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Pour problèmatiser la descolarisation

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L’institution scolaire, garante ducontrôle social autant que des sociabilités,pose la question du décrochagedans un contexte de crise del’école et de son environnement.Ce phénomène, dont la définitionreste à préciser, se joue dans lesinteractions entre les rapports sociofamiliaux,socioscolaires et sociopsychologiques.

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Ces dix dernières années ont sans doute été une épreuve sans précé-dent pour l’école française. Installée dans sa pérennité, elle s’est sommetoute assez mal tirée d’affaire, quoi qu’en disent ses thuriféraires ou lessyndicats. Tout d’abord, nous savons que l’école est redevenue cequ’elle était avant 1968, le nid des plus favorisés mais également desclasses moyennes, et l’on sait désormais que l’échec scolaire tient vrai-ment du destin socioculturel. On commence à lire que l’école ethnicisel’échec. Ensuite, les matches de ping-pong entre pédagogues et didacti-ciens laissent en l’état la misère enseignante de cette fin de siècle

VEI Enjeux, n° 122, septembre 2000

POUR PROBLÉMATISERLA DÉSCOLARISATION

Jacques PAIN (*)

(*) Professeur de sciences de l’éducation à l’université Paris X-Nanterre.

L’institution scolaire, garante ducontrôle social autant que des socia-bilités, pose la question du décro-chage dans un contexte de crise del’école et de son environnement.

Ce phénomène, dont la définitionreste à préciser, se joue dans lesinteractions entre les rapports socio-familiaux, socioscolaires et sociopsy-chologiques.

Certaines recherches menées enFrance, autant que les modèles éla-borés en Belgique et au Québec, sou-lignent l’importance de la coopéra-tion école-parents, de la restaurationdu lien social, voire de la place dudésir. Ne faudrait-il pas pour yatteindre déscolariser l’école ?

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devant l’échec scolaire. Les méthodes ne comptent pas, le savoir est ledernier pouvoir des scolastes et des petits maîtres de la transmissionacadémique, les enfants de 3 à 5 ans sont pour partie déjà en« difficulté » ; et nos enseignants continuent de ne pas savoir enseignerau tout venant, alors que les neuf dixièmes des jeunes mineurs sont sco-larisés. On ignore Freinet, Vigotsky et l’AIS (adaptation et intégrationscolaires). En fait, nous disent les syndicats – et c’est aussi vrai –, lesadolescents sont mal élevés, et leurs parents pour les deux tiers ontl’école «de travers». Et puis, on s’est toujours ennuyé à l’école, à unmoment ou à un autre. Mais là, on s’y ennuie massivement, aux der-nières nouvelles. Enfin, la violence sociale, qui campait aux portes del’école, s’y implante, et une école qui se referme sur ses enseignantsdevient très vite une école violente, y compris délictuellement, parnégligence, et non-assistance à des élèves oubliés. Comment s’étonnerdès lors de cette insidieuse dépression qui domine le climat de nosécoles, en alternance avec l’hystérie de certains de ses tenanciers ?Presque tout concourt à l’échec: la dictature du socioéconomique; ladestruction des liens et des héritages culturels et symboliques; unesurscolarisation magistrale et captive. Et, qu’elle le veuille ou non,l’école reste au cœur du sens et du non-sens sociétaux. C’est l’institu-tion intime où se mesurent en première grandeur l’image et l’estime desoi, du groupe familial et de l’adolescent(e) en construction.

Psychologues et pédopsychiatres en arrivent aux mêmes conclusionsque sociologues et pédagogues, sans se donner le mot: près deun élève sur dix est marginalisé définitivement dès le CE1-CE2; unsur trois serait en difficulté, un sur deux en terrain sensible à l’entrée ensixième.

Évidemment, la mode fut aux violences à l’école, en milieu scolaire,à la sécurité de nos sanctuaires. On sait tout du phénomène, à présent.Le ministère en 1999 en venait aux vrais problèmes : le lien famille-école, la communication, la formation des enseignants. Mais point tropn’en faut. Allègre a beaucoup fait, et fait mal. Lang connaît la musique.L’institutionnalisation de l’échec et ses judiciarisations garderont lehaut du pavé.

Dans ce mouvement d’émiettement de la problématique de l’école, unobjet de recherche vient à l’ordre du jour en France, un objet bienconnu des Canadiens, des Anglo-Saxons, voire des Belges : la «désco-larisation». Nous en devinions la force dès 1990, dans notre suivi de laZEP des Mureaux. Nous en discutions entre 1995 et 1997 avecJacquesHébert (université du Québec, à Montréal) et Laurier Fortin

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(université de Sherbrooke). Nous avons, après 1992, pu prendreconnaissance du «Dispositif accrochage scolaire» belge jusqu’à sonévaluation (1999). Plusieurs enquêtes par questionnaires et entretiensnous aidèrent à en prendre la mesure.

Nous voudrions ici nous interroger sur la notion de déscolarisation, sapertinence, ses échelles de modélisations, et sur ses implications, saprévention. Il est vrai que pour nous un objet de recherche est toujoursune boîte de Pandore. Sa construction même est un jeu de pistes quiéchappe souvent à ses auteurs.

De quoi parle-t-on ?

En fait, la déscolarisation est le pendant de l’école et de l’obligationscolaire. L’obligation scolaire et la protection des mineurs, le contrôlesocial et la prévention de la délinquance imposent depuis deux sièclesla surveillance de la scolarisation. À l’endroit, nous avons un discourssur l’alphabétisation, l’instruction ; à l’envers, on gendarme le vagabon-dage «en rue» (comme disent les Belges) des mineurs. C’est d’ailleurspar la justice et la police qu’est repris le problème, au-delà des parents,lorsque l’absentéisme se mue en déscolarisation.

Les seuils ici sont difficiles à établir. En principe, quatre absences nonjustifiées appellent l’inspection académique à réagir. Nous avons pueffectivement constater que ce premier seuil avait du sens, lorsqu’on letenait, et surtout lorsqu’on accompagnait l ’ interpellation. ÀGenevilliers, dans un collège sensible (1994), l’un des trois conseillersprincipaux d’éducation s’y consacrait, mais la lettre à la famille étaittoujours précédée d’un appel téléphonique et accompagnée d’une visite.On en vint – et j’ai pu en vérifier les effets à Mantes, Trappes,Goussainville – à téléphoner dès la première absence. En classe-relaisc’est devenu évident, et payant à Éragny, à la Garenne-Colombes(1994-1999).

Mais ici nous sommes au niveau du secondaire. En collège. Après16 ans, entre 16 et 18 ans, on bricole, ici ou là, avec ou sans les parents.Avant 11 ans, on prétend ne pas rencontrer la question, mais j’ai pu auhasard de mes interventions en appréhender la relativité. Une enfant de5 ans est restée sans scolarisation plus de un an (Asnières, 1996) ; deuxautres, de 7 ans (Les Mureaux, 1990) et 8 ans (Nanterre, 1993), plus de

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deux ans. Certes, l’inspection académique peut déscolariser exception-nellement un enfant, s’il est en danger ou met en danger l’autre.

Nous touchons là l’une des difficultés de l’école : elle ne sait pasencore bien diagnostiquer ce qui tient du psychiatrique, du psycholo-gique ; du «sujet», de sa famille; de l’institutionnel, ou plutôt de laviolence scolaire internalisée – par les enseignants et les élèves – enmilieu «normosé», comme disait Fernand Oury; de la carence métho-dologique d’enseignement – il faudra en effet se faire à l’idée que cha-cun de ces publics difficiles, ou en difficulté, mérite une approche spé-cifique, du diagnostic (psychopédagogique, donc collectif) aupronostic, en passant par la méthode et les techniques; mais dans larelation enseignante, insistons-y; du sociologique, c’est-à-dire en faitdu contexte et surtout des pairs identifiés, identifiants – mais là lesociologue ordinaire ne saurait discerner le résilient du délinquant, oude l’accidenté.

Disons que l’école, véritable machine de guerre de l’instruction, devraprochainement faire dans la dentelle; mais pas à Polytechnique!... enmaternelle, dans le primaire, et au collège. Elle le peut.

Pour la région de Bruxelles-capitale, les Belges comptent un peumoins de 1 000 dossiers de déscolarisation par an, mais 14 % de cesdossiers concernent les primaires (plus de deux cents les moins de13 ans ; les 7-9 ans sont 95). Au début de 1990, nous arrivions avecMichel Navarro aux Mureaux à une estimation (niveau secondaire) de2 à 5 % d’élèves déscolarisés (en 5e plus particulièrement) sur l’en-semble de la ZEP. Les Belges arrêtent à moins de 1 %, sur Bruxelles, ladéscolarisation, qu’ils nomment «décrochage» ou «brossage».

Nous mentionnerons à part les enfants du voyage. Ici, le flou est artis-tique. Quelques spécialistes maîtrisent la question. À Pau, une expé-rience de scolarisation (1995-1999) régulière a montré les limites del’école. Comme à Rézé (Nantes). Sans lien culturel, sans liaisonsociale, les voyageurs vont où ça leur parle, et où on les considère.Mais enfin, est-ce si différent du Français intégral, ou intégré?

Là, le milieu est la souche psychique et génétique du rapport non pasau(x) savoir(s), mais à l’école jules-ferryenne, prise entre le dressagedes habiletés sociales (préoccupation canadienne) et le dressage deshabiletés intellectuelles universitaires (préoccupation très française).

De la colonisation intérieure et extérieure à la mondialisation violenteet intimisée que vivent les populations de l’an 2000, n’avons-nous pasraté une marche? Ou plutôt, avons-nous réfléchi aux marches qui

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mènent le sujet aux savoirs «savants», comme disent ceux qui croientque les autres savoirs sont, comme les parfums, d’essence moins noble?

La structure du savoir est vide; c’est justement ce vide fait manquequi organise du désir d’apprendre, en situation; le mieux, c’est que lesenseignants, et les thuriféraires de l’école, le savent, et l’ont forclos,pour mieux «s’originer» dans leur identité professionnelle. En fait, lesenseignants ne sont pour beaucoup que des élèves plus ou moins réussisqui dénient l’échec.

La terminologie mérite tout autant une pause. Il nous faut gagner endistinctivité : absentéisme, grand absentéisme, décrochage, déscolarisa-tion. Le grand absentéisme est marqué par plusieurs dizaines d’absences.Nous avons cette année dernière repéré plusieurs cas significatifs : qua-rante, cinquante absences; jusqu’à découvrir dans un collège(mutique?) un jeune dépassant la centaine. Le décrochage commenceavec la répétition, régulière, d’une conduite d’absence. Mais nous note-rons qu’il se fonde nécessairement sur une tolérance complice du milieufamilial et du milieu institutionnel, et qu’il peut y avoir paradoxalementdes décrochages plus ou moins actifs. Nous renvoyons ici à une enquêtede 1993 qui discriminait assez bien les populations et les risques desjeunes de moins de 25 ans, en combinant réussite et échec, bonne etmauvaise intégration, réactivité et passivité. Une déscolarisation activeest subjectivement plus supportée qu’une déscolarisation par désintérêt,démotivation. Nous avons connu le cas d’un mineur de 15ans qui avaitobtenu positivement du chef d’établissement et des enseignants de n’as-sister qu’aux cours d’espagnol et de mathématiques, où il travaillaitd’ailleurs réellement (Mantes, 1996). Nous avons en 1993 accompagnéune terminale à horaires aménagés de douze élèves (repréparant le bac-calauréat), où la scolarité était comprimée sur deux jours et demi, etnégociable, y compris en études dirigées à l’école ou au domicile, caspar cas. Ils ont tenu l’année, à peu près. Un sur deux travaillait ici ou là.

Il est clair que la déscolarisation peut être traitée à partir de la sécuritéet du judiciaire, voire de la simple police ; tous les intervenants belgesconsultés sont d’accord sur cette dimension ; mais aussi à partir de lasanté, et de la protection large de la jeunesse; il s’agit globalementd’une conduite à risques, mais la densité de ces conduites est tellequ’on peut craindre de noyer la question, comme nous avons pu leconstater dans des recherches générales sur la prévention. Nous verronsce qu’en tirent les Canadiens.

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Vers des modélisations ouvertes

À ce stade, nous pourrions présenter une matrice conceptuelle som-maire à affiner sur une première cohorte d’une centaine de cas, avant dela passer aux cribles québécois et belge.

Et nous pourrions esquisser des profils de conduite. En effet, l’évalua-tion belge nous apprend à nous tenir sur nos gardes, loin des stéréo-types. Par exemple, si les garçons décrochent plus que les filles, les gar-çons de 17 ans plus que ceux de 14, les élèves du «professionnel» plusque les autres, jusque-là on pouvait le supposer; mais que les décro-cheurs ne soient pas liés à la délinquance (7 % des dossiers) et que lesjeunes d’origine étrangère ne décrochent pas plus que les autres mériteréflexion. Y aurait-il une dimension spécifique d’accrochage liée àl’école elle-même, ou/et à l’interaction jeune-école, voire à la (psycho-logie de) la «vie scolaire» ?

Voyons alors ce que Laurier Fortin, Égide Royer et Pierre Potvin(Sherbrooke) avancent, avec une grande expérience de la complexité. Ils’agit d’« un modèle multidimensionnel et causal de l’adaptation et dela réussite scolaire de jeunes à risques» (1995-1996), construit à partird’une série de recherches anglo-américaines et québécoises sur la thé-matique.

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Absentéisme Grand Décrochage Déscolarisation(moins de absentéisme (50 à 100 absences) (2 à 3 mois)

10absences) (10 à 60 absences)

Niveau + + + +réussite-échec - - - -

Niveau + + + +d’intégration - - - -

Niveau de + + + +réactivité-passivité - - - -

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INSTITUTIONS SOCIALES CARACTÉRISTIQUES RÉSULTATPERSONNELLES

Famille

École

« Ceci nous amène à poser l’hypothèse que l’expression des difficultésscolaires du jeune dépend, non seulement des facteurs familiaux, maisaussi de ses caractéristiques personnelles, de l’encadrement inadéquatet de la mauvaise relation enseignant-jeune», nous disent-ils.

Chacun des items est testé de manière systématique. Ce que noustrouvons intéressant dans ce modèle systémique, c’est la prise encompte des interactions parents-enfants, enseignant-élève, des attitudesdes enseignants et de l’atmosphère de la classe. J’ai moi-même, aucours d’une recherche européenne, découpé, pour approcher l’«excel-lence scolaire» d’un établissement (c’est-à-dire sa «portance» socialeet scolaire), onze facteurs discriminants (redistribués en quatre-vingt-treize items). Cette «grille d’efficacité» va dans le même sens global:

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Qualité des interactionsparents-enfants

Discipline et stratégiesde contrôle

Niveau d’engagementdes parents

Revenu

Faible scolaritédes parents

Relation enseignant-élève

Attitudes des enseignants

Atmosphère de classe

Facteursde protection

Facteursde risque

Échecou

réussite

Niveau de risqued’abandon

Réseau socialet amis

Adaptation socialeet scolaire

Risque de décrochageet difficultésd’adaptation

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l’établissement, le partenariat, les parents, la direction, le projet, la viescolaire, les enseignants, l’enseignement, les élèves, les pédagogies, lesformations se concentrent sur: l’effet contexte social; l’effet établis-sement: l’effet classe. On voit alors comment articuler les dimensionsque j’avais, après 1992, qualifiées de «surspécifiques» (chômage,échec, stigmatisation), qui sont celles du «contexte», avec un pointsubjectif et critique «parents» et les «spécificités» scolaires (la qua-lité de l’école, «ajustée» à l’élève, et «ajustée» au professeur).

Compte tenu de l’ensemble, on peut réduire à trois vecteurs sensiblesl’état – psychosociologique mental de la scolarisation – de la scolarité:

– les rapports sociofamiliaux (et la culture interne) ;– les rapports socioscolaires (et la relation à l’école) ;– le rapport psychosociologique, de réactivité (personnelle).

Nous sommes dans une lecture complexe, encore une fois, à testerdans une volonté d’approfondissement individualisé. Nos amis cana-diens citent des batteries de tests pertinents.

Le mieux serait de le faire avec l’élève et ses parents. Plus que jamaisnous croyons à l’analyse et à l’évaluation actives et associatives enboucles. C’est de la recherche appliquée, ou de la recherche-action, àterme. L’élève et l’enseignant sont des personnes. Et la relation pédago-gique est le fantôme de l’échec et de la réussite. C’est l’un des points àtravailler, les sciences de l’éducation le serinent depuis 1967.

Le lien scolaire, une prévention?

Dans la conjoncture actuelle, l’école est le fil conducteur (institution-nel) du contrôle social, et de la socia(bi)lité. C’est en effet d’abordl’école qui dénonce la déscolarisation, juste avant les organismes et lesinstances de contrôle et d’inspection sociale, et avant les parents ou lapolice. Le rapport belge pourtant soulève une idée intéressante. Lestrois « piliers » de l’accrochage scolaire sont les piliers scolaire, judi-ciaire et «communal», et la proposition est d’instaurer une concerta-tion communale, de créer littéralement une «mentalité» communale,communautaire très certainement. Le problème de fond reste en effet unpeu partout le même : l’émiettement sociétal, le manque de synergie etde collaboration. On voit par exemple que les interventions de la policeont un effet de régularisation de la scolarisation, mais qu’en rester làengendre un cycle de répétitions quasi-mécanique. C’est d’ailleurs danscette répétition que l’école elle-même va décrocher.

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La collaboration école-parents est la ligne de force de la prévention,pour nous, mais aussi pour les Belges et les Canadiens. C’est la lignecentrale de la prévention des risques: resocialiser, recadrer, rétablirune conjonction minimum d’adultes de référence, une stabilité institu-tionnelle et symbolique.

La compétence scolaire, nous disent les Canadiens, est loin d’êtreuniquement cognitive. Et les Belges ajoutent qu’un certain choix del’école, des enseignants, associant parents et direction, peut intervenir,et permettre de retrouver du sens, à condition de privilégier la parole.

Qui le faciliterait ? Les directions; des médiateurs; certains profes-seurs principaux (formés), articulant évaluations, heures de vie declasse, consultations des assistantes sociales, des conseillers d’orienta-tion – j’ai pu voir par exemple au plus près la pertinence d’interventiond’un conseiller d’orientation de classes-relais. On trouvera! Mais il y aun syndrome de dyscolarisation qui habite l’école de cette fin de siècle:soit les défenses narcissiques et les suraspirations interdisent l’accès àla réalité ; soit la peur d’entrer dans la vie, la peur des études (récem-ment mise en évidence) et la démotivation dépressive le handicapent;soit la fidélité à l’identité négative et aux traumatismes l’emporte; surces trois points, je suis complètement Jacques Lévine, qui ne cessechaque jour un peu plus d’approfondir la compréhension psychosocio-logique, interactionnelle, clinique, de l’école.

La complexité qui s’ouvre est somme toute stimulante. Mais elleengage à casser les schématisations, les approches linéaires, causalistes,et une fois de plus à penser en réseaux. Le grand problème, c’est ledésir. Ceux qui n’ont plus le désir de cette école ont d’autres désirs biensûr. Il y a une pathoplastie de l’école, elle-même blessée, vindicativeparfois, dépressive souvent, qui encourage ou la violence ou l’absten-tion. La relation pédagogique peut faire ses preuves en négatif.

Par où commencer? Par tout à la fois, répondait Fernand Oury dèsles années soixante. Le désir est nomade. Il n’est plus là où on l’attend.Si l’école ne se reprend pas, autour de ses noyaux actifs – ceux qui onttoujours su que le savoir s’enseignait et s’échangeait, sous conditions etsous situations, jamais ou rarement en direct, mais toujours «en biais»,dirait Jean Oury –, elle se perdra. Si nous reprenions ici Illitch, nouspourrions retourner le problème, jusqu’au paradoxal: ne faut-il pasdéscolariser l’école, pour y réussir?

Jacques PAIN

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