Pour en Finir Avec Le Prologue de Gargantua

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  • Pour en finir avec le prologue de !

    Tristan Vigliano

    Universit Lyon 2

    Bien que postrieur Pantagruel par la date de sa composition,

    Gargantua se trouve tre, du point de vue de la narration, la

    premire des chroniques rabelaisiennes. Aussi son prologue

    fonctionne-t-il comme un pacte de lecture dont la validit

    stend lensemble de ces chroniques. Cest bien ainsi, du

    reste, que lont considr les lectures scolaires. Lesquelles ont

    principalement insist sur le passage dit de la substantifique

    moelle. La critique universitaire, quant elle, sest plutt saisie

    des lignes qui suivent, pour un problme logique quelles

    soulevaient et sur lequel je voudrais ici revenir. Ce problme fut

    mis en vidence en 1960 par une tude de Lo Spitzer. Il appela

    des solutions contradictoires et dclencha parmi les

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    rabelaisiens une sorte de querelle des Anciens et des Modernes.

    Les uns, que lon pourrait appeler vangliques ,

    estomprent ou nirent ce qui pouvait passer pour une

    contradiction du texte : ils prservrent ainsi la possibilit dun

    sens univoque, troitement soumis leurs yeux au dessein

    religieux de Rabelais. Michael Screech, Grard Defaux, Edwin

    Duval furent les principaux tenants de cette lecture. Les autres,

    que lon pourrait appeler formalistes , prirent au contraire

    leur parti de cette contradiction et sen servirent pour souligner

    la polysmie luvre dans les fictions de Rabelais. Il revient

    Terence Cave, Michel Jeanneret ou Franois Rigolot davoir

    dfendu cette position avec le plus de vigueur.

    En prsentant ainsi les parties en prsence, jai bien

    conscience de simplifier lexcs le dbat, pour la commodit

    de mon propos. Il est fort improbable que les vangliques

    ou que les formalistes se soient jamais affubls de tels

    noms1, ni quils puissent se reconnatre exactement dans une

    dichotomie ce point manichenne : les postulats qui fondent

    leurs positions respectives se rejoignent en plus dun point,

    comme la montr Franois Cornilliat (1998). Plusieurs

    tentatives de dpassement ont dailleurs t proposes,

    notamment par Frdric Tinguely (1993) et Jan Miernowski

    (1998). La discussion, de surcrot, semble stre singulirement

    refroidie. Ltude de James Hegelson (2003) sur la notion

    dintentionnalit apporte surtout des nuances. Les livres de

    Patricia Eichel-Lojkine sur la parodie (2002) ou de Mawy

    Bouchard sur lallgorie (2006) ne sont pas destins rallumer

    1 On pourrait du reste en trouver dautres, qui ne seraient ni plus ni moins adapts que ceux-l : historisme, positivisme, pour les vangliques ; nouvelle critique, esthtisme, dconstructionnisme, pour les formalistes (voir F. Cornilliat, 1998, p. 7-12 notamment).

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    le dbat, mme sils abordent le point en question. Les travaux

    de la dernire gnration rabelaisienne (Vronique Zaercher,

    Myriam Marrache-Gouraud, Claude La Charit, Stphan

    Geonget, Emmanuel Naya), du fait de leurs orientations

    thmatiques, se dtournent assez ostensiblement du prologue.

    Le tout rcent ouvrage de Bernd Renner sur la satire (2007)

    nentend pas lui non plus modifier les termes du problme,

    quoiquil lvoque.

    En ce sens, mon propos peut tre tenu pour

    anachronique. Mais de ce quun point na pas t compltement

    tranch, il ne dcoule pas que soit prime la rflexion qui

    laborde de nouveau.

    Position du problme

    Le problme qua pos le prologue est le suivant. Rabelais y

    explique dabord que son Gargantua ressemble lun de ces

    Silnes auxquels Alcibiade comparait Socrate dans le Banquet.

    Comme ces petites figurines, dun extrieur repoussant, mais

    qui contenaient de prcieux parfums, il cache une authentique

    sagesse que nous sommes invits dcouvrir, sans nous laisser

    tromper par lapparence bouffonne de louvrage :

    Cest pourquoy fault ouvrir le livre : et soigneusement peser ce que y est deduict. Lors congnoistrez que la drogue dedans contenue est bien daultre valeur que ne promettoit la boite. C'est dire que les matieres icy traictes ne sont pas tant folastres, comme le tiltre au dessus pretendoit. (G., p. 6)2

    2 Je cite le texte de Rabelais dans ldition de Mireille Huchon (1994).

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    Appel une exgse qui prendrait modle sur le

    commentaire des textes sacrs, ou parfois profanes, comme il se

    pratique lpoque : il faut plus hault sens interpreter le

    Gargantua. Telle est la lecture commune, scolaire, du prologue.

    Le dveloppement sur la sustantificque mouelle la confirme.

    Mais les lignes qui suivent immdiatement introduisent

    une forme de confusion, car elles semblent dnoncer, au

    contraire, la mthode allgorique :

    Croiez vous en vostre foy quoncques Homere escrivent lIliade et Odysse, pensast es allegories, lesquelles de luy ont calfret Plutarche, Heraclides Ponticq, Eustatie, Phornute : et ce que diceulx Politian a desrob? Si le croiez : vous napprochez ne de pieds ne de mains mon opinion, qui decrete icelles aussi peu avoir est songes dHomere, que dOvide en ses Metamorphoses, les sacremens de levangile : lesquelz un frere Lubin, vray croquelardon sest efforc demonstrer, si dadventure il rencontroit gens aussi folz que luy : et (comme dict le proverbe) couvercle digne du chaudron (G., p. 7).

    Si cette mthode nest pas valable dans le cas dHomre,

    se dit-on, pourquoi le serait-elle davantage dans le cas de

    Rabelais? Les avis divergent quant la manire de rsoudre ce

    problme.

    Situation du dbat

    Certains, linstar de Michael Screech dans son dition de

    Gargantua (1970, p. 15), firent observer quil ne rsulte pas

    forcment de ce quun texte est susceptible de recevoir une

    lecture allgorique que toutes les lectures allgoriques soient

    bonnes : chercher laltior sensus, soit, mais pas nimporte quel

    prix!

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

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    Le premier inconvnient de cette solution est quelle ne

    peut expliquer, texte lappui, quelle est lerreur qui entache

    ces commentaires-l prcisment (entendons : les gloses sur

    Homre et la moralisation dOvide), ni ce qui leur vaut pareille

    rprobation. En outre, Screech concde un certain illogisme

    dans le texte. Or, sil est vrai que Rabelais prsente telles

    interprt ations comme lgitimes et telles autres comme

    illgitimes, ce qui se comprendrait aisment aprs tout, on ne

    voit gure o se trouve lillogisme. Petite incohrence critique,

    mais qui nest pas anodine. supposer que le paragraphe en

    question ne contredise pas le dbut du prologue, il reste gnant,

    car dun point de vue stylistique, lasyndte sur laquelle il

    souvre marque une rupture dont il faut bien rendre compte.

    Citons la phrase prcdente, pour plus de clart :

    Car en icelle [la lecture allgorique du Gargantua] bien aultre goust trouverez, et doctrine plus absconce, laquelle vous revelera de tres haultz sacremens et mysteres horrificques, tant en ce que concerne nostre religion, que aussi lestat politicq et vie oeconomicque. Croiez vous en vostre foy, etc. (G., p. 7)

    Dlices de la mouelle , en de; dangers de lallgorse,

    au-del : le lien ne peut tre conscutif. Il est soit adversatif, soit

    digressif : la digression tant, bien entendu, une forme de lien

    problmatique, ou si lon prfre, un lien-zro. En toute

    hypothse, la forme littraire du texte trouble le cheminement

    de la raison.

    Lanalyse de Michael Screech, sur deux points au moins,

    ne parat donc pas satisfaisante. Aussi nest-il pas interdit, pour

    respecter davantage lesprit du prologue et ses inflexions, de

    supposer que Rabelais a volontairement brouill les pistes en

    juxtaposant deux pactes diffrents : aprs avoir vant les

    mrites de lallgorse, il la repousse au contraire. Linterprte,

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    qui ne sait quoi sen tenir, doit alors formuler lhypothse dun

    troisime pacte, implicite, qui exigerait que lon fasse jouer lun

    contre lautre le srieux et la bouffonnerie. Cette lecture du

    prologue fut longtemps dfendue par les formalistes . Elle

    permet denvisager le texte dans sa totalit, de transformer la

    rception en une vritable activit, daiguiser la curiosit au lieu

    de la satisfaire trop vite. Floyd Gray note que le lecteur se

    trouve pris dans un vritable tau, car chacune de ses

    interprtations peut pcher par un manque ou par un excs de

    subtilit (1994, p. 53).

    Pourtant, outre le reproche traditionnel danachronisme

    quon leur a souvent adress (Rabelais na pas lu Derrida), les

    approches polysmiques du prologue se sont vu opposer un

    argument dordre grammatical. Cet argument, notons-le, vaut

    aussi contre lexplication de Michael Screech. La phrase

    suivante soulve en effet une difficult supplmentaire :

    [...couvercle digne du chaudron.] Si ne le croiez : quelle cause est, pourquoy autant nen ferez de ces joyeuses et nouvelles chronicques? Combien que les dictans ny pensasse en plus que vous qui paradventure beviez comme moy. (G., p. 7)

    Les diffrentes hypothses nonces jusquici, pour tre

    recevables, impliquent que lon analyse la subordonne

    introduite par combien que comme une causale, puis que

    lon rapporte autant nen ferez la conditionnelle si ne le

    croiez , et le pronom le la validit des allgorses de

    Plutarque, Hraclide, etc. Une glose rapide ne sera peut-tre pas

    inutile : si vous ne croyez pas que les lectures allgoriques

    dHomre ou dOvide soient recevables, pourquoi le croiriez-

    vous de ces chroniques, puisque je ny pensais pas plus que

    vous, qui peut-tre buviez comme moi! Or, Edwin Duval

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    signala que la conjonction combien que ne pouvait avoir

    dautre valeur que concessive (1985, p. 4).

    Comme la phrase, par ricochets, ne veut plus rien dire et

    quil faut bien trouver une solution logique tout de mme, Duval

    propose de rapporter le pronom de troisime personne la

    compltive quoncques Homere escrivent lIliade, etc. , et

    autant nen ferez la sustantificque mouelle . Ce qui

    donne ceci : si vous ne croyez pas quHomre, crivant lIliade

    ou lOdysse, ait jamais pens aux allgories que ses lecteurs y

    ont pourtant trouves, alors pour quelle raison, face mon

    livre, ne ferez-vous pas la mme chose que le chien de Platon

    face son os mdullaire? Bien que, lorsque je le dictais, je ne

    pensasse pas plus que vous aux allgories que vous allez

    cependant y dcouvrir. (glose de Defaux, 1987, p. 111) Une

    telle analyse dplace radicalement le sens des deux

    paragraphes en question. A bien y regarder, le prologue de

    Gargantua sparerait le texte des intentions dont celui-ci peut

    ventuellement procder : un auteur na pas forcment

    conscience des richesses que son livre recle, mais ce nest pas

    une raison pour que le lecteur ne les cherche pas. Plus aucune

    trace de contradiction. Les ambiguts sont dissipes.

    Si pntrantes quelles soient, les conclusions dEdwin

    Duval ne sont cependant pas irrfragables. Dune part, elles

    supposent une distance assez inoue (sauf peut-tre dans telle

    page de Saint-Simon) entre une proposition, autant nen

    ferez , et la phrase laquelle cette proposition est cense

    renvoyer : le dchiffrement de Rabelais requiert, dans ces

    conditions, de rares facults de mmoire. Dautre part, elles

    prtent au ple de la rception une importance au moins aussi

    grande que ne le fait la thse formaliste : cet gard, il y a

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    quelque paradoxe ce quelles aient pu servir un discours

    hostile la pluralit des sens et blmant volontiers la

    modernit anachronique du discours oppos. Tout ce que

    russirait prouver Duval, si lon voulait bien le suivre, cest la

    bizarrerie du projet quil mena par ailleurs dans ses trois

    ouvrages de rfrence :

    (1991),

    (1997),

    (1998). En effet, par un paradoxe qui ne manque pas de sel,

    celui-l mme qui lucida avec le plus de soin le dessein de

    Rabelais dans chacun de ses livres (exception faite du

    Gargantua, cest noter) interprte ce prologue comme un

    discours sur la libert du lecteur, mieux : sur les vertus dune

    criture inspire et qui mpriserait leffort.

    Alcofribas Nasier, dira-t-on peut-tre, nest pas Franois

    Rabelais. Et les thories de lun ne refltent pas ncessairement

    la pense de lautre. Mais pour Edwin Duval, livresse

    dAlcofribas se prsente comme une inspiration par le vin, cette

    inspiration permet la captatio benevolenti, cette captatio

    participe dune thique de la charit que Rabelais partage avec

    son personnage et sur laquelle le commentateur doit fonder son

    interprtation de luvre complte. Autant de sentences qui

    sont sujettes caution. Mais peu importe, pour linstant. Ce qui

    est sr, cest que pour suivre Edwin Duval dans son projet

    gnral, il faudrait admettre une proposition qui se formulerait

    peu prs ainsi : Rabelais est daccord avec Alcofribas sur

    lthique de la charit, mais non pas sur linspiration par le vin,

    car il sait bien que ses crits nen procdent pas. Il faudrait

    par consquent admettre que lauteur invite son lecteur

    mettre en uvre cette thique en faisant parler un personnage

    qui invoque pour cela des raisons errones. Mais ces raisons

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

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    invitent -elles vraiment le lecteur dcouvrir lallgorie unifie,

    suivie, que contient supposment le texte rabelaisien? Ne sont-

    elles pas plutt le prsage dallgories parses, plurielles,

    composes au fil des beuveries? Dans ces conditions, je me

    demande si Gargantua est une rcriture plus accessible de

    Pantagruel, comme laffirme dwin Duval (1991, p. 148), et si

    ce prologue tait le meilleur moyen pour Rabelais de faire

    comprendre la cohrence de ses intentions.

    Toutefois, je nai pas encore rfut lanalyse ralise par

    Duval du prologue proprement dit, tel quil se lit en dehors de

    son contexte, car la complexit de sa solution, censment

    grammaticale, ne suffit pas linfirmer. Voyons alors la

    parenthse sur le Frre Lubin. Si la recherche dune

    sustantificque mouelle nest pas en cause, pourquoi la

    moralisation dOvide, par laquelle ce croquelardon sillustre,

    serait-elle dcrite comme une folie? Du lard la moelle, la

    diffrence nest pas bien paisse! Conscient de la difficult,

    Edwin Duval voque une parenthse sans importance sur le

    sens gnral du passage : lentreprise du Frre Lubin est

    absurde, sans doute, mais cela ne condamne pas toute lecture

    allgorique. Peu convaincant. Il faudrait dmontrer o gt

    labsurdit en question. En outre, si la morale du prologue se

    rsume dans le prcepte selon lequel il faudrait interprter les

    textes en bonne part, le Frre Lubin ne manifeste-t-il pas

    lgard dOvide une charit toute chrtienne, en dcouvrant

    dans ses Mtamorphoses la prfiguration des vangiles?

    Largument de limpit, qui pourrait expliquer une

    interruption provisoire de bienveillance, ne tient pas. Ft-il

    impie dassocier lenseignement du Christ et des pages

    gaillardes, quAlcofribas ne sy risquerait pas, au sujet de son

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    propre livre : labstracteur de quintessence annonce pourtant

    son lecteur que ce livre rvlera de tres haultz sacremens et

    mysteres horrificques concernant la religion (G., p. 7).

    Trois arguments insuffisants

    Chacune des solutions envisages jusqu prsent se heurte

    des difficults dordre logique. Je propose donc de remettre en

    vidence cette contradiction que les formalistes avaient

    pressentie, mais quils prouvrent lorigine par de fausses

    raisons.

    lappui de cette thse mriterait dtre convoqu en

    premier lieu le dizain liminaire, qui insiste sur la dimension

    comique du Gargantua :

    Vray est quicy peu de perfection Vous apprendrez, si non en cas de rire. (G., p. 3)

    Avant mme que nous nayons eu sous les yeux la

    comparaison entre le livre et les Silnes, et en admettant que

    linvitation plus hault sens interpreter ne soit pas

    contradictoire avec ce qui suit, lauteur (ou faut-il dire le

    narrateur?) nous a avertis den rire. Ainsi sinstallent deux

    pactes de lecture opposs, entre lesquels il ne reste plus qu

    naviguer sans fin. Mais cet argument est trop faible. Il ne prouve

    toujours pas la pluralit intrinsque du prologue.

    Il faut alors mentionner le contraste flagrant entre

    lnonc et les modalits dnonciation, qui fonctionnent

    comme deux extrmes. Pour rpondre aux objections

    grammaticales dEdwin Duval, quil estime peut-tre fondes,

    Michel Jeanneret souligne que les consignes srieuses sont

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

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    victimes dun parasitage burlesque (1994, p. 79) : le registre

    grotesque des images sape de lintrieur la thse quelles sont

    censes illustrer. Cela du moins ne souffre pas la contestation,

    croirait -on. Mais Alfred Glauser avait avanc cette preuve ds

    1982, soit trois ans avant quEdwin Duval ne propost son

    analyse. Il navait donc manifestement pas convaincu. Et pour

    une raison simple : les vangliques lisent Rabelais comme

    un auteur de paraboles. Michael Screech thorise explicitement

    cette lecture :

    Toutes les paraboles comportent de nombreux dtails qui ne sappliquent pas la doctrine quelles obscurcissent dessein : par exemple, dans une parabole, le royaume des cieux est compar aux actes dun juge injuste; rasme nous rappelle que le Christ, lors de son retour, sera comme un voleur qui se faufile dans une maison la nuit. Cest un lieu commun, quil ne faut pas regarder de trop prs le dtail dune parabole. Il faut juger et dcouvrir la signification non point dans le dtail, mais dans la conclusion. Cela est encore plus vrai dune parabole dans un livre comique. (1992, p. 241-242)

    Or, cette mthode hermneutique, gentiment autoritaire,

    permet dliminer dans un texte tout ce qui risque de contrarier

    la thse de linterprte. Que los ronger ne soit pas une

    mtaphore bien glorieuse pour les aspirants-allgoristes, que

    les rimes en -icque paraissent cocasses force dtre

    insistantes, sans doute : mais ce sont des dtails! Une

    coloration comique, tout au plus

    Les modalits dnonciation tant tenues pour une

    preuve insuffisante, restent examiner les rapports entre

    lnonc et la personnalit de son nonciateur. Or, il nest pas

    jusqu certains des plus farouches opposants la lecture

    polysmique qui naient, assez trangement dailleurs, trait

    Maistre Alcofribas Nasier de sophiste. Cest aller un peu loin. En

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    fait, son ethos nest pas assur et il est bien difficile de dcider si

    son discours est parodique ou pas. Expliquons-nous. Quelques

    commentateurs ont voulu le comparer la Stultitia drasme.

    juste titre, si lon en juge par la fin du prologue :

    Pourtant interpretez tous mes faictz et mes dictz en la perfectissime partie, ayez en reverence le cerveau caseiforme qui vous paist de ces belles billes vezes, et vostre povoir tenez moy tousjours joyeux. (G., p. 8)

    Un cerveau en forme de fromage. Des billeveses. Un fou,

    en somme, et qui le reconnat. Mais Alcofribas nest pas,

    contrairement ce quaffirme Grard Defaux, le masque

    comique dont Rabelais saffuble pour dnoncer le mal et

    lexposer au ridicule (1997, p. 410). Pas plus que Stultitia

    ntait le masque drasme. Et je rejoins ici les analyses de

    Franois Cornilliat (1998, p. 18) : le vrai point commun de ces

    deux personnages, cest quils renouvellent le paradoxe

    dpimnide, malicieux Crtois qui dcrivait tous les Crtois

    comme des menteurs, rendait de ce fait incertain le statut de

    son propre discours et posait aux logiciens un casse-tte infini.

    Faut-il croire que Gargantua procde dune fureur inspire,

    platonicienne ou suppose telle, quand celui qui cherche nous

    en persuader se prsente comme un fou? Quel crdit porter

    lapologie de la boisson, quand elle mane dun buveur dclar?

    Que penser des appels la bienveillance dun personnage qui a

    dj dit pis que pendre du Frre Lubin, dun Tirelupin, de

    Dmosthne, et pas toujours pour riposter aux attaques quil

    essuyait3? Aucune de ces questions ne trouve de rponse.

    3 Sur Frre Lubin, voir supra. Au Tirelupin (cest--dire au gueux) qui laccuse de boire plus quil ne travaille, Alcofrybas rpond : bren pour luy (G., p. 7). Puis pour se dfendre, il rpte complaisamment les accusations profres lencontre du grand orateur athnien, quoiquen les attribuant un

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

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    En toute logique

    Peut-tre voudra-t-on voir cependant, dans le fait quAlcofribas

    ait compos son ouvrage le godet la main, un simple topos de

    modestie. Modestie suspecte, certes, puisque le mme tire

    honneur et gloire de ses beuveries! Mais passons. Je ne puis

    me faire entendre sans mtre mon tour saisi du passage

    prcis sur lequel butent les interprtes, soit peu prs les trois

    paragraphes qui se trouvent entre A lexemple dicelluy et

    sentoyent plus le vin que lhuile .

    en croire Edwin Duval, Alcofribas rclame une lecture

    allgorique de son Gargantua, bien quil nait pas eu conscience,

    en lcrivant, du sens cach que son livre reclerait. Point de

    vue que Frdric Tinguely prolonge, en assurant que Rabelais

    dgage ainsi sa responsabilit : lappui de sa thse, Tinguely

    insiste notamment sur la grande discrtion des marques de

    premire personne, qui contrasterait avec lomniprsence du

    moi dans le prologue de Pantagruel. Mais comment rendre

    compte, dans ces conditions, de la relative substantive ce que

    jentends ?

    A lexemple dicelluy vous convient estre saiges pour fleurer, sentir et estimer ces beaulx livres de haulte gresse, legiers au prochaz : et hardiz la rencontre. Puis par curieuse leon, et meditation frequente rompre los, et sugcer la sustantificque mouelle. C'est dire par ces symboles Pythagoricques avecques espoir certain destre faictz escors et preux ladicte lecture. (G., p. 7, je souligne)

    Impossible d entendre sans une forme de conscience,

    sinon dintentionnalit. De surcrot, conjugu la premire

    grincheux : Demosthenes fut reproch par un chagrin que ses oraisons sentoient comme la serpilliere dun ord et sale huillier (G., p. 8).

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    personne, ce verbe ne peut avoir pour sujet quAlcofribas. Enfin,

    la relative se rapporte ncessairement au groupe nominal la

    sustantificque mouelle . Aussi semble-t-il peu probable que le

    narrateur nait pas eu conscience, avant de le publier, du sens

    cach par son livre et quil nen soit pas responsable, au moins

    dans une certaine mesure. Mais on objectera que les vrits

    approximatives nont gure valeur que dimpressions. Une

    valuation prcise des diffrentes hypothses de lecture est

    donc ncessaire. Comme elles sont nombreuses et parfois

    complexes, lexercice paratra sans doute fastidieux : il a

    cependant le mrite de prouver lexistence dune contradiction

    et, par consquent, la lgitimit des lectures polysmiques.

    Premier cas de figure (hypothse n 1) : Homre et Ovide

    nont pens la possibilit de lectures allgoriques ni avant la

    composition de leurs pomes, ni pendant, ni entre le moment

    de cette composition et celui de la parution. Ils ne lont pas

    prvue, Alcofribas non plus. Mais ce nest pas une raison

    suffisante pour que le lecteur ne cherche pas un sens cach qui

    existe quand mme. Cette hypothse nest pas recevable. Le

    narrateur ne peut nous dire ce quil na pas prvu, sauf

    justement lavoir prvu : cas flagrant de paradoxe du Crtois.

    Et puis, que faire de ce que jentends ?

    En admettant maintenant (hypothse n 2) quil ait

    envisag la possibilit dventuelles lectures allgoriques aprs

    avoir compos son livre, mais avant la rdaction du prologue, le

    paradoxe disparat. La relative se comprendrait la rigueur,

    pour peu que lon postule une mtonymie, la premire

    personne reprsentant en fait le livre : ce que jentends, ce que

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

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    mon livre veut dire 4. Mais la folie du Frre Lubin? Aprs tout,

    il avait bien le droit de dcouvrir dans les Mtamorphoses un

    sens que le pote navait pas prvu en composant son uvre :

    Ovide ne sest pas prononc contre les allgorses en gnral, ni

    pour telle allgorse particulire contre toutes les autres.

    Supposons maintenant que le propos porte sur lintention

    allgorique proprement dite, cest--dire sur le cas o un auteur

    (Homre, Ovide, Alcofribas) souhaite quon linterprte plus

    hault sens . Cette intention sera soit vague, soit dfinie. Vague

    (hypothse n 3), si lauteur na pas voulu une allgorie prcise

    et quil nen ait pas dtermin les contours : quel est alors le tort

    du Frre Lubin? Dfinie, linverse, sil a voulu une allgorie

    prcise. Ici, le problme se complique, car lintention

    allgorique et dfinie peut tre soit tolrante, soit exclusive.

    Intention tolrante (hypothse n 4) : lauteur admet la

    lgitimit dventuelles autres interprtations que la sienne,

    bien quil ne puisse en deviner le contenu. Derechef, quel est le

    tort du Frre Lubin? Exclusive (hypothse n 5) : il refuse toute

    autre interprtation que la sienne. Le problme logique, en

    droit, serait ici rsolu : si autant nen ferez se rapportait la

    recherche de la moelle, comme le veut Edwin Duval, que le

    pronom y (dans combien que ny pensasse ) renvoyt

    cette moelle et quAlcofribas net pris conscience du sens

    allgorique qua posteriori, alors il se pourrait quil nait pas

    pens , en composant ses chroniques, ce quil entend ,

    aujourdhui quil en rdige le prologue, mais quil appelle

    nanmoins son lecteur rechercher ce sens allgorique quil a

    dsormais trouv et quil juge seul lgitime. Cette hypothse

    4 Une analyse purement rhtorique permettrait ici de corroborer ltude de James Hegelson sur les deux sens du verbe entendre : vouloir et comprendre (2003, p. 83 sq.)

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    278

    expliquerait aussi le jugement ngatif port sur un moine dont

    la moralisation chrtienne na pu, lvidence, tre voulue par

    Ovide. Mais il resterait encore tablir que ce dernier a voulu

    une allgorie prcise, lexclusion de toute autre : or, on ne

    sache pas que le moindre lment autorise cette thse, ni au

    XVIe ni au XXIe sicle. En outre, lexemple ne pourrait que

    dcourager les lecteurs de bonne volont, qui taient dj prts

    rompre los mdullaire : son orientation argumentative serait

    contradictoire.

    Frdric Tinguely pense avoir surmont laporie de cette

    manire (hypothse n 6) : ce Lubin, qui sappelle en ralit

    Pierre Lavin et appartient lordre des dominicains, a soutenu

    quOvide avait conscience du message biblique ventuel-

    lement prsent, en puissance, dans les Mtamorphoses ;

    pareille ineptie mrite sans doute quelques sarcasmes, mais il

    ne sensuit pas que toute allgorse soit condamne; il est

    permis de sadonner la qute du plus haut sens , pourvu

    que lon ne prtende pas lgitimer sa propre interprtation en

    engageant la responsabilit de lauteur; Rabelais chappe ainsi

    aux prises de ses censeurs (1993, p. 86-87 pour la citation). Or,

    lhypothse de Tinguely, considre dans son rapport luvre

    complte, nexplique pas pourquoi lauteur du Quart Livre

    renonce aux pseudonymes quelques annes plus tard, alors que

    les vangliques sont plus que jamais menacs de

    perscutions. Mais le problme essentiel est ailleurs : les

    exigences de la grammaire ne sont ici que partiellement

    satisfaites. En effet, si lanalyse dEdwin Duval suffit dsormais

    expliquer si le croiez , autant nen ferez , combien que

    et mme le y , une nouvelle difficult apparat dans la phrase

    prcdente :

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    279

    [...] icelles [allegories] aussi peu avoir est songes dHomere que dOvide en ses Metamorphoses les sacremens de levangile : lesquelz un frere Lubin vray croquelardon sest efforc demonstrer []

    Le pronom relatif lesquelz ne peut avoir dautre

    antcdent que les sacremens de levangile . Or, pour suivre

    Frdric Tinguely, il faudrait supposer que le complment

    dobjet du verbe demonstrer reprsente la thorie selon

    laquelle ces sacrements sont parvenus la conscience dOvide.

    Rien de tel dans le texte5.

    Il faudrait en outre prciser ce quon entend par

    message biblique . La prface de Pierre Lavin quincrimine

    prtendument Alcofribas renvoie aux textes de Pythagore ou de

    Platon qui ont pu tre influencs par les livres mosaques, voire

    ces livres proprement dits, mais en aucun cas au Nouveau

    Testament :

    On peut supposer que Pythagore, qui alla consulter les oracles de Memphis, ou Platon, qui entre autres pays, se rendit dans lintrieur de lgypte pour mieux connatre les choses divines et les choses humaines, lurent les livres mosaques, traduits de lhbreu en grec par soixante-dix interprtes la demande de Ptolme Philadelphe; et quils greffrent quelque partie des Divines critures sur leurs uvres. Or, ces insertions (voire les livres mosaques eux-mmes) ont pu parvenir la connaissance dOvide, pote trs rudit et trs intelligent.6

    5 La translation de Guy Demerson, qui accompagne son dition des compltes de Rabelais, va dans ce sens : Homre na pas song davantage ces allgories quOvide en ses Mtamorphoses na song aux mystres de lvangile, thorie que certain frre Lubin, un vrai pique-assiette, sest efforc de dmontrer. (1973, p. 53, je souligne) Mais elle ajoute au texte un lment qui ny figure pas. 6 Augurari possumus aut Pythagoram qui Memphiticos vates adiit : aut Platonem : qui et inter ceteras orbis provincias etiam Egyptum ob divinarum humanarumque rerum ampliorem notitiam penetravit : libros Mosaicos

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    280

    De ce quOvide a pu avoir connaissance (directe ou

    indirecte) des traditions vtrotestamentaires, ce qui nest pas

    compltement absurde en soi, il ne rsulte pas quil ait eu, ni

    mme quil ait pu avoir conscience des allgories chrtiennes

    que ses Mtamorphoses comportaient peut-tre :

    lenseignement du Christ est postrieur la mort du pote, en

    17 aprs J.-C. Ce serait faire un bien mauvais procs ce pauvre

    dominicain que de laisser entendre quil pense le contraire.

    Alcofribas lui-mme nest pas si mchante langue.

    Une rfutation analogue celle qui vient dtre ici dveloppe est sans doute opposable au point de vue de Michel Charles, point de vue plus ancien et, par consquent, extrieur la querelle, mais qui pose le problme du Frre Lubin et cherche le rsoudre :

    Quant au commentateur dOvide, il na pas tout fait la mme attitude que ceux dHomre. Il sest en effet efforc de "dmontrer" son interprtation "si dadventure il rencontroit gens aussi folz que luy". Dans Gargantua, lallgorie devrait aussi conduire le lecteur des sacrements et des mystres. Mais le lecteur essaiera-t-il de convaincre quelque autre lecteur de la ralit de ses dcouvertes? Cela est impossible : lauteur a dit ce quil a dit et, il laffirme ici, il na pas pens autre chose que ce quil a dit. Si frre Lubin veut faire partager ses dcouvertes, il est fou en effet : il oublie que le texte parle (littralement) de tout autre chose que des sacrements de lvangile. (1977, p. 47)

    Je ne suis pas sr de comprendre exactement. Mais si

    (hypothse n 7) la folie du Frre Lubin est davoir fait

    septuaginta interpretum traductione ab hebrea in grecam linguam : ut Ptolomei Philadelphi satisfieret versos legisse : ex divinis quoque litteris nonnullam suis operibus interseruisse : que (aut etiam ipsi libri mosaici) ad eruditissimi ingeniosissimique poete Ovidii notitiam pervenire potuerunt. (Pierre Lavin, dans Ovide, 1519, f. a 6 r). Cf. F. Tinguely, 1993, p. 87.

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    281

    connatre son exgse des tiers lecteurs, en quoi se distingue-

    t-il des autres commentateurs? Plutarque, Hraclide, Eustathe,

    nen ont-ils pas fait autant? Serait-ce (hypothse n 8) quil a

    msestim lcart entre le sens littral dun texte bien des

    gards scandaleux et sa moralisation chrtienne, cart plus

    grand quentre le sens littral des pomes homriques et leurs

    interprtations allgoriques? Et quun tel cart arrte

    ncessairement les tiers lecteurs auxquels le Lubin sadresse?

    Mais si, par hasard, ces tiers surmontaient leurs prvenances et

    quils ne sarrtassent pas aux apparences du scandale, ils ne

    mriteraient pas le titre de gens [] folz : ils feraient preuve

    de sagesse, au contraire! Or, le contexte nindique pas que la

    folie fasse ici lobjet dun renversement paulinien (folie aux

    yeux du monde, sagesse aux yeux de Dieu) : le substantif

    croquelardon , le type du Frre Lubin semblent ressortir

    une vise nettement pjorative.

    Supposons maintenant que la folie dudit moine consiste

    dans leffort quil fait pour dmontrer son interprtation ,

    pour prouver la ralit de ses dcouvertes . On voudra bien

    convenir que ces formules laissent subsister un certain flou.

    Pour les raisons grammaticales qui viennent dtre

    mentionnes, Alcofribas ne reproche pas au Lubin davoir

    cherch dmontrer quOvide composa volontairement une

    allgorie chrtienne. Il ne peut pas non plus lui faire grief

    davoir prsent son exgse comme plausible, quoique le pote

    ne lait pas prvue : il ny a rien l qui choque le bon sens ni, par

    consquent, que les autres commentateurs dHomre naient

    fait eux aussi. En droit (hypothse n 9), il pourrait laccuser

    davoir prsent le sens dgag par son exgse comme la seule

    signification admissible, au dtriment mme du sens littral, ou

    (de manire un peu plus raisonnable) comme la seule

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    282

    signification allgorique valable, quoique imprvue par Ovide :

    mais il faudrait alors que le verbe demonstrer reoive un

    complment dobjet bien plus dvelopp que ne lest le groupe

    nominal les sacremens de levangile .

    En ralit, demonstrer les sacremens de levangile ne

    peut avoir que trois sens. Ou bien le Frre Lubin a simplement

    montr, de faon diligente et continue, la prsence dlments

    qui prfigurent selon lui lvangile et quil attribue au dessein

    de Dieu, dont Ovide aurait t linstrument involontaire : cest la

    glose que nous avons postule dans les hypothses 1 4. Ou

    bien (hypothse n 10) le narrateur dnonce le raisonnement

    selon lequel les mystres du Nouveau Testament sont vrais

    parce quon les trouve dj dans les Mtamorphoses :

    raisonnement quaucun Frre Lubin na jamais eu lingnuit

    davouer, mais qui pourrait en effet sous-tendre certaines

    allgorses. Alcofribas dnoncerait alors lattitude de

    commentateurs impies, que la vrit des Textes ne satisfait pas,

    qui veulent des preuves et finissent par inventer une sorte de

    typologie paenne. Mais si lon admet que le narrateur continue

    prner lallgorse, lorientation argumentative de ces

    quelques lignes est doublement contradictoire : on se demande

    bien comment le lecteur serait persuad de rompre los, alors

    quAlcofribas affirme navoir pas lui-mme pens composer

    une allgorie et quil prsente de surcrot les critures comme

    lexpression dune vrit qui devrait suffire au contentement

    des fidles. Enfin (hypothse n 11), le narrateur peut prsenter

    en incise, dans ce qui serait une digression, mais dune

    importance capitale, les mystres des vangiles comme

    indmontrables parce que mensongers. Le problme du Frre

    Lubin se rsoudrait alors. La mention des hautz sacrementz

    contenus par le livre ne poserait pas problme : elle serait

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    283

    ironique. Mais lorientation argumentative du propos

    demeurerait contradictoire, quoique dans une moindre mesure.

    Et il faut que Rabelais soit un libre-penseur : est-on prt faire

    revivre la vieille thse dAbel Lefranc?

    La lecture de Jan Miernowski (hypothse n 12),

    certainement la plus fine, vite den arriver de telles

    extrmits. Jan Miernowski trouve linterprtation dEdwin

    Duval dfinitive et parfaitement convaincante. une exception

    prs, mais de taille : il ne croit pas que la relative sur le Frre

    Lubin soit une parenthse et la rapporte pour sa part

    linterrogation pourquoy autant nen ferez . Si vous ne

    croyez pas quHomre ni Ovide aient jamais pens aux

    allgories que ses commentateurs y ont trouves, et si vous

    tenez le Frre Lubin pour un fou, juste titre, parce quil a

    christianis un pome qui manifestement ne pouvait pas ltre

    pourquoi ne ferez-vous pas comme ce moine stupide? Ici

    sengage une stratgie paradoxale, qui peut ainsi se rsumer :

    Alcofribas (et Rabelais travers lui) prne une allgorse

    chrtienne de son uvre, tout en soulignant que cette

    allgorse est une folie; il invite son lecteur sacheminer

    volontairement vers une aberration interprtative. Lappel

    initial nest pas dmenti : il faut chercher la signification

    profonde des chroniques. Mais il faut en mme temps tre

    conscient que ces chroniques, pas plus quaucun texte littraire,

    ne sauraient tre une manation du Saint Esprit (1998, p. 134-

    138 et p. 148-151).

    Je ne crois pas que la lecture de Jan Miernowski,

    contrairement ce quil affirme, se situe dans les marges de

    celle qua propose Edwin Duval : non seulement elle respecte

    davantage lesprit de la langue franaise, mais elle conduit le

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    284

    lecteur vers une interrogation beaucoup plus profonde sur les

    limites du discours humain. Cependant, lorientation

    argumentative de notre passage reste doublement

    contradictoire : comment le lecteur serait-il persuad de

    chercher la substantifique moelle , alors que lallgorie nest

    pas intentionnelle et que lallgorse est explicitement

    prsente comme une folie? Rabelais aurait pu, sil lavait

    souhait, inverser les deux mouvements : rclamer dabord de

    la lucidit devant les limites de son texte et solliciter ensuite

    une allgorse fonde sur cette lucidit. Mais il a voulu que le

    rapport des deux parties soit dceptif, et non pas dductif. Ce

    faisant, il prend le risque de brouiller le message principal : ce

    livre nest pas un simple divertissement . Incohrence dordre

    rhtorique.

    On pourrait nanmoins objecter que le propos de

    Rabelais nest pas de convaincre, mais dprouver la bonne

    volont de son lecteur : leffet dceptif du passage sinscrirait

    alors dans un plan dont le but serait de tester la charit de

    ce lecteur. Je connais cet argument, et jaffirme quil est

    scandaleux. Ceux qui le dfendent devraient tirer les

    consquences de leur propre discours. Ils seraient en effet

    contraints den dduire ces deux propositions : la vise du texte

    est totalitaire et Rabelais est un pervers. Car enfin, si le lecteur

    na de choix quentre aimer le livre ou tre un mauvais chrtien,

    cest quil nest pas libre de choisir. Il lui faut acquiescer7. Et par

    ailleurs, quest-ce quune charit qui multiplie les embches sur

    le chemin de son prochain, lors mme que celui-ci nest pas

    forcment mal intentionn? supposer que Rabelais et

    invers le mouvement de son prologue, le mauvais lecteur

    7 Je rejoins de nouveau les analyses de Franois Cornilliat (1998, p. 18-19).

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    285

    navait-il pas dj de quoi mpriser un texte qui proclamait ses

    propres limites? Fallait-il en plus quon excite les dispositions

    de ce lecteur la malveillance? Quest-ce quune charit qui

    slectionne les heureux lus dignes de ses faveurs? Quest-ce

    quun vanglique qui srige en juge de la charit des autres?

    Cette charit-l nest rien dautre que le contraire de la charit8.

    Une dernire hypothse

    Rsumons maintenant nos analyses. Pour les hypothses

    2, 3, et 4, je prends en compte les nuances que les hypothses

    10 et 11 amnent rtrospectivement formuler :

    Hyp. 1 Insoluble

    Hyp. 2 Incohrence de la relative sur le Lubin, ou contradiction

    dans lorientation argumentative

    Hyp. 3 Incohrence de la relative sur le Lubin, ou contradiction

    dans lorientation argumentative

    Hyp. 4 Incohrence de la relative sur le Lubin, ou contradiction

    dans lorientation argumentative

    Hyp. 5 Aberration philologique sur Ovide et contradiction dans

    lorientation argumentative

    Hyp. 6 Aberration philologique sur les commentaires dOvide et

    impossibilit grammaticale

    8 On peut imputer ce dtournement pervers de la charit au seul Alcofribas. Mais il faut alors que la prsentation de cette vertu soit problmatise et que Rabelais nen ait pas fait la clef de son uvre : cest ce que je montrerai par la suite.

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    286

    Hyp. 7 Incohrence de la relative sur le Lubin

    Hyp. 8 Incohrence de la relative sur le Lubin

    Hyp. 9 Impossibilit grammaticale

    Hyp.

    10

    Double contradiction dans lorientation argumentative

    Hyp.

    11

    Contradiction dans lorientation argumentative, et position

    critique prime

    Hyp.

    12

    Double contradiction dans lorientation argumentative, ou

    contradiction dans la dfinition de la charit

    Aucune des solutions envisages nest pleinement

    satisfaisante. Il subsiste toujours un noyau dincohrence, qui

    ne peut tre rduit.

    Reste une dernire hypothse, probablement la plus

    simple, puisque cest celle que les premiers commentateurs

    attentifs de ce passage problmatique avaient implicitement

    postule9 : un auteur peut ne sintresser qu la littralit de

    son texte et ne pas souhaiter quon linterprte plus hault

    sens . Les verbes penser et songer ne sont pas des

    lments probatoires de rfutation contre cette hypothse, car

    ils dsignent couramment la proccupation intellectuelle et

    leffort de rflexion. Ce que veut dire Alcofribas, si lon me suit,

    cest quHomre et Ovide ne se souciaient pas de donner leurs

    textes un contenu allgorique et quils auraient dissuad leurs

    exgtes den chercher un.

    9 Je veux parler de Lo Spitzer (1960, p. 408 et 1965, p. 427), ainsi que des commentateurs formalistes qui marchrent sur ses traces.

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    287

    Ovide, bien sr, na pu se dsintresser des sacrements de

    lvangile (cf. hypothse n 6) : mais sil les avait connus, il

    aurait dsapprouv les moralisations chrtiennes de son

    pome. Quant Homre, il est certain que la plupart des

    commentateurs, la Renaissance, trouvent lgitime lallgorse

    de ses textes10 : mais un grand crivain se contente rarement

    dentretenir les automatismes culturels de son temps, et

    Rabelais cherche justement leffet dceptif. Enfin, je ne nie pas

    que la contradiction se maintienne : mon intention est, au

    contraire, de la souligner. Mais il me semble que cette

    contradiction-l a lavantage sur toutes les autres dtre

    immdiatement perceptible la lecture, sans acrobaties

    crbrales ni contorsions grammaticales. Elle pouse le

    mouvement du texte. Il paratrait donc assez vraisemblable que

    Rabelais lait eue prsente lesprit.

    Lerreur des formalistes fut de renoncer trop tt

    soutenir leur point de vue, et pour une raison qui ne tient

    dailleurs pas : dans la mesure o ils avaient dj conclu

    laporie, quel problme leur posait la dcouverte dun illogisme

    supplmentaire? Mais il fallait en effet rapporter la proposition

    pourquoy autant nen ferez la lecture des glossateurs et du

    Frre Lubin11 : si vous ne croyez pas quHomre ni Ovide se

    soient soucis de donner leurs pomes un contenu

    allgorique pourquoi ne lirez-vous pas mon texte comme les

    commentateurs qui voient dans ces pomes un contenu

    allgorique?... mme si je ne me souciais pas, en composant ce

    texte, de lui donner un contenu allgorique! Alcofribas invite

    son lecteur sucer la moelle du Gargantua (avant croiez vous

    10 Sur ce point, voir les analyses de Jan Miernowski (1998, p. 134). 11 Au lieu de la rapporter si ne le croiez , comme ils le firent dabord.

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    288

    en vostre foy ). Puis il laisse voir combien cette dmarche lui

    parat peu fonde (de Croiez vous en vostre foy jusqu

    croquelardon ). Puis il la prconise de nouveau (de si ne le

    croiez nouvelles chronicques ). Puis il insiste, au

    contraire, sur un lment qui en souligne la faible lgitimit

    (aprs nouvelles chronicques ). Il autorise, disqualifie,

    autorise, disqualifie lallgorse. En toute logique, cest

    parfaitement incohrent.

    Mortifications

    Lnumration, dans la prsente tude, des diffrentes tapes

    par lesquelles est pass le dbat entre spcialistes de Rabelais

    aura sans doute paru quelque peu longue notre lecteur. Quil

    soit remerci de sa patience. Mais jetons un rapide coup dil

    sur les obstacles quil a fallu franchir pour dmontrer le bien-

    fond dune lecture polysmique, qui accepte denvisager le

    texte dans ses contradictions. Lcart entre le dizain liminaire et

    le prologue : insuffisant. Entre lnonc et les modalits

    dnonciation : insuffisant. Entre lnonc et la personnalit de

    lnonciateur : insuffisant. Pas moins de douze hypothses ont

    alors t considres. Jusquaux plus biscornues. Aucune ne

    rsiste la fois lpreuve grammaticale et lpreuve logique.

    Mieux : lhypothse que jai finalement retenue, cet illogisme

    dont Rabelais a sans doute conscience et quil a

    vraisemblablement voulu, tait apparue assez tt dans le dbat,

    quoique sur un mode intuitif et par des raisons dfectueuses.

    Ds lors, comment comprendre lenttement de bien des

    critiques dfendre lide, pourtant intenable, selon laquelle la

    fin du prologue est claire? Comment se fait-il que les tentatives

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    289

    de dpassement naient jamais montr laporie, puisquelle

    seule tait nette?

    Cest que les lectures polysmiques tendent

    dconstruire le sens du texte. Et dans ces ruines, le

    commentateur craint de ne plus retrouver ce pieux Rabelais

    dont limage sest progressivement impose depuis plusieurs

    dcennies : le regard sourcilleux de lHistoire lui fait peur. Il faut

    donc le rassurer. Je vais le faire dans le paragraphe suivant, au

    moyen dun raisonnement trs simple, bien qu ma

    connaissance, personne nen ait fait clairement tat. La seconde

    proposition repose sur une considration dordre historique

    que je ne dmontre pas ici, mais qui est accepte par tous les

    spcialistes de la Renaissance. Il serait trs ais de la rapporter

    la biographie du moine dfroqu qutait Rabelais et

    dtendre la validit du raisonnement des auteurs tels

    qurasme ou Marguerite de Navarre12.

    Si lon admet que le prologue de Gargantua fonctionne

    comme un pacte de lecture gnral, quil oppose deux extrmes,

    la lecture allgorico-srieuse et la lecture comico-littrale, et

    quil oscille de lune lautre sans se fixer sur une position

    moyenne, on admet du mme coup que Rabelais invite son

    lecteur la recherche infinie dun juste milieu qui nexiste pas :

    cette recherche est nos yeux dceptive, mais les hommes de la

    Renaissance diraient plutt, dans les termes qui sont les leurs,

    quelle est mortifiante. Si lon admet par ailleurs que Rabelais

    baigne dans un contexte vanglique et que lvanglisme

    dnonce certaines pratiques religieuses telles que les

    flagellations ou les jenes sous prtexte quelles sont avant tout

    12 Je me permets de renvoyer ici ma thse, Humanisme et juste milieu au sicle de Rabelais ( paratre aux ditions Champion).

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    290

    extrieures, on admet du mme coup quil a pu chercher un

    moyen de substituer ces autopunitions inauthentiques des

    formes moins charnelles, plus spiritualises de mortification :

    des mortifications de type littraire, par exemple. Et lon

    convient alors que dans la polysmie du texte, dans ses effets

    dceptifs, dans ses contradictions, se donne voir une

    mutation, mais certainement pas un affaiblissement de la pit.

    Cette lecture appelle plusieurs remarques. La premire

    serait assez satisfaisante, si jamais elle devait tre confirme

    par des tudes ultrieures : je ne fais quouvrir une piste de

    rflexion. Pour mettre en place le mcanisme de sa

    mortification littraire, Rabelais pose son lecteur une

    question qui se formule en terme de croyance : croiez vous en

    vostre foy? Croire ce quon sait incroyable (croire autorise

    lallgorse) pour branler les assises de sa raison, voil le geste

    auquel il nous invite. Mais croire ce quon sait incroyable, cest

    prcisment lacte de quiconque lit une fiction. Lessor

    progressif dun genre qui deviendra le genre romanesque ne

    pourrait -il pas sexpliquer ainsi? Ne serait-il pas li ce

    mcanisme de substitution par lequel un exercice dordre

    religieux se mtamorphose dans lacte littraire, parce que sa

    pratique est remise en cause? Je pose seulement la question, et

    je ne dis pas que les chroniques de Rabelais soient des romans.

    Ma deuxime remarque est sans doute moins

    satisfaisante pour lesprit. Le prologue engage un exercice qui

    ne saurait se rsumer lopposition des deux ples mentionns

    ci-dessus : comico-littral, allgorico-srieux. Recherche du

    juste milieu il doit y avoir, mais elle est infinie. Ce qui suppose

    que la dfinition des extrmes soit elle-mme fluctuante et que

    le lecteur accepte de rvoquer en doute ses certitudes. Il faut

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    291

    par consquent dplacer lenjeu principal de luvre, ou plutt

    le supprimer, devrais-je dire. Mes observations sur la charit se

    voudraient une tape de ce processus, et je dois men expliquer.

    Depuis larticle fondateur dEdwin Duval, il est trs

    gnralement admis que Rabelais a situ cette vertu thologale

    au centre de sa rflexion : le prologue de Gargantua, qui convie

    le lecteur interprter le texte en la perfectissime partie , en

    serait une preuve. Si Jan Miernowski, par exemple, dprcie les

    apports de sa propre contribution, cest quelle vaut ses yeux

    comme une confirmation de cette thse : Rabelais nous invite

    lexercice de notre bonne volont. Or, on ne peut affirmer que

    lacte littraire engage un effort de mortification, comme je le

    fais, et soutenir en mme temps que la rflexion sur la bonne

    volont du lecteur chappe cette ascse. Si lhumiliation de

    lorgueil est au fondement de lentreprise rabelaisienne, la

    charit ne peut tre quune vertu problmatique. Car celui qui

    sen contente simmobilise dans la certitude nfaste dagir

    correctement. Un faux amor Dei risque alors de le mener

    lamor sui.

    La remarque suivante compensera cette dception. Si

    jappelle polysmique mon interprtation, cest justement

    parce quelle laisse ouverts tous les autres possibles, et mme

    parce quelle les recherche. Lire le prologue de Gargantua

    daprs lhypothse que javance implique de ne pas sen tenir

    cette lecture, de ne pas sen contenter, et donc dexplorer les

    autres virtualits du texte, pour constater les limites de sa

    raison. La lecture de Jan Miernowski vaut la peine que je

    lexplore. Car elle me conduit en dernier ressort vers lide dun

    Rabelais pervers, et cette ide minterroge, me scandalise, me

    dstabilise. Or, cest prcisment cette dstabilisation quil me

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

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    faut rechercher13. Et cependant, je ne puis admettre dautres

    possibles, impossibles en ralit, qui contrediraient les rgles

    de la grammaire. Car ces rgles ne sont pas variables au gr de

    mes explorations : on peut, sinon, faire dire aux textes

    nimporte quoi.

    Ma dernire remarque est tout fait insatisfaisante, et

    dans son principe mme. Jespre avoir indiqu comment

    lopposition de lhistoricisme et de lesthtisme pouvait tre

    dpasse : cette synthse-l ne me parat pas une utopie. Mais

    le rconfort dont javais dabord rv ne peut tre que

    provisoire. Car je ne dois pas simplement rvoquer en doute

    mes certitudes : je dois les rvoquer toutes. Jusqu

    minterroger sur la lgitimit de mon propre discours :

    comment parler dun effort spirituel si cet effort sarrte

    lorsquon en fixe le sens? Jusqu me jeter moi-mme dans

    laphasie, et peut-tre jusqu inventer cet au-del de laphasie

    dont je ne peux mme pas me former une image. Jusqu quitter

    le dernier lot salvateur : celui qui nexiste pas. Les hypothses

    grnes dans le cours de cette tude sont une allgorie des

    illusions auxquelles est prte consentir la raison, pour viter

    une telle noyade. Et le moins vain des interprtes nest sans

    doute pas celui qui croyait en avoir fini avec le prologue de

    Gargantua.

    Studiosis flagrorum.

    13 Mon interprtation inclut ainsi celle de Jan Miernowski. Linverse ne serait pas vrai (et pour cause).

  • TRISTAN VIGLIANO, Pour en finir avec le prologue de Gargantua!

    293

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    Rsum

    Le prologue de Gargantua est assez gnralement

    considr comme un pacte de lecture essentiel, dont la validit

    stend lensemble des chroniques rabelaisiennes. Il est

    souvent allgu par la critique littraire lappui de ses

  • www.revue-analyses.org, vol. 3, n 3, automne 2008

    296

    rflexions thoriques. Mais ce pacte est si peu clair quil a

    suscit des dbats passionns quant sa signification. La

    prsente tude se propose dapporter une rsolution de type

    logique, grammatical et historique la querelle qui oppose

    depuis quelques dcennies les tenants dun sens univoque aux

    champions de la polysmie.

    Abstract

    The prologue to Gargantua is quite unanimously considered as

    an important reading pact which can apply to all the various

    chronicles written by Rabelais. Moreover, this prologue is often

    put forward by literary critics to buttress their theories. But it is

    so abstruse that its exegesis has fuelled heated debates. My

    purpose here is to settle the controversy that has been raging

    for a few decades between the supporters of a univocal

    interpretation and the champions of polysemy, using logical,

    grammatical and historical arguments.