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Mémoire présenté le : 14 janvier 2015
pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA
et l’admission à l’Institut des Actuaires
Par : MAXIME BERGERON
Titre
Confidentialité : NON OUI (Durée : 1 an 2 ans)
Les signataires s’engagent à respecter la confidentialité indiquée ci-dessus
Membre présents du jury de l’Institut
des Actuaires
signature Entreprise :
Nom : IRCEM
Signature :
Membres présents du jury de l’ISFA Directeur de mémoire en entreprise :
Nom : Alain KOUTOUAN
Gérard CROSET Signature :
Lionel LAURENT Invité :
Matthieu CHAUVIGNY Nom : Marie BOUDOIR
Signature :
Christian ROBERT
Autorisation de publication et de mise
en ligne sur un site de diffusion de
documents actuariels (après expiration
de l’éventuel délai de confidentialité)
Véronique MAUME-DESCHAMPS
Esterina MASIELLO
Pierre RIBEREAU
Signature du responsable entreprise
Secrétariat
Signature du candidat
Bibliothèque :
Incertitude dans le calcul des Provisions pour sinistres à payer x
http://www.institutdesactuaires.fr/gene/main.php
3 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
INSTITUT DE SCIENCE FINANCIERE ET
D’ASSURANCES
Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat
Incertitude dans le calcul des Provisions
pour sinistres à payer
Etudiant :
Maxime BERGERON
Encadrant :
Esterina MASIELLO
Directeur de Mémoire en Entreprise :
Alain KOUTOUAN
Janvier 2015
2 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
1 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Résumé
L’évolution constante des normes de contrôle dans le domaine assurantiel impose
aux sociétés d’assurance une gestion cadrée des risques auxquels elles doivent faire face.
L’objectif principal est d’évaluer les provisions à constituer, qui permettraient, le cas
échéant, de rembourser les futurs sinistres des contrats en cours. Néanmoins, n’ayant pas
connaissance de la sinistralité future, l’assureur est contraint de proposer une estimation de
ces provisions afin de respecter ses engagements envers ses assurés.
Dans ce mémoire, nous nous intéressons au calcul des IBNR (Incurred But Not Reported) en
assurance non-vie, et plus particulièrement aux provisions pour sinistres à payer. Ces
dernières années, de nombreuses méthodes ont été recensées. Chacune d’entre elles
propose des estimations basées sur la sinistralité passée observée par l’assureur au sein de
son portefeuille. Cependant, juger que les engagements futurs présenteront la même
logique que les engagements passés semble délicat, il faut alors considérer la prise en
compte de l’incertitude dans l’estimation proposée par les méthodes de provisionnement.
Ainsi, nous évaluerons ici la pertinence de chacune des méthodes de provisionnement. Tout
d’abord, nous verrons une présentation des normes de solvabilité que doivent respecter les
assureurs. Puis un descriptif des méthodes et de leur utilisation sera proposé. Enfin, nous
exposerons de nouvelles méthodes permettant l’appréciation de l’incertitude.
Mots clés : provisions, Best Estimate, incertitude, erreur de prédiction, ensembles flous.
2 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Abstract
The constant evolution of the standards of control in the insurance-related domain
imposes to insurance companies a management centered by the risks which they have to
face. The main objective is to estimate reserves to be constituted, who would allow, when
necessary, to pay off the future disasters of the current contracts. Nevertheless, having no
knowledge of the future loss ratio, the insurer is forced to propose an estimation of these
reserves to meet his commitments to his insurants.
In this paper, we focus on the calculation of the IBNR (Incurred But Not Reported) in non-life
insurance, and more particularly in reserves for disasters to be paid. These last years,
numerous methods were listed. Each of them provides estimations based on the past loss
ratio observed by the insurer within his portfolio. However, to judge that the future
commitments will present the same logic as the past commitments seems delicate, it is then
necessary to acknowledge the consideration of the uncertainty in the estimation proposed
by the reserving methods.
So, we shall estimate here the relevance of each of the reserving methods. First of all, we
shall introduce the standards of solvency that the insurers have to respect. Then a
description of the methods and their use will be submitted. Finally, we shall expose new
methods allowing the appreciation of the uncertainty.
Keywords: reserving, Best Estimate, uncertainty, standard error, fuzzy numbers.
3 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Remerciements
Je tiens avant tout à remercier ma famille pour leurs encouragements et leur soutien
pendant l’écriture de ce mémoire.
Ma gratitude va également à Alain Koutouan, directeur Actuariat de l’IRCEM, pour ses
remarques et son aide qui m’ont permis d’avoir une autre vision de mon travail et
approfondir l’étude présentée dans ce document. Je le remercie par ailleurs pour son
encadrement et d’avoir accepté le poste de tuteur professionnel.
Je souhaite en outre remercier toute l’équipe Actuariat d’Intériale Mutuelle et plus
particulièrement Laure Lamaizière et Elise Aimar de m’avoir si bien accueilli et fait vivre une
expérience professionnelle enrichissante.
Je remercie également Marie Boudoir, directrice Actuariat de la Mutuelle Familiale pour
avoir accepté la relecture de ce mémoire. Je tiens d’ailleurs à la remercier pour tous ses
judicieux conseils.
Je tiens aussi à remercier toute la direction Actuariat et Finance de l’IRCEM pour leur accueil
et leurs encouragements ces derniers mois. Je remercie notamment mes collègues Jérémy
Beghain, Bertrand Deschamps et Hicham Bouddour pour leurs remarques et conseils.
Je remercie enfin l’ensemble des professeurs de l’ISFA pour la qualité de leurs
enseignements. Et je tiens tout particulièrement à remercier Esterina Masiello d’avoir
accepté le poste de tuteur pédagogique ainsi que pour la relecture de ce mémoire.
4 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Sommaire
Résumé .......................................................................................................... 1
Abstract ......................................................................................................... 2
Remerciements .............................................................................................. 3
Introduction ................................................................................................... 6
Partie I : La Théorie ........................................................................................ 7
1. Chapitre 1 : Solvabilité II ............................................................................................................... 8
1.1. Pilier 1 .................................................................................................................................. 9
1.1.1. Calculs des MCR et SCR ............................................................................................. 10
1.1.2. Bilan sous Solvabilité II .............................................................................................. 11
1.2. Pilier 2 ................................................................................................................................ 12
1.3. Pilier 3 ................................................................................................................................ 12
2. Chapitre 2 : Segmentation et Modélisation ............................................................................... 14
2.1. Lines of Business ................................................................................................................ 14
2.1.1. Lines of Business en Assurance vie ............................................................................ 15
2.1.2. Lines of Business en Assurance non-vie .................................................................... 15
2.2. Provisionnement ............................................................................................................... 16
2.2.1. Méthodes déterministes ........................................................................................... 19
2.2.2. Méthodes stochastiques ........................................................................................... 24
Partie II : Evaluer l’incertitude ....................................................................... 33
1. Chapitre 1 : Les ensembles flous ................................................................................................ 34
1.1. Définitions importantes ..................................................................................................... 36
1.2. Exemples d’ensembles ...................................................................................................... 37
1.2.1. Ensemble trapézoïdal ................................................................................................ 37
1.2.2. Ensemble triangulaire ................................................................................................ 38
1.3. Propriétés et opérations sur les ensembles ...................................................................... 39
1.3.1. Propriétés classiques ................................................................................................. 39
1.3.2. Principe d’extension .................................................................................................. 40
1.4. Espérances et incertitudes ................................................................................................ 42
2. Chapitre 2 : Chain Ladder ........................................................................................................... 44
2.1. Détermination des estimateurs ......................................................................................... 44
5 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
2.2. Estimation de l’incertitude ................................................................................................ 46
3. Chapitre 3 : Régression floue...................................................................................................... 49
3.1. Régression possibiliste ...................................................................................................... 49
3.2. Régression des moindres carrés ........................................................................................ 50
3.3. Régression et London Chain .............................................................................................. 52
3.4. Conclusion ......................................................................................................................... 53
Partie III : Mise en situation .......................................................................... 54
1. Chapitre 1 : Qualité de la donnée ............................................................................................... 55
2. Chapitre 2 : Une modélisation déterministe .............................................................................. 57
2.1. Selon une cadence annuelle .............................................................................................. 58
2.1.1. Chain Ladder et variantes .......................................................................................... 58
2.1.2. London Chain ............................................................................................................. 60
2.1.3. Autres méthodes déterministes ................................................................................ 61
2.2. Changement de cadence ................................................................................................... 63
2.2.1. Méthodes à tendance multiplicative ......................................................................... 63
2.2.2. Facteurs et Loss Ratio ................................................................................................ 64
3. Chapitre 3 : Application stochastique ........................................................................................ 65
3.1. Méthodes de type Chain Ladder ....................................................................................... 65
3.1.1. Mack .......................................................................................................................... 65
3.1.2. Bootstrap ................................................................................................................... 68
3.2. Poisson : un modèle GLM .................................................................................................. 70
4. Chapitre 4 : Incertitude et nombres flous .................................................................................. 72
4.1. Fuzzy Chain Ladder ............................................................................................................ 72
4.2. Application à la régression floue ....................................................................................... 75
4.3. Stochastique et ensembles flous ....................................................................................... 77
5. Synthèse des résultats ................................................................................................................ 81
Conclusion .................................................................................................... 84
Annexes ........................................................................................................ 86
Bibliographie ............................................................................................... 101
6 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Introduction
De nos jours, les compagnies d’assurance doivent faire face à tout type de risque.
Afin des répondre aux engagements pris envers leurs assurés et être en mesure de pouvoir
rembourser les sinistres futurs éventuels, ces compagnies constituent des provisions qui
dépendent directement du risque couvert : les provisions pour sinistres à payer.
Sous la directive Solvabilité I, les provisions à constituer représentent un matelas financier
qui permet de faire face aux différents risques. Cependant, le calcul effectué ne reflète pas
en totalité le risque et cela peut amener à une erreur de provisionnement. En outre, du fait
de la nature aléatoire de l’assurance, les provisions constituées ne représentent pas un
montant certain, une étude rigoureuse du risque encouru est donc nécessaire pour
quantifier l’incertitude présente dans l’estimation. Ainsi, l’arrivée des nouvelles normes de
Solvabilité II impose à ces sociétés d’assurance plus de rigueur dans le calcul des provisions,
on parle maintenant de meilleure estimation de la provision ou Best Estimate.
Ce mémoire propose l’évaluation des méthodes les plus usitées dans l’estimation des
provisions pour sinistres à payer et tente de déterminer l’incertitude présente dans ces
estimations qui pourrait engendrait un risque de sur-/sous-provisionnement. L’objectif ici est
de déterminer la méthode la plus pratique et la plus fiable pour estimer les provisions.
Nous introduirons donc en premier lieu les normes de Solvabilité II et situerons ainsi le
contexte qui a conduit au calcul des Best Estimate. Puis, nous présenterons alors les
méthodes classiques de calcul, à savoir les méthodes déterministes et stochastiques.
Ensuite, nous introduirons un concept encore rarement utilisé dans le cadre de l’estimation
des provisions : l’application des ensembles flous. Enfin, une application pratique sur un
portefeuille de sinistres en soins de Santé sera proposée pour tester les méthodes
présentées et évaluer leurs limites.
7 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Partie I : La Théorie
Il est nécessaire pour les Sociétés d’assurance et les Mutuelles de se prémunir contre
des événements imprévus dans le but de protéger les assurés et bénéficiaires des contrats
qu’elles proposent. En effet, ces sociétés offrent non seulement des protections contre des
aléas de la vie à leurs assurés mais véhiculent aussi leur épargne vers les marchés financiers.
La solvabilité est définie comme étant la capacité d’un organisme assureur à faire face à ses
engagements. Les normes de Solvabilité existent depuis longtemps déjà. Elles ont été
instaurées dans les années 1970 afin de mettre en place un référentiel réglementaire des
assureurs au sein de la Communauté Européenne. Le rôle principal des normes de solvabilité
est de protéger la clientèle des organismes d’assurance. Pour cela, des règles strictes sont
imposées à l’assureur sur le provisionnement de ses engagements, la composition de l’actif
en représentation de ces engagements et le montant minimum de capital requis.
Dans cette partie, nous présenterons tout d’abord le contexte de Solvabilité II qui a amené
au calcul de Best Estimate. Puis nous étudierons le cas particulier de l’estimation des
provisions pour sinistres à payer ainsi que les méthodes les plus fréquemment utilisées dans
le cadre de cette estimation.
8 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
1. Chapitre 1 : Solvabilité II
Les normes de Solvabilité sont en constante évolution depuis leur création. En 2002,
une directive appelée Solvabilité I est adoptée. Reprenant les règles de solvabilité établies
les années précédentes, cette directive définit les ratios de solvabilité des organismes
assureurs de l’Union Européenne. Cependant, malgré la volonté de réformer les exigences
en matière de solvabilité, la directive Solvabilité I présente encore des défauts :
certains risques réels ne sont pas valorisés, voire ignorés :
le risque de crédit
les nouveaux risques dits « dangereux » apparus depuis le début du
millénaire (terrorisme)
les risques inhérents aux placements ;
la corrélation entre les risques n’est pas suffisamment prise en compte ;
les exigences minimales fixées en matière de fonds propres sont insuffisantes,
obligeant ainsi les différents membres de l’Union Européenne à établir des règles
supplémentaires, propres à chacun, et empêchant l’harmonisation du marché au
niveau européen.
Au vu des problèmes que pose la directive Solvabilité I, un nouvel examen a été imposé et la
Commission de l’Union Européenne a ratifié le projet Solvabilité II en avril 2009. Cette norme
est toujours en vigueur actuellement, et évolue avec de nouvelles mesures encore
aujourd’hui. Les objectifs premiers de ce projet sont :
d’améliorer la protection des consommateurs d’assurance : la directive
Solvabilité II doit assurer le niveau de protection des assurés dans toute l’Union
Européenne et, de ce fait, renforcer la confiance des consommateurs dans les
produits d’assurance ;
de renforcer et moderniser l’évaluation des risques : les normes doivent
permettre une meilleure appréciation des risques (risque de défaut, risque de
crédit, risque de rachat, etc.) ;
d’avancer une meilleure transparence de la part des organismes d’assurance ;
d’approfondir l’intégration du marché européen de l’assurance : grâce à
l’harmonisation des règles et pratiques prudentielles ;
d’accroître la compétitivité internationale des assureurs européens.
9 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Les nouvelles normes de solvabilité, introduites dans le projet Solvabilité II, s’organisent
schématiquement autour de trois piliers, reprenant l’approche faite dans l’Accord Bâle II.
Toutefois, il faut appréhender ici l’ensemble des risques d’une compagnie et ne pas
considérer uniquement les risques individuels, comme c’est le cas au niveau des normes
Bâle II pour le système bancaire. Par ailleurs, l’objectif principal de l’Accord Bâle II est de
renforcer la stabilité du système bancaire international, objectif qui diffère totalement de
celui du projet Solvabilité II : protéger l’assuré.
Dans le cadre du projet Solvabilité II, le premier pilier définit les normes quantitatives, le
second les normes qualitatives et le troisième pilier détaille les informations destinées au
public et surtout aux autorités de contrôle.
1.1. Pilier 1
Le premier pilier du projet Solvabilité II décrit les exigences en capital. En effet, il
s’articule de façon semblable au premier pilier des normes de l’Accord Bâle II. Ce pilier
détermine les seuils d’exigence en fonds propres et définit le calcul des provisions
techniques. L’exigence en fonds propres est évaluée sous deux niveaux : le Minimum Capital
Requirement ( ) et le Solvency Capital Requirement ( ). Chacun de ces deux niveaux
est imposé aux organismes d’assurance.
Le ou Minimum Capital Requirement est le plancher au-dessous duquel un organisme
d’assurance ne peut descendre sous peine d’intervention des autorités de contrôle. En effet,
si ses fonds propres franchissent le seuil défini au niveau du MCR, cet organisme pourra se
voir refuser la possibilité d’exercer son activité d’assurance.
Le ou Solvency Capital Requirement est le montant minimum qu’un assureur doit
détenir afin d’être en capacité d’absorber les pertes engendrées par un événement
exceptionnel ou une sinistralité imprévue significative. Ce montant doit permettre de couvrir
l’ensemble des risques auxquels un organisme d’assurance est confronté. Il correspond
généralement au montant de capital requis pour faire face aux engagements à un horizon
d’un an, avec une probabilité de 99,5% (cette probabilité reflète le niveau de confiance
attribué à la couverture, c’est une Value-at-Risk). Le peut se calculer de différentes
manières :
utiliser la Formule Standard ;
mettre en place un modèle interne validé par les autorités de contrôle ;
combiner ces deux méthodes selon le risque encouru.
Le SCR doit être supérieur au MCR.
10 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Plusieurs études encadrées ont été menées dans le but de mesurer l’impact de la mise en
place de Solvabilité II sur les assureurs et, par la suite, de déterminer les besoins en fonds
propres : ce sont des Etudes Quantitatives d’Impact (QIS). Il en résulte une estimation des
calculs du MCR et du SCR suivante :
1.1.1. Calculs des MCR et SCR
D’une part, le MCR, définissant le niveau de capital minimum requis pour un assureur,
s’exprime en fonction d’un plancher absolu : l’AMCR. Ce plancher est établi par type
d’assureur (Vie, Non-vie, mixte ou réassureur).
Avec : { }
Le est apprécié en fonction des primes et provisions pour les garanties vie et
non-vie.
D’autre part, le SCR est le niveau de capital souhaitable. Il peut s’évaluer à partir de trois
méthodes différentes :
la formule standard ;
la formule standard simplifiée (pour les petits assureurs) ;
le modèle interne (qui peut être partiel).
Le BSCR (SCR de base) est fonction des risques suivants:
Risque de marché
Risque de défaut de contrepartie
Risque de souscription (Vie, Santé et Non-vie)
Risque sur les actifs incorporels
Risque opérationnel
Chaque risque est estimé selon une formule qui lui est propre. Le BSCR a une structure
complexe, fondée sur des matrices de corrélation des risques.
La formule standard du SCR est :
type d'assureur AMCR
Vie 3 700 k€
Non-Vie 2 500 k€
Mixte 6 200 k€
Réassureur 3 600 k€
Figure 1 : Planchers minimums du MCR selon la branche d’assurance
11 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Le Opérationnel correspond au risque de perte résultant de procédures internes, de
membres du personnel ou de systèmes inadéquats ou défaillants ou d'événements
extérieurs. Les ajustements permettent de prendre en compte la capacité d’absorption des
provisions techniques et des impôts différés.
Plus de précisions sont apportées quant au calcul du en annexe A.
1.1.2. Bilan sous Solvabilité II
Comme en normes Solvabilité I, chaque société d’assurance doit constituer un bilan
comptable sous Solvabilité II, on parle alors de bilan « prudentiel ». Le bilan reflète en effet
l’état financier de la société. On retrouve en figure 2 les principaux éléments constitutifs du
bilan selon les normes Solvabilité II.
Selon le bilan « prudentiel », on distingue deux types de risque : réplicables et non
réplicables. Un risque est dit réplicable quand on peut constituer un portefeuille d’actif qui
verse des flux parfaitement identiques. C’est alors un actif financier que l’on peut acheter.
L’actif au bilan s’apprécie en valeur de marché. Nous nous intéressons plus particulièrement
ici à l’estimation des risques non réplicables, à savoir les provisions techniques en « Best
Estimate ».
Figure 2 : Comparaison des bilans selon les normes Solvabilité I et Solvabilité II
12 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
1.2. Pilier 2
Le pilier 2 détermine le processus de contrôle prudentiel. Ce pilier fixe les critères
qualitatifs concernant la maîtrise des risques et impose aux compagnies et autres
organismes d’assurance d’établir un système de gouvernance performant (Enterprise Risk
Management ou ERM). Ce système de gouvernance comprend la mise en œuvre de l’Own
Risk and Solvency Assessment (ORSA). L’ORSA est un ensemble de procédures permettant
d’identifier et de contrôler les risques encourus par un assureur. Sur la base du SCR calculé
au niveau du pilier 1, l’ORSA évalue si le besoin en capital est suffisant pour l’entreprise afin
d’en assurer la solvabilité. Cette évaluation prend en compte les stratégies de
développement. Le système de gouvernance et de gestion des risques rend également
possible la présence d’un modèle interne : si le modèle est jugé valable et efficace par
l’autorité de contrôle, le superviseur chargé de la gestion des risques de la compagnie peut
autoriser l’utilisation de ce modèle pour mesurer le SCR.
1.3. Pilier 3
Le dernier pilier de la directive Solvabilité II concerne la publication des différentes
informations liées au fonctionnement et au contrôle de l’organisme assureur. Cette diffusion
d’information a pour but d’améliorer la transparence des entreprises. Le pilier 3 inclut aussi
la nécessité d’un reporting auprès des autorités de contrôle (cf. figure 3). L’ensemble des
informations communiquées doit comporter la présentation des exigences en matière de
solvabilité ou encore le bilan prudentiel. En effet, les rapports remis doivent non seulement
intégrer les profils des risques auxquels l’assureur est confronté, mais aussi la performance
financière de cet assureur. Par ailleurs, la qualité des données fournies est un critère
indispensable : ces informations vont permettre aux autorités en charge de la supervision
d’apprécier au mieux la situation de l’assureur et d’agir en conséquence.
13 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Selon le pilier 3, deux nouveaux rapports seront ainsi à produire et vont remplacer les
rapports de Solvabilité et de contrôle interne :
Solvency Financial Condition Report : ce rapport est à destination du public. Il
fait état des activités et résultats de l’assureur à un instant donné. Dans ce
rapport apparaît une vision rétrospective de ces activités.
Regular Supervisory Report : ce rapport concerne des éléments confidentiels
et plus détaillés présentant une vision prospective des activités de l’assureur.
Le projet Solvabilité II doit permettre ainsi un meilleur suivi de l’activité d’un assureur. En
France, l’autorité compétente qui supervise l’ensemble des travaux sur ce projet et veille au
respect des normes définies est l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).
L’ACPR publie en outre les documents relatifs à l’entreprise, en conformité avec le pilier 3.
Le projet Solvabilité II incite, de fait, à revoir le mode de calcul des provisions techniques.
Toutefois avant d’effectuer les calculs de provisionnement, il est nécessaire de disposer de
données fiables et en adéquation avec les nouvelles normes. La préparation des données est
donc une étape importante en matière de provisionnement pour les assureurs.
Rapport à l’autorité de contrôle(Regular Supervisory Report ou RSR)
Art. 35(1)
Toute information réservée à l’autorité de contrôle
- Rapport qualitatif- Etats quantitatifs (Quantitative reporting
templates ou QRT)
Rapport sur la solvabilité et la situation financière
(Solvency and Financial Condition Report ou SFCR)Art. 51
Information transmise au public
- Rapport qualitatif- Etats quantitatifs (QRT)
Art. 35(2)(a) (ii) et Art. 54(1) - en cas d’événements prédéfinis (information àl’autorité), ou en cas d’événement majeur dont non-couverture du SCR ou MCRaprès un délai (information au public)
INFORMATION A FOURNIR A L’AUTORITE DE CONTROLE
Reporting régulier et diffusion au public à des périodes prédéfinies
Art. 35(2)(a) (iii) - en cas de demande lors d’enquêtes concernant un engagement(contrôles sur place, permanents, etc.)
Figure 3 : Eléments constituant la publication des données selon le pilier 3 vu par l’EIOPA
14 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
2. Chapitre 2 : Segmentation et Modélisation
Les provisions techniques et, essentiellement, les estimations en « Best Estimate » sont
les éléments principaux d’un bilan sous Solvabilité II. Comme on a pu le voir, ils permettent
le calcul d’indicateurs tels que le afin d’apprécier les risques encourus. En outre, ces
indicateurs sont définis par risque (cf. annexe A) et il faut donc rassembler les données
nécessaires au calcul des provisions par type de risque. Ainsi, la segmentation consiste en
l’identification de groupes de données partageant les mêmes caractéristiques. C’est une
étape indispensable si l’on souhaite gagner en efficacité lors du calcul des provisions, et de
gagner en précision.
Bien des méthodes de segmentation existent, toutefois celle retenue est celle imposée par la
directive Solvabilité II : la séparation par branche ou secteur d’activité.
2.1. Lines of Business
“(Re)insurance undertakings should segment (re)insurance obligations into
homogenous risk groups when calculating technical provisions. […]Therefore it is appropriate
for each undertaking to define the homogenous risk group and the level of granularity most
appropriate for their business.”
CEIOPS’ Advice for Level 2 Implementing Measures on Solvency II:
Technical Provisions -Lines of business on the basis of which (re)insurance
obligations are to be segmented
Le projet Solvabilité II exige que les provisions techniques soient segmentées sous forme de
« Lines of Business ». Cette répartition par branche permet une évaluation fiable, précise et
crédible des provisions techniques, calculées par Best Estimate. Le principe de substance sur
la forme doit être respecté : les segments doivent refléter la nature des risques d’un contrat
plutôt que la forme juridique dudit contrat. Les Lines of Business de la directive Solvabilité II
correspondent au niveau minimum de segmentation imposé et sont au nombre de 28 :
16 Lines of Business en Assurance vie ;
12 Lines of Business en Assurance non-vie.
Les Lines of Business utilisées en Mutualité sont explicitées ci-après. Pour rappel : la
segmentation est le souhait de rassembler les données sous des groupes les plus homogènes
possibles.
15 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
2.1.1. Lines of Business en Assurance vie
Pour les contrats en Assurance vie, une segmentation spécifique est prévue. Elle se déroule
en deux étapes. On répartit tout d’abord les contrats en fonction de quatre secteurs :
Les contrats mentionnant des clauses de participation aux bénéfices ;
Les contrats dits en unité de compte ;
Les autres contrats d’assurance vie ;
La réassurance vie.
Une fois que la première segmentation est réalisée, une nouvelle répartition est effectuée,
au sein de chacun des groupes créés. Quatre sous-catégories sont ainsi obtenues :
Les contrats dont le risque majeur est le décès ;
Les contrats dont le risque majeur est la survie de l’assuré (ou de ses
bénéficiaires) ;
Les contrats dont le risque majeur est l’invalidité ou la morbidité ;
Les contrats d’épargne.
2.1.2. Lines of Business en Assurance non-vie
Les Lines of Business en Assurance non-vie sont, quant à elles, prédéfinies en douze
catégories. Elles traduisent un niveau de granularité spécifique (finesse de la segmentation).
En Mutualité et en Assurance de personnes, on peut trouver les catégories suivantes :
Workers’ Compensation (Compensation activité professionnelle) ;
Medical Expenses (Dépenses médicales) ;
Income Protection (maintien de salaire) ;
Legal Expenses (protection juridique);
Assistance ;
Miscellaneous non-life insurance (assurances non-vie diverses).
Les catégories ci-après ne concernent pas les mutuelles (relevant du Code de la Mutualité) :
Motor vehicle liability (assurance des véhicules motorisés) ;
Other motor (autres dommages véhicules motorisés) ;
Marine, aviation and transport ;
16 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Fire and other damage to property (dommages à la propriété dus au feu, autres
incidents) ;
General liability (responsabilité civile) ;
Credit and suretyship (assurance-crédit et caution).
Les provisions techniques seront ainsi évaluées pour chacune des Lines of Business
présentées ci-dessus.
De plus, il faut noter que les engagements en Santé sont répartis à la fois en vie et en non-
vie :
Health SLT (SLT signifiant Similar to Life Techniques) pour l’assurance vie
Health Non-SLT pour l’assurance non-vie (en Santé : on aura « Dépenses médicales »
ou encore « Compensation activité professionnelle »).
Fréquemment, les contrats en assurance vie et non-vie garantissent des risques de natures
différentes. Ces contrats doivent donc être segmentés selon les risques auxquels ils sont
confrontés. Par exemple, un contrat dépendance proposant une garantie décès sera réparti
sur plusieurs Lines of Business (la partie décès concernera une des catégories vie et les
autres seront classées en Health Non-SLT). Les garanties Incapacité / Invalidité, explicitées
par la suite, sont inclues à la fois en vie et en non-vie : tant que la personne assurée est en
incapacité, on classe la garantie en « maintien de salaire » de la branche Health Non-SLT, et
au passage à l’invalidité, la garantie est traitée en Health SLT. Néanmoins, il faut savoir qu’il
n’est pas nécessaire de segmenter les contrats de cette manière si on peut déceler un seul
risque significatif.
Depuis la mise en place de la directive Solvabilité II, il est fortement recommandé, voire
nécessaire, de segmenter le portefeuille selon une répartition par branche d’activité,
appelées les Lines of Business. Une fois la segmentation achevée, l’objectif premier de la
directive Solvabilité II peut être mené à bien : les provisions techniques pourront être
estimées selon des méthodes spécifiques.
2.2. Provisionnement
L’un des principaux objectifs de la directive Solvabilité II est de déterminer les
provisions techniques. Ces provisions sont appréciées en Best Estimate. En actuariat, le Best
Estimate est la « meilleure moyenne » de tous les résultats possibles, en intégrant toutes les
17 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
informations disponibles sur l’activité analysée. En effet, le terme de « Best » désignerait une
estimation particulière meilleure que les autres. Toutefois, cette idée de « meilleur »
estimateur est ambigüe, il faut la définir selon certains critères : un estimateur pourrait être
perçu comme étant meilleur sous une norme et pas sous une autre.
Selon le pilier 1 de Solvabilité II, le Best Estimate est la valeur actuelle probable des flux de
trésorerie futurs. Cette valorisation en Best Estimate remplace la valorisation actuelle des
provisions techniques. L’actualisation des flux est effectuée selon la courbe des taux sans
risque adéquate (figure 4).
Le calcul en Best Estimate est basé sur des informations actuelles crédibles et des
hypothèses réalistes. Les flux futurs sont projetés et cette projection doit tenir compte à la
fois des flux entrants et sortants. Ces flux sont appréciables par Line of Business. Ils sont
présentés sous un historique de données fiables et suffisantes pour chacune des Lines of
Business. Les données servant de base aux flux sont reparties sous trois catégories :
Les Primes : historique des primes émises et acquises par exercice ;
Les Sinistres : règlements de sinistres, charges de sinistres, recours encaissés, nombre
de sinistres, coût moyen présenté sous forme de triangle de liquidation ;
Les Frais : frais de gestion, frais d’administration, commissions.
Le calcul du Best Estimate des provisions techniques est effectué par catégorie séparément.
Par la suite, ce document s’attarde sur le développement des sinistres et de leurs
règlements, et plus précisément sur le calcul des provisions pour sinistres à payer.
Figure 4 : Courbe des taux des exercices 2010 à 2013 fournis par l’Institut des Actuaires
18 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Un sinistre peut s’étaler dans le temps. En effet, il n’est pas rare de constater qu’un sinistre
est réglé sur plusieurs années. Lors du calcul des provisions techniques, il est nécessaire de
disposer de toute l’information sur le règlement du sinistre : tout sinistre entraîne un
premier règlement, qui apparaît pendant la première année du sinistre appelée l’année
d’origine ou de survenance. Par la suite, les autres règlements vont suivre et s’étaler sur les
prochaines années, caractérisées comme années de développement. Cette observation
individuelle des sinistres permet d’élargir la vision que l’on a sur l’évolution des paiements :
le descriptif des paiements s’établit pour chaque année, ce qui permet l’utilisation
d’informations détaillées.
L’ensemble des règlements de sinistres sont rassemblés dans des triangles de paiements,
également appelés triangles de développement. Ces triangles sont en fait des tableaux (ou
matrices) à double entrée, les lignes des tableaux décrivent les années d’origine des
sinistres, et les colonnes sont associées aux années de développement. Cependant, on ne
connaît qu’une partie du tableau. En effet, l’information répertoriée pour les années
futures est inconnue: si on note l’année d’origine , l’année de développement et l’année
d’exercice , année au cours de laquelle le calcul des provisions est effectué, les données en
{ } sont inconnues. L’objet du provisionnement est d’ailleurs l’estimation des
montants futurs.
En général, le nombre d’années de développement est identique au nombre d’années
d’origine (le calcul se fait à l’aide de matrices carrées), mais cela n’est pas toujours le cas. Le
tableau ci-dessous (figure 5) présente un triangle de paiements classique :
Avec les paiements, pour des sinistres réglés pour la première fois durant
l’année d’origine apparus pendant l’année de développement .
Remarque : Les sont des variables aléatoires.
Figure 5 : Présentation classique d’un triangle de paiements
19 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Toutefois, il est plus courant de disposer des triangles de paiements cumulés lors de
l’estimation des provisions techniques. On note alors l’ensemble des
paiements cumulés tels que ∑
(cf. figure 6).
Remarque : On parle d’année d’origine et d’année de développement. Cependant, il est
tout à fait possible, voire même indispensable en fonction du risque suivi,
d’établir les triangles de paiements à partir de montants mensuels ou
trimestriels.
Le provisionnement consiste ainsi à estimer les flux futurs et à évaluer les cadences de
paiement. De nombreuses méthodes existent pour calculer ces flux et se regroupent en deux
grandes catégories :
Méthodes déterministes ;
Méthodes stochastiques.
Par la suite, on présente les méthodes souvent mises en place dans le cadre de l’estimation
des provisions pour sinistres à payer.
2.2.1. Méthodes déterministes
Les méthodes déterministes sont des méthodes de provisionnement permettant l’estimation
du montant total de provisions. Ces techniques n’utilisent toutefois aucune hypothèse quant
à l’incertitude associée à cette estimation. Une méthode déterministe reproduit la cadence
de paiement à travers les flux futurs.
2.2.1.1. La méthode de Chain Ladder
Cette méthode est celle couramment utilisée dans le monde des assurances et existe depuis
près d’un siècle. C’est un modèle de calcul de provisions simple à mettre en place.
Figure 6 : Triangle de paiements cumulés
20 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Soit une famille de variables aléatoires. Cette famille représente les
paiements dans l’année de développement pour les sinistres de l’année d’origine . Les
données telles que ne sont pas encore observables. On note les paiements
cumulés de l’année de développement pour des sinistres survenus en année
d’origine ∑
.
La première étape consiste à calculer des coefficients de développement représentant la
variation moyenne entre l’année de développement et l’année { }. Ils
sont estimés par les coefficients ̂ .
̂
∑
∑
Ces coefficients de développement sont donc a priori constants pour toutes les années
d’origines, ils ne dépendent que de l’année de développement.
Les montants inconnus sont alors calculés tels que : ̂ ̂ ̂
Avec { } { }.
La provision totale estimée (aussi appelé réserve totale) est égale à :
̂ ∑ ̂
Avec ̂ ̂ { } (et ).
Il existe d’autres alternatives pour évaluer les coefficients de développement par ce modèle.
On calcule tout d’abord les coefficients de passage pour chaque année d’origine, en gardant
les mêmes notations que pour la formule standard :
A partir de ces coefficients on peut déterminer les coefficients ̂ de différentes manières :
la moyenne arithmétique : ̂
∑
la moyenne géométrique : ̂ (∏ )
21 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
la médiane : ̂ { } ( )
la pondération : ̂ ∑
∑
avec les poids souhaités
Il en existe bien d’autres, toutefois, on ne modélisera dans ce document que celles
présentées ci-dessus.
2.2.1.2. Méthode de London Chain
Cette méthode se base également sur les triangles de paiements cumulés. On introduit ici
l’idée d’une linéarité entre et :
Il faut ensuite estimer les paramètres et pour tous { }. Cela revient alors à
minimiser la somme suivante (par la méthode des moindres carrés ordinaires) :
∑
Les estimateurs seront les suivants { } :
̂
∑ ̅ ̅
∑ ̅
̂ ̅ ̂ ̅
Avec ̅
∑
et ̅
∑
, moyennes arithmétiques
respectives de et .
Et pour , on prend le dernier coefficient pour l’année d’origine (car sinon
̂
) :
̂
̂
22 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Par ailleurs, on peut appliquer cette méthode de minimisation, dite de moindres carrés, pour
la méthode de Chain Ladder, en posant . On retrouve bien ̂ ̂ ̂ . Il est
toutefois à noter que les coefficients seront différents de la formule vue en amont :
̂
∑
∑
{ }
2.2.1.3. Méthode de Bornhuetter-Ferguson
Cette méthode est dite de Loss ratio. Le Loss ratio est un taux de sinistralité : c’est la
proportion entre le montant des sinistres et celui des primes encaissées. Cette méthode
bénéficie d’informations supplémentaires par rapport aux autres méthodes déterministes :
on connaît le montant de primes pour chaque année d’origine .
On calcule le Loss ratio :
pour { } ; et le Loss ratio ultime :
On peut, en outre, remarquer que les coefficients de développement basés sur les Loss Ratio
sont les mêmes que pour les autres méthodes déterministes.
⁄
⁄
Il existe plusieurs techniques de Loss Ratio (simple, complémentaire etc.). Néanmoins, on
s’intéresse ici à la méthode dite de Bornhuetter-Ferguson. Il s’agit ici de fixer un Loss ratio
cible pour chaque année d’origine, dans le but d’estimer les provisions du modèle.
On note tout d’abord la cadence de règlement en
.
Ainsi on peut alors en déduire ̂ ̂
On cherche à calculer le montant de provisionnement ̂ ∑ ̂ (avec ̂ ̂
{ } .
Pour cela, Il nous faut estimer la charge ultime , qui correspond au montant de paiement
cumulé ultime , et les cadences de règlements On peut par exemple déterminer
̂ en appliquant l’une des méthodes déterministes vues ci-dessus. On obtient également
la charge ultime initiale ̂ , grâce au montant des primes émises, qui est connu, et du Loss
ratio cible : ̂
A l’aide de ces estimations, on pourra alors établir les montants de provisions :
23 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
̂ ̂ ̂ ̂
̂ ̂ ̂
{ }.
On retrouve deux charges ultimes : l’une a priori ( ̂ ) et l’autre a posteriori ( ̂ ).
2.2.1.4. Méthode de De Vylder
La méthode de De Vylder fait partie des modèles dits « à facteur ». Ici, il ne s’agit plus
d’utiliser les triangles de paiement cumulés mais directement les triangles de paiement. On
dispose toujours des années de développement et d’origine , et on introduit également
l’année calendaire . On peut écrire les montants de paiement non cumulés
comme le produit des trois facteurs suivants :
le facteur correspondant à l’année d’origine ;
le facteur de l’année de développement ;
le facteur de l’année calendaire .
Le facteur de l’année calendaire est en général utilisé pour représenter l’inflation. La
méthode de De Vylder pose (pas d’inflation). Dans le cas présent, on aura alors :
On fait de plus l’hypothèse que ∑ . De cette façon, on peut avoir ∑
.
On estime à présent les paramètres et par la méthode de moindres carrés (comme
pour London Chain) :
̂ ∑
∑
̂ ∑
∑
Et on en déduit à nouveau :
̂ ̂ ∑ ̂ ∑ ̂ ̂
Il faut toutefois initialiser les calculs pour pouvoir utiliser cette méthode, en fixant . Le
choix de la valeur initiale influence le couple de paramètres ̂ ̂ puisque ces paramètres
dépendent l’un de l’autre. Il s’agira ensuite de réitérer le processus d’estimation des
paramètres, jusqu’à convergence desdits paramètres.
24 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
2.2.1.5. Conclusion
La plupart des méthodes déterministes sont des modèles simples à mettre en place dans le
cadre de l’estimation des provisions. Cependant, on a pu constater que ces méthodes
s’appuient essentiellement sur les montants de paiements observés, étant donné qu’elles
reposent sur la cadence des paiements. Par ailleurs, ces modèles affichent des provisions
techniques appréciées sans réserve vis-à-vis de la volatilité présente dans l’estimation et
sont évaluées de façon certaine. Or, la nouvelle directive Solvabilité II impose le calcul de
Best Estimate, il est donc essentiel de mettre en place des modèles tenant compte de l’aléa
associé à l’estimation de la provision totale.
2.2.2. Méthodes stochastiques
Les modèles déterministes ne permettent pas d’évaluer et de quantifier l’incertitude dans
les résultats obtenus en provisionnement. Toutefois, on peut mettre en place des méthodes
dites stochastiques pour résoudre ce problème. Les méthodes stochastiques supposent que
les variables à modéliser possèdent une composante aléatoire, on associe alors à ces
variables aléatoires une loi de probabilité. Ces méthodes de provisionnement permettent de
construire des intervalles de confiance des résidus, et plus particulièrement des provisions,
facilitant l’étude de la volatilité des résultats obtenus.
L’incertitude présente dans l’estimation de la provision peut être représentée par l’erreur
quadratique moyenne. Si l’on pose la valeur réelle de la provision et ̂ son estimation, on
peut définir l’erreur quadratique moyenne de prédiction comme étant la distance entre
ces deux valeurs. On sait de plus que , soit { } ,
l’ensemble des données connues :
( ̂ ) (( ̂ ) | ) (( ̂ )
| )
Donc ( ̂ ) ( ̂ ).
Il suffit donc de déterminer l’erreur quadratique au niveau de la charge ultime pour avoir
l’erreur quadratique de la provision. Par ailleurs, on utilise le plus souvent l’erreur de
prédiction, correspondant à la racine carrée de l’erreur quadratique moyenne.
L’un des premiers modèles stochastiques à avoir été instauré et répondant aux critères
évoqués ci-dessus, est le modèle de Mack.
25 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
2.2.2.1. Le Modèle de Mack
Cette méthode a été créée afin de faire correspondre un modèle stochastique au modèle de
Chain Ladder, pour pouvoir estimer les erreurs du modèle. Ce modèle est appliqué sur les
montants de paiement cumulés . On reprend les mêmes notations que pour les
méthodes déterministes concernant les coefficients de développement et les montants de
paiement. Le modèle de Mack repose sur trois hypothèses :
Les exercices d’origine sont indépendants :
{ }
L’espérance conditionnelle s’écrit :
( |
⇔ ( | { }
La variance conditionnelle est définie par :
( | { }
Grâce à ces trois hypothèses, on peut déduire que les coefficients de développement que
l’on estime sous la méthode de Chain Ladder sont sans biais et non corrélés car :
On reprend D l’ensemble de l’information du triangle des montants cumulés,
{
( ̂ ) ( ( ̂ | )) ( (
∑
∑
)) (∑ ( )
∑
) (∑
∑
)
( ̂ ̂ ) ( ( ̂ ̂ | )) ( ̂ ( ̂ | )) ( ̂ ) ( ̂ ) ( ̂ ) ( ̂ )
Il est nécessaire de vérifier la véracité de ces hypothèses. Pour cela, il suffit d’étudier
l’existence d’une relation linéaire entre les montants et . On peut également
étudier le graphe des résidus pour vérifier le caractère aléatoire des variables (
√ ).
On a en outre : ( | ) , en posant à
nouveau comme l’information du triangle des montants cumulés. On peut facilement
déduire une estimation de la provision. Cet estimateur ̂ ̂ est sans biais.
Par ailleurs, les coefficients estimés par la méthode de Chain Ladder sont de variance
minimale si :
(
| )
{ }
26 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
On a l’estimation des coefficients ̂ , il reste à présent à estimer les coefficients de la
variance ̂ { } et l’erreur quadratique moyenne de ̂ { } :
̂
∑ (
̂ )
( ̂ ) ̂ ∑
̂
̂ (
̂
∑
)
Et l’erreur quadratique du montant total ̂, en supposant que ̂ ∑ ̂ :
( ̂) ∑[ ( ̂ ) ̂ ( ∑ ̂
) ∑ ( ̂
̂ ⁄
∑
)
]
Remarque : Cette expression est développée en annexe B.
Grâce à l’ensemble de ces données, il est facile de construire un intervalle de confiance pour
les montants de provisions. En supposant que ces montants suivent une loi normale, et en
considérant le quantile d’ordre d’une loi normale , on peut écrire les
intervalles suivants { } :
[ ̂ √ ( ̂ ) ̂ √ ( ̂ )]
[ ̂ √ ( ̂) ̂ √ ( ̂)]
L’hypothèse faite sur la distribution des provisions repose le plus souvent sur la structure des
risques étudiés. On préférera la loi normale pour modéliser un risque présent sur une courte
durée alors qu’un risque se manifestant sur le long terme suivra une loi log-normale.
2.2.2.2. Les modèles linéaires généralisés
Ces modèles sont une généralisation du type de modèle proposé par Mack. Dans ces
modèles, on suppose que les montants , définis comme étant les paiements non
cumulés, sont distribués selon une certaine loi, qui dépend de trois paramètres du triangle
des paiements : l’année d’origine , l’année de développement et l’année calendaire .
Les modèles linéaires généralisés (ou GLM) sont en fait une extension des modèles linéaires
27 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
simples qui reposaient principalement sur une loi normale. Les GLM s’appuient sur trois
composantes :
La composante aléatoire ;
La composante déterministe ;
La fonction lien.
La composante aléatoire du modèle concerne les hypothèses faites sur les montants de
paiements non cumulés . On suppose que la loi suivie par ces variables aléatoires est du
type exponentiel :
( ) { ( )
⁄ ( )}
Avec
et sont des fonctions définies à l’avance, selon la distribution souhaitée (loi
normale, loi de Poisson, etc.), telles que soit deux fois dérivable à valeurs dans et
à valeurs dans ;
est un paramètre dit « naturel » en lien avec la moyenne des ;
est un paramètre de dispersion en lien avec la variance des ( ) ;
permet la pondération des données (que l’on pourra poser égal à 1).
Remarque : On utilise parfois une fonction de dispersion en lieu de l’expression
« ⁄ » dans la densité ( ( ) { ( )
( )}).
Cette modification permet d’introduire plus de finesse au modèle.
.
Il faut supposer de plus, que les paiements sont indépendants. Dans ce
cas, on peut exprimer la moyenne et la variance des variables aléatoires comme suit :
( ) ( )
( ) ( ) ( )
Avec la fonction variance telle que ( ) ( ) (
( )).
La composante déterministe, également appelée composante systématique, est une
variable permettant de faire intervenir les variables explicatives du modèle. On parle de
28 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
prédicteur du modèle. Lorsque l’on utilise un modèle GLM pour calculer des provisions
techniques, ce prédicteur (score) est en règle générale :
additif ou linéaire : { }
multiplicatif : { }
Avec , est la variable explicative de l’année d’origine , celle de l’année de
développement et celle de l’année calendaire
Remarque : La composante déterministe est une combinaison linéaire des variables
explicatives.
La fonction lien représente la relation entre la composante aléatoire et la composante
déterministe. La fonction de lien est une fonction inversible, strictement monotone et
dérivable :
( ( )) ( )
Il existe de nombreuses fonctions de lien. On choisit la fonction de lien en fonction du type
de variable à expliquer, c’est-à-dire en fonction de la loi de (qui permet de
déterminer ). La table ci-après (figure 7) présente les lois utilisées fréquemment.
Entre autres, l’un des premiers modèles GLM à avoir été mis en place est le modèle de
Poisson développé par Renshaw et Verrall (1998) [6]. Le modèle poissonnien suppose que la
somme des montants de paiements de chaque année de développement est positive
∑ { }.
Il est de plus supposé que les variables aléatoires suivent une loi de Poisson :
( ) { }
Remarque : Le paramètre d’une loi de Poisson correspond à son espérance et sa variance
(le paramètre de dispersion ).
fonction loi fonction variance
fonction identité g(µ)= µ Normale V(µ)= 1
fonction réciproque g(µ)=-1/ µ Gamma V(µ)= µ²
fonction logarithme g(µ)= ln(µ) Poisson V(µ)= µ
fonction logit g(µ)= ln(µ/(1-µ)) Binomiale ou Bernoulli V(µ)= µ(1-µ)
Figure 7 : Lois de probabilité principalement utilisées et fonctions de liens associées
29 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
La composante déterministe est ici linéaire ( { }) et la
fonction de lien est la fonction logarithme. On a ainsi :
( ) ⇔ { }
Afin d’estimer les paramètres , la méthode du maximum de vraisemblance peut être
appliquée. C’est une méthode classique consistant à optimiser la probabilité d’obtenir les
données observées. Pour cela il faut maximiser la densité de probabilité jointe du modèle,
aussi appelée fonction de vraisemblance.
Les estimations ̂ ̂ et ̂ peuvent conduire au calcul d’un intervalle de confiance pour
chacun des paramètres .
Après avoir obtenu l’estimateur ̂ (et son intervalle de confiance), qui résulte de ̂ ̂ et ̂ ,
la provision totale est estimée comme suit :
( ̂ ) ∑ ̂
∑ ̂ ̂ ̂
{ }
( ̂) ∑ ( ̂ )
Remarque : Pour ce modèle, la variance des variables aléatoires est égale à leur espérance.
Le modèle de Poisson sur-dispersé permet de supprimer cette contrainte. Soit
⇔ ⁄ et ;
La moyenne et la variance sont maintenant connues. Il est possible de déterminer un
intervalle de confiance pour les variables aléatoires , qui permettra de donner une région
de confiance pour la provision totale.
2.2.2.3. Le Bootstrap
C’est une méthode de provisionnement non paramétrique. Cette technique met en avant
l'estimateur des provisions. Elle consiste à reproduire un échantillon initial par tirage
aléatoire. La répétition de cet échantillon va permettre des analyses sur la variabilité des
montants de sinistres. Le Bootstrap permet l’estimation des provisions sans avoir besoin de
déterminer les valeurs statistiques comme la variance, qui sont difficiles à obtenir
explicitement. Comme pour toutes les méthodes stochastiques, il est possible de construire
un intervalle de confiance de la provision totale.
30 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Les étapes du modèle sont énumérées ci-après.
Détermination du triangle de paiements prédit à partir de celui observé
Durant cette étape, il suffit en fait de calculer les coefficients de développement selon une
méthode déterministe telle celle de Chain-Ladder. Il faut ensuite appliquer la technique du
« backward engineering » qui consiste à prédire les montants des triangles cumulés à partir
des dernières valeurs observables (éléments de la dernière diagonale) :
avec { }.
Calcul des Résidus de Pearson
L’étape suivante consiste à calculer ce que l’on appelle les résidus de Pearson. Ces résidus
sont d’espérance nulle. Soient les données du triangle de paiements observé et ̂ les
valeurs estimées du triangle prédit, on aura ainsi pour les Résidus :
̂
̂
√ ̂
Ré-échantillonnage du triangle de résidus de Pearson
A partir du triangle des résidus, il faut effectuer un échantillonnage répété. En effet, le
triangle des résidus va servir de base à la création de nouveaux triangles de résidus,
étant le nombre de simulations souhaitées. Un tirage aléatoire avec (ou sans) remise est
effectué sur les données du triangle de résidus et permet la création d’un nouveau triangle.
Les données du triangle initial sont alors permutées. Le tirage se fait généralement sous une
loi uniforme.
Calcul des triangles de paiements et de montants cumulés à partir des nouveaux
résidus
Les triangles de paiements sont calculés à partir des échantillons déterminés à l’étape
précédente. Il suffit d’inverser la formule des résidus pour obtenir les triangles de paiements
estimés :
̂ ̂ √ ̂ ̂
31 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Il est maintenant facile de déterminer les triangles de paiements cumulés qui seront la base
du provisionnement.
Application de la méthode déterministe utilisée dans la première étape
La méthode déterministe utilisée pour le « backward engineering » est reprise à cette étape
sur chacun des échantillons de triangles de montants cumulés. Les provisions globales à
effectuer pour chacun des triangles sont calculées comme suit :
∑
Avec i Є {1,…, n}.
est le vecteur des provisions globales pour les échantillons.
Etude statistique sur les échantillons nouvellement créés
On va maintenant pouvoir étudier ces échantillons de provisions. Il est ici intéressant de faire
apparaître la moyenne des provisions, l’écart-type, et l’intervalle de confiance.
Figure 8 : Schéma récapitulatif du Bootstrap
32 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
La méthode du Bootstrap donne une distribution de la loi des provisions et pas uniquement
une moyenne ou une valeur certaine.
2.2.2.4. Conclusion
Les méthodes stochastiques sont des modèles de provisionnement permettant de mesurer
la volatilité des provisions estimées. Grâce à ces méthodes, il est possible de construire des
intervalles de confiance par l’étude de la distribution de la provision. L’utilisation des
modèles stochastiques est justifiée par le besoin d’appréciation d’un Best Estimate sous la
directive Solvabilité II : sous cette directive, l’incertitude calculée doit être la plus faible
possible, il est alors indispensable de mettre en place un modèle qui réduise cette
incertitude le plus possible.
33 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Partie II : Evaluer
l’incertitude
Les méthodes conventionnelles présentées dans les chapitres précédents
comportent un certain degré d’incertitude qui rend parfois ces méthodes inappropriées pour
le calcul des provisions mathématiques. Les méthodes déterministes, basées sur des
analyses statistiques, peuvent être biaisées par des facteurs externes, amplifiant
l’incertitude des estimations de provisions. En outre, même les modèles stochastiques sont
exposés aux imprécisions, notamment par le biais des intervalles de confiance que ne
permettent pas d’évaluer complètement l’incertitude du calcul des provisions. De ce fait, les
résultats exprimés dans ces différentes méthodes sont parfois non fiables. Par ailleurs, une
erreur dans le calcul des provisions peut augmenter le risque de faillite de l’entreprise, ou du
moins accroître le risque d’un déficit financier.
Il est donc nécessaire de quantifier avec précision cette incertitude. Récemment, plusieurs
études menées sur les ensembles flous (Andrés Sánchez et Terceño Gómez (2003) [24]) ont
permis l’évaluation de l’incertitude dans les calculs des provisions mathématiques.
Après une introduction aux ensembles flous, nous étudierons l’application de ces ensembles
aux méthodes de calcul des provisions pour sinistres à payer. Nous verrons tout d’abord
l’adaptation de la méthode de Chain Ladder aux ensembles flous, puis nous étudierons les
méthodes de régression floue, avec notamment la mise en place de la combinaison entre les
ensembles flous et la méthode London Chain.
34 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
1. Chapitre 1 : Les ensembles flous
La théorie des ensembles flous est une notion introduite en 1965 par le scientifique
azéri Lotfi Zadeh [11] en réponse à l’inadaptation de la théorie des ensembles classiques aux
notions vagues rencontrées dans de nombreux domaines scientifiques. C’est une
généralisation de la théorie des ensembles classiques. En fait, la théorie des ensembles
classiques n’est qu’un sous-ensemble de la théorie des ensembles flous.
Dans la théorie des ensembles classiques, il n’y a que deux situations possibles pour un
élément : appartenir ou ne pas appartenir à un ensemble. Toutefois, en réalité, due à
l’insuffisance des connaissances ou à l’imprécision des données, il n’est pas toujours évident
de déterminer si un élément appartient ou non à un ensemble. La notion développée dans la
théorie des ensembles flous permet une appartenance « pondérée » d’un élément à
plusieurs ensembles considérés comme exclusifs en théorie des ensembles classiques. La
théorie des ensembles flous rend alors possible la prise en compte des imprécisions et
incertitudes. Ainsi, dans un sous-ensemble flou, une condition peut sortir de la logique
booléenne : elle n’est pas dans l’absolu soit vraie soit fausse.
Soit un ensemble non vide. Un sous-ensemble flou ̃ de est caractérisé par sa fonction
d’appartenance :
̃ [ ]
̃ représente le degré d’appartenance de l’élément au sous-ensemble ̃ , pour
tout . La fonction est comparable à la fonction caractéristique dans la théorie des
ensembles classiques.
Ainsi pour appartenant à , on aura ̃ si n’appartient pas à ̃, ̃ si
appartient partiellement à ̃ et ̃ si appartient à ̃. Le sous-ensemble ̃ est
déterminé par : ̃ {( ̃ )| }
Par ailleurs, si l’ensemble est un ensemble fini tel que { }, on notera
̃ ⁄ ⁄ avec la fonction d’appartenance se rapportant à l’élément ,
Prenons l’exemple de la fonction d’appartenance représentant l’appréciation « bon
marché » d’un produit. Cette opinion concernant le prix du produit peut s’étaler sur
35 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
plusieurs valeurs et dépendre de la qualité de vie de la personne qualifiant le produit de
« bon marché ». De fait, une voiture peut être considérée comme « bon marché » pour un
prix inférieur à 2 000 €. Puis cette définition « bon marché » diminuera avec l’augmentation
du prix. On peut ainsi obtenir la fonction d’appartenance de la condition « bon marché » en
figure 9 :
Lorsque les ensembles flous représentent des concepts linguistiques, comme la qualité
« bon marché » dans l’exemple ci-avant, ces ensembles sont appelées variables
linguistiques. Un des intérêts de la logique floue pour formaliser le raisonnement humain est
que les règles sont énoncées en langage naturel.
La forme mathématique de la fonction d’appartenance et ses paramètres sont choisis
arbitrairement à dires d’experts ou en réalisant des études statistiques. Les fonctions
d’appartenance sont généralement simples et sont fréquemment linéaires. Il est néanmoins
nécessaire que ces fonctions soient cohérentes avec la représentation conceptuelle que l’on
en a : le degré de certitude calculé par la fonction d’appartenance d’un élément considéré
comme « élevé » ne doit pas être inférieur au degré de certitude d’un élément « faible ». En
reprenant la notion de « bon marché », il n’est pas envisageable que le degré de certitude
équivalent à un prix de 12 000 € soit supérieur au degré de certitude équivalent à un prix de
2 000 €.
Enfin, les ensembles classiques étant des sous-ensembles d’ensembles flous, on peut
observer que, si l’ensemble ̃ est classique alors sa fonction d’appartenance est une
indicatrice :
̃ { ̃
̃
Figure 9 : Exemple de fonction d’appartenance de la qualité « bon marché » d’une voiture
36 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
1.1. Définitions importantes
Les définitions suivantes présentent les caractéristiques usuelles des ensembles flous.
La hauteur d’un sous-ensemble flou ̃ de l’ensemble correspond à la borne supérieure
de ̃, on la note généralement ( ̃) : ( ̃) { ̃ }
Le sous-ensemble ̃ est normalisé si et seulement si il existe un tel que ̃ .
̃ est donc normalisé si et seulement si ( ̃) . En pratique, il est extrêmement rare de
travailler sur des ensembles flous non normalisés.
Le support du sous-ensemble ̃, noté ( ̃), est l’ensemble des éléments de dont
l’appartenance à ̃ est non nulle : ( ̃) { ̃ }
Le noyau de ̃ est défini comme étant l’ensemble des éléments appartenant totalement à
̃ : ( ̃) { ̃ }.
Le cardinal du sous-ensemble flou est le nombre d’éléments appartenant à ̃ pondéré par
leur degré d’appartenance : | ̃| ∑ ̃ dans le cas où ̃ est un sous-ensemble fini, et
| ̃| ∫ ̃
lorsque est continu.
Une -coupe du sous-ensemble flou ̃ de , noté [ ̃]
, est un sous-ensemble classique
défini par :
[ ̃] { ̃ } ] ]
Prenons par exemple, l’ensemble fini { }. On définit le sous-
ensemble flou ̃ ⁄ ⁄ ⁄ ⁄ ⁄ ⁄ ⁄
[ ̃] {
{ } ] ] { } ] ]{ } ] ]
L’ -coupe peut être interprétée comme un intervalle fermé :[ ̃] [ ̃ ̃ ] avec
̃ { ̃ } et ̃ { ̃ }
Un ensemble flou ̃ est convexe si l’α-coupe [ ̃]
est un sous-ensemble convexe de
[ ] : [ ] ̃ ( ̃ ̃ )
37 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
1.2. Exemples d’ensembles
On rencontre de nombreux ensembles flous, toutefois, les ensembles les plus
couramment utilisés sont les représentations triangulaires et trapézoïdales.
1.2.1. Ensemble trapézoïdal
Un ensemble flou trapézoïdal ̃ est composé de trois paramètres : l’intervalle de tolérance
[ ] et les écarts et On notera l’ensemble trapézoïdal ̃ On parlera ici
d’intervalle flou pour définir les ensembles flous trapézoïdaux. Soit appartenant à ̃, on dit
que « appartient approximativement à l’intervalle [ ] ».
Le support d’un ensemble flou trapézoïdal est l’intervalle [ ] et le noyau
l’intervalle [ ] La fonction d’appartenance ̃ (cf. figure 10) est la suivante :
̃
{
L’α-coupe [ ̃] de cet ensemble trapézoïdal est de la forme :
[ ̃] [ ] [ ]
Noyau
Figure 10 : Fonction d’appartenance classique d’un ensemble flou trapézoïdal
38 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
1.2.2. Ensemble triangulaire
A l’instar des ensembles flous trapézoïdaux, l’ensemble triangulaire est fréquemment utilisé
et comporte là encore 3 paramètres : le centre ou mode , l’écart gauche et l’écart droit
tels que . Un ensemble flou triangulaire peut être représenté de différentes
manières. Par exemple, on peut écrire ̃ 〈 〉 Toutefois on préférera la
notation ̃
La fonction d’appartenance d’un ensemble flou triangulaire est continue et affine par
morceaux et . Le noyau de l’ensemble est donc réduit au singleton { }.
On peut aisément constater que le support d’un ensemble flou triangulaire est l’intervalle
[ ]
La fonction d’appartenance (cf. figure 11) est de la forme :
{
L’α-coupe [ ̃]
de l’ensemble se détermine naturellement et se présente sous la forme de
l’intervalle suivant :
[ ̃] [ ̃ ̃ ] [ ] [ ]
On ne parle plus d’intervalle flou mais de nombre flou. Ces nombres flous sont un cas
particulier des intervalles flous : l’intervalle de tolérance est restreint à un singleton.
Noyau
Figure 11 : Fonction d’appartenance d’un ensemble flou triangulaire
39 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Remarque : Les nombres flous font généralement référence à des sous-ensembles flous
d’ensemble de nombres réels : ainsi les termes comme « proche de zéro »,
« environ 100 » sont des nombres flous.
Un nombre flou ̃ est dit « non-négatif » si et positif si . Lorsque les
écarts sont nuls, le nombre flou ̃ est un nombre réel (cf. figure 12).
1.3. Propriétés et opérations sur les ensembles
Il est souvent nécessaire d’effectuer des sommes ou des produits de nombres connus
de façon imprécise (si les sinistres relevés dans une année sont environ de quel est le
montant approximatif à provisionner ?). Il faut alors passer les opérations arithmétiques
classiques sur les nombres réels à des opérations similaires sur les ensembles flous.
1.3.1. Propriétés classiques
Soient ̃ et ̃ deux sous-ensembles flous de l’ensemble classique . Comme pour les
ensembles classiques, ̃ et ̃ sont égaux si ̃ ̃ et ̃ ̃ . Et on aura ̃ ̃ si et
seulement si ̃ ̃
Le sous-ensemble flou vide d’un ensemble classique est aussi défini :
A l’inverse, le plus grand sous-ensemble de , noté , est tel que Cet
ensemble est appelé l’ensemble universel flou de .
Soient ̃ et ̃ deux sous-ensembles flous de l’ensemble classique Les opérateurs union et
intersection des deux ensembles sont définis par leurs fonctions d’appartenance :
̃ ̃ ( ̃ ̃ ) ̃ ̃ ( ̃ ̃ )
Figure 12 : Comparaison de fonctions d’appartenance d’un nombre flou et d’un nombre réel
40 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
En supposant que ̃ et ̃ sont deux nombres flous (sous-ensembles flous triangulaires), on
peut observer l’union et l’intersection de manière graphique (figure 13) :
Les propriétés de commutativité, distributivité et associativité sont également vérifiées pour
les opérateurs flous.
Par ailleurs, l’α-coupe de l’union (respectivement intersection) des ensembles flous sont
définies comme étant l’union (respectivement intersection) des α-coupes : [ ̃ ̃]
[ ̃] [ ̃] et [ ̃ ̃]
[ ̃]
[ ̃] .
On définit aussi le complémentaire d’un ensemble flou ̃ noté ̃ tel que
̃ ̃ On a bien ( ̃) ̃ Cependant, l’ensemble
complémentaire ne vérifie pas les propriétés de l’union et de l’intersection :
̃ ̃
̃ ̃
Par exemple, soit ̃ l’ensemble flou de fonction d’appartenance ̃ :
̃ ̃ ( ̃ ̃ )
̃ ̃ ( ̃ ̃ )
Un élément peut donc appartenir à un ensemble flou ̃ et à son complémentaire ̃
Le complémentaire vérifie tout de même les relations de Morgan, à savoir :
( ̃ ̃) ( ̃) ( ̃) ( ̃ ̃) ( ̃) ( ̃)
1.3.2. Principe d’extension
Les opérations arithmétiques peuvent s’appliquer aux ensembles flous, selon le principe
d’extension de Zadeh.
Figure 13 : Union et intersection de deux ensembles flous
41 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
Soient et deux ensembles classiques et une fonction de vers . Si ̃ est un sous-
ensemble flou de , alors l’image de ̃ par est définie par :
{ ̃ { ̃ }
Et par généralisation, on peut adapter ce principe pour calculer l’image de plusieurs sous-
ensembles flous. En posant soient ̃ et ̃ deux sous-ensembles de :
̃ ̃ ̃ ̃{ ( ̃ ̃ ) | }
On peut ainsi définir la somme et la multiplication de deux ensembles flous :
̃ ̃ ̃ ̃{ ( ̃ ̃ ) | }
̃ ̃ ̃ ̃{ ( ̃ ̃ ) | }
Ces calculs arithmétiques sont particulièrement utiles dans le développement des nombres
flous et des intervalles flous.
En effet, prenons ̃ et ̃ , deux nombres flous positifs, la somme, la
différence et le produit sont définis de la façon suivante :
{
̃ ̃
̃ ̃
̃ ̃
Il est de surcroit possible de calculer l’inverse d’un nombre flou, et donc le quotient de deux
nombres flous.
̃⁄ (
)
Les résultats de ces opérations sont prouvés en annexe C.
Exemple : Soient ̃ et ̃ deux nombres flous,
̃ ̃
̃ ̃
̃ ̃
̃ ̃⁄ (
)
42 M. BERGERON - Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire d’actuariat de l’ISFA - 2014
On retrouve ci-dessous (figure 14) la représentation graphique de la somme et la de
différence entre ̃ et ̃
1.4. Espérances et incertitudes
Pour déterminer les différentes mesures de probabilité comme l’espérance ou la
variance, il est nécessaire de présenter la notion de « variable floue » et de sous-ensemble
aléatoire flou. D’après Kwakernaak (1978) [13], une variable aléatoire floue est une vague
perception d’une variable aléatoire réelle.
Une variable aléatoire floue ̃ est une application d