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1 PORTRAITS D’ACTEURS Les Chargés de Développement Numérique Entretiens réalisés dans le cadre de l’Observatoire des TIC (ObTIC) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Juin 2012

Portraits de Chargés de Développement Numérique

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Portraits réalisés dans le cadre de l'enquête sur les Espaces Régionaux Internet Citoyen

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Portraits d’acteursLes Chargés de Développement NumériqueEntretiens réalisés dans le cadre de l’Observatoire des TIC (ObTIC) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Juin 2012

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Lorsque l’on demande à Martine comment elle qualifie son métier, elle écarte d’emblée le volet « technique » pour mieux en pointer la dimension « humaine ». De fait, dans le quartier populaire de la Cabucelle au sein du 15ème arrondissement de Marseille - « l’un des quartiers les plus en difficulté », précise-t-elle - où est implanté son Espace Régional Internet Citoyen (ERIC), Martine a vite compris que la « lutte contre l’illectronisme » ne pouvait se payer de mots, mais devait s’inscrire avant toute chose dans une véritable économie de la parole.

Comme elle le dit, « parler ici, c’est d’abord parler français. Trouver les mots au lieu de se bagarrer, surtout pour les enfants. Pour les adultes, ça va être d’extérioriser, bien que ce ne soit pas tout à fait de notre ressort, c’est une nécessité ne serait-ce que pour vivre ensemble ». On com-prend alors que pour Martine les technologies de la commu-nication, ce sont d’abord et surtout celles qui libèrent le lan-gage, qui favorisent l’expression, bref, qui font dire les maux.

Pour ce faire, elle s’efforce de préserver – non sans difficul-tés ! – un climat « convivial » au sein de son ERIC, de façon à ce que l’accès aux ordinateurs puisse se réaliser dans un contexte qui favorise les discussions amicales et l’entraide entre adultes, autour notamment des démarches adminis-tratives ou des recherches d’emploi sur Internet. « Je vois

que les personnes que l’on reçoit, elles sont souvent au chômage. Elles n’ont pas encore fait le pas d’utiliser l’ordi-nateur et surtout Internet, elles sont un peu angoissées. Donc là, d’abord, on gère l’angoisse de ceux qui se disent «j’ai raté le coche mais il faut absolument que je m’y mette parce que c’est nécessaire» ».

Elle s’emploie également à dédramatiser la pratique de la lec-ture, sans laquelle il n’y a pas de manipulations informatiques possible, en mettant par exemple le « côté ludique » en avant.

Pour les plus jeunes, c’est une toute autre histoire, car il s’agit au contraire de tempérer ce type d’usage. « Parce que l’ordinateur, pour eux, c’est souvent plus le jeu. Donc on les incite à être créatifs. On a créé un système de points. On leur propose de dessiner sur un papier, de le scanner et de le compléter sur ordinateurs. Ça fait une petite création que l’on peut conforter ensuite avec d’autres recherches sur Internet».

C’est alors qu’il faut faire accepter la place de l’adulte dans les apprentissages, sans pour autant l’imposer, trouver des astuces et naviguer à vue, parfois faire la morale, et sans cesse rappeler les règles de civilité, comme celle – élémen-taire - qui consiste à dire « bonjour ».

MARTINE, ARBORESCENCE MARSEILLE (13)

« Le métier d’animateur multimédia consiste surtout à faire passer des choses autour du numérique avec des relations humaines, et à mettre des mots sur ces choses. Ici, on peut racon-ter sa vie, ici, on peut avoir un autre rapport à l’appren-tissage »

Mettre des mots sur les choses...

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De sa formation aux Beaux-arts et de son ancien métier de graphiste, Martine conserve la volonté farouche de « faire passer les choses via un message », ce que son expérience dans l’animation n’a fait que renforcer. Aussi, même si elle occupe aujourd’hui un poste de chargée de développement numérique, entend-elle demeurer un « passeur d’idées ».

Pour ses publics bien sûr, mais également à destination des acteurs du réseau régional des ERIC qui ont, comme elle, vocation à démocratiser les outils informatiques à destination de publics défavorisés. « J’essaie d’écrire une méthodologie, de mettre ça sur papier ou sur écran afin qu’il y ait une façon de procéder qui soit transmissible. Bon, c’est pas

grandiose, ce ne sera pas une thèse. Ce sont plutôt des petits trucs pratiques : les choses à faire, ce qu’il vaut mieux éviter, comment on s’y prend, quelle est la meilleure manière de travailler avec des jeunes, etc. » Inversement, elle s’appuie sur d’autres expériences qui ont cours ailleurs et qui peuvent, à l’occasion d’une action ciblée, lui être utiles (en particulier, la structure O2zone pour la vidéo, ZINC pour la culture).

Si Martine sait compter ses forces, elle sait aussi combien sa structure est fragile. Car la première difficulté à laquelle elle est confrontée est de tenir ses engagements financiers pour assurer le fonctionnement quotidien de son association. Il s’en suit une deuxième difficulté, qui consiste à tenter de pérenniser les actions, surtout lorsque les « partenaires de terrain » sont composés pour l’essentiel d’associations de proximité soumises généralement aux mêmes contraintes économiques, et que « six mois plus tard, elles n’existent plus ».

Mais Martine n’est jamais à court de ressources, ni d’idées. « Par exemple, nous, on fait de l’accompagnement à l’em-ploi, de façon un peu bénévole disons. Est-ce que ça ne vaudrait pas le coup de faire un vrai partenariat avec Pôle Emploi ? ». Il suffit de se rendre dans son ERIC pour connaître la réponse à cette question.

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« Parce que l’ordinateur, pour eux, c’est souvent plus le jeu. Donc on les incite à être créatifs. On a créé un système de points. On

leur propose de dessiner sur un papier, de le scanner et de le compléter sur ordinateurs. Ça fait une petite création que l’on peut conforter ensuite avec d’autres recherches sur Internet »

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Le parcours professionnel d’Olivier s se lit comme un triptyque : d’abord, successivement et aujourd’hui, tout à la fois technicien réseau, responsable de projet et animateur.

Au départ, c’est vers l’informatique qu’il s’oriente, après un DUT dans le domaine. Mais il se rend très vite compte qu’il est trop loin de ses attentes. Il ne se voit pas simple technicien ou admi-nistrateur réseau. Il s’égare un temps dans la grande distribu-tion, 5 ans tout de même, mais s’y retrouve encore moins. Il obtient une licence en communication et en gestion de projet et part travailler pendant deux ans en collège en tant que profes-seur de technologie. Ce virage dans sa carrière lui permet de découvrir enfin une dimension qui fait sens à ses yeux : le social.

Il tombe un jour sur une petite annonce de Pôle Emploi : le Logis des Jeunes de Cannes recherche un animateur multimé-dia. « La fiche de poste correspondait exactement à ce que je recherchais : un peu d’informatique, un peu de social, un peu d’animation, auprès des jeunes ».

Depuis 2008, après 2 ans dans ce poste d’animation, il est devenu chargé de développement numérique. En plus de l’ani-mation, il a plus de responsabilités, allant du développement de projet à la gestion du service, en passant par la mainte-nance réseau. Toujours dans la même logique, il complète à l’heure actuelle sa formation par un diplôme d’Etat dans le sec-

teur socio-culturel dans le cadre d’une valorisation des acquis de l’expérience (VAE). « Donc 3 diplômes pour 3 fonctions ». L’ensemble, son parcours, sa formation et ses envies, forme au final un tout cohérent, qui lui permet de trouver un sens à son travail. Enfin !

En outre, cela répond à la diversité des besoins et des sollici-tations. Si vous allez dans le bureau d’Olivier vous serez sur-pris par la multiplicité de post-it qui lui rappelle les nombreux bénéficiaires qui comptent sur lui. « C’est un peu schizophrène comme métier tout de même » dit-il en rigolant. D’abord, ce sont les résidents du foyer ; pas évident de les intéresser avec le turn-over. À peine, sont-ils sensibilisés que le plus souvent ils sont amenés à évoluer vers d’autres horizons. Ensuite, il y a les extérieurs. Ceux qui fréquentent le Logis des jeunes sans y résider atteignent souvent un niveau de maîtrise des outils auquel on ne s’attend pas. Pour tous, le maître-mot est d’utiliser les technologies comme facteur de lien social. « On propose des services mais des services citoyens. On vient en profiter mais on a un contact qui n’est pas le même : ce sont des personnes qu’on accueille, pas des clients. »

Ce lien social avec les bénéficiaires supplée les difficultés qui peuvent exister dans la relation à l’environnement local. Le Logis des Jeunes est atypique sur un territoire qui ne l’est pas moins : il est difficile d’envisager des partenariats quand personne ne

Accompagner, être à l’écoute...

OLIVIER, LOGIS DES JEUNESCANNES (06)

On aime bien le concept de la pieuvre : on aime tout, on touche à tout. C’est ce qui nous plaît, plein de public, plein de projets »

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semble devoir les soutenir. Olivier déplore ainsi que l’Espace Régional Internet Citoyen (ERIC) soit uniquement identifié « en tant qu’outil, mais pas en tant que partenaire ». Chacun travaille dans son domaine sans lien évident avec les autres. Cette coupure existe d’autant plus qu’elle recouvre une cou-pure physique marquée par la voie ferrée entre la ville de bord de mer et la ville au-delà. Peut-être la rénovation à venir de la gare sera-t-elle l’occasion de mettre fin à cette vision d’une ville coupée en deux, traversée par une forme de méfiance qui perdure.

Pour dépasser les difficultés, Olivier croit à l’échange de bonnes pratiques : malgré ses contraintes, Olivier prend le temps nécessaire ; il s’y emploie, se déplace, répond aux

sollicitations. Il ne trouve pas les partenaires dans sa ville. Alors, il va les chercher ailleurs : Tania du Hublot à Nice pour les projets plus culturels ; l’ERIC de Pertuis pour un projet e-toileurs ; un photographe professionnel et des infographistes pour le projet « les résidents s’affichent ».

Il y croit tellement qu’il souhaite faire évoluer son ERIC vers un espace de coworking. Ouvert sur son environnement, il se donne pour objectif de créer un espace dédié qui permette d’aider dans leurs projets des entreprises, des associations comme des individus, avec la volonté d’ouvrir leurs résidents vers de nouveaux horizons.

Ce projet s’appuierait sur les réalisations déjà ancrées comme « l’école des projets » qui offre un accompagnement perfor-mant au service du développement de projets économiques et associatifs. D’une manière générale, pour Olivier, « l’évolution des ERIC en centre de ressources est indispensable ».

Et si l’on dit à Olivier qu’il fait de la médiation numérique pour faciliter l’accès à quelque chose de complexe dans une société où la place de la technologie nécessite de pacifier la relation que les hommes entretiennent avec elle, il sera d’accord. Mé-diateur et pacificateur, Olivier a trouvé le métier qu’il cherchait.

Pour tous, le maître-mot est d’utiliser les technologies comme facteur de lien social. « On propose des services mais des

services citoyens. On vient en profiter mais on a un contact qui n’est pas le même : ce sont des personnes

qu’on accueille, pas des clients. »

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Tania possède la motivation de ceux qui entrent par la fenêtre lorsque vous les faites sortir par la porte. Elle ne lâche rien. Et contrairement à ce qu’elle prétend, ce n’est certainement pas le fruit du hasard si elle est actuellement chargée de développe-ment numérique au Hublot, à Nice (06).

Après des études « poussives », comme elle le dit, elle obtient une maîtrise en sciences de l’information et de la communica-tion qui lui permet de se voir offrir un poste rémunérateur dans une prestigieuse agence de publicité. Mais c’est dans une toute autre voie que Tania entend s’engager : « j’ai choisi de travailler dans le milieu associatif, car le milieu privé ne me convenait pas. Moi, je donne de toute ma personne à partir du moment où ça a un sens, pas pour engraisser le patron. Après ce sont des choix, je savais déjà que je n’allais pas casser des briques au niveau salaire. Je préfère m’éclater dans mon travail, plu-tôt que déprimer et gagner plus d’argent, je ne fais pas partie non plus de ceux qui consomment à tout va. Je suis plutôt « miss recycle ». ». Et de fait, c’est en bénévole, puis dans le cadre d’un contrat emploi-jeune, que Tania fait ses premières armes dans le monde de la culture, en œuvrant durant près de cinq ans à la publication d’un journal satirique et l’organisa-tion d’évènementiels dans des lieux de proximité pour mixer les publics et créer du lien social dans les quartier Est de Nice.

Elle participe activement à l’aventure des Diables Bleus, unique friche culturelle qui a existé à Nice, et qui a permis de renforcer les liens entre des énergies de disciplines artistiques différentes à Nice.

Aussi, quand l’association DIVA ouvre un espace multimédia Le Hublot en 2004 sur St Roch au sein des entrepôts Spada suite à la fermeture des Diables Bleus, son directeur - Frédéric Ale-many – fait appel à elle pour inaugurer et développer le projet. « Au début, c’étaient des missions courtes. Fred m’appelait au fur et à mesure à travers des petits CDD, quand il avait une enveloppe ». Pour autant, Tania ne compte pas ses heures.

Elle réalise en autodidacte un portail Web, afin de concevoir un outil de référencement en ligne des acteurs culturels et artis-tiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Puis, de « conceptrice », elle devient par la force des choses « animatrice », toujours en auto-formation. « J’ai appris beaucoup toute seule. Personne ici ne m’a dit comment ça marche. Il n’y avait pas de méthode, j’ai tâtonné. Rien que pour l’allumage des ordinateurs par les publics, il a fallu que je teste avec eux pour valider. En plus, les personnes que je forme me demandent des choses. Du coup, je dois chercher sur Internet, je me suis formée en ligne et grâce à des personnes qui étaient présentes à ce moment et m’ont montré les clés, je les ai prises ».

Pour valider cette expérience, Tania entreprend une formation à distance dans le domaine des TIC auprès de l’AFPA à Cannes. Mais au travers de ses nouvelles compétences numériques, c’est surtout une « vocation », selon ses propres termes, qui se révèle à elle. Dans l’animation, précise Tania, il faut savoir « transmettre » et faire preuve de « générosité ». Il faut égale-ment apprendre à « s’adapter aux publics ».

Se dévouer, construire des ponts...

TANIA, LE HUBLOTNICE (06)

« Tu peux rester à faire ton projet tout seul, pour-quoi pas ? Mais moi c’est le public qui donne du sens à tout ce que je fais, qui me permet de faire ce que je fais et qui m’ap-porte ma motivation »

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Il faut dire que l’enjeu est à la mesure des défis auxquels les quartiers Est de Nice sont confrontés, et avec lesquels - de par sa situation géographique - le Hublot a partie liée. « Nous, on a des publics qui sont des publics éloignés des TIC et de la culture. C’était intéressant de travailler avec ces publics qui sont essentiellement des demandeurs d’emploi et des personnes en insertion. Du coup, j’ai commencé à faire des ateliers pour désacraliser l’outil pour ces personnes-là, afin qu’elles soient autonomes sur le Web, sur le mail et par rapport à l’emploi ». Comme l’indique le nom de la struc-ture qui héberge le Hublot, Tania s’efforce inlassablement de « construire des ponts », d’abord pour offrir à son public un accès aux outils numériques, ensuite pour créer une média-tion vers le lieu de création lui-même, avec la conviction que

les rencontres avec les artistes qui y sont en résidence feront jaillir l’étincelle. « Quand tu mets un ERIC tout seul, c’est pauvre. C’est bien le trafic de personnes différentes qui fait la richesse et l’intérêt. (…) Il y a des gens qui sont éton-nés par la méthode du Hublot, ils ne pensaient pas que ça existait. Et bien maintenant ils respectent, ils respectent vraiment ! » Et quand les publics adhèrent, participent à un événement, découvrent un lieu et qu’ils se mélangent aux artistes, Tania se dit que sa motivation et ses engagements font sens.

C’est d’autant plus vrai lorsque Pôle emploi oriente ces mêmes publics, faute de savoir ou de pouvoir leur proposer autre chose, vers l’action de formation aux TIC que propose le Hublot, financée par la Politique de la Ville. « Parfois on n’a l’impression de faire le travail des institutions qui elles sont payées pour le faire ». C’est pourquoi, Tania essaie de réaliser l’objectif de rendre autonome les publics face à une recherche sur internet et sur la communication par email lié à l’emploi mais pas seulement. « J’essaie de trouver l’intérêt du public à utiliser l’outil ». Elle essaie de montrer la res-source qu’est Internet, qui n’est pas seulement un moyen de trouver une offre d’emploi et d’y répondre.

Heureusement la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour sa part, perpétue son soutien notamment à travers des appels à projet sans lequel – Tania en est certaine – « l’ERIC aurait fermé ».

En 2007, elle en vient donc à occuper « le premier poste en

CDI de l’association DIVA », qui apporte avec lui son lot de nouvelles charges et responsabilités. Pour y faire face, il faut savoir jongler.

Alors Tania jongle. « Je suis responsable de l’ERIC, au-des-sus de moi il y a Fred. J’ai la mission d’encadrer et de recruter l’animateur. Je fais tout quoi, je fais de l’animation, de l’initiation, je monte des projets, je fais des demandes de subventions, j’accompagne des porteurs de projets, je fais de la maintenance informatique. J’ai la chance d’avoir un métier très riche qui change tout le temps, on ne s’endort jamais ».

Bien sûr elle préférerait une organisation du travail plus simple, moins contraignante. Mais de cela aussi, elle tire une force : toujours la même capacité à « faire des ponts », en inaugurant de nouveaux partenariats comme avec les asso-ciations REFLETS et ARBRE, tout en s’ouvrant à de nouvelles méthodes de travail et à d’autres horizons.

« Je fais tout quoi, je fais de l’animation, de l’initiation, je monte des projets... j’accompagne des porteurs de projets, je fais de la maintenance informatique. J’ai la chance d’avoir un métier très

riche qui change tout le temps, on ne s’endort jamais »

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Yann est un autodidacte de l’informatique, un pionnier de la PAO. Dès les années 80, il fonde et anime un club d’infor-matique. Infographiste et formateur, il poursuit sa route de Soisson dans l’Aisne, en passant par Montreuil en Seine Saint-Denis, Toulon, et bien d’autres étapes, jusqu’à Puget-Théniers dans l’arrière-pays niçois. En 2007, il devient chargé de déve-loppement numérique au Foyer Rural Cépage. Il y développe surtout ses compétences techniques et de formation, aussi bien auprès du public accueilli qu’en direction du personnel de l’ERIC (Espace Régional Internet Citoyen).

Sa ligne de conduite professionnelle : « C’est une approche particulière, ne pas se faire dominer par le matériel. Etre patient et pédagogue. » Ainsi, pour répondre aux attentes de ses visiteurs, Yann développe des outils supports. Une fois les outils développés, il s’occupe de leur apprentissage par les utilisateurs. En ce moment, dit-il, « je suis en train de dévelop-per des contenus et des supports de formation pour que les gens puissent passer le B2i (Brevet Informatique et Inter-net) ». La priorité mise sur cet aspect de sa fonction s’explique par fait que l’ERIC est aussi d’organisme de formation dont il tire 20% de ses revenus.

Pour le reste, il s’agit de mettre en place des outils de suivi et de gestion de projet. Les actions conduites sont multiples et l’informatique leur point commun. Chacun vient avec ses pré-

occupations et ses demandes, car la structure labellisée Relais de Service Public, travaille en lien avec Pôle Emploi ou la CAF, les chambres consulaires, etc.

Du coup, Yann s’est essayé aussi à un suivi des publics pour savoir d’où ils viennent, ce qu’ils veulent, etc. et ce avec un outil qui permet de mieux analyser les actions conduites.

Yann doit ainsi mettre en œuvre des outils permettant l’analyse des publics concernés et de leurs demandes. Il peut également s’agir d’associations qu’il aide, dans le cadre de partenariats conventionnés. Cela va de la création d’un système d’échange local (SEL), jusqu’à la mise en œuvre d’un site de parcours de randonnées, en passant par des chantiers-écoles en ma-raîchage biologique. Pour répondre à tous ces besoins, Yann s’est mis à parler toutes les langues informatiques, parfois même les plus rares.

Au final, il souhaiterait être considéré comme un passeur. C’est plus facile maintenant qu’il est en zone rurale. Ici, chacun le voit comme une ressource pour répondre aux nombreuses demandes. « C’est vrai aussi qu’on est sur un territoire très vaste, on est finalement un centre de ressources. On répond à de nombreuses questions de différents publics. » Il n’a par contre aucun lien avec les autres ERIC du département, dont il ne pense d’ailleurs pas partager les mêmes préoccupations:

YANN, FOYER RURAL CEPAGE PUGET-THENIERS (06)

C’est vrai aussi qu’on est sur un territoire très vaste, on est finalement un centre de ressources. On répond à de nombreuses questions de différents publics

Former, transmettre un savoir-faire...

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« Je ne connais pas vraiment ce que font les autres ERIC, mais pour ce que j’en ai vu, je ne pense pas que ce soit leur truc de développer des sites. Surtout sur des besoins aussi spécifiques. »

Quand on lui demande comment il se projette professionnelle-ment « [Il] réfléchit à faire autre chose… de la programmation par exemple ». Finalement, « c’est comme un jeu pour [lui] ».

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« C’est une approche particulière, ne pas

se faire dominer par le matériel.

Etre patient et pédagogue ».

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Dans sa vie d’avant Arnaud était responsable de production dans une entreprise de multimédia aixoise. Devenu travail-leur indépendant, il développe des outils numériques pour de grands groupes privés.

Depuis janvier 2010, il travaille au Portail des Savoirs à Pertuis dans le Vaucluse (84). En trente mois il a évolué. D’abord animateur multimédia, il est devenu chargé de déve-loppement numérique. Quinze mois dans une responsabilité ; quinze mois dans l’autre.

« Le fait de passer d’animateur à CDN ne fait que confirmer ce mélange de fonctions entre animateur, médiateur et for-mateur ». Arnaud se qualifie de « passeur/médiateur » en veille constante sur les usages numériques qu’il expérimente dans l’objectif de concevoir une pédagogie adaptée à chaque type de public (seniors, jeunes, artistes, etc.).

L’Espace Régional Internet Citoyen est pour lui un « espace de projets »., principalement culturels, menés en partenariats avec les acteurs locaux.

La rigueur et l’organisation de son travail, acquises grâce à sa formation initiale à l’IEP, son parcours d’indépendant et son expérience du milieu industriel se retrouvent dans sa façon de gérer les projets au sein du Portail des Savoirs.

C’est ce que confirme Sylvie Lafon, sa directrice : « Il venait du monde de l’entreprise, avec une autre logique et un autre vocabulaire. Du coup, quand on rencontre la prési-dente des Voiles de Saint-Tropez, elle est très contente qu’on la fasse rêver mais après elle veut un discours très concret. »

En combinant un diplôme dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel, une expérience dans une société de production et un goût prononcé pour tout ce qui touche à la culture, on comprend pourquoi, en écoutant Arnaud parler, on pense au métier de la « production ».

Arnaud est un producteur, au sens cinématographique du terme : il aide les autres à réaliser. Ainsi, il faut savoir presque tout faire. Se débrouiller quand l’argent manque. « Parfois on se dit qu’on va choisir un projet qui dure moins longtemps pour être sûr de le mener, ou des projets pour lesquels on récupè-rera l’argent plus vite… ».

Tourner les problèmes dans un autre sens, afin d’arriver à les résoudre. La curiosité est son alliée. Et même si la dimension technique est d’importance, il faut d’abord être capable de recevoir les publics, de transmettre un savoir, d’adapter son discours pour ne pas faire peur.

Produire, être «réalisateur multimédia»...

ARNAUD, PORTAIL DES SAVOIRSPERTUIS (84)

« On n’est pas obligé de se plier à un modèle particulier. On peut inventer ce qu’on veut… produire ! ».

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Pour réussir, il faut de la méthode.

Au fond de lui, Arnaud est un précurseur. Il considère le tra-vail qu’il exerce « comme un service public du numérique. Un lieu où il a des gens pour accompagner et former mais aussi un lieu de ressources. Des ressources à la fois docu-mentaires, humaines et techniques. »

Et pour réussir, dans sa mission, il s’inscrit pleinement sur son territoire et n’hésite pas à y associer des mécènes, comme à nouer des partenariats, même si la Mairie de Pertuis ne participe pas de cet effort. Il s’agit souvent d’entreprises pri-vées ; après tout, elles sont une part de lui, de sa vie d’avant.

Depuis mai 2012, Arnaud connaît une évolution professionnelle qui élargit son périmètre d’intervention.

Il considère le travail qu’il exerce « comme un service public du

numérique. Un lieu où il a des gens pour

accompagner et former mais aussi un

lieu de ressources. Des ressources à la fois documentaires,

humaines et techniques »

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Quand Angelo a pris des responsabilités au sein de Mode 83, il s’appuyait sur une expérience solide au sein de services sociaux et de missions locales. Ce qui a fait le lien, c’est l’habitude du tra-vail avec des publics en difficulté, allocataires du RSA, illettrés, handicapés... C’est ainsi qu’il a rejoint une équipe disposant de fortes compétences multimédia et qui souhaitait mobiliser de nouvelles connaissances pour assurer la prise en charge d’un public si particulier.

Car développer à l’aide des outils TIC des actions d’insertion auprès de publics éloignés de l’emploi ou en précarité, n’est pas chose aisée. Il faut tout à la fois des personnes compétentes dans les contenus et la transmission des contenus et ayant des connaissances sur les publics et les difficultés de ces publics.

Trouver un mouton à cinq pattes ressemble à une gageure. D’autant plus, que quand Angelo est arrivé, le numérique n’était pas son point fort. C’est au contact des équipes de MODE 83 qu’il a pu acquérir les savoir-faire complémentaires indispen-sables et développer des compétences reconnues. Pour lui, les TIC peuvent désormais répondre à des enjeux sociaux multiples, pour peu que l’on prenne le temps de comprendre ces enjeux et de réfléchir aux solutions possibles.

Mais Angelo considère de toute façon qu’en tant que CDN, il doit faire preuve d’« ouverture d’esprit ». Il ne doit pas avoir peur

de sortir de son champ de compétences. Pour lui réussir des projets, dans des champs différents, nécessite de se confron-ter à des compétences, des connaissances ou des personnes nouvelles.

Sa recette pour travailler dans des domaines en perpétuelle évo-lution est de se former : c’est ainsi qu’Angelo revendique une stratégie pour faire coïncider ses besoins personnels de déve-loppement de carrière avec ceux qui permettent de répondre aux besoins de sa structure.

Ainsi, pour lui, « rien n’est vraiment tabou en terme d’innova-tion ». Aucun domaine n’est réservé et la transversalité propre aux TIC est salvatrice dans son travail. Bien utilisées, ces der-nières possèdent en effet une certaine plasticité qui permet de les inclure dans des projets de natures très différentes.

Cela lui permet de toucher à tout, de ne pas se mettre lui-même de barrière et de ne pas accepter de se laisser enfermer dans un champ ou dans un autre et empêcher d’aller vers des expé-riences qu’il juge intéressantes.

Toutefois, une condition sine qua non à l’aboutissement de toute réalisation, c’est la construction d’un réseau de partenaires so-lide. Seul, la tâche est trop rude, voire impossible à mener à son terme. « C’est difficile d’être coordinateur et développeur de

Décloisonner, monter des partenariats...

ANGELO, MODE 83DRAGUIGNAN (83)

« Le CDN a besoin d’une double compétence tech-nique et d’analyse/pros-pective. Il doit sentir quels seront les usages de demain »

Page 13: Portraits de Chargés de Développement Numérique

C’est difficile d’être coordinateur et développeur de projet. J’essaie de mener les deux de front, c’est difficile. Dans certaines structures, les développeurs de projets ne font que ça

projet. J’essaie de mener les deux de front, c’est difficile. Dans certaines structures, les développeurs de projets ne font que ça ». Le projet e-santé, celui de lutte contre l’illet-trisme, ou contre l’exclusion du 4ème âge…

Tous ces projets ne peuvent aboutir s’ils sont gérés de façon isolée.

Pour l’aider dans sa tâche, il travaille donc avec de nombreux interlocuteurs, du Département aux municipalités environ-nantes, de l’AGEFIPH au Centre Ressources Illettrisme de Paca, en passant par d’autres ERIC de la région. « C’est là que l’humain reprend ses droits sur les TIC ». En effet, sans ces hommes et ces femmes de bonne volonté, les projets développés ne pourraient voir le jour et aboutir.

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« Nul n’est indispensable », est-on souvent tenté de dire. Mais quiconque connaît Florian a eu tôt fait de réviser ce dicton. Il faut dire que depuis huit ans qu’il officie, sous différentes casquettes, tantôt à la Communauté de communes du Pays Vaison Ventoux (COPAVO), tantôt sur le Pays « Une autre Provence », Florian ne chôme pas.

A son actif, l’ouverture de près de 10 espaces publics numé-riques, répartis entre différentes localités du territoire. « On a fait le choix de l’alternance pour jouer la carte de l’équité. On a 17 communes dans l’intercommunalité. On fait en sorte que chaque collectivité ait au moins un espace ouvert dans l’année. Donc on va ouvrir 6 ou 9 mois dans une commune et ensuite fermer pour ouvrir dans la commune voisine qui est à 3 kilomètres. Ça permet de faire tourner les publics et aux débutants d’avoir une chance d’accéder au service ».

Mais l’activité de Florian ne s’arrête pas là. Depuis qu’il occupe - également en alternance - les fonctions de chargé de développe-ment numérique (CDN) et de chargé de Mission TIC, il gère une équipe de deux animateurs multimédia nécessaire à la bonne marche de son ERIC « en étoile » (ou multisite) et trouve encore du temps pour initier des projets de développement numérique pour les territoires enclavés que sont le haut Vaucluse et la Drôme provençale.

Que de chemin parcouru depuis que Florian a obtenu une Licence en informatique de l’Université de Marseille. Si cette formation initiale lui a permis d’être recruté en 2003 comme

animateur multimédia à la Maison de Service Public d’Orange, il doit surtout son évolution aux qualités de « patience » et de « persévérance » qu’il juge essentielles à l’exercice d’un métier qu’il ne cesse d’inventer au quotidien. « Quand j’étais animateur, je me souviens de la patience qu’il fallait pour travailler avec le grand public. On était à leurs côtés pour leur recherche d’em-ploi et pour certaines personnes c’était difficile. C’était aussi d’assumer leurs échecs quand ils n’avaient pas de réponses positives à leurs recherches. Ça pouvait durer des mois et des mois, et on était à leurs côtés sur ces périodes-là ».

De cette expérience dans l’animation, Florian tire une plus grande aptitude à l’écoute dans sa gestion d’équipe, ainsi qu’une meilleure compréhension des difficultés que cette dernière ren-contre sur le terrain. Il en garde aussi une compétence parti-culière, qu’il s’emploie constamment à mettre en œuvre dans la gestion des projets, et qui consiste à savoir identifier le bon partenaire parmi les structures institutionnelles.

Lorsqu’il devient CDN en 2006 au sein de l’intercommunalité, Florian lance un programme d’ateliers thématiques. Le premier, à destination des élus, vise à les initier à l’usage d’un Intranet qu’il met lui-même en place pour favoriser la circulation des différents comptes-rendus de réunion sur support numérique. Les administrés, quant à eux, ne seront pas en reste. Ce sont d’abord les publics séniors qui sont ciblés, au travers « d’actions de formation dans les maisons de retraite », en partenariat avec le CLIC (centre local d’information et de coordination sur les problématiques gérontologiques). Puis, suivra un peu plus tard

Être ressource, se renouveller...

FLORIAN, COPAVO VAISON-LA-ROMAINE (84)

« On voit bien que les col-lectivités ont besoin d’in-terlocuteurs de proximité sur leurs projets TIC. Du coup, elles font appel à nous pour nos capacités à travailler sur ce genre de projets »

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le projet « TousoTIC » qui s’adresse cette fois-ci aux deman-deurs d’emplois en création d’activité. « Il faut savoir que le premier espace Pôle Emploi est à 40 Km. C’est une spé-cificité de notre territoire. On a voulu, en partenariat avec eux, ouvrir des permanences dans nos lieux à raison de 2 demi-journées par semaine. On s’est aperçu que c’était le meilleur moment pour travailler avec les créateurs d’entre-prise. Une fois qu’ils ont fait leurs démarches administra-tives, c’est trop tard. Donc, nous, on intervient en amont pour leur apporter des compétences informatiques, avant qu’ils entrent dans leurs chantiers d’entreprise ».

Plus récemment, c’est le projet « CréaTIC » qui a vu le jour à destination maintenant des plus jeunes et des adolescents

pour, précise-t-il à nouveau, « les rendre acteurs, être dès demain créateurs sur Internet ». Aujourd’hui, ces différents ateliers comptent de manière régulière 90 inscrits, avec une liste d’attente de près de 50 personnes en moyenne. Alors Florian prévoit déjà de nouvelles formules pour mieux répondre à la demande.

Car le meilleur atout de Florian est certainement de savoir répondre aux multiples sollicitations avec pragmatisme et organisation, parfois même en devançant les besoins de son territoire. C’est ainsi que, depuis peu, il a engagé son ERIC dans l’accompagnement de nouveaux types de projet, en lien avec des thématiques sectorielles telles que le tourisme et la culture. « On a porté un projet comme ESCAPADO qui était un des premiers projets d’itinéraire de randonnée interactif sur Smartphone, notamment sur iPhone et sur Androïd. On essaie de voir aussi quels sont les nouveaux produits et services qui peuvent entrer en cohérence avec cette ap-proche. Par exemple j’étais avec la conservatrice du musée de Vaison car nous avons un projet ensemble. Moi j’apporte ma compétence TIC et elle sa compétence patrimoine qui permettra de faire sortir un projet en 2012 ».

Cette nouvelle orientation ne va pas toutefois sans poser quelques difficultés, notamment dans la rédaction des cahiers des charges et en matière de respect du code des marchés publics. C’est précisément pour mieux y répondre que Florian

envisage dorénavant de préparer le concours de « technicien de la fonction publique territoriale », qu’il conçoit comme la suite logique de son parcours professionnel. Comme il le dit, « c’est un métier en mouvement, il n’y a jamais d’acquis perpétuel, on se renouvelle tout le temps ».

« c’est un métier en mouvement, il n’y a jamais d’acquis perpétuel, on se renouvelle tout le temps »

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Lorsque l’on demande à Fabien de définir ses fonctions, il se qualifie lui-même volontiers d’« artisan multimédia ». Il faut dire que Fabien n’a jamais eu de véritable plan de carrière. Il se laisse le plus souvent guider au gré des opportunités et de ses envies, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ne prend pas de décision. Lorsqu’ Emmanuel Vergès – le directeur du ZINC à la Friche de la Belle de Mai à Marseille – lui propose en 2010 d’occuper le poste de chargé de développement numérique au sein de la structure, il l’accepte comme la suite logique de ses activités. « C’était l’occasion. J’étais à ZINC depuis 2007 dans un cadre qui était orienté animation, tout en développant déjà des pro-jets en relation avec des partenaires. Et ce poste de CDN est arrivé un peu comme ça, je n’en avais pas vraiment entendu parler avant ». Et d’ajouter, après un léger silence, « j’étais peut-être CDN avant de l’être officiellement ». Fabien ne croit pas si bien dire, car, chargé de développement numérique, il l’est en effet presque viscéralement. S’il n’en avait pas jusque-là formellement le statut, il en a en réalité toujours eu l’esprit, en ce sens qu’il est un adepte de l’innovation sociale, et pas seule-ment depuis qu’il est à ZINC. Tout, en effet, dans son parcours et ses expériences de vie, témoigne d’une volonté permanente d’apporter des solutions nouvelles et créatives à des besoins qu’il ressent ou des problématiques qu’il rencontre.

Déjà, lorsque dans sa jeunesse il fréquente le club informatique de la bibliothèque d’Aubagne, Fabien reste sur sa faim. « J’étais

frustré de ne pas pouvoir aller plus loin dans la création ». Il entreprendra alors plus tard des études universitaires à Nice qui déboucheront sur l’obtention d’une Licence Arts – Communi-cation - Langage et qui lui permettra, comme il le dit, « d’ouvrir les yeux sur l’art ». Il passe ensuite une année à Paris pour parfaire sa formation aux Gobelins, l’école de l’image. Son di-plôme de réalisateur multimédia en poche, il est recruté dans la foulée par l’entreprise Pernod-Ricard en tant que Webdesigner. « Création de sites, Intranet, petits films : une application brute de décoffrage de ce que j’avais appris. Un travail assez répétitif, peu passionnant. En fait, ça ne m’intéressait pas que mon travail soit validé par une personne, puis une autre, jusqu’à qu’on me demande de refaire. Et puis j’étais en re-cherche d’autre chose, je manquais de contact, de relations humaines ».

Dès lors, décision est prise de revenir dans sa région d’origine et d’y créer, « un peu à l’aveuglette », une association de créa-tion multimédia pour, précise-t-il, « développer les pratiques chez les plus jeunes ». Dans un contexte général où l’émer-gence d’une société française dite « de l’information » est affi-chée comme une priorité dans les discours politiques, Fabien n’est certes pas le seul à avoir senti le vent favorable qui souffle dorénavant sur toutes structures associatives désireuses de « lutter contre la fracture numérique ». Mais lorsqu’il se lance en 2003, c’est sans véritablement connaître le secteur de l’ac-

Innover, bousculer sa façon de travailler...

FABIEN, ZINC MARSEILLE (13)

« Essayer d’innover tout le temps. Ne pas se contenter de reproduire des projets. C’est pour ça que j’adore travailler avec des artistes. On dit que les artistes sont les radars du monde, ça me permet d’être bousculé et à mon tour de bousculer ma façon de travailler ».

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cès public à Internet, alors en pleine structuration, et avec pour seule aspiration celle de suivre ses envies. « J’ai proposé des choses qui me ressemblaient : de la création de films pour les enfants de 8-10 ans, des concours de tablettes graphiques, des approches ludiques qui permettaient de faire d’autres usages que le simple jeu vidéo ou la rédaction de courrier. L’idée, c’était de montrer qu’un ordinateur, ce n’est pas juste une machine à écrire évoluée, ni une télé, et qu’on peut faire des choses plus créatives ». Ce n’est jamais évident de se lancer seul, de convaincre les financeurs, d’attirer du public, mais Fabien y est parvenu, et avec succès. Pendant quatre années, à Aubagne, il se forme à l’animation multimédia et apprend à connaître, comme il le dit, « toutes les facettes du métier » (montage de projet, recherche de

subventions, animation d’ateliers). Il découvre également peu à peu le réseau régional des espaces publics numériques, dont ZINC à Marseille qui en constitue une sorte de tête de pont et qui finira par faire appel à lui en 2007.

Initialement recruté en tant qu’animateur, Fabien devient ra-pidement force de propositions et ne cesse depuis de faire évoluer ses missions. C’est d’ailleurs de cette manière qu’il conçoit sa fonction. Si, à ses débuts, il effectue quelques ini-tiations à Internet et à l’informatique, il bascule rapidement dans l’animation d’ateliers collectifs et l’accompagnement de projets individuels. « C’est par exemple l’amateur de vidéo qui veut aller plus loin, le photographe qui voudrait déve-lopper une galerie en ligne. Ce sont généralement des per-sonnes qui ont déjà une pratique numérique de base et qui viennent chercher de nouvelles connaissances ». Il faut dire aussi que depuis 2006 la structure ZINC a elle-même enta-mé une évolution, délaissant progressivement les activités qui touchent au « libre accès » (consultation du Web, bureau-tique, recherche d’emplois, etc.) pour mieux se concentrer sur le développement de workshops multimédia qui associent artistes et publics dans une « logique de projet ». À cette fin, Fabien a appris à organiser son temps de travail et celui de ses collègues, à créer les dynamiques collaboratives qui permettent d’avancer collectivement tout en s’adaptant indi-viduellement. « En cinq ans, j’ai beaucoup changé ma façon de travailler. Avant, j’étais seul et responsable de tout. J’ai

appris à déléguer, à m’appuyer sur les compétences des autres, à anticiper également ». C’est donc sans difficulté que Fabien s’est glissé dans ses nouveaux habits de CDN, même s’il ne rechigne pas à l’occasion à revêtir ceux de l’ani-mateur, comme cela est souvent le cas lorsqu’il conduit des projets de coopération artistique en milieu scolaire à Alexan-drie, au Caire ou à Beyrouth.

Aujourd’hui, Fabien ressent le besoin de « de passer à autre chose ». Depuis peu, il a entamé une formation de formateur à Montpellier (avec le soutien de l’AFDAS) pour, dit-il, « faire le point sur ce dont j’ai envie ». Il n’envisage donc pas cette démarche comme une validation d’acquis d’expériences, mais bien plutôt comme « une façon de faire des choix ». Comme il le dit, « Je ne serai peut-être pas CDN pendant 10 ans. Je ne serai sans doute plus dans ce milieu dans 10 ans. Pourquoi ne pas créer une petite entreprise de création internet par exemple ? ».

« En cinq ans, j’ai beaucoup changé ma façon de travailler. Avant, j’étais seul et responsable de tout. J’ai appris

à déléguer, à m’appuyer sur les compétences des autres, à anticiper également »

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