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Pour Pascal, Myriam, Dog, Gilles, Vautour, Séverine,... pour que leurs rêves ne soient plus souffrances. La documentation Française : Jeunes en errance et hébergements festivaliers

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Pour Pascal, Myriam, Dog, Gilles, Vautour, Séverine,...pour que leurs rêves ne soient plus souffrances.

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Avant-propos, par David Le Breton p. 4

Introduction p. 8

Histoire de la recherche-action p. 11

Dynamiques individuelles et collectives des jeunes en errance p. 25

Accueils festivaliers p. 39

Démarches de prévention p. 50

Conclusion p. 58

Bibliographie indicative p. 61

Equipes de recherche p. 64

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AVANT PROPOS

David Le Breton

Université Paris X-Nanterre

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La zone est cet espace sans lieu où n'existent que des passages. Nifugueurs, ni clochards, jeunes encore, ses protagonistes vivent dans lesinterstices du lien social, là où les mailles se relâchent et dessinent desterrains vagues, aux significations indécises, aux usages suspendus oudétournés, rendus disponibles à l'appropriation de ces nomades de lamodernité dont le nombre fait masse et induit une visibilité qui troubleles sensibilités collectives. L'indifférence aux chemins, aux lieux,l'existence dans la seule transition, imposent à ces jeunes d'être toujoursen instance. Ils n'ont pas trouvé leurs demeures d'homme ets'établissent au sein d'un monde où ils ne cessent de différer leurnaissance. Ils vivent dans l'entre-deux du temps et de l'espace,suspendu entre soi et l'autre. Tout est égal, seules des intensitésprovisoires sortent de l'ordinaire, quelques heures, quelques jours, pourretomber vite dans la grisaille. Le monde ne leur est rien, leur identitéreste elle même inconsistante, toujours en voie de se cristalliser maisdéfaite un moment plus tard.Leur existence manque du manque qui leur permettrait de s'affronter àune réalité plus investie et d'y prendre leur place. Le vide de la routen'exerce aucune passion. Pas de but à l'errance sinon l'errance ellemême. Le jeune est dans le décrochage social, en souffrance, comme ondit d'une lettre n'ayant pas atteint son destinataire. Il ne trouve sa placenulle part, contraint à partir ailleurs à peine arrivé, saisi dans une"déambulation addictive" ( B. Brusset). Mal dans sa peau elle même, sonpropre corps n'est pas un lieu d'investissement, mais plutôt un poidsencombrant et souvent douloureux à cause de son mode de vie, del'absence fréquente de soins, et des conséquences physiques de son goûtpour l'alcool et autres toxiques dont il fait un usage immodéré.Privilégier l'espace au détriment du temps, le déplacement à l'encontredu projet, la déambulation au lieu de la pensée, amortir le désir ensatisfaction malaisée des besoins physiologiques journaliers sanschercher au delà. L'écrasement du temps sous la seule forme du présentse substitue à une impossible temporisation, à une projection de soi dansla durée interdite par un sentiment d'identité trop labile. L'errance estune pathologie du temps, née de l'impossibilité de faire sa demeure dela durée. L'immédiat emporte tout et explique les décisions inattendues

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malgré les propos tenus quelques heures plus tôt : la saisie de l'occasionamène un nouveau départ, l'installation dans un squat ou la rupturebrutale avec les anciens compagnons après la découverte d'un vol ou lanaissance d'un conflit sur un sujet futile.

L'enquête sur le terrain avec les méthodes de l'observation participantea permis le recueil d'un certain nombre de faits, et notamment laprésence sur les lieux festivaliers de nombreux jeunes en difficulté quimaintiennent encore tant bien que mal une inscription dans le tissusocial, mais que fascinent les modes de vie des adultes rompus à la zone.Pour ces jeunes en quête de repères, il y a là matière à identificationvirtuelle (fantasmes d'échapper aux contraintes, d'être libre, deconsommer à sa guise des produits illicites...). Adossées à une relationdifficile aux parents, une fréquente déscolarisation, une dépressionadolescente mal perçue par l'entourage, les conditions sont réunies pourfavoriser la rupture définitive et engager le jeune sur un chemindouloureux. "L'idée de mettre en place un dispositif d'observation,d'écoute et de soutien articulé avec un dispositif de formationd'intervenants sociaux s'est alors développée" rappelle FrançoisChobeaux.Pour nouer une relation éducative (voire même thérapeutique) avec cesjeunes souvent hostiles aux travailleurs sociaux et qui glissent enpermanence entre les mailles de la vie sociale, il convient d'inventer desformes nouvelles de travail social, rusant avec les systèmes de défense,préservant la dignité des jeunes, mais répondant malgré tout à lasouffrance qui se laisse parfois entrevoir. dans cette recherche-action lesCEMEA restent fidèles à leur histoire, se souvenant que Jean Vilarsollicitait leur aide à Avignon à la fin des années cinquante pour l'accueilet l'hébergement de la foule des jeunes attirés par le festival. Laphilosophie sociale des CEMEA s'applique ici à un "humanitaire national",sans fracas médiatique, ni fausse pudeur, avec humilité et efficacité. Latâche, difficile, d'accueillir et de veiller à l'hébergement de centaines dejeunes "zonards" venus aux festivals ne se confond en rien à la seuleprise en charge des problèmes d'intendance. Ces jeunes dont latrajectoire de vie est au seuil de la rupture si la fascination envers le

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mode de vie de leurs aînés en errance se fait trop vive, ou qui sont déjàau delà de la ligne d'ombre, mais hantés par le désir "d'en sortir", latâche est de les atteindre sans éveiller la méfiance et la prévention dontles travailleurs sociaux sont l'objet. Une équipe pluridisciplinaire investitles locaux, sachant non seulement balayer ou faire la vaisselle, maisaussi écouter, apaiser, instaurer des règles, introduire une ritualitécommune pour rendre propice le lien social, veiller à l'hospitalité deslieux.Là, à la faveur de ce cadre, outil entre les mains des acteurs du projet, senouent des relations d'aide, d'apaisement, des conseils se prodiguent,notamment "lorsque les jeunes viennent exprimer à un membre del'équipe présente leur souffrance de s'être fait voler de l'argent, despapiers d'identité, des vêtements, ou un sac de couchage par despersonnes appartenant à cette population qui les fascine et les attire". Demême lorsque les effraient les débordements de ceux qui sont sous leseffets des drogues ou de l'alcool. "Il s'agit dans les deux cas de les aiderà faire le point entre ce qu'ils imaginent de cette vie et ses réalités, sanspour autant insister sur l'effet repoussoir de cette réalité qui les attend,au risque de les renforcer dans leur opposition aux avis issus du mondedes adultes".Cette belle expérience montre cependant la difficulté de nouer unerelation éducative en si peu de temps, ces quelques jours d'un festival,mais la lecture de ce rapport pointe finalement l'émergence d'autresformes d'efficacité qui ne peuvent s'évaluer à l'aune habituelle. Noussommes ici dans l'invention, dans une éthique de la relation qui ne semesure pas au temps qu'elle dure, mais à l'intensité qui l'a traversée.Quelques minutes passées à soulager un jeune à qui on a volé sonblouson, ou à le soigner après une chute, prennent parfois un poidsd'existence, rappelant au jeune, ou lui révélant enfin, sa valeur plénièred'homme, sa dignité incontestable. Loin des grandes orgues, mais àl'écoute de la souffrance du quotidien, un travail silencieux se mèneautour de quelques mots, d'une poignée de gestes, d'un regard, d'untemps partagé, mais la remise au monde tient parfois à un souffle.

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INTRODUCTION

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Ils sont âgés de seize à trente ans. Accompagnés de leurs chiens, vêtus,coiffés et parés selon les règles esthétiques des groupespunks ou babasvers lesquels vont leurs adhésions culturelles, en petits groupesinformels, souvent dans des états seconds liés à l'utilisation massived'alcools et de toxiques divers, ils errent toute l'année de festivals enfestivals, de gares en gares, de permanences d'associations caritatives ensquatts hivernaux.Ils ne sont pas "fugueurs", ou très peu, car pratiquement tous sontmajeurs, pas "clochards" car ils rejettent cette image sociale etl'appellation de "sans domicile fixe" qui est son corollaire, pas non plusroutards comme l'étaient ces jeunes des années soixante-dix car leursitinéraires sont largement le fait du hasard et se limitent à l'hexagone oupour quelques uns à quelques brefs passages intéressés en Hollande ouau Maroc. Ils se qualifient dezonards, acteurs d'unezone revendiquée,style de vie qu'ils disent avoir consciemment choisi dans une recherchede liberté et de convivialité pour mettre leurs actes en accord avec leurpensée.

La rencontre avec ces jeunes dans des festivals de musique et de théâtreet dans les lieux d'accueil et d'hébergement provisoire qui y sontorganisés et gérés pour l'occasion, les acquis de nombreux entretienstenus avec eux à diverses heures du jour et de la nuit, l'observation deleurs comportements de groupes et l'écoute attentive et chaleureuse deleurs soucis et de leurs rêves qui déclenche très vite des flots deconfidences et d'appels font cependant penser que la réalité de leur vieest nettement moins belle que la fiction qu'ils en présentent. La vie dezonard est beaucoup plus pour eux la fuite en avant douloureuse etdésespérée d'une souffrance individuelle impossible à gérer et àdépasser, que la mise en acte du choix d'un mode de vie épanouissantfait d'hédonisme et de liberté.Ce constat de souffrance effectué il s'agissait alors de mieux connaîtreles dynamiques individuelles et collectives de ces jeunes pour parvenirà savoir comment il était possible d'intervenir dans celles-ci pour lesaider à les enrayer. Il s'agissait également d'expérimenter des modesd'approche qui permettent d'entrer en relation avec eux de la façon laplus sincère et la plus approfondie possible, et de commencer à

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expérimenter comment ces premières approches situées dans des lieuxet des moments inhabituels et exceptionnels pouvaient déjà elles-mêmes contribuer à générer des dynamiques d'interrogation et demobilisation. Il s'agissait aussi de tester des modes d'organisationsmatérielles propres à satisfaire en même temps et de façon cohérenteles attentes et les besoins de ces jeunes en matière d'aides concrètes àl'organisation de leur vie quotidienne, les attentes de municipalitésayant à gérer à la fois leurs responsabilités quant à la tranquillité et à lasécurité publique et leurs approches humanistes de ces jeunes vivantdes problèmes sociaux difficiles, et des volontés d'installer desinterventions éducatives de qualité n'évacuant pas les difficultés etcherchant à innover dans de nouvelles formes d'approches spécialisées.Cette recherche-action réfléchie en 1991 et engagée à partir de 1992 apermis de répondre à nombre de ces questions et nombre de cesvolontés. En voici les aventures, les acquis et les perspectives futures.Conduit sur le terrain par une association de Jeunesse et d'EducationPopulaire, ce travail n'aurait pas eu lieu sans l'attention et l'intérêt qu'yont apporté les élus et les cadres administratifs des mairies de Bourgeset d'Aurillac, les acteurs associatifs, les travailleurs sociaux et lesprofessionnels de santé de ces deux villes, ainsi que les responsables etles personnels des services départementaux de l'Etat dans le Cantal et leCher. Elle n'aurait pas non plus eu lieu sans la confiance et le soutienfinancier du Ministère de la Jeunesse et des Sports et de la DélégationGénérale à la Lutte contre la Drogue et les Toxicomanies. Que tous ensoient remerciés ici.

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HISTOIRE DE LA RECHERCHE-ACTION

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Pourquoi, et comment, un organisme de formation et de recherche enéducation en est-il arrivé à conduire ce type d'actions dans les festivals?Questions régulièrement posées par des interlocuteurs à la foisintéressés et surpris, qui ne connaissent les CEMEA que par leurs actionsdans le domaine des vacances et des loisirs collectifs de mineurs. Quefait cette association dans des festivals de musique et de théâtre, et quiplus est auprès des jeunes marginaux de ces festivals ? Comment en est-elle arrivée à proposer aujourd'hui aux villes festivalières de réfléchiravec elles sur leurs modes de gestion de ce public assez particulier ?Il faut repartir de l'histoire de cette association, de son histoirefondatrice, de l'histoire de ses présences dans des villes festivalières etde son histoire dans le secteur de l'intervention sociale spécialisée pourtrouver et pour comprendre les logiques profondes de cet intérêt et decette présence. Il faut également reprendre son histoire institutionnelleplus proche pour comprendre pourquoi ces actions auprès de ces jeunesont été développées et structurées à partir de 1991. Il faut, enfin, suivrepas à pas, de festivals en festivals, l'histoire de ses projets d'action endirection de ce public et l'histoire des réalisations effectuées.

Les CEMEA ont été créés en 1937 par des pédagogues de terrain et pardes chercheurs investis dans un domaine que l'on n'appelait pas encoreles Sciences de l'éducation. Il s'agissait alors de créer des stages deformation pour répondre aux besoins en moniteurs de colonies devacances posé par le développement de ces structures qui prenaient uneforte ampleur dans la dynamique des acquis sociaux du Front Populaire.Il s'agissait donc de mettre en oeuvre au plus près des pratiques deterrain un système de formation novateur, adapté à des besoins sociaux,culturels et éducatifs en devenir, en ancrant ce système sur des basesmilitantes faites d'une volonté de diffusion d'une philosophie humanistede la relation éducative. Les militants des CEMEA étaient dès cetteépoque non seulement des formateurs mais également à la fois despraticiens de l'organisation et de l'animation des formules d'accueil

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auxquelles ils formaient et des acteurs du développement qualitatif deces accueils.1

Cet investissement militant inscrit dans le courant pédagogique del'Education Nouvelle et cette compétence à mettre concrètement enoeuvre des modes de vie collective à la fois respectueux des personneset facilitateurs de relations interpersonnelles ont été repérés aprèsguerre par de jeunes psychiatres inscrits dans le courant critique etrénovateur de la psychiatrie française. Ceux-ci ont demandé dès 1949aux CEMEA d'intervenir dans les services dont ils avaient laresponsabilité pour y mettre en oeuvre des actions de formation àdestination des infirmiers psychiatriques. Il en est découlé pour lesCEMEA le développement d'un nouveau secteur de travail etd'intervention centré sur la santé mentale, porté par des professionnelset des personnes intéressées. Comme dans le premier secteur fondateurdes vacances collectives d'enfants, les militants investis dans ce nouveauchamp d'intervention se sont préoccupés à la fois de l'organisation desessions de formations pour les intervenants et du développementd'actions de terrain au sein même de leurs lieux d'investissementsprofessionnels, pour agir ainsi sur les pratiques et peu à peu modifier laréalité des modes de soins et des conceptions de l'approche de lapathologie mentale.Cette dynamique d'extension des préoccupations par glissement d'unchamp d'intervention à un autre au sein du vaste secteur de la relationet de l'intervention éducative et sociale s'est ensuite reproduite avec lesecteur de l'éducation spécialisée en plein développement, et a encoreeu lieu il y a une quinzaine d'années avec l'investissement des CEMEAdans le champ de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes.Peu après leur ouverture vers les milieux professionnels de la santémentale, les CEMEA étaient appelés en 1959 en Avignon par Jean Vilarqui y avait créé le festival de théâtre dans l'immédiate après guerre. Làaussi l'appel reposait sur une connaissance de la compétence techniqueet des choix éducatifs de l'association ; il s'agissait ici d'organiser desmodes d'accueil et d'hébergement collectifs, chaleureux et de coûts

1Denis Bordat.Les CEMEA, qu'est-ce que c'est ?François Maspéro. 1976.

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modiques pour les jeunes qui venaient assister aux spectacles et pourque plus de jeunes puissent venir participer au festival. La réponse adépassé la demande, car, si des hébergements collectifs ont étéorganisés, ils ont été le point de départ d'un nouveau secteurd'intervention articulant l'accueil festivalier et la formation despectateurs actifs. La notiond'accompagnement des spectateursen estissue, où il s'agit de proposer à la fois des solutions techniques d'accueilà coût modéré et des aides à l'approche, à la compréhension et àl'autonomie dans le cadre de grands événements culturels. Les pratiquesavignonnaises ont ensuite essaimé à Bourges pour le festival de musiquedu Printemps, à La Rochelle à l'occasion des Francofolies, et à Aurillacpour le festival Eclat, festival européen de spectacles de rue, pour neciter que les actions les plus importantes actuellement.Les choix philosophiques et éducatifs des CEMEA, leurs compétencespour l'organisation de fonctionnements collectifs, leurs choix de lieuxd'investissement et leur intérêt pour toutes les personnes et tous lespublics se retrouvaient donc au croisement d'un intérêt apporté à laquestion de l'errance des jeunes rencontrés dans les festivals.Mais pourquoi à Bourges, et pourquoi en 1991 ? Les CEMEA y sontprésents et actifs depuis 1983 et y ont d'abord organisé deshébergements de jeunes dans des établissements scolaires et des actionsde mise en relation de ces jeunes avec l'événement par l'accès à unebilletterie à tarif collectif et par des rencontres avec les organisateurs,les techniciens et les artistes du festival. Ils y ont ensuite, en plus, prisen charge la gestion d'un lieu proposant à la fois un self-service et uncabaret-podium d'accès libre situés au coeur des espaces piétonniers dufestival. Les responsables et les équipes des centres d'hébergement ysont régulièrement sollicités par des jeunes désargentés qui leurdemandent de faire un bon geste en les accueillant gratuitement, et leshalls et les escaliers de ces établissements sont parfois occupés en coursde nuit par des jeunes qui viennent y dormir à l'abri. Les responsablesdu self et du cabaret sont, eux, régulièrement sollicités pour donner lesinvendus alimentaires à des jeunes désargentés au moment de lafermeture quotidienne, ce qu'ils font régulièrement. Le self et le cabaretsont également des lieux où ces jeunes passent, restent, attendent et se

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retrouvent. Ici encore l'attention apportée aux personnes, à toutes lespersonnes, joue à plein, et ces lieux tiennent de fait pour partie le rôlede lieux de régulation sociale même si cette fonction n'est pasofficiellement mise en avant par leurs responsables ni explicitementattendue par les organisateurs du festival. Les CEMEA ne sont pas lesseuls à porter attention à ces jeunes ; depuis la création du festival en1977 des responsables de celui-ci et de la ville de Bourges tolèrent laprésence de dormeurs dans les halls d'un grand bâtiment en chantier,puis organisent dans un gymnase un lieu d'hébergement nocturne pourles marginaux à partir de 1989 en en confiant la gestion à des étudiantset à des jeunes investis dans les associations locales.En fin d'année 1990 une réorganisation structurelle de la directionnationale des CEMEA crée une mission Jeunesse dont une des fonctionsest d'alimenter et de soutenir les réflexions et les actions de l'ensemblede l'association sur les questions d'enfance et de jeunesse. Cette missionest confiée à un professionnel de l'accompagnement de jeunes endifficulté d'insertion sociale, et chercheur sur les questions de lamarginalité juvénile. La rencontre concrète entre certains des axes detravail de cette mission, les attentions professionnelles de sonresponsable et les pratiques et constats des militants des CEMEA investisau Printemps de Bourges se fera durant le festival de Pâques 1991.

Le Printemps de Bourges 1991 est le lieu de la rencontre volontaire avecces jeunes au hasard d'heures d'errances passées dans les marges dufestivals sur les parkings, dans les espaces de déambulation, autour dessalles de spectacles, en ville et dans le gymnase municipal utilisé commelieu d'accueil nocturne. Il est également le lieu des premièresobservations des fonctionnements des groupes dans leurs dynamiquesinternes et dans leurs relations avec les festivaliers plus classiques etavec les forces de l'ordre. Il est aussi l'occasion de la rencontre desprofessionnels du Centre d'Ecoute et d'Accueil des Toxicomanes deBourges et du responsable des actions de prévention de la CaisseRégionale d'Assurances Maladie de la région Centre. Il est, enfin,l'occasion de proposer de réfléchir en commun à la directiondépartementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, au service de

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médecine préventive et sociale de la faculté parisienne de médecineSaint Antoine, à la direction départementale de la Jeunesse et des Sportset au chargé de mission Toxicomanie du Ministère de la Jeunesse et desSports.Une synthèse des observations proposant des pistes de travail pour uneintervention de fond est réalisée après le festival :l'observationd'adolescentes et d'adolescents se trouvant peu à peu dans la mouvanced'adultes marginaux (babas et punks) en démonstration placeSéraucourt1, suivie d'une série de rencontres et de contacts directs avecces jeunes, fait penser qu'ily à là un aspect du "problème jeunes" quin'est que peu pris en compte par les CEMEA et par le festival, qui peutêtre porteur de fortes difficultés pour les jeunes concernés, et sur lequelnous avons des compétences solides en matière d'analyse et de pratiquede terrain.Il s'agit d'une population "à risques" : on y pointe à chaque entretien desdifficultés relationnelles familiales (non communication, mésentente,couple parental déstructuré), des difficultés scolaires majeures (retardsimportants, scolarisation dans des filières sans issues positives,déscolarisation), des conduites personnelles où l'impulsivité se mêle àtout ce qui peut être support d'aventures fantasmées (fugues, fortesconsommation de toxiques licites et illicites).Les adultes marginaux présents au festival exercent une attirance surces jeunes en quête d'identification et ont sur eux un impact évident enmatière d'initiation à des pratiques et à des conduites marginales etmarginalisantes, d'où des risques non négligeables de rupture d'uncontinuum de vie laborieusement préservé jusque là.Une série de rencontre avec des professionnels de l'interventionsanitaire et sociale engagées avant le festival dans la phase d'étudepréalable et durant celui-ci montre une convergence d'accord sur cetteanalyse et un intérêt pour le montage d'une action de prévention menéede façon partenariale. La nature du cadre d'intervention reste à fixerdans sa précision : action en immersion s'appuyant pour partie sur un

1La place Séraucourt est le lieu central de déambulation des spectateurs du festivalde Bourges.

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lieu d'écoute organisé dans, ou hors, l'espace festivalier, ou s'appuyantsur un lieu d'accueil hors espace festivalier,...En juin 1991 les CEMEA donnent suite à ces observations en décidantd'engager un programme de recherche et d'intervention sur l'année1992.

Un projet de travail est rédigé et est proposé aux structuresd'intervention sociale locales, aux travailleurs sociaux investis dans lesCEMEA, à divers groupes de recherche et aux administrations concernéescomme base de réflexion pouvant amener à une interventionmultipartenariale. Il reprend les observations faites au Printemps deBourges 1991 en les faisant aboutir à des solutions techniques et à despropositions d'organisation préalablement évoquées avec quelques unsde ces partenaires potentiels :Le Printemps de Bourges est le lieu depassage de nombreux jeunes et moins jeunes, et le lieu d'errance et dereprésentation de marginaux adultes. L'observation des comportementsde ces adultes durant le Printemps 1991 a montré qu'ils étaiententourés d'adolescents aspirés et fascinés par leurs comportements,allant jusqu'à les copier dans les vêtements, les attitudes et les actes.Alcoolisation, clochardisation et toxicomanie en découlaient souvent.Des rencontres et des échanges avec ces jeunes ont montré nombre desituations de fragilité, sinon de détresse : mésentente familiale, courtesfugues, difficultés scolaires, conflits avec le monde des adultes,...L'observation et la réflexion font penser qu'il y à là, pour certainsd'entre eux, des possibilités de basculement dans des dérivesmarginales. L'idée de mettre en place un dispositif d'observation,d'écoute et de soutien articulé avec un dispositif de formationd'intervenants sociaux s'est alors développée.Ce dispositif devra permettre d'établir un contact direct avec les jeunesdans l'espace du festival (salles de spectacle, place Séraucourt, environsproches), en s'appuyant pour partie sur un lieu fixe permettant de faireexister des rencontres personnalisées, individualisées, et signifiantexplicitement l'existence de l'action.Les objectifs poursuivis porteront avant tout sur une recherched'efficacité concrète : éviter à des jeunes de s'engager dans unedynamique de marginalisation en leur proposant écoute, attention et

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soutien à un moment de fragilité. Il s'agira également de développer unerecherche sur les comportements et les dynamiques des jeunes enrisque de rupture sociale en orientant ce travail vers les conduites derisques et les pratiques de santé. La formation d'intervenants se ferapar une situation de découverte active de cette population de jeunes etpar la conduite d'enquêtes liées à l'approfondissement des connaissancesde leurs dynamiques individuelles et collectives, avec l'aide desresponsables de l'ensemble de l'opération.Les rencontres et les contacts professionnels se développent entre l'été1991 et Pâques 1992, et certaines des possibilités de partenariatsévoluent vers la mise en place de partenariats réels. Le département demédecine préventive et sociale de la faculté Saint Antoine s'engageactivement dans la préparation de sa présence au festival, le Centred'Accueil et d'Ecoute des Toxicomanes de Bourges cherche les solutionsmatérielles qui lui permettront de participer au travail, les servicescentraux et la direction départementale du ministère de la Jeunesse etdes Sports sont très intéressés et soutiennent le projet. La directiondépartementale du Cher de la Protection Judiciaire de la Jeunesse nedonne pas de suites aux contacts établis, et peu de temps avant lefestival la Caisse Régionale d'Assurances Maladie de la région Centrenous informe qu'il lui sera impossible de proposer l'usage d'un standsitué place Séraucourt comme cela avait été envisagé, car sa présencematérielle au Printemps sera fortement réorganisée par rapport à cequ'elle était en 1991. Côté formation, le Centre de Formationd'Educateurs spécialisés de Toulouse répond favorablement à laproposition et cinq étudiants d'une promotion préparent leur présence àBourges.

Bourges 1992 démarre avec une équipe de recherche des CEMEAconstituée de quatre travailleurs sociaux et d'un juriste, avec un groupede quatre éducateurs spécialisés en cours de formation, et avec uneéquipe de recherche sur les conduites de santé constituée d'un médecinen santé communautaire, d'un pharmacien et de trois étudiantes. Letravail auprès des jeunes s'organise comme prévu par contacts directsétablis à toutes les heures du jour et de la nuit dans les divers espaces

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festivaliers et péri festivaliers : rues, terrasses de cafés, buvettes,proximité des salles de spectacle, gymnase. Ce travail direct de contactet d'observation est complété par des rencontres avec les responsablesde la Police Nationale et avec les pharmaciens et le service des urgencesde l'hôpital général. Le projet de mise en place d'interventions desoutien auprès de jeunes supposés être en risques de rupture sociale esttrès difficile à mettre en oeuvre et n'est pas satisfaisant, ces jeunes étantalors dans des dynamiques très euphoriques liées à l'exceptionnalité del'espace-temps festivalier. Mais le temps passé à établir des relationsavec les grands marginaux autour desquels ces jeunes se satellisents'avère être un temps très utile pour la connaissance des dynamiques etdes fonctionnements de cette marginalité, et par récurrence un tempstrès utile pour une meilleure connaissance des modes d'entrées enerrance par la reconstitution d'itinéraires de vie qui permettentl'identification des moments clé et des déclencheurs du départ définitifdu lieu de vie sédentaire. Il en ressort que les festivals ne sont pas leslieux du déclenchement, ce qui infirme largement l'hypothèse initialed'intervention. Mais l'importance des phénomènes de mal-être repéréschez tous ces jeunes conduit à poursuivre la recherche-action enl'orientant de façon plus marquée vers ceux qui sont déjà en dérive.Une partie des acquis de Bourges 1992 est présentée à Paris en mai1992 à l'occasion d'un séminaire de recherche intitulé "La jeunesse et larue" organisé par l'Institut de l'Enfance et de la Famille, l'EcoleSupérieure de Travail Social et le Centre d'Etude de l'Actuel et duQuotidien. L'approche des prises de risques et des conduites de santé yest développée par Patricia Pame et par Virginie Halley des Fontainesdans la communication "Etude de la prise de risque dans les situationsde grand regroupement : les jeunes au Printemps de Bourges 1992", etune observation ethnologique du fonctionnement d'un groupe de punksest présentée par François Chobeaux dans "Séraucourt village. La sociétépunk au Printemps de Bourges".1

1Ces deux contributions figurent dans Alain Vulbeau et Jean Yves Barreyre (dir).La Jeunesse et la rue.dactylographié. IDEF, ETSUP et CEAQ. 1993. "Etude de la prisede risque..." a été publié dansSauvegarde de l'enfancen˚ 1-1994. pp. 47-55 et a étérepris dans Alain Vulbeau et Jean Yves Barreyre.La jeunesse et la rue.Desclée dcBrouwer. 1994. pp. 119-128.

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L'équipe de recherche des CEMEA est également au travail sur le terrainl'été suivant pour poursuivre les observations et le recueil de donnéessur les dynamiques individuelles et collectives des jeunes en errance,sur les rapports établis par ces jeunes avec les forces de l'ordre, et pourobserver les façons dont cette population est prise en compte par lesmunicipalités, par les forces de l'ordre, par la justice et par lesstructures sanitaires et sociales. Les observations sont conduites aufestival de théâtre d'Avignon et aux Francofolies de La Rochelle. Lespremières conclusions sur les aspects psychologiques et sociologiquessont publiées à l'automne 1992.1

Dans les trois festivals les prises de contact avec les jeunes en difficulténe se font pas facilement malgré l'expérience du travail de rue qu'ontplusieurs des intervenants. La brièveté des événements, le très grandnombre de jeunes, l'absence de connaissances et de relations établies aupréalable avec eux sont autant de facteurs de difficulté. Nouscontournons partiellement ces problèmes en passant de longs momentsau gymnase de Bourges et dans un point d'accueil matinal organisé parle Secours Catholique à La Rochelle de façon à ce que notre présenceentre peu à peu dans les habitudes de tous, mais il ne s'agit que de pisaller et le bilan du travail fait fin juillet insiste sur le besoin de trouverdes supports et des prétextes matériels pour faciliter et accélérerl'entrée en relation. Une possibilité importante se fait jour à l'automne1992 quand la municipalité de Bourges, de plus en plus insatisfaite de lafaçon dont les choses se passaient au gymnase et de plus en plusinquiète sur les dynamiques qui s'y développaient, décide qu'il n'estplus possible que ce lieu soit géré par l'habituel groupe de jeunesbénévoles qui y était présent depuis plusieurs années. L'alternative estsimple : ou bien cet équipement est fermé et les prestations qu'ilpropose n'existent plus, ou bien il est géré par une équipe présentant desolides garanties de compétence et de sérieux. L'équipe de recherche sepropose alors pour prendre le relais à la fois pour que cette solutionmatérielle continue d'exister dans l'intérêt des jeunes marginaux, dans

1François Chobeaux. "Vivre la zone".Forum n˚61-62. sept.-déc. 1992. Ce texte estrepris dans Alain Vulbeau et Jean Yves Barreyre.La jeunesse et la rue.Desclée deBrouwer. 1994. pp. 151-157.

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la logique globale de présence des CEMEA dans le festival, et pour enfaire le lieu d'appui relationnel dont l'absence s'était faite fortementsentir dans les festivals précédents.Bourges 1993 a lieu et porte pour une part importante sur la difficiletransformation des habitudes et des errances de fonctionnement dugymnase, notre présence permanente dans les lieux jouant à plein pourl'aide à l'entrée en relation. L'équipe est constituée de quatreintervenants des CEMEA, d'un chargé de mission au Ministère de laJeunesse et des Sports et de trois moniteurs éducateurs en formation àMontpellier, présents à Bourges pour un premier contact avec cettepopulation de jeunes. Le bilan tiré après le festival insiste surl'énormeintérêt d'être très vite connus comme étant "ceux du gymnase", le fait depouvoir entrer en relation dans la rue en s'appuyant pour cela sur leprétexte d'informer sur le gymnase et le fait d'être présents etrelativement disponibles toute la nuit dans cet espace ont permisqu'aient lieu nombre d'entretiens individuels dont la réalisation auraitété très aléatoire sans cet ancrage concret. Les données recueillies sonttrès importantes, sans commune mesure avec les acquis de l'année1992. Les utilisateurs du gymnase ont été de quatre-vingts à trois centcinquante selon les nuits et l'équipe de recherche s'enrichit d'unenouvelle compétence, la connaissance des problèmes concretsd'organisation et de gestion d'un équipement destiné à l'hébergementprovisoire de jeunes en errance.L'ensemble des acquis de la recherche-action est présenté en octobre1993 par Patricia Pame pour l'équipe et les recherches de la FacultéSaint Antoine et par François Chobeaux pour les CEMEA à l'occasion d'unséminaire "L'errance des jeunes" organisé à Paris par l'Association dePrévention du Site de la Villette.

L'année 1994 commence par une présence importante au festival deBourges pour y faire fonctionner le même lieu d'accueil provisoire, poury vérifier les premières conclusions tirées des acquis des festivals de1993 en matière de dynamiques psychologiques et sociologiques, etpour y mettre en oeuvre un nouveau point de la recherche portant surles conduites de santé. Ce dernier projet part de l'observationqu'une

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démarche de santé peut être l'amorce d'une dynamique d'insertion etqu'il est alors intéressant d'étudier comment la mise en place d'undispositif de protection sociale (ouverture des droits à l'assurancemaladie pendant la durée du festival, système de tiers payant dansquelques lieux de soins désignés,...) peut y contribuer. Il s'agit égalementd'évaluer la faisabilité d'une telle action dans un espace et un tempslimité pour savoir ensuite si elle est transférable à d'autres sites oud'autres contextes.Les professionnels et les structures de santé Bourgessont intéressés par ce projet et nombre d'entre eux s'y associent. Il enressort le repérage d'un réseau professionnel, la mise en oeuvre d'unsystème de recensement et de suivi de l'utilisation de ce réseau, et lafabrication d'un document destiné aux jeunes concernés présentant ceréseau et son intérêt pour eux.Le groupe de recherche investi au gymnase est constitué de septmembres des CEMEA et du même chargé de mission au Ministère de laJeunesse et des Sports qu'en 1993. Le gymnase fonctionne sansproblèmes en accueillant de cent à cinq cent trente personnes selon lesnuits, et l'ancrage relationnel qu'il facilite de nouveau permet determiner comme prévu la recherche sur les dynamiques individuelles etcollectives des jeunes et de préciser des acquis sur l'organisation de cetype de lieu. Le groupe de recherche sur les questions de santé estconstitué d'un médecin en santé communautaire et de deux étudiantes,déjà présentes en 1992. Si le réseau santé repéré fonctionne bien quandil est utilisé par les gestionnaires du gymnase dans une logique classiquede réseau-ressource utilisé par des professionnels de l'interventionsociale, force est de constater qu'il n'a pas aidé à ce que s'enclenchentdes dynamiques de mobilisations personnelles où les jeunes auraientutilisé de leur propre chef les informations sur les possibilités deréponses de ce réseau et sur son fonctionnement. Comme pour lesapproches tentées auprès des jeunes en phase de découverte ludique dela marginalité, il semble que l'exceptionnalité du festival et quel'intensité des relations qui s'y nouent et qui s'y vivent ne facilitent pasla réflexion sur soi en ce qui concerne une question aussi complexe,aussi globale et aussi lointaine que celle de sa santé.

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Des membres de l'équipe de recherche sont ensuite présents auxEurockéennes de Belfort et au festival Interceltique de Lorient pour yobserver de l'intérieur, au contact des jeunes marginaux, les solutionstechniques mises en place par les organisateurs et par les collectivitéslocales pour gérer l'afflux de cette population et les problèmes que cetafflux leur pose.L'année festivalière se conclut à Aurillac au festival Eclat, festivaleuropéen de théâtre de rue. Cette présence est préparée depuis leprintemps écoulé après une demande de la municipalité d'Aurillac quisouhaite profiter de l'expérience du groupe de recherche pour précisersa réflexion et pour améliorer son organisation en direction de cettepopulation. L'intervention de sept membres du groupe de recherche etdu même chargé de mission ministériel qu'à l'habitude, au côté duservice municipal enfance-jeunesse, de travailleurs sociaux et debénévoles associatifs locaux, permet à la ville d'Aurillac de reprendre enmain le fonctionnement d'un gymnase squatté les années précédentes etde rationaliser le fonctionnement d'un espace de camping libre qui luiest contigu. Les acquis techniques de la gestion du gymnase de Bourgeset les conclusions des observations conduites sur les sites d'accueil deplein air à La Rochelle et à Belfort sont alors utilisés à plein. Les acquispour la recherche-action sont importants et portent sur l'approcheglobale de la question du point de vue d'une collectivité locale :aménagements techniques, association rationnelle et complémentairedes services sociaux et des structures associatives, coordination avec lesforces de police, organisation des chaînes de décision en cas dedifficultés importantes, concertations avec la SNCF pour une bonneorganisation des départs. La transférabilité du modèle d'accueilexpérimenté à Bourges et testé dans des conditions plus difficiles qu'àBourges a fonctionné, et ce modèle d'organisation en ressort validé.L'ensemble du système d'accueil a fonctionné à plein : hébergement detrois cents à cinq cents personnes en accueil nocturne, plus de sept centspersonnes une journée pluvieuse, et accueil et gestion d'un total de plusde mille personnes réparties entre le gymnase et le camping provisoire.

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Une seconde synthèse des acquis de la recherche sur les dynamiquesdes jeunes est publiée à l'automne1, et une première synthèse surl'organisation technique et éducative de lieux d'accueil provisoires enmilieu festivalier est présentée en colloque.2

En décembre un point global sur la recherche-action est présenté àAurillac dans le cadre d'une conférence débat organisée par le ConseilCommunal de Prévention de la Délinquance sur le thème "Les jeunes enerrance. Marginalité choisie, marginalité subie" par François Chobeauxsur les aspects psychologiques et sociologiques, par Virginie Halley desFontaines, maître de conférences à la faculté Saint Antoine, sur lesconduites de santé, et par Patrick Chorowicz, chargé de mission auMinistère de la Jeunesse et des Sports, sur les questions des modesd'accueil et d'hébergement et des politiques municipales.Les points de vue sociologiques sont également présentés en décembre àParis au Centre International de l'Enfance dans le cadre d'un séminaireinternational "Enfant marginalisé et espace urbain".Les projets pour l'année 1995 portent sur la continuation de la gestiondu lieu d'accueil de Bourges en l'utilisant comme moyen de formationpour des personnes intéressées par la diffusion de cette pratique, sur lacollaboration avec la ville d'Aurillac pour aller plus loin dans laréflexion, dans la recherche sur les organisations matérielles etinstitutionnelles et sur les partenariats à développer, dans laparticipation à la gestion des lieux d'accueil. Un projet plus global porteégalement sur une l'attention à apporter à des demandes de réflexionset d'aides formulées par des villes festivalières qui souhaitent interrogeret améliorer leurs conceptions et leurs organisations en matière d'accueilet de gestion des populations marginales.

1François Chobeaux. "La zone choisie ou la zone subie ?" in Régine Boyer etCharles Coridian (dir). "Jeunesses d'en France".Panoramiquesn˚ 16-1994. pp. 46-50.2François Chobeaux. "Jeunes en errance et intervention éducative : l'expérienccdes hébergcments festivaliers." ColloqueExclusions et éducation.Dactylographié.Université Paris VIII. Septembre 1994.

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DYNAMIQUES INDIVIDUELLES

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La connaissance des modes de vie de ces jeunes passe par laconnaissance de ce qu'ils ont vécu avant d'être en errance et nécessited'étudier leurs origines géographiques, leurs dynamiques familiales, lessituations socioprofessionnelles de leurs familles, et de repérer lemoment et l'événement déclencheurs de leur départ définitif. L'étude amontré que ces données globales présentent entre elles assez de pointscommuns pour permettre de caractériser cette population. Il estcependant nécessaire de rappeler que ces acquis globalisés, organisés etprésentés en typologie descriptive sont construits sur des grandesressemblances qui amènent forcément à minimiser ce qui peut êtredifférent du modèle construit. Il y a donc toujours des exceptions et desnuances, précaution théorique importante qu'il est nécessaire deprendre en compte dans la lecture et l'exploitation de ces observations.

Ces jeunes sont presque tous originaires de petites villes de province etde bourgs ruraux où les réseaux de socialité qu'il leur était possibled'établir et d'investir étaient très limités par le nombre de pairs ensouffrance également en recherche de socialité, et ne leur laissaient doncpas la possibilité de vivre leur mal être de façon locale et sédentaire1. Laseule solution qu'ils ont alors repérée était celle d'un départ pour aller àla rencontre d'autres pairs en souffrance, et trouver ainsi unecommunauté permettant compréhension et soutien réciproque.Ce sont des garçons pour quatre-vingt à quatre vingt-cinq pour cent deceux qui utilisent les hébergements festivaliers. Leur place dans lafratrie et l'existence ou la non existence d'une fratrie, bien que laplupart d'entre eux soient de fratries multiples, ne semblent pas être uncritère important dans l'entrée en errance car toutes les situations sontprésentes. Quand ils en ont, leurs frères et soeurs vivent, eux, selon lescritères habituels de l'intégration sociale et ils sont le seul élément

1Pour une approche ethnologique des comportements des jeunes ruraux portantsur les relations intra familiales et les phénomènes de groupes, voir Jean FrançoisGossiaux. Avoir seize ans dans les Ardennes.éd. du CTHS. Paris. 1992. Et pour uneétude sociologique de l'importance de la conformité aux normes des réseaux locauxde socialité pour l'insertion sociale des jeunes ruraux: Christiane Bellavoine. "Lerecours aux réseaux locaux pour l'insertion professionnelle des jeunes en milieurural." in Christian Baudelot et Gérard Mauger.Jeunesses populaires.L'Harmattan.1994. pp. 139-154.

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étrange de la famille, les conditions de la recherche ne permettantcependant pas de savoir précisément depuis quand ce caractèred'étrangeté est identifié et dit dans l'histoire familiale. Leurs parentssont ouvriers, employés, intégrés et équilibrés socialement, et formentpour beaucoup des couples stables.Tous ces jeunes ont une image conflictuelle du couple parental où le rôlede celui qui ne comprend rien, ni personne, est systématiquementdévolu à leur père. Qu'il soit matériellement présent ou qu'il soit absent,c'est celui qui ne s'est jamais occupé d'eux, celui qui les a "abandonné".Leur mère, elle, est aussi systématiquement excusée et pardonnée de cequ'elle est, fait, a été et a fait. Elle est le seul lien qu'ils entretiennentencore avec leur famille. "Je passe parfois voir ma mère", "je passe chezma mère", autant de relations maintenues et de père nié même quand lecouple parental existe toujours.Cette idéalisation de la mère dans un attachement symbolique majeurva de paire avec une idéalisation de la période enfantine faite desouvenirs probablement embellis, tellement les descriptionsrégulièrement entendues sont merveilleuses d'entente parfaite, derelations sans conflits entre parents et enfants et de vie familialeheureuse. Il y a systématiquement dans leurs récits de vie une cassureintervenue entre un "avant" idéal et une réalité devenue insupportable,cassure qu'ils repèrent dans un événement familial douloureux tel undécès ou un accident, dans un déménagement, parfois dans uneséparation du couple parental. Cette cassure nous est apparue biensouvent comme étant largement imaginaire, tenant alors le rôle d'unroman familial et personnel visant à les préserver de l'angoisse degrandir en leur permettant d'entretenir une représentation mythique deleur enfance et de leurs relations avec leurs parents. Il y a ici larecherche d'un enracinement dans une enfance perdue et illusoire quimontre bien les souffrances et peut-être les impossibilités danslesquelles ils se trouvent pour construire une autonomie affectiveadulte.

Chez ces adolescents le départ en errance a eu lieu un jour de conflitencore plus fort que les autres fait d'un cumul de difficultés familiales,

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scolaires, relationnelles, d'une altercation de plus avec le père, d'undésaccord avec l'employeur, de blocages avec les voisins qui ont unenouvelle fois exprimé leurs difficultés à entendre et supporter pluslongtemps les chiens et la musique des tam-tams. Il est alors l'instantqui marque concrètement une rupture déjà engagée avec le corps social,rupture ancrée bien en amont et que l'on peut penser être construite surune immaturité affective1 ayant empêché de construire une identitésolide et autonome. L'adhésion à la zone, imaginée comme étant un lieuchaleureux fait de personnes ayant en commun l'envie de vivre sanscontraintes, vient alors comme une quête d'identité groupale où unmoicollectif suppléerait l'absence d'unmoi individuel non ou mal structuré2.Un autre type de départ en errance est le fait de jeunes adultes âgésd'une vingtaine d'années, fortement engagés dans des pratiquesalcooliques ou toxicomaniaques et qui partent alors sur la route seloneux "pour en sortir." L'errance sera pour eux une fuite bien entenduepermanente car ils y seront sans cesse rattrapés par ces pratiques quisont un des traits majeurs de cette société.Enfin, quelques uns expliquent leur engagement dans la zone par unchoix politique fait d'une rupture avec les valeurs et les normes de lasociété. Ces explications souvent entendues de la part de certains quid'ailleurs semblent souvent gérer leur marginalité de façon autonome etresponsable en contrôlant leur consommation de toxiques et ens'assurant de sources de revenus réguliers et relativement licites. Lemouvement squatterdans ses évolutions actuelles est pour eux un lieud'investissement social, de militantisme direct et peut être le moyen deconstruire et de structurer de façon argumentée des analyses socialesrestées jusqu'alors sans logiques réelles.

En rappelant encore une fois les précautions de lecture qu'appelle laproposition d'une catégorisation des pratiques et des modes de vie des

1C'est à dire une résolution imparfaite du processus d'autonomisation etd'affirmation du moi dans un attachement fort à l'image maternelle, entraînantune impossibilité à assumer les difficultés et les frustrations.2François Chobeaux.On est des Courtilles. Recherche sur l'identité collective d'ungroupe de jeunes marginaux.Mémoire de DEA de sociologie. Dactylographié. EHESS.Paris. 1993.

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personnes, les façons d'être de ces jeunes et leurs conduites vis à vis del'argent, du travail, de l'utilisation de toxiques licites et illicites, leursconduites de santé ainsi que les représentations de leur vie et de cellequ'ils entrevoient dans l'avenir peuvent être repérées selon un modèlede classification et de catégorisation des comportements et des façons devivre. ce modèle axiologique est organisé selon une graduation choisi-assumé-subi, où lechoisi est la caractéristique de l'action responsable,construite et autonome, l'assumé celle de l'accommodation auxcontraintes extérieures dans une possibilité d'action propre très limitée,le subi celle de l'acceptation passive et résignée des contraintesextérieures et des pratiques environnantes. Dans cette catégorisationl'assumé évoque latactique, "adaptation ponctuelle et permanente auxréalités intangibles" que Michel de Certeau oppose à lastratégie, ici lechoisi, faite de la "construction de dynamiques d'action actives".1 Lestravaux de Daniel Marcelli et Alain Braconnier sur la marginalitéjuvénile avec la différence qu'ils établissent entremarginalité parengagement et marginalité par résignation2 sont également éclairantsdans cette recherche de différenciation des conduites, comme lesréflexions de Robert Castel sur le processus d'exclusion qu'il repèremenant de la précarité à la vulnérabilité, puis de la vulnérabilité à ladésaffiliation.3

La vie de la zone est organisée par la recherche et le besoin d'argent, parla recherche d'un état second lié à l'utilisation de toxiques de toute sorte,par l'incertitude de ce que seront l'heure qui suit et le lendemain, et parles illusions sur ce qu'est la réalité sociale extérieure.Ces conduites et pratiques de vie ne se situent pas toutes au même pointpour une même personne sur l'axe de lecture choisi-assumé-subi, saufpour les jeunes peu engagés dans la marginalité et pour ceux qui sont leplus loin dans une marginalité très dépressive aux consonances autodestructrices marquées. Cette variabilité dans le positionnement desconduites d'une même personne laisse penser que des points d'ancrage

1Michel de Certeau L'invention du quotidien. t. 1.Gallimard. 1980.2Daniel Marcelli et Alain braconnier. Psychopathologie de l'adolescent.3ème éd.Masson. 1992. pp.420-422.3Robert Castel "De l'indigence à l'exclusion, la désaffiliation", in JacquesDonzelot. Face à l'exclusion.Editions Esprit. Paris. 1991. pp. 137-167.

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dans la réalité sociale existent chez nombre d'entre ces jeunes, et sontautant de points d'appuis à un soutien pour une mobilisation et uneréorientation de leurs "choix" de vie.

L'argent est nécessaire pour se nourrir, pour acheter de l'alcool et desstupéfiants, et un peu pour se vêtir.Les petits métiers tels le tressage de cheveux avec du coton, larecherche de clients pour les tatoueurs et plus tard le tatouage luimême, la vente de colifichets artisanaux ou présentés comme tels, lejonglage construit et organisé sous forme de spectacle de rue, sontd'assez bon rapport et sont la preuve d'unvrai travail, légal de surcroît.Cette relative stabilisation professionnelle diffère largement des critèresclassiques de l'insertion professionnelle et ignore aussi largement lesobligations légales faites de cotisations sociales, de patentes,d'autorisations de spectacles sur la voie publique, et plus globalementignore l'ensemble de l'encadrement administratif des emplois forains.Mais il y a bien ici une stabilisation qui laisse penser qu'une insertionsociale par unesocialisation marginaleest peut être en train de s'opérer.La revente à l'unité de canettes de bière achetées en packs rapporte àchaque fois quelques francs et est également unvrai travail, cependantmoins bien considéré que les solutions précédentes dans l'échelle socialede la marge. Elle permet cependant, si elle est pratiquée de façonrégulière et importante, de pourvoir à l'année aux besoins du quotidienet au maintien des éléments matériels utiles à une insertion sociale :règlement du loyer d'une chambre ou d'un studio, frais d'entretien d'une

voiture,...L'achat et la revente en petites quantités de stupéfiants illicites(quelques grammes de haschich, quelquesacides1) et de médicaments àla vente réglementée etcontrôlée2 rapporte quelques revenus, maisleurs acteurs sont toujours en manque de fonds car ils sont eux-mêmesde grands consommateurs de ces produits.

1Supports divers théoriquement imprégnés d'acide lysergique (LSD) dontl'absorbtion doit provoquer des hallucinations, en fait souvent uniquementimprégnés d'amphétamines qui ne procurent alors qu'une excitation transitoirede la perception et de l'expression.2Hypnotiques, antitussifs, anxiolytiques,...

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Située plus bas dans l'échelle de la passivité, la manche "à l'argent" estune pratique de bon rapport dans les lieux piétonniers et les zonestouristiques si la concurrence n'est pas trop forte. La présence d'unchien tenu en laisse, ou la mise en avant d'un handicap, sont alors deséléments non négligeables dans la rentabilité de l'opération.La manche alimentaire fonctionne également dans les lieux de grandsregroupements, pratiquée par des jeunes en mauvais état physiquepouvant alors inspirer la pitié et le sachant. Elle va du morceau desandwich quémandé à un passant à une organisation pensée et négociéeà l'avance pour récupérer les invendus alimentaires des boutiquesforaines à leur fermeture nocturne.

La toxicomanie est présente chez tous ces jeunes de façon plus ou moinsmarquée, privilégiant tel ou tel produit selon les appartenancesculturelles de chacun et selon le volume et la stabilité de leurs revenus.Toutes les boissons fortement alcoolisées sont utilisées, souventmélangées à du jus de fruits, à des boissons gazeuses ou à du vin dansles contenants d'origine de ces boissons, ou en en dissimulant lescontenants dans des sacs en plastique. Il est préférable dansl'expérience zonarde que ni les forces de police, ni les donateurspotentiels, ne voient de bouteilles d'alcool posées à proximité et utiliséesavec ostensibilité. Enfin, le faible coût de la bière et les facilités detransport des boîtes et des canettes en font le principal alcool utilisé, cetusage donnant lieu à des volumes individuels de consommation assez

impressionnants.Tous les médicaments qui assomment ou fontplaner sont utilisés, bienentendu dans des quantités qui dépassent largement les règles d'usagede la pharmacopée et en association avec d'importantes doses d'alcool.Ces spécialités pharmaceutiques sont obtenues soit avec desordonnances originales, soit avec des ordonnances falsifiées (les deuxdonnant lieu à un commerce), soit très directement en établissant unrapport de force favorable et efficace avec les pharmaciens. Certaines deces préparations sont d'autre part en vente libre, ce qui laisse libre courtà des achats et à une consommation alors sans limites liées à la difficultéde se procurer le produit. Les toxiques illicites sont bien sûr présents : le

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haschich, consommé en quantités très importantes par les babas, et lesacides, produit de base de la toxicomanie punk et des jeunes qui, sans serevendiquer de cette culture ni en présenter l'ensemble des signes, sesituent sur ce versant dur et assez violent de la marginalité. Ces acidessont systématiquement consommés en association avec despsychotropes et de fortes doses d'alcool.L'héroïne et la cocaïne ne sont quasiment pas présentes parmi cesjeunes ; leurs coûts sont beaucoup trop élevés pour leurs revenus.Derniers nés parmi les toxiques illicites, le crack et l'ecstasy commencentà apparaître dans cette population. L'usage du crack se développe chezles utilisateurs de cocktails à base d'acides et de psychotropes dans unerecherche d'effets toujours nouveaux et toujours plus forts, l'ecstasy etson image ludique intéresse de plus en plus les jeunes qui cherchent às'éclater plutôt qu'à secasser.

Ces jeunes sont en mauvaise santé. Leur alimentation, l'utilisationmassive qu'ils font des toxiques, la difficulté qu'ils ont, quand ils lesouhaitent, à maintenir une hygiène corporelle et vestimentaire, en unmot leur mode de vie, concourent à un mauvais état physique général.Leur santé mentale est à l'avenant. Et pourtant peu d'entre eux seplaignent de leur santé, et peu se préoccupent de se faire soigner ou defaire traiter des problèmes qu'ils se connaissent et dont ils souffrent.Dans nombre de cas leur prise en charge de leurs problèmes de santéprocède d'un déplacement de la question, leur attention étant focaliséesur une petite plaie sans importance alors qu'ils ont en même temps unetoux caverneuse, une infection oculaire liée à leur consommationmédicamenteuse, une plaie surinfectée et purulente. Ce déplacementpeut également s'opérer sur un ami alors objet d'une vigilance et d'uneexigence paradoxales, ou encore sur leur animal domestique préférépour lequel ils ont toujours les produits vétérinaires nécessaires. C'estcomme si une préoccupation globale et active pour sa propre santéportait sur un sujet à la fois si complexe, si impliquant et exigeant unetelle projection dans le temps que leur intérêt ne pouvait aller que versce qui peut être immédiatement résolu et ce qui parait donc le plussimple.

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Leur recours aux modes de soins se situe dans cette logique del'immédiateté, et porte sur les deux extrêmes de la chaîne desprofessionnels et des structures de santé. Des demandes de soinsponctuels et rapides sont formulées auprès des pharmaciens, avec à laclé un intérêt et des réponses souvent chaleureuses et le don depansements et de quelques médicaments. Les jeunes sont persuadés queles pharmaciens ont l'obligation de les soigner sous peine de "nonassistance à personne en danger" ; nombre de pharmaciens répondent àleurs sollicitations pour des raisons humanistes, quelques uns s'ysentant contraints pour préserver le calme ou l'intégrité matérielle deleur officine. Les autres demandes de soins sont formulées auprès desservices d'urgence des hôpitaux, la plupart du temps en dehors de toutesituation d'urgence. Ici les arguments mis en avant portent sur lagratuité des soins ainsi que sur la relative simplicité de ce type deconsultation par rapport à une consultation en cabinet.Les campagnes de prévention portant sur des grands problèmes desanté publique n'ont quasiment aucun impact concret auprès d'eux enmatière de changement de comportement. Les préservatifs sont assezsystématiquement refusés par les plus jeunes ("je n'aime pas la viandesous Cellophane"), y compris par les jeunes femmes qui se prostituentpour quelques dizaines de francs car leurs clients en refusent l'usage ; lapersonnalisation et le nettoyage des seringues restent des discours sanspratique pour beaucoup des utilisateurs de toxiques injectables,seulement quelques jeunes demandant régulièrement de l'eau de Javelpour y faire tremper leur matériel d'injection. Et en fait, pourquoi faireattention à l'intégrité de son corps pour plus tard quand le quotidien luimême est une fuite de la réalité ?

Ces jeunes sont très souvent accompagnés de chiens de grandes tailles,calmes, bien nourris et en bonne santé. Ce phénomène est important :environ dix pour cent des utilisateurs des gymnases d'hébergementpossèdent un animal. Les arguments mis en avant par les propriétairesde ces animaux portent sur la compagnie qu'ils leur procurent et sur lafidélité dont ils font preuve, et portent également sur la fonction deprotection qu'ils assurent à la fois en pouvant défendre leurs maîtres

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contre d'éventuelles agressions et en leur évitant d'être "embarqués"par la police.L'observation montre que la proximité affective entre les maîtres et leschiens est très importante, allant jusqu'à des pratiques de sommeil oùles deux sont enlacés dans le même sac de couchage et jusqu'à desimpossibilités pour certains de se séparer de leur animal plus d'un courtinstant. Leurs comportements et leurs façons de parler de leurs chienslaissent penser que se mettent en place ici des jeux relationnels leurpermettant de vivre ou de revivre des transferts et des remises en jeude rapports fusionnels entre mère et enfant, cette attitude étant parfoistrès explicitement signifiée et revendiquée.L'argument étonnant du chien faisant office de garantie contre uneinterpellation par la police suivi d'une conduite au poste ou d'unemesure de garde à vue ne tient bien entendu pas, bien qu'il soit exactque les forces de police évitent d'avoir à gérer la présence d'un chiendans leurs locaux et que la meilleure des solutions est alors pour ellesd'éviter que le maître y soit présent. Mais des services de fourrièrecanine sont parfois présents au sein des systèmes de maintien de l'ordrede certains festivals, et la question des chiens est alors rapidementréglée si besoin est.L'observation montre également que la possession d'un chien, et surtoutd'une chienne, permet le développement de liens sociaux entre lesjeunes en rendant possible l'élevage et le don de chiots autour de soi, lessaillies ayant lieu systématiquement entre chiens de la zone. Il s'établitainsi entre les propriétaires de chiens un système de relations familialescomplexes où les liens de parenté canine sont très finement connus etrégulièrement récapitulés et évoqués, ces liens de parenté servant alors,comme dans le fonctionnement fusionnel des binômes maîtres-chiens, àce qu'un fonctionnement familial imaginaire se mette en place à la placedu réel fonctionnement familial défaillant dont souffrent les jeunes.

La vie de la zone n'est pas faite, sauf exceptions, de groupes à lastructuration et à la continuité résistant à la durée. Echappent à cetteconstante quelques couples amoureux et quelques binômes affinitaires,ainsi que quelques micro-groupes formés au hasard des rencontres et

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ayant résisté au temps. Y échappent également quelques petits groupesstructurés autour d'un noyau fort, couple stable servant de repère oupersonnalité importante accordant à la fois statut et protection. Lesgrands groupes sont d'existence éphémère, leur nécessité étantlargement liée aux contraintes imposées par les aléas météorologiquesqui réunissent les jeunes sous les rares abris existants et lescontraignent alors à un minimum de socialité. Mais, même dans ce cas,les groupes ne résistent pas à la durée et chacun repart rapidementdans son errance à côté d'autres individus errants, les quelques noyauxs'étant alors formés se dissolvant très vite.Pour la majorité des jeunes cette vie n'est pas construite sur de réelsprojets de déplacements réfléchis, aux itinéraires et aux étapes prévuset organisés. Leurs réponses aux questions posées sur leurs intentions àcourt terme sont régulièrement contredites par la réalité du lendemain,où les projets sont oubliés au profit d'une "occasion" ou d'un intérêtéphémères. La régularité de ces contradictions entre des intentionsrevendiquées, ou présentées comme telles, et la réalité, fait alors penserque ces projections dans le temps ont plus pour les jeunes errants unefonction d'entretien de l'illusion d'une mobilisation personnelle qu'unefonction réelle d'organisation malencontreusement contrecarrée par desaléas matériels. A contrario la présence d'un train en gare lors d'unpassage imprévu dans ce lieu par un jeune n'ayant manifestéauparavant aucune intention de départ peut amener un départ toutaussi imprévu, dynamique impulsive d'autant plus forte si ce jeune est àce moment précis dans une situation de mal être encore plus forte qu'àl'habitude et liée aussi bien au temps qu'il fait qu'à ce qu'il vient devivre avec d'autres. Le départ impulsif tient alors la fonction d'une fuite,fuite illusoire et impossible puisque la réalité sera de toute façonprésente à la gare de destination.L'intérêt d'être présent quelque part à un moment donné est lui mêmenié et dévalorisé, cette négation de l'intérêt de l'instant renvoyant à unenégation plus globale de la personne dans ce qu'elle peut vivre et

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espérer1. Le festival du moment est systématiquement vécu en négatif :il est moins bien que celui de l'an passé, moins bien que celui où ilsétaient la semaine dernière et moins bien que celui où ils seront le moisprochain. Cette impossibilité à accepter le quotidien va de paire avecl'impossibilité de se projeter dans le futur et d'anticiper : l'erranceappelle, produit et renforce l'errance.Cette absence globale de perspectives de vie à est cependant à nuancerpour ceux qui sont les moins engagés dans cette dynamique destructrice,pour lesquels des repères existent à l'année et contraignent à se projeterdans l'avenir et à prévoir ses conduites. La nécessité de repasser à leuradresse officielle pour reconduire un dossier de RMI, la nécessité detrouver un emploi sédentaire et un point de chute pour passer lamauvaise saison sont autant de contraintes structurantes qui leurévitent de se perdre dans l'absence de sens.Les affirmations permanentes de ces jeunes portant sur l'existence d'une"communauté zonarde" ou tout le monde se connaît, où une fraternitéexiste, où des rendez-vous se prennent, sont totalement contredites parla réalité faite de vols et d'absence de confiance réciproques, etd'impossibilité à se projeter dans l'avenir et à gérer sa vie. Si unecommunauté de connaissance existe cependant pour certains d'entre euxencore attentifs à leur entourage, la plupart du temps elle ne va pas plusloin que la manifestation de signes de reconnaissance qui ne déboucherapas sur des comportements de solidarité en cas de difficultés. Desmarques de socialité existent cependant, mais elles sont limitées auxfonctionnements internes des quelques groupes et des binômes stables.Il ne s'agit que d'une solidarité interne, à usage confidentiel et sélectiflimité à quelques personnes.

Les illusions de cette vie sont largement liées aux interventions socialeset caritatives qui s'organisent autour. Elles l'enveloppent d'un réel quifait alors croire que tout arrive comme par magie : des soins et despansements gratuits chez les pharmaciens, un accueil en cas de

1Le rôle de la désorganisationdans la dévalorisation des personnes, processus quiporte à la fois sur soi et sur son environnement, est développé par François Dubetdans La galère. Jeunes en survie.Fayard. 1987.

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problème médical ou social dans les services d'urgence hospitaliers, despossibilités de douches, de petits déjeuners et de repas auprèsd'associations caritatives, des aides financières ponctuelles, même sielles sont dérisoires, auprès de services sociaux1. Autant de raisons pourles jeunes de penser qu'une vie de zone peut être construite etéquilibrée, compte tenu des soutiens caritatifs et sociaux connus,disponibles et utilisables en cas de problèmes.2 Autant de raisons,également, de penser que les choses sont dues et qui justifient donc deprotester quand les organisations locales ne sont pas assez adaptées àdes attentes qui ailleurs sont habituellement satisfaites.

Il est important de rappeler que ces jeunes ne sont pas en permanenceen errance. Certains, partis "définitivement" depuis peu de temps,repassent épisodiquement au domicile parental. Certes ces passages sontde courtes durées et sont de plus en plus courts car les relationsconflictuelles intra familiales reprennent de plus belle, mais ils existentencore. D'autres, plus âgés, sont parvenus à trouver une relative stabilitédans leur vie et ils vivent alors une errance plus construite, plusassumée, entre un point fixe dont ils payent le loyer et des aventuresqui les en éloignent temporairement. Les revenus réguliers d'unepension d'invalidité, du RMI ou les ressources tirées d'emploismarginaux sont alors des points d'appui solides qui aident à maintenirune sédentarisation partielle.L'analyse des solutions trouvées et utilisées par chacun pour passerl'hiver contribue également à relativiser l'impression initiale d'errancepermanente. Il y a ceux qui ont vécu une formation professionnellequ'ils vont monnayer pour pouvoir louer une chambre, les boulangerssemblant ici profiter d'une tradition professionnelle qui veut que lepatron héberge son ouvrier. Les conditions matérielles et contractuellesde ces hébergements seraient à observer de plus près, mais ces solutionsexistent concrètement pour quelques uns. Il y a ceux qui passeront

1Jacques Guillou.Au bout d'être énervé.Rapport Plan urbain Juin 1994.2Il ne s'agît pas ici de juger si ces interventions sontbien ou mal, mais de pointcrque chez les jeunes concernés unguide du zonard occulte et efficacement tenu àjour existe.

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l'hiver chez eux, en vivotant alors de leurs économies estivales et dessoutiens obtenus auprès des professionnels des dispositifs d'aide sociale.Il y a ceux qui se feront héberger chez d'autres, cette solutionnécessitant cependant que le réseau social existe fortement au préalable.Et il y a ceux qui squatteront a plusieurs, soit de façon discrète pourrester ignorés de leur voisinage et dans ce cas en évitant le plus possibleque d'autres sachent où le squatt se trouve, soit de façon plus collectiveet récemment plus revendicative en reprenant à leur compte lesarguments du droit au logement pour tous.

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ACCUEILS FESTIVALIERS

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Les jeunes en errance ne sont pas à l'écart de la société et de sessystèmes d'interventions caritatives et d'assistanat social. Ils lesconnaissent et les utilisent comme des moyens et des lieuxdispensateurs de solutions matérielles ponctuelles, instrumentalisantainsi au maximum des propositions sociales qui pour beaucoup d'entreelles visent déjà principalement à procurer des réponse matériellesrapides. Il en est ainsi de leur utilisation des points d'accueils organisésdans des lieux de grands rassemblements culturels par des associationscaritatives, de leurs rapports avec les services sociaux locaux des villesde passage sollicités uniquement pour l'attribution de petites aidesfinancières, de tickets-repas et pour l'accès à des vestiaires, et desservices hospitaliers d'urgence utilisés comme lieux de consultationimmédiate et gratuite. Mais autant ils sont des utilisateurs intéressés deces systèmes de prestations matérielles, autant ils ont une énormeméfiance vis à vis de tout ce qui peut leur apparaître comme étant uneintervention éducative tendant à les amener à s'interroger sur leursdynamiques de vie. Cette méfiance repose à la fois sur des expériencesparfois récentes, sur l'histoire des relations entretenues par leursfamilles avec des travailleurs sociaux et sur l'image d'investigationpolicière que prennent parfois de telles démarches dans leurs phasesinitiales de connaissance des dynamiques de la personne. Elle rendnécessaire la mise en oeuvre de modes de contact qui échappent auximages habituelles portées par les intervenants du secteur social.Le pari de l'organisation de lieux d'hébergement ponctuels à caractèreéducatif repose sur le double constat de l'instrumentalisation desréponses sociales qu'opèrent ces jeunes et du mal-être individuel dontils souffrent malgré leurs dénégations. Il s'agit donc, sous prétexte deleur fournir une prestation matérielle, d'établir avec eux des relationsen dehors du cadre traditionnel des actions de travail social pour tenterd'installer des rapports facilités par une écoute chaleureuse, de procéderà d'éventuels étayages psychologiques si la nécessité en apparaît, et desoutenir ces jeunes dans leurs envies de modifications de leurs parcourspersonnels pour qu'ils parviennent à une réelle auto mobilisation. Ceprogramme ambitieux peut être développé grâce à la nature du lieu derencontre, lieu exceptionnel et inhabituel situé dans un espace et une

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durée aussi exceptionnels, permettant ainsi que se mettent en jeu desrelations différentes de celles qui s'engagent habituellement dans labanalité du quotidien. Il peut aussi être développé parce que, si la duréede la relation engagée est faible puisque limitée à quelques jours, celle-ci peut s'y développer de façon intense. Il est rendu possible, enfin, parles choix d'aménagement et de fonctionnement des lieux d'hébergementet par les modes d'accueil et de considération des personnes qui y sontpratiqués, cette possibilité reposant sur la compétence des équipes degestion de ces opérations et sur l'image d'un type de considérationqu'elles renvoient aux jeunes.

Il s'agit donc d'organiser le fonctionnement de lieux d'accueil d'unecapacité d'hébergement provisoire de plusieurs centaines de personnes,problème technique résolu par l'utilisation de gymnases permettant dedisposer d'une grande surface d'accueil et d'installations sanitairesadaptées à des groupes importants. L'architecture et la conception de cesbâtiments qui en font de grandes boites vides aux solides revêtementsde sols permettent de limiter et de contrôler les éventuelles dynamiquesde dégradation des lieux.Leurs sols peuvent être recouverts de grandes surfaces de moquettesd'exposition procurant plus d'agrément au couchage qu'un sol laissé nu ;un sol nu est cependant beaucoup plus facilement nettoyablequotidiennement, problème très important avec le type de publicaccueilli et son rapport limité à la préservation de l'état de propreté deslieux qu'il utilise et qu'il laisse derrière lui. Des lits de camps peuventêtre mise à la disposition des utilisateurs ; ils seront utilisés comme lits,comme étagères, comme cloisons également pour délimiter des microsespaces de couchage, alvéoles de sécurité et d'intimité à la présenceparadoxale chez ces jeunes qui mettent en avant une esthétique de laliberté et de l'errance. Nombre d'entre eux choisissent cependant de nepas les utiliser, du moins comme lits.1

1Les services d'intendance de l'armée en mettent à la disposition de la mairie deBourges pour la durée du festival moyennant le remboursement des éventuelsfrais de remise en état.

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L'attention à apporter aux sanitaires et au maintien de leur propreté estégalement très importante. Les personnes qui gèrent l'équipementdoivent en contrôler et en garantir l'état en permanence non seulementpour des raisons matérielles parce qu'une difficulté technique deplomberie est nettement plus facile à enrayer dans l'instant qu'à traiterau bout de quelques heures, mais également pour que la différence soitlà aussi sensible aux utilisateurs en comparaison avec les lieux qu'ilsfréquentent habituellement. Une certaine ostensibilité dans l'attentionapportée à ces lieux n'est pas inutile car elle permet de signifierexplicitement que l'intérêt que l'on y apporte est directement lié àl'intérêt que l'on apporte à leurs utilisateurs, point de départ possiblepour des discussions portant sur les agréments du confort et sur lerespect de soi même. Une double compétence indispensable auxintervenants dans ces gymnases apparaît ici : il s'agit d'être aussiefficace et aussi professionnel dans l'accueil et la relation éducative quedans le balayage des sols et dans le débouchage de toilettes car ces deuxmodes d'approche se conjuguent, se renforcent mutuellement etpermettent encore plus d'entrées en relation. Et il ne s'agit passeulement pour les intervenants de dire qu'ils portent attention auxjeunes, il s'agit également de le leur montrer concrètement.Ces aspects très matériels portant sur la garantie de l'état des lieux sontessentiels pour le travail entrepris. Les utilisateurs de ces hébergementsprovisoires remarquent tous et apprécient cette qualité de vie dont lesstandards peuvent paraître être en dessous de seuils minima si on seréfère aux conditions classiques de confort de la vie d'un sédentaireintégré social ; mais ce niveau de prestation dans l'attention au confortde vie est déjà exceptionnel pour nombre des personnes accueillies, etpermet que s'engagent des discussions à partir de l'expression ducaractère agréable de celui-ci.Des prestations matérielles, limitées mais efficaces, concourentégalement à l'agrément de l'utilisation des lieux.Des systèmes de consignes gratuites et permanentes gagnent à êtreorganisés car ces jeunes sont encombrés en permanence de divers sacset paquets qui sont les contenants de tous leurs biens matériels, sacs etpaquets faisant régulièrement l'objet de vols entre eux. Proposer un

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système de garde gratuit est alors une prestation extrêmement utile à laqualité de vie. Nombre d'utilisateurs des gymnases de festivals ontrecours à ces consignes non seulement durant les périodes de fermeturede ces structures pour nettoyage mais également pendant leur temps deprésence sur place, des vols y ayant lieu également pendant la nuit defaçon assez régulière.Des boissons chaudes et froides ainsi que des parts de gâteaux sontvendues à des prix modiques ; les parts de "quatre quarts" industrielssont parfois la seule nourriture solide que certains jeunes prendrontpour une grande partie de la journée.Dernier point d'importance à évoquer pour l'organisation des lieux, celuide l'aménagement d'un espace réservé aux intervenants des gymnaseset matérialisé par des barrières métalliques. C'est là que sont lescafetières et les gâteaux, c'est là qu'est la caisse, c'est là que sont leursobjets personnels. Barrières matérielles pour isoler ces biens, cesbarrières ont également une fonction symbolique en marquant unelimite, une frontière, une différence entre les jeunes et les gestionnairesdu lieu. Basse, fragiles, dérisoires, elles permettent la rencontre des deuxmondes autour d'un gobelet de café en rappelant alors très fortement lerôle tenu par les comptoirs de brasseries. Si les gestionnaires des lieuxles passent régulièrement en les écartant, surtout pas en les enjambant,il est exclu que qui que ce soit du groupe des jeunes les passe sans yavoir été invité. Ce type d'invitation reste tout à fait exceptionnel et doitalors reposer sur des bases évidentes et légitimes aux yeux de tous.L'interdit de la pénétration dans cet espace est évident aux yeux de touset n'a pas besoin d'être explicitement signifié ; les seuls occupants desgymnases qui enfreignent cette règle sont les chiens, alorsimmédiatement chassés en dehors de cette enceinte. Dans notreexpérience portant sur la gestion de trois opérations d'accueil c'estseulement à deux reprises qu'un jeune a transgressé l'interdit majeur, àchaque fois dans une dynamique de crise et de tension exacerbée. Maisla conscience de la gravité de l'acte a fait que dans ces deux situationsles auteurs de ces infractions sont rapidement retournés de l'autre côté.

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Ces organisations et ces prestations techniques ne vont donc pas sans lamise en place de règles, question complexe car il s'agit d'adapter lesexigences d'un fonctionnement à une population qui vit en permanencedans le refus des contraintes sociales et dans la recherche de lasatisfaction immédiate de ses désirs. Il faut alors repérer ce qui ne peutpas être négociable, ce qui fait l'objet d'impossibilités et ne peut doncpas être accepté, les interventions rappelant ces lois étant clairementsignifiées tout en étant faites le plus possible en douceur.La première règle est énoncée dès l'arrivée à l'entrée des équipements :un droit d'entrée de dix francs est demandé à chacun. Il est présentécomme étant une participation au coût de l'opération, et permet surtoutde marquer dès le premier contact que le système n'est pas inscrit dansune logique de gratuité liée à une démarche d'assistanat social maisqu'une prestation est proposée avec sa contrepartie financière. C'estégalement le moment d'annoncer que le gymnase ferme chaque jour àtreize heures pour en permettre le nettoyage, information déjà lue dansl'entrée sur un grand panneau d'affichage.Ce moment d'accueil permet également de signifier aux porteurs degrandes quantités d'alcool destinées à la revente que pour le bien detous il n'est pas souhaitable qu'ils vendent leurs produits à n'importequi dans n'importe quel état, en leur demandant d'appliquer à leurcommerce le même discernement que celui qu'exerce théoriquement undébitant de boissons. Cette information préalable donne le droit d'allerensuite à leur rencontre pour leur rappeler ce "contrat", et pouréventuellement intervenir auprès d'eux afin de modérer les éventuelseffets ravageurs de cette vente.Enfin, c'est également à l'accueil qu'une règle concernant lescomportements des chiens est annoncée à leurs propriétaires :engagement à ce que les bêtes ne se battent pas entre elles, engagementdes maîtres à les faire sortir pour qu'elles se soulagent à l'extérieur.Comme assez régulièrement ces maîtres finissent par s'écrouler dans unsommeil comateux lié à la fatigue et à la consommation massive detoxiques, cette annonce préalable donne le droit de faire sortir dugymnase les chiens qui en manifestent l'envie... et ceux qui les suivront.On pourrait estimer que cette présence est un problème évitable compte

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tenu des nuisances qui l'accompagnent. Des solutions commel'organisation d'un chenil dans un vestiaire ont déjà été tentées et ontconduit à l'échec : les chiens se battaient entre eux, leurs maîtres étaientde plus en plus inquiets, et de toute façon certains refusaientradicalement de s'en séparer. L'interdiction totale de leur présence esttoute aussi impossible car si ils ne sont pas là leurs maîtres ne le serontpas non plus.A ces règles formulées clairement à l'entrée s'ajoutent des règlesformulées selon les cas et liées à l'évidence des situations. Il en est ainsides rappels difficiles, répétés et peu efficaces dans la durée, tendant à ceque le bruit produit par l'utilisation d'instruments de musiqueparticulièrement sonores soit limité, sinon interrompu. Il en est ainsi desrappels faits aux quelques vendeurs ostensibles de toxiques illicitespour leur signifier qu'il est certes impossible de les empêcher deprocéder à leur commerce, mais que celui-ci ne peut pas se faire defaçon exagérément démonstrative. Il en est ainsi également de l'interditdes comportements violents, et les très rares bagarres font l'objetd'interventions des responsables de l'hébergement alors présents pourséparer les combattants et leur signifier l'impossibilité d'accepter cesconduites. Ces règles surajoutées à celles formant les bases explicites dufonctionnement des lieux ne font que reprendre les règles de vie et lesinterdits des espaces publics. Ce peut être ici la base conceptuelle decette imposition de choix de fonctionnement : rien de moins ni de pireque dans la rue, et quelques points supplémentaires portant sur descontraintes qui soient à la fois acceptables par chacun et garantes dudébut de l'installation de rapports sociaux positifs entre les personnes.Ces rapports, construits sur des bases faites non plus seulement del'addition d'individualismes mais reposant également sur des pratiquesconventionnelles, permettent alors l'approche de la remise en jeu d'un

contrat social minimum.

Ces règles, pour certaines explicitées pour tous et pour d'autres avancéesselon les problèmes rencontrés et placées sur la base du bon sens, vontde paire avec une zone conventionnelle souple où des négociations etdes discussions permanentes permettent aux parties prenantes

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l'affirmation de points de vue différents et l'établissement de consensusfaits d'adaptations réciproques. Il en est ainsi de l'obligation dupaiement à l'entrée, modulée selon les individus : fermeté pour certains,crédit limité dans le temps pour d'autres s'engageant à faire la manchedans le gymnase, gratuité pour certains arrivant après une journée demanche inefficace ou décevante. Il en est également ainsi des pratiquestoxicomaniaques ostensibles, où les responsables présents appellent àune certaine discrétion et se permettent de signifier leurs façons de voiraux jeunes concernés. Cette attitude difficile balançant entre l'hypocrisiedu "je ne veux pas voir même si je sais" et la nécessaire entrée enrelation avec des jeunes en grande souffrance pouvant faire ici un appelpour que l'on s'intéresse à eux ne peut être dosée et gérée que par despersonnes ayant l'expérience de relations éducatives avec ce type dejeunes, et ayant réglé pour elles-mêmes ce que la marginalité et soncortège de revendications sociales et de comportements en rupture peutavoir de fascinant.

La solidité et l'efficacité de ces dispositifs de travail reposent en fait surla compétence des personnes qui les font vivre. L'observation à Bourgeset à La Rochelle des fonctionnements, des dysfonctionnements et desdifficultés des lieux gérés par des personnes de bonne volonté mais sansréflexion sur leur rôle et sans formation pour tenir celui-ci ont permisde repérer et d'établir des critères de compétence individuelle etd'image collective pour que les équipes soient constituées de façon

satisfaisante.Ces équipes doivent être constituées d'un fort noyau de travailleurssociaux et de professionnels de l'approche et de l'accompagnement desjeunes en grande marginalité, car il y a des expériences et des savoir-faire qui ne peuvent pas être improvisés. C'est le terrain des animateursde quartiers difficiles, des éducateurs spécialisés intervenants entoxicomanie et en milieux ouverts, et également des professionnels del'approche psychologique et psychiatrique des personnes. Les équipesgagnent cependant à ne pas être exclusivement constituées par cesspécialistes, des personnes d'autres origines professionnelles pouvanttout à fait y trouver leurs places et y tenir des rôles d'adultes auprès

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des jeunes en amenant avec elles des façons de voir et de réagir qui nesont pas marquées par trop d'habitudes issues des milieux del'intervention spécialisée.Ces rôles d'adultes ne peuvent être tenus que par des intervenantsrenvoyant des images d'adultes dans leurs façons de faire et d'être ; ilest impossible d'accueillir dans ces équipes de trop jeunes adultes auxcomportements encore adolescents sous certains aspects. Uneengagement dans la vie professionnelle et une stabilisation de celle-ci,l'engagement actif dans la vie étudiante, une maturité sociale etaffective, un recul et une distance vis à vis des pratiques festives et durecours aux toxiques pour "mieux" les vivre sont autant de garanties àprendre pour éviter à de trop jeunes intervenants de se trouver endifficulté en cours d'opération.Ces équipes doivent également présenter une mixité et unehétérogénéité des âges à la fois riches de potentialités projectivesdifférentes pour les jeunes et garantes de fonctionnements qui netendent pas inconsciemment vers l'instauration de virils rapports deforce, comme s'il fallait nécessairement être homme, jeune et musclépour pouvoir gérer ce type de lieux.

Les membres de ces équipes doivent en fait être capables de se repéreret d'aider les jeunes à se repérer dans un cadre de travail dont lesgrandes lignes sont certes tracées, mais dont nombre de détails nepeuvent pas être préétablis et ne gagnent pas à l'être pour préserverl'existence d'espaces de négociations. Cette capacité à entrer en relationrepose, certes, sur leurs compétences professionnelles et sur les imagesqu'ils renvoient ; elle repose également sur les choix concrets de misesen oeuvre matérielles.Ainsi, l'accueil n'est pas anonyme et ne se fait pas derrière un comptoir.Un des accueillants est présent physiquement dans l'espace d'entrée nonpas principalement pour faire obstacle ou pour exercer un contrôletatillon, encore que la fonction "obstacle" soit importante pour larégulation des entrées, mais pour que dès le premier contact ladiscussion s'engage dans la proximité relationnelle. C'est le temps de lapremière rencontre, de l'accueil au sens propre du terme, où des

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nouvelles peuvent être demandées et des informations échangées. C'estdéjà l'installation d'un espace de paroles et d'échanges. C'est aussi leposte de travail le plus difficile à tenir et qui ne peut être tenu que parune personne d'expérience, de toute façon jamais laissée sans attentionsde la part des autres gestionnaires présents qui doivent être prêts enpermanence à venir à ses côtés pour l'aider à faire face à des pressionstrop importantes.La buvette organisée à la frontière des barrières tient également un rôletrès important dans ce cadre relationnel. C'est le lieu de l'expression desdéprimes nocturnes et des confidences, le lieu des échanges sur la vie dela zone et sur les projets de chacun. Si pour l'observateur non attentifson fonctionnement peut sembler ne pas différer des relationssuperficielles développées à un classique comptoir de café, l'attentionapportée aux personnes, la chaleur de l'écoute, les éventuels renvois dequestions ou d'avis sont autant de marques de considération humaine etd'approche éducative qui ne sont pas habituellement le fait descafetiers.Les rangements matinaux et la préparation de la fermeture quotidiennesont aussi des moments importants, et difficiles, où le contact direct estnécessaire et utile. Il s'agit de réveiller les dormeurs, d'avoir quelquesparoles avec ceux qui émergent douloureusement d'une nuit courte etcomplexe, d'inciter doucement et fermement chacun à ranger sesaffaires personnelles pour se préparer à partir : autant de prétextes àrelations et autant d'actions qui ne peuvent se développer que dans laproximité et l'attention apportée à chaque personne. Et autant d'actionsdont la mise en pratique centrée sur l'attention apportée à chacundiffère radicalement des pratiques habituelles des lieux d'accueil quepeuvent fréquenter ces jeunes l'année durant.L'action des responsables de ces structures ne se développe pas quedans le cadre de l'accueil, du service du café, des rangements et de lavigilance à apporter au cadre matériel. Ils ont également à aller à larencontre des jeunes accueillis en se déplaçant dans le gymnase et en yétant attentifs aux ouvertures possibles leur permettant, là encore,d'entrer en relation verbale et d'établir un contact de proximité.

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C'est l'ensemble de ces choix de travail faits de respect des personnes,d'attention chaleureuse apportée à ce qu'elles sont sans pour autant sepriver d'exprimer des façons de voir, de recherche systématique derelations personnalisées, qui font la possibilité et la qualité du travailengagé.

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DEMARCHES DE PREVENTION

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Quelles démarches de prévention des dérives matérielles et dessouffrances psychologiques, et quelles démarches de soutien à destentatives et à des volontés de réinsertions sociales mettre en place pources jeunes ? Trois types de réponses sont possibles, portant sur troisniveaux d'intervention liés à trois niveaux de contact avec l'errance etd'entrée dans cette dynamique. Mais ces réponses ne commencent àapparaître qu'aujourd'hui, à la fin de ce programme de recherche, car ilétait nécessaire au préalable de bien connaître les dynamiques de cesjeunes. Cette recherche est donc déjà en elle même un élément d'unepolitique de prévention.

Les lacunes d'une prévention primaire centrée sur le bien être affectif etsur l'écoute de ces adolescents sont énormes. Tous les jeunes engagésdans l'errance évoquent le vide relationnel dans lequel ils se sonttrouvés à l'adolescence, ne rencontrant dans leur entourage que desadultes distants, perdus, sans capacités d'attention ni d'écoute. Il y ad'évidence ici une carence dans l'action des professionnels de l'éducationque sont les enseignants de collèges et de lycées qu'ils ont croisés, et quesont les professionnels d'animation intervenant dans les structuressocioculturelles de leur environnement. Ces jeunes n'évoquent jamaisnon plus de contacts avec le tissu associatif, avec des bénévoles et desmilitants qui auraient pu être pour eux des points de repères et dessupports d'identification. Il y a également carence dans le soutienpédagogique et éducatif qu'auraient pu apporter à leurs parents le corpsdes travailleurs sociaux, dont les interventions sont souvent évoquéesde façon très négatives dans les souvenirs d'enfance. Le constat est peutêtre sévère, trop sévère même car il est possible et légitime de fairel'hypothèse que certains de ces professionnels et que certainesassociations locales ont bien fait leur travail et que les jeunes qui en ontprofité ne sont donc pas en errance. Mais force est de constater que laprévention primaire est très perfectible, en particulier dans les zonesrurales et dans les petites villes de province dont ces jeunes sontoriginaires. Une récente recherche portant sur les jeunes bourguignons

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en difficulté1 peut être en cela très éclairante pour qui souhaiteapprofondir ces aspect des dynamiques juvéniles rurales et microurbaines, et pour qui souhaite avancer dans une réflexion portant surles modifications de fonctionnement et d'orientation qu'il est nécessairede développer dans les institutions socioculturelles pour les adapter àces réalités et à ces urgences.

Un second niveau d'intervention porte sur les jeunes qui commencent àaccumuler des signes d'alerte : décrochage scolaire, fugues initiatiques,conflits de plus en plus forts avec les parents, en particulier avec leurpère ou beau père ou avec le compagnon de leur mère, consommation detoxiques de plus en plus marquée,...Les premières hypothèses du programme de recherche portaient sur lecontact avec ces jeunes dans les espaces festifs où ils viennent pour"s'éclater", contact destiné à les aider à se raccrocher au réel pour luttercontre une lente immersion dans l'errance. Force a été de constater queces jeunes étaient très difficiles à contacter soit parce qu'ils étaient trèspeu identifiables, n'ayant pas encore adopté l'ensemble descomportements de démonstration ostensible de leurs modèles, soit parcequ'ils étaient alors dans une phase de découverte et de liberté tellementeuphorique que des paroles de bon sens n'avaient aucun sens pour eux.Un travail est cependant possible avec ces jeunes par le biais de lagestion des lieux d'hébergement quand ils viennent exprimer à unmembre de l'équipe présente leur souffrance de s'être fait voler del'argent, des papiers d'identité, des vêtements ou un sac de couchage pardes personnes appartenant à cette population qui les fascine et lesattire. Un travail est également possible quand ils sont inquiets del'outrance de certains comportements adoptés par d'autres sousl'emprise des toxiques et qu'ils viennent exprimer cette inquiétude. Ils'agit dans ces deux cas de les aider à faire la part entre ce qu'ilsimaginent de cette vie et ses réalités sans pour autant insister sur l'effetrepoussoir de cette réalité qui les attend au risque de les renforcer dansleurs oppositions aux avis issus du monde des adultes. Il s'agit plutôt de

1Dominique Bondu et Didier Truchot.La Bourgogne au miroir de ses jeunes endifficulté. Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire. 1993.

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les amener à essayer de comprendre pourquoi ils cherchent à seconstruire un équilibre dans cette dynamique sociale marginale, et às'efforcer de valoriser ou de revaloriser des écoutes et des ancragesqu'ils peuvent trouver dans leurs lieux d'accroche sédentaire. Cetteapproche n'est pas particulièrement facile, et est rarement couronnée deréussite. Cependant des soutiens approfondis ont pu être engagés àplusieurs reprises auprès de quelques jeunes, et il a semblé que cessoutiens étaient intervenus au bon moment pour les aider à interrogerleurs conduites et à réorienter leurs trajectoires de vie. Mais il ne s'agitque de quelques exemples qui ne sont pas généralisables en termes devalidité d'action globale de prévention auprès de ce public, d'autant plusque ce type d'approche extrêmement personnalisée ne peut pas êtredéveloppé comme solution éducative globale compte tenu de l'importantnombre de jeunes concernés.Il reste donc le travail qu'il est possible d'entreprendre avec eux surleurs lieux de vie sédentaire puisqu'ils ont encore une accrochematérielle stable. C'est ici, encore une fois, au delà du rôle que la famillea de plus en plus de mal à tenir, le rôle des professionnels de la relationéducative et le rôle des intervenants spécialisés en travail social auprèsdes jeunes en difficulté, mais force est de constater que cesprofessionnels sont peu présents, donc peu actifs, dans les milieux de viede ces jeunes. Il y à ici une lacune importante dans l'action des réseauxd'intervention sociale spécialisée qui fait penser que, par exemple, desactions du type "prévention spécialisée" gagneraient à être plus souventorganisées en dehors du milieu urbainstricto sensus.

Nous disposons de plus d'éléments positifs directement utilisables sur ceque peuvent être des interventions au troisième niveau, auprès desjeunes déjà largement engagés dans l'errance.La première certitude, développée à propos du fonctionnementsouhaitable des lieux d'accueil provisoires, est que la présence detravailleurs sociaux dans ces lieux pour les gérer est un moyen d'entreren contact avec les jeunes sans commune mesure avec les habituellesentrées en matière passant par des demandes d'aides et decompréhension à la sincérité souvent relative. Des paroles sincères s'y

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établissent immédiatement puisqu'il n'y a rien à dissimuler pour obtenirquelque chose, ou bien parce que l'enjeu de la dissimulation dontpersonne n'est dupe ne portera que sur les quelques francs nécessairespour payer l'entrée ou pour s'offrir un café. Et l'accueillant signifieraalors que de toute façon il ne souhaite pas placer la discussion sur leregistre de la négociation financière, mettant ainsi de côté les habituellesentrées en matière. Cette entrée en contact sur un pied plus égalitairepermet que s'échangent des paroles profondes, dont la qualité nevariera d'ailleurs pas quand le jeune comprendra au détour d'uneconversation que son interlocuteur ou que les collègues de celui-cipeuvent être des travailleurs sociaux.Ces échanges sincères permettent de repérer trois âges, trois époquesdans la vie d'errance qui semblent êtres des époques charnières pourancrer une intervention de soutien et d'aide à la mobilisation.Les plus jeunes, engagés dans l'errance depuis tout au plus quelquesannées, entretiennent régulièrement des rêves liés à leur rapport à uneenfance aussi merveilleuse qu'imaginaire en souhaitant s'occuperprofessionnellement d'enfants, persuadés que leurs expériences de vieleur permettront de conduire ces enfants sur le chemin du bonheur etde l'intégration sociale. Cette pulsion vers une philanthropie sociale,fréquente et logique à l'adolescence et dans l'entrée dans la vie adulte,ne gagne probablement pas à être directement encouragée ni à êtreprise telle quelle en compte pour le bien des enfants qui leurs seraientconfiés, mais son existence laisse penser qu'il y a encore chez ces jeunesdes ressorts puissants qui les animent et qui montrent qu'ils neconsidèrent pas que leur vie serait déjà sans but et sans issue. L'espacedes hébergements festivaliers peut alors être le lieu d'aides à laréflexion sur ce ressort de vie et sur leur volonté de donner à d'autres.De la même façon l'identification du niveau d'engagement dans l'erranced'un jeune rencontré à l'occasion d'une action d'aide à l'insertion peutêtre une aide précieuse pour un intervenant social, ces jeunes ayantencore pour certains une partie de leur vie dans une réalité sédentaire.Ceux qui sont légèrement plus vieux, autour de vingt deux à vingt cinqans, et qui ont déjà vécu l'errance durant de nombreuses années,commencent à se poser des questions en forme de bilan. Ils ont

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largement fait le tour des plaisirs de cette vie et ils sont rattrapés parune pratique alcoolique ou une pratique toxicomaniaque qu'ils avaientfuie en partant sur la route ou qu'ils avaient déjà rencontrée auxhasards de cette route. Ils gèrent d'une façon de plus en plus inquiète lerapport entre leurs rêves secrets de vie faits d'une famille à fonder,d'enfants à élever, et leur réalité quotidienne faite d'absence derelations inter personnelles, d'absence de vie de couple et d'absenceglobale de sens. Ils sont désillusionnés sur l'errance et en même tempsils ne savent pas comment en sortir. Les échanges sont souvent situésdans des contextes psychologiques dépressifs où les réponses apportéesgagnent à aider à se repérer, à aider à faire le point tout en ne mettantpas à bas toutes leurs défenses. L'accès au revenu minimum d'insertionà l'âge charnière des vingt-cinq ans est ici un prétexte et une aide à desvolontés de re-sédentarisation.D'autres qui approchent des trente ans ne font pour la plupartstrictement aucune projection dans l'avenir, et l'évocation prudented'éventuelles mobilisations pour changer un quotidien dont ils disenteux mêmes qu'ils souffrent d'y être enfermés fait émerger chez eux unvide terrifiant. Ce sont ceux qui passeront un jour la barrière matériellequi les sépare encore du statut de SDF en allant se faire établir le carnetadministratif prouvant cette nouvelle appartenance. Quelques unsréussissent cependant à s'équilibrer dans leur vie marginale ens'assurant un minimum financier fait de RMI et de petits emploismarginaux réguliers, en réussissant à préserver un lieu fixe où ilspassent régulièrement se ressourcer. Mais cette stabilisation marginalequi est à considérer comme une réelle insertion sociale ne leur permetpas de réaliser leurs idéaux secrets de vie faits comme leurs pairsd'envies de famille, d'enfants et de stabilité. Ici aussi les contextesdépressifs sont réguliers, même si ils sont masqués par des pratiquesalcooliques qui semblent à peu près contrôlées.Pour ces trois catégories de la population des errants confirmés,l'intérêt de l'existence de lieux d'accueil provisoires ne porte passeulement sur le plan individuel par le biais de l'installation d'échangesverbaux dans des perspectives de soutien à des mobilisations oud'étayage dans des moments difficiles. Elle porte également sur des

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aspects collectifs par l'installation de relations et de règles de vie quisont à la fois respectueuses des personnes et sécurisantes pour chacun.Ici ce n'est plus seulement la parole qui travaille, mais également lecadre de vie installé. Les affirmations de bien-être et de satisfaction dese voir considérés comme des êtres humains sont nombreuses, etpeuvent bien entendu être reprises à l'occasion d'échanges pluspersonnels.Un dernier point, global, sur ce que peuvent permettre ces lieuxd'hébergement provisoire, est lié à l'hypothèse de leur multiplication surle territoire national tout en préservant entre eux une cohérenced'organisation et une cohérence dans les modes de gestion et de relation.L'expérience de la gestion de trois lieux sur deux sites en deux ansmontre que des acquis y sont possibles sur les comportements, sur lesinter relations et sur des soutiens établis dans la durée, car desrencontres régulières avec un nombre non négligeable de jeunespermettent de réintroduire dans leur vie une linéarité du temps alorsqu'ils vivent le plus souvent sous la forme de successions de coupurestemporelles. Ces acquis sont également possibles parce que les relationset les connaissances se maintiennent de festival en festival etpermettent peu à peu d'aller plus loin dans la confiance, la confidence etdans l'écoute. Une telle multiplication des sites n'impose pas que tousces lieux soient gérés par la même équipe mais nécessite que deséchanges d'intervenants se fassent entre ceux ci, et nécessite bienentendu que des échanges entre intervenants existent pour permettre,non pas de tenir à jour les dossiers individuels des jeunes connus, maisde capitaliser les expériences et de maintenir la cohérence des façons defaire.Enfin, les intervenants de ces lieux ne doivent pas oublier que leursactions ne portent que sur des relations de courtes durées même si ellesse reproduisent dans le temps, et qu'il leur est indispensable deconvaincre les jeunes de contacter les travailleurs sociaux quiinterviennent dans des structures de proximité plus quotidiennes quandils sont dans des phases et dans des lieux de sédentarisation. Ce n'estque par la complémentarité entre les travailleurs sociaux du quotidien

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et les intervenants des hébergements provisoires que des soutienspourront aboutir à des remobilisations de fond.

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CONCLUSION

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Conclure ce rapport de recherche n'est pas conclure cette recherche quireste en vie et en action et qui amène de nouveaux objets de travailpour l'année 1995. Que dire à cette étape du travail ?

Des réflexions globales, tout d'abord. C'est constater qu'une approche à lafois scientifique et pratique de questions d'intervention sociale estpossible, et surtout qu'elle peut être conduite en évitant la tropclassique coupure entre les chercheurs et les acteurs de terrain. C'estaussi constater qu'il reste des espaces d'innovation à investir à la foispour développer des objets de recherche et pour conduire desexpérimentations professionnelles.

Des réflexions institutionnelles, également. C'est constater que nombred'institutions qu'elles soient associatives, services publics, bénévoles ouprofessionnelles, sont prêtes à s'engager dans des actions différentes, àinventer, et prêtes à interroger leurs propres fonctionnements et leursréférences en rapport avec les questions alors rencontrées. Et c'estconstater aussi que d'autres n'y sont pas prêtes, peut-être par surchargede travail, peut-être par les effets de la décentralisation et de laPolitique de la ville qui territorialisent tellement les actions quel'attention apportée à celui qui ne fait que passer devient impossible,peut-être également par manque de dynamisme interne et de volonté

d'ouverture.

Des réflexions professionnelles sur le versant action sociale, aussi. C'estconstater que le travail conduit dans les festivals ne suffit pas s'il n'estpas relayé par un travail conduit dans les lieux de sédentarisation desjeunes en errance, et qu'il ne suffit pas s'il est développé sanscohérences avec d'autres actions développées ailleurs, dans d'autresfestivals. Et c'est constater que si dans les festivals et plus largementdans les lieux de grands regroupements les jeunes en errance sontvisibles car nombreux, ils sont présents partout en permanence, en pluspetits nombres. Leur invisibilité relative ne fait pas qu'ils n'y existentpas, et que des actions de soutien ne devraient pas y être développéesen leur direction. C'est aussi constater l'enorme besoin de prévention

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primaire, l'absence d'adultes-relais auxquels se confier, se comparer etse confronter positivement durant l'adolescence ayant eu desconséquences dramatiques pour ces jeunes.

Et des réflexions citoyennes, pour finir. C'est faire l'hypothèse que laquestion des jeunes en errance n'est pas qu'une question deprofessionnels de l'éducation, de l'insertion ou de l'accompagnementsocial. Le fait qu'une partie de la jeunesse est tellement mal qu'elle fuitla réalité en s'engageant dans des issues bouchées génératrices desouffrances encore plus fortes concerne l'ensemble du corps social. Cesjeunes sont malades de la société des adultes ; à ces adultes de réfléchircette maladie en ne se contentant pas d'en confier la gestion à quelquesspécialistes.

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

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Nels Anderson.Le hobo.éd. française Nathan. 1993.

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Errance contemporaine. Sociologie et ethnologie.

Patrick Gaboriau.Clochard.Julliard. 1993.

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Dossiers thématiques et bibliographies.

RevueEmpan.L'errance des jeunes. n˚ 8. Juin 1992. Une importantebibliographie est annexée au dossier.(Empan. ARSEAA. Chemin de Colasson. 31081 Toulouse cedex)

Bibliographie commentée dans Jean Luc Porquet.op.cit.

Bibliographie du séminaire de recherche "Enfant marginalisé et espaceurbain". Centre international de l'Enfance. Paris.

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EQUIPES DE RECHERCHE

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