Position de la Commission des droits de la personne et des ... · PDF fileDocument adopté à la 619e séance de la Commission, tenue le 19 juin 2015, par sa résolution COM-619-7.1.2

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  • Cat. 2.700-3.2

    POSITION DE LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE AU SUJET DE LINTERVENTION DU DIRECTEUR DE LA PROTECTION DE LA

    JEUNESSE ET DE SES PARTENAIRES AUPRS DE LA COMMUNAUT LEV TAHOR

    Juin 2015

  • Document adopt la 619e sance de la Commission, tenue le 19 juin 2015, par sa rsolution COM-619-7.1.2

    Claude Boies, avocat Secrtaire de la Commission

    Analyse et rdaction :

    Membres du Groupe de travail sur la situation des enfants intgrs des groupes sectaires

    Camil Picard, vice-prsidentRene Dupuis, vice-prsidentePrsidence

    Catherine Gauvreau, enqutriceAriane Roy LeFranois, chercheureDirection de la protection et de la promotion des droits de la jeunesse

    milie Pelletier, enqutrice Direction de la protection et de la dfense des droits Services des enqutes

    Jean-Sbastien Imbeault, chercheurDirection de la recherche, de lducation-coopration et des communications

    Me Marie Dominique, conseillre juridiqueSecrtariat et Direction du contentieux

    Traitement de texte :

    Ramon AvilaDirection de la recherche, de lducation-coopration et des communications

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    CONTEXTE

    Le 18 novembre 2013, les intervenants du Directeur de la protection de la jeunesse (ci-aprs, le

    DPJ) des Laurentides ont constat que les familles de la communaut Lev Tahor, faisant lobjet

    dvaluation suite des signalements concernant leurs enfants, avaient quitt Sainte-Agathe-

    des-Monts pour se rfugier Chatham-Kent en Ontario. Quelques mois plus tard, suite

    plusieurs dmarches judiciaires entre le Qubec et lOntario et une forte mdiatisation de

    laffaire, les familles quittaient le Canada pour un pays dAmrique centrale.

    La ministre dlgue aux Services sociaux et la Protection de la jeunesse (ci-aprs, la

    ministre) de lpoque a alors demand aux diffrents acteurs impliqus de tracer le bilan des

    interventions effectues et de dterminer des pistes damlioration possibles. Certaines

    difficults ont alors t souleves, dont :

    la concertation et la coordination des interventions entre les diffrents partenaires et les

    dlais qui ont pu en dcouler;

    lapplication de lEntente multisectorielle relative aux enfants victimes dabus sexuels, de

    mauvais traitements physiques ou dune absence de soins menaant leur sant

    physique (ci-aprs, lEntente multisectorielle), tout particulirement en ce qui concerne

    lchange dinformations;

    lapplication de la Loi sur la protection de la jeunesse (ci-aprs, la LPJ).

    Le 3 mars 2014, la ministre demandait la Commission, conformment larticle 23 f) de la

    LPJ, deffectuer une tude sur le processus dintervention auprs de la communaut Lev Tahor

    et, de faon plus globale, sur lintervention du DPJ et de ses partenaires auprs des enfants et

    des familles vivant dans des milieux potentiellement sectaires. Elle souhaitait, de plus, que

    ltude puisse dterminer si les outils cliniques, les mcanismes administratifs et les leviers

    juridiques taient appropris pour intervenir adquatement dans ces situations afin dassurer la

    protection des enfants.

    Le 30 avril 2014, la Commission annonait quelle entreprenait une tude sur la question de

    lintervention en protection de la jeunesse dans la situation des enfants de la communaut Lev

  • Position de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au sujet de lintervention du Directeur de la protection de la jeunesse et de ses partenaires auprs de la communaut Lev Tahor

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    Tahor et plus globalement sur celles menes auprs des enfants vivant dans des milieux

    sectaires. Cette tude visait rpondre essentiellement deux questions :

    dterminer si les divers professionnels du Qubec disposent des outils dintervention et

    des leviers ncessaires dans les situations dinterventions complexes comme dans celle

    de la communaut Lev Tahor et des milieux potentiellement sectaires;

    examiner si lEntente multisectorielle permettant aux divers acteurs de collaborer

    troitement et de partager leurs divers rles et responsabilits dans des situations

    complexes dabus physiques, dabus sexuels et de ngligence grave, a t utilise

    adquatement.

    La Commission a retenu les services dun consultant expert pour raliser cette tude. Aprs

    lanalyse dune documentation importante sur lintervention en protection auprs des enfants de

    la communaut Lev Tahor et des documents existants au Qubec sur lintervention en matire

    de protection de la jeunesse dans les milieux sectaires, et suite de nombreuses rencontres

    avec les diffrents acteurs lis cette intervention ainsi quavec des chercheurs ayant

    dvelopp une expertise sur la question des groupes sectaires, le consultant a remis son

    rapport la Commission en avril 2015. Ce rapport externe propose, en conclusion, quelques

    recommandations afin de tirer des leons du dossier Lev Tahor et damliorer la protection des

    enfants vivant dans un groupe sectaire ou une communaut ferme.

    Ainsi, la chronologie et lhistorique tablis dans le rapport externe permettent la Commission

    de formuler certaines interrogations qui persistent quant au respect des droits des enfants de la

    communaut Lev Tahor et quant lapplication de la LPJ et des guides de pratiques en matire

    de protection de la jeunesse. cet gard, dans le prsent document, la Commission formule

    des commentaires supplmentaires et ses propres recommandations au sujet de lintervention

    effectue en protection de la jeunesse. De mme, elle juge ncessaire de rappeler les grands

    principes visant le respect des droits des enfants qui sont reconnus tant par la Charte des droits

    et liberts de la personne du Qubec (ci-aprs, la Charte) que par la LPJ.

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    LA COMMISSION OBSERVE-RAPPELLE-CONCLUT-RECOMMANDE

    Considrant ses mandats tant en protection de lintrt de lenfant et en matire de respect des

    droits qui lui sont reconnus par la LPJ quen promotion et protection des droits et liberts

    contenus dans la Charte, et suite une analyse attentive du rapport du consultant externe, la

    Commission considre que certaines questions fondamentales lies au respect des droits de

    lenfant, dont celles voulant que les dcisions prises le concernant soient dans son intrt,

    mritent une rflexion plus approfondie. Les aspects suivants feront donc lobjet de

    commentaires spcifiques : le processus dintervention en protection de la jeunesse, la

    prsence doutils cliniques, les mcanismes administratifs et les leviers juridiques et enfin

    lEntente multisectorielle.

    A. Le processus dintervention en protection de la jeunesse

    Si lintervention en protection de la jeunesse auprs des enfants doit tre planifie

    adquatement en prenant en compte les caractristiques de lenfant (art. 2.4 et 3 de la LPJ) et

    de sa famille (art. 2.4 de la LPJ, en tenant compte de certains facteurs tels que les

    caractristiques des communauts culturelles) , les principes de la protection et de la scurit

    de lenfant, tels quinscrits la Charte (art. 1 et 39), la LPJ (art. 2 et 38), et la Convention

    internationale relative aux droits de lenfant doivent sappliquer dans tous les cas.

    Ainsi, la Commission tient rappeler certains principes :

    1. Lintrt de lenfant doit primer

    Lintervention effectue auprs des enfants de la communaut Lev Tahor na pas

    toujours respect le principe de primaut de lintrt de lenfant et de lensemble de ses

    autres droits, dont ceux qui lui sont reconnus aux articles 1, 4, 10, 39 et 40 de la Charte

    et aux articles 2.3, 2.4 et 3 de la LPJ et la Convention internationale relative aux droits

    de lenfant.

    2. Les parents doivent demeurer au cur de lintervention

    Les interventions du DPJ et de ses partenaires (sant, ducation, scurit publique et

    justice) qui devaient permettre dassurer le respect des droits des enfants ont

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    principalement t effectues auprs des leaders de la communaut Lev Tahor, et ce,

    au dtriment des parents qui sont titulaires de lautorit parentale. Dans certains cas, le

    DPJ et les partenaires ont en effet convenu dengagements avec les leaders de la

    communaut, sans la participation des parents, les soustrayant ainsi de leurs devoirs et

    responsabilits envers leurs enfants. Ces interventions napparaissent pas toujours avoir

    t menes en conformit avec les articles 2.2, 2.3, 2.4, 4, 5, 45.1, 47.1, 47.3 et 50 de la

    LPJ et les articles 39 et 47 de la Charte.

    3. La frquentation scolaire doit tre assure

    Lors de ses interventions, le DPJ napparait pas avoir interprt adquatement les

    articles de la LPJ traitant de ngligence au plan ducatif lors de son analyse des

    signalements en lien avec labsentisme scolaire reus en novembre 2011. ce sujet, la

    Commission tient rappeler que depuis 2006, le lgislateur a ajout larticle 38 b) 1 (iii)

    qui prvoit parmi les situations de ngligence linaction des parents prendre les

    moyens ncessaires pour assurer la scolarisation de leurs enfants. En lespce,

    lintervention du DPJ semble avoir t effectue sans tenir compte de cette nouvelle