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Actualités pharmaceutiques n° 515 Avril 2012
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L’évaluation des médicaments comporte des études précliniques, réalisées chez l’animal, et des études cliniques. Les études cliniques
sont réparties en différentes phases : Les études de phase I correspondent à la premiè re
administration du médicament chez l’homme sain (sauf dans le cas de la pathologie cancéreuse ou du sida) et sont destinées à évaluer la tolérance et la dose à administrer en phase II.
Les études de phase II correspondent à la premiè re administration chez l’homme malade. Elles sont desti-nées à évaluer l’effet thérapeutique et la dose à admi-nistrer pour les études de phase III. Les études de phase III sont destinées à évaluer
l’efficacité thérapeutique. Ce sont les études pivot du dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM, figure 1). Elles doivent neutraliser les biais, c’est-à-dire les erreurs systématiques.
Pourquoi des études pharmaco-épidémiologiques à l’officine ?La pharmaco-épidémiologie met en application des méthodes épidémiologiques
pour étudier l’efficacité thérapeutique, la sécurité et l’utilisation en conditions réelles
des médicaments après leur commercialisation. Elle s’oppose donc à l’évaluation
par l’essai thérapeutique dans la mesure où elle repose sur des méthodes
observationnelles et non expérimentales. De telles études peuvent être menées
par des pharmaciens. L’officine pharmaceutique est, en effet, un lieu idéal pour étudier
les relations médicaments/population.
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Actualités pharmaceutiques n° 515 Avril 2012
Ainsi, pour une bonne qualité méthodologique, elles doivent être :– contrôlées, le médicament étant évalué par rapport à un groupe contrôle afin de neutraliser les facteurs de confusion (effet placebo, évolution naturelle de la maladie, régression à la moyenne) ;– randomisées afin d’éviter les biais de sélection et obtenir des groupes comparables ;– en double aveugle pour neutraliser les biais de réali-sa tion et d’évaluation ;– analysées en intention de traiter (ITT), c’est-à-dire que les patients sont analysés dans leur groupe de traitement afin de prévenir la perte de patients. Pour présenter une bonne qualité méthodo logique,
les études cliniques doivent n’avoir qu’un critère de jugement principal. Celui-ci doit être, dans la mesure du possible, de nature clinique (morbi-mortalité, éva-luation de la qualité de vie) (tableau 1, encadré 1). Ce critère de jugement est utile au calcul du nombre de sujets nécessaires qui dépend de la différence que l’on souhaite mettre en évidence, du risque α (risque de conclure à une différence entre les groupes alors qu’elle n’existe pas) et de la puissance 1-β de l’étude (capacité de mettre en évidence une différence si elle existe).
Une étude c l in ique peut comporter des critères secon-daires d’évaluation et des ana-lyses en sous-groupes mais ceux-ci ne permet tent en aucun cas d’établir une conclusion. Les analyses en sous-groupes permettent de vérifier l’homogé-néité de l’étude. Elles exposent, en revanche, à la multiplicité des tests statistiques et à l’inflation du risque α (risque de conclure à tort à une différence alors qu’elle n’existe pas). Les patients sont inclus dans
une étude en fonction de critè-res d’inclusion et d’exclusion.Un dossier d’AMM doit justifier d’au moins deux étu-des de phase III significatives et bien conduites afin d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché.
Pourquoi réaliser des études en post-AMM ? Une évaluation insuffisante des effets secon daires
Les essais de phase III réalisés en pré-AMM sont de faible puissance en ce qui concerne l’évaluation de la sécurité. Ainsi, les effets indésirables rares ne peuvent pas être détectés. Une population sélectionnée
La population des essais de phase III est sélection-née minutieusement et ne reflète pas celle chez laquelle le médicament sera utilisé dans sa “vraie vie”. En effet, bien souvent, l’essai de phase III revendi-que l’utilisation la plus facile (ni femmes enceintes, ni jeunes enfants, ni patients polymédicamentés ou polypathologiques).Ainsi, après AMM, un grand nombre de patients exposés aux médicaments ne correspondent pas aux critères d’inclusion des essais de phase III. Il se pose également le problème du mésusage du médicament en post-AMM : non-respect de l’indi-cation, non-respect de la posologie, non-respect
Figure 1 : L’étude de phase III.
Encadré 1. Application des risques
et de la puissance à l’essai thérapeutique
Risque α : c’est considérer comme efficace un traitement qui ne
l’est pas.
Risque β : c’est ne pas conclure alors que le traitement
est efficace.
Puissance : c’est montrer l’efficacité d’un traitement réellement
efficace.
Tableau 1 : Notion de critère clinique
Situation
pathologique
Intervention
thérapeutique
Critère clinique Critère intermédiaire
(de substitution)
Infarctus
du myocarde
Fibrinolyse Décès Taux désocclusion
artérielle
Hypertension
artérielle
Antihypertenseur Accident vasculaire
cérébral (AVC)
Pression artérielle
Troubles
du rythme
Antiarythmiques Mort subite Anomalies de l’électro-
encéphalogramme
(ECG)
Infection urinaire Antibiotique Guérison clinique Stérilité des urines
Arthrose Traitement de fond Handicap Consommation
d’antalgiques
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Randomisation
Contrôlé Randomisé En double aveugle Et en intention
de traiter (TT)
et sans données
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Biais de
glleblble aveug
Biais t
tntnt tentionionEtEt en inin
Biaisd’attrition
L’essai de phase III, un essai interventionnelNé d’une démarche hypothético-déductive : prospectif
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des contre-indications, non-respect des précau-tions d’emploi, non-respect des interactions médi-camenteuses, non-respect des recommandations professionnelles.Les écarts susceptibles d’être retrouvés entre les essais et les conditions cliniques d’utilisation sont regroupés dans le tableau 2.Pour démontrer l’efficacité thérapeutique d’une nouvel le indication ou l’utilité d’une nouvelle associa-tion, il est nécessaire de réaliser une nouvelle étude clinique, dite de phase IIIb, pouvant conduire à une extension d’AMM.
Quelles sont les différentes études en pharmaco-épidémiologie ?Les études de pharmaco-épidémiologie de phase IV sont des études observationnelles réalisées en post-AMM. Leurs buts sont :– d’étudier l’efficacité sur un critère clinique dans l’indi cation de l’AMM ou sur un critère de substitu-tion (encadré 2) ;– de réaliser des études d’utilisation ;– de réaliser des études de sécurité ;– de réaliser des études marketing.
Quels sont les différents types d’études observationnelles ?Il y a trois grands types d’étude en pharmaco-épidémiologie. Les études de cohorte : elles consistent à inclure
des sujets et à assurer un suivi prospectif. Les études transversales, les plus employées à
l’officine : elles consistent à inclure des sujets et à recueillir l’information en même temps. Les études cas-témoins : elles consistent à inclure
des sujets malades et non malades, et à étudier l’expo sition à certains facteurs.
Qu’est-ce qu’un protocole d’étude ?Un protocole est un plan d’étude spécifique qui définit rigoureusement les paramètres de l’étude qui indique :– l’objectif de l’étude ;– les critères d’inclusion et d’exclusion des patients ;– le critère de jugement principal ;– le(s) critère(s) secondaire(s) ;– le calendrier de recueil des critères d’évaluation ;– le calcul du nombre de sujets nécessaires ;– le risque de première espèce α, le risque de seconde espèce β, la puissance de l’étude 1-β ;– le schéma de l’étude (transversale ou autre) ;– les dates de début et de fin d’étude ;– la méthodologie de l’analyse statistique ;– les différentes procédures réglementaires au bon déroulement de l’étude (autorisation légale de données de protec tion des patients en respect des règles édic-tées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou le Comité de protection des personnes).
ConclusionDepuis une petite dizaine d’années, les pharmaciens d’officine sont devenus des investigateurs d’étude. Les études pharmaco-épidémiologiques peuvent être demandées directement par les agences du médica-ment. À visée médico-marketing, elles sont réalisées par l’industrie pharmaceutique ou sous-traitées par des Contract Research Organization (CRO). �
François Pillon
Docteur en pharmacie et en médecine,
Chef de clinique en pharmacologie clinique, Dijon (21)
Yves Michiels
Maître de conférence associé, Faculté de pharmacie, Dijon (21)
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Pour en savoir plus
Cucherat M, Lievre M, Leizorovicz A, Boissel JB, Lecture critique et interprétation des résultats des essais cliniques pour la pratique médicale. Paris: Flammarion Médecine-Sciences; 2004.
Tableau 2 : Écarts entre essais
et conditions cliniques d’utilisation
Contexte d’utilisation
du médicament
Caractéristiques de la population
Dans les essais Patients exclus (sans domicile fixe, alcooliques,
etc.)
Limitation des polypathologies, des traitements
concomitants
Surveillance très attentive du traitement
Observance encouragée
Bas risque
Dans les conditions
cliniques d’utilisation
Pas d’exclusion
Patients à haut risque à traiter
Polypathologies, nombreux traitements
concomitants
Surveillance du traitement souvent aléatoire
Durée de traitement souvent différente
Observance inconnue
Encadré 2. Qu’est-ce qu’un critère
de substitution ?