ©tier de mĂ©decin, la blouse blanche, l’hĂŽpital », explique celle qui n’a jamais, Ă  proprement parler, exercĂ© dans un cabinet. Face aux enfants, elle trans- forme son expĂ©rience de l’Everest en un message : « TrĂšs vite, j’ai fait le pa- rallĂšle entre la montagne et la mala- die : au dĂ©but, c’est une avalanche qui vous tombe sur la figure, puis il faut atteindre un sommet, traverser des paliers, la crevasse, en Ă©quipe, en cor- dĂ©e, et puis il faut continuer, et enïŹn, vient la descente, dĂ©licate. » Quand il faut apprendre Ă  vivre avec une expĂ©rience de l’extrĂȘme que peu de personnes ont partagĂ©e. « Je n’ai pas la prĂ©tention de les faire guĂ©rir mais de les aider Ă  en sortir libres et ïŹers, portĂ©s par un Ă©lan de vie », dit-elle. PrĂ©curseur et unique Christine Janin gagne la conïŹance des soignants et de l’équipe. Au bout de deux ans, elle dĂ©cide d’emmener les enfants Ă  la montagne pour Ă©prou- ver concrĂštement la mĂ©taphore. « Ça ne se faisait pas de les sortir de l’hĂŽpi- tal », se souvient-elle. « Elle a Ă©tĂ© prĂ©- curseur dans la rĂ©flexion sur l’aprĂšs traitement et la qualitĂ© de vie aprĂšs la guĂ©rison », tĂ©moigne le Dr Dominique Valteau-Couanet, chef du dĂ©parte- ment cancĂ©rologie de l’enfant et ado- lescent Ă  Gustave Roussy. EngagĂ©e par nature, Christine Janin va crescendo. En 1994, elle fonde l’association « À Chacun son Everest ! » avec le Pr AndrĂ© Baruchel et emmĂšne une centaine d’enfants Ă  Chamonix. Elle achĂšte une maison face au Mont-Blanc. Pas n’importe la- quelle : celle ayant appartenu Ă  Joseph Vallot, chercheur humaniste, auteur de la premiĂšre Ă©tude sur les effets du manque d’oxygĂšne. La pertinence de la cause s’im- pose. « Il y avait un rĂ©el besoin. Et j’avais ce message d’Everest Ă  faire passer, de sommet Ă  atteindre et Ă  re- descendre », dit Christine Janin. « Ces stages sont uniques par leur objectif de revalorisation et de renarcissisation des patients. Les enfants se rĂ©appro- prient leur corps, font des choses qu’ils n’auraient jamais imaginĂ© faire, et repartent plus conïŹants dans la vie », afïŹrme le Dr Valteau-Couanet. Vingt ans plus tard, « À Chacun son Everest ! » a grandi. « Elle tient le cap, comme un chef d’entreprise », assure Laurent Seer, le directeur administratif et ïŹnancier. Insatiable de nouveaux projets, Christine Ja- nin a ouvert en 2012 ses portes aux femmes. « Il y a peu de chose pour elles, leur cancer est souvent banalisĂ©. » Une semaine dans cet Ă©crin, entre sport et soins de support (yoga, arts mar- tiaux, qi kong, tai chi, mĂ©ditations, thermes
 ), sous le regard bienveil- lant de Christine Janin, leur « redonne des ailes », rapporte Alexandra, venue Ă  Chamonix en juin dernier. « Elle nous dit : "Fais-toi confiance", et on y croit. Elle nous libĂšre des peurs qui nous retiennent et nous offre un trem- plin », continue cette femme qui a fon- dĂ© son propre festival dans la foulĂ©e du stage. « Quand elle ouvre les portes, c’est pour toujours », ajoute Pascale, venue en juin 2014. Christine Janin est aujourd’hui premiĂšre de cordĂ©e d’une vraie communautĂ©, de femmes, d’enfants, mais aussi de fidĂšles par- tenaires, et d’une Ă©quipe soudĂ©e. Ce qui lui permet parfois de s’octroyer des respirations personnelles, faites de sport et de voyage, dans cette vie consacrĂ©e aux autres. Coline GarrĂ© * le Fasnet est une course de navigation Ă  la voile, entre Cowes et Plymouth. Christine Janin PremiĂšre de cordĂ©e SEBASTIEN TOUBON √ TrĂšs vite, j’ai fait le parallĂšle entre la mon- tagne et la maladie RepĂšres 1957 : naissance Ă  Rome 1981 : ascension du Gasherbrum II (8 035 m). PremiĂšre Française Ă  plus de 8 000 m sans oxygĂšne 1985 : expĂ©dition mĂ©dicale Ă  l’Anna- purna IV (7 525 m), installation du plus haut laboratoire de physiologie du monde 5 octobre 1990 : expĂ©dition de l’Everest avec Marc Batard et Pascal Tournaire 1992 : Challenge des Seven Summits, premiĂšre europĂ©enne Ă  atteindre le plus haut sommet des 5 continents 1994 : CrĂ©ation de « À Chacun son Everest ! ». Depuis, 3 941 enfants, issus de 23 services hospitaliers, y ont fait un stage 1997 : premiĂšre femme au monde Ă  atteindre le pĂŽle Nord sans moyens mĂ©caniques ni chiens de traĂźneau 2012 : ouverture des stages de femmes : 513 en ont bĂ©nĂ©ïŹciĂ© 2015 : fondation de Bikram SolidaritĂ© NĂ©pal, association d’aide aux victimes du sĂ©isme d’avril La ïŹdĂ©litĂ© et la communautĂ© ● ● « Christine Janin a toujours envoyĂ© une carte postale Ă  la moindre personne qui a pu lui ĂȘtre d’une quelconque aide dans ses dĂ©marches. Elle se souvient des gens », raconte le photographe Pascal Tournaire. La ïŹdĂ©litĂ© de Christine Janin est au cƓur de la rĂ©ussite de son association « À Chacun son Everest ! », qui prend entiĂšrement en charge tous les stages. Son premier partenaire, le Labora- toire Janssen, est encore Ă  ses cĂŽtĂ©s, 22 ans aprĂšs. « Je veux des partenaires qui viennent pour la bonne raison. Pas pour l’image », explique-t-elle. Lorsqu’en avril 2015, un violent sĂ©isme a touchĂ© le NĂ©pal, pays d’un guide et ami d’« À chacun son Everest ! », Bikram Singh, Christine Janin a rĂ©pondu prĂ©- sente. « Nous formons une grande famille. Et le NĂ©pal en fait partie. » Elle prĂ©side aujourd’hui l’asso- ciation Bikram SolidaritĂ© NĂ©pal, qui vient en aide aux victimes du sĂ©isme et les accompagne dans la reconstruction. « 8 848 mĂštres d’amour » Ainsi est sous-titrĂ©e la compila- tion de « tĂ©moignages d’enfants, de parents et de femmes » rĂ©unis l’an dernier par Christine Janin Ă  l’occasion des 20 ans de son association. Les parents de ThĂ©o, les parents de Corentin, Ben, la maman d’Estelle, la marraine de Valentin, Pauline, Marie-CĂ©line
 y parlent en images grand format et avec leurs mots d’« Ă©nergie », de « plaisir », d’« en-vie », de « ïŹerté »  Et le Dr Janin en proïŹte pour « remercier cette cordĂ©e magniïŹque et rare ». « À Chacun son Everest ! », Éditions Alternatives, 144 pages QMED9449_025_025_QVW 25 10/11/2015 12:52:55

PORTRAIT Christine Janin

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Page 1: PORTRAIT Christine Janin

Vies de mĂ©decin 25LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Jeudi 12 novembre 2015 – n° 9449

PORTRAIT

Le Dr Christine Janin n’est pas seulement la premiĂšre Française Ă  avoir gravi le plus haut sommet du monde. La fondatrice de l’Association « Ă€ chacun son Everest ! Â» fut pionniĂšre dans la rĂ©flexion sur l’aprĂšs-maladie, une expĂ©dition oĂč, premiĂšre de cordĂ©e, elle tire vers la lumiĂšre depuis plus de 20 ans enfants et femmes en rĂ©mission.

●● Il y a 25 ans, le 5 octobre 1990, Christine Janin atteignait le sommet de l’Everest, Ă  8 848 mĂštres d’alti-tude. « Pas grand monde ne peut comprendre ce qu’on vit lĂ -haut Â», se souvient-elle.

Est-ce par pudeur ? Par goĂ»t de l’avenir plus que du passĂ© ? Christine Janin reste discrĂšte sur cet extra-or-dinaire. Peut-ĂȘtre est-ce aussi parce que l’étiquette « PremiĂšre Française sur le toit du monde Â» ne saurait rĂ©-sumer celle que d’aucuns dĂ©crivent comme « hors normes Â», « douĂ©e d’une aura Â», « douce comme la neige, droite comme les montagnes, avec un sourire d’enfant Â». Une aventuriĂšre, Ă  qui la mĂ©decine a ouvert les portes de la haute montagne, et a permis de sublimer son expĂ©rience en un mes-sage qu’elle partage avec gĂ©nĂ©rositĂ©.

MĂ©decin aventuriĂšreNĂ©e Ă  Rome d’une mĂšre bre-

tonne, entourĂ©e de 4 frĂšres, Chris-tine Janin monte sur des skis Ă  3 ans et navigue chaque vacance dans les contrĂ©es maternelles. « J’aimais l’aventure dans le sport, comme plus tard, j’ai aimĂ© le voyage et l’extraor-dinaire dans les expĂ©ditions. Sortir des sentiers battus, tout en cherchant Ă  donner du sens. Â»

À 15 ans, elle dĂ©couvre l’altitude sur les rochers de Fontainebleau, Ă  17 ans, les raids Ă  ski. En termi-nale elle part en stop Ă  Plymouth et embarque pour le Fastnet*. « Je n’avais jamais naviguĂ© sur de grands bateaux. J’ai fait comme si je savais. Heureusement, il n’y avait pas trop de vent ! ».

Christine Janin Ă©tudie la mĂ©de-cine Ă  Saint-Antoine, Ă  Paris. Elle pense un temps se spĂ©cialiser dans l’anesthĂ©sie-rĂ©animation ou l’ur-gence. Mais Ă  24 ans, elle part deux mois au Pakistan, faire son premier 8 000 m, le Gasherbrum II, comme mĂ©decin d’expĂ©dition. « LĂ , j’ai mis le doigt dans l’engrenage. Â»

La jeune femme enchaĂźne les

aventures, toujours comme « mĂ©de-cin d’expĂ© Â». Elle soigne les popula-tions des villages et prend soin de l’équipe. « Vous avez un rĂŽle d’ac-compagnant, d’attention, de prĂ©ven-tion. La mĂ©decine c’est aussi ça. Â»

Elle consacre sa thĂšse, sous la di-rection du Pr Jean-Paul Richalet (fon-dateur de l’ARPE, association pour la recherche en physiologie de l’envi-ronnement), aux modifications Ă©lec-trocardiographiques d’un groupe de mĂ©decins partis en expĂ©dition. Un travail inĂ©dit pour l’époque.

« Puis un jour en 1990, je me suis retrouvĂ©e sur le toit du monde. Â» Comme un aboutissement logique.

« Elle Ă©tait trĂšs volontaire, rigou-reuse, et compĂ©titrice Â» se souvient Pascal Tournaire, photographe de l’expĂ©dition. « Ă€ l’époque, on faisait quelque chose de dingue. Cela de-mandait un vrai engagement Â», sou-ligne-t-il.

Loin d’en tirer gloriole pour la galerie, Christine Janin en fait le dĂ©-but d’un chemin intĂ©rieur, illuminĂ© par une question cruciale : Comment redescendre de l’Everest ? « Il fallait que j’arrĂȘte les grandes expĂ©ditions. J’allais dans le mur. Je n’aurais pas continuĂ© pour les bonnes raisons. Â»

Message de l’EverestAprùs un dernier tour de piste

dans les plus hauts sommets de chaque continent, le Challenge des Seven Summits, sa vie prend un nou-veau tour lorsque HĂ©lĂšne Voisin, di-rectrice de l’école de l’hĂŽpital Trous-seau, lui demande de raconter ses voyages aux enfants malades. « J’ai retrouvĂ© mon mĂ©tier de mĂ©decin, la blouse blanche, l’hĂŽpital Â», explique celle qui n’a jamais, Ă  proprement parler, exercĂ© dans un cabinet.

Face aux enfants, elle trans-forme son expĂ©rience de l’Everest en un message : « TrĂšs vite, j’ai fait le pa-

rallĂšle entre la montagne et la mala-die : au dĂ©but, c’est une avalanche qui vous tombe sur la figure, puis il faut atteindre un sommet, traverser des paliers, la crevasse, en Ă©quipe, en cor-dĂ©e, et puis il faut continuer, et enfin, vient la descente, dĂ©licate. Â» Quand il faut apprendre Ă  vivre avec une expĂ©rience de l’extrĂȘme que peu de personnes ont partagĂ©e. « Je n’ai pas la prĂ©tention de les faire guĂ©rir mais de les aider Ă  en sortir libres et fiers, portĂ©s par un Ă©lan de vie Â», dit-elle.

Précurseur et uniqueChristine Janin gagne la confiance

des soignants et de l’équipe. Au bout de deux ans, elle dĂ©cide d’emmener les enfants Ă  la montagne pour Ă©prou-ver concrĂštement la mĂ©taphore. « Ă‡a ne se faisait pas de les sortir de l’hĂŽpi-tal Â», se souvient-elle. « Elle a Ă©tĂ© prĂ©-curseur dans la rĂ©flexion sur l’aprĂšs traitement et la qualitĂ© de vie aprĂšs la guĂ©rison Â», tĂ©moigne le Dr Dominique Valteau-Couanet, chef du dĂ©parte-ment cancĂ©rologie de l’enfant et ado-lescent Ă  Gustave Roussy.

EngagĂ©e par nature, Christine Janin va crescendo. En 1994, elle fonde l’association « Ă€ Chacun son Everest ! Â» avec le Pr AndrĂ© Baruchel

et emmĂšne une centaine d’enfants Ă  Chamonix. Elle achĂšte une maison face au Mont-Blanc. Pas n’importe la-quelle : celle ayant appartenu Ă  Joseph Vallot, chercheur humaniste, auteur de la premiĂšre Ă©tude sur les effets du manque d’oxygĂšne.

La pertinence de la cause s’im-pose. « Il y avait un rĂ©el besoin. Et j’avais ce message d’Everest Ă  faire passer, de sommet Ă  atteindre et Ă  re-descendre Â», dit Christine Janin. « Ces stages sont uniques par leur objectif de revalorisation et de renarcissisation des patients. Les enfants se rĂ©appro-prient leur corps, font des choses qu’ils n’auraient jamais imaginĂ© faire, et repartent plus confiants dans la vie Â», affirme le Dr Valteau-Couanet.

Vingt ans plus tard, « Ă€ Chacun son Everest ! Â» a grandi. « Elle tient le cap, comme un chef d’entreprise Â», assure Laurent Seer, le directeur administratif et financier. Insatiable de nouveaux projets, Christine Ja-nin a ouvert en 2012 ses portes aux femmes. « Il y a peu de chose pour elles, leur cancer est souvent banalisĂ©. Â» Une semaine dans cet Ă©crin, entre sport et soins de support (yoga, arts mar-tiaux, qi kong, tai chi, mĂ©ditations, thermes
 ), sous le regard bienveil-lant de Christine Janin, leur « redonne des ailes Â», rapporte Alexandra, venue Ă  Chamonix en juin dernier. « Elle nous dit : "Fais-toi confiance", et on y croit. Elle nous libĂšre des peurs qui nous retiennent et nous offre un trem-plin Â», continue cette femme qui a fon-dĂ© son propre festival dans la foulĂ©e du stage.

« Quand elle ouvre les portes, c’est pour toujours Â», ajoute Pascale, venue en juin 2014. Christine Janin est aujourd’hui premiĂšre de cordĂ©e d’une vraie communautĂ©, de femmes, d’enfants, mais aussi de fidĂšles par-tenaires, et d’une Ă©quipe soudĂ©e. Ce qui lui permet parfois de s’octroyer des respirations personnelles, faites de sport et de voyage, dans cette vie consacrĂ©e aux autres.

Coline Garré

* le Fasnet est une course de navigation Ă  la voile, entre Cowes et Plymouth.

Christine JaninPremiÚre de cordée

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√ Trùs vite, j’ai fait le parallùle entre la mon-tagne et la maladie

RepĂšres

1957 : naissance Ă  Rome1981 : ascension du Gasherbrum II (8 035 m). PremiĂšre Française Ă  plus de 8 000 m sans oxygĂšne1985 : expĂ©dition mĂ©dicale Ă  l’Anna-purna IV (7 525 m), installation du plus haut laboratoire de physiologie du monde5 octobre 1990 : expĂ©dition de l’Everest avec Marc Batard et Pascal Tournaire1992 : Challenge des Seven Summits, premiĂšre europĂ©enne Ă  atteindre le plus haut sommet des 5 continents1994 : CrĂ©ation de « Ă€ Chacun son Everest ! Â». Depuis, 3 941 enfants, issus de 23 services hospitaliers, y ont fait un stage1997 : premiĂšre femme au monde Ă  atteindre le pĂŽle Nord sans moyens mĂ©caniques ni chiens de traĂźneau2012 : ouverture des stages de femmes : 513 en ont bĂ©nĂ©ficiĂ©2015 : fondation de Bikram SolidaritĂ© NĂ©pal, association d’aide aux victimes du sĂ©isme d’avril

La fidélité et la communauté

●● « Christine Janin a toujours envoyĂ© une carte postale Ă  la moindre personne qui a pu lui ĂȘtre d’une quelconque aide dans ses dĂ©marches. Elle se souvient des gens Â», raconte le photographe Pascal Tournaire.La fidĂ©litĂ© de Christine Janin est au cƓur de la rĂ©ussite de son association « Ă€ Chacun son Everest ! Â», qui prend entiĂšrement en charge tous les stages. Son premier partenaire, le Labora-

toire Janssen, est encore Ă  ses cĂŽtĂ©s, 22 ans aprĂšs. « Je veux des partenaires qui viennent pour la bonne raison. Pas pour l’image Â», explique-t-elle.Lorsqu’en avril 2015, un violent sĂ©isme a touchĂ© le NĂ©pal, pays d’un guide et ami d’« Ă€ chacun son Everest ! Â», Bikram Singh, Christine Janin a rĂ©pondu prĂ©-sente. « Nous formons une grande famille. Et le NĂ©pal en fait partie. Â» Elle prĂ©side aujourd’hui l’asso-ciation Bikram SolidaritĂ© NĂ©pal, qui vient en aide aux victimes du sĂ©isme et les accompagne dans la reconstruction.

« 8 848 mĂštres d’amour »

Ainsi est sous-titrĂ©e la compila-tion de « tĂ©moignages d’enfants, de parents et de femmes » rĂ©unis l’an dernier par Christine Janin Ă  l’occasion des 20 ans de son association. Les parents de ThĂ©o, les parents de Corentin, Ben, la maman d’Estelle, la marraine de Valentin, Pauline, Marie-CĂ©line
 y parlent en images grand format et avec leurs mots d’« Ă©nergie Â», de « plaisir », d’« en-vie Â», de « fiertĂ© Â»â€Š Et le Dr Janin en profite pour « remercier cette cordĂ©e magnifique et rare ». « À Chacun son Everest ! », Éditions Alternatives, 144 pages

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