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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Poteries àmasques prophylactiques A propos des vases «planétaires » Author(s): Marcel Renard Source: Latomus, T. 14, Fasc. 2 (Avril-Juin 1955), pp. 202-240 Published by: Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41520371 . Accessed: 12/06/2014 11:35 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Latomus. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.79.21 on Thu, 12 Jun 2014 11:35:45 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Poteries à masques prophylactiques A propos des vases « planétaires »

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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles

Poteries àmasques prophylactiques A propos des vases «planétaires »Author(s): Marcel RenardSource: Latomus, T. 14, Fasc. 2 (Avril-Juin 1955), pp. 202-240Published by: Societe d’Etudes Latines de BruxellesStable URL: http://www.jstor.org/stable/41520371 .

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Poteries à masques prophylactiques

A propos des vases « planétaires »

Le fragment de sigillée n° 2726 de Bavai

Dans un mémoire consacré à l'historique des fouilles de Bavai, M. le Chanoine Biévelet a reproduit un curieux fragment de céra- mique sigillée (PL I, fig. 1) provenant de la capitale des Nerviens (*). J'ai déjà eu l'occasion de signaler brièvement l'intérêt de ce docu- ment (2), mais il mérite plus qu'une rapide mention et vaut qu'on en reprenne l'examen, car il est d'un intérêt considérable.

Découvert en 1923 dans une sépulture - féminine peut-être - de la sablière Lenglet, il a été sommairement décrit par Paul Darche, qui en a publié un rapide dessin : « Fragment de poterie ornée (№ 2726) de facture assez barbare, masques curieusement asiatiques, sur des colonnettes, encadrés par une arcature. Le vernis, peu brillant, manque par endroit » (3).

Ce fragment à paroi assez épaisse a appartenu à un vase du type Dragendorff 37. Sous une frise d'oves à cœur étroit comportant trois orles pourvus d'un dard à tête globuleuse, des panneaux sont

(1) H. Biévelet, L'exploration archéologique de Bavai dans Gallia , I, vol. 2, 1943, p. 178 (= p. 20 du tiré à part). - L'article qu'on va lire doit énormé- ment aux renseignements que m'a fournis M. le Chanoine Biévelet : non seule- ment il a répondu avec une inlassable bonne grâce à mes demandes d'informa- tions, mais il a encore mis à ma disposition des publications qui m'étaient dif- ficilement accessibles ainsi que les notes de fouilles de Maurice Hénault et la fiche établie par M. F. Vaes pour le tesson dont il est question pour l'instant. Enfin, je lui dois d'avoir pu utiliser les clichés des planches I, fig. 1 ; II, fig. 4- 6 et III, fig. 7-12.

(2) M. Renard, Sur quelques survivances de Vépoque celtique dans la Belgique romaine dans Fédér . Arch . et Hist de Belg,, Annales du XXXIIIe Congrès ( Tournai , 1949), t. II, Rapports, p. 11.

(3) P. D arche, Sur des fragments de vases ornés trouvés dam des sépultures féminines à Bavai dans Pro Nervia, II, 4, 1925, p. 246 (sépulture 434) ; le même cliché est reproduit à la p. 4 de la couverture de Pro Nervia, III, 2, 1937.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 203

constitués par des colonnettes à torsades érigées depuis la partie inférieure du vase jusqu'à la hauteur des oves. Dans les panneaux ainsi délimités se répétait un motif en tous points remarquable, conservé en double sur notre tesson : une succession d'arcatures en plein cintre, appuyées sur des colonnettes torses forment une sorte de portique sous chacune des arches duquel une tête humaine est posée sur un piédestal à godrons horizontaux surmonté d'un petit chapiteau rudimentaire à moins qu'il s'agisse d'un disque servant de support au masque. Les deux têtes humaines qui nous sont par- venues ne laissent pas d'être surprenantes. Nous venons de voir que P. Darche leur trouvait un aspect asiatique : de fait, les yeux paraissent bridés. En réalité ils sont clos. En outre, les joues où saillent les pommettes sont émaciées tandis que la bouche est comme rétrécie et figée. Bref, ces visages à la fois décharnés et tuméfiés sont des masques mortuaires.

La date de notre fragment peut être établie de façon approxima- tive. En effet, outre une lagène, une fibule arquée à ressort et la moitié d'un bracelet fait d'un fil de bronze, la sépulture d'où il provient a livré un moyen bronze de Titus et, sur un tesson de sigillée unie, la signature du potier [L]ibertus (*) de La Graufesen- que, dont l'activité se situe de Néron à Vespasien (2). La monnaie et le sigle nous fournissent donc un terminus post quem. D'autre part, en se fondant sur l'aspect assez terne du vernis de notre fragment et sur certains éléments de son décor, M. Vaes l'a attribué avec raison aux ateliers de Lavoye et l'a justement daté du milieu du и® siècle i3). Enfin, on confrontera utilement un tesson de la Madeleine figurant de même une tête sur un piédestal et, semble- t-il, sous l'arcade d'un portique (4).

Relevons qu'à propos des tombes de Bavai et de leur mobilier P. Darche écrivait et, me paraît-il, non sans raison : « Les 'types

'

des tessons de vases ornés, fréquents dans nos sépultures, [ont] dû être choisis » (5). Sans doute ne conviendrait-il pas de généraliser

(1) Ibid. (2) F. Oswald, Index of Potters' Stamps on Terra S (gittata, Castle Hill,

1931, art. Liber tus, 1. (3) Fiche établie par M. Vaes. (4) E. Foelzer, Die Bilderschüsseln der ostgall. Sigillata- Manufakturen,

Bonn, 1913, pl. II, 2. (5) P. Darche, op. cit., p. 243.

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de façon outrancière pareil point de vue, mais il est clair que notre fragment à masques funèbres, exhumé d'une tombe, y jouait le rôle d'une protection magique (*).

Fragment de sigillée de Meaux

Le sujet macabre qui constitue le motif du fragment que nous venons d'examiner n'est pas le seul témoignage de la sorte dans la

production de la céramique sigillée. Nous mentionnerons dans cet ordre d'idées un tesson découvert à Meaux (Pl. I, fig. 2 et 3) : sur un cordon circulaire en relief, qui faisait le tour de la partie inférieure du vase et duquel se détache ici et là une ornementation de feuilles, se voient des crânes humains parmi lesquels bondissent des lions (2).

L'allure de la composition animale et florale rappelle le mouve- ment du décor floral d'un fragment de Lavoye (®) et il en est de même pour le fragment d'arcature encore visible sous les oves (4) tandis que les lions sont assez similaires à ceux qui apparaissent sur les produits de La Madeleine (5) à la suite desquels ceux de

Lavoye se trouvent pour une bonne part. Le fragment de Meaux

pourrait ainsi dater de la première moitié du ne siècle. Nous manquons malheureusement d'informations sur les cir-

constances dans lesquelles le tesson a été découvert. Faut-il voir dans ce thème, comme on l'a dit, une invitation épicurienne suggé- rant aux convives de jouir paisiblement de la tranquillité de l'heure « à l'abri des terribles mangeurs d'hommes » (e) ? Nous ne le croyons guère, car le sujet est en corrélation avec les représentations du

(1) Pour les sens du masque, je renvoie une fois pour toutes à K. Kerényi, Mensch und Maske dans Eranos- J ahrbuch, 1948, pp. 183-208, et à W. Deonna, Phalères celtiques et gallo-romaines avec décor de têtes humaines dans Rev. Arch ., 1950, I, pp. 35-37 et pp. 147-181 (cf. notamment les pp. 55-57 sur le sens apa- tropaïque du masque).

(2) G. Gassies, Poterie romaine à sujet macabre trouvée à Meaux dans Rev. Ét. Ane ., II, 1900, pp. 55-56. M. Endrès, Conservateur du Musée Municipal de Meaux, nous a aimablement procuré la photographie de notre planche I, fig. 2.

(3) Cf. H. Ricken, Die Bilderschüsseln der Kastelle Saalburg und Zugmantel dans Saalburg Jahrbuch , VIII, 1934, pl. XIII, fig. 47.

(4) Cf. ibid., pl. XIII, fig. 48 et 51. (5) Cf. ibid.t pl. IX, fig. 20 et p. XI, fig. 13a et 16. (6) Gassies, /. c.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 205

fauve dévorant (x) si fréquentes dans le répertoire symbolique de la sculpture funéraire et devenu un motif prophylactique (2). Ainsi donc, que le fragment de Meaux provienne d'une sépulture son thème a la même valeur apotropaïque que celle du tesson de Bavai examiné plus haut ; qu'il ait appartenu à un ensemble archéolo- gique d'un autre genre, son décor avait un sens talismanique paral- lèle.

Les vases « planétaires »

Questions controversées

Nous voudrions à présent évoquer pour notre propos les vases dits planétaires, qui furent fabriqués à Bavai (?) - ainsi qu'en témoigne l'abondance des découvertes qu'on y a faites - et sans

(1) Cf. M. Renard, Des sculptures celtiques aux sculptures médiévales. Fauves androphages dans Hommages à J. Bidez et à F. Cumont (Collection Latomus, vol. II), Bruxelles, 1949, p. 277 sqq.

(2) Ainsi qu'en témoigne, parmi d'autres exemples, une poignée de clé de Siders, ibid., p. 282 ; S. Reinach, Rép . stat. , 5, p. 420, fig. 6.

(3) La possibilité d'une fabrication rhénane des vases « planétaires * à une époque tardive et à la suite de ceux de Bavai vient d'être suggérée par M. Amand, Les fragments de vases de Bavai retrouvés à Tournai dans Latomus , XIII, 1954, p. 49 et Les « planétaires » rhénans, ibid., XIV, 1955, p. 199, M. Amand invoque deux matrices, l'une du Musée de Cologne, l'autre du Musée de Trêves. Toutefois la matrice de Cologne présente une effigie qui n'est pas absolument analogue à celle des types bavaisiens : M. Amand le reconnaît dans son deuxième mémoire et n'exclut pas qu'elle ait pu servir à l'ornemen- tation de vases autres que les vases « planétaires » (p. 199). Reste la matrice de Trêves, qui n'est pas un original mais un surmoulage. On l'a donnée comme ayant été trouvée à Trêves. Mais on a récusé cette information et on a supposé, eu égard à la nature de la pâte blanche et fine semblable à celle des ateliers de Cologne, qu'il s'agit là « d'un produit colonais émigré à Trêves à l'époque moderne » (ibid., p. 201). Quoi qu'il en soit, cette matrice apporte un solide argument à l'hypothèse de M. Amand. Autre chose serait de démontrer que Bavai et ses environs (bien qu'on y trouve à partir du début du ni® siècle des importations colonaises) ont connu, à côté des exemplaires de fabrication ré- gionale, des vases * planétaires » d'origine rhénane en se fondant sur le seul fait qu'on a découvert à Bavai même (cf. Henault dans Pro Nervia, III, 3, 1927, p. 389, n° 589) et à Tournai (cf. Amand, Les fragments de vases de Bavai retrou- vés à Tournai , p. 48 sq.) des fragments à pâte blanchâtre : si celle-ci caractérise dans une bonne mesure les fabrications colonaises, elle ne leur est sans doute pas exclusive. *

Latomus XIV. - 14.

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doute dans les régions environnantes. Mais il convient pour com- mencer de prendre position sur des questions discutées.

Des opinions fort diverses ont été émises sur la chronologie de ces vases aux flancs desquels apparaissent, ainsi qu'on sait, des masques virils imberbes ou barbus - dont parfois celui du Tricé- phale - et des masques féminins.

Dès 1892, F. de Villenoisy avait estimé que l'exemplaire de Ju- pille, en raison de son contexte archéologique, ne pouvait être postérieur aux deux premiers siècles de notre ère Q). Cependant, alors que Salomon Reinach datait aussi globalement les vases « pla- nétaires » de la même période (2), Rademacher (®) et Kossinna (4) lui imputèrent de les avoir assignés, comme ils le faisaient eux- mêmes, au iiie siècle tandis que Loeschke les plaça à la fin du ne siècle et au 111e (5). Cette chronologie tardive était encore admise il y a peu par Mme Faider-Feytmans (e) et M. R. Pettazzoni (7).

Entretemps - en 1909 - Krüger, se fondant sur un examen technique un peu sommaire de l'exemplaire du Cabinet des Mé- dailles, avait suggéré que celui-ci n'était pas postérieur à l'époque de Tibère (®) et cette façon de voir a été reprise récemment par

(1) F. De Villenoisy, Le vase gallo-belge de Jupille dans Bull . Inst. Arch . Liégeois , XXIII, 1892, pp. 423,426 et 430 (cf. ibid., XI, 1872, p. 495, sur la chronologie du site) suivi par J.-E. Demarteau, Le uase planétaire de Jupille dans Mélanges Godefroid Kurth , II, Mémoires litt., philol. et archéol., Liège, 1908, p. 16.

(2) S. Reinach, Mercure tricéphale dans Cultes , mythes et rei., 2e éd., t. III, Paris, 1913, p. 160 (= Reo. Hist. Rei., 1907, pp. 57-82) : les vases de Bavai proviennent « sans doute d'un même atelier belgo-romain des deux premiers siècles ».

(3) C. Rademacher, Germanische Gräber der Kaiserzeit am Fliegenberge b. Troisdorf dans Mannus, II, 1910, p. 11, qui considère le vase « planétaire * de Troisdorf comme provenant de la Belgica. Cf. Id., Die germanische Dorfanlage der Kaiserzeit am Fliegenberge bei Troisdorf, ibid., I, 1909, p. 95.

(4) G. Kossinna, Zur Wochengöttervase vom Fliegenberge bei Troisdorf dans Mannus, II, 1910, p. 205 ; cf. ibid., pp. 317-318.

(5) S. Loeschke, Applikenform einer Planetenvase im Prov. Muss, zu Trier dans Rom. Germ. Korrespondenzblatt, 8, 1915, pp. 5-6 et n. 15. Cf. aussi Pauly- Wissowa, R. E., art. Mercurius col. 999, n° 242 (Heichelheim).

(6) G. Faider-Feytmans, L'occupation du sol à l'époque romaine dans le bassin supérieur de la Haine dans Latomus, V, 1946, p. 54.

(7) R. Pettazzoni, The Gaulish Three-Faced God on Planetary Vases dans Journ . of Celtic Studies, I, 1949, p. 39.

(8) E. Krueger, Deux monuments du dieu tricéphale gaulois dans Fédér. Arch, et Hist, de Belg., Annales du XXIe Congrès (Liège, 1909), pp. 127-128.

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Melle Bober (x). De son côté, P. Darche avait fait observer que les monnaies et les sigles de potiers découverts en même temps que les

fragments de vases « planétaires » permettaient de dater ceux-ci du ier siècle et du 11e, principalement de la première moitié du iie (2). En fait, cette production céramique a débuté dès l'époque de Claude au moins et s'est poursuivie jusque dans la seconde moitié du 11e siècle ou, au plus tard, jusque vers la fin de celui-ci ainsi que vient de le démontrer M. Marcel Amand dans deux mémoires décisifs où il est même parvenu à fixer les lignes essen- tielles de l'évolution du genre (3), emportant, semble-t-il bien, la conviction de Mme Faider-Feytmans (4) et de M. Paul-Marie Du- val (5).

De même que la chronologie de ces vases, le sens du décor qui apparaît sur leurs flancs devrait être examiné à nouveau et sans a

priori. Le fait que les exemplaires de Tournai (e), de Jupille (7) et du Cabinet des Médailles (8), comportent ou comportaient sept effigies les a fait qualifier, comme on sait, de planétaires. Cepen- dant le parallélisme n'est rigoureux ni en ce qui concerne la dispo- sition des images sur les trois récipients ni en ce qui regarde l'iden- tification des figures. Mais la plus grosse objection à l'égard d'une

interprétation de ces effigies comme celles de divinités planétaires, c'est que certains vases de la série comportaient moins de sept figures : même si l'on peut tenter quelque explication pour justi- fier le fait que le vase de Troisdorf (9), qui est complet, ne compte que six masques, il n'en demeure pas moins que certains exem-

(1) Phylis Pray Bober, Cernunnos. Origin and Transformation of a Celtic Divinity dans Amer, Journ. of Arch ., LV, 1951, p. 38. (2) P. Darche, Les « vases de Bavay ъ dans Bull . Arch, du Com. des Trav.

Hist., 1932-33, pp. 667 et 669 ; cf. ibid., p. 95. (3) M. Amand, Les fragments de vases planétaires retrouvés à Tournai , p. 40

sqq. et Les « planétaires » rhénans, p. 186 sqq., surtout p. 195 sq. (4) G. F(aider) - F(eytmans), A propos des vases de Bavai dans L* Ant.

Class., XXIII, 1954, p. 449. (5) P.-M. Duval, Notes sur la civilisation gallo-romaine. II. Les dieux de la

semaine dans Gallia, XI, 1953, p. 291. (6) Cf. Amand, Les « planétaires » rhénans, pl. II, fig. 6 ; voir aussi Id., Fouil-

les de Tournai (1941-1942) dans UAnt. Class., XII, 1943, pl. III ad p. 100. (7) Cf. ibid., pl. Ill, fig. 7 et J. Philippe, Guide du visiteur aux Musées

Curtius et d'Ansembourg, Liège, 1952, pl. IV. (8) Cf. ibid., pl. II, fig. 8-9. (9) Cf. ibid., pl. I et II, fig. 1-5.

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plaires n'en comptaient que quatre ou trois, voire deux seule- ment i1).

Il est donc évident qu'un certain nombre de vases de cette sorte n'avaient absolument rien de planétaire. Au lieu de vouloir carac- tériser la série entière par une telle appellation abusivement prêtée à l'ensemble de la production, il importe bien plutôt de considérer avec M. Biévelet que ce qui fait l'unité de l'ensemble, c'est d'abord l'identité des procédés techniques (2).

Aussi importerait-il de reprendre le problème en faisant abstrac- tion du souci inexprimé de mettre nos récipients en rapport avec le culte des planètes et même d'y trouver des éléments susceptibles de soutenir l'hypothèse d'une semaine celtique.

J'ajouterai cependant que s'il est avéré qu'il faut rejeter pour l'ensemble de ces vases l'appellation traditionnelle, je persiste à croire, malgré des avis récents (3), que certains d'entre eux y ont

légitimement droit. Mais cela nous entraînerait trop loin d'en discuter pour l'instant.

Masques aux yeux clos

Dans sa notice sur Les « vases de Bavai », P. Darche écrivait en 1932-33 : « Sur 771 sépultures que nous avons fouillées à ce jour, 50 seulement (car certaines comportent plusieurs fragments), ont donné des masques ou fragments de ces vases soit à peu près 6,5 p. 100» (4). Il eût été beaucoup plus suggestif de compter combien de tessons sur le nombre total des fragments connus ont été trouvés dans des sépultures, combien proviennent d'autres milieux archéo-

logiques et dans quelles conditions ils y ont été découverts, combien enfin sont d'origine indéterminée. A défaut de cette statistique,

(1) Biévelet, Notes sur les oases de Bavai dans Latomus, XII, 1953, pp. 163- 164 (fragment conservé naguère à Valenciennes prouvant que le vase auquel il appartenait ne comptait que quatre motifs au maximum) et p. 165 (tessons de Bavai 2752 I et II montrant que le vase entier comportait tout au plus quatre figures et peut-être deux seulement) ; Amand, Fragments de vases de Bavai retrouvés à Tournai , p. 47 (fragment С 6 de La boucherie attestant que le vase complet n'avait que trois têtes). Cf. aussi Bull . de la Soc . Scient . et Litt . du Limbourg , XXII, 1904, p. 198 (L. Renard).

(2) Biévelet, op. cit., p. 165. (3) Cf. P.-M. Duval, op. cit., pp. 291-292 et G. F(aider)-F(eytmans), A

propos des vases de Bavai9 l. c, ; voir S. Reinach, op. cit., pp. 171-172 et Bober, op. cit., pp. 37-38.

(4) Bull. Arch, du Com. des Tr. Hist., 1932-33, p. 669 ; cf. ibid., p. 95.

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un rapide coup ďoeil au journal des fouilles de Maurice Hainault suffit pour se convaincre que bon nombre de nos fragments de vases « planétaires » ont été découverts dans des sépultures ou dans des nécropoles, à proximité immédiate de sépultures (г). Rap- pelons d'autre part que le vase de Troisdorf a été retrouvé dans une tombe (2), que celui du Cabinet des Médailles provient d'un endroit de Bavai qui n'est distant que d'une bonne centaine de mètres de la nécropole de la sablière Mathieu (3), que celui de Tournai a été exhumé dans la ville romaine, sans doute, mais d'une couche sous-

(1) Puits à sépultures n° 346, Journal des fouilles de Hénault , 17 décembre 1922. - Tombe n° 421, Pro Nervia, II, 4, 1925, p. 245. - « Silo » n° 443, Jour- nal des fouilles de Hénault , 23 septembre 1923. Hénault voyait un fond de cabane dans ce « silo » où fut mise au jour une aire en terre cuite de 6 m. de long sur 4 m. de large, affaissée à Г une de ses extrémités, au bord d'une fosse contenant des débris de céramique. On peut se demander si l'aire de terre cuite et la fosse sont contemporaines et si ce n'est pas le creusement de la fosse qui a provoqué l'affaissement de l'aire voisine ou s'il s'agit d'une survivance d'usages anciens ; cf. aussi p. 226 n. 1, la découverte de sépultures sous un pavement. Quoi qu'il en soit, ce « silo » se trouvait parmi des tombes (sablière Crampon- Derome). - Tombe n° 512, Pro Nervia , II, 3, 1926, p. 152. - Éboulis entre les tombes n08 509 et 512, ibid., II, 3, 1926, pp. 152-153. - Tombe n° 525, ibid., II, 3, 1926, p. 158. - Tombe n° 547, ibid., III, 2, 1927, p. 343. - Tombe n° 573, ibid., III, 2, 1927, p. 351. - « Cavité » n° 589, ibid., III, 3, 1927, p. 389. Cette « cavité » était au milieu de sépultures (sablière Denimal). - Remblais provenant d'un terrain où des tombes ont été mises au jour, ibid., IV, 1, 1928, p. 32 (sablière Denimal). - Tombe n° 624, ibid., VI, 1, 1928, p. 33. - Tombe n° 679, ibid., V, 1, 1929, p. 18. - Tombe n° 682, ibid., V, 1, 1929, p. 19. - Tombe n° 688, ibid., V, 1, 1929, p. 21. - Tombe n° 716, ibid., V, 1, 1929, p. 31. - Puits à sépultures n° 717, ibid., V, 1, 1929, p. 32 ; V, 3-4, 1930, p. 97 ; VI, 1, 1930, p. 6 sqq. et 116. - Tombe n<> 718, ibid., V, 1, 1929, p. 32 et VI, 1, 1930, p. 6, n. 1. - « Silo » ou tombe n° 735, ibid., V, 3-4, 1930, pp. 87-88. Ce « silo » était dans un cimetière (sablière Lenglet-Mathieu). - Deux fragments ont été trouvés parmi les substructions du Champ des Sept Fontaines, à proximité duquel il y avait des tombes, ibid., VI, 1, 1930, p. 118. - En fouillant le grand portique, M. Bié velet a recueilli des fragments à figures « planétaires » (Z 2903, Z 4918, Z 5566). Mais il m'écrit que ces trouvailles ont été faites « dans des remblais fort hétérogènes ». Ces tessons viennent donc d'ailleurs, peut-être des champs à sépultures extérieurs à l'enceinte. Quoi qu'il en soit, les exemples cités plus haut - et notre liste ne vise pas à être exhaustive - suffisent am- plement à montrer l'utilisation funéraire des images « planétaires ».

(2) Cf. p. 206, n. 3 (références). (3) Pro Nervia, IV, 2, 1928, p. 56, n° 15 et plan (Hénault) ; cf. Darche,

op. cit, p. 666.

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jacente à une inscription funéraire remployée 0, ce qui suggère qu'on avait eu recours à des matériaux - remblais et titulus -

provenant pareillement d'une cimetière. Il n'est donc pas surprenant que M. Biévelet (2) ait relevé que

quatre tessons ou groupes de tessons, dont trois proviennent de sépultures présentent des visages dont les yeux et la bouche sont clos, parfois avec la paupière supérieurer rabattue sur l'autre et les lèvres étroitement serrées. Il s'agit des fragments 2752 I et II (Pl. II, fig. 5 et 6) trouvés dans le « silo » n° 443 de la nécropole de la sablière Xrampon-Derome et à propos desquels Hénault écrivait dans ses notes : « Les yeux sont très larges » (4) ; du fragment 5540 dont le même fouilleur signalait « les yeux très petits, comme bridés, les joues allongées et rebondies » (5) - comprenons des joues éma- ciées aux pommettes saillantes - ; des fragments 5718 I et II au sujet desquels notre archéologue écrivait : « Les yeux sont fermés », considérant d'ailleurs de façon expresse de tels fragments comme ayant appartenu à des « vases funéraires » (e). « Rien ne contracte

(1) Cf. Amand, Fouilles de Tournai , p. 100. L'endroit où ce vase a été dé- couvert faisait partie de la ville romaine et non d'une nécropole. Mais le rap- port de M. Amand, loc. cit., est formel quant aux conditions de gisement sous une inscription funéraire. M. Amand m'écrit par aUleurs qu'il s'agit là de rem- blais tardifs et provenant peut-être d'un cimetière, d'autant plus que le ti- tulus a été remployé dans un bâtiment qui avait été détruit, ce qui justifie des apports extérieurs pour les remaniements. - Le vase de Jupille a été re- trouvé, sans qu'il soit possible de préciser exactement l'endroit, sur le site d'un établissement gallo-romain étendu, qui a également révélé des sépultures postérieures. Il semble que le gisement ait été très anciennement bouleversé : cf. Bull . Inst . Arch. Liégeois , XI, 1872, p. 484 : * Les tessons de ce vase, brisé avant son enfouissement, ont été exhumés à quelque distance les uns des au- tres, ceux-ci dans une couche de terre noirâtre, ceux-là, rougeâtre, couches dont ils ont retenu, d'une manière aujourd'hui ineffaçable, les nuances très distinctes » et J.-E. Demarteau, op. cit., p. 16 : « Les fragments ont pris la couleur des différentes couches du terrain bouleversé où on les a trouvés *.

(2) Biévelet, op. cit., p. 164. (3) Le quatrième du genre étant sans numéro, nous ignorons à quel endroit

de Bavai et à quelle époque il a été découvert. (4) Journal des fouilles de Hénault, 23 septembre 1923 (« silo » n° 443 de la

nécropole de la sablière Crampon-Derome) ; Biévelet, op. cit., pl. VI, fig. 8 et 9.

(5) Pro Nervia, V, 1, 1929, p. 32 et VI, 1, 1930, p. 6, n. 1 (Tombe n° 718 de la nécropole de la sablière Denimal).

(6) Ibid., V, 3-4, 1930, pp. 87-88 (« silo * ou tombe n° 735 de la nécropole de

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 211

ces visages, dit le Chanoine Biévelet, ils paraissent détendus dans un sommeil tranquille et profond » et il ajoute : « Il est possible que les artisans dont [ces figurations] sont l'œuvre aient tout sim- plement voulu orner des vases funéraires d'un décor adapté à leur destination et qui suggérât l'idée du repos complet et définitif, celui du tombeau » (г). On ne peut que souscrire à pareille opinion : ces effigies sont incontestablement des masques funèbres jouant dans la tombe le rôle de phylactères et protégeant le défunt dans la mort (2).

Jupiter à la roue

Ces masques aux yeux clos ne sont pas les seuls que l'on rencontre dans les sépultures de Bavai. On y trouve aussi des images de divinités qui peuvent être identifiées grâce à des attributs. Ainsi le fragment 6166 (Pl. Ill, fig. 11), qui est d'un grand intérêt encore qu'il soit très mutilé. On y voit un buste, malheureusement acé- phale aujourd'hui, dont l'encolure du vêtement, largement ouverte et marquée par un double pli, dégage le cou. Ce qui fait l'inté- rêt majeur de ce fragment, c'est qu'une roue munie de rais est représentée contre l'épaule gauche du personnage (3).

Ce tesson provient du puits n° 717 utilisé à des fins funéraires et qui a révélé trois inhumations superposées et successives : celles d'un enfant, d'une femme et d'un homme. Sous la dépouille fémi- nine et à la partie supérieure de la couche compacte de terre et de cendres qui la séparait de celle de l'enfant, deux fragments de vase « planétaire » furent retrouvés. De même, à la hauteur du bassin du squelette masculin, qui était séparé lui aussi de la sépulture précédente par un lit de terre mêlée de débris de carreaux ou de tuiles, on releva un autre fragment du même type (4). Enfin parmi les déblais on retrouva le fragment qui nous retient ici et qui avait

la sablière Mathieu). Le Chanoine Biévelet m'écrit à ce propos qu'il considère comme très juste l'épithète employée par Hénault.

(1) Biévelet, op. cit., p. 165. (2) Cf. F. Benoit, L'héroïsation équestre , Gap, 1954, p. 12 et n. 6 (références) :

« Le sommeil, *Ynvoç, qui délivre l'âme de son enveloppe charnelle, est le génie psychopompe qui sauve l'âme de l'anéantissement et la protège dans l'Outre- tombe du péril de la mort ».

(3) Biévelet, op. cit., p. 161 sq. et pl. V, fig. 5. (4) Pro Neruia, VI, 1, 1930, p. 6 sqq. ; cf. ibid., V, 1, 1929, p. 32 et V, 3-4,

1930, p. 97.

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échappé à l'attention lors de la fouille, si bien que nous ignorons à quel niveau il se trouvait. Mais l'essentiel, c'est qu'il provient de ce puits à inhumations (г).

Dans le fragment d'image de notre tesson on a reconnu sans peine un Jupiter à la roue (2) : beaucoup d'autres représentations analo- gues le confirmeraient s'il le fallait et particulièrement, dans le cas présent, un autre fragment de vase « planétaire » conservé au Musée de Lille et provenant de Bavai, mais dont la localisation exacte ne nous est pas connue : la divinité, barbue et le buste nu, est flanquée d'une roue analogue à celle du fragment 6166 (3).

Notre tesson ne peut avoir été qu'un fétiche apotropaïque ainsi que le prouve la rencontre dans une sépulture de cette image de Jupiter à la rouelle, « en même temps dieu du ciel et de l'outre- tombe » (4).

Mercure

Un autre fragment bavaisien, le n° 2162, représente un visage imberbe, à la chevelure abondante et bouclée, surmontant un buste drapé. Cette image, qui provient d'un autre puits à sépul- tures (5), est accompagnée à droite d'un caducée (e). Ce Mercure

(1) Ibid., VI, 1, 1930, p. 116. (2) Darche, op. cit., p. 666, parle à tort d'un buste « certainement féminin ».

Hénault admit d'abord cette interprétation (cf. le Registre des entrées du Musée de Bavai) mais parla ensuite avec plus de prudence d'« un personnage » (Pro Neruia , VI, 1, 1930, p. 116) ; cf. Biévelet, op. cit., pp. 161-162.

(3) Pro Neruia, VI, 1, 1930, p. 116; Biévelet, op. cit., p. 162 (cf. ibid., n. 2, la mention d'un fragment de vase de Bavai provenant de la Collection Toilliez, dont le sujet pourrait avoir été identique). - Sur notre fragment n° 6166, la roue, qui comptait peut-être huit rais, est à droite par rapport au spectateur, c'est-à-dire à la gauche de la figure. Sur le tesson de Lille, d'après les informations que je dois à M. Biévelet, la rouelle, qui comporte neuf rais, se trouve à la droite de la figure (qui est barbue), donc à gauche par rapport au spectateur, près de la cassure, et il y a un espace relativement considérable entre le contour du visage et le bord de la rouelle (7 cm entre l'axe du visage et le centre de la rouelle). Il n'est pas invraisemblable qu'on puisse inférer de là que la rouelle était l'attribut d'une effigie autre que celle qui nous est conservée. Dans ce cas, la rouelle se serait trouvée à la gauche de l'image à laquelle elle servait d'attribut, tout comme sur le tesson n° 6166.

(4) A. Grenier, Les Gaulois, 2e éd., Paris, 1945, p. 343. (5) Journal des fouilles de Hénault, 17 décembre 1922, où il est question, à

tort, d'une « tête de femme *. (6) Darche, op. cit., p. 666 ; Biévelet, op. cit., p. 163.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 213

se retrouve sur un autre fragment (Pl. II, fig. 4), également originaire de Bavai et conservé naguère à Valenciennes où il a péri en mai 1940 mais dont on a un moulage : ici le dieu au caducée était accompagné d'un bouc (*).

On ne s'étonnera pas de l'adjonction à une sépulture de l'image de Mercure, dieu funéraire chez les Gallo-Romains (2) aussi bien qu'à Rome et dans le reste de l'Empire tout comme Hermès avait été tenu par les Grecs pour le conducteur des âmes.

Le vase de Troisdorf et les fragments au portique et à Voiseau

Arrêtons-nous à présent au vase de Troisdorf (PL IV, fig. 13) pour en noter certains aspects. Les six effigies qui le décorent sont surmontées d'un bandeau semi-circulaire orné de cinq motifs constitués chacun de stries parallèles. Elles sont en outre séparées les unes des autres par un curieux élément ressemblant à première vue à une double potence pourvue d'un double pied : une sorte de montant au bas et au sommet duquel un appendice horizontal, en saillie égale de chaque côté, évoque d'une part une base et une sorte de chapiteau de l'autre, les points de rencontre de celui-ci et de celle-là avec la tige verticale étant marqués d'un annelet.

Ajoutons qu'à la jonction du montant et de l'espèce d'épistyle qui le surmonte surgit un motif ocellé en bec de canne. Enfin, au- dessus de ce dernier, dans le champ demeuré libre, un anneau com-

plète le décor. Pour Rademacher, la base du montant en forme de potence évo-

quait la représentation d'un marteau (3) tandis qu'il voyait dans le bandeau surmontant les effigies un nimbe auréolant les figures (4). Cette dernière interprétation avait d'ailleurs été suggérée antérieu- rement, à propos d'un autre document, par J.-E. Demarteau (5).

(1) Darche, loc. cit. ; Biévelet, loc. cit. ; Biévelet, loc. cit., et pl. V, fig. 7. - Mentionnons pour mémoire le fragment 4727, provenant de la nécropole de la sablière Denimal (« Cavité » n° 589, Pro Newia , III, 3, 1927, p. 389), où apparaît un bouc sans cru'on sache s'il accompagnait un Mercure.

Ì2Ì Cf. Grenier, on. cit., pp. 343-347. (3) Rademacher, Germanische Gräber ... Ь. Troisdorf , p. 8 : « Das Ende des

Ornaments, nach dem Boden des Gefässes zu teilt sich in zwei kleine Arme, so dass ein hämmerähnliches Gebilde entsteht (Abb. 9). Abb. 10 ist die Dar- stellung eines Hammers auf einem Bas-Relief in Museum zu Strasburg ».

( 4 ) Ibid.. D. 7. (5) Demarteau, op. cit., p. 16, à propos du fragment d'Aiseau : « une bande

semi-circulaire entourant le haut de la tête : c'est une forme astrale, une auréole».

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214 M. RENARD

M. Arnaud vient d'avoir le mérite d'identifier cet ensemble de motifs en montrant qu'il s'agit de colonnes dont l'épistyle en porte à faux correspond à la retombée d'arcatures sous lesquelles se pré- sentent .les effigies. Il a bien vu aussi que les becs de canne sur- montant les colonnes sont des têtes d'oiseaux stylisées (1).

(1) M.Amand, Les « planétaires rhénans , pp. 191-192. - A propos du vase de Troisdorf, M. le Chanoine Biévelet me communique la note suivante qu'il a eu l'obligeance de rédiger à mon intention en ayant sous les yeux un bon mou- lage du document:

illya dans ce vase des parties quine sont pas authentiques: en le reconsti- tuant, on a suppléé aux fragments qui avaient disparu. D'autre part, il faut téfiir compte des instruments avec lesquels travaillait le décorateur et aussi du fait que tel élément rappliqué sur le vase a pu « maigrir » à la cuisson.

Il y a six figures et six « colonnes ». Mais il n'y a pas d'« arcature » au-dessus des six figures : il n'y en a que cinq, la figure située à droite du tricéphale (donc ceUe qui est à la gauche de celui-ci par rapport au spectateur) en étant dépourvue ; et je ne crois pas que mon moulage soit infidèle.

Quant aux « becs de canne », l'interprétation de M. Amand [Les « planétaires rhénans, p. 192] me paraît ingénieuse, mais j'hésite beaucoup à trouver une analogie, même lointaine, entre ces têtes d'oiseau stylisées et le palmipède du tesson bavaisien Z 2903.

Ces « becs de canne » qui sont au nombre de six, se présentent comme suit à partir de la gauche du Tricéphale, donc en supposant que le spectateur fasse le tour du vase de la gauche vers la droite :

1) Tête d'oiseau dextrogyre, stylisée évidemment? Peut-être, bien que l'on ne s'explique pas la partie gauche de cette image.

2) C'est deux têtes d'oiseau qu'il faudrait voir. Elles seraient accouplées comme le sont les deux éléments de 1'« aigle bicéphale » impérial. Le bec de l'oiseau de droite manquerait alors que celui de gauche serait fort empâté...

3) Tête d'oiseau sinistrogyre ? Peut-être encore. 4) Le motif est trop mal venu ou trop détérioré pour qu'on puisse rien

en dire sinon d'après les autres. 5) Voici plutôt comment je serais tenté d'expliquer ce que je vois: au-

dessus de 1'« espèce d'épistyle », le décorateur a rappliqué une sorte de Tau majuscule; à l'endroit où elle pose sur l'autre, la barre. supérieure de ce tau est garnie d'un ocelle ; le décorateur, en enfonçant le poinçon pour imprimer cet ocelle, a déformé la barre supérieure ; de plus les bouts de celle-ci ne sont pas nets : .ni plans, ni verticaux, ni pointus...

6) Même motif que le précédent, mais une partie (la partie droite et supé- rieure) a sauté.

C'est ce motif des n08 4 et 5, plus ou moins bien venu, qui explique peut-être les quatre autres ; au n° 2 il y aurait non pas un ocelle mais deux.

A propos de ces « becs de canne », il faudrait tenir compte des parties re- constituées, mais je ne puis le faire à coup sûr avec le moulage dont je dispose.

Je suis aussi frappé par le fait que, si ce sont des têtes d'oiseau, l'œil y tient

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 215

Sa démonstration tire des arguments péremptoires de certains fragments de vases « planétaires » trouvés à Tournai et à Bavai.

C'est de ce dernier endroit que provient le document le plus suggestif (Pl. Ill, fig. 12) : un visage barbu y apparaît sous une arcature striée soutenue par des colonnes torses surmontées d'un chapiteau tandis que dans l'extrados des deux arcs successifs, sur le chapiteau de droite, se tient un palmipède à grand œil rond - oie ou canard - tourné à gauche vers un annelet (1). L'ana- logie est complète avec le vase de Troisdorf.

Un fragment de Tournai (Pl. IV, fig. 14) présente aussi un décor semblable, au moins en partie. A la droite du personnage repré- senté, on voit une colonnette renflée appuyée sur une double base circulaire. Un autre tesson serait au reste à rattacher à celui-ci et le compléterait : on y aperçoit, au-dessus de la chevelure, une arcade ornée d'une double série de pointillés obtenus au poinçon. Un anneau, comme à Troisdorf et comme sur le précédent fragment de Bavai, se voit aussi dans le champ à gauche de l'arcade (2).

une grande place... A quoi d'ailleurs je m'empresse d'ajouter que, pour faire ces yeux, le céramiste s'est contenté d'utiliser le même instrument que pour les petits cercles qui constituent certaines parties des chevelures ».

A la suite de cette note d'une si remarquable précision et à défaut de pouvoir reconsidérer le document original, j'ai repris l'examen de photographies d'assez grand format. Je continue à penser que les effigies se détachent sous un por- tique constitué par des colonnes ou « poteaux » et des arcatures, même si par- fois le raccord est mal fait entre ces dernières et leur support. Quant aux « becs de canne », je crois que ce sont bien des oiseaux stylisés. Sans doute ne sont-ils pas similaires au volatile du tesson Z 2903 de Bavai, mais ils sont à la suite. Cette stylisation se révèle déjà dans le répertoire ornithologique des vases sigillés où apparaît aussi l'œil largement émerillonné : cf. F. Hermet, La Graufesenque, Paris, 1934, pl. 28 (fig. 8, 9, etc.) et F. Oswald, Index of Figure-Types on Terra Sigillata, Liverpool, 1937, pl. LXXXIII sqq.

M. Fremersdorf, Directeur du Römisch-Cxermanisches Museum de Co- logne, a bien voulu me faire parvenir le dessin des six « becs de canne ». A ce propos, il me marque son accord quant à l'interprétation suggérée. Il m'ex- plique aussi l'absence d'arcature au-dessus d'un des six masques : la partie supérieure du vase est restaurée....

(1) Amand, Les planétaires rhénans , pp. 190 et 192 ; Biévelet, op. cif., pp. 162- 163 et pl. V, fig. 6. Ce tesson (Z 2903) provient nous écrit M. Biévelet, des rem- blais hétérogènes du grand portique, à l'Ouest de l'un des deux piliers de l'axe.

(2) Amand, Les fragments de vases de Bavai retrouvés à Tournai , p. 48 et pl. II, с et Les « planétaires » rhénans , p. 190. Ces deux tessons de Tournai (C 8 et С 9) ont été trouvés en remblai, avec d'autres, à La Loucherie et M. Amand

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A ces deux exemples invoqués par M. Amand, il convient sans doute ďen adjoindre un troisième, de Tournai encore (Pl. V, fig. 15). Il s'agit d'un tesson dont la chevelure surmontée d'un ban- deau semé d'une double rangée de petites pastilles creuses permet de supposer que l'effigie se présentait également sous une arcade (1).

Un des fragments d'Aiseau (Pl. V, fig. 16), conservés au Musée Archéologique de Charleroi (2), présente aussi un reste d'arcature entourant la tête et soutenue par un montant vertical ou mieux une colonnette renflée qui séparait effigie de l'image voisine (3).

Enfin le thème de l'oiseau apparaît sur un fragment de Tournai (4). (Pl. IV, fig. 17). Il est de dimensions très réduites, mais le double fait que le volatile est un palmipède et qu'il décorait l'épaule du récipient autorise à penser qu'il faisait partie d'un dispositif d'or- nementation analogue à celui des documents précédents.

Certains vases « planétaires » offraient donc un système de déco- ration consistant en une suite de masques présentés sous une série d'arcades constituant un portique. D'après M. Amand, ce motif du portique fait son apparition sur les vases « planétaires » à la fin du ier siècle de notre ère (5). Nous montrerons que cet ensemble architectonique et figuré n'avait pas qu'une simple fonction orne- mentale, mais qu'il avait aussi une valeur rituelle (6). Avant d'en

m'écrit qu'à son avis ces fragments ne peuvent provenir que du cimetière voisin de la Grand' Place.

(1) Id., Les fragments ..., pl. I d. Ce tesson (G 5) a également été découvert en remblai à la boucherie.

(2) Inv. A V 43 f. (3) Cf. F. De Villenoisy, op. cit., p. 426 et Demarteau, op. cit., p. 20.

Voir J. Kaisin, La villa belgo-rom. d'Aiseau dans Docum. et Rapp. Soc. Pal. et Arch. Charleroi , IX, 1878, p. 203 sq. - Nous devons la photographie des deux tessons que reproduit notre planche V, fig. 16 (Inv. AV 43 f et AV 43 a) à Mlle M. Gailly, Conservateur du Musée Archéologique de Charleroi, qui a bien voulu, au surplus, vérifier pour nous les fragments originaux. Ville- noisy, loc. cit. , parle aussi de « l'annelet séparatif du haut » qu'on ne voit sur aucun des six fragments répertoriés en 1950. Mais cet auteur a connu huit tessons. L'annelet figurait donc vraisemblablement sur un des deux fragments égarés depuis son époque (et peut-être dès avant 1908 si le silence de Demar- teau, op. cit., au sujet de cet annelet constitue une présomption).

(4) Amand, Les « planétaires » rhénans, p. 192. J'ai pu disposer, grâce à M. Amand, d'un dessin de ce fragment fort abîmé (retrouvé aussi en remblai à La Loucherie) et de photographies d'autres documents (planches IV, fig. 13- 14 et V, fig. 15).

(5) M. Amand, Les * planétaires » rhénans, p. 191. (6) Cf. infra , p. 223 sqq.

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arriver là il convient toutefois de revenir un instant au fragment de Bavai où ces motifs apparaissent.

Mars (?) Les thèmes examinés jusqu'ici - masques aux yeux clos, Jupiter

à la roue, Mercure au caducée - sont attestés dans des sépultures et nous avons rappelé l'origine funéraire certaine du vase de Trois- dorf, probable de ceux de Tournai et du Cabinet des Médailles. Mais en ce qui concerne le fragment bavaisien à l'arcade et à l'oi- seau (Pl. Ill, fig. 12), nous sommes dans l'ignorance quant à son origine réelle. Sans doute savons-nous qu'il provient du grand portique. Mais il y a été trouvé dans des remblais (1). Dès lors, comme ceux-ci peuvent provenir des nécropoles extérieures à la ville, comme d'autre part M.Biévelet a suggéré d'identifier à Mars l'effigie barbue qui se découpe sous l'arcade de notre tesson (2) et que ce dieu a été reconnu sur les quatre vases « planétaires » qui ont pu être reconstitués et dont certains proviennent de sépultures, il nous faut envisager la possibilité tout au moins d'une utilisation de cette image à des fins funéraires même si les circonstances de la découverte ne fournissent pas d'arguments péremptoires pour sou- tenir cette éventualité. En effet, ne pas envisager cette possibilité sous prétexte que nous ignorons le gisement originel d'où provient le fragment serait une solution de facilité.

Mais tout d'abord s'agit-il bien d'un Mars? Le Chanoine Biévelet pencherait pour l'affirmative, notre tesson présentant, outre le visage barbu, une oie que l'on rencontre souvent à côté du dieu (3) et qui lui est assignée par les textes (4). Je ne puis cependant pas

(1) Cf. supra , p. 209, n. 1 in fine . (2) Biévelet, op. cit., pp. 162-163. (3) Cf. J. Werner, Die beiden Zierscheinen des Thorsberger Moorfundes

(Roem.- Germ. Forsch., 16), Berlin, 1941, pp. 35-43. L'une des meilleures comparaisons serait à faire dans ce cas avec la patère d'argent aux divinités planétaires trouvée à Wettingen dans le canton d'Aargau, en Suisse, où une oie juchée sur une haute base ou un autel figure à côté de Mars, nettement identifiable ici, il est vrai, grâce à son armement : cf. Werner, ibid., pl. 18 et F. Staehelin, Die Schweiz in röm. Zeit , 3e éd., Bâle, 1948, fig. 174, p. 567. (4) Cf. Martial, IX, 31. - L'opinion de M. Biévelet est nuancée : il lui

paraît hors de doute qu'il y a une connexion entre l'oiseau et la figure, mais l'identification de celle-ci avec Mars est présentée comme une suggestion, op. ci/., p. 162 : « Avec le fragment Z 2903 plus de doute quant au rapport avec la figure de la divinité que nous y trouvons et son symbole, ni, semble-

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sans éprouver quelque hésitation quant à cette identification (*) : elle me semble moins sûre que celles du Jupiter et du Mercure. En effet, oies et canards apparaissent à des centaines d'exemplaires à côté de figurations viriles gallo-romaines et autres qui n'ont rien de commun avec Mars. La seule présomption qui me paraîtrait de nature à justifier, l'interprétation de M. Biévelet résulterait pour moi non pas de l'association, sur notre tesson, d'un gallinacé à un visage barbu qui n'est accompagné d'aucun attribut nettement défini de Mars, mais bien plutôt du fait que la présence de ce dieu parmi les tessons bavaisiens serait aussi normale que celles de Jupiter ou de Mercure.

Si l'on admet que notre fragment représente bien Mars, ce ne serait pas une hypothèse fantaisiste d'envisager à son propos une utilisation funéraire semblable à celle d'autres tessons analogues ou de certains des vases « planétaires » qui nous sont parvenus complets ou presque complets et sur lesquels le dieu est présent : le Mars latin a plus d'une fois une action prophylactique et chez les Gallo-Romains le dieu est, comme d'autres divinités, un dieu de la vie et de la mort à la fois (2).

Quoi qu'il en soit du personnage représenté sur le fragment de Bavai, la suite de notre exposé montrera que nous ne pouvons négliger ici la conception du masque figuré sous un portique. Or celui-ci apparaît sur des documents de caractère incontestablement funéraire comme le vase de Troisdorf et le fragment de sigillée que nous avons examiné au début de cet exposé.

Le Tricéphale

J'ignore si celui-ci apparaît sur des tessons qui proviennent cer- tainement de sépultures de la métropole nervienne. N'y sont loca- lisés, à ma connaissance, que les deux fragments (?) que M. Biévelet

t-il, quant à. l'interprétation de celui-ci », et p. 163 : « Au carrefour de Bavai apparaîtrait , sous une présentation purement nervienne, la figure ... de Mars cel- tique ou germanique... auquel ferait allusion une épigramme de Martial, IX, 31 ».

(1) Si l'identification ne me paraît pas certaine, U s'en faut cependant que je la récuse formellement.

(2) Cf. Grenier, op. cit., pp. 343-347. (3) Biévelet, op. cit., p. 160 et pl. V, fig. 3 et 4 (fragments Z 4918 et Z 5566).

Un troisième fragment au Tricéphale (Pl. Ill, fig. 7) trouvé à Bavai ( ibid.y p. 160 et pl. V, fig. 1) ne porte pas de numéro et ne peut donc être localisé. Dans les autres cas, nous manquons d'informations ou bien celles dont nous disposons sont insuffisantes. Par exemple le Tricéphale de Tournai (PL V,

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a exhumés au cours de ses fouilles du grand portique (Pl. Ill, fig. 9 et 10), au-dessus du terre-plein qu'encadrait celui-ci et encore une fois dans des remblais hétérogènes qui ouvrent le champ à l'hypo- thèse, y compris celle d'une origine sépulcrale. Mais à tout le moins le Tricéphale est-il présent sur le vase funéraire de Troisdorf et sur l'exemplaire du Cabinet des Médailles qui, nous l'avons rappelé, provient d'un endroit proche d'une nécropole 0.

Encore une fois pareille image serait à sa place dans le mobilier d'une tombe et on sait qu'elle apparaît sur les monuments funéraires, à commencer par ceux de Reims et des régions voisines (2) que le Chanoine Biévelet n'a pas manqué de confronter avec les figura- tions analogues des vases « planétaires » (3).

Rouelles

Tout le répertoire anthropomorphique, animal et géométrique des vases de Bavai mériterait une étude détaillée, mais notre propos n'est pas d'épuiser le sujet qu'il sera d'ailleurs beaucoup plus facile de traiter quand le Chanoine Biévelet nous aura donné le corpus de ce genre de céramique.

Cependant nous retiendrons encore un élément qui se rencontre fréquemment sur les documents que nous venons d'examiner, à savoir les « annelets », les « pastilles », les « macarons », affectant parfois la forme de spirales, qui décorent l'épaule des vases et les espaces intermédiaires entre les figures (4).

fig. 15) a été trouvé en remblai (fragment С 3, La Loucherie : Amand, Les fragments de vases de Bavai retrouvés à Tournai , pl. I d), cf. supra, p. 215, n. 2 in fine. Pour le fragment d'Elouges (Pl. Ill, fig. 8), il est impossible de tirer quoi que ce soit de précis des indications de Ch. Debove, Antiquités gallo-romaines trouvées à Elouges dans Ann. du Cercle Arch. de Möns , VI, 1865, p. 114 sqq. (cf. p. 116 et pl. II, 1).

(1) Cf. supra , p. 209 et n. 3. Le Tricéphale ne figure pas parmi celles qui sont conservées des sept figures des vases de Jupille et de Tournai (ce dernier retrouvé, rappelons-le, avec une inscription funéraire). On peut évidemment ima- giner de le rétablir aux endroits lacunaires et cela a été fait pour l'exemplaire de Jupille. Mais pareille restitution, peut-être vraisemblable, demeure une hypothèse.

(2) Reims : Espérandieu, Recueil Gaule , V, 3651, 3652, 3654 à 3659, 3661, 3751. - La Malmaison : ibid., V, 3756. - Nizy-le-Comte : ibid., V, 3762. - Soissons : ibid., XI, 7700. Cf. encore le Tricéphale de Langres, également trouvé dans une sépulture, ibid., IV, 3287 et W. Kirfel, Die dreiköpfige Gott- heit, Bonn, 1948, p. 136.

(3) Biévelet, op. cit., p. 160. (4) E. g. fragment aux yeux clos 2752, I (Pl. II, fig. 5), Biévelet, op. cit.,

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220 M. RENARD

M. Amand en a tiré argument pour appuyer son esquisse de l'évolution des vases planétaires (x). Sur le fragment d'Aiseàu sans doute (2) et en tout cas et sur le vase de Troisdorf - celui-ci utilisé dans une tombe du 111e siècle (3), mais datable de la fin du 11e et se trouvant au terme de la production (4) - les colonnes qui sé- parent les figures en soutenant les arcades et qui sont surmontées d'une pastille ont pris la place des trois anneaux superposés et équi- distants que l'on voit entre les effigies du vase du Cabinet des Médailles. D'autre part, le vase de Jupille présente simplement un anneau à la hauteur de l'épaule, entre les figures, et le vase de Tournai, daté de la fin du ier siècle (5) n'en offre aucun.

Quoi qu'il en soit de la correspondance plus ou moins grande entre cette évolution typologique du décor (6) et la chronologie relative de nos vases (je la crois fondée dans l'ensemble), je ne pense pas que la présence des annelets procède du seul souci de combler les vides entre les figures. Je considère ces anneaux comme des rouelles jouant un rôle prophylactique analogue à celui que remplit la roue assignée comme attribut à Jupiter sur deux fragments que nous avons examinés plus haut (7).

pl. VI, fig. 8 ; fragment au Mercure de Valenciennes (Pl. II, fig. 4), ibid., pl. VI, fig. 7 ; fragment à l'oie Z 2903 (Pl. Ill, fig. 12), ibid., pl. V, fig. 6 ; fragment G 8 de Tournai (Pl. V, fig. 14), Amand, Les fragments de vases de Bavai retrouvés à Tournai, pl. II с ; fragment d'Aiseau (Villenoisy, op. cit., p. 426 ; vases de Jupille, du Cabinet des Médailles et de Troisdorf (Pl. IV, fig. 14) ; cf. aussi un fragment exhumé à Voerendaal (Limbourg hollandais) en 1892-93 : Oudheid- kundige Mededel. uït het Rijksmus. van Oudheden te Leiden, XXXIV, 1953, p. 69 et p. 67, fig. 4 a (W. G. Braat).

(1) Amand, Les « planétaires » rhénans , p. 191, qui date de la fin du ier siècle l'apparition de ces anneaux comme celle du motif du portique.

(2) Cf. supra, p. 216, n. 2. (3) Rademacher, op. cit., p. 11. (4) Amand, Les « planétaires » rhénans, p. 196. (5) Id., Les fragments de vases de Bavai retrouvés à Tournai , p. 46 ; cf. Id.,

Fouilles de Tournai, p. 102, n. 4. (6) Cette évolution typologique du décor a été entrevue par Villenoisy,

op. cit., p. 426. (7) Cf. déjà J.-E. Demarteau, op. cit., p. 19, à propos du vase de Jupille :

« Chaque tête est en outre accompagnée d'un annelet, qui est non pas un signe séparatif, mais une désignation astrale. A bien y regarder, l'anneau représente non un globe, mais un orbe, c'est l'orbite d'un astre » et p. 21 : « Sur le vase de Paris, des annelets identiques [à ceux du vase de Jupille], trois superposés (au lieu d'un seul) parsèment de cycles stellaires tout le champ qui sépare les têtes divines ». - Je suis toujours davantage convaincu que tout ou presque

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PLANCHE I

Fig. 1. - Fragment de sigillée n° 2726 de Bavai.

Fig* 2 et 3. - Fragment de sigillée de Meaux,

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PLANCHE II

Fig. 4. - Moulage du fragment avec Mercure, le bouc et le caducée. Autrefois conservé à Valenciennes.

Fig. 5 et 6. - Fragments nos 2752 I et II de Bavai

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PLANCHE III

Fig. 7. - Fragment de Tricéphale de Bavai. Fig. 8. - Moulage du fragment au Tricéphale ďÉlouges. Fig. 9. - Fragment de Tricéphale n° Z 4918 de Bavai. Fig. 10. - Fragment de Tricéphale n° Z 5566 de Bavai. Fig. 11. - Fragment n° 6166 de Bavai avec le Jupiter à la roue. Fig. 12. - Fragment n° Z 2903 de Bavai avec l'oie.

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PLANCHE IV

Fig. 13. - Le vase « planétaire » de Troisdorf. Cologne, Röm.-Germ. Mus. Photo Messiaen , Tournai.

Fig. 14. - Fragments С 8 et С 9 de Tournai, La Loucherie. Photo Messiaen , Tournai.

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PLANCHE V

Fig. 15. - Fragments С 3, С 4 et G 5 de Tournai, La Loucherie. Photo Messiaen , Tournai .

Fig. 16. - Fragments AV 43 f et AV 43 a d'Aiseau. Charleroi, Mus. Arch.

Fig. 17. - Fragment à l'oiseau de Tournai.

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PLANCHE VI

Fig. 18. - Vase à visage d'Haulchin. Bruxelles, Mus. d'Art et d'Hist.

Fig. 19. - fragment aux yeux clos de Jupille. Mus. Arch. Liégeois.

Fig. 20 et 21. - Cippe de Maryport

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PLANCHE VII

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PLANCHE VIII

Fig. 26. - Pilier à entaille céphalolde de Saint-Remy-de-Provence.

Fig. 27. - Cippe-cénotaphe de Notre-Dame-de-Vallauris. Musée de Draguignan.

Fig. 28. - Le portique de Roquepertuse. Marseille, Musée Borély.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 221

Les vases à visages

Quand on évoque les vases « planétaires», il est impossible de ne pas en rapprocher les vases à visages 0 qui les rappellent souvent par leur forme, leur technique et le masque qu'ils portent. La cor- rélation pourrait d'ailleurs être beaucoup plus étroite encore étant donné qu'il est de ces vases à visages qui présentent deux effigies tan- dis que certains des vases « planétaires » n'ont pas les sept figures qui justifieraient cette appellation mais seulement trois ou quatre (2).

Un exemplaire de Bavai même (3) présente un masque identique à ceux des vases « planétaires », qu'il s'agisse du traitement du nez et des yeux ou, mieux encore, du façonnement de la chevelure et de la barbe sous l'aspect de boucles disposées en forme de spirales. Un autre exemplaire, de Bavai encore (4), offre un masque d'in- spiration peut-être plus classique, car il rappelle les effigies des Satyres ou celle de Plan. Le visage est plus fruste sur le vase d'Haulchin (Pl. VI, fig. 18), dans le Hainaut, qu'on a également regardé comme celui d'un Satyre ou de Pan (5).

tout est intentionnel dans les pratiques funéraires. En ce qui regarde Bavai, P. Darche dans Pro Nervia, II, 3, 1926, p. 174-183, a attiré l'attention sur la présence, dans les sépultures, de fonds de vases retaillés, voire de fragments ornés auxquels on a volontairement donné une forme circulaire. Je croirais volon- tiers qu'il s'agit de l'équivalent des tessères que l'on trouve ailleurs dans les tombes. Cf., à Bavai, les rouelles de plomb trouvées à plusieurs reprises dans les sépultures : Pro Nervia , IV, 1, 1928, p. 32 ; V, 1, 1929, p. 32, et VI, 1, 1930, p. 6, n. 1.

(1) Ces vases à visages (« Face vases », « Gesichtsurnen ») descendent d'exem- plaires de l'époque de La Tène, eux-mêmes à la suite de prototypes étrusco- italiques (cf. les canopes de Chiusi) et campaniens : cf. Déchelette, Manuel ďarch. préhisL, celt. et gallo-rom., t. IV, 2e éd., Paris, 1927, p. 1010 sqq., dont les points de vue demeurent très valables dans l'ensemble et qui ajoute judi- cieusement (p. 1012) qu'il serait vain « d'objecter que des poteries anthropo- morphes ont été fabriquées spontanément chez un grand nombre de peuples ». W. Deonna, L'archéologie , son domaine , son but , Paris, 1922, p. 122, qualifie les effigies des vases de ce genre d'« images des divinités prophylactiques ou des morts ». - On peut se demander si le développement de la production de ces vases dans le Nord de la Gaule n'est pas lié dans une certaine mesure à l'arrivée des Belgae .

(2) Cf. supra, p. 208 et n. 1 . (3) Biévelet, L'exploration arch. de Bavai dans Gallia , I, vol. 2, 1943, p.

188 (= p. 30 du t. à p.). (4) F. Benoit, Dieux-têtes ? dans Latomus, XIV, 1955, p. 292 et pl. I, fig. 4. (5) A. de LoË, Mus. Roy. d'Art et d'Hist ., Belgique Ancienne , Catalogue ,

t. III, Bruxelles, 1937, pp. 160-161 (fig. 73), la donne comme étant du Haut Latomus XIV. - 15.

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222 M. RENARD

De tels vases se rencontrent non seulement dans la Belgica , mais aussi dans les Germanies et dans les forts du limes depuis le dernier quart du Ier siècle et pendant tout l'Empire Q)è Et encore en Bre- tagne (2) aussi bien qu'en Pannonie (*).

Beaucoup de ces vases ont servi ďurnes funéraires. C'est le cas, par exemple, pour celui d'Haulchin (4) et pour bon nombre des exemplaires de Colchester (5).

Ajoutons que leurs effigies présentent parfois les mêmes yeux clos que celles de certains des fragments des vases dits planétaires (e). Et à ce propos mentionnons un fragment découvert à Jupille, en même temps que le vase « planétaire », et remarquable par ses yeux hermétiquement fermés, son nez aquilin et aminci, ses lèvres étroi- tement serrées (Planche VI, fig. 19) (7).

Empire et M. J. Breuer m'écrit qu'il la daterait du Ier siècle avancé ; H. Van de Weerd, Inleiding tot de Gallo- Romeinse archeologie der Nederlanden , An- vers, 1944, p. 281.

(1) Van de Weerd, loc. cit. (2) S. E. Winbold, Britain under the Romans, Harmondsworth, 1945, pl.

VIII, fig. 14 ; R. J. Charleston, Roman Pottery , Londres, 1955, pl. 92 ; voir aussi J. W. Brailsford, Guide to the Antiquities of the Roman Britain , Lon- dres, British Museum, 1951 ; p. 36, n° 23 et fig. 17, 23, p. 37, (Colchester) et cf. ibid., p. 36, n° 24 et pl. V, 24 (Lincoln).

(3) Benoit, op. cit., pl. I, fig. 1-3 (Carnuntum) ; R. Noll, Kunst der Rö- merzeit in Oesterreich, fig. 68 (Vienne), cf. in fine, p. xi, ad loc. : « etwa 3 Jhd ». (4) Loe, loc. cit. (5) Je dois à l'obligeance de M. Hull, conservateur du Colchester and Essex

Museum, les utiles informations que voici : There are two or three different classes of face urns in this Museum. Some

are large and globular, some are small flasks with narrow mouths with a face on the lip. There are also a few in polished red ware with the face on the next and two of a curious form which I cannot describe without an illustration.

Of the first class we have eleven complete vessels, six of which come from graves and actually contain the burnt bones. The date of these graves seems to me to lie between A. D. 140 to A. D. 220 [Winbold, loc. cit., les dates du 1er siècle et R. J. Charleston, loc. cit., de la première moitié du n® s.]. There are also fragments of a dozen or more similar vessels.

Of the second group we have seven complete vessels and many fragments. Of the seven vessels six were found in graves with a skeleton. All are 4th-cen- tury A. D. None of the others I have mentioned were found in graves ».

(6) E. g. divers exemplaires de Colchester et de Carnuntum aux yeux clos ou mi-clos.

(7) Cf. Alexandre, Fabry-Rossius et Bosard, Fouilles faites à Jupille près de Liège dans Bull. Inst. Arch. Liégeois, XI, 1872, p. 484 (une figure hu- maine d'« un autre caractère » que les effigies du vase planétaire) et pl. VIII, fig. 16. - Nous devons l'illustration de notre planche VI, fig. 19, à l'obli- geance de M. J. Philippe, Conservateur du Musée Archéologique Liégeois.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 223

J'ai souligné ailleurs le caractère prophylactique de ces masques 0 et H. Van de Weerd exprimait déjà un consensus lorsqu'il écrivait : à propos de ces urnes : « Peut-être ont-elles eu un caractère apotro- païque et servaient-elles à écarter de la tombe les mauvais esprits. Cette signification se trouve renforcée par le fait que sur certaines de ces urnes apparaissent aussi des phallus, qui ont été des symboles de procréation et de fécondité et avaient également im caractère apotropaïque » (2). La réserve initiale de Van de Weerd est exces- sive, car le rôle de ces masques est certain, qu'ils soient indéterminés ou qu'ils ressemblent à Pan et aux Satyres si fréquents sur les mo- numents funéraires.

Notre enquête nous met donc en présence de documents qui s'avèrent pour la plupart de caractère ou d'utilisation funéraire et dont les thèmes consistent en effigies prophylactiques anonymes ou divines, accompagnées à l'occasion d'attributs animaux et de rouelles, en « têtes coupées » - masques mortuaires aux yeux clos ou crânes - présentées sur des socles ou parmi des fauves dévorants, les unes et les autres apparaissant parfois sous les arcades d'un portique. Quelle est l'origine de ces motifs? La question vaut d'être posée surtout en ce qui concerne leur groupement dans cer- tains des cas que nous avons rencontrés.

Origines des motifs

Masques sur piédestal Nous ne reviendrons pas, à propos du fragment de Meaux, sur le

thème du fauve dévorant et de la « tête coupée » dont nous avons retracé ailleurs les vicissitudes dans le monde gallo-romain et montré qu'il remontait à des prototypes étrusco-italiques (3), eux- mêmes issus de modèles plus lointains.

(1) M. Renard, Sur quelques survivances de V époque celtique , p. 11. (2) Van de Weerd, loc. cit . Il est inutile d'insister ici sur le role bien connu

des représentations phalliques dans les usages funéraires ; à ce propos rappe- lons cependant, sur une tombe, l'image de Priape accompagnée de l'inscription (CIL, VI, 5173) : custos sepulcri pene destricto deus Priapus ego sum vitai et mortis locus ; cf. A. Brelich, Aspetti della morte nelle iscrizioni sepolcrali dell' Impero Romano , Budapest, 1937, p. 32. - Van de Weerd, ibid., envisage en outre la possibilité de l'emploi des vases à visages dans certains cultes étant donné qu'on en a trouvé dans des sanctuaires de Mithra et de Dolichenus.

(3) M. Renard, Des sculptures celtiques aux sculptures médiévales, sauves

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224 M. RENARD

De même l'Italie et déjà l'Italie pré-romaine et en particulier l'Étrurie ont contribué à la diffusion du pilier ou de la colonne que surmonte une tête humaine 0, c'est-à-dire l'hermès - à visage unique ou double, - aussi bien au-delà des Alpes que vers la Pro- vence et l'Espagne. Comme exemple de ces prototypes étrusco- italiques, citons une tête de guerrier aux yeux clos datant du vie siècle avant notre ère et provenant de la nécropole du Crocefisso del Tufo à Orvieto, où elles ne pouvait que servir de couronnement à un cippe funéraire (2). Quelques exemples suffiront à montrer cette diffusion.

En Croatie, un cippe funéraire de Busija près de Dalj consiste en la représentation d'une tête mortuaire aux yeux amygdaloïdes, au nez triédique, à la bouche figée, sans cou, posée directement sur un support quadrangulaire. Ce travail très fruste est pré-ro- main (3).

Un cippe analogue provient d'une tombe de l'époque de La Tène des environs d'Altenburg en Basse-Autriche (4) et dans le Tyrol oriental, à Matrei, nous trouvons plus tard - vers le milieu du Ier siècle avant J.-C., dit-on - l'hermès-portrait plus grand que nature de Popaius Senator, posé sur un socle plat au sommet d'un pilier quadrangulaire d'une hauteur approximative de 3 mètres (5).

Alors que dans les trois documents précédents nous avions affaire à une tête unique, c'est une effigie double que nous offre la statue- pilier d'Holzgerlingen (Wurtemberg), que la rudimentaire esquisse des bras et du vêtement ne suffit pas à dégager de sa gangue de pierre (e). Le pilier pyramidal de Pfalzfeld, aujourd'hui à Saint-

androphages, p. 277 sqq. ; cf. aussi Id., La louve androphage d'Arlon dans La- tomus, VIII, 1949, p. 255 sqq.

(1) P. Jacobsthal, Early Celtic Art, Oxford, 1944, p. 8 et 155. Sur l'origine, à, partir de la pierre-fétiche, de la statue-pilier et notamment de l'hermès, cf. Ch. Picard, Manuel d'arch. grecque . La sculpture , t. I, Paris, 1935, p. 48 et P. Raingeard, Hermès psychagogue, Paris, 1935, p. 319, 366, 375 sqq. Je n'ou- blie pas - cela va de soi - que le pilier à tête humaine est commun à des civilisations très diverses.

(2) P. Ducati, Storia dell' arte etrusca, Florence, 1927, pl. 90, fig. 249 ; G. Q. Giglioli, L'arte etrusca , Milan, 1935, pl. CXX, 1.

(3) R. Egger, Der Grabstein oon Čekančevo , Vienne, 1950, p. 20 et pl. IV, 18. (4) Ibid., p. 20 et pl. IV, 17. (5) R. Noll, op. cit., p. 17 et fig. 26, cf. in fine, p. v, ad. loc. (6) Jacobsthal, op. cit., p. 9 et pl. 13, n° 13 ; cf. P. Lambrechts, L'exaltation

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 225

Goar, devait aussi être surmonté d'une tête et il présente encore un masque sur chacune de ses quatre faces (1). On a suggéré non sans vraisemblance qu'il surmontait une sépulture (2). Sa chro- nologie est très incertaine et on l'a daté de la période carlovin- gienne (3) aussi bien que de l'époque de La Tène, soit du début (4), soit de la fin (5) de celle-ci. Pour ma part, je le crois effectivement du second âge du Fer, mais je ne suis nullement convaincu qu'il remonte au début de cette période. La double tête de Solingen, en Prusse rhénane, s'érigeait sans doute aussi au sommet d'un pilier ou d'une colonne, s'y rattachant, semble-t-il par un élément discoïde. Ici encore la date est mal assurée (6).

Le curieux Tricéphale de Corleck Hill près de Bailebourough en Irlande est légitimement considéré comme le couronnement d'un jambage ou d'un pilier. Aucun argument sérieux n'a été invoqué jusqu'ici pour en fixer la chronologie avec quelque certitude, à part des ressemblances avec l'hermès double de Roquepertuse et encore peut-on se demander si ces similitudes ne sont pas le fait d'un primitivisme identique (7). Le cippe de Maryport (Pl. VI, fig. 20 et 21), d'époque romaine, est d'un intérêt au moins égal avec son masque, ses deux serpents et ses deux poissons sans compter le grand serpent que l'on voit encore à la partie postérieure : autant d'éléments qui appartiennent au répertoire funéraire et, de fait, ce monument a été trouvé à l'extrémité de la bourgade qui flanquait

de la tête dans la pensée et dans Vart des Celtes , Bruges, 1954, p. 83, n. 1, qui la fait remonter « probablement au début de l'époque de La Tène » mais sans donner ses raisons.

(1) Espérandieu, op. cit., VIII, 6170 ; Jacobsthal, op. cit ., p. 8 et pl. 9-12, n° 11.

(2) Jacobsthal, loe . cit. (3) Cf. J. Déchelette, op. cit., pp. 1029-1030 et Espérandieu, loc. cit . (4) Lambrechts, op. cit., p. 72. (5) Espérandieu, loc. cit., invoquant aussi l'opinion de R. Knorr dans

Germania, V, 1921, p. 14. (6) Jacobsthal, op. cit., p. 8 et pl. 8, n° 10 ( « The Rhenish double head

n° 10 is of a style too rustic to be dated ») ; Lambrechts, op. cit., p. 82 et fig. 33 (« Il s'agit sans doute d'une pièce datant de l'époque préromaine »).

(7) W. Kirfel, op. cit., p. 145 et pl. 52, fig. 150, le date de 200-150 avant J.-C. à la suite d'A. Mahr, New Aspects and Problems in Irish Prehistory, Presidential Adress for 1937 dans Proceedings of the Prehistoric Soc., 1937, p. 414 sqq., et en relevant que d'autres le placent deux siècles plus haut. Cf. Lambrechts, op. cit., p. 88 et fig. 37,

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226 M. RENARD

le camp, à proximité immédiate d'une aire pavée sous laquelle quatre sépultures furent mises au jour 0.

Dans le Midi de la Gaule, le cénotaphe romain de Notre-Dame-de- Vallauris (Pl. VIII, fig. 27) est un monument du même genre bien qu'ici l'effigie ne se détache pas en ronde-bosse au sommet du pilier mais y figure au sommet, sculptée en relief (2). Mais dès une date antérieure sans doute à celle de beaucoup des documents cités jusqu'ici, le bicéphale aux yeux vides du sanctuaire de Roque- pertuse (3), où la religion de la mort occupe une si grande place, nous atteste la pénétration de l'hermès dans la Provence de l'époque

(1) Je dois à l'obligeance de M. R. Hogg, Conservateur du Musée de Carlisle, d'avoir pu consulter J. B. Bailey, Catalogue of Roman inscribed and sculptured Stones ... discovered in and near the Roman Fort at Maryport dans Trans, of the Cumberland and Westmorland Antiquarian and Archaeol. Soc., XV, 1915, p. 148, n° 55 et pl. IV, dont je crois utile de transcrire la notice : « 55. - * The Serpent Stone ', 51 inches high, viz. : - the face 12 inches,

octogonal shaft 22 inches, square base 17 inches. The shaft varies in circum- ference, being 29 inches near the head and 40 inches at the base. On one side is a serpent 45 inches long and 2 inches broad. On the other side is a face with two serpents above and two fishes below. At the top a piece of iron has been let by lead. Its use cannot be conjectured ; it has been described as Mithraic and as Phallic. It was found in 1880 to the north of the Roman Road [vers Carlisle], in the fourth field from the fort and not far from the hedge (see Plan and plate IV.).

In close proximity to this stone a pavement 13 feet long by 6 feet wide was uncovered, and under it were four burials.

Portions of a second and broader serpent were found close by. This stone stands on a base 24 inches long, 24 inches broad, and 9 inches

high. It has a hole in it, 18 inches square, probably for the reception of a column ».

Cf. Lambrechts, op. cit., p. 7, n. 1 et fig. 62. (2) Espérandieu, op. cit., I, 37 ; Lambrechts, op. cit., p. 100 et fig. 50.

Qu'il s'agit d'un cénotaphe et non d'un cippe ayant surmonté une sépulture réelle me semble pouvoir être inféré de l'inscription ; Veratius , Terti ( filius ) oc(c)is(us ) tra(ns) mare in Graecia (cf. CIL, XII, 305).

(3) H. de Gérin-Ricard, Le sanctuaire préromain de Roquepertuse dans Centenaire de la Soc. de Statistique ... de Marseille. Études d'histoire de Provence , Marseille, 1927, p. 19 sqq. et pl. II ; Espérandieu, op. cit., X, 7616 ; R. Lan- tier, Le sanctuaire de Roquepertuse dans Arch . Anz ., 44, 1929, col. 285 et fig. 4 ; Jacobsthal, op. cit., p. 3 sq. et pl. 2, n° 3 ; F. Benoit, L'art primitif méditerranéen de la vallée du Rhône. La sculpture, Paris, 1945, p. 31 sq. et pl. XXVI (où l'on voit latéralement un tenon de fixation) et XXVII ; R. L an- tier et J. Hubert, Les origines de l'art français, Paris, 1947, p. 60 et fig. XVII, p. 35 ; Lambrechts, op. cit., p. 81 et fig. 32.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 227

de La Tène II. On notera ici le motif séparant les deux têtes et qui évoque non pas une couronne de feuilles (x) mais plutôt, semble-t-il, un bec de canne (2). Rappelons aussi l'hermès double de Beau- caire (3), également pré-romain, dont les deux têtes accolées par la nuque s'appuient latéralement contre le triangle pyramidal de la stèle, évoquant les statues à pilier dorsal, à commencer par les statues funéraires égyptiennes à obélisque osirien (4). On considère

(1) Jacobsthal, op. cit., p. 4. (2) Cf. Gérin-Ricard, op. cit., p. 19. (3) Jacobsthal, op. cit., p. 7 et pl. 7, n° 8 ; Benoit, op. cit., p. 31 et pl.

XXIV ; Lambrechts, op. cit., p. 82. (4) Lambrechts, loc. cit., écrit à propos de l'hermès de Beaucaire : « Ce cône

ou pilier en miniature est peut-être la forme abrégée ou symbolique du pilier sur lequel, d'après des textes hagiographiques, certains * Janus ' étaient placés » (cf. infra, p. 228, n. 1). Jacobsthal, loc. cit., note pour sa part que le « cône » dressé à côté des deux têtes est « undoubtly the aniconic equivalent of what the heads express in the language of an advanced civilization ». En fait, il ne s'agit pas d'un cône, mais bien d'une stèle (comme l'a justement noté F. Be- noit, op. cit., pl. XXIV) se terminant en forme de triangle pyramidal. Bien qu'ici nous ayons deux visages accolés latéralement au support, je crois jus- tifié le rapprochement avec certaines statues à pilier dorsal et je considère le symbolisme comme analogue. Le dispositif est ancien. Les effigies de l'ar- chaïsme grec à pilier dorsal ne doivent pas être, en effet, uniquement considérées comme illustrant simplement la libération de la statue de la servitude du pilier, de la stèle ou de la plinthe : ce serait oublier la signification de Fidole-pilier. Cf. une statuette (égyptienne pour certains) trouvée à Sparte dans un niveau du vii® siècle (F. Poulsen, Der Orient und die frühgriechische Kunst, Berlin, 1912, p. 64 et fig. 64, p. 43), le pilier funéraire avec figure en haut-relief de Sar- des, datant d'avant 550, au Musée de Berlin (L. Curtius, Die antike Herme Munich, 1903, p. 18 sqq. et fig. 12-14 ; M. Collignon, Les statues funéraires dans l'art grec, Paris, 1911, p. 47 et fig. 20, p. 46 ; W. Deonna, Dédale, t. I, Paris, 1930, p. 55, fig. 1, n° 7, cf. ibid., t. II, p. 221 ; Ch. Picard, Manuel d'arch. gr., La sculpture, t. I, p. 229), la petite tête d'hermès n° 642 de l'Acropole « à rajuster avec un pilier dorsal » (Picard, op. cit., p. 611, n. 3 ; H. Schräder, Hermen aus dem Persenschutt dans Antike Platik W. Ame - lung, Berlin et Leipzig, 1928, p. 228 et pl. 18, fig. 1 ; H. Payne et G. Mackworth- Young, Archaic Marble Sculpture from the Acropolis, 2e éd., Londres, 1950, pl. 104). Cf. également la bibliographie citée par Metzger dans son article (p. 19, n. 3 sqq.) mentionné plus bas. On connaît aussi les statues pléniciennes à pilier dorsal (Cf. Poulsen, loc. cit. et Ch. Picard, La sculpture antique , t. I, Paris, 1923, p. 224). L'hermès grec est surtout un « suc- cédané », selon l'expression de Ch. Picard, Manuel, t. I, p. 396, n. 3, du pilier osiriaque. Cf. B. H. Stricker, Osiris en de obelisk dans Oudheidkund. Mededel. uit het Rijksmuseum van Oudheden te Leiden, XXXIV, 1953, p. 46 sq. et fig. 8 : défunts appuyés à l'obélisque osirien portant leur nom. Parfois le mort et le

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encore comme originaire de la Gaule méridionale, mais sans en connaître la provenance exacte, un troisième hermès double qui paraît bien avoir surmonté un pilier : le traitement de la pierre montre qu'il s'agit d'un travail d'époque romaine^).

pilier sont disjoints et représentés l'un à côté de l'autre (ibid., pl. V). Ces re- présentations égyptiennes se sont perpétuées jusqu'à l'époque hellénistique au moins (ibid., p. 32 et 46) et M. Stricker en a fort bien saisi le sens : l'obélisque dorsal, porteur du nom du mort, assure symboliquement l'union mystique du défunt avec Osiris (ibid., p. 47). L'extension à la Gaule de ce symbolisme méditerranéen n'a rien d'exceptionnel puisqu'on y retrouve aussi, à l'époque romaine, la croyance à la survie par la mention du nom, cf. CIL, XIII, 2104 : Quodque meam retinet uocem data littera saxo uoce tua uiuet, quisque leges tí- tulos ; cf. F. Benoit, L'héroïsation équestre, p. 16. - Par ailleurs, M. Léon Lacroix attire mon attention sur un document d'un intérêt majeur, le cippe au masque de bélier de Glanitsa publié par H. Metzger, Le sanctuaire de Glanitsa (Gortynie) dans Bull. Corr. Hell., LXIV-LXV, 1940-1941, p. 17 sqq. et pl. III, 1, qui le décrit ainsi : « Couronnement d'un cippe de marbre, dont le fût en forme de cylindre irrégulier est surmonté d'une sorte de tailloir. Sous la saillie horizon- tale de ce tailloir un masque de bélier, à peine ébauché, est appliqué au fût », ajoutant : « La double courbure des contours extérieurs du fût suppose un profil général en arc de cercle très ouvert ». A propos de ce monument, M. Metzger rappelle d'une part les statues-piliers à masque dionysiaque des pein tures de vases attiques et d'autre part le « dieu bélier en hermès » de Passava, vers 500, au Musée de Sparte (Ch. Picard, Manuel , t. I, p. 456 et fig. 2, p. 83), représentant une divinité (Apollon Carneios ?) sous son primitif aspect animal. Si le dispositif associant le masque au pilier n'est pas absolument semblable à Goritsa et à Passava, il n'en est pas moins vrai, comme le dit M. Metzger (op. cit., p. 19), que « le principe religieux qui a présidé à son élaboration paraît identique : à la statue-pilier primitive se substitue une idole composite, où la divinité est représentée à la fois comme pilier et comme animal ». Cf. F. Benoit, Des chevaux de Mouriès aux chevaux de Raquepertuse dans Préhistoire, X, 1948, p. 205 : L'hermès de Beaucaire « semble marquer la transition entre le menhir et l'hermès, comme si l'on avait voulu réunir la double forme iconique et ani- conique ». - A propos de cette image de Glanitsa figurant sans doute le dieu Hermès (Metzger, op. cit., p. 20-21), que le Péloponnèse a vénéré sous les deux aspects du pilier et du bélier, peut-on rappeler que le bouc associé au Tricé- phale rémois, identifié à Mercure, est représenté le plus souvent sur l'assiette supérieure de monuments qui ont la forme de cippes?

(1) Jacobstahl, op. cit., p. 7 et pl. 7, n° 9 ; Lambrechts, op. cit., p. 82, pour qui cette œuvre est « probablement de l'époque romaine ». - Cf. encore M. Durand-Lefèbvre, Hermès double trouvé en Narbonnaise dans Gallia , IX, 1951, p. 66 sqq. et fig. 1-3 : double effigie de Bacchus avec Ariadne ou Korè de type archaïque, ier-iiie s., découverte dans les Corbières (Aude). L'auteur souligne la fréquente signification génératrice et funéraire des représentations du genre et leur rôle tutélaire et rituel. - Les traditions hagiographiques con-

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 229

Mentionnons également une colonnette à tête humaine soulignée sous le menton d'une bordure dentelée qui provient, croit-on, de Saint-Bertrand-de-Comminges et que l'on tient pour être d'époque romaine Ç).

Pour l'Espagne enfin, prenons comme exemple un couronnement de stèle trouvé à Cordoue et décoré d'un masque humain. Considéré comme une production celtique, ce document est remarquable non seulement par ses aspects linéaires mais aussi par ses yeux exorbités et ses lèvres serrées (2).

Voilà assez d'exemples qui montrent la diffusion du pilier ou de la colonne à tête humaine à travers l'Occident avant et après la conquête romaine. Toutefois nous nous permettrons encore de ramener l'attention sur certaines têtes tricéphales du pays rémois. En effet, l'une d'entre elles (Pl. VII, fig. 22) s'érige au sommet d'un tronçon de colonne supporté par une base carrée (3). Une

servent peut-être le souvenir ďhermés doubles de ce genre : Grégoire de Tours, De passione et uirtutibus sancti Iulianis martyris (mort en 304) dans MGH, Script . rer. Mer., I, p. 564, 8 sq. et p. 366, 27 sq. (= J. Zwickler, Fontes hist . rei. celt., 1934-1936, II, p. 177), écrit qu'il existait ad Briuatinsim uicum (Brioude, Haute-Loire) un grande delubrum, ubi in colomnam altissimam simulachrum Martis Mercuriique colebatur et la Vita de saint Médard, évêque de Noyon et de Tournai (v® s.), dans les Acta Sanct., 8 juin, II, p. 84 b (= Zwickler, op. cit., Ill, p. 242) place à Crouiacus (Grouy, Aisne) un bifrons lapideus magnae altitudinis ante fores aedis. Cf. Jacobsthal, op. cit., p. 100 et Lambrechts, Note sur un passage de Grégoire de Tours relatif à la religion gauloise dans La- tomus, XIII, 1954, p. 207 sq. et 212. - D'autre part, Lambrechts, ibid., p. 211 et L'exaltation de la tête, p. 83, croit pouvoir constater la rareté du bicéphale dans l'art gallo-romain alors qu'il était relativement fréquent à l'époque de l'indépendance gauloise et il ajoute (Latomus, loc. cit. et p. 217) qu'il ne connaît pour la période romaine que le bicéphale d'une pierre à quatre divinités, à Reims, et celui qui est mentionné dans Gallia, IX, 1951, p. 66 sqq. C'est ou- blier qu'à l'époque romaine nous avons, à côté des figurations de facture « indi- gène », des hermès doubles de type classique comme celui des Corbières précisé- ment, dont on ne peut nier l'identité fonctionnelle (cf. infra, p. 231, n. 1, d'autres identités de sens entre prototypes classiques et suites indigènes).

(1) Espérandieu, op. cit., p. XI, 7659 ; Lambrechts L'exaltation de la tête, p. 72, n. 1 (« Représentation funéraire plutôt qu'une image de divinité »).

(2) B. Taracena, Cabezas-trofeo en la España céltica dans Arch. Esp. d. Arch., XVI, 1943, p. 169 et fig. 10, n° 4 ad p. 165 ; Lambrechts, op. cit., p. 79 et fig. 60. Cf. Taracena, loc. cit., p. 170 et fig. 10, n08 1-2 : extrémités de tiges en bronze - poignées de clé ? - se terminant en forme de tête à valeur apotropaïque.

(3) Espérandieu, op. cit., V, 3655 (Reims) ; Lambrechts, op. cit., p. 85 (n° 11), p. 89 et fig. 34.

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autre couronne un cippe quadrangulaire (*). Une troisième figure sur le devant d'une petite colonne (2). Notons en passant que la première de ces effigies ressemble singulièrement aux visages des vases planétaires, notamment en ce qui concerne le façonnement des boucles de la chevelure.

D'autres aspects de ces monuments rémois valent également d'être signalés : ils ont plus d'une fois une bouche dont les lèvres sont minces et serrées et des yeux exorbités. A propos de ce dernier trait, il n'est pas indifférent de rappeler particulièrement un exem- plaire aux yeux vides sous d'énormes arcades sourcilières (3).

Ajoutons encore que sur un monument de Soisspns (PL VII, fig. 23) le masque du Tricéphale, figuré dans une niche carrée, est « posé sur une tablette » (4). Ceci n'est pas sans faire songer à l'her- mès-portrait de Matrei et peut-être au bicéphale de Solingen et à la colonnette au masque de Saint-Bertrand-de-Commiges. D'autre part, cette tête tricéphale ainsi posée sur une tablette suggère le rapprochement avec une des sépultures rituelles du rempart de Y oppidum de l'Impernal à Luzech (PL VII, fig. 24), dans le Quercy, où dans un caisson spécialement aménagé fut découvert le squelette d'« un adulte décapité, le crâne placé au-dessus du thorax sur une tablette plate » (5).

(1) Espérandieu, op. cit., V, 3756 (La Malmaison) ; Lambrechts, op. cit., p. 86 (n° 23).

(2) Espérandieu, op. cit., V, 3661 (Reims) ; Lambrechts, op. cit., p. 85, (n° 16). (3) Espérandieu, op. cit., V, 3659 (Reims) ; Lambrechts, op. cit., p. 85

(n° 15). Cf. Durand-Lefèbvre, op. cit., p. 68. (4) Espérandieu, op. cit., XI, 7700 (Soissons) ; Lambrechts, op. cit., p. 85

(n° 20) et fig. 35, cf. p. 89 : « Une sorte de rebord indique clairement que la tête constitue un motif fini ». Cf. également les têtes de Chorey, de Towcester et de Corbridge : É. Thevenot, Sculptures inédites de Chorey dans Gallia, V, 1947, p. 429 sqq., fig. 1-3 et A propos des têtes de Chorey, ibid., VI, 1948, p. 186 sq. et fig. 1-2 ; Lambrechts, op. cit., p. 74 et fig. 21-22 ; p. 78 et fig. 30 ; p. 76 et fig. 29. Lors de la publication des têtes de Chorey par M. Thevenot, j'ai suggéré une destination funéraire : cf. Rev. Belge de Phil, et d*Hist., XXVII, 1949, p. 1206.

(5) F. Benoit, Le thème hellénistique de V enchaînement ďOgmios et le cycle mythologique irlandais et gallois dans Acad. Inscr. et Belles-Lettres, Comptes rendus, 1952, p. 111 et fig. p. 107 ; Id., L'Ogmios de Lucien, la « tête coupée » et le cycle mythologique irlandais et gallois dans Ogam , V, 1953, p. 39 (d'après A. Vire, Les oppida du Quercy dans Bull. Soc . Ét. Litt. Lot, 1936). A propos de cette sépulture, qui date du n® s. avant J.-C., M. Benoit remarque très ju-

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Une dernière constatation : sur les monuments que nous envisa- geons, le masque du Tricéphale gallo-romain n'a pas une fonction différente de celle que remplissent les effigies de Gorgone, de Méduse, d'Achéloüs, des Satyres ou les masques de théâtre dans de nombreux monuments funéraires classiques : cette identité fonctionnelle est prouvée par la présence simultanée d'un masque de Tricéphale et d'un masque de théâtre sur l'un des documents rémois (*).

Céramique sigillée Le motif de la tête ou du masque juché sur un piédestal ainsi

d'ailleurs que les autres motifs examinés plus haut apparaissent également avec une valeur prophylactique ou bénéfique sur les vases sigillés. Il suffit de parcourir quelques répertoires pour s'en convaincre.

Nous évoquerons d'abord un bol du type Dragendorff 37 décou- vert au siècle dernier à Blaton (Pl. VII, fig. 25), dans le Hainaut. Sur ce vase, des effigies vues de profil s'érigent au sommet de frêles colonnettes annelées, à la base faite de bâtonnets juxtaposés, s'y associant à des pastilles ou à des rouelles et y délimitant des méto- pes décorées de scènes diverses (2). Le même motif reparaît sur un bol de même forme datant de la deuxième période de Lezoux, c'est-à-dire des années 75-110 de notre ère, pour y dessiner aussi

dicieusement : « La vertu attribuée au crâne précéda la superstition attachée à sa représentation plastique ».

(1) Espérandieu, op. cit., V, 3658 (Reims) ; Lambrechts, op. cit., p. 85, n°14. Cf. aussi Espérandieu, op. cit., II, 1055 (masque de Tricéphale et masque de Satyre sur une tablette d'Auch) et VI, 5224, n° 16, p. 404 (couronnement de mausolée de Neumagen sur les métopes duquel voisinent des masques de facture indigène et la tête de Méduse) ; voir infra, pp. 233 et 234. - De même il n'y a au- cune différence de signification entre des documents comme le linteau de Nages aux « têtes coupées » alternant avec des chevaux psychopompes (Espérandieu, op. cit., I, 515 et IX, p. 146), le fragment de corniche de Vizille (Isère) décoré d'une « tête coupée » et d'un poisson - autre symbole funéraire - (Espé- randieu, op. cit., X, 7458), le fronton triangulaire du tombeau monumental d'Empourruche (Saint-Clar, Gers), orné d'un masque de théâtre flanqué de part et d'autre d'un dauphin ( Gallia , XII, 1954, p. 224, fig. 15) et peut-être encore le relief de Strasbourg où un buste central de « Mercure » est encadré de deux images d'Epona à cheval (Espérandieu, op. cit., X, 7297).

(2) L. Devillers, Notice sur des vases ant. découverts dans le Hainaut dans Ann. Cercle Arch. Mons,V 1,1865, pl. III ad pp. 138-139. - Nous ne viserons nullement à épuiser les rapprochements possibles.

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des panneaux parfois recoupés (*). Un fragment de Bàie nous montre que dès l'époque de Tibère ou de Claude le masque est associé sur des vases de La Graufesenque à des volutes florales en forme de chapiteaux que réunissent des guirlandes (2), motif qui est à la suite de prototypes d'Arezzo de la période augustéenne et notamment d'exemplaires sortis de l'officine d'Aco (3). D'autres vases de La Graufesenque surmontent par ailleurs ces colonnettes à chapiteau floral d'une tête sur laquelle s'appuie une arcature de feuillages (4) (PL IX, fig. 29).

D'autre part, de tels masques apparaissent dans le triangle dé- terminé par la retombée d'arcatures feuillues à La Graufesenque encore (5) (Pl. IX, fig. 30) et plus tard à Rheinzabern (e) sans compter qu'un fragment de La Madeleine présente le masque dans le triangle supérieur d'une sorte d'« arc triomphal » évoqué par son arcature en plein cintre et par son angle supérieur droit dessiné au moyen d'un grènetis orné d'une rosace (7).

Ce dispositif du masque entre des arcatures est encore une fois à la suite de modèles d'Arezzo comme le démontre un fragment de moule de l'atelier des Perenni (8). L'intérêt de ce dernier docu- ment est ailleurs encore étant donné que nous pouvons le rapprocher d'un autre fragment de moule de la même officine sur lequel un

(1) J. Déchelette, Les vases cér. ornés de la Gaule rom., t. I, Paris, 1904, p. 183 et pl. IX, 3.

(2) R. Knorr, Terra-Sigillata Gefässe des ersten Jahrhund, mit Töpfernamen , Stuttgart, 1952, pl. 72 G ; du céramiste Volus ( ?) : cf. F. Oswald, Index of Potters ' Stamps , s. v.

(3) F. Oswald et T. D. Pryce, Introd. to the Study of Terra Sigillata , Lon- dres, 1920, pl. XXVI, 2. Des Eros courent sur les guirlandes. (4) F. Hermet, La Graufesenque , Paris, 1934, pl. 86, 3 (cf. pl. 16, 51-52 et

34, 30-31) et R. Knorr, Sudgall. Terra-Sigillata Gefässe von Rottweil , Stutt- gart, 1912, pl. XV, 1 et p. 29 ad loc. ; style de Germanus, époque de Néron et des Flaviens : cf. Oswald, Potters' Stamps , s. v.

(5) Hermet, loc. cit., pl. 92, 21 ; style de Germanus. Têtes de lions sous Farcature. (6) W. Ludowici, Die Bilderschüsseln der röm. Töpfer von Rheinzabern ,

Tafelband, Darmstadt, 1942, pl. 133, 9 F ; manière de Pupus, fin de l'époque antonine : cf. Oswald, Potters' Stamps, s. v. Le cratère est associé au décor.

(7) Ricken, op. cit., pl. VIII, 14. (8) H. Dragendorff et C. Watzinger, Arretinische Reliefkeramik mit

Beschreibung der Sammlung in Tübingen, Reutlingen, 1948, p. 204 et pl. 19, 297.

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masque silénique identique est présenté sous l'arcature de palmes (*), nous prouvant ainsi que l'efficacité du masque est pareille, qu'il se trouve dans l'extrados des arcatures ou sous celles-ci. Un tesson découvert à Haltern et qui provient de l'atelier arétin d'Ateius présente de même un masque d'Achéloüs, flanqué de rosaces, sous un arc sans que cette fois celui-ci soit soutenu par des colonnes (2). Les imitations gallo-romaines ne manquent pas, de La Graufesen- que (3) (Pl. IX, fig. 31) à Rheinzabern (4). Parallèlement à ces masques siléniques, il arrive que nous trouvions, sous l'arcature, des masques dont l'apparence n'est pas celle des masques classiques de Silène, d'Achéloüs, de la Gorgone et qui rappellent bien plutôt les « têtes coupées » du Midi de la Gaule et d'ailleurs. Ainsi un fragment de Narbonne (Pl. IX, fig. 32) a appartenu à un plat dont tout le pourtour était orné de têtes imberbes « d'un dessin barbare », encadrées d'arcs en plein cintre (5). De même un masque barbu sous une arcature de grènetis se terminant en rosaces, au bas, se répétait sur tout le pourtour d'un vase dont un fragment a été retrouvé à Saint-Remy-en-Rollat (Pl. IX, fig. 33), dans l'Al- lier (6). Mais que le masque soit classique ou non, sa valeur est la même (7) et sur un fragment de relief d'Auch nous voyons côte à côte un masque silénique et un masque de Tricéphale que sépare un décor architectonique qui n'est pas sans évoquer les colonnettes des arcatures encadrant les effigies de nos vases (8).

D'autres combinaisons se rencontrent évidemment. Le masque se présente à la fois au sommet de colonnes que réunissent des

guirlandes et entre ces colonnes sur un vase trévire qui associe à

(1) Ibid., p. 204 et pl. 19, 298 ; cf. aussi pl. 19, 303. (2) Oswald et Pryce, op. cit., p. 10 et pl. II, 1. (3) Hermet, op. cit., pl. 56, 9. (4) Ludowici, op. cit., pl. 208, 3 F ; Iulius II - Iulianus I, fin de l'époque

antonine et début du uie siècle : cf. Oswald, Potters' Stamps, s. v. - cf. Foel- zer, op. cit., pl. X, 71 (Avocourt) et pl. XX, 12 et 24 (Heddernheim). Voir aussi un fragment de Rottweil avec des guirlandes disposées en arcatures sous lesquelles sont placés des masques associés ici à Eros, à Pan et à des dauphins : Knorr, Terra-Sigillata Gefässe des ersten Jahrhund, mit Töpfernamen, pl. 29, 2 (époque de Vespasien).

(5) Déchelette, op. cit., t. II, p. 330 et pl. XIII, 9. (6) Ibid., t. II, p. 111, n° et fig. 668. (7) Cf. supra, p. 231 et n. 1 et infra, p. 234. (8) Espérandieu, op. cit., II, 1055.

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notre thème des dauphins au trident (!). Un tesson de La Grau- fesenque représente simultanément le masque sous les arcatures et dans l'angle qu'ils forment à leur retombée - mais ici sur un « per- choir » - tandis qu'un volatile (un aigle) est figuré dans les entrecolonnements (2). Sur un autre fragment de La Graufesenque, le masque se trouve dans l'extrados d'arcatures soutenues par des colonnettes surmontées d'un masque analogue tandis que dans les arcades on voit des têtes de lions et sous celles-ci un chien et un lièvre ; des dauphins et des danses de Pan et d'Eros s'associent à ce décor complexe (3). Les masques peuvent enfin être, figurés dans les entrecolonnements comme c'est le cas sur un tesson de La- voye (4) ou sur un remarquable fragment de Richbourough (Pl. IX, fig. 34) associant des sujets et des masques d'inspiration classique à des masques « indigènes » qui ne sont pas sans rappeler ceux des vases « planétaires » et en les èncadrant de rosaces (5).

Quant au motif du volatile, celui du palmipède notamment, on connaît sa fréquence dans les décors de la céramique sigillée (6). Aussi ne retiendrons-nous que les exemples qui le montrent en corrélation avec les décors architectoniques : au sommet de colon- nettes (7), à la rencontre des volutes de chapiteaux (8), dans les extrados de portiques à arcades (®) (Pl. IX, fig. 35) et parfois, dans ce cas, supporté par une colonnette Í10) (Pl. IX, fig. 36), au sommet d'un portique abritant un cippe aniconique (u).

(1) Oswald et Pryce, op. cit., pl. XVIII, 3 ; estampille de Dexter, fin du u® siècle et début du ni6 : ibid., p. 64 et 112 (cf. Foelzer, op. cit., pl. XV, 21). (2) Hermet, op. cit., pl. 86, 2 ; ibid., p. 139 ; Germanus. (3) Knorr, op. cit., p. ix (fig.) ; également de l'atelier de Germanus de La

Graufesenque. (4) Ricken, op. cit., pl. XIII, 55. (5) J. P. Busche-Fox, Fourth Report on the Excavations of the Roman Fort

at Richborough, Kent, Oxford, 1949, p. 169 et pl. LXXII, 29. - Cf. supra , p. 231 et n. 1 et p. 233.

(6) Oiseau associé au masque : Knorr, op. cit., pl. 66 D. (7) Ibid., pl. 13 F ; 17 G ; 56 L, M, N ; 66 С ; époque de Tibère et de Claude. (8) Ibid., pl. 49 D ; 69 С ; 79 F ; milieu du Ier siècle de notre .ère. (9) Ibid., pl. 70 G. - Foelzer, op. cit., pl. VII, 53. - Bull. Comm. Roy.

Art et Arch., V, 1866, pl. VI ad pp. 452-453, fig. 40 (Avernas-le-Bauduin). (10) Ibid., pl. 59 A ; époque de Tibère. - Ludowici, op. cit., pl. 125, 1 et 2,

avec des cigognes d'un pittoresque local ; Firmus II, de Trajan aux Antonins : cf. Oswald, Potters' Stamps , s. v. (11) Ludowici, op. cit., pl. 60, 13 ; Cerialis IV, époque d'Hadrien et des An-

tonins : Oswald, Potters' Stamps , s. v.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 235

Pour terminer, nous mentionnerons un fragment de l'époque antonine qui constitue comme la synthèse de ce rapide aperçu et dont le rapprochement avec les fragments de vases « planétaires » à l'oiseau et au portique est extrêmement suggestif. Ce tesson (PL IX, fig. 37), qui provient ďElewijt, nous montre un masque de Pan entouré de rosaces sous la baie d'un portique dont l'extrados des deux arcades conservées est décoré d'un oiseau (x).

Personne ne s'étonnera que ces thèmes bénéfiques (2) si répandus aient eu leur place dans le répertoire de l'art funéraire et que nous les retrouvions sur certains fragments de céramique provenant précisément de sépultures de Bavai ou d'autres endroits.

Pareils thèmes appartiennent, comme on sait, aux plus anciennes traditions méditerranéennes et nous n'avons pas à y revenir ici. Mais, sans remonter aux origines, nous voudrions néanmoins signa- ler qu'on en trouve plusieurs déjà rassemblés sur un vase lucanien dont on vient de relever à juste titre le grand intérêt (3). Il s'agit d'un askos exhumé d'une tombe du 111e siècle avant notre ère : entre deux scènes illustrant le rituel des obsèques est représenté un énorme masque flanqué de deux coqs funéraires à tête humaine,

(1) F. Vaes et J. Mertens, La céramique gallo-rom . en terre sigillée ďEle- wijt, Belgique (Collection Latomus, vol. XIII), Bruxelles, 1953, p. 41, n° 114 et pl. X, 114.

(2) Le symbolisme de tous ces motifs est connu. Le palmipède (oie, canard ou cygne) relève de la notion générale de l'oiseau symbole ou porteur de l'âme ; déjà à des époques très anciennes les volatiles sont divers et il n'y a rien d'es- sentiel à conclure de cette diversité (cf. Ch. Picard, Les religions préhell., Crète et Mycènes, Paris, 1948, p. 113 et J. Heurgon, Recherches sur ... Capoue préro - maine , Paris, 1942, p. 318 et 320). Par exemple, l'oie est symbole de vigilance : il est à peine besoin de rappeler l'épisode des oies du Capitole (cf. Pline, N.H., X, XXVI (xxii), 55) et l'oie de Junon Moneta ; l'oie est gardienne de la maison (cf. Ov., Mét., VIII, 684 et Pétr., Sat. , 137). Elle n'ignore pas la sagesse et elle est la compagne du sage (Pline, loc. cit.). Elle porte d'heureux présages (Martial, IX, 31, 9-10). Elle est chargée d'un symbolisme érotique (Pline, loc. cit. et Pétrone, loc. cit.) qui est fréquent dans les sépultures : cf. Pauly-Wissowa, art. Ente, col. 2646 sq. (Olck). Voir également infra, p. 238, n. 2, à propos de l'alcyon. - Sur la valeur rituelle du portique, cf. infra, p. 238.

(3) Benoit, L'Ogmios de Lucien et Hercule psychopompe dans Beitr. zur ält. europ. Kulturgesch., Festschrift R. Egger, I, 1952, p. 146 sq. et fig. p. 147 ; Le thème... de l'enchaînement d'Ogmios dans Acad. Inscr. et B.-L ., C. R., 1952, p. 105 et fig. p. 107 ; L'Ogmios de Lucien dans Ogam , V, 1953, p. 33 ; L'héroï- sation équestre, Gap, 1954, p. 58 sq. et pl. IX, 3.

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d'une situle pour les lustrations et d'une rosace à décor cruciforme, enfin de rouelles et de sceaux de Salomon.

Portiques préromains de la Narbonnaise

Mais dès avant l'époque de l'askos apulien et sous l'action des influences méditerranéennes, de premiers essais d'architecture sa- crée avaient été tentés sur les hauts lieux de la Gaule méridionale. Dans les temps qui suivirent, et jusqu'au seuil de l'époque romaine, ces édifices religieux se multiplièrent et s'enrichirent des complé- ments de la peinture et de la sculpture, particulièrement lorsque la civilisation celto-ligure prit, à partir de La Tène II, un si remarquable essor.

Autour de ces sanctuaires se concentrait la vie religieuse, poli- tique et sociale de la tribu dont l'habitat se trouvait d'ailleurs par- fois accolé au lieu saint, car celui-ci était étroitement lié au culte des héros gentilices, fondateurs et protecteurs de la race (1). De fait, tout y révèle une religion de la mort.

C'est à des sanctuaires à culte funéraire de ce genre que doivent appartenir les piliers récemment mis au jour à Saint-Biaise (2) et à Saint-Remy (®) (Pl. VIII, fig. 26), dont les entailles céphaloïdes étaient destinées à recevoir des crânes décharnés. On y a vu les antécédents d'un monument comme le cippe-cénotaphe de Notre- Dame-de-Vallauris (4) (Pl. VIII, fig. 27). Il est vraisemblable que certains de ces piliers ont fait partie de portiques dont ils suppor- taient les linteaux puisqu'on a également retrouvé à Saint-Remy un tel couronnement, de travail grec, mais ultérieurement creusé d'entailles destinés, tout comme celles des piliers, à recevoir des crânes (5). Reliques des ancêtres ou dépouilles de victimes propi- tiatoires ou encore chefs d'ennemis décapités comme le suggéreraient les notices anciennes remontant à Posidonius (e), ces crânes avaient

il) Cf. A. Grenier, Sanctuaires celtiques et tombe du héros dans Acad. Iriser . et B.-L,, C. R., 1943, p. 360 sqq. et 1944, p. 221 sqq.

(2) H. Rolland, Nouvelle documentation sur le culte de Roquepertuse dans Rev. d'Études Ligures , XVII, 1951, p. 202 et fig. 1.

(3) Id., ibid., p. 204 et fig. 5, p. 205. (4) Lambrechts, op. cit., p. 100. (5) H. Rolland, loc. cit., p. 208 (note); Fouilles de Glanum , 1951-1952

dans Gallia, XI, 1953, p. 11 et fig. 9 ; Glanum. Notice archéologique, Saint-Remy- de-Provence, 1954, fig. 26 (cf. le texte, non paginé).

(6) Strabon, IV, 5 ; Diodore de Sicile, V, 29, 4-5.

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POTERIES A MASQUES PROPHYLACTIQUES 237

une vertu magique (*) de même que les masques protégeant les

remparts de la forteresse des Bringasses aux Baux (2) et ceux des

oppida préromains d'Espagne (3). Au reste, on sait qu'un semblable

portique, avec les mêmes entailles céphaloïdes, avait été précédem- ment retrouvé à Roquepertuse (4) (Pl. VIII, fig. 28). Antérieure- ment aux entailles, les piliers avaient reçu une décoration peinte de signification symbolique comportant, outre des feuillages, des

losanges et des rouelles ocellées, des poissons, des oiseaux en vol, une tête de cheval associée à une étoile (5).

La décoration sculptée du sanctuaire est du même ordre qu'il s'agisse des quatre protomés de chevaux, d'une excellente facture, ornant un fragment d'architecture (6) ou encore d'un palmipède en ronde-bosse qui servait de couronnement (7). A propos de ce vola- tile, peut-être convient-il de rappeler le « bec de canne » de l'hermès

bicéphale (8) veillant de toute la puissance de son double regard dans les deux directions dont le portique marquait rituellement les confins, à la limite de l'au-delà et du monde des vivants (9).

(1) F. Benoit, Des chevaux de Mouriès aux chevaux de Roquepertuse dans Préhistoire , X, 1948, p. 202 sqq. Cf. Acad . Inscr . et B.-L ., С.Д., 1952, p. 113 et Ogam, V, 1953, p. 40 sq. (Id.).

(2) F. Benoit, L'art prim, médit,, p. 32 et pl. XXVI, 2. (3) Id., L'aire méditerranéenne de la « tête coupée » dans Rev. Et ., Lig ., XV,

1949, p. 245 et fig. 1. (4) Gérin-Ricard, op. cit., pl. IV = Arch. Anz., 44, 1929, fig. 2, col. zoo-

286 (Lantier) ; F. Benoit, L'art prim. méd., p. 18 et pl. XXV. (5) Gérin-Ricard, loc. cit. ; Lantier, loc. cit. ; Benoit, op. cit., p. 18 sq. -

L'oiseau et le cheval psychopompes sont déjà associés sur un des piliers du sanctuaire hallstattien des Caisses à Mouriès (Benoit, op. cit., p. 25 et pl. IX, 2 ; Espérandieu-Lantier, op. cit., XII, 7893, 4), qui avait aussi un portique (cf. Benoit, op. cit., pl. X, 2 ; Espérandieu-Lantier, op. cit., XII, 7908). - Le poisson (dauphin) et l'oiseau (canard) sont réunis d'autre part dans la dé- coration funéraire, e. g. dans la Tombe de la Chasse et de la Pêche à Tarquinia (Ducati, op. cit., pl. 80, fig. 230 ; Giglioli, op. cit., pl. CXIII, 2 - CXIV).

(6) Benoit, op. cit., p. 25 et pl. XIII. Ce fragment, m'écrit M. benoît, n ap- partient pas à l'ensemble aux piliers céphaloïdes. Cf. également la protomé de cheval gravée « sur la tranche d'une tablette paraissant appartenir à la ť chasuble ' rituelle » que portent les statues de personnages accroupis de Ro- quepetuse (Benoit, op. cit., pl. XII, 2).

(7) Gérin-Ricard, op. cit., p. 18 sq. et pl. III, 1-2 ; Lantier, op. cit., coi. 285 et fig. 5 ; Espérandieu, op. cit., X, 7615 ; Benoit, op. cit., p. 25 et pl. XII, 1.

(8) Cf. supra, p. 227. (9) Cf. F. Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains,

Paris, 1942, p. 39 sqq. et index, s. v. Portes . Latomus XIV. - 16.

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Car le portique, au moins autant que les images qui y sont repré- sentées, assume à lui seul déjà la protection du passage (*). Les thèmes qui y sont figurés renforcent son action. De là cette asso- ciation au portique de tout un répertoire magique (2) et notamment de « têtes coupées » que nous rencontrons à Roquepertuse, à Saint- Remy (3), à Entremont (4), à Nages (6) et à Nîmes (e). Ces crânes ou ces masques apotropaïques, nous les retrouvons ultérieurement à Orange (7), Arles (8), Paris (9) sur des arcs triomphaux qui gar- daient une part de la fonction originelle des monuments de ce genre, lesquels, on le sait, n'avaient primitivement rien de triomphal. Mais nous les voyons aussi sur les modestes produits des ateliers de céramique. Et ils reparaîtront plus tard au linteau de Saint-Gilles- du-Gard (10).

(1) Cf. encore, tardivement, les textes hagiographiques rappelés supra , p. 228, n. 1 : à Crouy, le bifrons aurait été placé ante fores aedis sacrae et on ne voit guère qu'il eût pu en être autrement à Brioude. (2) Sur le portique et le pilier à l'oiseau de Mouriès, cf. supra , p. 237, n. 5. A

propos de ces volatiles de Mouriès et de Roquepertuse, rappelons, après F. Vian, Génies des passages et des défilés dans Rev. Arch., 1952, I, p. 143, que certains oiseaux président au passage : ainsi les alcyons, qui peuvent apaiser les flots, ont pour correspondants mythiques Alkyoneus et Alkyonè qui sont des génies des passages puisqu'ils président au franchissement d'un isthme, d'un golfe et aussi, au voisinage de Lerne, d'un étang menant aux Enfers. Voir supra , p. 235, n. 2.

(3) Un des piliers à entaille céplaloïde de Saint-Remy porte en outre une figure d'équidé gravée: Cf. H. Rolland, Nouvelle documentation sur le culte de Roquepertuse, p. 206 et fig. 7.

(4) Espérandieu, op. cit., I, 105 ; Benoit, op. cit., pl. XV et XXIX. (5) Espérandieu, op. cit., I, 515 et IX, p. 146 ; Benoit, op. cit., pl. XIV. (6) Benoit, op. cit., pl. XXII. - Cf. le linteau de Montsalier, Espéran-

dieu, loc. cit., I, 36 et Lambrechts, op. cit., p. 72 et fig. 25. M. Benoit m'écrit qu'il le croirait médiéval.

(7) Espérandieu, op. cit., I, 260 (p. 197) ; Lantier et Hubert, op. cit., fig. 95, p. 75. - Cf. le fronton de la Tombe des Volumni (Ducati, op. cit., pl. 277, fig. 672 ; Giglioli, op. cit., pl. CCCCXV, 1) avec son appareil guerrier, bouclier dont le masque de Gorgone se détache sur un fond d'écaillés imbriquées entre deux glaives recourbés surmontés d'un oiseau, le tout flanqué de deux bustes dont l'un est celui d'un citharède parfaitement à sa place parmi ces symboles funéraires.

(8) Espérandieu-Lantier, op. cit., XII, 7956. (9) Espérandieu, op. cit., IV, 3118 ; J.-J. Hatt, Les monuments gallo-rom.

de Paris et la sculpture votive en Gaule rom. dans Rev. Arch., 1952, II, p. 59 et fig. 1 b (F), p. 55. (10) Cf. M. Renard, Des sculpt, celt, aux sculpt, médiévales. « Têtes coupées » dans Latomus, VII, 1948, p. 244 et pl. V, 6.

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Encore une fois la péninsule italique nous offre ici des antécé- dents : on songe aux arcs de Volterra Í1), de Faléries (2), de Pérouse(3), à la porte de monuments funéraires comme la Tombe des Volum- ni (4). Les traditions mythiques de Rome illustrent également cette fonction rituelle de la porte et ses arcs triomphaux l'ont perpétuée, nous venons de le rappeler, dans les provinces aussi bien qu'en Italie (5).

Conclusions

Quand Paul Darche considérait les vases « planétaires », dont tant de fragments ont été livrés par les tombes de Bavai, comme des vases rituels témoignant d'un culte, il ne se trompait pas, bien qu'on ne puisse affirmer qu'il en est strictement ainsi pour la totalité de la production. Mais il avait le tort de penser qu'il devait s'agir d'un culte déterminé, d'ailleurs impossible à identifier parce qu'il était, selon lui, peu répandu (e). En fait, ces masques des sépultures bavaisiennes relèvent simplement du culte funéraire. Dans l'essence, il n'y a là rien de spécifiquement local et nombreux sont les témoignages d'usages parallèles. A Bavai, ce qui est quel- que peu caractéristique dans le rite - bien que ce trait ne soit pas limité à la cité des Nerviens, - c'est que l'on a eu recours, pour protéger le mort, aux masques talismaniques de vases en céra-

mique de production locale ou régionale tandis qu'ailleurs on offrait au défunt des monuments plus imposants : ainsi, à Reims, des cippes ou des autels avec l'effigie du Tricéphale. La différence entre l'une et l'autre pratique est peut-être le fait d'usages locaux, mais elle doit aussi résulter, me semble-t-il, de conditions économiques diffé- rentes. On a signalé en effet que le mobilier des sépultures bavai- siennes « n'était pas spécialement riche » (7). Et à la vérité il n'est

pas surprenant que dans la cité nervienne on se soit contenté mo- destement d'avoir recours aux masques prophylactiques de vases

(1) Ducati, op. cit., pl. 157, fig. 407 ; Giglioli, op. cit., pl. GGGXXI, 1. (2) Ducati, op. cit., pl. 158, fig. 409 ; Giglioli, op. cit., pl. GGGGXXI, 2. (3) Ducati, op. cit., pl. 159, fig. 410 ; Giglioli, op. cit., pl. CCCCXXIII, 1. (4) Cf. supra, p. 238, n. 7. (5) Il existe en Grèce aussi des portes témoignant de la valeur rituelle du

passage : cf. les portes (publiques) de Thasos (Ch. Picard, Manuel, t. I, p. 415 sqq. et 560 sqq.) et l'entrée de Fhérôon de Thrysa (ibid., p. 422 et p. 875). Pour les époques plus anciennes, Id., Les religions préhell. , p. 134, 209 et 210.

(6) P. Darche, Les vases de Bavai , p. 669 ; cf. ibid., p. 95. (7) Ibid., p. 669.

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240 to. RÉNARÜ

en terre cuite tandis que les gens plus cossus de Reims, capitale de la Belgica , n'hésitaient pas devant la dépense de monuments funéraires plus imposants.

D'autre part, l'enquête à laquelle nous nous sommes livré nous a montré que le décor des vases « planétaires » est loin d'être aussi particulier qu'il semblerait à première vue. Sans doute la facture de ces vases leur est-elle en partie propre (*). Mais les thèmes traités ne sont pas locaux (2) : nous leur avons trouvé de nombreux antécédents et de nombreux parallèles dans le répertoire classique (3) de même que les tessons sigillés de Bavai et de Meaux par lesquels nous avons introduit notre exposé se réintègrent dans l'ambiance méditerranéenne avec leurs masques sur un piédestal dressé sous un portique et avec leurs fauves dévorants.

Classique aussi est le symbolisme de ces figurations, qu'il s'agisse en ordre principal du masque ou des autres éléments qui l'accom- pagnent, oiseau, portique, rouelles. Il n'y a rien en cela qui soit celtique dans son essence, car l'identité fonctionnelle est complète entre les masques classiques de la Gorgone, du Satyre, etc. et les « têtes coupées » ou les masques anonymes de facture indigène : des monuments appartenant à un même genre et ayant eu une même destination utilisent tantôt les uns tantôt les autres, autrement dit les uns pour les autres ; nous les trouvons côte à côte sur un même monument. Si dans la Gaule indépendante nous avons affaire à des « têtes coupées » et à des masques indéterminés, si ceux-ci subsistent à l'époque gallo-romaine à côté des images pro- pres aux civilisations classiques, il n'y a là rien qui doive surprendre. La seule différence, et elle n'est pas primordiale, c'est que les effi- gies en question sont mythiques d'une part et réalistes de l'autre. Mais les unes comme les autres ne sont que des apotropaici , des phylactères, des talismans.

Marcel Renard.

(1) Nous avons insisté supra, p. 208, sur les pertinentes remarques de M. le Chanoine Biévelet à ce propos.

(2) Nous souhaitons qu'on nous entende bien : nous parlons du principe du masque et de sa valeur en général ; nous n'oublions pas que le Tricéphale et le Jupiter à la roue font partie du répertoire des vases « planétaires ».

(3) Cf. l'intuition de M. Amand, Les « planétaires » rhénans , p. 191, dont les recherches reposent sur des critères strictement archéologiques, à l'exclusion de toute préoccupation quant à la signification du décor de ces vases : « Le jour où un potier eut réalisé cette composition [c.-à-d. le portique avec arcades encadrant les masques], il donna au vase 'planétaire' jusque là enfoncé dans sa gangue indigène un cachet méditerranéen ».

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