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Potager Tropical Chapitre 2 Influence Climat Sur Les Plantes

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Chapitre 2

INFLUENCE DU CLIMAT SUR LA

CROISSANCE ET LE

DÉVELOPPEMENT DES PLANTES

I - PHOTOSYNTHÈSE ET TRANSPIRATION

Sauf quelques exceptions*, la photosynthèse n'est active chez les plantes que si les

stomates des feuilles sont ouverts, ce qui permet l'absorption du gaz carbonique (que la

photosynthèse transforme en produits élaborés), et le rejet de l'oxygène.

L'ouverture des stomates ne peut se maintenir que si la plante reste turgescente, et

implique une évaporation d'eau (transpiration). La transpiration est d'autant plus forte que

le rayonnement solaire reçu par la plante est plus puissant.

Il peut arriver que les possibilités d'absorption d'eau par les racines, et de conduction par

les vaisseaux des tiges et pétioles, n'arrivent pas à satisfaire à l'augmentation de la

transpiration. Les plantes se fanent légèrement, les stomates se ferment, et la

photosynthèse s'arrête.

Le vent peut également participer à l'augmentation de la transpiration, en renouvelant un

air sec à l'orifice des stomates. Par conséquent, au cours d'une journée tropicale

ensoleillée (fig. 6) :

*Plantes qui, comme l'Ananas et les Cactées, absorbent le gaz carbonique la nuit, le

stockent sous forme d'acides organiques et réalisent la photosynthèse stomates fermés.

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— la photosynthèse commence au petit matin, dès que la lumière est suffisante

: c'est le seuil photique ;

— elle peut s'arrêter en cours de journée si la radiation solaire dépasse le

«seuil hydrique» pour reprendre le soir. Le vent peut contribuer à abaisser ce seuil.

Pour les plantes les moins adaptées, une belle journée tropicale peut être moins

avantageuse pour la photosynthèse (donc pour la croissance et la future récolte) qu'une

journée d'été dans les pays tempérés, qui dure plus longtemps, et au cours de laquelle, le

Soleil montant moins haut, le seuil hydrique n'est pas atteint.

Dans la pratique, cet inconvénient se traduit par un flétrissement temporaire des plantes

aux alentours de midi, qui se manifeste même si le sol est parfaitement pourvu en eau.

Suivant les espèces végétales les seuils photique et hydrique se placent à des niveaux

variables. Les espèces bien adaptées aux régions tropicales sont capables d'exercer leur

activité photosynthétique sous des rayonnements plus violents que celles qui proviennent

de climats tempérés ou méditerranéens (ou de sous-bois forestiers).

Chez certaines espèces, le mécanisme lui-même de la photosynthèse est différent, et

aboutit en premier lieu à des acides organiques en C4, au lieu de former tout d'abord un

Sucre en C3.

Ces plantes à photosynthèse C4, parmi lesquelles la Canne à sucre, le Sorgho et l'Epinard-

Amarante, sont capables de fournir à l'unité de surface et de temps les rendements en

matière sèche les plus élevés en conditions tropicales. On y rencontre aussi de robustes

mauvaises herbes : graminées, amarantes, pourpiers et Cyperus, concurrentes les plus

nocives des cultures qui nous intéressent.

II - TEMPÉRATURE ET RESPIRATION

Les plantes à photosynthèse C4 sont également celles pour lesquelles la respiration

cellulaire pendant le jour (ou photo respiration) est la plus faible, et contrarie le moins la

photosynthèse.

Chez les autres plantes, il arrive souvent que l'optimum

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thermique de la respiration soit supérieur à celui de la photosynthèse. Le bilan de ces deux

activités, après être passé par un maximum, diminue quand la température s'élève encore.

La respiration nocturne, si les nuits sont tièdes, peut encore grignoter ce bilan

photosynthèse/respiration.

L'optimum thermique pour la croissance végétative est situé plus ou moins haut suivant

les espèces et variétés végétales. Il peut se situer vers 14°-18° pour des plantes originaires

des climats tempérés (Ail, Poireau), ou de montagnes tropicales (Pomme de terre), et

beaucoup plus haut pour des plantes bien adaptées.

La figure 7, inspirée de CHILDERS et al. donne approximativement les intervalles de

température permettant la croissance de diverses espèces maraîchères.

A l'intérieur d'une espèce (le petit Pois, Pisum sativom, les Choux, Brassica oleracea, la

Laitue Lactuca sativa), il peut y avoir des différences variétales d'adaptation thermique,

auxquelles il sera fait allusion dans les chapitres spécialisés.

III - LONGUEUR DU JOUR ET DÉVELOPPEMENT DES PLANTES : LE

PHOTOPÉRIODISME

Indépendamment de leur action sur la croissance des plantes, la lumière et la température

agissent sur leur développement : passage de la plantule à la plante adulte produisant

fleurs et fruits, bulbes et tubercules.

La longueur du jour (ou photopériode) influe de façon très nette sur le développement.

On divise classiquement les plantes en trois catégories selon leur réaction à la longueur du

jour :

1) Les plantes de jours courts, qui mettent en train leur floraison (ou leur tubérisation)

lorsqu'elles ont subi un certain nombre de nuits plus longues qu'une durée donnée. On

peut annuler l'effet de ces nuits longues par une heure d'éclairement de faible intensité à

minuit. Le seuil d'intensité lumineuse

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se situe entre 100 et 200 lux, il est supérieur à la luminosité de la pleine lune*.

Cette stricte définition ne concerne que certaines espèces utilisées comme «cobayes» de

laboratoire (Xanthium spp.). La majorité des espèces tropicales concernées par ce

phénomène sont des «plantes de jours courts relatifs» chez lesquelles les jours voisins de

12 h et décroissants accélèrent considérablement l'initiation florale et la tubérisation. Les

jours croissants et/ou supérieurs à 12 h exercent l'effet contraire (retard, ou inhibition

totale). Les plantes de jours courts sont en général originaires de climats tropicaux à

saison sèche bien marquée, dont la floraison ou la tubérisation se trouvent ainsi placées à

la fin de la saison des pluies. Les graines mûrissent à temps pour passer la saison sèche, et

germer au début de la saison des pluies suivante, les tubercules entrent en dormance pour

germer à nouveau au même moment.

2) Les plantes indifférentes, qui peuvent former leurs organes reproductifs ou de réserve

en toutes saisons, quelle que soit la longueur du jour, ou sa variation. Nous tenterons d'en

distinguer trois catégories :

Plantes originaires de climats équatoriaux sans saisons bien marquées : leur

floraison ou la croissance des tubercules sont continues tout au long de l'année.

Avec le Bananier et le Cocotier, nous y placerons l'Igname jaune (pour la tubérisa-

tion) et certaines variétés antillaises de Phaseolus lunatus ou de Lablab piger

(Légumineuses), qui produisent en toutes saisons une masse considérable de

feuillage et quelques fleurs et gousses.

Plantes originaires de climats équatoriaux à une seule saison sèche bien

marquée : le signal photopériodique est trop faible pour être pris en compte, et le

cycle de végétation coïncide avec l'année du fait d'un rythme interne de 12 mois :

par exemple chez l'Igname Cousse-couche (Dioscorea trifida),

*Ce qui rend extrêmement douteuses toutes les traditions relatives à l'influence de la Lune

sur la végétation terrestre, plus probablement en relation avec la magie analogique qu'avec

des faits réels.

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8 mois de végétation, 3 mois de tubérisation, 1 mois de dormance.

• Plantes originaires de climats subdésertiques, à cycle très court, capables de profiter

d'une pluie exceptionnelle à toute période de l'année pour boucler leur cycle en moins de 3

mois (ex.: variétés de Sorgho ou de Vigna unguiculata les plus

précoces).

3) Les plantes de jours longs fleurissent après avoir subi un certain nombre de jours plus

longs qu'une durée donnée, d'autant plus efficaces qu'ils sont croissants.

Ce sont en général des plantes de climats méditerranéens ou tempérés, dont la floraison ou

la tubérisation se trouvent ainsi placées au printemps ou en été. Les graines (ou les

tubercules) sont prêts à affronter l'été sec pour germer à l'automne (climats

méditerranéens), ou l'hiver dans le cas des pays tempérés.

On peut bien entendu cultiver en climat tropical les plantes de jours longs dont les parties

végétatives sont consommées, et non les fruits ou tubercules.

A la suite de migrations sud->nord (pour les plantes de jours courts) ou nord->sud (pour

les plantes de jours longs), une indifférence presque totale a pu se développer chez

certaines variétés, soit au cours des millénaires dans le cadre de l'Ancien ou du Nouveau

Monde, soit en quelques décennies aux XVIe-XVIIe siècles à la suite du grand échange de

plantes alimentaires effectué à cette époque (Maïs, Pomme de terre, par ex.). Ces variétés

«indifférentes» (ex. : oignons «basses latitudes», pommes de terre «tuberosum») gardent

souvent cependant des traces de leur comportement d'origine, sous l'influence de jours

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supérieurs à 12 h et croissants, ou inférieurs à 12 h et décroissants, qui accélèrent le

développement suivant le cas.

IV - ACTION DE LA TEMPÉRATURE SUR LE DÉVE-

LOPPEMENT DES PLANTES : LE THERMOPÉRIODISME

La température influence elle aussi, non seulement la croissance, mais le développement

des plantes.

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1. Interactions photopériodisme-température

Le comportement photopériodique des plantes peut varier suivant la température sous

laquelle on les cultive. Le Fraisier et certaines variétés de Haricot se comportent en

plantes indifférentes au-dessous d'une certaine température, en plantes de jours courts au-

dessus. Les Allium, pour être sensibles à l'action des jours longs sur la formation des

bulbes, ont besoin de températures supérieures à 18°-20° : nous ne citons ici que deux

exemples parmi d'autres.

2. Thermopériodisme saisonnier

Pour passer d'un état végétatif à l'initiation florale, ou pour devenir sensibles au

photopériodisme (cas plus complexe), certaines plantes ont besoin d'être exposées à une

période froide : Crucifères (induction florale par le froid), Blé d'Hiver (qui a besoin d'être

vernalisé par le froid avant de devenir sensible aux jours longs). On retrouvera une

situation analogue pour le renflement des bulbes chez l'Ail.

Réciproquement, le stockage des bulbes d'Oignon à des températures supérieures à 30°

réduit l'émission des hampes florales la saison suivante.

3. Thermopériodisme journalier

C'est chez la Tomate que ce phénomène est le mieux connu : la plante adulte montre la

croissance la plus rapide, la floraison la plus abondante, quand un écart de 10° à 12° se

manifeste entre la nuit et le jour : une alternance 16°-28° est beaucoup plus favorable

qu'une température constante de 22°, ou, pire encore, de 28°.

Il ne s'agit plus là seulement de concurrence entre respiration nocturne et photosynthèse,

mais d'une meilleure migration nocturne des produits élaborés par les feuilles, quand les

nuits sont fraîches.

Beaucoup de plantes d'origine tempérée ou montagnarde se trouvent défavorisées de la

même façon quand l'écart de température entre la nuit et le jour n'est pas supérieur à 6° ou

7.

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V - CONSÉQUENCES PRATIQUES

Il résulte de ce qu'on vient de lire qu'avant d'introduire une espèce maraîchère sous les

tropiques, il importe de vérifier que sa température optimale de croissance, et ses

exigences photopériodiques, ne sont pas incompatibles avec les conditions climatiques

locales. Si, par ailleurs, on connaît sur place des types locaux de l'espèce qu'on désire

développer, on se gardera de les mépriser même si leurs produits sont de qualité médiocre

ou inhabituelle : ces variétés locales traditionnelles pourront être précieuses par leurs

caractères d'adaptation dans d'éventuels programmes. d'amélioration.

Dans les cas où les conditions climatiques sont à la limite des possibilités de l'espèce,

certains artifices culturaux pourront aider les plantes à mieux supporter le climat tropical,

en particulier en leur épargnant les trop fortes radiations solaires en milieu de journée ou

en diminuant la contrainte supplémentaire due au vent.

1. Les brise-vent

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Dans les zones sèches et plates où un alizé fort et constant, dépassant 15 km/h, abaisse le

seuil hydrique de la photosynthèse, on peut penser protéger les plantes par des brise-vent :

soit naturels (haies de Pois de bois, de Pennisetum purpureum, de Canne à sucre), soit

inertes (palmes tressées, tiges de Gynerium), soit artificiels (grillages de tissus

synthétiques).

Cependant, d'après les expériences de J. FOUGEROUZE en Guadeloupe, l'effet bénéfique

des brise-vent ne se manifeste à coup sûr que pour les espèces qui ont un optimum

thermique élevé (ex. : Melon, Concombre). Pour les autres cultures, l'effet favorable ne se

manifeste qu'en saison fraîche (Haricot), ou jamais (Tomates, Salades).

En effet, les brise-vent augmentent de 2° à 3° la température de l'air au cours de la

journée. De plus, orientés nord-sud face à l'alizé, ils privent les plantes des rayons du

soleil du matin et du soir, les plus favorables à la photosynthèse.

2. Orientation des lignes

De la même façon, si on alterne des cultures hautes et basses (ignames, haricots-rames,

tomates, concombres palissés - salades, haricots nains, patates douces, carottes), il n'est

pas recommandable d'orienter les lignes nord-sud, car les cultures basses resteront à

l'ombre une grande partie de la journée, et les cultures hautes recevront l'alizé en plein

fouet. Si, au contraire, on oriente les lignes est-ouest, les cultures basses recevront les

premiers et derniers rayons du soleil, et les plantes hautes ne souffriront du vent qu'en

début de ligne.

3. Plantes d'ombrage, ombrières et abris

Contrairement aux plantes ornementales (orchidées, broméliacées, etc.) dont beaucoup

sont à l'origine des épiphytes de forêt tropicale, la majorité des plantes maraîchères sont

des plantes de pleine lumière. Ce serait donc une erreur grossière, en particulier pour la

préparation des plants, d'utiliser des abris qui enlèvent plus de 25% de la lumière du jour.

Par contre, sur les plantes délicates, tout dispositif évitant une radiation trop intense en

milieu de journée, et diminuant l'échauffement superficiel du sol pourra se montrer

avantageux. On peut envisager, en particulier:

L'usage de plantes d'ombrage : un plant de Maïs par m2, par exemple, peut

se révéler très intéressant pour des cultures de pommes de terre souffrant de

températures élevées. Dépasser cette densité conduirait à l'étiolement.

Les abris transparents, en plastique armé ou tôle ondulée transparente. S'ils

sont à double pente ou en forme de tunnel, ils ont l'inconvénient d'accumuler à leur

partie supérieure un «bouchon d'air chaud» qui rayonne de l'infrarouge et élève de

5° à 6° la température au niveau du sol ou du plan de travail. Si, par commodité

commerciale, on tient à employer des tunnels plastiques, on s'efforcera de les tenir

grands ouverts aux extrémités et sur 1 m de haut sur les côtés, avec si possible une

pente, et orientés longitudinalement par rapport au vent.

L'abri idéal sera constitué par un toit à simple pente, en plastique armé ou tôle ondulée

transparente, de faible largeur (3 à 5 m), laissant par ses côtés largement ouverts les

rayons de soleil du matin et du soir parvenir sur les plantes. On inclinera le toit vers la

direction dominante des pluies (vers l'est en régime d'alizés). Un tel abri pourra être

construit (fig. 8) :

— Au-dessus des tablettes où l'on pose les terrines de semis et les jeunes plants en

préparation. Dans ce cas, pour Guyane française. L'abri est indispensable aussi pour les

cultures hydroponiques, sauf en saison totalement sèche.

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Fig. 8 - Un abri, avec toit de plastique armé à simple pente, permettant une culture de

tomates à l'abri des fortes pluies, sans élévation anormale de température.

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4. Palissage

Ce que nous avons exposé plus haut au sujet des seuils photique et hydrique de la

photosynthèse est valable pour des plantes naines ou rampantes, qui ne présentent au-

dessus du sol qu'un ou deux étages de feuilles : haricots nains, courgettes non coureuses,

concombres ou melons courant sur le sol. Par contre, si on superpose de nombreux étages

de feuilles, par utilisation de variétés volubiles (haricots), ou par le palissage (melons,

concombres), il peut s'établir un relais entre ces étages pour la photosynthèse : les étages

supérieurs sont actifs le matin et le soir, les feuilles inférieures, ombragées, atteindront le

seuil photique en milieu de journée.

On devra donc préférer ces cultures palissées à partir du moment où le Soleil approche du

zénith. Pendant la saison des pluies, elles seront également préférables pour d'autres

raisons : séchage plus rapide des feuilles et des fruits, moins grands risques de maladies.